Couverture de ANNA_753

Article de revue

L’économie matérielle d’une publication

Pages 555 à 571

Notes

  • [1]
    Voir, en 2019, l’organisation des États généraux de l’édition en sciences humaines et sociales (SHS) par les Éditions de l’EHESS (https://editionshs2019.sciencesconf.org/), puis, en 2020, les 2e rencontres de l’édition en SHS (https://editionshs2020.sciencesconf.org/). Les États généraux de l’édition en SHS ont trouvé une première traduction concrète avec la publication de Étienne Anheim et Livia Foraison (dir.), L’édition en sciences humaines et sociales. Enjeux et défis, Paris, Éd. de l’EHESS, 2020.
  • [2]
    Voir, dans le présent numéro, « Un collectif au travail », p. 537-554.
  • [3]
    Pour un aperçu des évolutions qu’a connues la couverture des Annales, voir les reproductions réunies dans l’annexe en ligne précédemment citée.
  • [4]
    Jacques Poloni-Simard, « Éditorial », Annales HSS, 57-1, 2002, p. 5-6, ici p. 5, reproduit dans le présent numéro : « 90 ans d’éditoriaux », p. 725-796.
  • [5]
    Ces chiffres ne tiennent compte que du nombre de pages des articles et des notes critiques, non des comptes rendus.
  • [6]
    Voir, dans le présent numéro, « Les échelles du monde. Pluraliser, croiser, généraliser », p. 465-492.
  • [7]
    Celles-ci ont été amorcées au cours des années 2000 avec Persée, qui a rendu la revue accessible jusqu’en 2002, alors que débutait la diffusion électronique des nouveaux numéros sur la plateforme Cairn, poursuivie sur JSTOR et MUSE, puis sur Cambridge Core, à partir de 2017.
  • [8]
    « Compléments de lecture », Annales HSS, http://annales.ehess.fr/index.php?366.
  • [9]
    Valérie Tesnière, Au bureau de la revue. Une histoire de la publication scientifique (xixe-xxesiècle), Paris, Éd. de l’EHESS, 2021.
  • [10]
    Voir, dans le présent numéro, « Une revue en langues. Les défis d’une édition bilingue », p. 573-582.
  • [11]
    Gisèle Sapiro (dir.), Les contradictions de la globalisation éditoriale, Paris, Nouveau Monde éditions, 2009 ; Gisèle Sapiro, Sciences humaines en traduction. Les livres français aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Argentine, Institut français/Centre européen de sociologie et de science politique, 2014, halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01621157/document.
  • [12]
    Comité de suivi de l’édition scientifique (ci-après CSES), L’édition scientifique de revues : plan de soutien et évaluation des effets de la loi du 7 octobre 2016, 2019, p. 29 sq., https://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/Edition_scientifique/86/8/Rapport_CSES_12_12_2019_1226868.pdf.
  • [13]
    Sur la répartition des dépenses documentaires dans les bibliothèques, voir Inspection générale des bibliothèques, Les enjeux du numérique concernant les ressources documentaires en SHS, 2017, cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/2017/46/6/RAPPORT_enjeux_du_numerique_SHS_final_ct_743466.pdf.
  • [14]
    Élodie Faath, « Usage inattendu no 7 : des lecteurs prévisibles ? », 2017, https://lab.hypotheses.org/1808 ; Mark Forsyth, Incognita incognita ou le plaisir de trouver ce qu’on ne cherchait pas, trad. par M.-N. Rio, Paris, Les Éditions du Sonneur, 2019 ; Mariannig Le Béchec, « Les pratiques numériques de lecture sur les plateformes d’édition ouverte », in É. Anheim et L. Foraison (dir.), L’édition en sciences humaines et sociales, op. cit., p. 293-299.
  • [15]
    Pierre Mounier, « Les plateformes de diffusion numérique, un enjeu politique », in É. Anheim et L. Foraison (dir.), L’édition en sciences humaines et sociales, op. cit., p. 81-88.
  • [16]
    Cette hétérogénéité a été récemment confirmée par IDATE DigiWorld, Étude sur l’économie des revues françaises en sciences humaines et sociales. Rapport final : phases 1 et 2, ministère de la Culture, 2020, www.culture.gouv.fr/Sites-thematiques/Livre-et-lecture/Actualites/Etude-sur-l-economie-des-revues-de-sciences-humaines-et-sociales-SHS.
  • [17]
    En 2013, le financement de la revue Tracés. Revue de sciences humaines était représentatif de cette situation : Éric Monnet, « Open access : la schizophrénie française (mars 2013) », no spécial « Économie et politique de l’‘accès ouvert’ : les revues à l’âge numérique », Revue d’histoire moderne & contemporaine, 62-4 bis, 2015, p. 104-114.
  • [18]
    La diversité du statut des revues françaises de sciences humaines et sociales (SHS) est rappelée par Daniel Renoult, « Pour une meilleure connaissance de l’économie des revues », in É. Anheim et L. Foraison (dir.), L’édition en sciences humaines et sociales, op. cit., p. 235-241 ; CSES, L’édition scientifique de revues…, op. cit., p. 2 et 27.
  • [19]
    En 2015, un premier état des lieux de la situation économique des Annales était dressé par Étienne Anheim, « Le numérique et l’économie éditoriale des revues scientifiques », no spécial « Économie et politique de l’‘accès ouvert’. Les revues à l’âge numérique », Revue d’histoire moderne & contemporaine, 62-4 bis, 2015, p. 22-32. La même année, les résultats de l’enquête menée par le groupe édition de la Bibliothèque scientifique numérique (BSN 7) étaient exploités par Odile Contat et Anne-Solweig Gremillet, « Publier : à quel prix ? Étude sur la structuration des coûts de publication pour les revues françaises en SHS », Revue francaise des sciences de l’information et de la communication, 7, 2015, https://journals.openedition.org/rfsic/1716 ; voir aussi Philippe Cibois et François Théron, « Combien coûte un article de revue scientifique en SHS ? », Printemps, 2013, https://printemps.hypotheses.org/1527.
  • [20]
    Voir, dans le présent numéro, « Une revue en langues. Les défis d’une édition bilingue », p. 573-582.
  • [21]
    Ghislaine Chartron « Open access et SHS. Controverses », Revue européenne des sciences sociales, 52-1, 2014, p. 37-63 ; ead., « Géopolitique de l’open access », Cahiers COSTECH, 2, 2018, http://www.costech.utc.fr/CahiersCOSTECH/spip.php?article78 ; Jonathan Tennantet al., « Ten Hot Topics around Scholarly Publishing », MDPI Publications, 7-2, 2019, www.mdpi.com/2304-6775/7/2/34.
  • [22]
    Voir le no spécial « Économie et politique de l’‘accès ouvert’ : les revues à l’âge numérique », Revue d’histoire moderne & contemporaine, 62-4 bis, 2015, p. 104-114 ainsi que les rapports du CSES, L’édition scientifique de revues…, op. cit., p. 2 et 27 et de Jean-Yves Mérindol, L’avenir de l’édition scientifique en France et la science ouverte. Comment favoriser le dialogue ? Comment organiser la consultation ?, 2019, https://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/Edition_scientifique/57/3/Rapport_JYM_Edition_Scientifique_1235573.pdf. Ces deux rapports ont fait l’objet d’un débat lors des 2e rencontres de l’édition en SHS, le 16 novembre 2020 : https://webdiffusion.ehess.fr/videos/editions-shs-2020-1/.
  • [23]
    Dans le domaine des sciences naturelles, le tarif exorbitant des abonnements électroniques pratiqué par des éditeurs privés à but purement lucratif soulève évidemment d’autres problèmes économiques et politiques.
  • [24]
    CSES, L’édition scientifique de revues…, op. cit.
  • [25]
    Pour une synthèse des différentes voies de l’open access, voir Anne-Laure Stérin, « L’évolution du droit d’auteur et ses effets sur l’édition scientifique », in É. Anheim et L. Foraison (dir.), L’édition en sciences humaines et sociales, op. cit., p. 367-382.
  • [26]
    Odile Contat, « Un point sur les APC – Articles Processing Charges », Ressources pour les correspondants IST de l’InSHS, 2016, corist-shs.cnrs.fr/APC_synthese2016 ; J.-Y. Mérindol, L’avenir de l’édition scientifique en France et la science ouverte, op. cit. Pour une perspective internationale sur le sujet, voir aussi DOI : https://doi.org/10.1111/dech.12630.
  • [27]
    Voir en particulier, sur ce point, A.-L. Stérin, « L’évolution du droit d’auteur et ses effets sur l’édition scientifique », art. cit., p. 369.
  • [28]
    Les écueils du libre accès ont été pointés par Ghislaine Chartron, « Structure et défis économiques de l’édition », in É. Anheim et L. Foraison (dir.), L’édition en sciences humaines et sociales, op. cit., p. 207-215.
  • [29]
    Afin de lutter contre l’augmentation des APC, des programmes comme l’Open APC initiative proposent de rendre publics les montants versés par les établissements de recherche en France et à l’étranger.
  • [30]
    Émile Gayoso, « Tableau comparé des politiques nationales de l’open access au sein des principaux pays d’Europe », Comité de suivi de l’édition scientifique. Bulletin de veille, 2, 2018, bit.ly/2CMeugI.

1Le temps des revues, comme objet matériel et intellectuel, est-il en train de s’achever ? Intimement lié à la naissance des disciplines et du monde académique au xixe siècle, le modèle de la revue paraît aujourd’hui bousculé de toute part. La lecture dématérialisée supplante celle sur papier, la consultation par article remplace la lecture par numéro, l’abonnement individuel est en voie de disparition, sans parler de la diffusion en librairie, et même les institutions ont tendance, en période de crise, à privilégier les plateformes en ligne. Les revenus de toutes les revues décroissent de manière régulière depuis plus de dix ans, ce qui fragilise les possibilités de financement du travail éditorial. Le développement généralisé de l’accès ouvert à l’échelle européenne, et au-delà, accentue encore cette évolution : il n’est que de songer au nombre impressionnant de revues en libre accès éditées en Amérique latine, par exemple, qui fournit un bon indicateur de ce que peut produire une telle ouverture en termes de quantité, de qualité et d’enrichissement thématique et linguistique. Cette transformation pose enfin un problème de visibilité : comment faire en sorte que le lectorat, en particulier les publics étudiants, puisse se repérer parmi cette offre pléthorique et éclatée ? Comment le leur apprendre ? Par ailleurs, d’autres supports éditoriaux, plus souples et plus réactifs que les revues traditionnelles, se développent pour diffuser la recherche scientifique, tandis que les moteurs de recherche donnent accès à des contenus fragmentés qui dissolvent la logique des sommaires. La mise en page et l’identité graphique des revues sont elles-mêmes bouleversées par des formats électroniques nouveaux qui modifient des habitudes intellectuelles et techniques parfois très anciennes.

2Les Annales, comme toutes les revues, doivent aujourd’hui affronter ces évolutions de l’économie matérielle de la publication scientifique. Dans le sillage des réflexions menées depuis plusieurs années au sein des Éditions de l’EHESS sur les défis de l’édition en sciences humaines et sociales (SHS) [1], ce numéro souhaite revenir sur l’économie matérielle de la revue, qu’il s’agisse de son apparence graphique, de sa diffusion et des outils techniques qui l’assurent ou, pour finir, des enjeux financiers et économiques auxquels elle est confrontée.

L’objet revue

3Aujourd’hui comme en 1929, les Annales restent avant tout un objet d’encre et de papier, qui suit une longue chaîne de production allant des auteurs et autrices aux éditrices qui ont œuvré à sa réalisation. Comme elles le racontent elles-mêmes, à son arrivée dans les bureaux de la revue, chaque nouveau numéro est scruté avec attention. Depuis 2017 et la coédition avec Cambridge University Press (CUP), la fabrication n’est plus prise en charge par l’imprimerie Chirat, mais par CUP. La reproduction de la maquette a d’ailleurs représenté, dans les deux premières années de collaboration, un défi technique dont la difficulté avait été au départ sous-évaluée : gestion différente des notes ou de la coupe automatique des mots, problème des teintes de noir, de gris et de rouge à reproduire à partir du nuancier en usage au Royaume-Uni, texture du papier qui, à grammage identique (80 g), s’est avéré plus transparent que le papier utilisé auparavant, entraînant, si l’on voulait augmenter l’épaisseur des pages, une augmentation du poids de chaque numéro et, par conséquent, du coût d’expédition. Les routes du papier, si familières des historiens de l’imprimerie naissante, ont profondément changé : les numéros des Annales arrivent désormais d’Angleterre, après avoir été composés en Inde et imprimés en Écosse, entassés par lots de quinze ou vingt dans des cartons dont l’acheminement jusqu’à Paris a duré presque trois semaines, un peu plus d’un mois après que les éditrices ont déclaré le volume « bon à tirer » [2]. Vestiges d’empires, assurément, non sans conséquences pour cette triple dimension sociale, matérielle et économique de la revue : une fabrique digne d’un article d’histoire connectée, sinon globale.

4Lorsque les « ouvrières du texte », selon leurs propres termes, déballent les premiers exemplaires imprimés, la revue est déjà accessible sous sa forme dématérialisée – l’édition numérique. Toutefois, dans une économie encore dominée par le papier, ce sont bien l’ouverture de ces cartons, l’observation de ces feuilles imprimées et reliées et leur prise en main qui marquent la véritable naissance d’un nouveau numéro. Les bans sont publiés sur les réseaux sociaux et les listes de diffusion : vient de paraître/nouvelle parution. Les membres du comité et les experts ne vont pas tarder à recevoir leur exemplaire papier, tandis que le routage est adressé aux abonnés, individuels et institutionnels. Une partie du stock reste aux Éditions de l’EHESS, mais l’essentiel est orienté vers les Entrepôts de Seine et Marne et d’Île de France (ESMIF), situés à Trappes, et vers Harmonia Mundi Livre, le diffuseur des Éditions de l’EHESS, basé à Arles, qui gère la distribution chez les libraires.

5Il est aisé de décrire le processus théorique de fabrication d’un numéro. La trajectoire se compose d’un certain nombre d’invariants, matériels et techniques, qui complètent le processus de sélection et de (ré)écriture des articles : on sait donc toujours, plus ou moins, sur un plan strictement éditorial et dans les grandes lignes, à quoi s’attendre. Mais observer les numéros des Annales dans leur matérialité révèle, au fil des années et des décennies, des variations, des fluctuations, insensibles ou flagrantes, auxquelles sont d’ailleurs habitués les spécialistes de l’imprimerie. Les changements successifs de maquette, de titre et de sous-titre en fournissent certainement l’exemple le plus manifeste et le plus symptomatique. Tout commence avec la couverture, dont la maquette, avec le titre rouge sur fond blanc et une typographie noire, garde l’empreinte de celle créée en 1957, lorsque Fernand Braudel assuma seul la direction de la revue et renonça à la couverture gris-bleu qui, avec des variantes, avait été en usage de 1929 à la mort de Lucien Febvre en 1956. Il en va de même de la charte graphique qui organise, encore aujourd’hui, l’identité visuelle de la revue, même si elle a été modernisée en 1994 puis à nouveau, légèrement, en 2002. En revanche, les images ont toujours été absentes de la couverture, si ce n’est à travers la marque d’imprimeur de la maison Armand Colin, présente de 1929 jusqu’en 1994 (la mention des Éditions de l’EHESS n’apparaissant qu’en 1998) [3].

6Ces écarts graphiques s’inscrivent dans un cadre visuel qui cultive un certain classicisme, au-delà de la couverture, bien que les Annales ne soient pas totalement figées sur le plan formel. Comme le rappelle Jacques Poloni-Simard, le directeur qui a promu l’actuelle maquette, la stabilité a longtemps été de mise. Non modifiée depuis 1954, ou « pas fondamentalement », la maquette a connu, en 2002, un vrai changement avec l’abandon de « l’historique plantin […] pour le tout aussi classique caslon (du nom d’un célèbre typographe londonien du xviiie siècle) […] », assorti d’une modification de la mise en page – et J. Poloni-Simard d’ajouter : « Nous espérons que les lecteurs s’habitueront vite à ce nouvel ‘habillage’ […] » [4]. S’en sont-ils seulement rendu compte ? Sur la couverture apparaît ordinairement la mention des auteurs et autrices des articles. Dans le cas de ce numéro spécial, c’est finalement l’ours de la revue qui s’affiche en couverture. La rédaction des Annales, dans son entier, est l’autrice de ce numéro, éditrices comprises, au-delà des catégorisations habituelles, les textes ayant tous fait l’objet de discussions et de relectures collectives.

7En 2011, la revue est passée de 6 à 4 numéros par an, entraînant une diminution du nombre annuel de pages. Entre 1990 et 2010, un numéro des Annales se composait, en moyenne, de 1 018 pages d’articles et paraissait 5 fois (en cas de numéro double) ou 6 fois par an ; à partir de 2011, sont publiées aux alentours de 715 pages en 4 livraisons par an [5], auxquelles il faut ajouter l’équivalent en anglais, ce qui augmente considérablement, en définitive, le volume total publié (même si les comptes rendus de la version française ne sont pas traduits dans la version anglaise). Si la revue publie désormais moins d’articles, ceux-ci sont en revanche beaucoup plus longs qu’auparavant. Ces textes, qui avoisinaient en moyenne 23 pages dans les années 1990, puis 28 à partir de 2006 et jusqu’à 2017, dépassent aujourd’hui fréquemment 40 pages (on trouve 8 articles de ce format dans les années 1990 contre 26 entre 2006 et 2017). Ils atteignent, en moyenne, 90 000 signes et peuvent aller, en incluant les notes, jusqu’à 130 000 signes, plus proches donc de la taille d’un petit livre que de la norme en vigueur dans les autres revues d’histoire (40 000 à 60 000 signes, le plus souvent notes comprises). En publiant moins, les Annales ont donné davantage à lire en privilégiant des articles plus développés.

8Ces articles ont notamment pour caractéristique d’être accompagnés de nombreuses notes, qui représentent en moyenne entre un cinquième et un tiers du texte – une proportion importante pour une revue dont l’érudition n’est pas la première vocation (sans l’exclure toutefois). Ces notes, qui ont crû en volume à partir des années 1990, ont repris, en 1993, leur place en bas de page, comme c’était le cas avant 1970, alors que, dans l’intervalle, elles avaient été déplacées en fin d’article. Cette évolution matérielle reflétait l’ambition d’atteindre un lectorat plus large, au-delà du monde académique, à une époque qui était celle de la diffusion maximale de la revue, tandis que le retour aux notes de bas de page témoigne sans doute d’une volonté de réaffirmer la position de référence scientifique occupée par les Annales. À rebours d’une écriture contemporaine de l’histoire de plus en plus littéraire et de l’allègement souvent souhaité par les éditeurs commerciaux de SHS, les notes en bas de page sont devenues encore plus stratégiques avec la traduction en anglais des articles, à partir de 2012. Veiller à ce qu’un sujet traité dans les Annales tienne compte de manière équilibrée de la bibliographie existante, à tout le moins en français et en anglais, est devenu une exigence encore plus impérative. Au-delà du bilinguisme, l’appareil des notes infrapaginales vise à inscrire le travail scientifique dans l’épaisseur des débats historiographiques : au souci d’érudition qui conduit à citer précisément les sources – dont on attend le plus souvent qu’elles soient inédites – s’ajoute l’exigence de faire dialoguer des historiographies plurielles et plurilingues, et non pas seulement en langue anglaise [6].

9Les comptes rendus ont eux aussi changé de forme et de place. Disposés sur deux colonnes à partir de 1969, ils sont alors souvent intercalés avec les articles, chaque dossier thématique possédant son propre ensemble de comptes rendus, avant que cette pratique disparaisse au début des années 2000, et que les ensembles, toujours thématiques et le plus souvent liés aux dossiers du numéro, reviennent en fin de volume. À l’instar des articles, les comptes rendus se sont allongés au cours des dernières décennies. En moyenne, ils avoisinent aujourd’hui les 10 000 signes, ce qui les place parmi les plus longs comptes rendus des revues de SHS (il arrive même qu’ils atteignent 15 000 signes), et ne sont jamais inférieurs à 7 000-8 000 signes. Les comptes rendus étaient autrefois accompagnés d’une rubrique intitulée « Le choix des Annales », tenant en une page, qui signalait les principales nouveautés bibliographiques avec une ligne de commentaire : celle-ci est tombée en désuétude au cours des années 2000, face à la variété des nouveaux canaux d’information scientifique – en particulier en ligne – et à la multiplication des titres dans de nombreuses langues, qui rendaient ce « choix » de plus en plus arbitraire, voire provincial, puisque limité à quelques ouvrages.

10La revue se caractérise donc par la stabilité de son identité visuelle, qui n’a cependant pas empêché des transformations notables dans la conception typographique des numéros. Cette relation n’a guère été modifiée par la mise en ligne, qui n’a pas entraîné de changement graphique alors qu’elle représente pourtant le bouleversement majeur de l’histoire matérielle récente des Annales. La numérisation rétrospective des anciens volumes et leur accessibilité sur plusieurs plateformes électroniques internationales  [7] n’ont pas eu, pour le moment, d’effet clairement identifiable sur l’écriture de la revue, ni sur sa mise en page. C’est probablement là un paradoxe de la situation actuelle : alors que la lecture des Annales se fait toujours davantage sous un format électronique, la conception formelle reste, elle, entièrement pensée pour le papier et n’a pas encore vraiment intégré, si ce n’est sous la forme occasionnelle de « compléments de lecture » mettant à disposition des données sur le site de la revue [8], les possibilités ouvertes par la mise en page numérique. Les outils des principales plateformes françaises et internationales restent en outre assez sommaires en la matière au regard de la riche tradition graphique des revues, puisqu’elles ne donnent accès qu’à des versions html souvent très standardisées visuellement. Tout ou presque reste à faire pour inventer une identité graphique électronique de la revue et des modes d’écriture et de lecture ad hoc, qui permettraient aux Annales numériques d’être autre chose qu’une déclinaison appauvrie de l’objet d’encre et de papier. Des discussions sont régulièrement engagées dans les comités de rédaction sur ces nouveaux formats à inventer. Ceux-ci ne dépendent pas seulement des possibilités matérielles dont les revues disposent pour accomplir une telle mutation – ce qui impliquerait sans doute un enrichissement de l’équipe de rédaction par l’adjonction d’autres compétences –, mais aussi d’une évolution des représentations : autrices et auteurs sont encore très attachés au type d’écriture que représente l’article scientifique, avec ses chaînes argumentatives linéaires et son ordre de lecture immuable.

Les nouveaux enjeux de la diffusion

11Ces remarques montrent combien la transition numérique est encore inachevée en ce qui concerne la publication scientifique, et combien nous sommes loin de pouvoir envisager le rapport entre matérialité et immatérialité qui gouvernera l’économie des revues et de leur lecture dans les prochaines décennies. Cependant, si, d’un point de vue graphique, visuel et matériel, les Annales restent déterminées par l’héritage des techniques éditoriales du xxe siècle, le bouleversement est déjà survenu en termes de diffusion.

12Alors que, pour l’essentiel, la diffusion de la revue avait gardé une certaine stabilité entre sa création et le début des années 2000, en quinze ans, tout a été modifié. Il n’existe pas d’étude détaillée sur l’évolution des pratiques de diffusion et de lecture des périodiques au xxe siècle, mais la consultation des quelques données disponibles montre que la situation des Annales est comparable, en matière de diffusion, aux publications équivalentes en France [9]. Fondées comme une revue destinée à être lue au-delà du monde scientifique, les Annales sont restées, pour l’essentiel, un périodique universitaire dans leurs modalités de diffusion. Elles ont connu une mise en place en librairie qui a pu aller jusqu’à quelques centaines d’exemplaires, mais les abonnements annuels ont longtemps été le moteur de la diffusion : à leur apogée, ils ont dépassé les 4 000, avant de décroître à partir des années 1990. Malgré ce déclin, la répartition et l’origine des abonnements sont restées stables, avec un rapport d’un tiers d’abonnements en France pour deux tiers à l’étranger et d’un tiers d’abonnements individuels pour deux tiers d’abonnements institutionnels dans les dernières décennies du xxe siècle. La structure géographique des abonnements étrangers dessinait une carte, elle aussi assez figée, de l’aire de rayonnement de la revue, donc de l’EHESS, et, à certains égards, des SHS françaises : l’Europe de l’Est et du Sud, le bassin méditerranéen, l’Amérique latine (surtout le Brésil et l’Argentine) et quelques grandes universités nord-américaines et britanniques (mais sans pénétration en profondeur dans le réseau d’enseignement supérieur anglophone).

13La lente décrue des abonnements a commencé voici plus de deux décennies. Elle est liée, sans doute, à un rayonnement moindre de la revue, mais aussi au recul progressif du français comme langue internationale de communication en SHS. Elle s’est accélérée avec la mise en ligne des Annales sur Cairn dans la seconde moitié des années 2000 et leur intégration aux bouquets d’abonnements proposés par la plateforme. C’est alors qu’une nouvelle tendance a commencé à se dessiner, amplifiée par la barrière mobile de quatre ans qui ouvrait peu à peu gratuitement l’accès aux numéros anciens. Le nombre de consultations et de téléchargement s’est mis à augmenter de manière sensible, atteignant régulièrement plusieurs milliers par article dans l’aire d’influence de Cairn, qui était centrée, à l’origine, sur la France et la Belgique, avant de s’étendre à l’international. Dans le même temps, les abonnements individuels et la diffusion en librairie ont entamé un déclin irréversible, de sorte que, dès le début des années 2010, on pouvait estimer que le lectorat de la revue en ligne avait dépassé en nombre celui des volumes imprimés. Le lancement de l’édition anglaise, en 2012, puis le partenariat avec CUP, à partir de 2017, ont été pensés en réponse à cette évolution. Grâce à la langue anglaise et au réseau de diffusion matériel et électronique de CUP [10], il s’agissait d’élargir la diffusion des Annales vers de nouveaux publics du point de vue linguistique, institutionnel et géographique dans un contexte de domination croissante de la langue anglaise dans le monde académique [11], d’autant que, simultanément, le développement de Cairn International Edition renforçait également l’accessibilité de la revue hors de France.

14En 2020, la diffusion de la revue est donc très différente de ce qu’elle était il y a vingt ans, tant dans sa géographie que dans ses supports. Il est malheureusement difficile d’affiner ce constat pour l’instant en raison de l’hétérogénéité des données disponibles : il n’existe guère d’instruments, sinon très approximatifs, pour comparer lecture papier et lecture électronique, abonnements institutionnels et usage des bouquets, ou encore pour évaluer l’évolution des aires de diffusion de la revue. Cette difficulté explique le caractère général des remarques suivantes, qui nécessiteraient, pour être affinées, une longue étude à partir des données de CUP et de Cairn. Alors que la diffusion électronique n’existait pas il y a encore vingt ans, elle est aujourd’hui de loin le premier mode d’accès aux Annales, ce qui s’inscrit plus généralement dans une économie de la publication scientifique des revues qui a définitivement basculé du côté numérique [12]. Le français reste la langue de référence de la revue en termes de téléchargements, y compris au plan international, mais l’édition anglaise est de plus en plus consultée, pour rejoindre, dans le cas de certains numéros récents, le niveau des téléchargements en français. La diffusion en librairie a, quant à elle, presque disparu : elle ne représente plus qu’environ 2 % du chiffre d’affaires de la revue au cours des cinq dernières années (soit quelques milliers d’euros sur environ 200 000 euros). Il en va de même des abonnements individuels, qui constituent à peine plus de 3 à 4 % du chiffre d’affaires. Surtout, les abonnements institutionnels à la revue papier sont désormais situés autour du millier, au profit d’une diffusion grandissante par l’intermédiaire des bouquets en ligne proposés par les différentes plateformes donnant accès aux Annales : Cambridge Core pour l’anglais et le français à partir de 2017, Cairn pour le français, mais aussi pour l’anglais, entre 2012 et 2017, à travers Cairn International, sans compter Persée, MUSE ou JSTOR – ces deux dernières diffusant également certains numéros [13]. La singularité de la revue s’est ainsi peu à peu diluée dans les canaux variés grâce auxquels les lectrices et lecteurs peuvent désormais la consulter, à la pièce.

15La diffusion des Annales, en termes d’accessibilité comme de consultation, s’en est trouvée renforcée, en particulier dans des régions du monde où elles étaient historiquement peu présentes, à la fois en Asie et en Afrique, francophone comme anglophone, et dans un nombre croissant d’universités en Allemagne, au Royaume-Uni et aux États-Unis. En retour, le profil des soumissions d’articles s’est considérablement élargi, avec un nombre croissant de textes écrits en anglais. Or un certain nombre de ces auteurs et autrices, loin d’avoir l’anglais pour langue première, sont issus du bassin méditerranéen, d’Asie ou d’Europe du Nord et de l’Est : ils recourent à l’anglais comme langue de communication scientifique – une langue qui est aussi parfois celle de l’enseignement supérieur de leur pays ou de leurs institutions de formation ou de rattachement. Ainsi, avant 2010, environ 5 % des textes acceptés avaient été soumis en anglais, alors que ce chiffre a dépassé les 10 % en 2012, puis les 20 % deux ans plus tard. En 2015, pour la première fois, plus de 25 % des articles discutés en comité de rédaction étaient écrits en anglais, le niveau moyen se situant actuellement autour de 30 %. D’autres langues, européennes pour le moment, sont également utilisées pour les soumissions.

16Ces évolutions permettent de toucher du doigt d’autres aspects de la profonde mutation de l’économie matérielle de la revue. Au-delà des enjeux liés aux modes d’écriture inédits rendus possibles par la transition numérique, se pose une question cruciale : les nouveaux modes de lecture électroniques sont-ils encore compatibles avec le concept même de revue, dans son unité éditoriale, son orientation et son articulation en volumes individualisés ? Et, partant, est-il encore pertinent de continuer à produire les Annales selon le processus qui a prévalu jusqu’à aujourd’hui ? En effet, on l’a rappelé, la lecture en ligne est le plus souvent orientée par les moteurs de recherche, qu’ils soient généralistes, comme Google, ou spécifiques à une plateforme donnée [14]. La cohérence d’un numéro s’en trouve donc en quelque sorte disloquée, l’accès aux articles se faisant par unité. Non seulement la vision d’ensemble d’un sommaire disparaît, mais la dimension collective qui structure un dossier, par exemple, souvent énoncée dans une présentation ou une introduction, est, elle aussi, rendue invisible. Plus largement, la cohérence même de la revue devient alors secondaire dans le parcours de lecture, qui peut suivre un fil thématique, indépendamment des supports éditoriaux, et passer d’un article à l’autre sans prêter attention à la revue dans laquelle ils sont publiés, un phénomène encore renforcé par l’homogénéisation graphique produite par la généralisation du format html. Désormais prépondérante, la diffusion électronique pose, enfin, la question de l’existence de l’éditeur scientifique qui soutient et diffuse une revue. De fait, le rôle structurel des plateformes tend à agréger progressivement des fonctions qui incombent traditionnellement à l’éditeur en termes de production et de diffusion, un peu à la manière dont l’économie audiovisuelle est bouleversée par de nouveaux acteurs comme Netflix [15]. Toutes ces évolutions matérielles ont contribué, tout autant que les transformations intellectuelles survenues dans le champ des sciences sociales, à la réflexion menée par les Annales depuis dix ans et dont ce numéro constitue l’aboutissement.

Un modèle économique à imaginer

17Les bouleversements induits par la transition numérique doivent également être mis en regard avec la nouvelle situation économique des Annales. En effet, la rentabilité des revues – et de la presse en général – n’est plus étroitement corrélée à leur diffusion. Un numéro peut être lu très largement sans engendrer aucun revenu ou en ne produisant qu’un profit marginal, ce qui rend nécessaire de repenser les modèles économiques des revues scientifiques en général et des Annales en particulier.

18Toutefois, même au zénith de la diffusion par abonnement, les revues n’ont jamais suivi un modèle économique unique [16]. Selon leur rayonnement et, aussi, leurs coûts de production, les revues connaissaient, dans le contexte français, des situations fort différentes, même si elles avaient pour point commun d’être soutenues par l’investissement public, à travers le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), les universités et les institutions de recherche au sens large. Que beaucoup de revues aient été – et soient encore – élaborées et publiées par des éditeurs privés tout en étant principalement financées par de l’argent public ne changeait rien à l’affaire [17]. Un équilibre précaire s’était installé, qui permit le développement de revues variées, liées à des institutions, des laboratoires ou des sociétés savantes, et contribua ainsi à l’émergence d’une véritable bibliodiversité [18].

19La publication de la plupart des revues ne répondait donc pas à une exigence de rentabilité au sens classique : tout au plus visait-elle à couvrir financièrement la fabrication et la diffusion, en dégageant éventuellement un bénéfice pour l’institution, l’association et surtout l’éditeur – mais à condition de ne pas intégrer le coût du travail fourni par les agents publics. Dans ce paysage éditorial, les Annales faisaient historiquement partie des rares revues à posséder un véritable modèle économique, si l’on entend par là la capacité du chiffre d’affaires à couvrir les coûts réels, incluant les salaires, charges comprises, des personnels éditoriaux [19]. Dans le cas des Annales, les coûts se répartissaient en trois grands blocs : tout d’abord, la fabrication, dans tous ses aspects (c’est-à-dire non seulement le papier et l’impression, mais aussi la composition des textes et l’ensemble du travail induit), comptant pour un peu moins de 20 % des dépenses ; ensuite, la diffusion (y compris les frais de transport et de courrier), représentant sensiblement le même montant ; enfin, le travail éditorial, sous forme de salaires, correspondant à près des deux tiers du coût total. Et encore ce calcul laisse-t-il de côté les frais d’environnement (bureaux, matériel informatique, consommables, etc.) et, surtout, le temps consacré à la revue par les membres du comité de rédaction, non rémunéré, comme s’il entrait naturellement dans le cadre de leur mission scientifique. Longtemps, les résultats financiers des Annales permirent de couvrir tous ces coûts. Et comme l’EHESS, à l’instar des autres institutions publiques, n’a jamais comptabilisé dans ses dépenses les salaires du personnel éditorial, la revue dégageait même des bénéfices qui permettaient de soutenir la production de livres aux Éditions de l’EHESS, souvent peu rentable, quel que soit le mode de calcul retenu.

20Depuis le début des années 2010, cet équilibre financier s’est érodé lentement mais sûrement, ce qui a conduit les Annales à envisager un nouveau modèle économique pour faire face à leurs propres contraintes. S’il a d’abord été noué pour profiter du réseau d’abonnement et de la visibilité offerte par la plateforme Cambridge Core, le partenariat avec CUP comportait aussi un enjeu financier important. La stratégie générale de la revue a été d’associer un abonnement en français, modique pour les institutions françaises et assorti d’une barrière mobile en voie d’abaissement sur Cairn, à un abonnement en anglais, plus coûteux et donc plus rentable économiquement. L’opération avait un double but : d’une part, conserver l’accès le plus ouvert possible à la recherche universitaire francophone, du point de vue de la lecture comme de la publication ; d’autre part, valoriser auprès de la communauté scientifique internationale la diffusion d’une revue en anglais dont le coût de production reste élevé pour l’institution publique qui la soutient, l’EHESS, et dont les recettes diminuent tendanciellement. Ce choix a été un succès à certains égards. L’édition anglaise a été lancée en 2012 grâce au soutien pluriannuel du CNRS qui, pendant cinq ans, a versé une subvention de 20 000 euros à plusieurs périodiques pour soutenir leur traduction vers l’anglais et augmenter ainsi la visibilité internationale de la production scientifique française. L’autonomie financière relative de l’édition anglaise, acquise lors du passage à CUP en 2017 [20], a permis aux Annales, conformément aux engagements pris vis-à-vis du CNRS, d’être la seule revue à sortir du programme d’aide à la traduction, laissant ainsi d’autres revues en disposer. Les premières années de collaboration avec CUP ont également montré que l’accessibilité accrue de la revue dans certaines parties du monde à travers Cambridge Core, qui constituait l’objectif premier du partenariat, pouvait parfois aussi susciter une augmentation des recettes, avec notamment de nouveaux abonnements papier (souscrits en particulier, fait frappant, depuis l’Asie – Japon, Corée du Sud, Chine et Inde – et l’Afrique anglophone, deux zones où les Annales étaient jusque-là quasiment absentes).

21Cependant, il ne faudrait pas surévaluer le bilan proprement économique de cette stratégie d’ouverture. La croissance des revenus électroniques n’a pas suffi à compenser la diminution des abonnements papier, et le chiffre d’affaires de la revue continue à baisser : il est désormais inférieur à 200 000 euros par an, soit une chute de plus de 15 % en dix ans. Cette érosion est le résultat, pour une part, de problèmes conjoncturels. Le retard significatif pris par la parution en 2017-2018, lié au bouleversement technique créé par la collaboration avec CUP, a eu des effets sur la commercialisation de la revue. S’y sont ajoutées, plus récemment, les incertitudes liées au Brexit et la crise sanitaire du Covid-19, qui a réduit les budgets de nombreuses bibliothèques par le monde – autant de facteurs qui ont contribué à fragiliser les revenus de la revue. L’année 2022 devrait marquer le retour à un calendrier de parution normal. Elle risque toutefois de faire ressortir d’autant plus crûment les problèmes structurels que pose aux Annales, comme aux autres revues, le nouveau dispositif international de diffusion des savoirs scientifiques.

Accès ouvert et économie des revues

22La mise en ligne des revues scientifiques s’est accompagnée, depuis plus de dix ans, d’un débat sur l’accès ouvert (open access), sur sa légitimité politique et intellectuelle, et sur ses éventuelles conséquences économiques pour l’édition publique. Si ces questions ont mobilisé légitimement l’attention, elles méritent d’être replacées dans un panorama plus large [21]. Depuis 2018, l’Union européenne prône l’accès ouvert à travers le « Plan S », destiné à favoriser la transition vers la science ouverte – une évolution déjà anticipée, en France, par la loi pour une République numérique, promulguée en octobre 2016. Au-delà des prises de position pro ou contra, les données empiriques disponibles permettent d’établir un premier diagnostic des effets produits par l’open access[22].

23Trois aspects méritent d’être soulignés à cet égard. Tout d’abord, l’effritement des revenus des revues n’est pas la conséquence de la généralisation de l’accès ouvert : la baisse s’est produite en amont et elle est davantage liée à la mise en place des bouquets numériques, c’est-à-dire d’abonnements globaux permettant à un nombre élevé d’utilisateurs d’accéder à plusieurs centaines de revues contre le versement d’une somme forfaitaire. Un tel système est assurément bénéfique en termes de diffusion, puisqu’il permet de multiplier l’accès à une même revue au sein d’une communauté universitaire, sans dépendre d’un exemplaire physique unique présent dans une bibliothèque donnée. En revanche, il se révèle très défavorable en termes de rémunération : d’une part, le système des bouquets rapporte bien moins aux revues que le modèle de l’abonnement institutionnel (environ cinq fois moins, autant qu’on puisse en juger avec les outils imparfaits dont nous disposons) ; d’autre part, le rapport entre la part de revenus fixe, déterminée par le contrat, et la part variable, liée au nombre de consultations, désavantage les grandes revues comme les Annales, dont les articles sont très consultés. L’accès ouvert n’a donc fait qu’accélérer une transformation économique préexistante, entamée dès le milieu des années 2000 et qui touche toutes les revues de SHS [23]. Ce modèle des bouquets en SHS repose par ailleurs sur une invisibilisation, ou du moins une minoration, des coûts réels du travail salarié dans l’édition en partant d’un présupposé erroné : la dématérialisation abaisserait significativement les coûts de production d’une revue. En réalité, le passage au numérique ne permet d’économiser que sur la fabrication et sur la diffusion – et encore partiellement, sauf à ne publier qu’en html ou dans un PDF qui en dérive. Or, cette part ne représente qu’environ 20 à 25 % du coût total d’une revue, principalement constitué par la rémunération des éditeurs et éditrices.

24Ensuite – et c’est le deuxième aspect du problème –, le fonctionnement des plateformes a également un coût technique et salarial considérable, qui a bien été mis en valeur par le rapport de 2019 coordonné par Daniel Renoult sur l’économie des revues en France [24], mais qui est lui aussi passé sous silence dans les débats sur l’accès ouvert. Or le développement d’une plateforme comme OpenEdition dépend étroitement de la capacité et de la volonté d’investissement de la puissance publique dans le financement de postes pérennes, dans des proportions sans rapport avec les revenus engendrés par un modèle économique comme le « freemium », qui donne accès à la lecture au format html mais réserve les formats téléchargeables à la formule payante. Le problème du financement des revues se double donc aujourd’hui de celui du financement des plateformes, en particulier celles financées par les institutions publiques françaises – les autres posant des difficultés différentes, également abordés par le rapport Renoult.

25Enfin, troisième aspect, le risque économique le plus sérieux pour une revue comme les Annales, en coédition entre Paris et Cambridge, tient aux stratégies nationales divergentes quant à la mise en place de l’accès ouvert, qui est aujourd’hui en voie de généralisation à l’échelle européenne. L’Union européenne et l’European Research Council, en effet, ne font plus simplement qu’encourager le dépôt rapide dans des archives ouvertes. Ils exigent désormais en théorie (même si, en pratique, une certaine souplesse est de mise, par exemple en acceptant les dépôts sur HAL) que les programmes de recherches financés sur fonds publics publient tous leurs résultats (articles et monographies) en accès ouvert, une demande qui a souvent été adressée aux Annales au cours des dernières années et qui met la revue en porte-à-faux par rapport au système de la barrière mobile. Cette évolution européenne a des conséquences plus larges qui méritent, pour finir, d’être mises en lumière, car elles sont décisives pour l’évolution non seulement économique, mais aussi scientifique des Annales comme de toutes les autres revues de SHS dans les prochaines années.

26Concrètement, les programmes de recherche européens sont dorénavant invités à payer des sommes importantes – au minimum quelques centaines d’euros par article, parfois davantage – pour publier leurs résultats dans des revues prestigieuses liées à des éditeurs dominants au Royaume-Uni ou aux Pays-Bas. Ces acteurs privés, qui imposaient auparavant des tarifs prohibitifs aux bibliothèques, s’adaptent et se convertissent même avec enthousiasme à la science ouverte, sous la forme de ce qu’on appelle la « voie dorée » [25]. Se développe par conséquent, à l’échelle européenne, un modèle de financement de l’accès ouvert qui favorise la propagation des article processing charges (APC), c’est-à-dire d’un modèle « auteur-payeur » déjà bien établi dans le domaine des sciences médicales, des sciences de la nature et aussi, en partie, des sciences économiques [26].

27La France a toutefois emprunté un autre chemin, la « voie diamant », où l’intégralité du processus éditorial est prise en charge par le financement public, en amont comme en aval, avec une totale gratuité pour les auteurs comme pour les lecteurs. Si ce choix est politiquement louable, il est aussi porteur de certains risques, tant pour les revues françaises internationalisées que pour les auteurs et autrices souhaitant publier dans des revues internationales qui auraient adopté la « voie dorée » [27]. Alors que le CNRS ambitionne de financer généreusement l’accès libre des résultats de la recherche publique française sur internet, l’absence de convergence européenne et d’harmonisation globale en la matière fait que les bibliothèques ou les laboratoires français risquent de continuer à acheter encore longtemps – et fort cher – des bouquets numériques de revues et de livres auprès d’éditeurs étrangers.

28Dans l’hypothèse où une politique d’accès libre étendue accompagnerait le développement des APC et du modèle « auteur-payeur », il faudrait dès lors trouver le moyen de garantir que l’argent des bibliothèques destiné auparavant à l’achat des abonnements de revues soit sanctuarisé et reversé directement aux laboratoires ou aux institutions de recherche, voire aux revues elles-mêmes, afin que celles-ci puissent continuer d’assurer la prise en charge financière des secrétariats de rédaction, des traductions et des éditions papier. Si ce dispositif – certes complexe à mettre en place – n’est pas pensé en amont, il est à craindre que la recherche en sciences sociales dans son ensemble se retrouve appauvrie par la généralisation du libre accès [28]. Aussi le législateur européen serait-il sans doute bien inspiré d’imposer dès aujourd’hui aux programmes financés par la Commission européenne un plafond pour le prix des articles et des livres en accès ouvert. Car rien n’interdit de penser que les coûts de « l’auteur-payeur », déjà élevés, ne cesseront d’augmenter dans les années à venir, une fois cette pratique bien ancrée dans le monde académique [29].

29Ces remarques, faites depuis l’observatoire des Annales, ne définissent pas, en elles-mêmes, un juste modèle de diffusion de la recherche scientifique. Elles rappellent seulement que le lieu de négociation d’un tel modèle ne saurait se cantonner au cadre national. Aborder un tel débat au niveau européen devrait être une priorité, aussi bien pour faire travailler ensemble les revues du continent, confrontées à des problèmes communs, que pour essayer d’influencer la politique de la Commission européenne et l’évolution annoncée du cadre législatif [30]. Ce dialogue serait surtout une manière de faire exister un véritable espace européen des sciences sociales, qui doit se construire autant par des pratiques éditoriales et matérielles que par la circulation des idées.

30Mais cette politique européenne des revues pourrait également permettre de lutter contre une paupérisation annoncée : de manière plus ou moins brutale, les revenus engendrés par la publication scientifique diminuent fortement avec la transition numérique. Ce phénomène est maintenant bien documenté pour toutes les industries culturelles : la dématérialisation et les facilités de circulation qu’elle entraîne ont réduit fortement les marges des producteurs de contenu. Dans le cas des revues, on l’a vu, ce sont les acteurs du monde académique eux-mêmes qui ont contribué à installer un modèle faiblement rémunérateur au regard du coût du travail, celui du bouquet – en écho à l’idée fausse, mais largement partagée, selon laquelle les scientifiques travailleraient « bénévolement » pour les revues. Une partie du débat actuel prolonge, même involontairement, ce malentendu originel. Définir les publications scientifiques en ligne comme relevant des « communs », comme il est devenu courant de le faire, part d’une intention bien compréhensible. Toutefois, cette assimilation, qui superpose d’une manière problématique « commun » et « public », risque aussi de faire passer pour naturel ce qui est le résultat d’un immense travail en amont : selon un biais typiquement scolastique, fort répandu chez les chercheurs, elle tend à rendre invisible la chaîne de production du savoir, de même que son coût et la prise en charge de ce dernier. Il est curieux que, dans le domaine culturel et intellectuel, la dématérialisation suscite presque automatiquement une modification du rapport à la valeur, comme si le fait que le savoir soit en ligne plutôt qu’imprimé faisait subitement disparaître les coûts nécessaires à sa mise en forme éditoriale, alors que le travail préalable reste le même.

31Pire encore, ce mouvement aux généreuses intentions relève en partie d’une politique du fait accompli : les moyens techniques rendent désormais possibles de nouvelles formes d’appropriation du savoir – par le biais du téléchargement illégal –, au mépris du droit d’auteur et de la propriété intellectuelle. Or de telles pratiques sont non seulement illégitimes, mais socialement dangereuses. Personne n’a jamais songé à envoyer gratuitement les volumes des Annales à tous ceux qui souhaiteraient les recevoir contre le simple paiement des frais de port. De même, le financement public n’a jamais garanti naturellement la gratuité de la jouissance de ce qui a été financé – sinon les transports ferroviaires seraient gratuits. Il faut donc poser la question, pour finir, de l’équilibre de cette économie dématérialisée, car, dans bien d’autres secteurs de la production culturelle, le processus a été destructeur d’emplois et synonyme d’abaissement de la qualité de réalisation. Comment l’emploi éditorial lié à la publication scientifique pourra-t-il être maintenu et, corrélativement, comment pourra-t-on poursuivre la mission de service public de diffusion de la recherche produite ? La solution de « l’auteur-payeur », qui risque de se généraliser au niveau européen, n’a pas été jusque-là la solution privilégiée par les Annales, mais la question du modèle « hybride », juxtaposant accès ouvert immédiat pour des articles subventionnés et barrière mobile dans les limites de la loi, se pose désormais, pour amortir ces effets déstabilisateurs et préserver un modèle mixte d’édition scientifique. Plus largement, l’évolution qui se dessine continuera à solliciter toujours davantage l’investissement public. C’est que l’enjeu est crucial pour maintenir une diffusion autonome de la recherche scientifique, notamment pour un monde universitaire français qui a besoin d’outils de rayonnement international. L’édition scientifique du xxie siècle doit être considérée comme un coût interne au fonctionnement de la recherche, non seulement au niveau de l’Europe et des pays qui la composent, mais aussi des établissements et des institutions ; un coût inclus dans les budgets et les dotations en poste, et non comme une externalité dont il faudrait rechercher l’équilibre financier.

32De nombreux problèmes liés à la transition numérique restent encore à résoudre du point de vue des Annales. Il s’agit tout d’abord de parvenir à mieux contrôler les données scientifiques publiées, leur accessibilité, leur visibilité et leur diffusion. Les moteurs de recherche, les portails, les dispositifs d’indexation, les métadonnées déterminent désormais le référencement, la visibilité et l’utilisation des articles, y compris pour des fouilles de texte massives (data mining) ou à des fins d’évaluation : la communauté scientifique doit prendre la mesure de ce bouleversement et, surtout, en garder la maîtrise institutionnelle, technique et politique. Il s’agit ensuite de préserver l’économie du travail éditorial : éditer est un métier, ce qu’on oublie trop souvent. Quand les chercheurs se retrouvent à assurer ce travail à la place des secrétaires de rédaction, c’est bel et bien un contresens économique et professionnel. Quel que soit le modèle de référence, il n’existe pas d’édition scientifique sans travail éditorial, donc sans le coût qui en découle. Il s’agit enfin de sauvegarder le modèle même des revues : celles-ci ne doivent pas se transformer, au rythme de la transition numérique, en archives ouvertes labellisées, mais continuer, au contraire, à mener des politiques éditoriales cohérentes et spécifiques. Sans doute la dématérialisation est-elle, pour les institutions de recherche, le principal défi de notre temps, auquel les Annales tentent de répondre de leur mieux par l’expérimentation et la réflexivité, dans un contexte d’incertitude générale sur les formes que la publication scientifique prendra à l’avenir. C’est à la revue qu’il revient de démontrer qu’elle peut exister sans l’étayage matériel représenté par les volumes de papier, et qu’elle peut prendre de nouvelles formes à l’ère numérique, sans renoncer à ce qui fait sa valeur et son intérêt intellectuel.


Date de mise en ligne : 25/08/2021

Notes

  • [1]
    Voir, en 2019, l’organisation des États généraux de l’édition en sciences humaines et sociales (SHS) par les Éditions de l’EHESS (https://editionshs2019.sciencesconf.org/), puis, en 2020, les 2e rencontres de l’édition en SHS (https://editionshs2020.sciencesconf.org/). Les États généraux de l’édition en SHS ont trouvé une première traduction concrète avec la publication de Étienne Anheim et Livia Foraison (dir.), L’édition en sciences humaines et sociales. Enjeux et défis, Paris, Éd. de l’EHESS, 2020.
  • [2]
    Voir, dans le présent numéro, « Un collectif au travail », p. 537-554.
  • [3]
    Pour un aperçu des évolutions qu’a connues la couverture des Annales, voir les reproductions réunies dans l’annexe en ligne précédemment citée.
  • [4]
    Jacques Poloni-Simard, « Éditorial », Annales HSS, 57-1, 2002, p. 5-6, ici p. 5, reproduit dans le présent numéro : « 90 ans d’éditoriaux », p. 725-796.
  • [5]
    Ces chiffres ne tiennent compte que du nombre de pages des articles et des notes critiques, non des comptes rendus.
  • [6]
    Voir, dans le présent numéro, « Les échelles du monde. Pluraliser, croiser, généraliser », p. 465-492.
  • [7]
    Celles-ci ont été amorcées au cours des années 2000 avec Persée, qui a rendu la revue accessible jusqu’en 2002, alors que débutait la diffusion électronique des nouveaux numéros sur la plateforme Cairn, poursuivie sur JSTOR et MUSE, puis sur Cambridge Core, à partir de 2017.
  • [8]
    « Compléments de lecture », Annales HSS, http://annales.ehess.fr/index.php?366.
  • [9]
    Valérie Tesnière, Au bureau de la revue. Une histoire de la publication scientifique (xixe-xxesiècle), Paris, Éd. de l’EHESS, 2021.
  • [10]
    Voir, dans le présent numéro, « Une revue en langues. Les défis d’une édition bilingue », p. 573-582.
  • [11]
    Gisèle Sapiro (dir.), Les contradictions de la globalisation éditoriale, Paris, Nouveau Monde éditions, 2009 ; Gisèle Sapiro, Sciences humaines en traduction. Les livres français aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Argentine, Institut français/Centre européen de sociologie et de science politique, 2014, halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01621157/document.
  • [12]
    Comité de suivi de l’édition scientifique (ci-après CSES), L’édition scientifique de revues : plan de soutien et évaluation des effets de la loi du 7 octobre 2016, 2019, p. 29 sq., https://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/Edition_scientifique/86/8/Rapport_CSES_12_12_2019_1226868.pdf.
  • [13]
    Sur la répartition des dépenses documentaires dans les bibliothèques, voir Inspection générale des bibliothèques, Les enjeux du numérique concernant les ressources documentaires en SHS, 2017, cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/2017/46/6/RAPPORT_enjeux_du_numerique_SHS_final_ct_743466.pdf.
  • [14]
    Élodie Faath, « Usage inattendu no 7 : des lecteurs prévisibles ? », 2017, https://lab.hypotheses.org/1808 ; Mark Forsyth, Incognita incognita ou le plaisir de trouver ce qu’on ne cherchait pas, trad. par M.-N. Rio, Paris, Les Éditions du Sonneur, 2019 ; Mariannig Le Béchec, « Les pratiques numériques de lecture sur les plateformes d’édition ouverte », in É. Anheim et L. Foraison (dir.), L’édition en sciences humaines et sociales, op. cit., p. 293-299.
  • [15]
    Pierre Mounier, « Les plateformes de diffusion numérique, un enjeu politique », in É. Anheim et L. Foraison (dir.), L’édition en sciences humaines et sociales, op. cit., p. 81-88.
  • [16]
    Cette hétérogénéité a été récemment confirmée par IDATE DigiWorld, Étude sur l’économie des revues françaises en sciences humaines et sociales. Rapport final : phases 1 et 2, ministère de la Culture, 2020, www.culture.gouv.fr/Sites-thematiques/Livre-et-lecture/Actualites/Etude-sur-l-economie-des-revues-de-sciences-humaines-et-sociales-SHS.
  • [17]
    En 2013, le financement de la revue Tracés. Revue de sciences humaines était représentatif de cette situation : Éric Monnet, « Open access : la schizophrénie française (mars 2013) », no spécial « Économie et politique de l’‘accès ouvert’ : les revues à l’âge numérique », Revue d’histoire moderne & contemporaine, 62-4 bis, 2015, p. 104-114.
  • [18]
    La diversité du statut des revues françaises de sciences humaines et sociales (SHS) est rappelée par Daniel Renoult, « Pour une meilleure connaissance de l’économie des revues », in É. Anheim et L. Foraison (dir.), L’édition en sciences humaines et sociales, op. cit., p. 235-241 ; CSES, L’édition scientifique de revues…, op. cit., p. 2 et 27.
  • [19]
    En 2015, un premier état des lieux de la situation économique des Annales était dressé par Étienne Anheim, « Le numérique et l’économie éditoriale des revues scientifiques », no spécial « Économie et politique de l’‘accès ouvert’. Les revues à l’âge numérique », Revue d’histoire moderne & contemporaine, 62-4 bis, 2015, p. 22-32. La même année, les résultats de l’enquête menée par le groupe édition de la Bibliothèque scientifique numérique (BSN 7) étaient exploités par Odile Contat et Anne-Solweig Gremillet, « Publier : à quel prix ? Étude sur la structuration des coûts de publication pour les revues françaises en SHS », Revue francaise des sciences de l’information et de la communication, 7, 2015, https://journals.openedition.org/rfsic/1716 ; voir aussi Philippe Cibois et François Théron, « Combien coûte un article de revue scientifique en SHS ? », Printemps, 2013, https://printemps.hypotheses.org/1527.
  • [20]
    Voir, dans le présent numéro, « Une revue en langues. Les défis d’une édition bilingue », p. 573-582.
  • [21]
    Ghislaine Chartron « Open access et SHS. Controverses », Revue européenne des sciences sociales, 52-1, 2014, p. 37-63 ; ead., « Géopolitique de l’open access », Cahiers COSTECH, 2, 2018, http://www.costech.utc.fr/CahiersCOSTECH/spip.php?article78 ; Jonathan Tennantet al., « Ten Hot Topics around Scholarly Publishing », MDPI Publications, 7-2, 2019, www.mdpi.com/2304-6775/7/2/34.
  • [22]
    Voir le no spécial « Économie et politique de l’‘accès ouvert’ : les revues à l’âge numérique », Revue d’histoire moderne & contemporaine, 62-4 bis, 2015, p. 104-114 ainsi que les rapports du CSES, L’édition scientifique de revues…, op. cit., p. 2 et 27 et de Jean-Yves Mérindol, L’avenir de l’édition scientifique en France et la science ouverte. Comment favoriser le dialogue ? Comment organiser la consultation ?, 2019, https://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/Edition_scientifique/57/3/Rapport_JYM_Edition_Scientifique_1235573.pdf. Ces deux rapports ont fait l’objet d’un débat lors des 2e rencontres de l’édition en SHS, le 16 novembre 2020 : https://webdiffusion.ehess.fr/videos/editions-shs-2020-1/.
  • [23]
    Dans le domaine des sciences naturelles, le tarif exorbitant des abonnements électroniques pratiqué par des éditeurs privés à but purement lucratif soulève évidemment d’autres problèmes économiques et politiques.
  • [24]
    CSES, L’édition scientifique de revues…, op. cit.
  • [25]
    Pour une synthèse des différentes voies de l’open access, voir Anne-Laure Stérin, « L’évolution du droit d’auteur et ses effets sur l’édition scientifique », in É. Anheim et L. Foraison (dir.), L’édition en sciences humaines et sociales, op. cit., p. 367-382.
  • [26]
    Odile Contat, « Un point sur les APC – Articles Processing Charges », Ressources pour les correspondants IST de l’InSHS, 2016, corist-shs.cnrs.fr/APC_synthese2016 ; J.-Y. Mérindol, L’avenir de l’édition scientifique en France et la science ouverte, op. cit. Pour une perspective internationale sur le sujet, voir aussi DOI : https://doi.org/10.1111/dech.12630.
  • [27]
    Voir en particulier, sur ce point, A.-L. Stérin, « L’évolution du droit d’auteur et ses effets sur l’édition scientifique », art. cit., p. 369.
  • [28]
    Les écueils du libre accès ont été pointés par Ghislaine Chartron, « Structure et défis économiques de l’édition », in É. Anheim et L. Foraison (dir.), L’édition en sciences humaines et sociales, op. cit., p. 207-215.
  • [29]
    Afin de lutter contre l’augmentation des APC, des programmes comme l’Open APC initiative proposent de rendre publics les montants versés par les établissements de recherche en France et à l’étranger.
  • [30]
    Émile Gayoso, « Tableau comparé des politiques nationales de l’open access au sein des principaux pays d’Europe », Comité de suivi de l’édition scientifique. Bulletin de veille, 2, 2018, bit.ly/2CMeugI.

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