Couverture de ANNA_753

Article de revue

Une revue, un lecteur

Pages 709 à 723

Notes

  • [1]
    Marc Bloch et Lucien Febvre, « Au lecteur », Annales d’histoire sociale, 1-1, 1939, p. 5-6, ici p. 5. Le texte reprenait, avec modifications, l’« appel » (« À nos lecteurs ») paru en tête du dernier numéro des Annales d’histoire économique et sociale, 10-54, 1938, p. 481-482, juste avant le changement de nom de la revue.
  • [2]
    Lucien Febvre, « Vingt ans après », Annales ESC, 4-1, 1949, p. 1-3, reproduit dans le présent numéro : « 90 ans d’éditoriaux », p. 725-796.
  • [3]
    Fernand Braudel, « Les Annales ont trente ans (1929-1959) », Annales ESC, 14-1, 1959, p. 1-2, reproduit dans le présent numéro : « 90 ans d’éditoriaux », p. 725-796.
  • [4]
    Id., « Les ‘nouvelles’ Annales », Annales ESC, 24-3, 1969, p. 571, reproduit dans le présent numéro : « 90 ans d’éditoriaux », p. 725-796.
  • [5]
    André Burguière, « Histoire d’une histoire : la naissance des Annales » et Jacques Revel « Histoire et sciences sociales : les paradigmes des Annales », Annales ESC, 34-6, 1979, respectivement p. 1347-1359 et 1360-1376.
  • [6]
    Éditorial, « Les Annales, 1929-1979 », Annales ESC, 34-6, 1979, p. 1344-1346, reproduit dans le présent numéro : « 90 ans d’éditoriaux », p. 725-796.
  • [7]
    Voir le célèbre texte de Lucien Febvre, « Face au vent. Manifeste des Annales nouvelles », Annales ESC, 1-1, 1946, p. 1-8, reproduit dans le présent numéro : « 90 ans d’éditoriaux », p. 725-796.
  • [8]
    Éditorial, « Histoire et sciences sociales. Un tournant critique ? », Annales ESC, 43-2, 1988, p. 291-293, reproduit dans le présent numéro : « 90 ans d’éditoriaux », p. 725-796 ; dossier « Histoire et modélisation », Annales ESC, 43-1, 1988, p. 5-110.
  • [9]
    Bernard Lepetit, « Espace et histoire. Hommage à Fernand Braudel », Annales ESC, 41-6, 1986, p. 1187-1191.
  • [10]
    Éditorial, « Tentons l’expérience », Annales ESC, 44-6, 1989, p. 1317-1323, reproduit dans le présent numéro : « 90 ans d’éditoriaux », p. 725-796.
  • [11]
    Paul Ricœur, La mémoire, l’histoire, l’oubli, Paris, Éd. du Seuil, 2000, p. 267-301.
  • [12]
    Michael Werner et Bénédicte Zimmermann, « Penser l’histoire croisée : entre empirie et réflexivité », Annales HSS, 58-1, 2003, p. 7-36.
  • [13]
    Bernard Lepetit (dir.), Les formes de l’expérience. Une autre histoire sociale, Paris, Albin Michel, 1995 ; Jacques Revel (dir.), Jeux d’échelles. La micro-analyse à l’expérience, Paris, Gallimard/Éd. du Seuil, 1996.
  • [14]
    Roger Chartier, « Le monde comme représentation », Annales ESC, 44-6, 1989, p. 1505-1520.
  • [15]
    Angelo Torre, « Percorsi della pratica 1966-1995 », Quaderni storici, 30, 90-3, 1995, p. 799-829 ; Roger Chartier « Rappresentazione della pratica, pratica della rappresentazione », Quaderni storici, 31, 92-2, 1996, p. 487-493.
  • [16]
    Nicolas Roussellier, « Les revues d’histoire », in F. Bédarida, L’histoire et le métier d’historien en France, 1945-1995, Paris, Éd. de la MSH, 1995, p. 127-146.
  • [17]
    Paul Bairoch, « Les trois révolutions agricoles du monde développé : rendements et productivité de 1800 à 1985 », Annales ESC, 44-2, 1989, p. 317-353 ; Albert O. Hirschman, « Deux cents ans de rhétorique réactionnaire : le cas de l’effet pervers », Annales ESC, 44-1, 1989, p. 67-86 ; Witold Kula, « Mon ‘éducation sentimentale’ », Annales ESC, 44-1, 1989, p. 133-146.
  • [18]
    François Hartog, « Temps et histoire. ‘Comment écrire l’histoire de France ?’ », Annales HSS, 50-6, 1995, p. 1219-1236 ; François Hartog et Gérard Lenclud, « Régimes d’historicité », in A. Dutu et N. Dodille (dir.), L’état des lieux en sciences sociales, Paris, L’Harmattan, 1993, p. 18-38.
  • [19]
    Sur l’Amérique latine, il faut signaler l’impressionnant numéro spécial « À travers les Amériques latines », Annales ESC, 3-4, 1948, qui comporte une introduction de Lucien Febvre et des contributions de Roger Bastide, Marcel Bataillon, Fernand Braudel, Roger Caillois, Pierre Chaunu, Pierre Vilar et Silvio Zavala, entre autres. L’attention portée à cette aire géographique est cependant continue et persiste sous la forme de comptes rendus et des nombreuses contributions d’historiens latino-américains. Concernant l’Asie, si l’intérêt se révèle plus fragmentaire et plus tardif, il est toutefois bien visible dès les années 1960, surtout pour l’Inde et la Chine, grâce notamment à Louis Dumont, Jacques Gernet et Atsuhiko Yoshida.
  • [20]
    Voir notamment le n° spécial « Histoire sociale de la RDA », Annales HSS, 53-1, 1998 et le dossier « Retour sur l’URSS », Annales ESC, 47-4/5, 1992, p. 963-1002.
  • [21]
    Dossier « Le corps dans la Première Guerre mondiale », Annales HSS, 55-1, 2000, p. 43-151.
  • [22]
    À titre d’exemples, voir les dossiers « La population et le politique », Annales ESC, 46-1, 1991, p. 133-187 ; « Littérature et politique », Annales ESC, 46-5, 1991, p. 1071-1113 ; « Le droit, la politique et la monarchie française », Annales HSS, 52-4, 1997, p. 799-852.
  • [23]
    Dossiers « La Révolution française », Annales ESC, 44-1, 1989, p. 3-86 et Annales ESC, 46-4, 1991, p. 917-970. Voir aussi, l’année suivante, la discussion entre Michel Troper et François Furet : Michel Troper, « Sur l’usage des concepts juridiques en histoire » et François Furet, « Concepts juridiques et conjoncture révolutionnaire », Annales ESC, 47-6, 1992, respectivement p. 1171-1183 et 1185-1194, ainsi que l’ensemble de comptes rendus « La Révolution française », Annales ESC, 52-4, 1997, p. 917-955.
  • [24]
    Gareth Stedman Jones, « Une autre histoire sociale ? (note critique) » Annales HSS, 53-2, 1998, p. 383-394.
  • [25]
    Nous pensons ici à Reinhart Koselleck (« Structures fédérales de l’histoire allemande », 15e conférence Marc-Bloch, 22 juin 1993), à Quentin Skinner (« La philosophie et le rire », 23e conférence Marc-Bloch, 12 juin 2001) ou à Claude Lefort (« Fragilité et fécondité des démocraties. La dissolution des repères de la certitude », 31e conférence Marc-Bloch, 9 juin 2009), dont les textes intégraux sont disponibles en ligne : https://www.ehess.fr/fr/conf%C3%A9rences-marc-bloch. D’autres conférences Marc-Bloch ont cependant été publiées dans la revue : voir, par exemple, Jan Assman, « Monothéisme et mémoire. Le Moïse de Freud et la tradition biblique », Annales HSS, 54-5, 1999, p. 1011-1026 ; Paul Ricœur, « L’écriture de l’histoire et la représentation du passé », Annales HSS, 55-5, 2000 ; Charles Malamoud, « Les contours de la mémoire dans l’Inde brahmanique », Annales HSS, 57-5, 2002, p. 1151-1162.
  • [26]
    Dossier « Une histoire à l’échelle globale », Annales HSS, 56-1, 2001, p. 3-50.
  • [27]
    Voir notamment, sur la Chine, le dossier « Science et religion en Chine », Annales HSS, 59-4, 2004, p. 695-756 et le n° spécial « Chine », Annales HSS, 61-6, 2006 ; sur l’Inde, Charles Malamoud, « Les contours de la mémoire dans l’Inde brahmanique », Annales HSS, 57-5, 2002, p. 1151-1162 ; sur l’ancienne Mésopotamie, Jean-Jacques Glassner, « Des dieux, des scribes et des savants. Circulation des idées et transmission des écrits en Mésopotamie », Annales HSS, 60-3, 2005, p. 483-506 et Jean-Louis Huot, « Vers l’apparition de l’État en Mésopotamie. Bilan des recherches récentes », Annales HSS, 60-5, 2005, p. 953-973 ; sur l’Afrique subsaharienne, Éloi Ficquet et Aïssatou Mbodj-Pouye (dir.), n° spécial « Cultures écrites en Afrique », Annales HSS, 64-4, 2009.
  • [28]
    Henri Favre, « Chiapas 1993. Tentative d’analyse d’une situation insurrectionnelle », Annales HSS, 57-5, 2002, p. 1251-1289 ; Olivier Roy, « De la stabilité de l’État en Afghanistan », Annales HSS, 59-5/6, 2004, p. 1183-1202 ; Fréderic Giraut, Sylvain Guyot et Myriam Houssay-Holzschuch, « La nature, les territoires et le politique en Afrique du Sud », Annales HSS, 60-4, 2005, p. 695-717 ; dossier « Histoire palestinienne » et ensemble de comptes rendus « Israël/Palestine », Annales HSS, 60-1, 2005, respectivement p. 35-126 et 129-161 ; Dru C. Gladney, « La question Ouïgour. Entre islamisation et ethnicisation », Annales HSS, 59-5/6, 2004, p. 1157-1182.
  • [29]
    Dossier « Les statuts sociaux au Japon (xviie-xixe siècle) », Annales HSS, 66-4, 2011, p. 955-1077. C’est aussi le cas, en partie, du dossier « La geste indianiste. Du saint guerrier aux héros paysans », Annales HSS, 60-2, 2005, p. 233-292.
  • [30]
    Deux numéros spéciaux constituent des moments clefs : Jacques Revel, John V. Murra et Nathan Wachtel (dir.), n° spécial « Anthropologie historique des sociétés andines », Annales ESC, 33-5/6, 1978 et Jacques Poloni-Simard (dir.), n° spécial « Amériques coloniales. La construction de la société », Annales HSS, 62-3, 2007. Citons aussi au moins deux étapes intermédiaires : dossier « Les hommes et la terre en Amérique latine », Annales HSS, 50-6, 1995, p. 1309-1360 ; dossier « Brésil colonial. Économie de la traite et résistance servile » et ensemble de comptes rendus « Historiographie brésilienne », Annales HSS, 61-2, 2006, respectivement p. 337-427 et 429-480. Le périmètre délimité contient une extension géographique, mais toujours au sein de l’Amérique coloniale.
  • [31]
    Roger Chartier, « La conscience de la globalité (commentaire) » et Maurice Aymard, « De la Méditerranée à l’Asie : une comparaison nécessaire (commentaire) », Annales HSS, 56-1, 2001, respectivement p. 119-123 et 43-50.
  • [32]
    R. Bin Wong, « Entre monde et nation : les régions braudéliennes en Asie », Annales HSS, 56-1, 2001, p. 5-41.
  • [33]
    Sanjay Subrahmanyam, « Du Tage au Gange au xvie siècle : une conjoncture millénariste à l’échelle eurasiatique » et Serge Gruzinski, « Les mondes mêlés de la Monarchie catholique et autres ‘connected histories’ », Annales HSS, 56-1, 2001, respectivement p. 51-84 et 85-117.
  • [34]
    Voir, à ce sujet, le débat de l’année suivante sur le millénarisme entre Francisco Bethencourt, « Le millénarisme : idéologie de l’impérialisme eurasiatique ? » et Sanjay Subrahmanyam, « Ceci n’est pas un débat… », Annales HSS, 57-1, 2002, respectivement p. 189-194 et 195-201.
  • [35]
    Lucette Valensi, présentation du dossier « L’exercice de la comparaison au plus proche, à distance : le cas des sociétés plurielles », Annales HSS, 57-1, 2002, p. 27-30. Voir aussi Marcel Detienne, Comparer l’incomparable, Éd. du Seuil, 2000.
  • [36]
    M. Werner et B. Zimmermann, « Penser l’histoire… », art. cit.
  • [37]
    Dossier « Les espaces frontières », Annales HSS, 58-5, 2003, p. 979-1053.
  • [38]
    Beatriz Bragoni, « La justice révolutionnaire en Amérique du Sud pendant les guerres d’indépendance. Le procès des frères Carrera (1818) », Annales HSS, 63-5, 2008, p. 949-976 ; Sylvie Thénault, « L’OAS à Alger en 1962. Histoire d’une violence terroriste et de ses agents », Annales HSS, 63-5, 2008, p. 977-1001 ; Frédéric Audren et Dominique Linhardt, « Un procès hors du commun ? Histoire d’une violence terroriste et de ses agents », p. 1003-1034.
  • [39]
    Michael Oakeshott, On History and Other Essays, Londres, B. Blackwell, 1983.
  • [40]
    Yan Thomas (dir.), n° spécial « Histoire et droit », Annales HSS, 57-6, 2002.
  • [41]
    Dossier « Lire Le capital de Thomas Piketty », Annales HSS, 70-1, 2015, p. 5-138 ; dossier « La longue durée en débat », Annales HSS, 70-2, 2015, p. 285-378.
  • [42]
    Dossier « Penser la crise des banlieues », Annales HSS, 61-4, 2006, p. 755-859, ici p. 755 ; dossier « Anthropocène », Annales HSS, 72-2, 2017, p. 267-378.
  • [43]
    Étienne Anheim et Antoine Lilti, « Introduction », É. Anheim et A. Lilti (dir.), n° spécial « Savoirs de la littérature », Annales HSS, 65-2, 2010, p. 253-260, en particulier p. 253.
  • [44]
    « Éditorial », A. Ingold (dir.), n° spécial « Environnement », Annales HSS, 66-1, 2011, p. 5-7, reproduit dans le présent numéro : « 90 ans d’éditoriaux », p. 725-796.
  • [45]
    Éditorial, « Les Annales, aujourd’hui, demain », Annales HSS, 67-3, 2012, p. 557-560, ici p. 560, reproduit dans le présent numéro : « 90 ans d’éditoriaux », p. 725-796.
  • [46]
    Romain Bertrand et Guillaume Calafat, « La microhistoire globale : affaire(s) à suivre », Annales HSS, 73-1, 2018, p. 3-18.
  • [47]
    Lokman I. Meho, « The Rise and Rise of Citation Analysis », Physics World, 20-1, 2007, https://arxiv.org/ftp/physics/papers/0701/0701012.pdf ; David P. Hamilton, « Publishing by — and for? — the Numbers », Science, 250-4986, 1990, p. 1331-1332.
  • [48]
    Éditorial, « Classer, évaluer », Annales HSS, 63-6, 2008, p. 1-4, reproduit dans le présent numéro : « 90 ans d’éditoriaux », p. 725-796.
  • [49]
    Janet Finchet al., « Accessibility, Sustainability, Excellence: How to Expand Access to Research Publications », rapport du groupe de travail sur l’extension de l’accès aux résultats de la recherche publique, 2012, https://www.sconul.ac.uk/sites/default/files/documents/finch-report-final.pdf. Sur ce rapport, voir aussi le bilan dressé par Liam Earney, « Considering the Implications of the Finch Report », Jisc, 2018, https://repository.jisc.ac.uk/7081/1/2018JiscOABriefingConsideringFinch.pdf.
  • [50]
    Anthony Grafton, cité par Robert B. Townsend, « Peer Review, History Journals, and the Future of Scholarly Research », Perspectives on History: AHA Today, 2013, https://www.historians.org/publications-and-directories/perspectives-on-history/january-2013/peer-review-history-journals-and-the-future-of-scholarly-research.
  • [51]
    James A. Evans, « Electronic Publication and the Narrowing of Science and Scholarship », Science, 321-5887, 2008, p. 395-399. Pour un point de vue plus optimiste qui conteste les conclusions de James Evans et, indirectement, celles de David P. Hamilton et Lokman I. Meho, voir Vincent Larivière, Yves Gingras et Éric Archambault, « The Decline in the Concentration of Citations, 1900-2007 », Journal of the American Society for Information Science and Technology, 60-4, 2009, p. 858-862. Le problème semble cependant surtout persistant dans le domaine des humanities.

1Trente ans… Nous sommes prisonniers de multiples conventions, dont certaines, comme le système de numération décimale, sont très anciennes et nous précèdent largement. À la suite des fondateurs et pendant une soixantaine d’années, les responsables des Annales sont intervenus à un rythme décennal pour faire le point sur le projet dont la revue était porteuse. Marc Bloch et Lucien Febvre dressèrent un premier bilan au bout de dix ans, en 1939, après avoir fait savoir que la revue des Annales d’histoire économique et sociale changeait de titre pour adopter celui d’Annales d’histoire sociale, mais que l’essentiel était sauf : « l’esprit des Annales[1] » – une formule vouée à être souvent reprise au fil des ans.

2L. Febvre renouvelle l’expérience en 1949, dans un éditorial dont le titre, « Vingt ans après », n’est pas sans rappeler Alexandre Dumas [2]. Le directeur y souligne à la fois la continuité et l’expansion d’un projet qui rattache à la revue non seulement une série de publications, mais aussi et surtout une création institutionnelle : celle de la VIe section de l’École pratique des hautes études et, en son sein, du Centre de recherches historiques, sorte de poumon externe avec lequel l’équipe de rédaction allait entretenir des relations complexes, qui devaient durablement caractériser son activité. Une revue donc qui, au-delà de sa spécificité et de ses choix, ne serait jamais plus uniquement une revue, mais qui devrait désormais être comprise comme un point au sein d’un réseau élargi à la nouvelle institution et, plus tard, à la Maison des sciences de l’homme ainsi qu’à leurs partenaires.

3En 1959, Fernand Braudel est aux commandes de la revue. L’éditorial décennal reste fidèle à la tradition et revendique une continuité avec les pères fondateurs [3]. Il plaide aussi pour une confrontation et, à terme, une convergence des sciences humaines, célébrant par avance le succès d’un projet appelé à devenir le cadre général d’une histoire scientifique. Dix ans plus tard, en 1969, dans le contexte des transformations inattendues apportées par 1968, F. Braudel décide de céder la place à une nouvelle génération. Dans un éditorial bref et ambigu, il réaffirme que les « ‘nouvelles’ Annales », fidèles à « l’esprit » des fondateurs, continueront sur la voie majeure des « novations », mais souligne que les « jeunes directeurs » devront eux-mêmes faire en sorte, le temps venu, que puissent advenir de « nouvelles nouvelles Annales » [4].

41979 marque le cinquantième anniversaire de la revue. Deux articles d’André Burguière et de Jacques Revel offrent une réflexion sur les origines des Annales et leur histoire, apportant un regard distancié sur une époque qui n’est pas la leur [5]. Cependant, le bilan proposé en introduction indique d’autres pistes [6]. S’il réaffirme une fois de plus la reconnaissance de la revue envers ses fondateurs et le souhait de poursuivre l’interaction durable avec les sciences sociales, le texte insiste aussi sur la volonté d’un changement incessant. Continuité et changement : un couple récurrent et, de fait, instable. J. Revel prend acte que le nouveau contexte pose des défis et des problèmes inédits. Une réponse en négatif émerge ici, qui n’est pas si différente des précédentes [7] : refuser tant l’histoire idéologique ou pédagogique que l’histoire érudite, autrefois appelée « historisante » et que l’on qualifierait aujourd’hui d’antiquaire. Le texte fait également une proposition plus positive et à l’avenir durable : celle de la nécessité de réfléchir aux procédures par lesquelles l’historien construit ses objets d’étude.

Le tournant critique : retour d’expérience

5L’année 1989 marque le dernier de ces bilans décennaux et sera, pour plusieurs raisons, au cœur de la réflexion développée ici. Notons toutefois que ce retour réflexif s’est fait en plusieurs étapes : commençant dès 1988, il culmine en 1994 avec le changement du sous-titre de la revue, désormais intitulée Annales. Histoire, sciences sociales. La typographie et le graphisme de la couverture datant de 1958 sont toutefois conservés pour l’essentiel : le changement dans la continuité.

6Dès 1988, un éditorial soulève en effet une série de questions et de problèmes dont il est difficile de dire s’ils ont été surmontés depuis. Celui-ci estime nécessaire de reprendre la réflexion sur la construction des objets de l’historien, ce à quoi s’emploient de manière suggestive, la même année, des contributions au dossier « Histoire et modélisation » [8]. Mais le défi est bien plus large : le développement de la microhistoire invite à mieux tenir compte des variations d’échelles d’observation et d’analyse, en confrontant par exemple l’approche microhistorique aux problématiques spatiales, à la géo-histoire ou aux travaux du dernier Braudel, affranchi des déterminismes, comme l’écrivait Bernard Lepetit quelques années plus tôt [9]. Le texte de 1988 dégage une autre ligne de réflexion autour des problèmes de la narration, de l’argumentation, de la rhétorique et de la preuve. Il invite enfin à nouer de nouvelles alliances avec la sociolinguistique, l’économétrie rétrospective ou la philosophie politique. Ces différents questionnements n’ont à l’évidence rien perdu de leur actualité.

7L’éditorial de 1989, « Tentons l’expérience », reprend les cibles devenues habituelles : les modèles fonctionnalistes et structuralistes, l’histoire érudite, l’approche consistant à considérer les objets sociaux comme des choses [10]. Au-delà des allusions de circonstance, la critique ne conduit toutefois pas à proposer un nouveau paradigme interprétatif, de type herméneutique. En revanche, les auteurs reviennent aussi sur l’interdisciplinarité, en insistant sur le fait que chaque discipline a des points de jonction avec plusieurs autres. En conséquence, les dialogues doivent être intersectoriels plutôt qu’interdisciplinaires. L’éditorial ouvre encore d’autres pistes : il recommande de prendre en compte la place du sujet/acteur, de faire droit à l’incertitude, aux médiations et aux négociations dans la compréhension du jeu social. Nous retrouvons ici certains des thèmes privilégiés de la micro-analyse, désormais associés aux jeux d’échelles et, à partir de là, au postulat d’une discontinuité de l’analyse historique, puisqu’il n’est pas possible d’intégrer les résultats obtenus aux différentes échelles – un thème qu’approfondira Paul Ricœur quelques années plus tard. La discontinuité de la connaissance vient valider l’hypothèse d’une discontinuité du social [11]. Le philosophe souligne cependant le risque lié à un tel parti pris, celui de produire un ensemble infini de variations ou d’observations à force d’insister sur les écarts entre les normes et les pratiques, et les dangers inhérents à la multiplication des études de cas incomparables entre elles.

8Associée aux jeux d’échelles, la métaphore optique des variations de focale a le mérite d’engager une réflexion sur la relation entre les hypothèses du chercheur et ses objets, mais sans pousser plus loin l’interrogation sur les conditionnements labiles (à commencer par la situation et la temporalité) de l’observateur. Michael Werner et Bénédicte Zimmermann le reconnaîtront clairement quelques années plus tard, dans un texte qui peut être lu comme la continuation de cette séquence réflexive : le point de vue se réfère à un observateur extérieur idéal et non au sujet concret, partie prenante des phénomènes qu’il étudie [12]. En ce sens, les Annales entendent toujours privilégier la réflexion sur les instruments de connaissance du passé que sur les problèmes gnoséologiques ou les résultats interprétatifs.

9Une autre question peut encore être posée : dans une perspective expérimentale où l’on cherche à ajuster les modèles d’intelligibilité aux variations des questions soulevées et des situations observées, comment en arriver à une interprétation partagée du passé ? Si cette question était masquée dans l’historiographie traditionnelle, confiante en la cumulativité de ses résultats, elle prend une pertinence nouvelle après le tournant critique.

10Allons à l’essentiel. Dans un contexte de lassitude historiographique, réelle ou présumée, le texte de 1989 postule un renouvellement impliquant à la fois innovation et conservation. Ce que l’on cherche à préserver, c’est la centralité de l’histoire sociale, qui ne peut plus être celle d’Ernest Labrousse ni de ceux qui l’ont suivi sur deux générations, mais qui refuse de se dissoudre dans une histoire culturelle partout conquérante. Un Labrousse qu’il faut d’ailleurs finement différencier de François Simiand, comme l’ont montré Jean-Yves Grenier et B. Lepetit : en dépit de ses limites épistémologiques, le prolifique programme labroussien affronte certains problèmes communs avec les pratiques des historiens antérieures ou postérieures au tournant critique.

11Le volume collectif Les formes de l’expérience. Une autre histoire sociale, qui, avec l’ouvrage Jeux d’échelles, peut servir à illustrer le « tournant critique », montre qu’il ne s’agissait pas seulement de considérations théoriques, mais bien d’un vaste programme de recherche [13]. L’utilisation répétée de la notion d’« expérience » dans l’environnement intellectuel de la revue au cours de ces années-là semble comporter un double sens : elle se réfère à la fois au passé, en invitant à réfléchir sur une multiplicité d’expériences sociales, et au présent, en redéfinissant le travail de l’historien comme expérimental ; l’opération historique compte davantage que l’exactitude de la restitution factuelle du passé.

12La notion d’expérience avait un autre avantage : elle se voulait une alternative à une autre notion, fort en vogue à l’époque, à savoir celle de représentation. Roger Chartier, dans son article « Le monde comme représentation », développait ainsi avec élégance une critique d’ensemble de la ligne suggérée par l’éditorial de 1988 un an après sa parution [14] ; plus positivement, il proposait de développer une histoire culturelle du social, alors marginale dans la revue. Le noyau de la discussion, qui n’était pas de nature gnoséologique (même s’il aurait pu l’être), portait sur l’importance donnée aux représentations collectives : peut-on dire, avec R. Chartier, qu’elles organisent les schémas de perception et de valorisation à partir desquels les acteurs jugent et agissent, avec pour corollaire, notamment, que les conflits sociaux puissent se penser à partir des luttes de représentation ? Il s’agit là de deux stratégies distinctes pour penser le social, comme en témoigne le débat entre R. Chartier et Angelo Torre, en 1995-1996, dans les pages de Quaderni storici[15] – une controverse qui s’inscrit à la fois dans le cadre des discussions de R. Chartier avec Hayden White et, surtout, de sa proximité à l’époque avec les positions de Pierre Bourdieu.

13Cette période d’incertitude épistémologique explique le besoin de clarification et de délimitation dont témoigne l’ensemble des textes évoqués ici. Il est utile, à cette fin, de rappeler que le paysage intellectuel français était très différent de l’époque de L. Febvre ou de F. Braudel. Par exemple, rappelons nous du nombre considérable de revues d’histoire créées en France à partir des années 1970 : 21 entre 1970 et 1995 contre seulement 5 entre 1945 et 1970, selon Nicolas Roussellier [16]. Certaines de ces revues virent le jour à l’initiative de groupes de chercheurs appartenant à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) : ainsi des Actes de la recherche en sciences sociales (1975), du Débat (1980) et de Genèses (1990), sous-titrée, rappelons-le, Sciences sociales et histoire, toutes en concurrence, parfois partielle, implicite ou explicite, avec les Annales. La même inflation se repère hors de France : c’est le cas notamment dans les mondes ibériques, de part et d’autre de l’Atlantique, où les transitions démocratiques ont créé un nouveau climat, propice à l’émergence de nombreuses parutions.

Au-delà des programmes : transitions multiples, choix et écarts

14Les Annales, comme presque toute revue, ne se réduisent pas à des propositions programmatiques. Des orientations diverses ont toujours coexisté en leur sein. En 1989, des figures de premier plan ayant collaboré à la revue, déjà présentes dans les années 1960 et qui, chacune à leur manière, y avaient apporté leur ton avec F. Braudel, restent encore actives au sein des nouvelles Annales : on pense à Paul Bairoch et ses révolutions agricoles, à Albert O. Hirschman, avec un texte inattendu sur la pensée réactionnaire, ou encore à Witold Kula, dont la disparition est saluée par la publication d’une conférence oubliée, « Mon éducation sentimentale », qui témoigne tout à la fois de son parcours, d’une tradition historiographique et d’une époque très différente [17]. Bien sûr, un comité sélectionné par cooptation favorise la coexistence de plusieurs générations intellectuelles et encourage le chevauchement des temporalités historiographiques.

15Est-il possible d’esquisser malgré tout un bilan de la période qui a suivi ? Comment situer dans cette évolution un article comme celui, si influent, de François Hartog, « Temps et histoire », où, à travers une discussion des Lieux de mémoire de Pierre Nora, l’auteur précise sa conception des « régimes d’historicité » et du « présentisme » forgés à partir d’un dialogue avec Gérard Lenclud et, au-delà, avec Reinhart Koselleck [18] ? Au risque du schématisme, l’histoire sociale conserve une place prééminente aux Annales dans les années 1990. C’est aussi le cas de l’histoire euro-méditerranéenne, qui a durablement été l’axe historique d’une revue fondée par un médiéviste et un moderniste, avec des ouvertures ponctuelles à l’Asie ou à l’Amérique latine [19]. Pour le reste, certaines propositions fortes, comme l’histoire du présent, ont une place qui, dans son hétérogénéité, semble davantage suggérer une louable fidélité à un engagement passé qu’un véritable projet bien défini. Elles témoignent néanmoins d’un intérêt qui était absent durant la période précédente : il suffit de rappeler, par exemple, que les dictatures d’Amérique du Sud ou leur chute n’ont suscité aucune réflexion dans les Annales. Dans les années 1990, en revanche, la revue s’est attachée à rendre intelligible du point de vue historique l’effondrement – ou, au moins, de certaines de ses caractéristiques – des sociétés du socialisme réel, en Union soviétique ou en République démocratique allemande [20].

16S’agissant de l’attention à la politique, le constat est ambivalent. On peut d’abord noter un intérêt marqué pour la confrontation entre l’anthropologie politique et l’histoire culturelle ; c’est le cas, au-delà des controverses, de l’école dite « de Péronne », qui reprend et prolonge les propositions de George L. Mosse et d’où ont émergé de nouvelles perspectives sur la notion de « culture de guerre » [21]. D’autres liens ont également été fortement explorés dans les années 1990 entre politique et littérature, politique et droit, politique et art, pouvoir et politique, démographie et politique, enseignement et politique [22]. Des versions plus classiques, à la croisée des chemins de la politique et des idées, ont aussi fait l’objet d’un regard particulier au cours de ces mêmes années, notamment dans le prolongement des propositions et des débats ouverts par les travaux de François Furet [23].

17Cette attention à la politique a cependant laissé de côté certaines traditions qui occupaient une place centrale et prestigieuse dans l’historiographie euro-atlantique, qu’il s’agisse du groupe rassemblé autour du Centre Raymond-Aron de l’EHESS (à l’exception de F. Furet, bien sûr), tourné vers Le Débat, de l’école contextualiste de Cambridge (dont les représentants les plus importants sont John G. A. Pocock et Quentin Skinner) ou de la Begriffsgeschichte (l’« histoire des concepts » développée par le groupe de Bielefeld) – les Annales dialoguant plus volontiers avec les représentants de l’Alltagsgeschichte (« histoire du quotidien »).

18Ces absences avaient déjà été signalées en 1998 dans une note critique de Gareth Stedman Jones qui s’en étonnait, dans la mesure où la nouvelle histoire sociale semblait s’exposer à une reprise du politique en l’émancipant des contraintes structurelles [24]. Une telle lacune est d’autant plus surprenante que, dans ces mêmes années, des grands noms représentatifs de ces courants ont été invités à donner la prestigieuse conférence Marc-Bloch à l’EHESS [25], à proximité immédiate des Annales donc. Voilà qui nous rappelle que chaque revue fait ses choix et que ceux-ci impliquent aussi des rejets.

Entre ambitions mondiales et ancrages euro-atlantiques

19Cette esquisse doit cependant être nuancée et modulée, car s’il n’y a pas eu de nouveaux « tournants » explicites depuis 1989, de nouveaux accents ont modifié l’équilibre global des Annales et, partant, leur programme. Ainsi le numéro inaugural de l’année 2001 reflète-t-il la volonté déterminée d’ouvrir (ou de réouvrir, après Braudel) la revue à une histoire conçue à l’échelle du monde [26]. Cela implique, en termes thématiques, de décentrer les intérêts de la revue par rapport à l’axe européen et de rééquilibrer la perspective en prenant en compte les contextes extra-européens ou les liens entre l’Europe et le reste du monde. Les Annales des années 2000 s’y emploient en offrant une place de choix à l’Asie (avant tout à l’Inde, à la Chine et au Japon) et aussi, par exemple, à la Mésopotamie ancienne, à l’Afrique subsaharienne, sans parler de l’Amérique latine, présente depuis longtemps [27]. La combinaison de cette ouverture avec un intérêt plus marqué pour le contemporain a ponctuellement amené la revue à traiter de sujets brûlants : Chiapas, Afghanistan, Afrique du Sud, Palestine, ou la situation des Ouïgours en Chine [28].

20Soulignons toutefois que ces ouvertures sont dues, pour l’essentiel, à des chercheurs formés en Occident et y enseignant (le dossier consacré au Japon en 2011 constituant, à cet égard, une exception notable [29]). Dans le domaine des études latino-américaines, la revue a davantage tendance que par le passé à publier des articles de chercheurs français – plutôt que ceux de leurs collègues latino-américains. Si l’on considère les recensions, elles portent presque exclusivement sur des ouvrages publiés en français et en anglais. La production des historiographies latino-américaines ou ibériques reste ainsi négligée, alors même qu’une bonne partie des travaux importants sur l’Amérique latine ou la Méditerranée occidentale sont publiés en espagnol, en portugais ou en italien.

21Dans le cas latino-américain, l’ouverture est bien réelle, mais elle présente des biais sectoriels, temporels, spatiaux et thématiques qui renvoient, à l’évidence, au filtre créé par les grandes traditions d’études de l’EHESS dont, en particulier, celle de Nathan Wachtel et de ses disciples. De nombreux travaux portent ainsi sur les mondes coloniaux et, surtout, sur l’ethnohistoire de l’espace andin [30]. En revanche, les Annales n’ont guère abordé les sociétés complexes issues des transformations profondes qui ont affecté l’Amérique latine entre la fin du xixe et les premières décennies du xxe siècle, sans même parler des périodes plus récentes encore. Or si dans les années 1960 l’étude de la période coloniale semblait être un lieu privilégié pour élucider les problèmes du présent latino-américain dans la longue durée, y compris le débat, alors considéré comme crucial – au sens académique et politique – dans les rangs du marxisme et au-delà, concernant la transition du féodalisme au capitalisme (la question était de savoir si l’Amérique latine coloniale devait être envisagée comme féodale ou déjà capitaliste), la situation a bien changé et, depuis la fin des dictatures sud-américaines, d’autres approches ont été mobilisées pour réfléchir sur le présent. Encore une fois, ces biais peuvent être compris à la fois comme l’effet de nouveaux climats historiographiques, de réseaux et de sociabilités académiques.

22L’ouverture impressionnante des Annales aux mondes extra-européens implique aussi de réfléchir en profondeur au statut, à la forme et à la cohérence d’une historiographie aux ambitions mondiales ou globales. En l’an 2000, plusieurs voix dans le congrès international des historiens tenu à Oslo avait ainsi remis en cause, au nom de l’histoire mondiale, l’État-nation en tant qu’objet et en tant qu’unité de sens. Assurément louable, cette ambition s’accompagnait de nombreux questionnements, comme le faisaient remarquer à juste titre M. Aymard et R. Chartier dès 2001 dans le premier numéro des Annales : comment maîtriser tant de sources dispersées, écrites dans des langues si différentes, sans parler des contextes multiples et hétérogènes leur donnant sens ? Que les promoteurs de l’histoire mondiale écrivent en anglais à partir d’une bibliographie massivement anglo-saxonne a fait naître d’autres légitimes soupçons [31].

23Les contributions de ce numéro ne manquaient pas d’avancer des contre-propositions pour faire pièce à l’histoire universelle ainsi qu’à certaines formes d’histoire comparée. La première, suggérée par Roy Bin Wong, consistait en un retour à l’idée braudélienne d’une approche macro-régionale [32]. La seconde, promue par Sanjay Subrahmanyam et Serge Gruzinski, au-delà de leurs différences, encourageait l’écriture d’une « histoire connectée » : il s’agissait d’étudier les interconnexions, les croisements, les métissages dans l’espace de la monarchie catholique espagnole ou encore l’émergence simultanée d’idéologies millénaristes à travers plusieurs empires au xvie siècle [33]. Ces deux contributions avaient aussi pour intérêt de s’interroger sur la part respective des dimensions matérielle et culturelle dans les processus de domination [34].

24Ce numéro de 2001 a été un point de départ. Fidèles à leur tradition, les Annales ont ouvert un large débat conceptuel autour de ces questions. Du côté de l’histoire comparée, Lucette Valensi proposait, dès l’année suivante, d’expérimenter d’autres formes de comparatisme, de confronter le plus proche au plus lointain, voire de « comparer l’incomparable », selon la surprenante expression de Marcel Detienne [35] : c’était là une tentative pour articuler les dimensions micro et macro. Prenant leurs distances avec l’histoire comparée, M. Werner et B. Zimmermann proposaient quant à eux une histoire croisée : à partir des intersections étudiées sur de multiples plans (des objets, des points de vue, de la relation entre l’observateur et son objet), ils suggéraient d’approfondir les phénomènes d’entrelacement et de réciprocité dans une perspective dynamique, prenant en compte les asymétries et les changements d’échelle [36]. Nous retrouvons à l’arrière-plan de tous ces débats la remise en cause de l’État-nation dont témoignait également la reprise d’une réflexion critique sur la notion et sur la réalité historique de la frontière : un dossier l’abordait en 2003 à la suite des travaux de Daniel Nordman [37]. Toutefois, la question historique de la survie de l’État-nation reste ouverte.

25C’est une fois de plus sur le terrain de la réflexivité que les Annales ont donné le meilleur d’elles-mêmes : sophistication et complexité. Si l’on passe aux exercices pratiques, les choses sont plus compliquées : la revue rassemble parfois sous un même intitulé des études monographiques portant sur des réalités différentes dans le temps et dans l’espace, dont les rapports et la mise en relation ne sont pas toujours évidents. En 2008, par exemple, le dossier « Justice et politique » propose trois articles qui abordent successivement le procès de deux dirigeants politiques chiliens lors des révolutions d’indépendance sud-américaines en 1818 ; la violence terroriste de l’OAS en Algérie en 1962 à partir des actes judiciaires ; le procès pénal à Stuttgart, entre 1975 et 1977, contre un groupe terroriste d’extrême gauche [38]. Il est difficile de savoir quelle question met en lumière le regroupement de ces trois cas : la recherche analogique d’invariants ? la reconnaissance de l’importance du contexte, à la manière de Clifford Geertz ? Ou bien ne s’agit-il que d’une simple contemplation de la diversité du passé, dans le ton des suggestions de Michael Oakeshott [39] ? Cet éclatement n’est toutefois pas la règle : un numéro spécial de 2002 avait proposé une image bien plus persuasive et problématisée en termes historiographiques de la relation entre l’histoire et le droit [40].

26Les grandes ouvertures des années 2000 semblent avoir conduit, dès la fin de cette décennie, à une nécessaire stabilisation, ou du moins au retour à un noyau organisateur prédominant : l’histoire euro-méditerranéenne et atlantique, notamment des sociétés préindustrielles, avec des ouvertures plus ou moins abondantes vers les mondes extra-européens et les sociétés contemporaines. Ce nouvel équilibre ne signifie nullement que la revue ne réfléchisse pas à de nouveaux thèmes, en mettant davantage l’accent, par exemple, sur la promotion des débats historiographiques actuels, avec des numéros spéciaux consacrés à des livres au fort retentissement au sein comme en dehors du champ académique – tel l’ouvrage clef de Thomas Piketty, Le capital au xxiesiècle ou celui, plus discutable et moins influent, de David Armitage et de Jo Guldi, The History Manifesto[41].

27La revue n’a pas pour autant renoncé à proposer de nouveaux terrains de réflexion, allant du temps court, avec la « très contemporain[e] » crise des banlieues, en lien avec les émeutes survenues en France en 2005, au temps géologique de l’Anthropocène [42]. Les questionnements autour des relations entre disciplines se sont également poursuivis, comme en témoigne l’approche originale développée dans le numéro spécial « Savoirs de la littérature » : des historiens y sont sollicités pour rendre compte d’œuvres de fiction. Ainsi qu’Étienne Anheim et Antoine Lilti le soulignent dans une introduction suggestive, après les remous déclenchés par la vogue du narrativisme et par le tournant linguistique, pourquoi ne pas tenter de penser en d’autres termes les relations entre histoire et littérature [43] ? Plutôt que de partir à nouveau du conflit irréductible entre histoire et fiction, ces derniers proposent de réfléchir aux capacités cognitives que la littérature peut apporter en tant que témoignage subjectif et interprétation du monde. Reste qu’il existe d’autres conceptions concurrentes de la littérature pour ceux qui la considèrent moins comme productrice d’un savoir alternatif sur le monde qu’en tant que vecteur d’une intuition poétique et d’un potentiel critique capable de révéler le sens d’une société depuis un lieu privilégié. Comme dans le cas de l’herméneutique – entendue comme déchiffrement du monde et non des seuls textes –, nous retrouvons dans cette introduction le poids d’une tradition des sciences sociales françaises plus longue que celles des Annales.

Défis historiographiques, défis communicationnels

28Hier, aujourd’hui, demain. En 2011 et 2012, deux éditoriaux des Annales posent de nouveaux questionnements et y apportent de nouvelles réponses. Face à l’internationalisation de la discipline, ou plutôt d’une partie de celle-ci, le comité de rédaction des Annales a opté pour le bilinguisme anglais-français. Lancée en 2012 et achevée en 2017, cette transformation n’est ni sans conséquences ni dénuée de risques. Les histoires du futur doivent-elles être racontées en anglais ou en plusieurs langues, dont l’anglais ? Ce virage produira-t-il les effets positifs escomptés ? La réponse appartient aux éditeurs, en fonction du lectorat qu’ils ont à l’esprit.

29Ces éditoriaux posent aussi deux diagnostics, l’un inquiétant, l’autre optimiste. En 2011, les multiples contraintes – d’ordre institutionnel, économique ou culturel – pesant sur la revue sont présentées pour la première fois de manière explicite [44]. Aux propositions épistémologiques, en phase avec l’histoire longue de la revue (réflexivité, interdisciplinarité, internationalisation), vient s’ajouter une réflexion proprement éditoriale, sur l’évolution des pratiques de lecture ou sur les effets des politiques de recherche sur les revues scientifiques. Le texte exprime avec une netteté admirable le dilemme de la revue : renouveler ou réaffirmer ? Il va sans dire qu’il est difficile d’innover dans le cadre des règles actuelles du système scientifique – le changement et le succès ne faisant d’ailleurs pas toujours bon ménage. Au demeurant, la transformation est-elle une fin en soi ? La logique de l’avant-garde est-elle la garantie du progrès historiographique ? En réalité, l’innovation passe souvent par la revisite des grands textes du passé, comme l’a abondamment montré Carlo Ginzburg. On pourrait même dire que les batailles d’arrière-garde font partie du patrimoine des Annales !

30De façon plus optimiste, le texte de 2012 soutient que la « crise de l’histoire » est désormais derrière nous. La revue choisit courageusement d’être un « projet intellectuel » et non une « instance de validation ». L’éditorial place le débat au centre de ses préoccupations, refuse les vérités « sectaires » et résiste donc à définir ce projet par un programme ou par une ligne historiographique, préférant voir les Annales comme un « style » [45]. « Un « style » ou un « esprit » des Annales donc, impossible à circonscrire, mais parfaitement identifiable.

31En parcourant les sommaires des numéros du nouveau millénaire, certains changements méritent d’être nuancés. Par exemple, les Annales restent une revue française, au-delà de l’innovation constituée par la création d’un comité international puis le partenariat avec Cambridge University Press. Une analyse rapide montre qu’environ 70 % des auteurs d’articles entre fin 2013 et mi-2018 proviennent d’institutions françaises. En outre, les historiographies suivent encore des lignes nationales, ce que l’on ne saurait d’ailleurs leur reprocher : aucune réflexion, y compris en histoire globale, ne peut être menée du point de vue de Sirius ; elle doit toujours partir d’un lieu ou, si l’on préfère, d’une situation. Cependant, si les Annales ont une adresse connue, le boulevard Raspail, le nœud du problème est peut-être tout autre : proposer une historiographie à parts égales. En 2018, l’article de Romain Bertrand et Guillaume Calafat va dans ce sens : les auteurs soulignent la nécessité de s’ouvrir à d’autres langues que l’anglais et, partant, à d’autres historiographies, en rappelant que l’histoire globale et la microhistoire peuvent signifier des choses bien différentes et légitimes [46]. Ouvertures, dialogues, même avec d’autres revues de traditions très diverses, absence de nostalgie : nous ne pouvons que partager ce programme.

32Une question majeure demeure néanmoins : celle de la masse des publications dans le monde académique qui n’a cessé d’augmenter, plus rapidement encore que le nombre de lecteurs potentiels. La surproduction des écrits est une préoccupation ancienne : D’Alembert l’avait déjà abordée dans l’article « Bibliomanie » de l’Encyclopédie. Plus récemment, certains auteurs ont souligné la forte proportion d’articles dans des revues académiques n’ayant en réalité plus que trois lecteurs (le rédacteur en chef et les deux experts), sans que la mise en garde soit suffisamment prise au sérieux [47].

33La multiplication des revues en ligne et le nombre de sites en libre accès posent également d’autres problèmes : les praticiens de l’histoire et, plus généralement, des sciences sociales, sont confrontés à une énorme offre de connaissances, à la fois plus fragmentée et plus standardisée. D’autre part, où publier ? Faut-il choisir en fonction du nombre de lecteurs ou du meilleur ranking ? Sur ce dernier point, la rédaction des Annales a publié des pages significatives en 2008 [48]. Il est cependant à craindre que les classements encouragés par les politiques scientifiques orientent de plus en plus les choix des auteurs. Si tel devait être le cas, cela pourrait conduire à créer une nouvelle légion d’historiens antiquaires au nom de la professionnalisation. Il existe peut-être, toutefois, une chose plus redoutable encore qu’une curiosité exclusivement tournée vers le passé : un monde où les choix des chercheurs ne seraient guidés que par les aspirations à changer de poste et à la recherche de la performance – un monde, en somme, où la curiosité elle-même serait absente.

34Cependant, au-delà de la qualité et de la finalité de ce qui est produit, les nouvelles plateformes ouvrent une autre question : celle de la légitimité du libre accès (qu’il soit « doré » ou « vert ») aux connaissances scientifiques. De nombreux débats, comme ceux générés par le rapport Finch [49], n’ont pas permis de résoudre la tension entre ouverture et logique de marché, au-delà des bonnes intentions proclamées. Bien entendu, le problème se pose de manière différente lorsque les chercheurs sont financés directement ou indirectement par l’État, ou que les revues émanent d’institutions universitaires et non d’éditeurs commerciaux, ce qui est le cas principalement en France, en Espagne et en Amérique latine. Cette discussion, vouée à marquer durablement l’avenir de la recherche, laisse présager des temps difficiles pour les revues académiques. Sans doute pouvons-nous tout de même nous accorder avec Anthony Grafton sur le besoin de maintenir une connaissance évaluée et validée par les pairs dans un monde où pullulent les informations non fiables et les fausses nouvelles [50].

35Dans ce tableau, la situation des Annales est singulière. À proprement parler, la grande majorité des historiens ne lisent pas les Annales, ni d’ailleurs aucune autre revue : ils y cherchent des articles. Cela ne les empêche pas, néanmoins, d’avoir de forts préjugés sur qu’ils pourraient trouver à l’intérieur de tel ou tel numéro. De cette façon, dans l’ensemble de la profession, il existe une image des Annales, même chez ceux qui ne les ont jamais lues, qui ne correspond pas nécessairement à ce que les responsables de la revue ont en tête. Les Annales restent ainsi, avant tout, un monument et un symbole.

36Nous ne savons rien de l’avenir ni de l’effet qu’auront les initiatives répétées des Annales ces dernières années. Nous ne pouvons pas non plus prévoir à quel point les revues et, plus généralement, les écrits sur le passé peuvent encore se multiplier, ni combien cet héritage pèsera sur les horizons des générations à venir. Rien ne nous empêche pourtant de conjecturer et de nous convaincre que, dans les scénarios pessimistes comme optimistes, les Annales seront là. Elles le seront, en premier lieu, parce que, ainsi que l’a soutenu il y a quelques années James Evans, dans la confusion régnante, c’est bien le prestige, et non les seuls hyperliens, qui continuera d’orienter les recherches faites par les lecteurs [51]. Tant qu’un nombre suffisant d’historiens de métier et d’autres spécialistes s’interrogeront sur ce que disent les Annales, la place de cette revue, qui n’est pas seulement un lieu de mémoire, sera garantie. Cela sera peut-être aussi possible parce qu’au-delà du culte de l’innovation permanente – et au-delà du nécessaire pluralisme historiographique –, les Annales disent encore quelque chose aujourd’hui à tout amateur d’histoire (qu’il soit ou non lecteur de la revue), même si ce quelque chose est mieux défini par un contour que par un contenu.


Date de mise en ligne : 25/08/2021

Notes

  • [1]
    Marc Bloch et Lucien Febvre, « Au lecteur », Annales d’histoire sociale, 1-1, 1939, p. 5-6, ici p. 5. Le texte reprenait, avec modifications, l’« appel » (« À nos lecteurs ») paru en tête du dernier numéro des Annales d’histoire économique et sociale, 10-54, 1938, p. 481-482, juste avant le changement de nom de la revue.
  • [2]
    Lucien Febvre, « Vingt ans après », Annales ESC, 4-1, 1949, p. 1-3, reproduit dans le présent numéro : « 90 ans d’éditoriaux », p. 725-796.
  • [3]
    Fernand Braudel, « Les Annales ont trente ans (1929-1959) », Annales ESC, 14-1, 1959, p. 1-2, reproduit dans le présent numéro : « 90 ans d’éditoriaux », p. 725-796.
  • [4]
    Id., « Les ‘nouvelles’ Annales », Annales ESC, 24-3, 1969, p. 571, reproduit dans le présent numéro : « 90 ans d’éditoriaux », p. 725-796.
  • [5]
    André Burguière, « Histoire d’une histoire : la naissance des Annales » et Jacques Revel « Histoire et sciences sociales : les paradigmes des Annales », Annales ESC, 34-6, 1979, respectivement p. 1347-1359 et 1360-1376.
  • [6]
    Éditorial, « Les Annales, 1929-1979 », Annales ESC, 34-6, 1979, p. 1344-1346, reproduit dans le présent numéro : « 90 ans d’éditoriaux », p. 725-796.
  • [7]
    Voir le célèbre texte de Lucien Febvre, « Face au vent. Manifeste des Annales nouvelles », Annales ESC, 1-1, 1946, p. 1-8, reproduit dans le présent numéro : « 90 ans d’éditoriaux », p. 725-796.
  • [8]
    Éditorial, « Histoire et sciences sociales. Un tournant critique ? », Annales ESC, 43-2, 1988, p. 291-293, reproduit dans le présent numéro : « 90 ans d’éditoriaux », p. 725-796 ; dossier « Histoire et modélisation », Annales ESC, 43-1, 1988, p. 5-110.
  • [9]
    Bernard Lepetit, « Espace et histoire. Hommage à Fernand Braudel », Annales ESC, 41-6, 1986, p. 1187-1191.
  • [10]
    Éditorial, « Tentons l’expérience », Annales ESC, 44-6, 1989, p. 1317-1323, reproduit dans le présent numéro : « 90 ans d’éditoriaux », p. 725-796.
  • [11]
    Paul Ricœur, La mémoire, l’histoire, l’oubli, Paris, Éd. du Seuil, 2000, p. 267-301.
  • [12]
    Michael Werner et Bénédicte Zimmermann, « Penser l’histoire croisée : entre empirie et réflexivité », Annales HSS, 58-1, 2003, p. 7-36.
  • [13]
    Bernard Lepetit (dir.), Les formes de l’expérience. Une autre histoire sociale, Paris, Albin Michel, 1995 ; Jacques Revel (dir.), Jeux d’échelles. La micro-analyse à l’expérience, Paris, Gallimard/Éd. du Seuil, 1996.
  • [14]
    Roger Chartier, « Le monde comme représentation », Annales ESC, 44-6, 1989, p. 1505-1520.
  • [15]
    Angelo Torre, « Percorsi della pratica 1966-1995 », Quaderni storici, 30, 90-3, 1995, p. 799-829 ; Roger Chartier « Rappresentazione della pratica, pratica della rappresentazione », Quaderni storici, 31, 92-2, 1996, p. 487-493.
  • [16]
    Nicolas Roussellier, « Les revues d’histoire », in F. Bédarida, L’histoire et le métier d’historien en France, 1945-1995, Paris, Éd. de la MSH, 1995, p. 127-146.
  • [17]
    Paul Bairoch, « Les trois révolutions agricoles du monde développé : rendements et productivité de 1800 à 1985 », Annales ESC, 44-2, 1989, p. 317-353 ; Albert O. Hirschman, « Deux cents ans de rhétorique réactionnaire : le cas de l’effet pervers », Annales ESC, 44-1, 1989, p. 67-86 ; Witold Kula, « Mon ‘éducation sentimentale’ », Annales ESC, 44-1, 1989, p. 133-146.
  • [18]
    François Hartog, « Temps et histoire. ‘Comment écrire l’histoire de France ?’ », Annales HSS, 50-6, 1995, p. 1219-1236 ; François Hartog et Gérard Lenclud, « Régimes d’historicité », in A. Dutu et N. Dodille (dir.), L’état des lieux en sciences sociales, Paris, L’Harmattan, 1993, p. 18-38.
  • [19]
    Sur l’Amérique latine, il faut signaler l’impressionnant numéro spécial « À travers les Amériques latines », Annales ESC, 3-4, 1948, qui comporte une introduction de Lucien Febvre et des contributions de Roger Bastide, Marcel Bataillon, Fernand Braudel, Roger Caillois, Pierre Chaunu, Pierre Vilar et Silvio Zavala, entre autres. L’attention portée à cette aire géographique est cependant continue et persiste sous la forme de comptes rendus et des nombreuses contributions d’historiens latino-américains. Concernant l’Asie, si l’intérêt se révèle plus fragmentaire et plus tardif, il est toutefois bien visible dès les années 1960, surtout pour l’Inde et la Chine, grâce notamment à Louis Dumont, Jacques Gernet et Atsuhiko Yoshida.
  • [20]
    Voir notamment le n° spécial « Histoire sociale de la RDA », Annales HSS, 53-1, 1998 et le dossier « Retour sur l’URSS », Annales ESC, 47-4/5, 1992, p. 963-1002.
  • [21]
    Dossier « Le corps dans la Première Guerre mondiale », Annales HSS, 55-1, 2000, p. 43-151.
  • [22]
    À titre d’exemples, voir les dossiers « La population et le politique », Annales ESC, 46-1, 1991, p. 133-187 ; « Littérature et politique », Annales ESC, 46-5, 1991, p. 1071-1113 ; « Le droit, la politique et la monarchie française », Annales HSS, 52-4, 1997, p. 799-852.
  • [23]
    Dossiers « La Révolution française », Annales ESC, 44-1, 1989, p. 3-86 et Annales ESC, 46-4, 1991, p. 917-970. Voir aussi, l’année suivante, la discussion entre Michel Troper et François Furet : Michel Troper, « Sur l’usage des concepts juridiques en histoire » et François Furet, « Concepts juridiques et conjoncture révolutionnaire », Annales ESC, 47-6, 1992, respectivement p. 1171-1183 et 1185-1194, ainsi que l’ensemble de comptes rendus « La Révolution française », Annales ESC, 52-4, 1997, p. 917-955.
  • [24]
    Gareth Stedman Jones, « Une autre histoire sociale ? (note critique) » Annales HSS, 53-2, 1998, p. 383-394.
  • [25]
    Nous pensons ici à Reinhart Koselleck (« Structures fédérales de l’histoire allemande », 15e conférence Marc-Bloch, 22 juin 1993), à Quentin Skinner (« La philosophie et le rire », 23e conférence Marc-Bloch, 12 juin 2001) ou à Claude Lefort (« Fragilité et fécondité des démocraties. La dissolution des repères de la certitude », 31e conférence Marc-Bloch, 9 juin 2009), dont les textes intégraux sont disponibles en ligne : https://www.ehess.fr/fr/conf%C3%A9rences-marc-bloch. D’autres conférences Marc-Bloch ont cependant été publiées dans la revue : voir, par exemple, Jan Assman, « Monothéisme et mémoire. Le Moïse de Freud et la tradition biblique », Annales HSS, 54-5, 1999, p. 1011-1026 ; Paul Ricœur, « L’écriture de l’histoire et la représentation du passé », Annales HSS, 55-5, 2000 ; Charles Malamoud, « Les contours de la mémoire dans l’Inde brahmanique », Annales HSS, 57-5, 2002, p. 1151-1162.
  • [26]
    Dossier « Une histoire à l’échelle globale », Annales HSS, 56-1, 2001, p. 3-50.
  • [27]
    Voir notamment, sur la Chine, le dossier « Science et religion en Chine », Annales HSS, 59-4, 2004, p. 695-756 et le n° spécial « Chine », Annales HSS, 61-6, 2006 ; sur l’Inde, Charles Malamoud, « Les contours de la mémoire dans l’Inde brahmanique », Annales HSS, 57-5, 2002, p. 1151-1162 ; sur l’ancienne Mésopotamie, Jean-Jacques Glassner, « Des dieux, des scribes et des savants. Circulation des idées et transmission des écrits en Mésopotamie », Annales HSS, 60-3, 2005, p. 483-506 et Jean-Louis Huot, « Vers l’apparition de l’État en Mésopotamie. Bilan des recherches récentes », Annales HSS, 60-5, 2005, p. 953-973 ; sur l’Afrique subsaharienne, Éloi Ficquet et Aïssatou Mbodj-Pouye (dir.), n° spécial « Cultures écrites en Afrique », Annales HSS, 64-4, 2009.
  • [28]
    Henri Favre, « Chiapas 1993. Tentative d’analyse d’une situation insurrectionnelle », Annales HSS, 57-5, 2002, p. 1251-1289 ; Olivier Roy, « De la stabilité de l’État en Afghanistan », Annales HSS, 59-5/6, 2004, p. 1183-1202 ; Fréderic Giraut, Sylvain Guyot et Myriam Houssay-Holzschuch, « La nature, les territoires et le politique en Afrique du Sud », Annales HSS, 60-4, 2005, p. 695-717 ; dossier « Histoire palestinienne » et ensemble de comptes rendus « Israël/Palestine », Annales HSS, 60-1, 2005, respectivement p. 35-126 et 129-161 ; Dru C. Gladney, « La question Ouïgour. Entre islamisation et ethnicisation », Annales HSS, 59-5/6, 2004, p. 1157-1182.
  • [29]
    Dossier « Les statuts sociaux au Japon (xviie-xixe siècle) », Annales HSS, 66-4, 2011, p. 955-1077. C’est aussi le cas, en partie, du dossier « La geste indianiste. Du saint guerrier aux héros paysans », Annales HSS, 60-2, 2005, p. 233-292.
  • [30]
    Deux numéros spéciaux constituent des moments clefs : Jacques Revel, John V. Murra et Nathan Wachtel (dir.), n° spécial « Anthropologie historique des sociétés andines », Annales ESC, 33-5/6, 1978 et Jacques Poloni-Simard (dir.), n° spécial « Amériques coloniales. La construction de la société », Annales HSS, 62-3, 2007. Citons aussi au moins deux étapes intermédiaires : dossier « Les hommes et la terre en Amérique latine », Annales HSS, 50-6, 1995, p. 1309-1360 ; dossier « Brésil colonial. Économie de la traite et résistance servile » et ensemble de comptes rendus « Historiographie brésilienne », Annales HSS, 61-2, 2006, respectivement p. 337-427 et 429-480. Le périmètre délimité contient une extension géographique, mais toujours au sein de l’Amérique coloniale.
  • [31]
    Roger Chartier, « La conscience de la globalité (commentaire) » et Maurice Aymard, « De la Méditerranée à l’Asie : une comparaison nécessaire (commentaire) », Annales HSS, 56-1, 2001, respectivement p. 119-123 et 43-50.
  • [32]
    R. Bin Wong, « Entre monde et nation : les régions braudéliennes en Asie », Annales HSS, 56-1, 2001, p. 5-41.
  • [33]
    Sanjay Subrahmanyam, « Du Tage au Gange au xvie siècle : une conjoncture millénariste à l’échelle eurasiatique » et Serge Gruzinski, « Les mondes mêlés de la Monarchie catholique et autres ‘connected histories’ », Annales HSS, 56-1, 2001, respectivement p. 51-84 et 85-117.
  • [34]
    Voir, à ce sujet, le débat de l’année suivante sur le millénarisme entre Francisco Bethencourt, « Le millénarisme : idéologie de l’impérialisme eurasiatique ? » et Sanjay Subrahmanyam, « Ceci n’est pas un débat… », Annales HSS, 57-1, 2002, respectivement p. 189-194 et 195-201.
  • [35]
    Lucette Valensi, présentation du dossier « L’exercice de la comparaison au plus proche, à distance : le cas des sociétés plurielles », Annales HSS, 57-1, 2002, p. 27-30. Voir aussi Marcel Detienne, Comparer l’incomparable, Éd. du Seuil, 2000.
  • [36]
    M. Werner et B. Zimmermann, « Penser l’histoire… », art. cit.
  • [37]
    Dossier « Les espaces frontières », Annales HSS, 58-5, 2003, p. 979-1053.
  • [38]
    Beatriz Bragoni, « La justice révolutionnaire en Amérique du Sud pendant les guerres d’indépendance. Le procès des frères Carrera (1818) », Annales HSS, 63-5, 2008, p. 949-976 ; Sylvie Thénault, « L’OAS à Alger en 1962. Histoire d’une violence terroriste et de ses agents », Annales HSS, 63-5, 2008, p. 977-1001 ; Frédéric Audren et Dominique Linhardt, « Un procès hors du commun ? Histoire d’une violence terroriste et de ses agents », p. 1003-1034.
  • [39]
    Michael Oakeshott, On History and Other Essays, Londres, B. Blackwell, 1983.
  • [40]
    Yan Thomas (dir.), n° spécial « Histoire et droit », Annales HSS, 57-6, 2002.
  • [41]
    Dossier « Lire Le capital de Thomas Piketty », Annales HSS, 70-1, 2015, p. 5-138 ; dossier « La longue durée en débat », Annales HSS, 70-2, 2015, p. 285-378.
  • [42]
    Dossier « Penser la crise des banlieues », Annales HSS, 61-4, 2006, p. 755-859, ici p. 755 ; dossier « Anthropocène », Annales HSS, 72-2, 2017, p. 267-378.
  • [43]
    Étienne Anheim et Antoine Lilti, « Introduction », É. Anheim et A. Lilti (dir.), n° spécial « Savoirs de la littérature », Annales HSS, 65-2, 2010, p. 253-260, en particulier p. 253.
  • [44]
    « Éditorial », A. Ingold (dir.), n° spécial « Environnement », Annales HSS, 66-1, 2011, p. 5-7, reproduit dans le présent numéro : « 90 ans d’éditoriaux », p. 725-796.
  • [45]
    Éditorial, « Les Annales, aujourd’hui, demain », Annales HSS, 67-3, 2012, p. 557-560, ici p. 560, reproduit dans le présent numéro : « 90 ans d’éditoriaux », p. 725-796.
  • [46]
    Romain Bertrand et Guillaume Calafat, « La microhistoire globale : affaire(s) à suivre », Annales HSS, 73-1, 2018, p. 3-18.
  • [47]
    Lokman I. Meho, « The Rise and Rise of Citation Analysis », Physics World, 20-1, 2007, https://arxiv.org/ftp/physics/papers/0701/0701012.pdf ; David P. Hamilton, « Publishing by — and for? — the Numbers », Science, 250-4986, 1990, p. 1331-1332.
  • [48]
    Éditorial, « Classer, évaluer », Annales HSS, 63-6, 2008, p. 1-4, reproduit dans le présent numéro : « 90 ans d’éditoriaux », p. 725-796.
  • [49]
    Janet Finchet al., « Accessibility, Sustainability, Excellence: How to Expand Access to Research Publications », rapport du groupe de travail sur l’extension de l’accès aux résultats de la recherche publique, 2012, https://www.sconul.ac.uk/sites/default/files/documents/finch-report-final.pdf. Sur ce rapport, voir aussi le bilan dressé par Liam Earney, « Considering the Implications of the Finch Report », Jisc, 2018, https://repository.jisc.ac.uk/7081/1/2018JiscOABriefingConsideringFinch.pdf.
  • [50]
    Anthony Grafton, cité par Robert B. Townsend, « Peer Review, History Journals, and the Future of Scholarly Research », Perspectives on History: AHA Today, 2013, https://www.historians.org/publications-and-directories/perspectives-on-history/january-2013/peer-review-history-journals-and-the-future-of-scholarly-research.
  • [51]
    James A. Evans, « Electronic Publication and the Narrowing of Science and Scholarship », Science, 321-5887, 2008, p. 395-399. Pour un point de vue plus optimiste qui conteste les conclusions de James Evans et, indirectement, celles de David P. Hamilton et Lokman I. Meho, voir Vincent Larivière, Yves Gingras et Éric Archambault, « The Decline in the Concentration of Citations, 1900-2007 », Journal of the American Society for Information Science and Technology, 60-4, 2009, p. 858-862. Le problème semble cependant surtout persistant dans le domaine des humanities.

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