Couverture de ANNA_753

Article de revue

Les échelles du monde

Pluraliser, croiser, généraliser

Pages 465 à 492

Notes

  • [1]
    Voir, dans le présent numéro, « Approche quantitative d’un projet intellectuel », p. 583-608.
  • [2]
    Sur la critique des échelles qui se développe aujourd’hui, voir Christian G. De Vito, « Verso una microstoria translocale (micro-spatial history) », Quaderni storici, 50-3, 2015, p. 815-833.
  • [3]
    Représentation « aplatie » à deux dimensions. On laisse ici de côté la problématique de l’échelle en architecture qui, à travers la pratique du modèle réduit, reproduit la tri-dimensionalité de l’espace.
  • [4]
    Si beaucoup de travaux ont porté sur le « vol de l’histoire », pour reprendre le titre polémique de l’ouvrage de Jack Goody (Le vol de l’histoire. Comment l’Europe a imposé le récit de son passé au reste du monde, trad. par F. Durand-Bogaert, Paris, Gallimard, [2006] 2015), peu se sont préoccupés, en dehors du petit monde des historiens de la géographie, de ce « vol de l’espace » – tout du moins ne l’ont-ils pas formulé en ces termes. La monumentale History of Cartography, démarrée sous la direction de John Brian Harley et David Woodward à l’université du Wisconsin et qui compte six volumes en plusieurs tomes, est une entreprise unique par son ambition chronologique et spatiale. Pour ce qui concerne notre propos, voir en particulier David Woodward (dir.), The History of Cartography, vol. 3, Cartography in the European Renaissance, Chicago, The University of Chicago Press, 2 t., 2007, qui propose des analyses détaillées de la « révolution cartographique » européenne. Dans le domaine français, voir Isabelle Laboulais-Lesage (dir.), Combler les blancs de la carte. Modalités et enjeux de la construction des savoirs géographiques (xvie-xxesiècle), Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2004 ; Hélène Blais et Isabelle Laboulais (dir.), Géographies plurielles. Les sciences géographiques au moment de l’émergence des sciences humaines (1750-1850), Paris, L’Harmattan, 2006 ; Jean-Marc Besse, Hélène Blais et Isabelle Surun (dir.), Naissances de la géographie moderne (1760-1860). Lieux, pratiques et formation des savoirs de l’espace, Paris, ENS Éditions, 2010. Tous ces travaux se développent sans lien direct avec les recherches de Bernard Lepetit, dont la réflexion cartographique trouve à s’exprimer dans les nombreux comptes rendus qu’il publie dans la revue entre 1980 et sa mort accidentelle en 1996.
  • [5]
    Élaborée, entre autres, par Jacques Lévy et Michel Lussault et consignée notamment dans leur Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, Paris, Belin, 2003, l’approche multi-scalaire est aujourd’hui largement diffusée chez les géographes, jusqu’à faire son entrée dans les programmes d’enseignement scolaire. En géo-archéologie, elle est aussi appliquée à des échelles temporelles.
  • [6]
    Nicolas Verdier, « L’échelle dans quelques sciences sociales. Petite histoire d’une absence d’interdisciplinarité », in O. Orainet al., Échelles et temporalités en géographie, t. 2, Vanves, CNED, 2004, p. 25-56.
  • [7]
    Rappelons que, si cet « héritage » a fait l’objet d’interprétations divergentes, à partir des Lumières européennes, dans les travaux de Theodor Mommsen, Fustel de Coulanges et d’autres, il s’est largement fondé sur l’exclusion de l’Orient antique, comme l’a montré Arnaldo Momigliano, Sagesses barbares. Les limites de l’hellénisation, trad. par M.-C. Roussel, Paris, F. Maspero, [1975] 1979 et, d’une autre manière, François Hartog, Anciens, modernes, sauvages, Paris, Galaade éditions, 2005.
  • [8]
    Ces chiffres concernent les 1 100 articles publiés par les Annales entre 1990 et 2018 inclus, à l’exception des éditoriaux et des comptes rendus d’ouvrages. Certains articles portant sur plusieurs aires géographiques à la fois, la somme des pourcentages est supérieure à 100 %. Sur l’approche statistique de ce que publient les Annales, voir, dans le présent numéro, « Approche quantitative… », art. cit.
  • [9]
    La notion de « lointain » vaut ici au sens spatial : elle désigne une distance par rapport au lieu de la production de la réflexion. La catégorie, souvent utilisée pour sa capacité d’évocation, reste problématique : non seulement elle suppose que le lointain est ailleurs dans l’espace, annihilant par là même toute saisie des formes d’éloignement social ou culturel, mais elle investit aussi ce lointain d’un parfum d’exotisme, contre lequel les sciences sociales ont cherché à se construire. Pour une réflexion sur ces questions, voir Alain Mahé et Kmar Bendana (dir.), Savoirs du lointain et sciences sociales, Saint-Denis, Éd. Bouchène, 2004 ou Gérard Lenclud, L’universalisme ou le pari de la raison. Anthropologie, histoire, psychologie, Paris, Éd. de l’EHESS/Gallimard, 2013, qui renvoient autant au débat français sur les « aires culturelles » qu’à la question, au sein des Annales, des liens entre histoire et sciences sociales (ici l’anthropologie). Dans les Annales, cette catégorie est travaillée dans le dossier intitulé « L’exercice de la comparaison », Annales HSS, 57-1, 2002, p. 27-144, une réflexion reprise, dix ans plus tard, dans l’entreprise collective Faire des sciences sociales, Paris, Éd. de l’EHESS, 2012, publiée en trois volumes : Pascale Haag et Cyril Lemieux (dir.), vol. 1, Critiquer ; Olivier Remaud, Jean-Frédéric Schaub et Isabelle Thireau (dir.), vol. 2, Comparer ; Emmanuel Désveaux et Michel de Fornel (dir.), vol. 3, Généraliser.
  • [10]
    Sanjay Subrahmanyam, « Ceci n’est pas un débat… », Annales HSS, 57-1, 2002, p. 195-201, ici p. 195. Sanjay Subrahmanyam défend ici avec force l’approche d’histoire connectée dont son critique, le spécialiste de l’empire portugais Francisco Bethencourt, soulignait les limites et défendait la combinaison « d’autres échelles d’analyse, notamment l’histoire globale ou la micro-histoire, approches complémentaires pour l’analyse historique » dans Francisco Bethencourt, « Le millénarisme : idéologie de l’impérialisme eurasiatique ? » Annales HSS, 57-1, 2002, p. 189-194, ici p. 194.
  • [11]
    Voir, dans le présent numéro, « Un collectif au travail », p. 537-554.
  • [12]
    Karine Karila-Cohenet al. (dir.), no spécial « Histoire quantitative », Annales HSS, 73-4, 2018.
  • [13]
    On ne se trouve donc pas ici dans le cadre des approches multi-sites telles qu’elles ont été proposées par les ethnologues. Voir, à ce propos, l’analyse et la réflexion méthodologique de Guillaume Calafat, « Jurisdictional Pluralism in a Litigious Sea (1590-1630): Hard Cases, Multi-Sited Trials and Legal Enforcement between North Africa and Italy », J.-P. Ghobrial (dir.), « Global History and Microhistory », Past & Present, 242, supplément 14, 2019, p. 142-178, ici p. 145. L’approche est reprise et abondamment commentée dans le même numéro par Christian G. De Vito, « History Without Scale: The Micro-Spatial Perspective », J. P. Ghobrial (dir.), Past & Present, 242, supplément 14, 2019, p. 348-372. On aura l’occasion d’y revenir à propos des échelles.
  • [14]
    Dossier « Souveraineté et territoire (xixe-xxe siècle) », Annales HSS, 69-2, 2014, p. 307-467 ; dossier « Micro-analyse et histoire globale », Annales HSS, 73-1, 2018, p. 3-159 ; Étienne Anheim (dir.), no spécial « Archives », Annales HSS, 74-3/4, 2019. Bien plus tôt, c’était déjà le cas de certains numéros spéciaux : Yves Cohen et Dominique Pestre (dir.), no spécial « Histoire des techniques », Annales HSS, 53-4/5, 1998 ; Alice Ingold (dir.), no spécial « Environnement », Annales HSS, 66-1, 2011.
  • [15]
    C’est ici toute la difficulté de l’exercice auquel se livre ce texte : il n’est pas possible de rendre compte des évolutions des trente dernières années à la seule lumière de la « politique éditoriale » de la revue. Il n’est cependant pas non plus possible de s’engager dans une étude globale du monde des revues, marqué par l’accélération de leur internationalisation et la victoire temporaire de la langue anglaise dans la production des sciences sociales.
  • [16]
    Voir, dans le présent numéro, « Une revue en langues. Les défis d’une édition bilingue », p. 573-582.
  • [17]
    Voir en particulier les dossiers suivants : « Histoire croisée », Annales HSS, 58-1, 2003, p. 7-36 ; « Une histoire à l’échelle globale », Annales HSS, 56-1, 2001, p. 3-123.
  • [18]
    Parmi les travaux « internes », voir Jacques Revel et Nathan Wachtel (dir.), Une école pour les sciences sociales. De la VIesection à l’École des hautes études en sciences sociales, Paris, Éd. de l’EHESS/Éd. du Cerf, 1995 ; André Burguière, L’école des Annales. Une histoire intellectuelle, Paris, Odile Jacob, 2006 ; Jacques Revel, Un moment, des histoires, Paris, Éd. de l’EHESS, 2018, p. 91-118. En « externe », voir Peter Burke, The French Historical Revolution: The Annales School, 1929-89, Cambridge, Polity Press, 1990. Voir aussi, dans le présent numéro, « Entre revue et ‘école’. Les Annales en situation », p. 519-535.
  • [19]
    Ces centres sont : l’Institut des mondes africains (IMAF), le Centre d’études de l’Inde et de l’Asie du Sud (CEIAS), Mondes américains, le centre Georg Simmel, pour les centres organisés autour d’aires géographiques ; le Centre d’études sociologiques et politiques Raymond-Aron (CESPRA), le Centre Alexandre Koyré (CAK), l’UMR Anthropologie et histoire des mondes antiques (ANHIMA), pour les centres organisés autour d’objets ou de périodes (tous ces centres étant, par ailleurs, interdisciplinaires).
  • [20]
    Angelo Torre, « Geografie regolari. Problemi di ricerca e ipotesi di lavoro sugli ordini religiosi nel Piemonte fra Concilio di Trento e soppressioni postunitarie » et Maria Antonietta Visceglia « ‘Le pretensioni hano più capi dell’Hidra’: un bilancio sulla nobiltà romana », in S. Sebastiani et A. Romano (dir.), La forza delle incertezze. Dialoghi storiografici con Jacques Revel, Bologne, Il Mulino, 2016, respectivement p. 213-227 et 229-267. Voir, en outre, dans le présent numéro, Angelo Torre et Vittorio Tigrino, « Des historiographies connectées ? Les Annales, Quaderni storici et l’épreuve de l’histoire sociale », p. 681-692.
  • [21]
    On notera la rapidité de l’exportation, dans le monde états-unien, du tournant critique : Lynn Hunt et Jacques Revel (dir.), Histories: French Constructions of the Past, trad. par A. Goldhammer et al., New York, The New Press, 1995, p. 479-484.
  • [22]
    Introduction, « Une histoire à l’échelle globale », Annales HSS, 56-1, 2001, p. 3-4, ici p. 4, reproduite dans le présent numéro : « 90 ans d’éditoriaux », p. 725-796.
  • [23]
    Bernard Lepetit (dir.), Les formes de l’expérience. Une autre histoire sociale, Paris, Albin Michel, 1995 ; Jacques Revel (dir.), Jeux d’échelles. La micro-analyse à l’expérience, Paris, Gallimard/Éd. du Seuil, 1996. Si, dans les deux volumes, la question des échelles de l’analyse est présente, elle revient comme le nœud de plusieurs contributions du volume de 1996 : Bernard Lepetit, « De l’échelle en histoire », Alban Bensa, « De la micro-histoire vers une anthropologie critique », Maurizio Gribaudi, « Échelle, pertinence, configuration » et Paul-André Rosental, « Construire le ‘macro’ par le ‘micro’ : Fredrik Barth et la microstoria », in J. Revel (dir.), Jeux d’échelles, op. cit., respectivement p. 71-94, 37-70, 113-139 et 141-159. On renverra aussi à Bernard Lepetit, « Architecture, géographie, histoire : usages de l’échelle », Genèses, 13, 1993, p. 118-138, dont le texte constitue la version développée de l’article de 1996. Pour une réflexion sur le rôle personnel de Jacques Revel dans cette contribution, voir Lynn Hunt, « Jacques Revel and the Question of Scale », in S. Sebastiani et A. Romano (dir.), La forza delle incertezze, op. cit., p. 35-45. Pour les propositions expérimentales de B. Lepetit, voir les différentes notes critiques publiées dans la revue : Bernard Lepetit, « L’échelle de la France », Annales ESC, 45-2, 1990, p. 433-443 ; id., « Une logique du raisonnement historique (note critique) », Annales ESC, 48-5, 1993, p. 1209-1219 ; id., « Le travail de l’histoire (note critique) », Annales HSS, 51-3, 1996, p. 525-538.
  • [24]
    Introduction, « Une histoire à l’échelle globale », art. cit., p. 4. Dans l’introduction du volume collectif de 1996, J. Revel écrit : « Saisie au ras du sol, l’histoire d’un ensemble social se disperse, en apparence, en une myriade d’événements minuscules, difficiles à organiser. La conception traditionnelle de la monographie cherche à le faire en se donnant pour tâche la vérification locale d’hypothèses et de résultats généraux. Le travail de contextualisation multiple pratiqué par les micro-historiens part de prémisses très différentes. Il pose, en premier lieu, que chaque acteur historique participe, de façon proche ou lointaine, à des processus – et donc s’inscrit dans des contextes – de dimensions et de niveaux variables, du plus local au plus global. […] Ce que l’expérience d’un individu, d’un groupe, d’un espace permet de saisir, c’est une modulation particulière de l’histoire globale. Particulière et originale car ce que le point de vue micro-historique offre à l’observation, ce n’est pas une version atténuée, ou partielle, ou mutilée de réalités macro-sociales : c’en est […] une version différente » (Jacques Revel, « Micro-analyse et construction du social », in J. Revel [dir.], Jeux d’échelles, op. cit, p. 15-36, ici p. 26).
  • [25]
    Dans l’espace intellectuel français, les articles consacrés aux subaltern studies sont publiés ailleurs et tardivement : voir par exemple Jacques Pouchepadass, « Les Subaltern Studies ou la critique postcoloniale de la modernité » et, sur la globalisation, Jean-Loup Amselle, « La globalisation. ‘Grand partage’ ou mauvais cadrage ? », J. Assayag et V. Bénéï (dir.), no spécial « Intellectuels en diaspora et théories nomades », L’Homme, 156, 2000, respectivement p. 161-186 et 207-226. Jacques Pouchepadass contribue toutefois régulièrement aux Annales, principalement à travers des comptes rendus – 13 entre 1973 et 1991. Voir aussi Isabelle Merle, « Les Subaltern Studies. Retour sur les principes fondateurs d’un projet historiographique de l’Inde coloniale », Genèses, 56, 2004, p. 131-147. De la même manière, les travaux portant sur l’écriture de l’histoire, comme l’entreprise collective de la Oxford History of Historical Writing, dont les volumes 3 (1400-1800), 4 (1800-1945) et 5 (depuis 1945), parus entre 2012 et 2015, sans aucun auteur français, n’ont pas reçu d’écho particulier. Pour une approche quantitative de cette question dans les Annales, voir, dans ce numéro, « Approche quantitative… », art. cit.
  • [26]
    Une abondante littérature se développe dans le cadre de revues à caractère théorique, dans le monde principalement anglophone ou hispanophone (moins visible), où ces questions sont travaillées. À titre d’exemples, voir les numéros spéciaux « Early Modernities », Dædalus, 127-3, 1998 et « Multiple Modernities », Dædalus, 129-1, 2000.
  • [27]
    Johannes Fabian, Le temps et les autres. Comment l’anthropologie construit son objet, trad. par E. Henry-Bossonney et B. Müller, Toulouse, Anacharsis, [1983] 2006.
  • [28]
    Voir, dans le présent numéro, « Après le tournant documentaire. Ce qui montre, ce qu’on montre », p. 425-446, ainsi que Nathalie Kouamé, Éric P. Meyer et Anne Viguier (dir.), Encyclopédie des historiographies : Afriques, Amériques, Asies, vol. 1, Sources et genres historiques, Paris, Presses de l’Inalco, 2020.
  • [29]
    Citons, par exemple, le dossier sur le contrat salam, « Islam et développement économique », Annales HSS, 61-4, 2006, p. 863-940, ou le dossier « Écrire l’histoire de l’islam moderne et contemporain », Annales HSS, 73-2, 2018, p. 311-439, dans lequel la revendication d’une « islamologie historienne » invite à repenser les articulations du temps du religieux et de l’impérial : voir en particulier Augustin Jomier et Ismail Warscheid, « Pour une islamologie historienne » et Catherine Mayeur-Jaouen, « ‘À la poursuite de la réforme’. Renouveaux et débats historiographiques de l’histoire religieuse et intellectuelle de l’islam, xve-xxie siècle », Annales HSS, 73-2, 2018, respectivement p. 311-316 et 317-358. Voir aussi le dossier paru l’année précédente, « Temporalités du moment colonial », Annales HSS, 72-4, 2017, p. 937-1083.
  • [30]
    La revue ayant pour tradition de rubriquer son sommaire, tous les articles appartiennent à des « dossiers », qui se réduisent donc parfois à un seul article. Il existe toutefois des dossiers particulièrement volumineux, souvent composés de quatre articles ou plus, qui avaient ou auraient pu avoir vocation à faire des numéros spéciaux. Pour l’analyse qui suit, ces différents types de dossiers sont embrassés ensemble.
  • [31]
    Hiroyuki Ninomiya et Pierre-François Souyri (dir.), no spécial « L’histoire du Japon sous le regard japonais », Annales HSS, 50-2, 1995 : voir en particulier, dans ce numéro, Hiroyuki Ninomiya et Pierre-François Souyri, « Présentation », p. 227-233.
  • [32]
    Dossier « La société allemande, xviie-xixe siècles », Annales HSS, 50-4, 1995, p. 719-802, qui, par ailleurs, permettait de présenter les appropriations allemandes de la micro-histoire ; no spécial « Histoire sociale de la RDA », Annales HSS, 53-1, 1998.
  • [33]
    Dossiers « Chiapas » et « Quel américanisme aujourd’hui ? », Annales HSS, 57-5, 2002, respectivement p. 1251-1289 et 1293-1355 ; dossier « Politique et contrôle de l’eau dans le Moyen-Orient ancien », Annales HSS, 57-3, 2002, p. 517-663 ; Pierre Chuvin et Jacques Poloni-Simard (dir.), no spécial « Asie centrale », Annales HSS, 59-5/6, 2004 ; Angela Ki Che Leung (dir.), no spécial « Chine », Annales HSS, 61-6, 2006 ; Jacques Poloni-Simard (dir.), no spécial « Amériques coloniales. La construction de la société », Annales HSS, 62-3, 2007 ; Éloi Ficquet et Aïssatou Mbodj-Pouye (dir.), no spécial « Cultures écrites en Afrique », Annales HSS, 64-4, 2009 ; dossier « Les statuts sociaux au Japon (xviie-xixe siècle) », Annales HSS, 66-4, 2011, p. 955-1077.
  • [34]
    Claude Markovits, Jacques Pouchepadass et Sanjay Subrahmanyam, « La geste indianiste. Du saint guerrier aux héros paysans », Annales HSS, 60-2, 2005, p. 233-237, ici p. 233.
  • [35]
    Guillaume Carré, « Les marges statutaires dans le Japon prémoderne : enjeux et débats », Annales HSS, 66-4, 2011, p. 955-976, ici p. 966.
  • [36]
    Dossier « Processus d’urbanisation », Annales HSS, 59-1, 2004, p. 39-139.
  • [37]
    Voir par exemple le dossier intitulé « Échanges et communautés », qui accueille un article de Judith Scheele, « L’énigme de la faggāra : commerce, crédit et agriculture dans le Touat algérien », Annales HSS, 67-2, 2012, p. 471-493.
  • [38]
    Fernand Braudel, Grammaire des civilisations, Paris, Arthaud, 1987. On a déjà pointé plus haut l’intérêt de la notion dans une tradition des Annales au long cours. Une réflexion plus approfondie permettrait aussi, notamment à propos de Fernand Braudel, de mettre en perspective toute la réflexion et la recherche sur les zones de contacts, les territoires de rencontres, à l’image de ce qu’était, pour lui, l’espace méditerranéen.
  • [39]
    C’est par exemple à la même époque que le CNRS dissout sa section orientaliste dans la section d’histoire moderne et contemporaine (généraliste).
  • [40]
    C’est le cas de nombre des dossiers évoqués plus haut, qui n’ont toutefois jamais exclu un certain degré de spécialité, qu’elle soit linguistique ou technique.
  • [41]
    Voir, à titre d’exemple, Benoît Grévin, « Langues et sociétés de l’Islam médiéval », Annales HSS, 70-3, 2015, p. 563-576.
  • [42]
    Parmi les différentes entreprises, plusieurs histoires de l’Europe ont mobilisé les grands éditeurs européens et divers volumes collectifs ont rouvert le dossier. Voir entre autres Maria Antonietta Visceglia (dir.), Le radici storiche dell’Europa. L’età moderna, Rome, Viella, 2007 ; Anthony Molho, Diogo Ramada Curto et Niki Koniordos (dir.), Finding Europe: Discourses on Margins, Communities, Images, ca. 13th-ca. 18th centuries, New York, Berghahn Books, 2007.
  • [43]
    On pense ici aux travaux d’Ann Laura Stoler, Along the Archival Grain: Epistemic Anxieties and Colonial Common Sense, Princeton, Princeton University Press, 2009, dont la traduction récente aux Éditions de l’EHESS (ead., Au cœur de l’archive coloniale. Questions de méthode, trad. par C. Jaquet et J. Gross, Paris, Éd. de l’EHESS, 2019) témoigne de l’acclimatation en France des réflexions post-coloniales.
  • [44]
    Voir notamment le dossier « Une histoire à l’échelle globale », Annales HSS, 56-1, 2001, p. 3-123.
  • [45]
    Dipesh Chakrabarty, Provincializing Europe: Postcolonial Thought and Historical Difference, Princeton, Princeton University Press, 2000 (traduction française : id., Provincialiser l’Europe. La pensée postcoloniale et la différence historique, trad. par O. Ruchet et N. Vieillescazes, Paris, Éd. Amsterdam, [2000] 2009). Formé d’abord en physique (BSc degree à l’université de Calcutta), ayant obtenu un MBA en Management à Calcutta, puis un PhD en histoire à la Australian National University, spécialiste de l’histoire contemporaine de l’Asie du Sud, dans une perspective subalterniste, l’auteur est alors professeur au département d’histoire de l’université de Chicago.
  • [46]
    Voir, dans le présent numéro, le compte rendu par Romain Bertrand de Provincialiser l’Europe de Dipesh Chakrabarty, p. 821-826.
  • [47]
    Voir Jacques Poloni-Simard (dir.), no spécial « Amériques coloniales. La construction de la société », Annales HSS, 62-3, 2007 ; no spécial « Empires », Annales HSS, 63-3, 2008, qui inclut une remise en cause de la catégorie « études coloniales » par Jean-Frédéric Schaub, « La catégorie des ‘études coloniales’ est-elle indispensable ? », Annales HSS, 63-3, 2008, p. 625-646 ; dossiers « L’Atlantique français », Annales HSS, 64-5, 2009, p. 985-1050 et « Histoire atlantique », Annales HSS, 67-2, 2012, p. 327-413, ce dernier comprenant un article de Cécile Vidal, « Pour une histoire globale du monde atlantique ou des histoires connectées dans et au-delà du monde atlantique ? », Annales HSS, 67-2, 2012, p. 391-413, qui répond, entre autres, à celui de Jean-Frédéric Schaub.
  • [48]
    Jocelyne Dakhlia, « La ‘culture nébuleuse’ ou l’Islam à l’épreuve de la comparaison », Annales HSS, 56-6, 2001, p. 1177-1199, ici p. 1183.
  • [49]
    Ead., « La question des lieux communs. Des modèles de souveraineté dans l’islam médiéval », in B. Lepetit (dir.), Les formes de l’expérience, op. cit., p. 39-62.
  • [50]
    Marc Bloch, « Pour une histoire comparée des sociétés européennes », Revue de synthèse historique, 46, 1928, p. 15-50, réédité dans id., Mélanges historiques, vol. 1, Paris, S.E.V.P.E.N., 1963, p. 16-40 et dans id., Histoire et historiens, Paris, Armand Colin, 1995, p. 94-123. Parmi les gloses, voir Maurice Aymard, « Histoire et comparaison », Aleksander Gieysztor, « Le comparatisme en histoire » et Lucette Valensi, « Retour d’Orient. De quelques usages du comparatisme en histoire », in H. Atsma et A. Burguière (dir.), Marc Bloch aujourd’hui. Histoire comparée et sciences sociales, Paris, Éd. de l’EHESS, 1990, respectivement p. 271-278, 255-258 et 307-316 ; Nancy L. Green, « L’histoire comparative et le champ des études migratoires », Annales ESC, 45-6, 1990, p. 1335-1350.
  • [51]
    C’est ce dont témoigne, dans la revue et à travers son travail, la contribution de Michaël Werner, à partir du milieu des années 1980 et de son premier article, co-signé, publié dans les Annales : Michel Espagne et Michaël Werner, « La construction d’une référence culturelle allemande en France : genèse et histoire (1750-1914) », Annales ESC, 42-4, 1987, p. 969-992, article fondateur de la recherche sur les transferts culturels. La fécondité de la piste, sur le versant français, est rappelée, la décennie suivante, par Sandrine Kott et Thierry Nadau, « Pour une pratique de l’histoire sociale comparative. La France et l’Allemagne contemporaines », Genèses, 17, 1994, p. 103-111.
  • [52]
    Voir les contributions au volume de Michael Werner et Bénédicte Zimmermann (dir.), De la comparaison à l’histoire croisée, Paris, Éd. du Seuil, 2004.
  • [53]
    Michael Werner et Bénédicte Zimmermann, « Penser l’histoire croisée : entre empirie et réflexivité », Annales HSS, 58-1, 2003, p. 7-36, ici p. 21-23.
  • [54]
    Parmi les articles des Annales s’étant confrontés aux outils de l’histoire croisée, on peut citer : Catarina Madeira Santos, « Entre deux droits. Les Lumières en Angola (1750-v. 1800) », Annales HSS, 60-4, 2005, p. 817-848 ; Ludovic Tournès, « La fondation Rockefeller et la construction d’une politique des sciences sociales en France (1918-1940) », Annales HSS, 63-6, 2008, p. 1371-1402 ; Markus Messling, « Philologie et racisme. À propos de l’historicité dans les sciences des langues et des textes », Annales HSS, 67-1, 2012, p. 153-182 ; C. Vidal, « Pour une histoire globale du monde atlantique… », art. cit. ; Nathalie Clayer, « Les espaces locaux de la construction étatique à l’aune du cas albanais (1920-1939) », Annales HSS, 69-2, 2014, p. 415-438. On notera la variété des échelles spatiales en question.
  • [55]
    Voir Christopher L. Hill, « Conceptual Universalization in the Transnational Nineteenth Century », in S. Moyn et A. Sartori (dir.), Global Intellectual History, New York, Columbia University Press, 2013, p. 134-158, ici p. 146.
  • [56]
    Voir notamment The Cambridge World History, comprenant à ce jour sept volumes, et dont le sixième a fait l’objet d’un compte rendu : Antonella Romano, « Jerry H. Bentley, Sanjay Subrahmanyam et Merry E. Wiesner-Hanks (dir.), The Cambridge World History, vol. 6, The Construction of a Global World, 1400-1800 CE, t. 1, Foundations, t. 2, Patterns of Change (compte rendu) », Annales HSS, 73-1, 2018, p. 229-233. Pour les revues, voir notamment le Journal of World History, dès 1990, et le Journal of Global History, depuis 2006.
  • [57]
    Dossier « Une histoire à l’échelle globale », ensembles « Braudel et l’Asie » et « Temps croisés, mondes mêlés », Annales HSS, 56-1, 2001, respectivement p. 5-50 et 51-123.
  • [58]
    Le texte liminaire précise que « [l]es articles publiés sont issus d’une journée d’études : ‘Penser le monde’, organisée le 10 mai 2000 à l’EHESS, par Serge Gruzinski et Sanjay Subrahmanyam » (Introduction, « Une histoire à l’échelle globale », art. cit., p. 3).
  • [59]
    Celles qui sont héritées de l’histoire coloniale ou impériale articulent le plus souvent le binôme centre/périphérie (par définition hiérarchisant, ce qui a alimenté la critique du modèle diffusionniste, paradigme historique de l’histoire européo-centrée) ou métropole/colonie.
  • [60]
    La note de Maurice Aymard, « De la Méditerranée à l’Asie : une comparaison nécessaire (commentaire) », Annales HSS, 56-1, 2001, p. 43-50, est l’analyse d’un ouvrage, Peregrine Horden et Nicholas Purcell, The Corrupting Sea: A Study of Mediterranean History, Oxford, Blackwell, 2000, qui ne cesse de dialoguer avec F. Braudel en proposant un modèle d’analyse régionale fondé sur l’idée de connectedness.
  • [61]
    Introduction, « Une histoire à l’échelle globale », art. cit., p. 3.
  • [62]
    Ibid., p. 3.
  • [63]
    Ibid., p. 4.
  • [64]
    Ibid. ; Denys Lombard, Le carrefour javanais. Essai d’histoire globale, Paris, Éd. de l’EHESS, 3 vol., 1990. Le sous-titre « Essai d’histoire globale » n’est pas reporté dans la note de Maurice Aymard citée infra.
  • [65]
    Sur ce point, voir Sebastian Conrad, What is Global History?, Princeton, Princeton University Press, 2016, chap. 5 et 8, et les questions que suscite une synthèse de ce type. Le problème n’est pas davantage formulé dans les nombreux travaux de S. Subrahmanyam, dont on retiendra notamment Explorations in Connected History: From the Tagus to the Ganges, Delhi, Oxford University Press, 2005, ou dans Muẓaffar ʿĀlam, Indo-Persian Travels in the Age of Discoveries, 1400-1800, Cambridge, Cambridge University Press, 2007.
  • [66]
    Voir sur ce point, la réflexion de S. Subrahmanyam, dans la préface à la version française de son recueil de textes, Comment être un étranger. Goa-Ispahan-Venise, xvie-xviiiesiècles, trad. par M. Dennehy, Paris, Alma éditeur, [2011] 2013, p. 9-15, ici p. 13 : « Pour situer cet ouvrage dans son contexte, quelques réflexions supplémentaires s’imposent. Dans les années 1990, à l’époque où l’historiographie française cédait à l’engouement pour la micro-storia italienne, j’ai exprimé un certain scepticisme (ainsi que bien d’autres spécialistes du monde extra-européen, dont Denys Lombard et Serge Gruzinski) face aux prétentions ‘universalistes’ de ce genre. Comme Francesca Trivellato l’a fait remarquer lors de la parution en anglais du présent ouvrage, j’ai été amené à revoir mon point de vue : il me semble désormais possible, et même souhaitable, d’établir un rapprochement entre histoire ‘connectée’ ou ‘globale’ et micro-histoire. Cela suppose néanmoins que l’on rende justice à la complexité des archives disponibles et à la diversité des contextes historiographiques. »
  • [67]
    Voir à ce sujet, dans le présent numéro, « Une revue en langues », art. cit.
  • [68]
    Barbara Cassin (dir.), Vocabulaire européen des philosophies. Dictionnaire des intraduisibles, Paris, Éd. du Seuil/Le Robert, 2004.
  • [69]
    Parmi les manuels d’histoire globale, outre Sebastian Conrad, cité ci-dessus, on retiendra Alessandro Stanziani, Les entrelacements du monde. Histoire globale, pensée globale, Paris, CNRS Éditions, 2018 ; Bartolomé Yun Casalilla, Iberian World Empires and the Globalization of Europe 1415-1668, Singapour, Palgrave Macmillan, 2019. Sur l’articulation de la critique de la microhistoire et de ses effets sur le rôle de l’histoire, voir le dossier des Annales sur « La longue durée en débat », Annales HSS, 70-2, 2015, p. 285-378.
  • [70]
    Le texte de commentaire aux deux articles de S. Gruzinski et S. Subrahmanyam est rédigé par Roger Chartier, qui rappelle que l’un des cadres du débat est celui du 19e congrès international des sciences historiques d’Oslo en 2000, où la question du global est à l’ordre du jour : Roger Chartier, « La conscience de la globalité (commentaire) », Annales HSS, 56-1, 2001, p. 119-123. Il rappelle aussi l’aversion de S. Gruzinski pour la microhistoire, car « elle fait négliger le lointain » (p. 119). R. Chartier n’en est pas moins particulièrement critique sur les problèmes de méthode que posent les deux textes.
  • [71]
    Dossier « Size Matters: Scales and Spaces in Transnational and Comparative History », The International History Review, 33-4, 2011, p. 573-728 ; Sebouh David Aslanianet al., « AHR Conversation. How Size Matters: The Question of Scale in History », The American Historical Review, 118-5, 2013, p. 1431-1472, ici p. 1468-1469 ; dossier « Produzione di saperi. Costruzione di spazi », Quaderni storici, 48-1, 2012, p. 3-193 ; C. G. De Vito, « Verso una microstoria translocale (micro-spatial history) », art. cit. Pour une bibliographie récente sur ce thème, voir les nombreuses références suggérées par Romain Bertrand et Guillaume Calafat, « La microhistoire globale : affaire(s) à suivre », Annales HSS, 73-1, 2018, p. 3-18.
  • [72]
    À titre d’exemple, citons la fondation, en 2016, des revues Global Intellectual History, Journal of Global Slavery et Global Humanities: Studies in Histories, Cultures, and Societies. On peut aussi renvoyer à Thomas DaCosta Kaufmann, Catherine Dossin et Béatrice Joyeux-Prunel (dir.), Circulations in the Global History of Art, Londres, Routledge, 2015 ou encore à S. Moyn et A. Sartori (dir.), Global Intellectual History, op. cit.
  • [73]
    Voir en particulier le dossier « Réseaux marchands », Annales HSS, 58-3, 2003, p. 569-672 et, notamment, Francesca Trivellato, « Juifs de Livourne, Italiens de Lisbonne, hindous de Goa. Réseaux marchands et échanges interculturels à l’époque moderne », p. 581-603. L’introduction du volume, par un spécialiste de Florence et de la Renaissance (Anthony Molho) et un spécialiste de l’empire portugais (Diogo Ramada Curto), tous deux professeurs au département d’histoire et civilisation de l’Institut universitaire européen, à Florence, inscrit la réflexion sur les réseaux marchands dans le sillage braudélien, mais avec un objectif précis : « comment [sa lecture] peut-elle contribuer à une nouvelle approche de l’histoire globale de l’Europe moderne ? » (Anthony Molho et Diogo Ramada Curto, « Les réseaux marchands à l’époque moderne », Annales HSS, 58-3, 2003, p. 569-579, ici p. 569).
  • [74]
    Les travaux marquants sont rappelés dans le dossier « Micro-analyse et histoire globale », ouvert par la longue analyse de R. Bertrand et G. Calafat, « La microhistoire globale : affaire(s) à suivre », art. cit., p. 13. Voir également George E. Marcus, « The Ambition of Fieldwork », Terrains/Théories, 5, 2016, DOI : https://doi.org/10.4000/teth.856.
  • [75]
    Voir, dans le présent numéro, « Après le tournant documentaire », art. cit.
  • [76]
    Les jeux d’échelles ont trouvé un débouché réflexif certes hors des Annales, mais dans leur proximité intellectuelle : voir Jean-Claude Passeron et Jacques Revel (dir.), Penser par cas, Paris, Éd. de l’EHESS, 2005, paru dans la collection « Enquête ». D’abord revue, puis collection, cet espace éditorial a régulièrement accompagné les Annales dans leur mise en réflexivité des sciences sociales. On se réfère par exemple à Bernard Walliser (dir.), La cumulativité du savoir en sciences sociales, Paris, Éd. de l’EHESS, 2010, suivi de Bernard Walliser (dir.), La distinction des savoirs, Paris, Éd. de l’EHESS, 2015.
  • [77]
    M. Werner et B. Zimmermann, « Penser l’histoire croisée : entre empirie et réflexivité », art. cit., p. 28.
  • [78]
    Éloi Ficquet et Aïssatou Mbodj-Pouye, « Cultures de l’écrit en Afrique. Anciens débats, nouveaux objets », É. Ficquet et A. Mbodj-Pouye (dir.), no spécial « Cultures écrites en Afrique », Annales HSS, 64-4, 2009, p. 751-764, ici p. 751. Les auteurs, qui introduisent les articles de Catarina Madeira Santos, de Camille Lefebvre et de Pascale Barthélémy, ne manquent pas d’indiquer, dans la première note de leur texte, que le dernier dossier des Annales consacré à l’Afrique remonte alors à 1985 : « Dans les Annales, outre la publication régulière d’articles ayant trait à l’Afrique, le seul dossier consacré au continent est paru en novembre-décembre 1985, sous le titre : ‘L’Afrique : un autre espace historique’, sous la direction de Marc Augé, Jean-Pierre Chrétien et Claude-Hélène Perrot, reprenant un projet initié par Yves Person » (Marc Augé, Jean-Pierre Chrétien et Claude-Hélène Perrot [dir.], no spécial « L’Afrique : un autre espace historique », Annales ESC, 40-6, 1985).
  • [79]
    C’est pourquoi il serait important de revenir sur les usages trop commodes de la notion de « contexte », insuffisamment interrogée dans la perspective qui nous intéresse ici.
  • [80]
    Sur ces articulations, voir le numéro spécial coordonné par Alice Ingold et son introduction « Écrire la nature. De l’histoire sociale à la question environnementale ? », no spécial « Environnement », Annales HSS, 66-1, 2011, p. 11-29. Voir aussi les dossiers « La longue durée en débat » et « Histoire des sciences », Annales HSS, 70-2, 2015, respectivement p. 285-378 et 381-435, et le dossier « Anthropocène », Annales HSS, 72-2, 2017, p. 263-378.
  • [81]
    C. G. De Vito, « History Without Scale », art. cit. Vaste et détaillée, cette critique se joue parfois de la chronologie et des contextes de production du concept d’échelle.
  • [82]
    R. Bertrand et G. Calafat, « La microhistoire globale : affaire(s) à suivre », art. cit. Certains de ces projets sont aussi présentés dans les comptes rendus, qui ont été laissés à l’écart de cette réflexion, mais dont la lecture invite à nuancer les propos que nous soumettons aux lecteurs, tout en rappelant la part contingente et pragmatique de la fabrique d’une revue.

1L’histoire desAnnales est marquée par l’exigence d’embrasser le monde. Cet horizon de la revue, plutôt européen dans un premier temps, plus explicitement mondial depuis les années Braudel, constitue l’une des déclinaisons de son caractère résolument généraliste : si les Annales sont ouvertes à toutes les périodes, elles souhaitent aussi inclure toutes les régions du monde. Il s’agit là d’une perspective de longue durée. Cette prémisse, bien qu’essentielle, ne suffit pourtant pas à appréhender ce qu’est la revue, tant les manières d’aborder le monde varient en fonction de sa diversité géographique et historique, surtout lorsqu’on est une revue fabriquée à Paris, façonnée dans un creuset intellectuel certes ouvert à l’international, mais indéniablement français. En outre, l’attention au monde n’est qu’un des axes éditoriaux et réflexifs Annales et, si cette préoccupation est constante, elle ne peut que changer de signification non seulement en raison des évolutions internes au comité de rédaction, mais aussi en fonction du contexte, tant scientifique et universitaire que politique et social, de production et de réception des numéros.

2Dans l’histoire des Annales, ce qu’on a appelé, à la fin des années 1980, le « tournant critique » constitue un moment de reconfiguration important. Proposition expérimentale et plurielle empruntant à la fois à l’économie des conventions, à la sociologie pragmatique et à la microstoria italienne en les acclimatant aux débats sur les limites et impasses de l’histoire sociale, ce tournant est alors essentiellement centré sur l’Europe et ancré dans une période spécifique, l’histoire moderne, à l’époque peu préoccupée par les empires [1]. Les Annales n’en continuent pas moins à publier abondamment sur d’autres régions du monde et élargissent le comité de lecture à des spécialistes qu’on dit alors d’« aires culturelles ». Ces deux pratiques – expérimentation épistémologique européo-centrée d’une part, ouverture aux mondes extra-européens d’autre part – ont longtemps évolué en parallèle sans faire l’objet d’une réflexion explicite sur leur articulation, même si des propositions commencent à apparaître au cours des années 2000 dans des articles ou des dossiers qui invitent à déplacer vers le lointain l’épicentre de ces interrogations historiographiques.

3À trente ans de distance, il nous semble que ces deux évolutions de la revue sont plus liées qu’il n’y paraît de prime abord, et que c’est en partie dans la notion d’échelle qu’elles se nouent. C’est là que se trouve le cœur du travail des Annales sur le monde, un travail fondé sur une double exigence, épistémologique et méthodologique, qui explique en grande partie pourquoi la revue a accompagné certains mouvements historiographiques et en a ignoré d’autres. En essayant autant que possible d’éviter l’écueil de la construction rétrospective, l’objectif ici visé est double : d’une part, réfléchir aux points aveugles du « tournant critique », notamment par rapport aux problèmes que soulèvent les opérations de découpage de l’espace ; d’autre part, observer les angles morts des travaux contemporains inscrits dans le champ des « aires culturelles », en particulier face à la mobilisation des jeux d’échelles. Cela permettra d’expliciter une position qui, selon nous, a fondé l’approche de la revue sur les histoires du monde : l’exigence de ne pas confondre échelle globale et montée en généralité ; la nécessité de croiser les historiographies ; l’attention prêtée aux échelles. Dans des domaines où domine parfois l’érudition, les Annales ont surtout mis en avant un ancrage des aires culturelles au cœur des sciences sociales.

4Les jeux d’échelles sont, on le sait, au cœur de la proposition du tournant critique, et ils se constituent, à partir de la fin des années 1990, comme une sorte de réponse méthodologique à la question épistémologique des ruptures, des discontinuités et des découpages de l’espace comme du temps [2]. Or cette notion d’échelle a été étonnamment absente de la réflexion autour des « aires culturelles » qui se tient, au moins en France, durant la même période. Au sein de la revue, elle n’en a pas moins interrogé d’abord implicitement, puis plus explicitement, le rapport des Annales au monde pendant ces trois décennies.

5En géographie, l’échelle sert principalement à établir un rapport de proportionnalité entre les parties d’un espace terrestre et leur représentation graphique par les cartes [3]. Le rappeler permet de souligner que cette notion s’est développée dans le cadre de l’histoire même de la cartographie occidentale, qu’elle a été considérée par ses promoteurs, puis par ses historiens, comme l’un des acquis fondamentaux de l’époque moderne et que sa présence aujourd’hui sur toutes les cartes – la grandeur de l’échelle garantissant la qualité, voire la justesse de la représentation – renvoie aussi à l’histoire de l’occidentalisation de la conception de l’espace [4]. En fixant un rapport de réduction (ou d’agrandissement), elle privilégie le respect des proportions entre les caractéristiques « spatiales » de l’objet géographique, quelle que soit la taille utilisée pour la représentation graphique. À travers l’approche dite multi-scalaire, les géographes se sont intéressés aux effets de savoir produits par des variations d’échelles, soit dans le cadre d’un emboîtement des échelles qui met en évidence un continuum entre le local et le mondial, soit dans le cadre de réflexions sur la pertinence d’échelles particulières permettant de recueillir des informations susceptibles de répondre à des questionnements spécifiques [5].

6Reprise par les historiens, et devenue plus généralement un terme d’usage courant dans les sciences sociales [6], la notion d’échelle, appliquée à la construction et à l’analyse d’un objet de la recherche, a été mobilisée pour son potentiel heuristique. Mettant en relation dispositif d’observation, niveau d’analyse et caractéristiques de l’objet, elle ouvre des pistes pour une meilleure compréhension des rapports complexes entre les différentes grilles explicatives mobilisées par le chercheur. La notion d’échelle participe en cela de l’opération historiographique promue par le tournant critique. Elle n’en a pourtant pas moins amené la revue, dans un contexte intellectuel de renouvellement profond des approches historiques, à s’interroger précisément sur les espaces de mise en œuvre de ces opérations. Ce sont ces interrogations, ces expérimentations et leurs effets que nous souhaitons explorer ici.

Un regard large

7Partons d’un constat statistique, établi sur trente ans (fig. 1). Les Annales, revue généraliste d’histoire et de sciences sociales, publient environ un tiers d’articles sur la France : 29 % si on ne compte que ceux qui concernent exclusivement la France, 34 % si l’on inclut ceux qui portent à la fois sur la France et d’autres pays. Ce taux monte à 40 % si, dans une volonté maximaliste, on y ajoute les articles d’histoire ancienne sur la Grèce et sur Rome – selon une perspective d’histoire nationale héritée du xixe siècle, qui a fait du monde gréco-romain le socle historico-civilisationnel de l’histoire européenne [7]. Bref, seul un tiers des articles publiés aux Annales concernent la France, bon an mal an. Le total monte cependant à deux tiers (66 %) si l’on élargit le regard à toute l’Europe occidentale. Inversement, presque la moitié des articles concerne au moins en partie un autre espace (45 %), une proportion qui baisse au quart si l’on ne compte que les articles qui ne concernent pas du tout l’aire européenne au sens large (26 %) [8].

Figure 1 - Distribution géographique des articles par année, 1990-2018

Figure 1 - Distribution géographique des articles par année, 1990-2018

Note : Pour des raisons de confort de lecture et liées à la publication numérique, ce graphique est également présent dans l’article « Approche quantitative d’un projet intellectuel », p. 583-608.
Source : Base des articles des Annales (1990-2018), à disposition sur le site de la revue (annales.ehess.fr), rubrique « Compléments de lecture ».

8La part d’articles portant exclusivement sur la France ou l’une de ses régions a décru, passé le milieu des années 1990, même si l’Europe occidentale reste, tout au long de la période, au cœur quantitatif des publications des Annales – à l’exception des années 2002-2006 où la majorité des articles portaient sur d’autres aires géographiques. Sur les dix dernières années, deux moments se distinguent : une première phase, mettant en valeur les liens entre l’histoire et les autres sciences sociales, qui semble avoir été davantage centrée sur l’Europe ; une seconde durant laquelle la situation a évolué, puisque la moitié des articles a désormais au moins en partie pour terrain des mondes extra-européens, avec une augmentation concomitante du nombre de textes à l’échelle soit globale soit transrégionale.

9À l’évidence, un tel décompte ne peut être qu’indicatif : il est souvent malaisé de catégoriser tous les articles, qui portent de la préhistoire à nos jours, dans une matrice géographique largement héritée du xxe siècle universitaire français et occidental, marquée notamment par le paradigme des « aires culturelles ». Il suggère néanmoins une pratique éditoriale et une attention à une ouverture géographique des savoirs dont la revue se veut porteuse.

10Cette première mesure quantitative soulève donc plus de questions qu’elle n’en résout. Retenons déjà ceci : le regard des Annales a ceci de persistant qu’il ne s’arrête pas au proche (la France, l’Europe), même s’il s’y pose plus souvent. Et cette inclusion récurrente d’aires géographiques plus lointaines invite à la réflexion, en raison d’enjeux épistémologiques et méthodologiques explicites, qu’on peut dans un premier temps, prudent, formuler de la manière suivante : au-delà de sa dimension factuelle, quel est l’apport du travail sur le lointain dès lors qu’il s’agit de faire de l’histoire-science sociale [9] ?

11Cette question ne concerne pas que les Annales. Elle a nourri des débats importants, abordés par Sanjay Subrahmanyam sur un ton volontairement polémique dans un article publié dans la revue en 2002 :

12

Depuis quelques années, le problème du rapport épistémologique entre l’histoire européenne et l’histoire non européenne est au centre des débats en Europe. Nous nous trouvons confrontés à deux modèles dominants : le premier considère l’histoire non européenne comme purement exotique et autonome, sans importance pour le ‘vrai’ champ historique – autrement dit l’histoire européenne ; le deuxième conçoit le monde non européen comme un espace où les Européens agirent dans le cadre de leur ‘expansion’ à l’époque moderne, mais qui ne contribuait en rien à l’histoire du centre[10].

13C’est précisément en construisant un dialogue épistémologique autour des sciences sociales, dans lequel les apports des différents champs, qu’ils soient centrés sur l’Europe ou le reste du monde, sont mis en regard et invités à entrer en discussion, que les Annales ont contribué à sortir de cette opposition devenue manichéenne.

14En d’autres termes, la revue n’a pas tracé de chemin préétabli ni mené, seule, une réflexion qui s’amplifia largement, en France comme ailleurs, dans les années 2000. La démarche, volontariste, est aussi le résultat de pratiques quotidiennes du comité éditorial dans la sélection des articles, dont il faut déterminer la part de choix et de contingence ainsi que le rôle dans la reconfiguration permanente de son projet intellectuel. Car faire une revue, c’est d’abord beaucoup de bricolage. La majeure partie des articles publiés ont été soumis spontanément – un flux sur lequel il y a peu de prise, si ce n’est l’image renvoyée au fil des numéros, notamment par l’ampleur ou non des thèmes abordés et la récurrence de certains par rapport à d’autres. Les Annales ont aussi, cependant, des manières plus actives d’intervenir dans le débat intellectuel, en suscitant des soumissions d’articles ou en montant des dossiers thématiques et des numéros spéciaux [11].

15Ce bricolage est le lieu de l’écart entre les exigences scientifiques qui caractérisent la revue et les contraintes de fonctionnement. C’est ici que se logent non seulement les limites des ambitions éditoriales et les impensés des membres de la rédaction, mais aussi les rencontres fécondes entre les auteurs et la revue. Cela transparaît d’abord, au premier coup d’œil pourrait-on dire, dans les sommaires. Il n’est pas anodin, par exemple, que la plupart des titres des articles qui portent sur la France (voire une France élargie à l’Occident chrétien dans le cas de la période médiévale) n’incluent aucune mention géographique, contrairement à ceux concernant les autres parties du monde. De la même manière, certains numéros thématiques des dix dernières années restent, sans le dire, centrés sur la France et l’Europe occidentale. C’est le cas du dernier numéro spécial de 2018 sur l’histoire quantitative, qui traverse la longue durée d’une longue histoire largement nationale [12]. Parallèlement, toutefois, on constate un nombre croissant de dossiers thématiques qui privilégient les approches multi-situées d’un même concept, le plus souvent par juxtaposition de cas distincts, mais parfois aussi dans des articles qui ont pour objectif une confrontation plus directe [13]. Ainsi en est-il dans plusieurs dossiers parus ces dernières années sur la souveraineté et le territoire, la longue durée, la micro-analyse et l’histoire globale, ou sur les archives [14].

16Si ces évolutions correspondent en partie à des changements qui dépassent largement les Annales, elles n’en reflètent pas moins les sensibilités propres au comité de la revue [15]. Il faut ici faire la part aux recrutements dans le comité ainsi qu’au travail actif et collectif qui s’y mène. Actuellement, parmi ses quinze membres, seuls quatre travaillent principalement sur la France, alors que cinq font avant tout porter leurs recherches sur des espaces extra-européens. C’est là le résultat d’un renouvellement commencé en 2011-2012 et poursuivi en 2014-2015. L’inclusion de chercheurs dotés d'un bagage empirique et théorique issu d’autres zones que l’Europe remonte cependant à plusieurs décennies. Ainsi la désignation des secrétaires du comité (devenus ensuite directeurs de la rédaction) a-t-elle souvent alterné entre chercheurs travaillant principalement sur la France ou l’Europe occidentale et spécialistes d’autres « aires culturelles » : à Marc Ferro, historien des mondes russes, succèdent, en 1969, André Burguière, puis, en 1975, Jacques Revel, dont la recherche se centre sur la France moderne ; Bernard Lepetit, qui écrit sur les villes en France, prend la relève, en 1985, de Lucette Valensi, dont le travail porte sur les mondes maghrébins ; dans les années 1990, ce sont Pierre-François Souyri, Jean-Yves Grenier (1994-2000) et Jacques Poloni-Simard (2000-2007), qui prennent tour à tour cette responsabilité, prolongeant cette alternance géographique avec, respectivement, le Japon, la France et l’Amérique latine.

17La pluralité des regards ainsi voulue dans les recrutements est sans doute l’effet le plus patent (bien qu’invisible au lecteur) lors de l’évaluation des articles et des recommandations éditoriales qui en découlent, en permettant une reprise souvent féconde et profonde des textes par leurs auteurs. Le comité est attentif à ce que les travaux soumis ne soient pas limités à une seule historiographie, ni trop enfermés dans des cadres nationaux ou des spécialités cloisonnées. Pour les articles portant sur des espaces éloignés de l’Europe, nous encourageons le plus souvent une réécriture qui ouvre le propos à l’ensemble du lectorat des Annales : le texte final, s’il doit apporter du neuf aux spécialistes, doit aussi faire une proposition dont les non-spécialistes puissent s’emparer. Symétriquement, le comité soumet les textes portant sur la France ou des espaces plus familiers aux lecteurs à une exigence comparable d’ouverture – problématique, historiographique, parfois géographique –, dont la nécessité est d’autant plus ressentie que l’édition en anglais a, depuis 2012, encore davantage internationalisé le lectorat des Annales[16]. Dans nos discussions internes, la diversité des terrains de recherche et des fréquentations historiographiques des membres du comité se fait pleinement sentir. Ces confrontations ont aussi des conséquences plus larges, perceptibles dans certaines propositions dont la revue a pu se faire la porteuse ou l’écho – l’histoire croisée, par exemple, ou l’histoire connectée [17], dans le prolongement d’une réflexion plus ancienne sur l’histoire comparée. On ajoutera, pour éclairer les pratiques de lecture des articles, que les collègues sollicités pour expertiser les propositions d’article sont de plus en plus systématiquement – et autant que faire se peut – des spécialistes installés dans d’autres espaces universitaires que celui de la France.

18Pour prendre toute la mesure du travail du comité, ou plutôt du croisement des regards qu’il met en œuvre, il faut aussi tenir compte de son enchâssement institutionnel et humain – et, en particulier, de la relation privilégiée à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), qui héberge et édite la revue, et à laquelle la moitié des membres du comité appartiennent. De ces relations fortes et complexes, il y aurait beaucoup à écrire (ce qui a été partiellement fait [18]), mais retenons ici les deux caractéristiques qui ont pu donner aux Annales, depuis les années 1990, un ensemble de ressources ou d’inflexions fortes. La première tient à l’ouverture internationale d’une institution qui s’est beaucoup développée, depuis sa création, en nouant des liens privilégiés avec certains mondes académiques étrangers, notamment aux États-Unis, en Italie et en Allemagne. On prendra comme exemple l’importance, pour la revue et parmi les historiens de l’EHESS, de la micro-histoire comme horizon méthodologique et théorique, les relations privilégiées de certains milieux états-uniens historiens et de sciences sociales avec les Annales ainsi que les débats, menés à Paris, Göttingen et Bielefeld, autour des propositions méthodologiques de Norbert Elias ou l’épistémologie de l’histoire de Reinhart Koselleck.

19La seconde caractéristique, plus déterminante, renvoie à une structuration très particulière de l’EHESS, qui se développe en centres de recherches rassemblant autant les enseignants-chercheurs de l’EHESS que des chercheurs du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), principalement, mais aussi ceux de l’Institut de recherche pour le développement (IRD), de l’Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO), de l’Institut national d’études démographiques (INED), de l’École française d’Extrême-Orient (EFEO), etc. – structures qui se sont toutes construites sur la dimension internationale ou aréale de leurs objets de recherche. En outre, nombre de ces centres se caractérisent par une interdisciplinarité dont l’unité est assurée par une « aire culturelle » commune, le plus souvent dans la longue durée.

20Cet enchâssement institutionnel des Annales a eu des effets tangibles, notamment dans les articles publiés, qui témoignent à la fois d’un réseau-ressource pour la revue et d’un horizon de publication pour les chercheurs proches. Ainsi, aux cours des dix dernières années, 23 % des articles des Annales sont signés par des membres de ces centres de recherches, toutes institutions confondues [19]. De manière plus profonde, toutefois, la revue partage avec l’institution qui l’héberge une même ambition intellectuelle, parfois formulée dans les pages des Annales : le souci de mettre en question la catégorie d’aire culturelle en tant que telle, sans qu’un consensus n’ait jamais été l’objectif de la discussion, et la volonté de produire et de faire place à des sciences sociales ancrées dans des historiographies, des pensées et des lieux non européens. Ce sont donc ces attentes intellectuelles qu’il nous faut désormais expliciter.

Quels espaces pour le tournant critique ?

21Avec les lectures intensives de la micro-histoire italienne, dont les travaux (alors minoritaires dans la péninsule et peu diffusés internationalement) ont alimenté le débat franco-italien dès les années 1980 [20], la question des échelles de l’analyse est devenue l’une des principales interrogations théoriques à partir desquelles le « tournant critique » des Annales se déploie [21]. C’est à cette aune que l’on peut comprendre le numéro spécial de 2001 consacré à l’histoire globale, dont l’éditorial formule une première tentative d’articulation entre le « tournant critique » et les débats autour des « aires culturelles » :

22

Les propositions rassemblées peuvent être situées également par rapport au moment historiographique de la microstoria et de la micro-analyse, qui a été l’une des références insistantes des dernières années. La rupture que pourrait faire accroire le changement d’échelle proposé – et que l’on pourrait réduire, s’il le fallait, à une formule : de l’‘histoire au ras du sol’ à une histoire intercontinentale – n’est pas telle qu’il y paraît à première vue[22].

23Le texte replace ainsi l’histoire globale dans les préoccupations d’alors de la revue, dans la continuité de débats mis en œuvre depuis une décennie [23] : « c’est la variation de la focale qui importe [24] ». Rechercher la bonne échelle d’analyse, c’est-à-dire la focale pertinente pour étudier un fait social, peut sans doute être considéré comme l’un des apports méthodologiques les plus représentatifs des Annales. De la puissance de cet outillage pour saisir le social, les recherches actuelles sont encore redevables.

24Il convient toutefois de relever un point crucial : le tournant critique, nourri des relectures de la micro-histoire comme du tournant pragmatique des sciences sociales, était le fait d’européanistes élaborant leurs outils en fonction du type de sources qu’ils interrogeaient. Il s’appuyait donc sur une historiographie fondée sur les spécificités de la documentation européenne et, en particulier, de l’extrême richesse des archives italiennes. Dans le même temps, et surtout à partir du début des années 2000, en France comme ailleurs, un autre défi historiographique s’est transformé en une exigence intellectuelle et politique, comme le signale à sa façon l’éditorial déjà cité de 2001 : travailler sur, et avec, les diverses régions du monde. Pour autant, cet intérêt, souvent exprimé en France en termes d’« aires culturelles », n’a pas, dans un premier temps, alimenté la réflexion sur les échelles, et il ne semble pas avoir davantage nourri de débats sur les effets épistémologiques que pouvait produire un travail inscrit dans d’autres espaces que ceux qui ont été le laboratoire traditionnel de la discipline historienne. Le retour critique s’inscrivait dans une épistémologie de l’histoire centrée sur l’Occident, longtemps pensée dans sa validité universelle. En témoigne, d’un autre point de vue, la faible sensibilité des Annales – comme des sciences sociales françaises en général – au développement des paradigmes post-coloniaux ou post-modernes à la même époque [25].

25Pourtant, les travaux émanant de spécialistes d’autres régions du monde portent en eux des découpages spatiaux et des chronologies propres à ébranler certaines fondations de l’édifice historien et des sciences sociales tel qu’il se présente encore à la fin des années 1990. Le découpage même en « aires culturelles », pour problématique qu’il soit, engage potentiellement ces appréhensions alternatives du monde. Dès lors, les divisions des temps de l’histoire entre le « moderne » et le « contemporain » pouvaient-elles continuer à se référer à la césure indiscutée de la Révolution française ? L’entrée dans la modernité allait-elle encore longtemps être indexée au récit européen de la « découverte » de l’Amérique ? Dans quelle mesure les travaux sur les cultures de l’Asie du Sud-Est pouvaient-ils s’inscrire a priori dans la tranche « ancienne » ou « médiévale » de l’histoire [26] ?

26Parce qu’elles peuvent donner accès à d’autres régimes d’historicité [27], les « aires culturelles » viennent souligner que nos questionnaires sur le monde sont déterminés par les types de documentations qui nous restent, et qui doivent être appréhendés dans leurs langues et pensés au regard de leur propre régime de narrativité [28]. Ce rappel n’empêche en rien de mettre en dialogue les questionnaires et les documentations produits dans ces espaces avec ceux issus des mondes européens. De même, les rapports avec les mondes européens, qu’ils soient impériaux et coloniaux, ne peuvent pas déterminer les cadres chronologiques des enquêtes et les indexer à ces seules interactions. Plusieurs temporalités nourrissent, au-delà de ces moments de rencontre souvent violents, des récits différenciés de l’histoire et permettent d’appréhender autrement la contemporanéité des expériences, qu’elles soient partagées ou non [29].

27Nés des études aréales, ces questionnements épistémologiques ne sont toutefois entrés qu’assez tardivement dans les pages de la revue, selon différentes configurations qu’on peut tenter de décrire. Malgré le désintérêt épistémologique du tournant critique pour les mondes extra-européens, les Annales ont poursuivi une pratique éditoriale de longue date, au regard large, où tous les espaces du monde ont leur place. Ainsi, durant les années 1990, paraissaient quelques dossiers thématiques et numéros spéciaux [30] consacrés entièrement à un pays ou à une aire géographique circonscrite, qu’elle soit proche ou lointaine : en 1995, par exemple, était publié un ensemble intitulé « L’histoire du Japon sous le regard japonais [31] » ; la même année, c’est l’historiographie allemande qui était au cœur de l’analyse, puis la RDA, pour un dossier en 1998 [32]. Les dossiers et numéros spéciaux consacrés à des espaces extra-européens, de taille plus ou moins grande, se sont ensuite multipliés dans les années 2000, avec une attention particulière prêtée à l’Amérique dite latine et à l’Asie : tout un numéro est consacré à l’Asie centrale en 2004 ; la même année, la Chine est au cœur de deux dossiers et occupe, en 2006, un numéro entier ; l’Afrique est mise à l’honneur en 2009, avant que ce soit à nouveau le cas du Japon, en 2011 [33].

28Ces différents ensembles ont pour point commun de mettre en œuvre des formes de décentrement : non seulement ils donnent à voir d’autres historiographies que celles qui se pratiquent entre la France et quelques partenaires académiques privilégiés mais, portant sur d’autres espaces que l’Europe, ils s’appuient aussi sur des corpus de sources différents. Ces dossiers permettent parfois un décentrement fécond des catégories d’analyse, comme celui sur « La geste indianiste », en 2005. Composé de trois articles écrits par des historiens de l’université de Delhi, il est présenté par les Annales non comme « un échantillon représentatif des grandes tendances récentes de l’historiographie de l’Inde », mais comme « un coup de sonde » :

29

ce qui retient d’emblée l’attention dans ces trois textes rédigés par des maîtres de l’histoire indienne, c’est qu’ils formulent de façon originale, dans un contexte propre à l’Inde, marqué dès ces années par la montée en puissance des nationalismes hindous, des interrogations aujourd’hui omniprésentes dans le champ de l’histoire et des sciences sociales, relatives à la formation des identités culturelles, à la critique de l’État-nation, au rapport entre histoire et mémoire, aux régimes d’historicité[34].

30Il s’agit moins ici de rendre compte d’une expérience historiographique nouvelle que de donner des exemples de travaux qui, venus d’ailleurs, parlent des mêmes objets que l’historiographie dominante en Europe et peuvent, dès lors, favoriser un retour critique sur celle-ci. De même, dans la présentation du dossier de 2011 sur les statuts sociaux au Japon, Guillaume Carré donne au lecteur non spécialiste quelques clefs de lecture susceptibles de lui faire comprendre les enjeux d’une « nouvelle histoire sociale en perspective [35] », après quoi il propose de découvrir les travaux de collègues japonais : manière décisive d’aller lire ailleurs !

31La publication de textes issus d’autres traditions historiographiques pose, dès les années 2000, la question de ce qu’est « l’ailleurs », alors que s’accélèrent les mobilités transnationales et que les trajectoires intellectuelles et universitaires s’internationalisent. Où localiser cet « ailleurs » depuis lequel parlent les spécialistes des subaltern studies ou les porteurs africains du renouveau sur les études africaines, dès lors qu’ils sont installés sur les grands campus états-uniens ? Cet entremêlement des mondes ne produit pas nécessairement d’alternatives épistémologiques. Dans ce contexte, ce type de dossier invite donc à poser la question de ce qu’est une pratique de décentrement. Qu’en est-il, par exemple, du regroupement sous le même chapeau « Processus d’urbanisation [36] » de trois recherches dont la première porte sur la vallée de l’Indus, la deuxième sur les cités mayas et la troisième sur les villes de l’Italie médiévale ? Relève-t-il du décentrement et, si oui, dans quel dispositif ? Car chaque article, pris séparément, s’inscrit dans son propre champ, dont la construction a sa propre histoire, qu’il s’agisse de l’urbanisme harappéen, maya ou italien, entre histoire et archéologie. Est-ce seulement une opportunité éditoriale qui offre une mise en perspective apte à produire des effets de décentrement ? Sans doute faut-il insister sur le fait que les Annales proposent en réalité deux types d’opérations différentes : le décentrement historiographique, à travers le dossier « régional » qui s’appuie principalement sur l’historiographie de la région concernée ; et le décentrement du cadre analytique, proposé à partir d’un dossier construisant une même thématique depuis plusieurs lieux.

32Ainsi, lorsque les Annales, revue généraliste, proposent des décalages aussi hétérogènes en apparence, elles invitent les lecteurs à poursuivre, selon des angles différents, la réflexion critique sur la fabrique de l’histoire. La mise à l’écart, à l’heure du « tournant critique », des « aires culturelles » comme laboratoires épistémologiques pour l’histoire s’est notamment reflétée dans les titres des articles à vocation théorique : ceux-ci font rarement mention d’un ancrage géographique, alors que les références qu’ils mobilisent n’appartiennent, la plupart du temps, qu’à une poignée de traditions intellectuelles fort proches. Dans les décennies suivantes, alors que les « aires culturelles » deviennent des lieux à partir desquels penser le travail de généralisation [37], la réflexion s’est accompagnée d’un questionnement critique autour de la notion même d’« aire culturelle » et des risques qu’elle fait courir à l’histoire-science sociale : un retour au culturalisme, voire à l’orientalisme.

33Si l’idée de civilisation des derniers travaux de Fernand Braudel [38] portait une tendance essentialisante, dans les faits, les Annales ont rarement publié des travaux directement issus de la tradition intellectuelle de l’orientalisme à la française. Dans les années 1990, toutefois, le terme de « civilisation » devient problématique et la revue change de sous-titre, passant de « Économies, Sociétés, Civilisations » (porté pendant quarante ans) à « Histoire, Sciences Sociales » [39]. L’évolution est révélatrice, sans doute, du point aveugle du tournant critique. Les Annales continuent cependant à publier beaucoup sur le monde, tout en gardant leurs distances à l’égard d’un savoir spécialisé quand il est clos sur lui-même, fondé sur le primat d’une revendication de compétence linguistique [40]. La question des langues n’en est pas moins cruciale, car elle conditionne l’accès aux sources des sociétés analysées comme à leurs historiographies – sans lequel toute montée en généralité, aspiration de l’histoire-science sociale, s’avère problématique [41]. Or, dans un contexte de généralisation de l’anglais et d’intensification des circulations académiques, il s’agit là d’une exigence de plus en plus centrale.

34Beaucoup de débats, auxquels les Annales ont participé à des degrés divers, ont nourri les approches de la revue depuis les années 1990. Dans le sillage de la chute du mur de Berlin, était d’abord celui d’une Europe qui tentait de se trouver un horizon intellectuel commun [42] et donc de se penser comme un espace dont il fallait dépasser les frontières internes à partir d’une histoire commune, mobilisant des chronologies, des mémoires ou des récits partagés. D’autres espaces universitaires (notamment anglophones), traversés par d’autres urgences politiques, mettaient en avant le problème du rapport épistémologique entre histoires européenne et non européenne, donnant corps notamment aux études post-coloniales [43]. Plus près de la revue, le débat lancé en 2003 à l’EHESS sur les « aires culturelles », leurs fondements intellectuels et leur expression institutionnelle a alimenté des interrogations et des propositions intellectuelles dont certaines ont trouvé écho dans les Annales[44]. Rétrospectivement, on peut les lire comme autant de prises en charge, par les sciences sociales, de l’avènement d’un monde globalisé.

35La globalisation devenait-elle la grande chance des « aires culturelles », le moment de leur revanche sur l’Europe ? C’est ce que suggérait Dipesh Chakrabarty en 2000 dans un livre dont le titre est à lui seul un défi : Provincializing Europe[45]. Cet appel à mettre l’Europe à sa place dans un monde globalisé n’a alors pas trouvé d’écho dans les Annales, réticentes à l’hypothèse de transformer l’Europe en « aire culturelle » [46]. C’est que la revue menait alors un autre combat : en promouvant une histoire comparée des empires, elle entendait réagir aux impasses d’une historiographie de la colonisation fonctionnant sur une base nationale et se réduisant souvent à l’analyse des projections de l’Europe sur le monde. Attentive à la spécificité des formes étatiques impériales dans l’espace et dans le temps, cette proposition a marqué l’histoire récente des Annales, sans jamais se stabiliser en orthodoxie [47].

À quelles échelles penser le monde ? Expérimentations et points aveugles

36La réception différenciée des débats sur les aires culturelles, les histoires impériales et coloniales, l’histoire globale et les décentrements du monde (trop rapidement esquissés ici) éclaire en grande partie la rencontre, dans les Annales d’aujourd’hui, de la longue portée du tournant critique et le regard large de la revue. Au début des années 2000 encore, le dialogue entre espaces lointains et terrains plus proches, qui se côtoient dans les travaux publiés dans la revue, reste asymétrique. Jocelyne Dakhlia en dresse le constat dans un article de 2001 sur la comparaison entre le monde arabe et la France, en soulignant que cela n’est pas sans conséquence épistémologique : « se renforce aujourd’hui un rapport d’inégalité et de subordination ; si nous [les spécialistes de l’Islam] empruntons des concepts, on ne sollicite pas, ou très peu, nos modèles, notre réflexion, qui ne semblent pas transposables [48] ».

37La matrice sous-jacente à l’analyse de J. Dakhlia doit ici être soulignée, car c’est elle qui a le plus souvent permis l’élargissement des terrains de l’enquête historique et historiographique dans la revue. Fondée sur la notion de « lieux communs [49] », la réflexion s’inscrit en effet dans un horizon comparatiste, fortement associé aux figures tutélaires des Annales – le texte de Marc Bloch de 1928 reste d’ailleurs une référence centrale [50]. Simultanément, le terrain franco-allemand permettait de poursuivre l’expérience comparatiste, d’en circonscrire les points aveugles pour aboutir, in fine, à la proposition d’une histoire croisée [51]. Née d’un terrain européen, cette proposition, par son ossature épistémologique, n’a pas vocation à se limiter à ces espaces d’étude [52] : elle est largement ouverte à toutes les échelles, y compris à celles du monde, en proposant notamment de les croiser à leur tour [53].

38Ayant mis au cœur de son dispositif épistémologique l’exigence de réflexivité, l’histoire croisée cherche à renouveler l’étude des interactions socioculturelles en prenant en compte le rapport entre le chercheur et son objet. D’un côté, la position du chercheur est doublement affectée par les effets d’une mondialisation académique et d’une relativisation du paradigme universaliste des sciences sociales « occidentales » – ce qui nécessite d’expliciter son propre positionnement à l’intérieur du dispositif analytique. De l’autre, les objets étudiés sont de plus en plus pris dans des chaînes d’interdépendance qui en compliquent la saisie, la catégorisation et l’explication raisonnée. En portant le regard sur des objets ou des configurations, analysés sous l’angle du croisement, l’histoire croisée relie des caractéristiques de l’objet aux spécificités du dispositif analytique – comme le choix du point d’observation, de l’échelle d’analyse ou encore l’appréhension du contexte approprié à la question de recherche posée. Elle est également attentive aux jeux d’échelles qu’elle propose de déployer à la fois au niveau des options méthodologiques mises en œuvre par le chercheur et à celui des caractéristiques des objets empiriques qui, en général, relèvent de plusieurs échelles et obligent donc le chercheur à réajuster son dispositif. Ces allers-retours constants entre le chercheur et son objet supposent ainsi non seulement de contrôler les biais induits par la position et la situation du chercheur, mais aussi de mailler empirie et réflexivité en partant des propriétés de l’objet et des situations concrètes d’action qu’il implique ou fait advenir. En tant que démarche processuelle et située, l’histoire croisée reste nécessairement ouverte et voudrait éviter de se refermer sur des boucles autoréférentielles [54]. Elle sert aujourd’hui d’étalon – ce qui pourrait s’expliquer par ses ambitions théoriques – à certains projets d’histoire intellectuelle globale [55].

39Toujours dans les années 2000, les Annales ouvrent également leurs pages à un autre paradigme, de type « connectiviste », adossé à des histoires qui privilégient les études de mobilités et de circulations. Comme l’histoire croisée, il prend les « aires culturelles » de biais et, par définition, les traverse. Sans s’appuyer sur une proposition théorique fortement articulée, ce modèle est mobilisé dans le cadre d’une critique de l’histoire mondiale ou globale, au moment même où celle-ci devient dominante dans le monde universitaire international, comme en témoigne la publication de livres qui s’en réclament ou de revues qui les distinguent [56]. Face à cette lame de fond, les Annales ont adopté une posture critique qu’il convient de mieux préciser. Un premier jalon pour le faire est le dossier « Une histoire à l’échelle globale » [57], publié en 2001. Celui-ci regroupe deux ensembles d’articles : intitulé « Braudel et l’Asie », le premier s’intéresse à la question de l’échelle globale dans les débats sur l’économie-monde qui, alors, la prennent trop peu en charge. Le second ensemble, « Temps croisés, mondes mêlés », ouvre le débat sur ce qu’on commence à appeler l’histoire connectée, en lien notamment avec la micro-histoire [58]. Le caractère double du dossier renvoie à deux courants historiographiques distincts. Le premier ensemble reflète l’importance acquise par l’histoire globale entendue comme héritage des Annales : il était en effet difficile pour la revue dont F. Braudel avait été le directeur de tourner le dos à une recherche qui faisait de la Méditerranée le modèle de l’histoire globale. Appartenant à la famille des approches relationnelles, l’histoire connectée, qui est proposée dans le deuxième ensemble, s’inscrit dans un mouvement lancé dès la fin des années 1990, en particulier dans les centres d’aires culturelles de l’EHESS : ambitionnant de « décentrer » la géographie des dynamiques circulatoires [59], des spécialistes de l’Asie et de l’Amérique entendent placer la réflexion à l’échelle transcontinentale, sans d’ailleurs nécessairement passer par l’Europe. Pour l’histoire connectée, ce sont les processus de circulation qui produisent des connexions historiques entre entités politiques ou culturelles. L’historien, dans cette perspective, doit en quelque sorte se faire électricien, capable d’établir les connexions continentales et intercontinentales que les historiographies nationales se sont longtemps ingéniées à débrancher ou à escamoter en imperméabilisant leurs frontières.

40Le même numéro accueille donc deux propositions distinctes, mais qui partagent, sans trop en exagérer rétrospectivement la cohérence, un même intérêt pour la question des connectivités [60]. Celle-ci s’impose de plus en plus comme le ressort de nouvelles mises en récit de l’histoire, dès lors qu’elle cherche à se déployer sur différentes échelles en articulant notamment le global et le local, les structures et les agents. L’introduction signée des Annales prend position :

41

D’aucuns se réjouiront de ce que la revue renoue avec une telle perspective, qui fait partie de sa tradition, même si [ces propositions d’histoire globale] ne s’inscrivent pas dans le débat sur les durées et niveaux qui correspondait naguère à ce programme. Les contributions que l’on va lire se situent bien davantage par rapport à la World History qui se développe outre-Atlantique[61].

42Quant à « l’histoire globale » que les articles de Sanjay Subrahmanyam et de Serge Gruzinski proposent, elle porte sur

43

les « connexions » et les circulations, car [elle] n’est pas seulement un programme d’analyse à un certain niveau de généralité ; elle est surtout une tentative pour dépasser les limites habituelles des enquêtes, circonscrites à une aire culturelle ou une entité politique particulières. Il était donc normal que le souci d’appréhender des objets (en l’occurrence l’État), au-delà des spécificités de leurs expressions locales et par-delà les différences entre civilisations, rencontrât la Méditerranée de Fernand Braudel[62].

44Ici, le nom écrasant de F. Braudel sert à redimensionner l’« histoire globale » – en tant que nouvelle proposition historiographique – à une place certes importante, mais relative. Car les Annales ne prennent pas, en 2001, le « tournant global », en raison des problèmes épistémologiques et méthodologiques qu’il pose alors. La présentation des deux sous-dossiers conclut par la nécessité d’un retour au social :

45

Cette histoire des connexions et des circulations ne peut laisser de côté l’histoire sociale de leur établissement et de leur mise en œuvre. Par ailleurs, la pluralité des cultures qui se côtoyaient, s’interpénétraient ou s’affrontaient à l’intérieur de l’espace méditerranéen diffère de la stratification des héritages qu’a mise en lumière Denys Lombard pour l’Insulinde ou des contacts, certes multiples, qui se jouaient au cœur de l’Asie, confins du monde musulman en même temps que périphérie chinoise[63].

46L’hommage rendu au carrefour javanais de Denis Lombard est aussi un appel à la poursuite de deux débats sur « la comparaison et [les] aires culturelles » [64]. Les implicites méthodologiques et épistémologiques de l’histoire globale d’alors entrent en contradiction avec certains partis pris de la revue articulés pendant le tournant critique. Le présupposé d’une connectivité de fond (connectedness), qui assume implicitement la communicabilité et la commensurabilité des pratiques, laisse en suspens la question des formes possibles d’universalisme des fonctionnements sociaux [65]. C’est pourquoi, à ce moment, la revue ne saisit pas durablement cette orientation, après y avoir consacré ces pages. Réciproquement, l’histoire connectée rejette la micro-histoire : il faudra attendre les années 2010 pour que ce courant historiographique manifeste une forme d’intérêt pour sa formulation italienne [66].

47C’est donc hors des Annales que l’histoire globale s’est imposée en approche historiographique dominante, sans avoir jamais vraiment clarifié ses attendus méthodologiques et épistémologiques. Le global est-il une échelle ou une méthode ? En pratique, faire de l’histoire globale ne signifie pas, la plupart du temps, travailler sur toutes les parties du globe. Néanmoins, l’approche globale implique une forme de totalisation implicite, presque imposée par l’objet. Or cette tendance conduit à oublier que, si le monde est une échelle, il ne renvoie nullement à une réalité stable – d’une part, parce que différents mondes coexistent à une même période et, d’autre part, parce que les mondes ne sont jamais stables dans le temps. Ce phénomène de totalisation implicite est renforcé par les effets d’une globalisation progressive du monde académique que la sociologie n’a pas encore réussi à saisir. S’est ainsi rapidement constitué un socle de références communes que les traductions ont contribué à canoniser. Or, si cette tendance facilite le dialogue entre chercheurs de toute la planète, elle n’en pose pas moins de nombreuses questions quant à l’articulation du sociologique, du scientifique, du méthodologique et de l’épistémologique. Par exemple, elle rend difficile les efforts de décentrement, alors même que celui-ci est de plus en plus présent dans les déclarations d’intention. Cet espace académique mondial tend vers toujours plus d’homogénéisation du fait des circulations académiques et intellectuelles mais, paradoxalement, plus le monde s’élargit, plus le nombre de textes canoniques se réduit, selon la logique du plus petit dénominateur commun et de la domination linguistique de l’anglais. En faisant le choix de l’édition bilingue franco-anglaise en 2012 [67], la revue a décidé de préserver la spécificité du « penser en langue », tout en travaillant, numéro après numéro, les écarts conceptuels, voire les intraduisibles, pour éviter l’écueil de l’homogénéisation [68].

48Mais la question reste entière : n’est-il pas, de fait, de plus en plus difficile de se décentrer en ne lisant qu’une bibliographie mainstream en anglais ? Pour le dire de façon provocatrice, où se situe le « décentrement » quand on lit depuis Singapour, Dakar ou Budapest les mêmes textes synthétiques à destination d’un vaste public, au prétexte qu’ils embrasseraient plus large que la microhistoire, considérée comme un éteignoir [69] ? Tous ces problèmes n’étaient pas encore sur la table, aux Annales de 2001. À cette date, le comité s’inquiétait, implicitement, d’une tendance qui se profilait avec l’histoire globale : rabattre à une seule échelle les horizons de l’analyse, au risque d’araser la complexité des dynamiques processuelles et, surtout, de perdre la puissance analytique permise par les jeux d’échelles [70]. Les Annales, on l’a vu, ont donc expérimenté dans d’autres domaines, et c’est souvent en dehors de la revue qu’ont évolué les débats sur l’histoire globale, notamment ceux qui, plus tardivement, ont posé à nouveau la question des échelles [71]. Leur cartographie reste à faire, et dépasse le cadre de cet article. On peut néanmoins faire l’hypothèse que l’enquête montrerait le rôle inégal que le global a joué, ces deux dernières décennies, selon que l’on observe les situations historiographiques depuis l’Allemagne, le Chili ou le Japon, pour sortir des usual suspects. Soulignons aussi la variété des situations en fonction des disciplines et des champs, comme le suggère l’émergence récente de projets d’histoire globale en histoire intellectuelle, en histoire des sciences, en histoire de l’art, de la philosophie ou de la philologie – qui se concrétisent souvent par la création de revues [72].

49La centralité des jeux d’échelles explique donc pour une large part pourquoi les Annales sont longtemps restées, suite au dossier de 2001, à distance de l’histoire globale qui offrait, au moment de son émergence comme dans les synthèses dont elle a pu faire l’objet, un label aux contours épistémologiques et méthodologiques confus. Les approches micro-historiennes acclimatées à des terrains non européens ne se sont développées que plus tardivement – il est d’ailleurs intéressant de noter que celles-ci, notamment au sujet des réseaux marchands, ont trouvé plus aisément une place dans les pages des Annales[73]. Parallèlement, l’histoire globale allait donner lieu à un ensemble de réflexions sur ses forces comme sur ses limites, notamment à travers un retour critique sur les problématiques de la spatialisation, dans le sillage du programme anthropologique de George E. Marcus et des approches multi-situées [74].

50Que retenir de telles ouvertures et fermetures des Annales vis-à-vis de ces différentes expérimentations (parfois devenues modes) sur la place des mondes non européens dans notre approche de l’histoire comme science sociale ? Elles ont à voir, nous semble-t-il, avec les interrogations qui étaient déjà au cœur du tournant critique et, également, avec celles qui ont animé les débats autour des « aires culturelles » il y a vingt ans : la question des langues, des mises en contexte ou des « contextes pertinents », mais aussi celle d’un retour critique sur les sources, leur production et leur matérialité [75]. Les expériences de microhistoire globale accueillies récemment dans la revue, par exemple, ont ceci d’intéressant qu’elles contribuent à déconstruire l’idée que l’histoire globale doit prendre le monde comme objet. Leurs mises en œuvre successives ne sont pas pour autant allées nécessairement au bout de ce processus, pas plus qu’elles n’ont interrogé ce qui a été et est resté l’une des principales préoccupations d’une histoire-science sociale : la montée en généralité, par-delà la variété des espaces géographiques du monde [76].

Échelles du monde et généralisation

51De la critique des travaux qui arboraient un pavillon mal taillé d’histoire globale à l’accueil, à échéances régulières, de travaux se proposant de prendre acte des diverses échelles du monde, la revue n’a pas cherché, dans les vingt dernières années, à construire une ligne – pas plus sur l’histoire globale que sur le reste. Que l’on publie sur la France, l’Europe ou les mondes extra-européens aux différentes échelles de leurs études ne change rien à l’une des exigences premières des Annales : qu’il s’agisse aussi de travaux de sciences sociales. C’est autour de cette tension que se joue le travail de la revue, avec son lot de succès et d’échecs. Le comité cherche ainsi collectivement à trouver où placer le curseur d’un savoir qui restitue les visions du monde produites dans les langues des sociétés concernées, tout en restant accessible pour les non-spécialistes. En effet, il ne s’agit pas d’inverser les principes d’une histoire occidentalo-centrée en la remplaçant par une histoire centrée sur d’autres espaces, mais plutôt – selon les propositions de l’histoire croisée – de « mettre en évidence le tissu épais des entrecroisements, à partir des références effectivement mobilisées par les uns et les autres dans l’élaboration de leurs représentations respectives », afin d’écrire une histoire qui « propose d’utiliser le croisement des perspectives et le déplacement des points de vue pour produire des effets de connaissance propres » [77].

52Un dossier important sur ce point, tant sur le plan méthodologique que théorique, est celui consacré, en 2009, aux « Cultures écrites en Afrique ». Dans leur introduction, Éloi Ficquet et Aïssatou Mbodj-Pouye précisent que ce numéro

53

entend ouvrir une fenêtre sur les connaissances produites sur et à partir des sociétés africaines en se concentrant sur un objet transversal qui présente la caractéristique de ne pas être traumatique, contrairement aux questions par lesquelles les problématiques concernant l’Afrique sont généralement posées (l’esclavage, les migrations, les crises humanitaires, les faillites politiques, etc.)[78].

54Ici, le choix d’un objet a priori eurocentré – l’écriture – vise à interroger la façon dont celui-ci se trouve modifié dès lors qu’il est pensé à partir d’un point d’observation situé dans un autre espace, sans toutefois le rendre exotique.

55Aujourd’hui, la question des échelles et de la focale ne se pose pas simplement au niveau de l’observation, micro ou macro, proche ou lointaine, mais plutôt autour des manières dont ces différents niveaux d’observations et de réalités concrètes fonctionnent entre eux. Les échelles n’existent pas en elles-mêmes, mais se définissent et se déterminent mutuellement à travers des formes d’interdépendance actives. Se départir de l’idée d’une échelle globale ou mondiale évidente et stable – comme ce pourrait aussi être le cas des autres échelles – permet d’observer un espace mondial selon différentes focales et configurations spatiales qui n’englobent pas toujours, voire plutôt rarement, le monde dans son entier. Le monde se reconfigurant constamment, il faut en penser la variété des échelles temporelles et spatiales : monter ou descendre les barreaux de ces échelles opère mécaniquement une transformation de ce que l’on voit d’en dessous, d’en face ou en surplomb, offrant à chaque palier un cadre préexistant (village, ville, nation, empire, continent, etc.) dont la définition se joue entre les acteurs qui l’observent et l’historien ou l’historienne qui en décrypte l’intelligibilité [79]. Ces cadres sont cependant à leurs tours instables et en voie de reconfiguration permanente. L’enjeu est donc double. D’une part, il s’agit de tirer parti de la multiplicité des représentations produites par les différentes échelles et de l’effet heuristique de leur mise en relation. De l’autre, il convient d’interroger la manière dont le passage par une pluralité d’échelles se répercute à la fois sur l’appréhension des objets soumis à l’analyse et sur la définition même des échelles d’analyse. Car celles-ci sont toujours construites par le chercheur, dans un va-et-vient entre cadre d’analyse supposé, options méthodologiques retenues et caractéristiques empiriques de l’objet visé. Elles impliquent un processus d’information, d’abord au sens d’un lieu à partir duquel on mesure, puis à travers la réinscription des mesures ou données recueillies dans un plan de représentation ordonné, qu’il soit spatial, temporel, plus spécifiquement territorial, social ou encore une combinaison quelconque d’entre eux. Le « global » n’échappe pas à ces principes de construction. Il est lui-même défié par d’autres perspectives analytiques qui émergent à partir de l’étude d’objets devenus centraux dans les enquêtes de sciences sociales : les recherches sur l’environnement invitent actuellement à une recomposition des partitions et des alliances disciplinaires, en particulier du côté des sciences de la nature. Annoncé comme une nouvelle ère géologique, l’Anthropocène se caractérise ainsi par un nouveau type de rapport de l’homme avec la nature, marqué par l’exploitation, voire la prédation, engageant à repenser non seulement les régimes de temporalités, mais aussi ce qu’on pourrait appeler des « régimes de globalité » [80].

56Les types d’histoire défendus par les Annales aujourd’hui se caractérisent par le refus de confondre échelle globale et montée en généralité. De ce point de vue, la critique de la notion même d’échelle telle qu’elle est aujourd’hui entendue par une nouvelle génération, qui lui préfère une « perspective micro-spatiale » [81], ne résout pas le problème théorique de la montée en généralité. Le recours à l’échelle globale, comme le choix d’autres échelles (notamment nationales), se doit d’être explicite tant du point de vue de l’objet étudié que de celui des relations avec les autres échelles en jeu, de sorte que les articles puissent exposer les effets de savoir que produisent leurs dispositifs. La variété des réalités géographiques, sociologiques, anthropologiques et historiques dans le monde induit des régimes de production documentaire différents qui, par effet retour, invitent le chercheur ou la chercheuse à interroger et à réinventer ses échelles d’analyse de façon à dévoiler dans son récit la construction de nos regards sur le monde.

57En définitive, au terme de ce retour sur les trente dernières années, la pratique éditoriale de la revue semble se caractériser aujourd’hui par une triple exigence de décentrement : d’abord celle qui, formulée par l’histoire croisée et marquée par la réflexivité et la prise en compte de la position du chercheur vis-à-vis de l’objet, se tient à distance de tout découpage spatial naturalisé, que ce soit le national, le régional, le local ou le global ; ensuite celle qui, nourrie par une histoire comparée des empires et par toutes les formes d’expériences d’histoires relationnelles, interroge l’Europe comme d’autres parties du monde et s’appuie sur une vaste gamme d’historiographies et de recherches [82] ; enfin, celle qui interroge sans cesse les catégories de l’analyse et les processus de catégorisation en fonction des documentations disponibles et des régimes variés de leurs productions, en cherchant les voies par lesquelles d’autres parties du monde ont pensé et produit leur histoire et leur rapport au monde. À la croisée de ces trois exigences se dessine peut-être un horizon pour penser plus justement les échelles du monde.


Date de mise en ligne : 25/08/2021

Notes

  • [1]
    Voir, dans le présent numéro, « Approche quantitative d’un projet intellectuel », p. 583-608.
  • [2]
    Sur la critique des échelles qui se développe aujourd’hui, voir Christian G. De Vito, « Verso una microstoria translocale (micro-spatial history) », Quaderni storici, 50-3, 2015, p. 815-833.
  • [3]
    Représentation « aplatie » à deux dimensions. On laisse ici de côté la problématique de l’échelle en architecture qui, à travers la pratique du modèle réduit, reproduit la tri-dimensionalité de l’espace.
  • [4]
    Si beaucoup de travaux ont porté sur le « vol de l’histoire », pour reprendre le titre polémique de l’ouvrage de Jack Goody (Le vol de l’histoire. Comment l’Europe a imposé le récit de son passé au reste du monde, trad. par F. Durand-Bogaert, Paris, Gallimard, [2006] 2015), peu se sont préoccupés, en dehors du petit monde des historiens de la géographie, de ce « vol de l’espace » – tout du moins ne l’ont-ils pas formulé en ces termes. La monumentale History of Cartography, démarrée sous la direction de John Brian Harley et David Woodward à l’université du Wisconsin et qui compte six volumes en plusieurs tomes, est une entreprise unique par son ambition chronologique et spatiale. Pour ce qui concerne notre propos, voir en particulier David Woodward (dir.), The History of Cartography, vol. 3, Cartography in the European Renaissance, Chicago, The University of Chicago Press, 2 t., 2007, qui propose des analyses détaillées de la « révolution cartographique » européenne. Dans le domaine français, voir Isabelle Laboulais-Lesage (dir.), Combler les blancs de la carte. Modalités et enjeux de la construction des savoirs géographiques (xvie-xxesiècle), Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2004 ; Hélène Blais et Isabelle Laboulais (dir.), Géographies plurielles. Les sciences géographiques au moment de l’émergence des sciences humaines (1750-1850), Paris, L’Harmattan, 2006 ; Jean-Marc Besse, Hélène Blais et Isabelle Surun (dir.), Naissances de la géographie moderne (1760-1860). Lieux, pratiques et formation des savoirs de l’espace, Paris, ENS Éditions, 2010. Tous ces travaux se développent sans lien direct avec les recherches de Bernard Lepetit, dont la réflexion cartographique trouve à s’exprimer dans les nombreux comptes rendus qu’il publie dans la revue entre 1980 et sa mort accidentelle en 1996.
  • [5]
    Élaborée, entre autres, par Jacques Lévy et Michel Lussault et consignée notamment dans leur Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, Paris, Belin, 2003, l’approche multi-scalaire est aujourd’hui largement diffusée chez les géographes, jusqu’à faire son entrée dans les programmes d’enseignement scolaire. En géo-archéologie, elle est aussi appliquée à des échelles temporelles.
  • [6]
    Nicolas Verdier, « L’échelle dans quelques sciences sociales. Petite histoire d’une absence d’interdisciplinarité », in O. Orainet al., Échelles et temporalités en géographie, t. 2, Vanves, CNED, 2004, p. 25-56.
  • [7]
    Rappelons que, si cet « héritage » a fait l’objet d’interprétations divergentes, à partir des Lumières européennes, dans les travaux de Theodor Mommsen, Fustel de Coulanges et d’autres, il s’est largement fondé sur l’exclusion de l’Orient antique, comme l’a montré Arnaldo Momigliano, Sagesses barbares. Les limites de l’hellénisation, trad. par M.-C. Roussel, Paris, F. Maspero, [1975] 1979 et, d’une autre manière, François Hartog, Anciens, modernes, sauvages, Paris, Galaade éditions, 2005.
  • [8]
    Ces chiffres concernent les 1 100 articles publiés par les Annales entre 1990 et 2018 inclus, à l’exception des éditoriaux et des comptes rendus d’ouvrages. Certains articles portant sur plusieurs aires géographiques à la fois, la somme des pourcentages est supérieure à 100 %. Sur l’approche statistique de ce que publient les Annales, voir, dans le présent numéro, « Approche quantitative… », art. cit.
  • [9]
    La notion de « lointain » vaut ici au sens spatial : elle désigne une distance par rapport au lieu de la production de la réflexion. La catégorie, souvent utilisée pour sa capacité d’évocation, reste problématique : non seulement elle suppose que le lointain est ailleurs dans l’espace, annihilant par là même toute saisie des formes d’éloignement social ou culturel, mais elle investit aussi ce lointain d’un parfum d’exotisme, contre lequel les sciences sociales ont cherché à se construire. Pour une réflexion sur ces questions, voir Alain Mahé et Kmar Bendana (dir.), Savoirs du lointain et sciences sociales, Saint-Denis, Éd. Bouchène, 2004 ou Gérard Lenclud, L’universalisme ou le pari de la raison. Anthropologie, histoire, psychologie, Paris, Éd. de l’EHESS/Gallimard, 2013, qui renvoient autant au débat français sur les « aires culturelles » qu’à la question, au sein des Annales, des liens entre histoire et sciences sociales (ici l’anthropologie). Dans les Annales, cette catégorie est travaillée dans le dossier intitulé « L’exercice de la comparaison », Annales HSS, 57-1, 2002, p. 27-144, une réflexion reprise, dix ans plus tard, dans l’entreprise collective Faire des sciences sociales, Paris, Éd. de l’EHESS, 2012, publiée en trois volumes : Pascale Haag et Cyril Lemieux (dir.), vol. 1, Critiquer ; Olivier Remaud, Jean-Frédéric Schaub et Isabelle Thireau (dir.), vol. 2, Comparer ; Emmanuel Désveaux et Michel de Fornel (dir.), vol. 3, Généraliser.
  • [10]
    Sanjay Subrahmanyam, « Ceci n’est pas un débat… », Annales HSS, 57-1, 2002, p. 195-201, ici p. 195. Sanjay Subrahmanyam défend ici avec force l’approche d’histoire connectée dont son critique, le spécialiste de l’empire portugais Francisco Bethencourt, soulignait les limites et défendait la combinaison « d’autres échelles d’analyse, notamment l’histoire globale ou la micro-histoire, approches complémentaires pour l’analyse historique » dans Francisco Bethencourt, « Le millénarisme : idéologie de l’impérialisme eurasiatique ? » Annales HSS, 57-1, 2002, p. 189-194, ici p. 194.
  • [11]
    Voir, dans le présent numéro, « Un collectif au travail », p. 537-554.
  • [12]
    Karine Karila-Cohenet al. (dir.), no spécial « Histoire quantitative », Annales HSS, 73-4, 2018.
  • [13]
    On ne se trouve donc pas ici dans le cadre des approches multi-sites telles qu’elles ont été proposées par les ethnologues. Voir, à ce propos, l’analyse et la réflexion méthodologique de Guillaume Calafat, « Jurisdictional Pluralism in a Litigious Sea (1590-1630): Hard Cases, Multi-Sited Trials and Legal Enforcement between North Africa and Italy », J.-P. Ghobrial (dir.), « Global History and Microhistory », Past & Present, 242, supplément 14, 2019, p. 142-178, ici p. 145. L’approche est reprise et abondamment commentée dans le même numéro par Christian G. De Vito, « History Without Scale: The Micro-Spatial Perspective », J. P. Ghobrial (dir.), Past & Present, 242, supplément 14, 2019, p. 348-372. On aura l’occasion d’y revenir à propos des échelles.
  • [14]
    Dossier « Souveraineté et territoire (xixe-xxe siècle) », Annales HSS, 69-2, 2014, p. 307-467 ; dossier « Micro-analyse et histoire globale », Annales HSS, 73-1, 2018, p. 3-159 ; Étienne Anheim (dir.), no spécial « Archives », Annales HSS, 74-3/4, 2019. Bien plus tôt, c’était déjà le cas de certains numéros spéciaux : Yves Cohen et Dominique Pestre (dir.), no spécial « Histoire des techniques », Annales HSS, 53-4/5, 1998 ; Alice Ingold (dir.), no spécial « Environnement », Annales HSS, 66-1, 2011.
  • [15]
    C’est ici toute la difficulté de l’exercice auquel se livre ce texte : il n’est pas possible de rendre compte des évolutions des trente dernières années à la seule lumière de la « politique éditoriale » de la revue. Il n’est cependant pas non plus possible de s’engager dans une étude globale du monde des revues, marqué par l’accélération de leur internationalisation et la victoire temporaire de la langue anglaise dans la production des sciences sociales.
  • [16]
    Voir, dans le présent numéro, « Une revue en langues. Les défis d’une édition bilingue », p. 573-582.
  • [17]
    Voir en particulier les dossiers suivants : « Histoire croisée », Annales HSS, 58-1, 2003, p. 7-36 ; « Une histoire à l’échelle globale », Annales HSS, 56-1, 2001, p. 3-123.
  • [18]
    Parmi les travaux « internes », voir Jacques Revel et Nathan Wachtel (dir.), Une école pour les sciences sociales. De la VIesection à l’École des hautes études en sciences sociales, Paris, Éd. de l’EHESS/Éd. du Cerf, 1995 ; André Burguière, L’école des Annales. Une histoire intellectuelle, Paris, Odile Jacob, 2006 ; Jacques Revel, Un moment, des histoires, Paris, Éd. de l’EHESS, 2018, p. 91-118. En « externe », voir Peter Burke, The French Historical Revolution: The Annales School, 1929-89, Cambridge, Polity Press, 1990. Voir aussi, dans le présent numéro, « Entre revue et ‘école’. Les Annales en situation », p. 519-535.
  • [19]
    Ces centres sont : l’Institut des mondes africains (IMAF), le Centre d’études de l’Inde et de l’Asie du Sud (CEIAS), Mondes américains, le centre Georg Simmel, pour les centres organisés autour d’aires géographiques ; le Centre d’études sociologiques et politiques Raymond-Aron (CESPRA), le Centre Alexandre Koyré (CAK), l’UMR Anthropologie et histoire des mondes antiques (ANHIMA), pour les centres organisés autour d’objets ou de périodes (tous ces centres étant, par ailleurs, interdisciplinaires).
  • [20]
    Angelo Torre, « Geografie regolari. Problemi di ricerca e ipotesi di lavoro sugli ordini religiosi nel Piemonte fra Concilio di Trento e soppressioni postunitarie » et Maria Antonietta Visceglia « ‘Le pretensioni hano più capi dell’Hidra’: un bilancio sulla nobiltà romana », in S. Sebastiani et A. Romano (dir.), La forza delle incertezze. Dialoghi storiografici con Jacques Revel, Bologne, Il Mulino, 2016, respectivement p. 213-227 et 229-267. Voir, en outre, dans le présent numéro, Angelo Torre et Vittorio Tigrino, « Des historiographies connectées ? Les Annales, Quaderni storici et l’épreuve de l’histoire sociale », p. 681-692.
  • [21]
    On notera la rapidité de l’exportation, dans le monde états-unien, du tournant critique : Lynn Hunt et Jacques Revel (dir.), Histories: French Constructions of the Past, trad. par A. Goldhammer et al., New York, The New Press, 1995, p. 479-484.
  • [22]
    Introduction, « Une histoire à l’échelle globale », Annales HSS, 56-1, 2001, p. 3-4, ici p. 4, reproduite dans le présent numéro : « 90 ans d’éditoriaux », p. 725-796.
  • [23]
    Bernard Lepetit (dir.), Les formes de l’expérience. Une autre histoire sociale, Paris, Albin Michel, 1995 ; Jacques Revel (dir.), Jeux d’échelles. La micro-analyse à l’expérience, Paris, Gallimard/Éd. du Seuil, 1996. Si, dans les deux volumes, la question des échelles de l’analyse est présente, elle revient comme le nœud de plusieurs contributions du volume de 1996 : Bernard Lepetit, « De l’échelle en histoire », Alban Bensa, « De la micro-histoire vers une anthropologie critique », Maurizio Gribaudi, « Échelle, pertinence, configuration » et Paul-André Rosental, « Construire le ‘macro’ par le ‘micro’ : Fredrik Barth et la microstoria », in J. Revel (dir.), Jeux d’échelles, op. cit., respectivement p. 71-94, 37-70, 113-139 et 141-159. On renverra aussi à Bernard Lepetit, « Architecture, géographie, histoire : usages de l’échelle », Genèses, 13, 1993, p. 118-138, dont le texte constitue la version développée de l’article de 1996. Pour une réflexion sur le rôle personnel de Jacques Revel dans cette contribution, voir Lynn Hunt, « Jacques Revel and the Question of Scale », in S. Sebastiani et A. Romano (dir.), La forza delle incertezze, op. cit., p. 35-45. Pour les propositions expérimentales de B. Lepetit, voir les différentes notes critiques publiées dans la revue : Bernard Lepetit, « L’échelle de la France », Annales ESC, 45-2, 1990, p. 433-443 ; id., « Une logique du raisonnement historique (note critique) », Annales ESC, 48-5, 1993, p. 1209-1219 ; id., « Le travail de l’histoire (note critique) », Annales HSS, 51-3, 1996, p. 525-538.
  • [24]
    Introduction, « Une histoire à l’échelle globale », art. cit., p. 4. Dans l’introduction du volume collectif de 1996, J. Revel écrit : « Saisie au ras du sol, l’histoire d’un ensemble social se disperse, en apparence, en une myriade d’événements minuscules, difficiles à organiser. La conception traditionnelle de la monographie cherche à le faire en se donnant pour tâche la vérification locale d’hypothèses et de résultats généraux. Le travail de contextualisation multiple pratiqué par les micro-historiens part de prémisses très différentes. Il pose, en premier lieu, que chaque acteur historique participe, de façon proche ou lointaine, à des processus – et donc s’inscrit dans des contextes – de dimensions et de niveaux variables, du plus local au plus global. […] Ce que l’expérience d’un individu, d’un groupe, d’un espace permet de saisir, c’est une modulation particulière de l’histoire globale. Particulière et originale car ce que le point de vue micro-historique offre à l’observation, ce n’est pas une version atténuée, ou partielle, ou mutilée de réalités macro-sociales : c’en est […] une version différente » (Jacques Revel, « Micro-analyse et construction du social », in J. Revel [dir.], Jeux d’échelles, op. cit, p. 15-36, ici p. 26).
  • [25]
    Dans l’espace intellectuel français, les articles consacrés aux subaltern studies sont publiés ailleurs et tardivement : voir par exemple Jacques Pouchepadass, « Les Subaltern Studies ou la critique postcoloniale de la modernité » et, sur la globalisation, Jean-Loup Amselle, « La globalisation. ‘Grand partage’ ou mauvais cadrage ? », J. Assayag et V. Bénéï (dir.), no spécial « Intellectuels en diaspora et théories nomades », L’Homme, 156, 2000, respectivement p. 161-186 et 207-226. Jacques Pouchepadass contribue toutefois régulièrement aux Annales, principalement à travers des comptes rendus – 13 entre 1973 et 1991. Voir aussi Isabelle Merle, « Les Subaltern Studies. Retour sur les principes fondateurs d’un projet historiographique de l’Inde coloniale », Genèses, 56, 2004, p. 131-147. De la même manière, les travaux portant sur l’écriture de l’histoire, comme l’entreprise collective de la Oxford History of Historical Writing, dont les volumes 3 (1400-1800), 4 (1800-1945) et 5 (depuis 1945), parus entre 2012 et 2015, sans aucun auteur français, n’ont pas reçu d’écho particulier. Pour une approche quantitative de cette question dans les Annales, voir, dans ce numéro, « Approche quantitative… », art. cit.
  • [26]
    Une abondante littérature se développe dans le cadre de revues à caractère théorique, dans le monde principalement anglophone ou hispanophone (moins visible), où ces questions sont travaillées. À titre d’exemples, voir les numéros spéciaux « Early Modernities », Dædalus, 127-3, 1998 et « Multiple Modernities », Dædalus, 129-1, 2000.
  • [27]
    Johannes Fabian, Le temps et les autres. Comment l’anthropologie construit son objet, trad. par E. Henry-Bossonney et B. Müller, Toulouse, Anacharsis, [1983] 2006.
  • [28]
    Voir, dans le présent numéro, « Après le tournant documentaire. Ce qui montre, ce qu’on montre », p. 425-446, ainsi que Nathalie Kouamé, Éric P. Meyer et Anne Viguier (dir.), Encyclopédie des historiographies : Afriques, Amériques, Asies, vol. 1, Sources et genres historiques, Paris, Presses de l’Inalco, 2020.
  • [29]
    Citons, par exemple, le dossier sur le contrat salam, « Islam et développement économique », Annales HSS, 61-4, 2006, p. 863-940, ou le dossier « Écrire l’histoire de l’islam moderne et contemporain », Annales HSS, 73-2, 2018, p. 311-439, dans lequel la revendication d’une « islamologie historienne » invite à repenser les articulations du temps du religieux et de l’impérial : voir en particulier Augustin Jomier et Ismail Warscheid, « Pour une islamologie historienne » et Catherine Mayeur-Jaouen, « ‘À la poursuite de la réforme’. Renouveaux et débats historiographiques de l’histoire religieuse et intellectuelle de l’islam, xve-xxie siècle », Annales HSS, 73-2, 2018, respectivement p. 311-316 et 317-358. Voir aussi le dossier paru l’année précédente, « Temporalités du moment colonial », Annales HSS, 72-4, 2017, p. 937-1083.
  • [30]
    La revue ayant pour tradition de rubriquer son sommaire, tous les articles appartiennent à des « dossiers », qui se réduisent donc parfois à un seul article. Il existe toutefois des dossiers particulièrement volumineux, souvent composés de quatre articles ou plus, qui avaient ou auraient pu avoir vocation à faire des numéros spéciaux. Pour l’analyse qui suit, ces différents types de dossiers sont embrassés ensemble.
  • [31]
    Hiroyuki Ninomiya et Pierre-François Souyri (dir.), no spécial « L’histoire du Japon sous le regard japonais », Annales HSS, 50-2, 1995 : voir en particulier, dans ce numéro, Hiroyuki Ninomiya et Pierre-François Souyri, « Présentation », p. 227-233.
  • [32]
    Dossier « La société allemande, xviie-xixe siècles », Annales HSS, 50-4, 1995, p. 719-802, qui, par ailleurs, permettait de présenter les appropriations allemandes de la micro-histoire ; no spécial « Histoire sociale de la RDA », Annales HSS, 53-1, 1998.
  • [33]
    Dossiers « Chiapas » et « Quel américanisme aujourd’hui ? », Annales HSS, 57-5, 2002, respectivement p. 1251-1289 et 1293-1355 ; dossier « Politique et contrôle de l’eau dans le Moyen-Orient ancien », Annales HSS, 57-3, 2002, p. 517-663 ; Pierre Chuvin et Jacques Poloni-Simard (dir.), no spécial « Asie centrale », Annales HSS, 59-5/6, 2004 ; Angela Ki Che Leung (dir.), no spécial « Chine », Annales HSS, 61-6, 2006 ; Jacques Poloni-Simard (dir.), no spécial « Amériques coloniales. La construction de la société », Annales HSS, 62-3, 2007 ; Éloi Ficquet et Aïssatou Mbodj-Pouye (dir.), no spécial « Cultures écrites en Afrique », Annales HSS, 64-4, 2009 ; dossier « Les statuts sociaux au Japon (xviie-xixe siècle) », Annales HSS, 66-4, 2011, p. 955-1077.
  • [34]
    Claude Markovits, Jacques Pouchepadass et Sanjay Subrahmanyam, « La geste indianiste. Du saint guerrier aux héros paysans », Annales HSS, 60-2, 2005, p. 233-237, ici p. 233.
  • [35]
    Guillaume Carré, « Les marges statutaires dans le Japon prémoderne : enjeux et débats », Annales HSS, 66-4, 2011, p. 955-976, ici p. 966.
  • [36]
    Dossier « Processus d’urbanisation », Annales HSS, 59-1, 2004, p. 39-139.
  • [37]
    Voir par exemple le dossier intitulé « Échanges et communautés », qui accueille un article de Judith Scheele, « L’énigme de la faggāra : commerce, crédit et agriculture dans le Touat algérien », Annales HSS, 67-2, 2012, p. 471-493.
  • [38]
    Fernand Braudel, Grammaire des civilisations, Paris, Arthaud, 1987. On a déjà pointé plus haut l’intérêt de la notion dans une tradition des Annales au long cours. Une réflexion plus approfondie permettrait aussi, notamment à propos de Fernand Braudel, de mettre en perspective toute la réflexion et la recherche sur les zones de contacts, les territoires de rencontres, à l’image de ce qu’était, pour lui, l’espace méditerranéen.
  • [39]
    C’est par exemple à la même époque que le CNRS dissout sa section orientaliste dans la section d’histoire moderne et contemporaine (généraliste).
  • [40]
    C’est le cas de nombre des dossiers évoqués plus haut, qui n’ont toutefois jamais exclu un certain degré de spécialité, qu’elle soit linguistique ou technique.
  • [41]
    Voir, à titre d’exemple, Benoît Grévin, « Langues et sociétés de l’Islam médiéval », Annales HSS, 70-3, 2015, p. 563-576.
  • [42]
    Parmi les différentes entreprises, plusieurs histoires de l’Europe ont mobilisé les grands éditeurs européens et divers volumes collectifs ont rouvert le dossier. Voir entre autres Maria Antonietta Visceglia (dir.), Le radici storiche dell’Europa. L’età moderna, Rome, Viella, 2007 ; Anthony Molho, Diogo Ramada Curto et Niki Koniordos (dir.), Finding Europe: Discourses on Margins, Communities, Images, ca. 13th-ca. 18th centuries, New York, Berghahn Books, 2007.
  • [43]
    On pense ici aux travaux d’Ann Laura Stoler, Along the Archival Grain: Epistemic Anxieties and Colonial Common Sense, Princeton, Princeton University Press, 2009, dont la traduction récente aux Éditions de l’EHESS (ead., Au cœur de l’archive coloniale. Questions de méthode, trad. par C. Jaquet et J. Gross, Paris, Éd. de l’EHESS, 2019) témoigne de l’acclimatation en France des réflexions post-coloniales.
  • [44]
    Voir notamment le dossier « Une histoire à l’échelle globale », Annales HSS, 56-1, 2001, p. 3-123.
  • [45]
    Dipesh Chakrabarty, Provincializing Europe: Postcolonial Thought and Historical Difference, Princeton, Princeton University Press, 2000 (traduction française : id., Provincialiser l’Europe. La pensée postcoloniale et la différence historique, trad. par O. Ruchet et N. Vieillescazes, Paris, Éd. Amsterdam, [2000] 2009). Formé d’abord en physique (BSc degree à l’université de Calcutta), ayant obtenu un MBA en Management à Calcutta, puis un PhD en histoire à la Australian National University, spécialiste de l’histoire contemporaine de l’Asie du Sud, dans une perspective subalterniste, l’auteur est alors professeur au département d’histoire de l’université de Chicago.
  • [46]
    Voir, dans le présent numéro, le compte rendu par Romain Bertrand de Provincialiser l’Europe de Dipesh Chakrabarty, p. 821-826.
  • [47]
    Voir Jacques Poloni-Simard (dir.), no spécial « Amériques coloniales. La construction de la société », Annales HSS, 62-3, 2007 ; no spécial « Empires », Annales HSS, 63-3, 2008, qui inclut une remise en cause de la catégorie « études coloniales » par Jean-Frédéric Schaub, « La catégorie des ‘études coloniales’ est-elle indispensable ? », Annales HSS, 63-3, 2008, p. 625-646 ; dossiers « L’Atlantique français », Annales HSS, 64-5, 2009, p. 985-1050 et « Histoire atlantique », Annales HSS, 67-2, 2012, p. 327-413, ce dernier comprenant un article de Cécile Vidal, « Pour une histoire globale du monde atlantique ou des histoires connectées dans et au-delà du monde atlantique ? », Annales HSS, 67-2, 2012, p. 391-413, qui répond, entre autres, à celui de Jean-Frédéric Schaub.
  • [48]
    Jocelyne Dakhlia, « La ‘culture nébuleuse’ ou l’Islam à l’épreuve de la comparaison », Annales HSS, 56-6, 2001, p. 1177-1199, ici p. 1183.
  • [49]
    Ead., « La question des lieux communs. Des modèles de souveraineté dans l’islam médiéval », in B. Lepetit (dir.), Les formes de l’expérience, op. cit., p. 39-62.
  • [50]
    Marc Bloch, « Pour une histoire comparée des sociétés européennes », Revue de synthèse historique, 46, 1928, p. 15-50, réédité dans id., Mélanges historiques, vol. 1, Paris, S.E.V.P.E.N., 1963, p. 16-40 et dans id., Histoire et historiens, Paris, Armand Colin, 1995, p. 94-123. Parmi les gloses, voir Maurice Aymard, « Histoire et comparaison », Aleksander Gieysztor, « Le comparatisme en histoire » et Lucette Valensi, « Retour d’Orient. De quelques usages du comparatisme en histoire », in H. Atsma et A. Burguière (dir.), Marc Bloch aujourd’hui. Histoire comparée et sciences sociales, Paris, Éd. de l’EHESS, 1990, respectivement p. 271-278, 255-258 et 307-316 ; Nancy L. Green, « L’histoire comparative et le champ des études migratoires », Annales ESC, 45-6, 1990, p. 1335-1350.
  • [51]
    C’est ce dont témoigne, dans la revue et à travers son travail, la contribution de Michaël Werner, à partir du milieu des années 1980 et de son premier article, co-signé, publié dans les Annales : Michel Espagne et Michaël Werner, « La construction d’une référence culturelle allemande en France : genèse et histoire (1750-1914) », Annales ESC, 42-4, 1987, p. 969-992, article fondateur de la recherche sur les transferts culturels. La fécondité de la piste, sur le versant français, est rappelée, la décennie suivante, par Sandrine Kott et Thierry Nadau, « Pour une pratique de l’histoire sociale comparative. La France et l’Allemagne contemporaines », Genèses, 17, 1994, p. 103-111.
  • [52]
    Voir les contributions au volume de Michael Werner et Bénédicte Zimmermann (dir.), De la comparaison à l’histoire croisée, Paris, Éd. du Seuil, 2004.
  • [53]
    Michael Werner et Bénédicte Zimmermann, « Penser l’histoire croisée : entre empirie et réflexivité », Annales HSS, 58-1, 2003, p. 7-36, ici p. 21-23.
  • [54]
    Parmi les articles des Annales s’étant confrontés aux outils de l’histoire croisée, on peut citer : Catarina Madeira Santos, « Entre deux droits. Les Lumières en Angola (1750-v. 1800) », Annales HSS, 60-4, 2005, p. 817-848 ; Ludovic Tournès, « La fondation Rockefeller et la construction d’une politique des sciences sociales en France (1918-1940) », Annales HSS, 63-6, 2008, p. 1371-1402 ; Markus Messling, « Philologie et racisme. À propos de l’historicité dans les sciences des langues et des textes », Annales HSS, 67-1, 2012, p. 153-182 ; C. Vidal, « Pour une histoire globale du monde atlantique… », art. cit. ; Nathalie Clayer, « Les espaces locaux de la construction étatique à l’aune du cas albanais (1920-1939) », Annales HSS, 69-2, 2014, p. 415-438. On notera la variété des échelles spatiales en question.
  • [55]
    Voir Christopher L. Hill, « Conceptual Universalization in the Transnational Nineteenth Century », in S. Moyn et A. Sartori (dir.), Global Intellectual History, New York, Columbia University Press, 2013, p. 134-158, ici p. 146.
  • [56]
    Voir notamment The Cambridge World History, comprenant à ce jour sept volumes, et dont le sixième a fait l’objet d’un compte rendu : Antonella Romano, « Jerry H. Bentley, Sanjay Subrahmanyam et Merry E. Wiesner-Hanks (dir.), The Cambridge World History, vol. 6, The Construction of a Global World, 1400-1800 CE, t. 1, Foundations, t. 2, Patterns of Change (compte rendu) », Annales HSS, 73-1, 2018, p. 229-233. Pour les revues, voir notamment le Journal of World History, dès 1990, et le Journal of Global History, depuis 2006.
  • [57]
    Dossier « Une histoire à l’échelle globale », ensembles « Braudel et l’Asie » et « Temps croisés, mondes mêlés », Annales HSS, 56-1, 2001, respectivement p. 5-50 et 51-123.
  • [58]
    Le texte liminaire précise que « [l]es articles publiés sont issus d’une journée d’études : ‘Penser le monde’, organisée le 10 mai 2000 à l’EHESS, par Serge Gruzinski et Sanjay Subrahmanyam » (Introduction, « Une histoire à l’échelle globale », art. cit., p. 3).
  • [59]
    Celles qui sont héritées de l’histoire coloniale ou impériale articulent le plus souvent le binôme centre/périphérie (par définition hiérarchisant, ce qui a alimenté la critique du modèle diffusionniste, paradigme historique de l’histoire européo-centrée) ou métropole/colonie.
  • [60]
    La note de Maurice Aymard, « De la Méditerranée à l’Asie : une comparaison nécessaire (commentaire) », Annales HSS, 56-1, 2001, p. 43-50, est l’analyse d’un ouvrage, Peregrine Horden et Nicholas Purcell, The Corrupting Sea: A Study of Mediterranean History, Oxford, Blackwell, 2000, qui ne cesse de dialoguer avec F. Braudel en proposant un modèle d’analyse régionale fondé sur l’idée de connectedness.
  • [61]
    Introduction, « Une histoire à l’échelle globale », art. cit., p. 3.
  • [62]
    Ibid., p. 3.
  • [63]
    Ibid., p. 4.
  • [64]
    Ibid. ; Denys Lombard, Le carrefour javanais. Essai d’histoire globale, Paris, Éd. de l’EHESS, 3 vol., 1990. Le sous-titre « Essai d’histoire globale » n’est pas reporté dans la note de Maurice Aymard citée infra.
  • [65]
    Sur ce point, voir Sebastian Conrad, What is Global History?, Princeton, Princeton University Press, 2016, chap. 5 et 8, et les questions que suscite une synthèse de ce type. Le problème n’est pas davantage formulé dans les nombreux travaux de S. Subrahmanyam, dont on retiendra notamment Explorations in Connected History: From the Tagus to the Ganges, Delhi, Oxford University Press, 2005, ou dans Muẓaffar ʿĀlam, Indo-Persian Travels in the Age of Discoveries, 1400-1800, Cambridge, Cambridge University Press, 2007.
  • [66]
    Voir sur ce point, la réflexion de S. Subrahmanyam, dans la préface à la version française de son recueil de textes, Comment être un étranger. Goa-Ispahan-Venise, xvie-xviiiesiècles, trad. par M. Dennehy, Paris, Alma éditeur, [2011] 2013, p. 9-15, ici p. 13 : « Pour situer cet ouvrage dans son contexte, quelques réflexions supplémentaires s’imposent. Dans les années 1990, à l’époque où l’historiographie française cédait à l’engouement pour la micro-storia italienne, j’ai exprimé un certain scepticisme (ainsi que bien d’autres spécialistes du monde extra-européen, dont Denys Lombard et Serge Gruzinski) face aux prétentions ‘universalistes’ de ce genre. Comme Francesca Trivellato l’a fait remarquer lors de la parution en anglais du présent ouvrage, j’ai été amené à revoir mon point de vue : il me semble désormais possible, et même souhaitable, d’établir un rapprochement entre histoire ‘connectée’ ou ‘globale’ et micro-histoire. Cela suppose néanmoins que l’on rende justice à la complexité des archives disponibles et à la diversité des contextes historiographiques. »
  • [67]
    Voir à ce sujet, dans le présent numéro, « Une revue en langues », art. cit.
  • [68]
    Barbara Cassin (dir.), Vocabulaire européen des philosophies. Dictionnaire des intraduisibles, Paris, Éd. du Seuil/Le Robert, 2004.
  • [69]
    Parmi les manuels d’histoire globale, outre Sebastian Conrad, cité ci-dessus, on retiendra Alessandro Stanziani, Les entrelacements du monde. Histoire globale, pensée globale, Paris, CNRS Éditions, 2018 ; Bartolomé Yun Casalilla, Iberian World Empires and the Globalization of Europe 1415-1668, Singapour, Palgrave Macmillan, 2019. Sur l’articulation de la critique de la microhistoire et de ses effets sur le rôle de l’histoire, voir le dossier des Annales sur « La longue durée en débat », Annales HSS, 70-2, 2015, p. 285-378.
  • [70]
    Le texte de commentaire aux deux articles de S. Gruzinski et S. Subrahmanyam est rédigé par Roger Chartier, qui rappelle que l’un des cadres du débat est celui du 19e congrès international des sciences historiques d’Oslo en 2000, où la question du global est à l’ordre du jour : Roger Chartier, « La conscience de la globalité (commentaire) », Annales HSS, 56-1, 2001, p. 119-123. Il rappelle aussi l’aversion de S. Gruzinski pour la microhistoire, car « elle fait négliger le lointain » (p. 119). R. Chartier n’en est pas moins particulièrement critique sur les problèmes de méthode que posent les deux textes.
  • [71]
    Dossier « Size Matters: Scales and Spaces in Transnational and Comparative History », The International History Review, 33-4, 2011, p. 573-728 ; Sebouh David Aslanianet al., « AHR Conversation. How Size Matters: The Question of Scale in History », The American Historical Review, 118-5, 2013, p. 1431-1472, ici p. 1468-1469 ; dossier « Produzione di saperi. Costruzione di spazi », Quaderni storici, 48-1, 2012, p. 3-193 ; C. G. De Vito, « Verso una microstoria translocale (micro-spatial history) », art. cit. Pour une bibliographie récente sur ce thème, voir les nombreuses références suggérées par Romain Bertrand et Guillaume Calafat, « La microhistoire globale : affaire(s) à suivre », Annales HSS, 73-1, 2018, p. 3-18.
  • [72]
    À titre d’exemple, citons la fondation, en 2016, des revues Global Intellectual History, Journal of Global Slavery et Global Humanities: Studies in Histories, Cultures, and Societies. On peut aussi renvoyer à Thomas DaCosta Kaufmann, Catherine Dossin et Béatrice Joyeux-Prunel (dir.), Circulations in the Global History of Art, Londres, Routledge, 2015 ou encore à S. Moyn et A. Sartori (dir.), Global Intellectual History, op. cit.
  • [73]
    Voir en particulier le dossier « Réseaux marchands », Annales HSS, 58-3, 2003, p. 569-672 et, notamment, Francesca Trivellato, « Juifs de Livourne, Italiens de Lisbonne, hindous de Goa. Réseaux marchands et échanges interculturels à l’époque moderne », p. 581-603. L’introduction du volume, par un spécialiste de Florence et de la Renaissance (Anthony Molho) et un spécialiste de l’empire portugais (Diogo Ramada Curto), tous deux professeurs au département d’histoire et civilisation de l’Institut universitaire européen, à Florence, inscrit la réflexion sur les réseaux marchands dans le sillage braudélien, mais avec un objectif précis : « comment [sa lecture] peut-elle contribuer à une nouvelle approche de l’histoire globale de l’Europe moderne ? » (Anthony Molho et Diogo Ramada Curto, « Les réseaux marchands à l’époque moderne », Annales HSS, 58-3, 2003, p. 569-579, ici p. 569).
  • [74]
    Les travaux marquants sont rappelés dans le dossier « Micro-analyse et histoire globale », ouvert par la longue analyse de R. Bertrand et G. Calafat, « La microhistoire globale : affaire(s) à suivre », art. cit., p. 13. Voir également George E. Marcus, « The Ambition of Fieldwork », Terrains/Théories, 5, 2016, DOI : https://doi.org/10.4000/teth.856.
  • [75]
    Voir, dans le présent numéro, « Après le tournant documentaire », art. cit.
  • [76]
    Les jeux d’échelles ont trouvé un débouché réflexif certes hors des Annales, mais dans leur proximité intellectuelle : voir Jean-Claude Passeron et Jacques Revel (dir.), Penser par cas, Paris, Éd. de l’EHESS, 2005, paru dans la collection « Enquête ». D’abord revue, puis collection, cet espace éditorial a régulièrement accompagné les Annales dans leur mise en réflexivité des sciences sociales. On se réfère par exemple à Bernard Walliser (dir.), La cumulativité du savoir en sciences sociales, Paris, Éd. de l’EHESS, 2010, suivi de Bernard Walliser (dir.), La distinction des savoirs, Paris, Éd. de l’EHESS, 2015.
  • [77]
    M. Werner et B. Zimmermann, « Penser l’histoire croisée : entre empirie et réflexivité », art. cit., p. 28.
  • [78]
    Éloi Ficquet et Aïssatou Mbodj-Pouye, « Cultures de l’écrit en Afrique. Anciens débats, nouveaux objets », É. Ficquet et A. Mbodj-Pouye (dir.), no spécial « Cultures écrites en Afrique », Annales HSS, 64-4, 2009, p. 751-764, ici p. 751. Les auteurs, qui introduisent les articles de Catarina Madeira Santos, de Camille Lefebvre et de Pascale Barthélémy, ne manquent pas d’indiquer, dans la première note de leur texte, que le dernier dossier des Annales consacré à l’Afrique remonte alors à 1985 : « Dans les Annales, outre la publication régulière d’articles ayant trait à l’Afrique, le seul dossier consacré au continent est paru en novembre-décembre 1985, sous le titre : ‘L’Afrique : un autre espace historique’, sous la direction de Marc Augé, Jean-Pierre Chrétien et Claude-Hélène Perrot, reprenant un projet initié par Yves Person » (Marc Augé, Jean-Pierre Chrétien et Claude-Hélène Perrot [dir.], no spécial « L’Afrique : un autre espace historique », Annales ESC, 40-6, 1985).
  • [79]
    C’est pourquoi il serait important de revenir sur les usages trop commodes de la notion de « contexte », insuffisamment interrogée dans la perspective qui nous intéresse ici.
  • [80]
    Sur ces articulations, voir le numéro spécial coordonné par Alice Ingold et son introduction « Écrire la nature. De l’histoire sociale à la question environnementale ? », no spécial « Environnement », Annales HSS, 66-1, 2011, p. 11-29. Voir aussi les dossiers « La longue durée en débat » et « Histoire des sciences », Annales HSS, 70-2, 2015, respectivement p. 285-378 et 381-435, et le dossier « Anthropocène », Annales HSS, 72-2, 2017, p. 263-378.
  • [81]
    C. G. De Vito, « History Without Scale », art. cit. Vaste et détaillée, cette critique se joue parfois de la chronologie et des contextes de production du concept d’échelle.
  • [82]
    R. Bertrand et G. Calafat, « La microhistoire globale : affaire(s) à suivre », art. cit. Certains de ces projets sont aussi présentés dans les comptes rendus, qui ont été laissés à l’écart de cette réflexion, mais dont la lecture invite à nuancer les propos que nous soumettons aux lecteurs, tout en rappelant la part contingente et pragmatique de la fabrique d’une revue.

Domaines

Sciences Humaines et Sociales

Sciences, techniques et médecine

Droit et Administration

bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Retrouvez Cairn.info sur

Avec le soutien de

18.97.14.83

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions