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Article de revue

Comptes rendus. Daniel Mendelsohn. Les disparus. trad. par P. Guglielmina, Paris, Flammarion, [2006] 2007, 649 p.

Pages 860 à 864

Notes

  • [1]
    Daniel Mendelsohn, Une odyssée. Un père, un fils, une épopée, trad. par I. Taudière et C. Meyer, Paris, Flammarion, 2017.
  • [2]
    Laurent Demanze, Un nouvel âge de l’enquête. Portraits de l’écrivain contemporain en enquêteur, Paris, Éd. Corti, 2019.
  • [3]
    Cette réflexion sur les boucles narratives a été récemment poursuivie dans Daniel Mendelsohn, Trois anneaux. Un conte d’exils, trad. par I. Taudière, Paris, Flammarion, 2020.
  • [4]
    Tal Bruttmannet al. (dir.), Pour une microhistoire de la Shoah, Paris, Éd. du Seuil, 2012.

1L’histoire est une chose trop sérieuse pour être confiée aux historiens. Ceux-ci, du moins, n’en ont pas le monopole. En tant que discipline savante, l’histoire doit se plier à certaines contraintes : la discussion des résultats par les pairs, le respect des règles de méthode dans la critique et l’utilisation des sources. C’est à ce titre qu’elle peut revendiquer une autorité spécifique dans la connaissance du passé. Mais il existe d’autres façons d’écrire l’histoire, ou du moins de raconter et de comprendre le passé. Les pratiques commémoratives et mémorielles permettent d’ajuster le rapport qu’une communauté donnée, qu’elle soit familiale, locale ou nationale, entretient avec son propre passé. De même, les écrivains, les artistes, les militants investissent aussi le passé. Ils s’appuient sur les apports des historiens, mais avec d’autres finalités et d’autres libertés que celles de la connaissance scientifique. Ces usages du passé, parfaitement légitimes, entrent parfois en concurrence, voire en rivalité, avec l’histoire professionnelle. Ils peuvent aussi s’en nourrir, ou à l’inverse lui servir d’aiguillon, quelquefois même de modèle. Il arrive ainsi que certains dispositifs narratifs, issus des usages profanes de l’histoire, exercent une puissante attraction sur les historiens professionnels.

2L’ouvrage de Daniel Mendelsohn est un de ces livres rares qui ont rencontré un grand succès public et critique tout en étant bien reçus des historiens. Spécialiste de littérature ancienne, critique littéraire et collaborateur régulier de la New York Review of Books, D. Mendelsohn a publié en 2006 cet ouvrage qui échappe à toute catégorisation simple. Ce n’est pas un livre d’histoire, au sens universitaire du terme. Ce n’est pas non plus un roman et il ne se présente pas comme tel. La « note de l’auteur » affirme que « les événements rapportés dans ce livre sont vrais » (p. 635), nouant ainsi avec le lecteur un pacte de véridicité historique que rien ne vient troubler. Disons, pour aller vite, que le livre est une enquête, à mi-chemin entre le récit d’une histoire familiale et certaines formes du journalisme américain contemporain. L’auteur, né en 1960, décide, la quarantaine venue, de découvrir ce qui est arrivé, pendant la Seconde Guerre mondiale, au frère de son grand-père, Shmiel Jäger, à sa femme, Esther, et à leurs quatre filles, Lorka, Frydka, Ruchele et Bronia. Alors que le reste de la famille avait quitté la Pologne pour les États-Unis plusieurs années avant la guerre, Shmiel, sa femme et ses filles sont restés vivre dans le shtetl de Bolechow. Lorsqu’ils ont cherché à partir, en 1939, il était trop tard, et leurs courriers pathétiques sont restés sans effet, si ce n’est sans réponse. Leur destin tragique est le point aveugle de l’histoire familiale, une sorte de tabou dont on ne parle jamais. Que leur est-il vraiment arrivé ? Longtemps, D. Mendelsohn ne s’est même pas posé la question. C’est seulement après la mort de son grand-père, une fois disparu celui qui, peut-être, aurait pu le lui raconter, qu’il a ressenti le besoin d’en apprendre davantage.

3L’enquête conduit le narrateur et son frère cadet Matt, photographe, de l’Ukraine à l’Australie, d’Israël en Suède, de Londres au Danemark, à la recherche de témoins de la tragédie. Le livre mêle ainsi, très adroitement, le récit de ces destins brisés et les échanges avec les survivants. Les passages qui retracent les Aktionen des Einzatsgruppen, les exécutions sommaires, la déportation de 1942 à Belzec, les derniers massacres de 1943, sont adoucis par de longs récits des rencontres que fait D. Mendelsohn, au cours des années 2000, avec quelques survivants ayant reconstruit leur vie à l’autre bout du monde, livrant avec réticence ou soulagement des bribes de souvenirs. Le premier versant est terrible : c’est un livre sur la Shoah, non seulement sur la solution finale, mais aussi sur les violences entre voisins, sur la destruction complète de la vie juive en Pologne. Le second versant est émouvant, parfois drôle. Il offre des portraits touchants de ces anciens de Bolechow, qui ont survécu en restant cachés dans des caves ou en s’enfuyant assez tôt, et il permet d’éclairer la vie des quatre filles de Shmiel et Esther Jäger, grâce aux récits de leurs camarades d’adolescence. D. Mendelsohn ne se contente pas de documenter la catastrophe, mais réussit à dessiner des portraits sensibles de ces jeunes femmes qui, avant de périr prématurément et tragiquement, ont néanmoins vécu, si brèves que furent leurs vies assassinées.

4Une des originalités du livre est de nouer à ces deux récits entremêlés un troisième niveau : quelques épisodes essentiels de la Torah – la Genèse, le Déluge, l’histoire d’Abraham – qui font écho à la fois à la catastrophe et aux questions métaphysiques ou morales que se pose le narrateur, par exemple sur le rapport entre frères, sur la destruction massive ou sur les vies en exil. Le pari était risqué, d’autant que D. Mendelsohn n’hésite pas à confronter ses propres commentaires à ceux de grands rabbins, comme Rachi. Or, contre toute attente, ces commentaires bibliques ne sont ni ennuyeux ni déplacés. Ils donnent à la tragédie de cette famille une dimension presque mythique. Le judaïsme n’est pas seulement perçu comme la religion des victimes, la macule qui suscite la haine et le crime, mais aussi comme un substrat culturel et intellectuel de grande ampleur, la source d’une réflexion inépuisable sur l’homme. D. Mendelsohn, spécialiste de littérature grecque, aime jouer avec les grands mythes occidentaux, pour révéler leur capacité d’actualisation, à la fois à l’échelle de l’histoire occidentale et en résonance avec les questions intimes que chacun peut se poser. Dans un cadre différent, et plus solaire, il utilise un dispositif semblable dans son livre suivant : Une odyssée, qui entremêle un récit personnel des relations complexes que le narrateur entretient avec son père et les commentaires d’Homère qu’il propose à ses étudiants [1].

5Le succès mondial des Disparus est aussi l’affaire d’une génération : celle des petits-enfants, ceux qui ont grandi à distance de la guerre et qui découvrent, à l’âge adulte, que la mémoire ne leur a pas été véritablement transmise et que les derniers témoins sont en train de disparaître. Quand ils étaient plus jeunes, la guerre leur paraissait une histoire lointaine, ancienne. Voici qu’elle les rattrape et les tourmente, comme un vide angoissant dans la mémoire familiale. Leur désir de percer le mystère de ces vies disparues se double d’un certain effroi : pourquoi ne s’y sont-ils pas intéressés plus tôt ? D. Mendelsohn regrette de n’avoir pas interrogé son grand-père avant sa mort. Il s’étonne de découvrir qu’il a connu, enfant, certaines personnes dont il s’enquiert, sous la forme de vieilles tantes ou de vieux oncles, sans charme ni prestige. Le désir de connaître l’histoire de sa famille procède d’une insatisfaction, d’un manque, mais aussi d’une forme de mauvaise conscience :« Il s’agissait donc d’une sorte de culpabilité, autant que d’une curiosité » (p. 101). Le résultat est moins un livre sur la mémoire qu’un travail patient visant à pallier une transmission mémorielle défaillante et à la susciter avant qu’il ne soit trop tard.

6C’est la raison pour laquelle l’ouvrage prend la forme d’une enquête. Le souvenir ne s’impose pas de lui-même : il faut le susciter, le provoquer. Il se mérite et se gagne. La vérité est le fruit d’un travail. Le narrateur met en scène sa recherche, les doutes qui l’assaillent, les détails matériels de l’investigation, les voyages à l’étranger, les rencontres avec les témoins, la lecture de livres, la découverte de documents. On reconnaît l’influence de l’écriture journalistique américaine, celle des enquêtes du New Yorker, par exemple. Mais D. Mendelsohn lui donne une tout autre ampleur, en totale adéquation avec un courant majeur de la littérature contemporaine qui a irrigué, progressivement, les sciences humaines. Ce « nouvel âge de l’enquête », diagnostiqué par Laurent Demanze, a été pour de nombreux écrivains l’instrument d’un retour au réel qui évite tout réalisme naïf [2]. On pense bien sûr au Dora Bruder de Patrick Modiano, mais encore à des entreprises aussi diverses que celles d’Emmanuel Carrère, de Philippe Vasset, de Philippe Jaenada ou de Javier Cercas. Certains jouent avec les codes du roman policier, d’autres plutôt avec ceux de l’enquête historique ou journalistique. Tous insistent sur l’engagement de l’auteur/narrateur dans la fabrication du monde. Ce format s’est ainsi révélé une frontière poreuse d’échanges épistémologiques entre l’écriture littéraire et scientifique. De nombreux historiens s’en sont à leur tour saisis pour exposer aux lecteurs les conditions mêmes de leur travail tout comme l’incertitude et les limites du savoir produit.

7Si la forme enquête peut, en principe, se prêter à toutes sortes de sujets, les historiens l’ont particulièrement utilisée pour explorer leur propre histoire familiale, notamment à travers les vicissitudes des conflits du xxe siècle. Dans une perspective très proche de celle de D. Mendelsohn, Ivan Jablonka a écrit « l’histoire des grands-parents qu’[il n’a] pas eus », présentée comme une « enquête » et proposée comme un nouveau modèle historiographique. Dans une perspective différente, plus ancrée sur la Première Guerre mondiale, Stéphane Audoin-Rouzeau s’est penché sur les expériences de la guerre vécues par ses grands-pères, mais aussi sur leur transmission paradoxale – notamment sous la forme de l’antimilitarisme de son propre père, écrivain surréaliste et pacifiste convaincu. Plus récemment, Philippe Sands a construit sa réflexion sur l’émergence, en droit international, du crime contre l’humanité et du génocide en confrontant les destins de deux figures majeures, Hersch Lauterpacht et Raphael Lemkin, et l’histoire de son propre grand-père, Leon Buchholz, les trois hommes ayant vécu à Lemberg (aujourd’hui Lviv), située à quelques kilomètres du Bolechow de D. Mendelsohn.

8Comment expliquer le succès de ces enquêtes à la première personne sur le passé familial ? Faut-il y voir un effet de mode éditorial, à l’heure où les monographies plus classiques ne font plus recette ? Un symptôme du narcissisme contemporain, qui conduit à une hypertrophie de la subjectivité, là où triomphait naguère une revendication d’objectivité fondée sur l’effacement auctorial ? Ou encore une conséquence du désarroi politique et historique contemporain, la proclamation postmoderne de la fin des grands récits collectifs ayant conduit à une prolifération des petites histoires individuelles ? Ce serait sans doute réducteur, voire injuste, même s’il ne fait guère de doute que les chercheurs en sciences sociales sont encouragés à raconter autrement leurs travaux, et qu’il est naturel – et sain – qu’ils cherchent dans des expérimentations littéraires actuelles des outils à la fois cognitifs et narratifs. Les enquêtes familiales répondent ainsi à deux exigences. D’une part, dépasser l’alternative stérilisante entre l’objectivité réaliste et les mirages de la fiction : la mise en scène du travail concret de l’enquête historienne permet de montrer que le savoir, pour être le produit d’une subjectivité, n’en est pas moins appuyé sur une pratique savante. D’autre part, assumer les attachements qui lient l’historienne ou l’historien au passé étudié : la transmission familiale est la figure emblématique des chaînes affectives et symboliques qui dépassent l’histoire individuelle. D. Mendelsohn, s’il n’est pas lui-même historien, offre ainsi un modèle narratif, dans lequel l’enquête devient une initiation et transforme le narrateur, comme elle peut transformer l’historien. Ce n’est plus seulement la subjectivité qui modifie la perception et le récit des événements, c’est le processus de connaissance qui fait évoluer l’auteur.

9Sa réflexion sur l’écriture de l’histoire ne s’arrête pas là. Le livre est en effet composé de boucles narratives, de reprises, d’échos, de retours en arrière. Cet effort pour rompre avec le récit linéaire, qui conduirait de façon trop évidente le destin des Jäger de Bolechow vers sa fin tragique, s’accompagne d’une réflexion sur les formes du récit, D. Mendelsohn se réclamant explicitement du modèle grec. L’ironie est que le grand-père du narrateur – incarnation à ses yeux de la judéité – racontait des « histoires », des anecdotes personnelles et familiales de cette manière. Peut-on raconter l’histoire comme on narre des histoires, en jouant sur la patience du lecteur, sur le plaisir d’un récit sinueux et virtuose qui prend son temps et joue de ses effets ? Peut-être est-ce justement la bonne façon de la relater, une manière en tout cas d’échapper aux explications trop simples, celles que l’on cherche spontanément pour donner une signification à ce qui n’en a pas, pour se convaincre que les destins ont une logique et l’histoire, un sens [3].

10Une conséquence de ce choix narratif est que l’enquête n’est pas seulement un dispositif qui encadre le récit principal : elle devient le véritable objet du livre. Les survivants ne sont plus de simples témoins, ils prennent consistance, leurs propres histoires sont elles-mêmes racontées, comme celle d’Adam Kulberg qui a fui à travers toute l’Europe avant de revenir combattre dans un régiment polonais de l’armée russe et de participer à la chute de Berlin. La présence, dans le livre, de leurs portraits photographiques, réalisés par Matt, fait d’eux de véritables personnages, attachants et fortement individualisés. Le récit circonstancié des discussions en yiddish autour de plats traditionnels donne à leur parole une intensité dramatique qui va bien au-delà du contenu de leurs souvenirs et s’inscrit fortement dans un présent incarné, mais voué à disparaître. Ce tact à l’égard des témoins, devenus des figures importantes du récit, n’est pas le moindre mérite de l’ouvrage. Celui-ci est aussi un hommage à cette culture juive d’Europe centrale dont ils sont les derniers représentants.

11L’histoire est donc une question d’incarnation, autant que de narration. Mais celle des disparus, comment la raconter ? D. Mendelsohn n’écrit pas une histoire de la Shoah, mais celle d’une famille. Il est convaincu qu’il est plus facile d’intéresser le lecteur au sort d’individus spécifiques qu’à des processus collectifs anonymes. Toutefois, son souci est d’abord éthique. Raconter une histoire particulière, dans son attention aux détails, y compris les plus anodins, c’est échapper au piège de la généralisation, de l’approche massive et statistique de la Shoah, où l’immensité des chiffres produit des effets paradoxaux : de sidération devant l’ampleur du crime, mais aussi d’effacement de la compréhension du drame. Ce piège d’une mémoire trop massive a un nom : Auschwitz. La visite sur les lieux du camp est une déception : « Pour moi, Auschwitz représentait le contraire de ce qui m’intéressait et […] de la raison pour laquelle j’avais fait ce voyage. Auschwitz, désormais, est devenu, en un seul mot, le symbole géant, la généralisation grossière, la formule consacrée de ce qui est arrivé aux Juifs en Europe – même si ce qui s’est passé à Auschwitz n’est pas arrivé, en fait, à des millions de Juifs dans des endroits comme Bolechow, des Juifs qui ont été alignés et abattus au bord de fosses communes […] » (p. 146). L’ouvrage, à l’inverse, vise à échapper à l’emprise des symboles, aussi utiles soient-ils pour sensibiliser le public à l’horreur de la solution finale : « C’était pour sauver mes parents des généralités, des symboles, des abréviations, pour leur rendre leur particularité et leur caractère distinctif, que je m’étais lancé dans ce voyage étrange et ardu. »

12Ce parti pris pose enfin une autre question, si familière aux historiens depuis une trentaine d’années : celle de l’étude de cas et de la généralisation. D. Mendelsohn insiste sur le fait qu’il raconte le destin de six personnes, un « petit pan d’histoire » qui ne doit pas être écrasé par l’immensité du drame historique (p. 147). Néanmoins, cette histoire elle-même ne prend sens, pour le lecteur et pour l’auteur, qu’en raison de l’importance de cette tragédie au xxe siècle. Comment la destinée de ces « six parmi six millions » éclaire-t-elle, en retour, cette histoire plus vaste, sans laquelle elle serait incompréhensible ? C’est une question que D. Mendelsohn n’aborde pas directement, mais qui a en revanche alimenté la réflexion des historiennes et des historiens de la Shoah ces dernières années : à quelle échelle peut-on saisir au mieux les mécanismes de la destruction systématique des juifs d’Europe [4] ?

13Au moment d’imaginer la façon dont les juifs de Bolechow ont pu vivre les horreurs des Aktionen, l’auteur prend garde à ne pas chercher à reconstituer leur expérience ou à imaginer leurs réactions. Il faut résister, dit-il, « à toute tentation de ventriloquie, d’‘imagination’ ou de ‘description’ de quelque chose qui n’a tout simplement aucun équivalent dans notre expérience de la vie » (p. 290). Cette prudence est d’une grande importance, car elle permet d’éviter deux périls : celui de la fiction, même tacite, qui viendrait combler les vides de la documentation, et celui de l’héroïsation morale, lorsque l’historien se croit chargé de réparer les torts de l’histoire à l’égard des victimes. Si ces deux tentations sont écartées, c’est que D. Mendelsohn médite, tout au long de l’enquête, sur les pouvoirs mais aussi la responsabilité du narrateur qui doit trouver l’équilibre entre proximité et distance et penser sa propre place dans la transmission de l’histoire qu’il raconte.

14Si Les disparus ont fortement impressionné de nombreux historiens, il n’est pas certain que le modèle soit facile à reproduire, tant la réussite est d’abord une affaire de tact et de sensibilité. Le livre n’est porté ni par un geste vengeur ni par une ambition rédemptrice. Sa grande réussite est d’avoir su trouver un équilibre délicat entre la reconstitution du sort des victimes et l’enquête du narrateur sur lui-même, sur les liens qui l’attachent au passé, mais aussi aux vivants, à travers ces fragments brisés de mémoire tragique ou mélancolique. Pour faire partager au lecteur cette intensité de l’expérience, D. Mendelsohn n’a pas hésité à creuser la dimension littéraire de l’enquête, en la traitant comme une réflexion personnelle sur le temps qui passe – à l’échelle de l’histoire, comme au niveau de l’individu. Il n’est pas anodin que cette méditation, plus mélancolique que pathétique, sur l’histoire et la mémoire soit placée sous les auspices de Marcel Proust : « Quand nous avons dépassé un certain âge, l’âme de l’enfant que nous fûmes et l’âme des morts dont nous sommes sortis viennent nous jeter à poignée leurs richesses et leurs mauvais sorts » (p. 11).

15AHSS, 75-3/4, 10.1017/ahss.2021.32


Date de mise en ligne : 25/08/2021

Notes

  • [1]
    Daniel Mendelsohn, Une odyssée. Un père, un fils, une épopée, trad. par I. Taudière et C. Meyer, Paris, Flammarion, 2017.
  • [2]
    Laurent Demanze, Un nouvel âge de l’enquête. Portraits de l’écrivain contemporain en enquêteur, Paris, Éd. Corti, 2019.
  • [3]
    Cette réflexion sur les boucles narratives a été récemment poursuivie dans Daniel Mendelsohn, Trois anneaux. Un conte d’exils, trad. par I. Taudière, Paris, Flammarion, 2020.
  • [4]
    Tal Bruttmannet al. (dir.), Pour une microhistoire de la Shoah, Paris, Éd. du Seuil, 2012.

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