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Article de revue

Après le tournant documentaire

Ce qui montre, ce qu’on montre

Pages 425 à 446

Notes

  • [1]
    Dipesh Chakrabarty, Provincializing Europe: Postcolonial Thought and Historical Difference, Princeton, Princeton University Press, 2000 ; Catherine König-Pralong, La colonie philosophique. Écrire l’histoire de la philosophie aux xviiieet xixesiècles, Paris, Éd. de l’EHESS, 2019.
  • [2]
    Charles-Victor Langlois et Charles Seignobos, Introduction aux études historiques, Paris, Hachette, 1898.
  • [3]
    Sur le rapport à la documentation propre à l’histoire, à l’anthropologie et à la sociologie dans les sciences sociales, voir Jean-Michel Chapoulie, Enquête sur la connaissance du monde social. Anthropologie, histoire, sociologie. France, États-Unis, 1950-2000, Rennes, PUR, 2017.
  • [4]
    Jacques Le Goff, « Documento/monumento », in Enciclopedia, t. VII, Labirinto-Memoria, Turin, Einaudi, 1979, p. 38-48, repris dans id., Storia e memoria, Turin, Einaudi, 1982, p. 443-455. Le texte est absent de la version française : id., Histoire et mémoire, Paris, Gallimard, 1988.
  • [5]
    Michel Foucault, L’archéologie du savoir, Paris, Gallimard, 1969, p. 14-15.
  • [6]
    Lucien Febvre, « Sur une forme d’histoire qui n’est pas la nôtre », Annales ESC, 3-1, 1948, p. 21-24, ici p. 24.
  • [7]
    Étienne Anheim, « L’historiographie est-elle une forme d’histoire intellectuelle ? La controverse de 1934 entre Lucien Febvre et Henri Jassemin », Revue d’histoire moderne & contemporaine, 59-4 bis, 2012, p. 105-130.
  • [8]
    Marc Bloch, Apologie pour l’histoire ou Métier d’historien, Paris, Armand Colin, 1949.
  • [9]
    Joseph Morsel, « Les sources sont-elles ‘le pain de l’historien’ ? », Hypothèses, 7-1, 2004, p. 271-286.
  • [10]
    La notion a joué un rôle historiquement important dans le système scolaire, de la fondation du service de la « Documentation française » en 1945 (relevant directement du secrétariat général du gouvernement, à l’époque) jusqu’aux recommandations pédagogiques actuelles dans la formation des enseignants en histoire, en passant par la création des Centres de documentation et d’information (CDI) dans les établissements scolaires des années 1970.
  • [11]
    Mark Nash, « Reality in the Age of Aesthetics », Frieze, 114, 2008 ; Aline Caillet et Frédéric Pouillaude, Un art documentaire. Enjeux esthétiques, politiques et éthiques, Rennes, PUR, 2017.
  • [12]
    Michel de Certeau, L’écriture de l’histoire, Paris, Gallimard, 1975 ; François Hartog (dir.), no spécial « Le document : éléments critiques », Annales ESC, 37-5/6, 1982.
  • [13]
    Pour une présentation française du problème à l’époque du tournant critique au sein d’autres revues, voir Geoff Eley, « De l’histoire sociale au ‘tournant linguistique’ dans l’historiographique anglo-américaine des années 1980 », Genèses, 7, 1992, p. 163-193 ; Jacques Guilhaumou, « À propos de l’analyse de discours : les historiens et le ‘tournant linguistique’ », Langage et société, 65, 1993, p. 5-38. Pour une perspective globale, voir Christian Delacroix, « Linguistic turn », in C. Delacroixet al. (dir.), Historiographies, vol. 1, Concepts et débats, Paris, Gallimard, 2010, p. 476-490, ainsi que le livre, à paraître, de Sabina Loriga et Jacques Revel sur l’histoire du linguistic turn.
  • [14]
    Voir dans le présent numéro « Le temps du récit. Histoire, fiction, littérature », p. 447-463.
  • [15]
    Valérie Igounet, Histoire du négationnisme en France, Paris, Éd. du Seuil, 2000.
  • [16]
    Pierre Vidal-Naquet, Les assassins de la mémoire. « Un Eichmann de papier » et autres essais sur le révisionnisme, Paris, Éd. du Seuil, 1987 ; Carlo Ginzburg, Rapports de force. Histoire, rhétorique, preuve, trad. par J.-P. Bardos, Paris, Éd. de l’EHESS/Gallimard/Éd. du Seuil, [2000] 2003 ; id., Un seul témoin, Paris, Bayard, [1992] 2007 ; id., Le fil et les traces. Vrai faux fictif, trad. par M. Rueff, Lagrasse, Verdier, [2006] 2010.
  • [17]
    Edward W. Said, Orientalism, New York, Pantheon Books, 1978.
  • [18]
    Gayatri C. Spivak, « Can the Subaltern Speak? », in C. Nelson et L. Grossberg (dir.), Marxism and the Interpretation of Culture, Chicago, University of Illinois Press, 1988, p. 271-313.
  • [19]
    Dossier « Les modes de narration », Annales ESC, 48-4, 1993, p. 1053-1105.
  • [20]
    Éditorial, « Histoire et sciences sociales. Un tournant critique ? », Annales ESC, 43-2, 1988, p. 291-293, reproduit dans le présent numéro : « 90 ans d’éditoriaux », p. 725-796 ; Jacques Revel, « L’histoire au ras du sol », in G. Levi, Le pouvoir au village. Histoire d’un exorciste dans le Piémont du xviiesiècle, Paris, Gallimard, 1989, p. i-xxxiii.
  • [21]
    Éditorial, « Tentons l’expérience », no spécial « Histoire et sciences sociales. Un tournant critique », Annales ESC, 44-6, 1989, p. 1317-1323, ici p. 1319, reproduit dans le présent numéro : « 90 ans d’éditoriaux », p. 725-796.
  • [22]
    Jack Goody, The Domestication of the Savage Mind, Cambridge, Cambridge University Press, 1977 ; Michael T. Clanchy, From Memory to Written Record: England 1066-1307, Londres, Edward Arnold, 1979.
  • [23]
    Hagen Keller, Klaus Grubmüller et Nikolaus Staubach (dir.), Pragmatische Schriftlichkeit im Mittelalter. Erscheinungsformen und Entwicklungsstufen. Akten des internationalen Kolloquiums, 17.-19. Mai 1989, Munich, Fink, 1992 ; Paolo Cammarosano, Italia medievale. Struttura e geografia delle fonti scritte, Rome, Nuova Italia scientifica, 1991.
  • [24]
    Olivier Guyotjeannin, Laurent Morelle et Michel Parisse (dir.), Les cartulaires. Actes de la table ronde organisée par l’École nationale des chartes et le G.D.R. 121 du C.N.R.S. (Paris, 5-7 décembre 1991), Paris, École nationale des chartes, 1993 ; Jean-Claude Maire Vigueur, « Révolution documentaire et révolution scripturaire : le cas de l’Italie médiévale », Bibliothèque de l’École des chartes, 153-1, 1995, p. 177-185.
  • [25]
    Armando Petrucci, « Pouvoir de l’écriture, pouvoir sur l’écriture dans la Renaissance italienne », Annales ESC, 43-4, 1988, p. 823-847 ; Donald F. McKenzie, La bibliographie et la sociologie des textes, Paris, Éditions du Cercle de la Libraire, 1991.
  • [26]
    Roger Chartier, « L’ancien régime typographique : réflexions sur quelques travaux récents », Annales ESC, 36-2, 1981, p. 191-209.
  • [27]
    Parmi les textes réflexifs majeurs sur la position des chercheuses et chercheurs au sein des études africaines, voir Johannes Fabian, Time and the Other: How Anthropology Makes its Object, New York, Columbia University Press, 1983 ; Mamadou Diawara, « Les recherches en histoire orale menées par un autochtone, ou l’inconvénient d’être du cru », Cahiers d’études africaines, 25-97, 1985, p. 5-19. Forgée par Vumbi-Yoka Mudimbé, la notion de « bibliothèque coloniale » renvoie à l’ensemble des savoirs et des connaissances qui ont été produits sur l’entité appelée « Afrique » en contexte colonial et qui ont contribué à fabriquer l’image de ce continent : Vumbi-Yoka Mudimbé, The Invention of Africa: Gnosis, Philosophy, and the Order of Knowledge, Bloomington, Indiana University Press, 1988.
  • [28]
    David P. Henige, « The Problem of Feedback in Oral Tradition: Four Examples from the Fante Coastlands », The Journal of African History, 14-2, 1973, p. 223-235 ; Jan Vansina, Oral tradition as History, Madison, University of Wisconsin Press, 1985 ; Karin Barber et Paulo F. de Moraes Farias, Discourse and its Disguises: The Interpretation of African Oral Texts, Birmingham, Centre of West African Studies/University of Birmingham, 1989 ; Barbara M. Cooper, « Oral Sources and the Challenges of African History », in J. E. Philips (dir.), Writing African History, Rochester, University of Rochester Press, 2005, p. 191-215 ; Karin Barber, The Anthropology of Texts, Persons and Publics: Oral and Written Culture in Africa and Beyond, Cambridge, Cambridge University Press, 2007.
  • [29]
    John Comaroff et Jean Comaroff, Of Revelation and Revolution, t. 1, Christianity, Colonialism, and Consciousness in South Africa, t. 2, The Dialectics of Modernity on a South African Frontier, Chicago, The University of Chicago Press, respectivement 1991 et 1997.
  • [30]
    Paulo F. de Moraes Farias, Arabic Medieval Inscriptions from the Republic of Mali: Epigraphy, Chronicles, and Songhay-Tuāreg History, Oxford, Oxford University Press, 2003. À propos de cet ouvrage, voir Jean-Louis Triaud, « Paulo Fernando de Moraes Farias, Arabic Medieval Inscriptions from the Republic of Mali: Epigraphy, Chronicles, and Songhay-Tuāreg History (compte rendu) », Annales HSS, 59-5/6, 2004, p. 1206-1210.
  • [31]
    Roger Chartier (dir.), no spécial « Pratiques d’écritures », Annales HSS, 56-4/5, 2001.
  • [32]
    Roger Chartier, « Culture écrite et littérature à l’âge moderne », R. Chartier (dir.), no spécial « Pratiques d’écritures », Annales HSS, 56-4/5, 2001, p. 783-802.
  • [33]
    Jean-Frédéric Schaub, « Une histoire culturelle comme histoire politique (note critique) », R. Chartier (dir.), no spécial « Pratiques d’écritures », Annales HSS, 56-4/5, 2001, p. 981-997.
  • [34]
    Natacha Coquery, François Menant et Florence Weber (dir.), Écrire, compter, mesurer. Vers une histoire des rationalités pratiques, Paris, Éd. rue d’Ulm, 2006 ; Joseph Morsel (dir.), « L’historien et ‘ses’ sources », Hypothèse, 2003, p. 271-362 ; Étienne Anheim et Olivier Poncet (dir.), « Fabrique des archives, fabrique de l’histoire », Revue de synthèse, 125, 2004.
  • [35]
    Voir par exemple Pierre Chastang, « Introduction », no spécial « Les cartulaires normands. Bilan et perspectives de recherche », Tabularia, 9, 2009, p. 27-42 ; Hélène Noizet, « De l’usage de l’archéogéographie », Médiévales, 66, 2014, p. 179-197.
  • [36]
    Pierre Chastang, « L’archéologie du texte médiéval. Autour de travaux récents sur l’écrit au Moyen Âge », Annales HSS, 63-2, 2008, p. 245-269.
  • [37]
    Pierre Chastang, Lire, écrire, transcrire. Le travail des rédacteurs de cartulaires en Bas-Languedoc, xie-xiiiesiècles, Paris, Éd. du Comité des travaux historiques et scientifiques, 2001.
  • [38]
    Éloi Fiquet et Aïssatou Mbodj-Pouye (dir.), no spécial « Cultures écrites en Afrique », Annales HSS, 64-4, 2009 ; Catarina Madeira Santos, « Écrire le pouvoir en Angola. Les archives ndembu (xviie-xxe siècles) », É. Fiquet et A. Mbodj-Pouye (dir.), no spécial « Cultures écrites en Afrique », Annales HSS, 64-4, 2009, p. 767-795.
  • [39]
    Simona Cerutti, « Travail, mobilité et légitimité. Suppliques au roi dans une société d’Ancien Régime (Turin, xviiie siècle) », no spécial « Histoire du travail », Annales HSS, 65-3, 2010, p. 571-611 ; Valérie Theis, « Jean XXII et l’expulsion des juifs du Comtat Venaissin », Annales HSS, 67-1, 2012, p. 41-77 ; Marie Dejoux, « Gouvernement et pénitence. Les enquêtes de réparation des usures juives de Louis IX (1247-1270) », Annales HSS, 69-4, 2014, p. 849-874.
  • [40]
    Filippo De Vivo, « Cœur de l’État, lieu de tension. Le tournant archivistique vu de Venise (xve-xviie siècle) », Annales HSS, 68-3, 2013, p. 699-728.
  • [41]
    Éric Jolly, « L’épopée en contexte. Variantes et usages politiques de deux récits épiques (Mali/Guinée) », Annales HSS, 65-4, 2010, p. 885-912.
  • [42]
    Étienne Anheim (dir.), no spécial « Archives », Annales HSS, 74-3/4, 2019.
  • [43]
    Anaïs Wion, « L’autorité de l’écrit pragmatique dans la société chrétienne éthiopienne (xve-xviiie siècle) », É. Anheim (dir.), no spécial « Archives », Annales HSS, 74-3/4, 2019, p. 559-586.
  • [44]
    M. Bloch, Apologie pour l’histoire…, op. cit., respectivement p. 26 et 20.
  • [45]
    Yves Cohen et Dominique Pestre (dir.), no spécial « Histoire des techniques », Annales HSS, 53-4/5, 1998 ; dossier « L’histoire face à l’archéologie », Annales HSS, 55-3, 2000, p. 551-622 ; Michel Gras, « Donner du sens à l’objet. Archéologie, technologie culturelle et anthropologie », Annales HSS, 55-3, 2000, p. 601-614.
  • [46]
    Sur les débats entre processualisme et postprocessualisme, voir Ian Hodder, « Postprocessual Archeology », Advances in Archeological Method and Theory, 8, 1985, p. 1-26 ; Tim Flohr Sørensen, « The Two Cultures and a World Apart: Archaeology and Science at a New Crossroads », Norwegian Archeological Review, 50-2, 2017, p. 101-115. Sur l’anthropologie et la sociologie des objets et de la technique, voir Arjun Appadurai (dir.), The Social Life of Things: Commodities in cultural perspective, Cambridge, Cambridge University Press, 1986 ; Susan Leigh Star et James R. Griesemer, « Institutional Ecology, ‘Translations’ and Boundary Objects: Amateurs and Professionals in Berkeley’s Museum of Vertebrate Zoology, 1907-39 », Social Studies of Science, 19-3, 1989, p. 387-420 ; Alfred Gell, L’art et ses agents. Une théorie anthropologique, trad. par O. Renaut et S. Renaut, Dijon, Presses du réel, [1998] 2009.
  • [47]
    Gérard Chouquer, « Les transformations récentes de la centuriation. Une autre lecture de l’arpentage romain », Annales HSS, 63-4, 2008, p. 847-874 ; Anne Lehoërff, « Les paradoxes de la Protohistoire française », Annales HSS, 64-5, 2009, p. 1107-1133.
  • [48]
    Olivier Buchsenschutz, Katherine Gruel et Thierry Lejars, « L’âge d’or de l’aristocratie celtique, ive et iiie siècles avant J.-C. », Annales HSS, 67-2, 2012, p. 295-324 ; Michel Reddé, « Fermes et villae romaines en Gaule chevelue. La difficile confrontation des sources classiques et des données archéologiques », Annales HSS, 72-1, 2017, p. 47-74 ; Hélène Dessales, « L’archéologie de la construction. Une nouvelle approche de l’architecture romaine », Annales HSS, 72-1, 2017, p. 75-94.
  • [49]
    Voir dans le présent numéro « Actualité d’un sous-titre : histoire, sciences sociales », p. 401-424.
  • [50]
    Charlotte Guichard, « Du ‘nouveau connoisseurship’ à l’histoire de l’art. Original et autographie en peinture », Annales HSS, 65-6, 2010, p. 1387-1401.
  • [51]
    Patrick Boucheron, « ‘Tournez les yeux pour admirer, vous qui exercez le pouvoir, celle qui est peinte ici.’ La fresque du Bon Gouvernement d’Ambrogio Lorenzetti », Annales HSS, 60-6, 2005, p. 1137-1199 ; Giuliano Milani, « Avidité et trahison du bien commun. Une peinture infamante du xiiie siècle », Annales HSS, 66-3, 2011, p. 705-743 ; Franck Mercier, « Le salut en perspective. Un essai d’interprétation de la Flagellation du Christ de Piero della Francesca », Annales HSS, 72-3, 2017, p. 737-771 ; Étienne Anheim, « Un atelier italien à la cour d’Avignon. Matteo Giovannetti, peintre du pape Clément VI (1342-1352) », Annales HSS, 72-3, 2017, p. 703-735.
  • [52]
    Jan Zalasiewicz, Colin Waters et Mark Williams, « Les strates de la ville de l’Anthropocène », Annales HSS, 72-2, 2017, p. 329-351 ; Alice Ingold (dir.), no spécial « Environnement », Annales HSS, 66-1, 2011.
  • [53]
    Antoine Lilti, « Le pouvoir du crédit au xviiie siècle. Histoire intellectuelle et sciences sociales », Annales HSS, 70-4, 2015, p. 957-978 ; Franco Moretti, Graphs, Maps, Trees: Abstract Models for a Literary History, Londres, Verso, 2005 ; id., Atlas du roman européen, 1800-1900, trad. par J. Nicolas, Paris, Éd. du Seuil, [1997] 2000.
  • [54]
    Dossier « Fabriquer la statistique (URSS et France) », Annales HSS, 55-2, 2000, p. 249-312.
  • [55]
    Karine Karila-Cohenet al. (dir.), no spécial « Histoire quantitative », Annales HSS, 73-4, 2018.
  • [56]
    Gilles Postel-Vinay, « L’économie des dépenses sociales dans le temps et l’espace », Annales HSS, 62-6, 2007, p. 1389-1404 ; R. Bin Wong, « Les politiques de dépenses sociales avant ou sans démocratie », Annales HSS, 62-6, 2007, p. 1405-1416 ; Peter H. Lindert, « De bonnes idées en quête de nombres. Réponse à Gilles Postel-Vinay et R. Bin Wong », Annales HSS, 62-6, 2007, p. 1417-1423.
  • [57]
    Robert Boyer, « Historiens et économistes face à l’émergence des institutions du marché », Annales HSS, 64-3, 2009, p. 665-693 ; Thomas Piketty, Le capital au xxiesiècle, Paris, Éd. du Seuil, 2013 ; dossier « Lire Le capital de Thomas Piketty », Annales HSS, 70-1, 2015, p. 5-138 ; Morten Jerven, Poor Numbers: How We are Misled by African Development Statistics and What to Do about It, Ithaca, Cornell University Press, 2013 ; dossier « Économie de l’Afrique contemporaine », Annales HSS, 71-4, 2016, p. 845-922.
  • [58]
    Catherine Kikuchi, « Concurrence et collaboration dans le monde du livre vénitien, 1469-début du xvie siècle », Annales HSS, 73-1, 2018, p. 185-212.
  • [59]
    Benoît Grévin, « Langues d’Islam et sociétés médiévales » et « De Damas à Urbino. Les savoirs linguistiques arabes de l’Italie renaissante (1370-1520) », Annales HSS, 70-3, 2015, respectivement p. 563-576 et p. 607-636 ; Mehdi Ghouirgate, « Le berbère au Moyen Âge. Une culture linguistique en cours de reconstitution », Annales HSS, 70-3, 2015, p. 577-606 ; Éric Vallet, « La grammaire du monde. Langues et pouvoir en Arabie occidentale à l’âge mongol », Annales HSS, 70-3, 2015, p. 637-666.
  • [60]
    Ann Laura Stoler, Au cœur de l’archive coloniale. Questions de méthode, trad. par C. Jaquet et J. Gross, Paris, Éd. de l’EHESS, [2009] 2019 ; Romain Bertrand, L’histoire à parts égales. Récits d’une rencontre Orient-Occident, xvie-xviiesiècle, Paris, Éd. du Seuil, 2011.
  • [61]
    Edward A. Alpers et Matthew S. Hopper, « Parler en son nom ? Comprendre les témoignages d’esclaves africains originaires de l’océan Indien (1850-1930) », Annales HSS, 63-4, 2008, p. 799-828 ; dossier « Micro-analyse et histoire globale », Annales HSS, 73-1, 2018, p. 3-159 ; dossier « Temporalités du moment colonial », Annales HSS, 72-4, 2017, p. 937-1083.
  • [62]
    Camille Lefebvre, « Zinder 1906, histoires d’un complot. Penser le moment de l’occupation coloniale », Annales HSS, 72-4, 2017, p. 945-981 ; M’hamed Oualdi, « Une succession d’empires. Les historicités d’une société maghrébine (1860-1930) », Annales HSS, 72-4, 2017, p. 1055-1083.
  • [63]
    Joseph Morsel, « Traces ? Quelles traces ? Réflexions pour une histoire non passéiste », Revue historique, 680-4, 2016, p. 813-868.

1La notion de « document » (document en français, documento en italien, Dokument en allemand, etc.), apparue dans le langage vernaculaire à la fin du Moyen Âge, est l’une des seules qui soit partagée par les principales langues de l’historiographie européenne. Elle a longtemps gardé l’empreinte de sa signification latine, issue de docere, apprendre ou enseigner. Le « document » désigne donc d’abord l’enseignement et ses instruments, au sens de ce qui sert à instruire. Or, au tournant du xviie et du xviiie siècle, entre l’époque de Jean Mabillon et celle de Ludovico Antonio Muratori, le terme change de sens un peu partout en Europe et sert désormais à désigner un élément de preuve dans un discours – qu’il soit juridique, historique ou pédagogique. Se construit alors l’idée d’un rapport à l’autorité et à la démonstration spécifiquement occidental, qui jouera un rôle essentiel dans la définition de la discipline historique dans ces espaces, en légitimant une revendication d’universalité qui est longtemps restée ignorante d’autres rapports au passé et à ses artefacts [1]. Au xixe siècle en effet, avec l’avènement de la méthode historique dans les universités allemandes et françaises, le document s’impose comme le fondement du travail de l’histoire : c’est ainsi le terme le plus souvent employé par Charles-Victor Langlois et Charles Seignobos dans Introduction aux études historiques[2]. Cette notion est centrale dans le discours sur la méthode historique de la fin du xixe siècle et désigne alors la plupart du temps la documentation écrite, notamment dans les Annales des années 1930, même si le concept a, en réalité, été peu thématisé par l’historiographie et l’épistémologie de l’histoire au cours du xxe siècle.

2En effet, si la question est au cœur de la définition de l’histoire, puis des sciences sociales, depuis l’usage de la statistique chez Émile Durkheim à celui de l’enquête de terrain chez Bronisław Malinowski, elle a largement été éclipsée dans les débats méthodologiques et historiographiques au cours du xxe siècle [3]. Le projet interdisciplinaire originel des Annales, comme son évolution à l’aide d’approches quantitatives puis anthropologiques, s’est davantage focalisé sur le traitement de la documentation que sur sa construction et les effets de cette dernière. La notion même de « document », comme celles de « source » ou de « matériau », est très peu interrogée durant cette période, à quelques exceptions près, comme la reprise par Jacques Le Goff du couple document/monument développé par Michel Foucault dans L’archéologie du savoir[4]. M. Foucault y critiquait la naturalité avec laquelle la discipline historique considérait généralement ses documents, avec laquelle il faudrait rompre. Cependant, en recommandant de transformer le document en monument, M. Foucault renouait avec un lexique certes cohérent avec son approche « archéologique », mais également connoté dans l’héritage des sciences humaines [5]– dans la mesure où la notion de « monument » est difficilement séparable d’une perspective patrimoniale et de l’idée d’un jugement de valeur, ce qui explique peut-être que ce diptyque ait finalement eu peu de succès chez les historiens, malgré l’intervention de J. Le Goff. L’échec de la proposition de M. Foucault est cependant significative d’un état du champ : jusque dans les années 1970, la documentation, avec le rapport au réel qu’elle implique, semble avoir relevé d’un relatif consensus, d’une évidence, au fondement du « métier d’historien ».

3Bien sûr, Lucien Febvre s’était moqué dès 1949 de la naturalisation des archives [6] et, dans une autre perspective, Fernand Braudel avait accordé une place importante à la documentation, du gisement des archives de Dubrovnik à la place centrale des lettres de change et des correspondances commerciales, en passant par le travail de compilation documentaire des collections « Ports Routes Trafics » ou « Affaires et gens d’affaires ». Mais ces considérations n’ont pas empêché, en pratique, une forme de division du travail entre, d’un côté, la critique des sources et, de l’autre, la problématique ou la synthèse. En effet, à l’origine, les Annales se sont en grande partie construites contre la fétichisation des « sources », en opposant à la technicité de l’érudition des spécialistes une histoire-problème, seule capable de construire des interprétations générales. Il s’agissait aussi d’une façon de traduire, sur le plan méthodologique, la dualité française de formation et de carrière entre le monde de l’Université et celui des archives et des bibliothèques. À la différence d’autres pays, et pour des raisons historiques et institutionnelles, les identités savantes se sont en effet largement cristallisées en France, depuis le conflit emblématique entre L. Febvre et Henri Jassemin au milieu des années 1930 [7], en deux pôles concurrents : d’un côté, les compétences érudites, transmises principalement par l’École des chartes et par les IVe et Ve sections de l’École pratique des hautes études (EPHE) ; de l’autre, les ambitions théoriques, symboliquement liées à l’École normale supérieure (ENS), à la VIe section de l’EPHE, puis à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS).

4De plus, si, dans leurs travaux, Marc Bloch, L. Febvre et F. Braudel ont pu s’intéresser à la question documentaire, la revue n’a longtemps pas été considérée comme un lieu où mener à bien ce type de réflexion. Les directeurs successifs des Annales publiaient ailleurs sur ces problématiques, comme en témoigne l’Apologie pour l’histoire de Marc Bloch. Le livre utilise explicitement la notion de « document » pour désigner aussi bien des textes que des objets ou des vestiges archéologiques – sans que cet élargissement ait eu de véritables échos dans la revue sur le moment [8]. Le statut de la documentation n’était alors guère interrogé, comme l’atteste la montée en puissance du terme de « sources ».

5Pourtant, ce dernier est problématique, comme l’a montré Joseph Morsel, en ce qu’il suggère une origine naturelle des données, coulantes ou jaillissantes, pures et transparentes [9]. Le jeu des métaphores doit être questionné, pour éviter de rendre invisible les opérations intellectuelles sous-jacentes à leur fabrication. Le terme de « matériaux » est sans doute plus adapté, à condition d’entendre par là ce qui a été élaboré par une société donnée pour son propre usage, et non pour servir la recherche à venir. Les matériaux historiques, en ce sens, constituent l’ensemble – textuel, matériel, iconographique, etc. – de ce qu’une société produit et transmet. L’opération historiographique les transforme en « documents », qui sont donc le résultat d’une double construction. Élaboré puis transmis dans des conditions historiques qu’il importe de restituer, le document est également institué par la recherche en tant qu’objet pertinent pour l’étude. Il est à la fois « ce qui montre » et « ce qu’on montre » (c’est le sens du radical indo-européen *deik), le lien entre le passé et le présent, entre la recherche savante et son matériau.

6L’emploi privilégié de ce terme de « document » renvoie, certes, à une tradition intellectuelle localisée, non seulement européenne, mais proprement française [10], mais a aujourd’hui sa place dans des débats de portée générale à une échelle internationale. Depuis plus d’une vingtaine d’années, le terme est réapparu, d’abord dans le monde de la création artistique pour désigner un nouveau rapport au réel fondé sur l’utilisation de matériaux issus de celui-ci et désigné au début des années 2000 par l’expression de documentary turn[11]. Au même moment, la formule a aussi été employée pour qualifier une évolution majeure de la recherche en histoire. La documentation, comprise comme l’ensemble des matériaux produits dans le passé, quelle que soit leur nature, transmis puis constitués comme objets par l’opération historiographique, s’impose de nouveau au cœur des débats sur le statut scientifique de l’histoire – quoique d’une manière très différente de celle du xixe siècle. L’érudition et la technicité (langue, philologie, etc.) reprennent place au sein du champ de l’histoire entendue comme science sociale. Cette réintégration contemporaine, qui comporte toujours le risque d’un retour de l’érudition pour elle-même, peut aussi être le lieu d’une nouvelle relation entre la capacité réflexive et les savoirs critiques documentaires. En thématisant la documentation comme un problème primordial dans la construction du savoir, en l’intégrant à l’écriture historique d’une manière plus apparente, en exposant à la fois la construction du massif documentaire et ses limites, ce mouvement propose un déplacement fondamental dans la pratique actuelle de l’histoire. Si, au départ, les Annales n’ont que peu participé à cette révolution documentaire, la situation a évolué depuis la fin des années 2000 : c’est ce processus que nous voudrions retracer ici.

Sources, matériaux, documents

7Les années 1970-1980 ont été le théâtre d’évolutions paradoxalement contrastées sur la question documentaire. L’historiographie française, et les Annales plus particulièrement, atteignent pendant cette période leur rayonnement maximal en termes de diffusion éditoriale et intellectuelle en proposant un élargissement presque infini des objets historiques et des matériaux mobilisables pour les étudier. Cependant, cet allongement du questionnaire de l’historien, où « tout fait source », n’inclut guère de réflexion épistémologique sur la nature de la documentation et des opérations effectuées à son sujet, malgré les propositions de Michel de Certeau ou celles des spécialistes de l’antiquité réunis par François Hartog autour de la notion de document dans un numéro spécial des Annales de 1982 [12]. Dans les articles publiés à cette période, la critique documentaire ne se voit accorder qu’une place marginale, non seulement dans le corps du texte, mais aussi dans les notes, où la documentation n’apparaît le plus souvent qu’à travers sa localisation. Parallèlement, un glissement sémantique se produit dans les articles, sans qu’il soit interrogé : si, dans les années 1950-1960, les deux notions font jeu égal et sont interchangeables dans la revue, entre 1970 et 1980, pour la première fois, le terme de « source » devient plus fréquent que celui de « document ». L’écart s’accroît entre 1980 et 1990, si bien qu’entre 1990 et 2002, les occurrences de « source » sont presque deux fois plus nombreuses. Les Annales témoignent ainsi d’une dissociation entre la diversité croissante des documents mobilisés et la relative timidité des réflexions autour de cette question, qu’il s’agisse de l’hétérogénéité inhérente aux corpus mobilisés, de leur opacité relative par rapport au passé auquel elles renvoient ou de l’inégale répartition documentaire dans l’historiographie entre l’Europe et le reste du monde et selon les périodes étudiées.

8Pourtant, durant cette même période, la question documentaire émerge ailleurs de plusieurs manières. Le mouvement que l’on désigne souvent par les termes de linguistic turn et de « postmodernisme » affecte alors les modèles traditionnels des sciences sociales en mettant en cause leur scientificité, notamment leur prétention à utiliser des documents pour se référer à un réel qui existerait en lui-même [13]. Est remise en cause la possibilité de tenir un discours d’ambition « scientifique », au sens où il pourrait permettre une connaissance fondée des faits sociaux passés, à partir d’une quelconque documentation. En réarticulant le rapport au monde et à l’écriture, la critique postmoderne replace le document et son analyse au centre du débat historiographique dès la réception américaine des travaux de M. Foucault, de Jacques Derrida ou de Jean-François Lyotard dans les années 1970 [14]. Quelques années plus tard, la crise négationniste, lancée par la contestation de la réalité de la Shoah en France [15], produit un autre déplacement historiographique. Des figures marquantes du dialogue entre l’histoire et l’anthropologie, comme Pierre Vidal-Naquet et Carlo Ginzburg, s’engagent dans une relecture à la fois épistémologique et politique des principes de la méthode historique, posant d’une manière renouvelée la question de la référentialité de l’histoire, de la preuve et du témoignage [16]. Au même moment, les études postcoloniales, à partir de la publication d’Orientalism par Edward Said, en 1978, interrogent les biais eurocentrés des discours et de leurs usages par la tradition historiographique [17]. La rencontre entre la lecture de J. Derrida et les cultural studies donne naissance, dans les subaltern studies, à une réflexion sur la situation de la parole, en particulier lorsqu’elle est dominée, en termes de classe, de genre ou de race. À la question « Can the Subaltern Speak? », posée par Gayatri C. Spivak en 1988 [18], trois décennies de travaux tentent d’apporter une réponse à la fois théorique et empirique, en traquant les formes de la domination, coloniale, sociale, genrée, au sein même de la structure documentaire. Si ces approches remettent toutes en cause la naturalité du lien entre documentation et connaissance historique, elles le font chacune de manières très différentes. Leur point de convergence sur ce point est de ce fait d’autant plus révélateur d’un moment historiographique, celui d’une « ère du soupçon » qui, avec un temps de retard sur la littérature des décennies précédentes, questionne la transparence non seulement du langage, mais également de l’expérience historique et de ses traces.

9Ces remises en cause et ces questionnements épistémologiques se déroulent alors à l’écart des Annales, qu’il s’agisse de désigner la revue ou même « l’école ». Ils ne sont, dans ces années-là, ni l’objet d’articles publiés par la revue, ni même réellement discutés en son sein. Hayden White apparaît timidement dans le premier dossier prenant en charge la question narrative, en 1993, pour être surtout cité à partir de la fin des années 1990 [19]. La référence aux études subalternes, tout aussi limitée, suit la même chronologie ; G. C. Spivak, par exemple, n’est jamais mobilisé durant ces années. Enfin, le négationnisme émerge dans la revue comme objet historiographique en 1993, mais il est traité à travers le prisme de la mémoire et non de la preuve ou du document. À cette époque, la réflexion sur la « crise de l’histoire » a largement laissé dans l’ombre cette dimension documentaire qui, rétrospectivement, paraît centrale. La revue privilégie alors l’aval de l’opération historiographique, le résultat, sur l’amont, la fabrication.

10C’est dans les déplacements méthodologiques opérés par la microstoria, survenus à partir de la fin des années 1970 et défendus par le « tournant critique », qu’apparaît la question documentaire, par le biais d’une attention renouvelée aux lacunes et à la représentativité ou au caractère exceptionnel des matériaux mobilisés. S’y ajoute un rapport à l’écriture méfiant à l’égard des catégories manipulées et attentif aux jeux d’échelles [20]. La revue affirme, dans l’éditorial « Tentons l’expérience », en 1990, que « le développement d’amples banques de données » et « le recours aux méthodes d’analyse factorielle […] se heurtent en fait aux mêmes apories qui tiennent à une conception simplifiée du rapport de l’historien au document et de l’archive au passé, et qui aboutissent à la réification des structures analytiques » [21]. Cependant, le propos du texte s’oriente ensuite vers une réflexion sur les impasses des méthodes de traitement plutôt que sur les documents eux-mêmes. C’est là oublier que cette « conception simplifiée » – selon la formule de l’éditorial – est en réalité très dépendante des archives disponibles et que le type d’histoire que l’on peut produire doit être aussi pensé au regard de la documentation existante. En somme, alors que la remise en cause des modèles historiographiques dominants se produit en même temps qu’est promue une « lecture lente » ou « rapprochée » de la documentation entre 1970 et 1990, ce lien n’est jamais vraiment explicité ni exploré dans les Annales – qu’il s’agisse de ses conséquences théoriques en termes d’écriture de l’histoire ou de ses prolongements empiriques en matière de rapport à la documentation.

11C’est dans d’autres espaces intellectuels, sur des terrains très différents et selon des généalogies diverses, que se noue, dans les années 1970, un renouveau majeur sur la question documentaire. Celui-ci s’opère d’abord dans des champs de recherche caractérisés par des régimes documentaires de faible densité et par un dialogue fort avec une anthropologie sociale et comparée. Cela a été par exemple le cas pour l’étude de l’Europe de la fin du Moyen Âge et de la Renaissance, d’une part, ou celle des sociétés africaines, de leurs régimes documentaires propres et de leur confrontation aux questions impériales et coloniales, d’autre part. Au sein de ces deux champs emblématiques, les lacunes et la fragilité des documents, ainsi que les différentes strates de lecture dont ceux-ci avaient été l’objet, selon les périodes et les protagonistes, ont fait émerger des déplacements importants.

12En histoire médiévale, ce mouvement s’amorce dans les années 1970, dans le sillage de l’ébranlement engendré par la rencontre avec l’anthropologie. Alors que le Moyen Âge a été considéré depuis le xixe siècle comme un élément central de l’identité occidentale – en partie d’ailleurs comme un repoussoir –, c’est-à-dire dans un rapport de familiarité peu réflexif, l’importance prise par l’anthropologie dans les années 1950-1960 conduit les médiévistes à reconsidérer l’étrangeté de leur objet d’étude et sa place dans la tradition européenne. Les outils disciplinaires de l’anthropologie fournissent alors des moyens de penser les sociétés médiévales dans leur altérité, entraînant un processus de mise à distance qui amène à questionner les structures de la documentation, ainsi que le fait même d’écrire, de savoir lire ou de conserver et transmettre les documents écrits. Cependant, ce dialogue avec l’anthropologie n’a pas été systématiquement heuristique : au sein de l’histoire ancienne, en particulier grecque, des années 1970-1980, ce processus d’« estrangement » marqué par l’influence du structuralisme lévi-straussien a parfois conduit à araser les contextes d’énonciation et à mettre sur le même plan tous les récits, quels que soient leurs origines et leur statut documentaire.

13Alors que l’histoire médiévale française – en particulier la génération de Jacques Le Goff et de Georges Duby – s’approprie les travaux de Marcel Mauss et de Claude Lévi-Strauss, en Angleterre, le livre fondateur de Michael T. Clanchy, From Memory to Written Record, publié en 1979, dialogue avec les travaux anthropologiques de Jack Goody sur les cultures écrites en Afrique et constitue le point de départ des études sur la raison graphique médiévale [22]. L’école de Münster, en Allemagne, développe au cours des années 1980-1990 des enquêtes sur « l’écriture pragmatique » (die pragmatische Schriftlichkeit), tandis qu’en Italie, Paolo Cammarosano propose en 1991, dans Italia medievale, un récit de l’histoire italienne à travers sa typologie documentaire [23]. Ces travaux sont d’abord reçus en France par le biais de l’École des chartes. Celle-ci organise en 1991 un colloque sur les cartulaires, qui pose pour la première fois la question de la scripturalité, et publie en 1995 dans sa revue, Bibliothèque de l’École des chartes, une importante note de lecture de Jean-Claude Maire Vigueur sur l’ouvrage de P. Cammarosano [24]. Cette évolution est proche de celle que connaît, dans l’historiographie de l’Europe moderne, l’histoire du livre et de la lecture. Développée sous l’impulsion de L. Febvre et surtout d’Henri-Jean Martin, celle-ci se nourrit des apports de la paléographie et de la philologie d’Armando Petrucci, dont un texte est traduit dans les Annales en 1988, et de la sociologie des textes de langue anglaise inspirée de Donald F. McKenzie [25]. Cependant, même si Roger Chartier, l’un des premiers chercheurs français à explorer cette voie, publie régulièrement dans la revue, notamment de très nombreux comptes rendus, il aborde rarement ces thématiques documentaires, qui y demeurent assez marginales [26].

14Au sein des études africaines, dans un contexte où plusieurs siècles de discours racistes et les grammaires des discours coloniaux ont eu pour conséquence de construire l’idée d’un continent sans écriture et sans discours sur lui-même, la documentation a été un enjeu central dès l’institutionnalisation de ce champ dans l’espace académique international, au tournant des années 1950 et 1960. Retrouver des matériaux produits au sein des sociétés africaines, qu’ils soient écrits ou oraux, apparaît dès lors comme une urgence et entraîne un mouvement important de collecte. Ce dernier s’accompagne d’un questionnement épistémologique sur les manières qu’ont les chercheurs et les chercheuses de produire ces documents en construisant leur corpus – notamment au regard de leur propre position – et, plus largement, sur les conséquences des discours construits à propos du continent et de son histoire, en particulier au sein de la « bibliothèque coloniale » [27].

15Les études africaines ont d’abord questionné les modalités de recueil, de production et de performance liées à l’oralité, qu’il s’agisse de traditions orales, de témoignages oraux ou d’enquête orale [28]. Dans les années 1980, la déconstruction des discours coloniaux a abouti à réinterroger les modalités de lecture des documentations missionnaires, coloniales et impériales. Ainsi, les anthropologues Jean et John Comaroff ont proposé de prendre toute la mesure du message critique postmoderne, sans pour autant renoncer à produire des connaissances. Ces derniers pratiquent une ethnographie sur archives qui interroge les interactions au cœur de leur production : en les lisant à rebours, ils cherchent à penser la complexité à l’œuvre dans les processus de colonisation des consciences et de conscience de la colonisation [29]. La question documentaire dans les études africaines a culminé dans les années 2000, notamment dans le sillage d’un « ouvrage événement », modèle du genre, Arabic Medieval Inscriptions from the Republic of Mali de Paulo F. de Moraes Farias. Non seulement ce livre a apporté une documentation nouvelle aux corpus écrits de l’histoire du Sahara et du Sahel médiéval (actuel Mali) considérés comme clos depuis les années 1980, mais il a, dans un même mouvement, interrogé sur plusieurs siècles la construction des différents corpus documentaires mobilisés jusqu’ici et les discours portés sur ceux-ci, qu’ils aient été mis en œuvre par des lettrés musulmans, des orientalistes, des explorateurs, des administrateurs, des militaires coloniaux ou des chercheurs contemporains [30]. L’ouvrage a mis au jour le palimpseste des lectures coloniales et européennes, tout en questionnant les manières dont ces documents avaient été fabriqués, dissimulés ou mis en valeur au sein des sociétés africaines, et ce jusqu’aux lectures mémorielles contemporaines. Se trouvent donc tressées, dans un même volume, des réflexions sur l’oralité et l’écriture, sur la matérialité de la documentation et sur la constitution des documentations africaines ainsi que sur leur transformation par le regard colonial. Comme dans le cas de l’Occident médiéval, il s’agissait de dénaturaliser le matériau historique, et de mesurer les implications, non seulement épistémologiques mais aussi éthiques et politiques, de sa transformation en « document ».

Une nouvelle histoire documentaire

16C’est au début des années 2000 que les échos de ces divers déplacements se font entendre dans les Annales. Extérieures à la revue et, pour une bonne part, à l’historiographie française, ces évolutions historiographiques affleurent dans le numéro spécial sur les pratiques d’écriture dirigé par R. Chartier en 2001 [31]. Entièrement consacré à l’Europe médiévale et moderne, le numéro mêle des questions classiques, comme celle de l’histoire ouvrière, et de nouvelles interrogations, par exemple venues de l’histoire du genre ou de celle du livre et de la lecture qui s’étaient forgées durant les décennies précédentes. R. Chartier articule la question de la culture graphique et celle de l’écriture littéraire d’une manière novatrice et illustre, dans la forme même de sa contribution, ce rapport modifié à la documentation en donnant de longues citations en langue originale [32]. La note de lecture de Jean-Frédéric Schaub consacrée à Fernando Bouza est caractéristique de ce déplacement et significative du rapprochement entre cette tradition d’histoire de l’écrit et l’évolution des Annales depuis le « tournant critique » [33].

17Le début des années 2000 correspond plus largement au développement de cette thématique en France, avec des thèses d’histoire spécifiquement consacrées à des questions d’histoire de la documentation, comme celle de Pierre Chastang soutenue en 2000, et les premiers colloques interdisciplinaires s’interrogeant sur la « raison graphique », selon la formule de J. Goody, et ses effets historiques. En 2001 se tient, par exemple, à l’ENS l’important colloque « Écrire, compter, mesurer », organisé par Natacha Coquery, François Menant et Florence Weber. Dans le même temps sont publiés les premiers dossiers de revue dédiés à ces questions, comme « L’historien et ‘ses’ sources » dirigé par J. Morsel ou « Fabrique des archives, fabrique de l’histoire » coordonné par Étienne Anheim et Olivier Poncet [34]. C’est d’ailleurs le plus souvent à cette conjoncture historiographique que renvoie l’expression « tournant documentaire » parfois employée dans l’historiographie française [35], même si le terme n’est pas revendiqué à l’époque. Durant ces années, qui sont aussi celles où, brusquement, la notion de « document » revient en force dans leurs pages, à nouveau à égalité avec « sources », les Annales ont progressivement assimilé ce nouveau questionnaire, compatible avec les orientations de la revue depuis le « tournant critique » sans avoir fait pour autant jusqu’ici explicitement partie de son programme.

18À la fin des années 2000, deux numéros de la revue témoignent de ce nouvel intérêt. En 2008, le dossier sur les pratiques d’écriture médiévales aborde un sujet devenu central depuis plus d’une décennie dans l’historiographie du Moyen Âge. L’article de P. Chastang sur « l’archéologie du texte médiéval » constitue à cet égard un jalon bibliographique essentiel [36]. Après avoir pris la matérialité de la documentation comme objet d’enquête dans le livre issu de sa thèse, l’auteur généralise la portée de ses conclusions en dialoguant avec l’héritage de la philosophie herméneutique et postmoderne [37]. L’année suivante, en 2009, le numéro spécial sur la culture écrite en Afrique coordonné par Éloi Ficquet et Aïssatou Mbodj-Pouye, nourri de questionnements venus de l’anthropologie, dialogue explicitement avec les études sur la culture écrite en Europe. Catarina Madeira Santos, par exemple, prend pour objet les archives des chefferies Ndembu d’Angola, démontrant comment celles-ci se sont approprié des pratiques de l’écrit et des éléments issus de la culture coloniale pour fabriquer des archives monuments de leur État [38]. Ce rapprochement est caractéristique de ce que les Annales proposent alors sur la question documentaire : un lieu de rencontre et de discussion entre des traditions intellectuelles souvent largement étrangères les unes aux autres, qui peuvent, grâce à l’ouverture très large des sommaires de la revue, se retrouver dans un même espace éditorial.

19Si tous les articles publiés dernièrement par les Annales ne s’inscrivent pas dans cette approche et ne donnent pas le même statut à la documentation – certains proposant un usage narratif, extensif ou illustratif de leurs archives –, le comité de rédaction est devenu plus sensible aux articles qui exposent, dans leur écriture même, une démarche réflexive sur la documentation mobilisée et les traitements auxquels celle-ci a été soumise. Dans cette perspective, la critique documentaire n’est plus un simple préalable, mais la base même à partir de laquelle se construit une histoire-problème renouvelée. Entre 2010 et 2014, les liens entre société et autorité ont ainsi été éclairés par Simona Cerutti à partir des suppliques turinoises du xviiie siècle, par Valérie Theis à l’aide des documents comptables sur l’expulsion des juifs dans le Comtat Venaissin en 1321-1322, ou par Marie Dejoux grâce à une étude archivistique des enquêtes de réparation de Saint Louis au xiiie siècle [39]. Quant au travail de Filippo De Vivo sur les archives vénitiennes à la Renaissance, son introduction propose une réflexion générale sur la question documentaire [40]. Ici aussi, l’historiographie européenne de l’Ancien Régime, entre le xiie et le xviiie siècle, peut être mise en regard de certains travaux consacrés à l’Afrique, qui font de la documentation à la fois le matériau et le sujet de l’enquête. Dans le cadre du dossier « L’anthropologie face au temps », en 2010, la contribution d’Éric Jolly sur les épopées au Mali et en Guinée invite ainsi à penser chaque version d’un récit comme une construction autour d’une « philosophie » du pouvoir liée non seulement à l’identité de l’énonciateur, mais aussi aux rapports de subordination, d’antagonisme ou de solidarité qui se manifestent au moment de l’énonciation [41]. Une telle démarche méthodologique, si elle a été mise en œuvre en premier lieu sur quelques terrains clés, autour de nœuds historiques et historiographiques particuliers comme ceux que nous venons d’évoquer – l’histoire de l’Afrique et la colonisation, le Moyen Âge et la première modernité –, en prenant comme objet d’étude des documents jusque-là considérés comme marginaux, ingrats, voire non historiques, concerne a priori potentiellement toute pratique historienne et, plus largement, l’ensemble des sciences sociales.

20Le travail spécifique d’une revue comme les Annales a donc consisté, au-delà de la publication de travaux empiriques, à en rendre compte de manière réflexive et, plus encore, à confronter ses différentes déclinaisons dans des espaces éloignés géographiquement (en mettant en regard les études sur différents espaces), temporellement (en montrant la longue durée des enjeux documentaires) et disciplinairement (en rappelant que la question traverse les sciences sociales). Le récent numéro spécial consacré aux archives se situe dans cette perspective. Il s’interroge sur le rôle des archives dans le processus de production des sciences sociales aujourd’hui, en abordant leur dimension juridique (notamment les conditions d’accès), empirique, symbolique et épistémologique [42]. Le numéro cherche en particulier à mesurer les effets de dissymétrie entre l’Europe et d’autres terrains, comme l’Afrique ou la Russie, dans un contexte où l’Europe est devenue une province historiographique parmi d’autres, comme le montre le dialogue mené par Anaïs Wion avec l’historiographie médiévale européenne à partir de l’Éthiopie [43]. Par sa vocation généraliste, la revue est l’un des lieux où peuvent dialoguer une historiographie européenne issue d’une reprise réflexive de la « critique des sources » et des recherches sur les mondes extra-européens dont les spécificités documentaires ont donné lieu à des innovations méthodologiques.

Matérialité des documents

21La nouvelle critique documentaire a pour intérêt de ne pas se limiter aux seules formes textuelles, même si celles-ci restent souvent le centre de gravité de la réflexion historiographique. M. Bloch parlait déjà de « documents archéologiques » et de « matériels » dans Apologie pour l’histoire[44]. De ce point de vue, l’archéologie a joué un rôle majeur pour intégrer à la réflexion les objets et la question de la matérialité. Dans la continuité du numéro spécial de 1998 sur l’histoire des techniques, le dossier thématique « L’histoire face à l’archéologie », en 2000, constitue un point de repère méthodologique dont témoigne la contribution de Michel Gras, intitulée « Donner du sens à l’objet. Archéologie, technologie culturelle et anthropologie » [45]. Comme dans le domaine des documents écrits, la revue a pris acte assez tardivement des évolutions profondes connues par l’archéologie dans les années 1980-1990, qu’il s’agisse des débats anglophones entre processualisme et postprocessualisme ou de l’anthropologie et de la sociologie des objets et de la technique [46]. À partir d’une documentation non textuelle (même s’il faut songer, par exemple, à l’épigraphie), l’archéologie a été un lieu de refonte méthodologique majeur, parfois passé inaperçu dans les débats entre les différentes sciences sociales, du fait de sa technicisation croissante et de la force d’attraction qu’y jouent les sciences de la nature. Pourtant, c’est précisément son statut hybride qui, dans le même temps, a permis de repenser la discipline comme un modèle possible pour le travail interprétatif à partir de données matérielles. Les pistes évoquées en 2000 ont ainsi été explorées de façon approfondie par Gérard Chouquer en 2008 – autour des rapports entre l’histoire, la géographie et l’archéologie – ou par Anne Lehoërff en 2009 – à propos de la périodisation et de la limite disciplinaire entre l’histoire et l’archéologie [47] –, tandis que les recherches publiées sur les Celtes en 2012 ou sur l’archéologie romaine en 2017 ont illustré, en contrepoint, l’effet de ces déplacements dans des champs plus traditionnels de l’archéologie [48].

22La discipline archéologique rend apparentes des interrogations sur les documents matériels qui touchent à d’autres terrains. Ayant été l’un des principaux lieux de rencontre entre les sciences de la nature et les sciences sociales, elle a permis, dans une reprise inventive de la tradition d’histoire des techniques héritée d’André Leroi-Gourhan, d’intégrer au discours historique et sociologique les caractéristiques physiques et chimiques des artefacts. En réalité, cette évolution a traversé l’ensemble des sciences humaines et sociales qui travaillent à partir d’artefacts, contribuant à déplacer les dispositifs disciplinaires traditionnels [49]. En histoire de l’art et des images, par exemple, Charlotte Guichard a mis en valeur ce phénomène en 2010 [50]. En montrant la transformation méthodologique induite par l’analyse des œuvres à l’aide de méthodes physico-chimiques dans les laboratoires des musées, elle a éclairé un déplacement significatif : celui d’un « nouveau connoisseurship ». Nourrie de savoirs remontant au xviiie siècle, la discipline a été transformée par cette forme nouvelle de documentation qui donne accès à l’évolution historique de l’objet et de son contexte de transmission. Cette orientation générale attentive à la matérialité de l’art a transformé l’un des domaines où la revue avait été pionnière dans les années 1990, celui de l’histoire des images, pour susciter de nouveaux travaux, en particulier sur l’Europe médiévale et renaissante [51]. De même, dans les sciences de l’environnement, autre terrain frontière entre les sciences de la nature et les sciences sociales, les propositions des géologues Jan Zalasiewicz, Colin Waters et Mark Williams en 2017, dans le dossier sur l’anthropocène, font écho au numéro spécial de 2011 consacré à l’environnement : une nouvelle documentation – d’ordre géologique – se trouve placée au centre de l’analyse, traduisant un rapport différent avec les sciences de la nature et incitant à des échanges interdisciplinaires d’un type nouveau [52].

23Au-delà des objets, des vestiges ou des images, c’est en proposant un retour sur la documentation textuelle, de loin la plus mobilisée dans la revue par les historiens et les historiennes, que cette problématisation produit les effets les plus significatifs. À condition de faire passer la matérialité avant la textualité et de considérer l’ensemble des traces écrites comme des objets, des artefacts, une voie d’interprétation inédite s’ouvre, faisant dialoguer des savoirs aussi différents que la taphonomie, la paléographie, l’archivistique ou encore la bibliothéconomie. Un nouveau modèle, celui du traitement « archéologique » de la documentation, prend alors le pas sur l’herméneutique, sans pour autant abandonner cette dernière, et permet de développer une réflexion critique sur la centralité du modèle textualiste au sein des sciences sociales.

Données massives et pratique historienne

24Cette dimension critique est amplifiée par les évolutions technologiques récentes, dans un contexte paradoxal où le « tournant matériel » des sciences sociales accompagne la dématérialisation de plus en plus massive de la documentation. De très nombreux documents, que ce soient des textes ou des images, sont désormais numérisés et disponibles sur des plateformes (Gallica, Internet Archive, Google Books et autres archives numérisées). Combinée au développement d’internet et à l’émergence de puissants outils de traitements statistiques, cette dématérialisation a modifié à la fois l’accès à la documentation et les manières de faire de l’histoire, de penser les matériaux, de présenter les recherches et de poser des problèmes. Dans le même temps, les sciences sociales ont toutes été confrontées à la difficulté de penser ensemble la singularité du témoignage et la construction de données massives [53]. Cette recomposition de l’histoire et des sciences sociales autour des documents et des « données » doit prendre en compte le fait que les chercheurs et les chercheuses font souvent comme s’ils mobilisaient un matériau extérieur et « donné », alors qu’en réalité, ils instituent ce dernier comme tel, voire le créent entièrement.

25Ces questions documentaires ont été également abordées dès le dossier sur la fabrique de la statistique en 2000 [54] – confrontant aux autres sciences sociales les recherches issues des travaux de Pierre Bourdieu, d’Éric Brian et d’Alain Desrosières –, pour culminer dans le numéro spécial de 2018 consacré aux renouveaux de l’histoire quantitative. Réunissant des historiennes de toutes les périodes et un sociologue, ce dossier accorde une place essentielle à la critique documentaire qualitative et montre comment un traitement quantitatif de la documentation peut conduire, par un effet retour, à la reconsidérer sous un autre jour, en revenant sur le lexique employé, les biais documentaires, les statistiques inutilisées [55], etc.

26Entre ces deux jalons, plusieurs études ont tenté de rendre compte des nouvelles articulations entre la documentation et son analyse critique par les sciences sociales. Ce phénomène concerne en particulier l’économie, qui est un domaine où les approches quantitatives jouent un rôle majeur. Les échanges entre Gilles Postel-Vinay, R. Bin Wong et Peter Lindert à propos de l’économie des dépenses sociales, en 2007, ont ainsi contribué à faire apparaître les enjeux du traitement quantitatif des données historiques par les sciences économiques [56]. Cette question documentaire est revenue régulièrement au cours des années suivantes, avec l’intervention de Robert Boyer, en 2009, sur les travaux d’Avner Greif et, surtout, avec les dossiers consacrés aux livres de Thomas Piketty, Le capital au xxiesiècle, en 2015, et de Morten Jerven, Poor Numbers, en 2016 [57].

27Ces publications montrent la pluralité des terrains où ce dialogue méthodologique et interdisciplinaire a pu se nouer. Au-delà de leur diversité, elles prêtent toutes une grande attention à l’hétérogénéité de la documentation qu’elles mobilisent et aux modalités de leur recueil (le garbage in, garbage out des économistes). Ce point commun permet d’ailleurs d’éclairer autrement la critique de l’économie néoclassique et de ses conclusions, sur la base d’une approche historiciste qui ne tient pas seulement aux problématiques des sciences sociales, mais à une approche réflexive de la modélisation chiffrée de la réalité. Si l’économie a été la discipline la plus pourvoyeuse de questions liées aux données, d’autres champs telle l’histoire sociale s’y sont intéressé, comme l’ont montré le numéro spécial de 2018 ou Catherine Rideau-Kikuchi dans son analyse réticulaire de l’organisation économique des métiers de l’imprimerie vénitienne à la Renaissance [58].

28Ces remarques montrent à quel point la quantification doit aller de pair avec une réflexion plus globale sur le matériau des sciences sociales, sa distribution et sa périodisation. Intégrer à l’analyse la compréhension de la construction de la documentation n’est donc nullement contradictoire avec le développement du traitement du big data, et doit être inscrit dans l’héritage ancien d’une approche antipositiviste des savoirs des sciences sociales.

Pluraliser la documentation

29Enfin, le déplacement de la problématique documentaire revêt un dernier aspect essentiel. En effet, dans l’historiographie occidentale, les documentations en langue non européennes ont longtemps été fréquentées par les seuls érudits, suivant le partage ancien au sein des disciplines entre problématisation et érudition. Or cette répartition des rôles a évolué radicalement au cours des dernières décennies. L’essor des études sur les « aires culturelles » puis d’une histoire coloniale ou impériale attentive aux confrontations et aux connexions a abouti paradoxalement à une revalorisation des savoirs érudits – philologique, diplomatique ou archéologique – dans une perspective renouvelée – un mouvement qui n’a guère touché les terrains européens les plus classiques. Prendre en compte la pluralité linguistique des documentations et les modalités différenciées d’écriture du monde a permis d’aboutir à une histoire plus représentative de la complexité des sociétés extra-européennes.

30La maîtrise de savoirs linguistiques et philologiques, acquise de longue date par une large partie des chercheurs et des chercheuses des régions concernées et par les spécialistes des aires culturelles, tend à être désormais pensée comme un préalable essentiel à toute recherche significative, tout comme l’acquisition de techniques érudites, de l’épigraphie à la paléographie ou à la diplomatique et au terrain ethnographique. Cette exigence est la condition de possibilité d’une histoire ouverte sur le monde qui refuse à la fois la généralisation et l’hyperspécialisation et qui tend à articuler l’apport micro-historien à la connaissance et à la maîtrise conjointe des documentations en langues européennes et non européennes. On retrouve cette perspective au cœur d’une approche plurilingue de l’Islam médiéval, à travers les travaux de Benoît Grévin, Mehdi Ghouirgate et Éric Vallet [59].

31Ces réflexions documentaires traversent depuis plusieurs décennies les études sur les phénomènes coloniaux et impériaux – d’Ann Laura Stoler, qui interroge la domination à partir de la documentation coloniale, à Romain Bertrand qui, pour sa part, renverse le point de vue traditionnellement eurocentré par la prise en compte, à parts égales, des matériaux historiques non européens [60]. Durant une quinzaine d’années, plusieurs dossiers thématiques ont traité ces questions en cherchant à prendre en compte la variété des documentations, tout en jouant sur les échelles d’analyse, que ce soit sur les témoignages d’esclaves en 2008, sur l’articulation entre micro-analyse et histoire globale en 2018 ou dans le dossier sur la colonisation paru en 2017 et marqué par le souci de mettre la pluralité des documentations et ses effets au cœur des études sur le moment colonial [61]. Les contributions de M’hamed Oualdi et de Camille Lefebvre exposent comment l’analyse de la colonisation peut être déplacée par l’utilisation de documents en arabe, en haoussa ou dans d’autres langues, que ceux-ci soient conservés dans les archives coloniales ou en dehors [62].

32Ces approches cherchent des manières de rééquilibrer le travail historique, non pas en faisant comme si les documents issus de différents groupes sociaux et linguistiques devaient s’emboîter les uns dans les autres pour reconstruire un réel homogène, mais au contraire en prenant comme objet d’analyse la diversité documentaire elle-même, de façon à en mesurer à la fois les biais, les lacunes et les différences. En effet, l’érudition et la maîtrise de langues rares ne visent nullement à produire une hiérarchie inversée des documentations, remplaçant l’ancienne focalisation sur les documents européens par une fétichisation des « sources » vernaculaires (hypothétiquement transparentes). Les matériaux en arabe, en chinois ou en malais sont construits par leurs producteurs historiques, par les institutions qui les ont conservés et transmis, puis par des chercheurs et des chercheuses ; il faut donc tout autant prendre en compte leurs logiques et leurs biais. À chaque langue et pour tout type de documentation correspondent conjoncturellement des modes d’expression distincts, des manières de dire le pouvoir, la légitimité, la position sociale – en somme, des projets politique, culturel ou intellectuel qu’il faut mesurer. Il convient ainsi de ne jamais hiérarchiser les documentations a priori et de ne pas considérer que la langue ou la provenance d’un document lui confère une authenticité, le rend pertinent ou biaisé. Penser la combinaison ou le croisement d’une variété de documentations sur un même objet permet de pluraliser les points de vue et de produire in fine une image plus riche – et plus juste – des mondes sociaux étudiés.

33Cette pluralisation documentaire ne concerne pas uniquement les mondes extra-européens ou les situations marquées par la domination coloniale ou impériale : ce parti pris méthodologique vise plus largement à contrebalancer l’inégale répartition genrée, raciale ou sociale de la parole. Il s’agit non seulement de la décrire et de l’expliquer, mais aussi d’en tirer les conséquences analytiques pour proposer une interprétation non pas irénique – mettant tous les points de vue à égalité –, mais critique, qui intègre les biais systémiques tout en se nourrissant de tous les matériaux disponibles. Cette opération peut être réalisée en croisant des documents dotés d’une légitimité ou d’une fiabilité forte avec d’autres matériaux autrefois moins considérés : documents hybrides comme ceux qui sont le résultat d’une coproduction entre acteurs européens et non européens, archives privées, écrits pragmatiques ou écrits du for privé, etc. Cette approche peut aboutir à revenir sur la hiérarchie implicite des documentations ou, du moins, à en dénaturaliser l’évidence.

Une approche holistique de la documentation

34De nombreux travaux mettent aujourd’hui au centre de leur enquête le rapport à la documentation en déployant une réflexivité à la fois sur le matériau lui-même et sur ses processus de fabrication et de transmission. Il ne s’agit plus d’élargir le spectre de la documentation de l’histoire et des sciences sociales – des archives aux traces archéologiques, en passant par les matériaux oraux ou les images –, mais de prêter attention à la complexité des paysages documentaires au sein desquels se construit le savoir historique, qui est lui-même en partie déterminé par la nature des matériaux disponibles. En quelques décennies, l’histoire « au ras du sol » est devenue une histoire « au ras des sources » ou plutôt « au ras des documents », déclinant d’une nouvelle manière la question de l’échelle et celle du « grain de l’archive ». Il ne s’agit plus simplement d’écrire l’histoire à la hauteur de ses acteurs, mais plutôt d’ajuster concrètement l’analyse aux matériaux disponibles et à ce qu’ils permettent de dire. Dans cette perspective, l’échelle d’observation est déterminée de manière plastique, au sens où elle n’est jamais figée, à la fois par les documents existants – abondants ou rares, représentatifs ou fragmentaires – et par les outils permettant de les traiter. Cette articulation n’est jamais définitive et doit être en permanence réajustée.

35Un tel déplacement induit une relation nouvelle à la documentation : celle-ci n’est plus un gisement de faits à ordonner dans le discours des sciences sociales dès lors qu’ils auront fait l’objet d’une critique de fiabilité, mais un ensemble dont il faut faire l’étude historique, sociologique, anthropologique, etc., de manière réflexive. Cette approche holistique de la documentation, qui n’isole pas a priori des fragments intéressants pour la recherche, pose comme préalable à toute enquête la saisie d’un corpus documentaire, quel qu’il soit, dans sa structure et sa construction, puis dans sa transmission, depuis sa genèse jusqu’à ses usages actuels, savants ou non [63]. Le déplacement ne doit pas aboutir seulement à mettre en évidence la « construction sociale » de la documentation, comme si l’histoire était cantonnée à une connaissance indirecte du monde à travers la médiation documentaire, mais également à considérer le matériau documentaire comme partie intégrante de ce même monde sur lequel porte la recherche.

36La critique antipositiviste, fondatrice du projet des Annales, s’est ainsi déplacée des objets étudiés (le social, contre le politique par exemple) et des méthodes utilisées (la modélisation sociologique, contre le récit événementiel) vers la nature et la structuration de la documentation à l’origine de l’enquête. La pratique des sciences sociales intègre désormais dans son périmètre, y compris narratif, la critique de la documentation, considérée elle-même comme une production historique. Cette étude initiale de la documentation est indispensable pour éclairer la société qui l’a produite : l’opacité des documents n’est pas seulement liée à la langue ou aux règles de représentation (pour les images ou les objets), à la distance chronologique ou spatiale, au vocabulaire, mais est aussi et surtout liée à leurs conditions de production, de conservation puis de transmission. En somme, il s’agit de faire débuter l’exigence d’une « histoire-problème » au moment même où se noue le rapport du chercheur avec son objet, plutôt que d’y voir une sorte de « hors-champ du savoir », un préalable après lequel commencerait l’analyse. Si cette évolution a mis du temps à s’imposer dans la revue, c’est sans doute parce qu’il s’agissait d’investir le territoire de l’érudition longtemps tenu à distance, sans pour autant verser dans le néopositivisme et en préservant la possibilité d’une montée en généralité. L’enjeu actuel du « tournant documentaire » est de penser non seulement que les documents sont des dispositifs sémantiques, vestiges d’intentionnalités humaines, et matériels, produits à un moment donné, mais aussi qu’ils sont pourvus d’une certaine agentivité. Ils recèlent de nombreuses traces non textuelles, accumulées à travers le temps et après leur production initiale, qui n’en sont pas moins des informations pour le travail des sciences sociales. Faire évoluer le projet des Annales dans cette direction, c’est finalement aller au terme de la démarche d’une histoire-problème ancrée dans les sciences sociales.

37L’écriture de l’histoire et des sciences sociales doit enfin prendre en compte un dernier élément crucial : il est impossible de séparer radicalement le chercheur ou la chercheuse de la documentation qu’il utilise, malgré toutes les formes de distanciation possibles. Ce constat implique de redéfinir dans le même geste les dimensions ontologique et narrative du travail des sciences sociales, en revenant à la question de la référentialité. Celle-ci ne concerne plus simplement les notes de bas de page ou le « hors-texte », mais le texte lui-même. Elle se pose dans la manière dont le récit rend compte de l’analyse et de la critique documentaires par le chercheur ou la chercheuse, dans une boucle réflexive qui unit enquêteur et enquêté, chercheur et documentation.

38Si les Annales n’ont commencé que tardivement à interroger le statut de la documentation, cette dimension est aujourd’hui devenue cruciale, malgré la persistance de certaines limites – par exemple en ce qui concerne l’image, fixe et surtout animée, ou, plus encore, l’oralité qui, à part dans les articles d’anthropologie, est peu présente alors qu’elle tient une place importante dans l’écriture de l’histoire contemporaine. L’enjeu n’est plus de faire document de tout, mais de réfléchir aux implications des choix documentaires, en termes épistémologiques (rapport au réel) et méthodologiques (critique de la documentation y compris dans sa genèse, sa matérialité, sa transmission et dans son écriture même).

39Apparue de manière inattendue en marge des débats consécutifs au « tournant critique », la question documentaire a été l’une des voies pour contourner les apories du début des années 1990. Les Annales, issues d’une critique radicale du positivisme, ont participé à la réinvention d’une autre forme de critique documentaire à partir des années 2000, quand la thématique, désormais bien identifiée historiographiquement, pouvait être réinvestie à nouveaux frais. Cette question est aujourd’hui un enjeu essentiel non seulement pour l’histoire, mais aussi pour les sciences sociales en général et, au-delà, pour les mondes de la création et de la fiction. Sans doute n’est-ce pas un hasard si le « tournant documentaire » a aussi touché les expressions artistiques contemporaines – des arts visuels et du cinéma jusqu’à la création musicale, en passant par la littérature, désormais soucieuses de (re)penser leur historicité. C’est tout le rapport symbolique des sociétés contemporaines au réel et au passé qui est en train de se réélaborer depuis la fin du xxe siècle. De cette évolution générale, l’histoire, à travers le document, est à la fois le témoin et le fer de lance, dessinant un nouveau rapport, réflexif, à la réalité du monde.


Date de mise en ligne : 25/08/2021

Notes

  • [1]
    Dipesh Chakrabarty, Provincializing Europe: Postcolonial Thought and Historical Difference, Princeton, Princeton University Press, 2000 ; Catherine König-Pralong, La colonie philosophique. Écrire l’histoire de la philosophie aux xviiieet xixesiècles, Paris, Éd. de l’EHESS, 2019.
  • [2]
    Charles-Victor Langlois et Charles Seignobos, Introduction aux études historiques, Paris, Hachette, 1898.
  • [3]
    Sur le rapport à la documentation propre à l’histoire, à l’anthropologie et à la sociologie dans les sciences sociales, voir Jean-Michel Chapoulie, Enquête sur la connaissance du monde social. Anthropologie, histoire, sociologie. France, États-Unis, 1950-2000, Rennes, PUR, 2017.
  • [4]
    Jacques Le Goff, « Documento/monumento », in Enciclopedia, t. VII, Labirinto-Memoria, Turin, Einaudi, 1979, p. 38-48, repris dans id., Storia e memoria, Turin, Einaudi, 1982, p. 443-455. Le texte est absent de la version française : id., Histoire et mémoire, Paris, Gallimard, 1988.
  • [5]
    Michel Foucault, L’archéologie du savoir, Paris, Gallimard, 1969, p. 14-15.
  • [6]
    Lucien Febvre, « Sur une forme d’histoire qui n’est pas la nôtre », Annales ESC, 3-1, 1948, p. 21-24, ici p. 24.
  • [7]
    Étienne Anheim, « L’historiographie est-elle une forme d’histoire intellectuelle ? La controverse de 1934 entre Lucien Febvre et Henri Jassemin », Revue d’histoire moderne & contemporaine, 59-4 bis, 2012, p. 105-130.
  • [8]
    Marc Bloch, Apologie pour l’histoire ou Métier d’historien, Paris, Armand Colin, 1949.
  • [9]
    Joseph Morsel, « Les sources sont-elles ‘le pain de l’historien’ ? », Hypothèses, 7-1, 2004, p. 271-286.
  • [10]
    La notion a joué un rôle historiquement important dans le système scolaire, de la fondation du service de la « Documentation française » en 1945 (relevant directement du secrétariat général du gouvernement, à l’époque) jusqu’aux recommandations pédagogiques actuelles dans la formation des enseignants en histoire, en passant par la création des Centres de documentation et d’information (CDI) dans les établissements scolaires des années 1970.
  • [11]
    Mark Nash, « Reality in the Age of Aesthetics », Frieze, 114, 2008 ; Aline Caillet et Frédéric Pouillaude, Un art documentaire. Enjeux esthétiques, politiques et éthiques, Rennes, PUR, 2017.
  • [12]
    Michel de Certeau, L’écriture de l’histoire, Paris, Gallimard, 1975 ; François Hartog (dir.), no spécial « Le document : éléments critiques », Annales ESC, 37-5/6, 1982.
  • [13]
    Pour une présentation française du problème à l’époque du tournant critique au sein d’autres revues, voir Geoff Eley, « De l’histoire sociale au ‘tournant linguistique’ dans l’historiographique anglo-américaine des années 1980 », Genèses, 7, 1992, p. 163-193 ; Jacques Guilhaumou, « À propos de l’analyse de discours : les historiens et le ‘tournant linguistique’ », Langage et société, 65, 1993, p. 5-38. Pour une perspective globale, voir Christian Delacroix, « Linguistic turn », in C. Delacroixet al. (dir.), Historiographies, vol. 1, Concepts et débats, Paris, Gallimard, 2010, p. 476-490, ainsi que le livre, à paraître, de Sabina Loriga et Jacques Revel sur l’histoire du linguistic turn.
  • [14]
    Voir dans le présent numéro « Le temps du récit. Histoire, fiction, littérature », p. 447-463.
  • [15]
    Valérie Igounet, Histoire du négationnisme en France, Paris, Éd. du Seuil, 2000.
  • [16]
    Pierre Vidal-Naquet, Les assassins de la mémoire. « Un Eichmann de papier » et autres essais sur le révisionnisme, Paris, Éd. du Seuil, 1987 ; Carlo Ginzburg, Rapports de force. Histoire, rhétorique, preuve, trad. par J.-P. Bardos, Paris, Éd. de l’EHESS/Gallimard/Éd. du Seuil, [2000] 2003 ; id., Un seul témoin, Paris, Bayard, [1992] 2007 ; id., Le fil et les traces. Vrai faux fictif, trad. par M. Rueff, Lagrasse, Verdier, [2006] 2010.
  • [17]
    Edward W. Said, Orientalism, New York, Pantheon Books, 1978.
  • [18]
    Gayatri C. Spivak, « Can the Subaltern Speak? », in C. Nelson et L. Grossberg (dir.), Marxism and the Interpretation of Culture, Chicago, University of Illinois Press, 1988, p. 271-313.
  • [19]
    Dossier « Les modes de narration », Annales ESC, 48-4, 1993, p. 1053-1105.
  • [20]
    Éditorial, « Histoire et sciences sociales. Un tournant critique ? », Annales ESC, 43-2, 1988, p. 291-293, reproduit dans le présent numéro : « 90 ans d’éditoriaux », p. 725-796 ; Jacques Revel, « L’histoire au ras du sol », in G. Levi, Le pouvoir au village. Histoire d’un exorciste dans le Piémont du xviiesiècle, Paris, Gallimard, 1989, p. i-xxxiii.
  • [21]
    Éditorial, « Tentons l’expérience », no spécial « Histoire et sciences sociales. Un tournant critique », Annales ESC, 44-6, 1989, p. 1317-1323, ici p. 1319, reproduit dans le présent numéro : « 90 ans d’éditoriaux », p. 725-796.
  • [22]
    Jack Goody, The Domestication of the Savage Mind, Cambridge, Cambridge University Press, 1977 ; Michael T. Clanchy, From Memory to Written Record: England 1066-1307, Londres, Edward Arnold, 1979.
  • [23]
    Hagen Keller, Klaus Grubmüller et Nikolaus Staubach (dir.), Pragmatische Schriftlichkeit im Mittelalter. Erscheinungsformen und Entwicklungsstufen. Akten des internationalen Kolloquiums, 17.-19. Mai 1989, Munich, Fink, 1992 ; Paolo Cammarosano, Italia medievale. Struttura e geografia delle fonti scritte, Rome, Nuova Italia scientifica, 1991.
  • [24]
    Olivier Guyotjeannin, Laurent Morelle et Michel Parisse (dir.), Les cartulaires. Actes de la table ronde organisée par l’École nationale des chartes et le G.D.R. 121 du C.N.R.S. (Paris, 5-7 décembre 1991), Paris, École nationale des chartes, 1993 ; Jean-Claude Maire Vigueur, « Révolution documentaire et révolution scripturaire : le cas de l’Italie médiévale », Bibliothèque de l’École des chartes, 153-1, 1995, p. 177-185.
  • [25]
    Armando Petrucci, « Pouvoir de l’écriture, pouvoir sur l’écriture dans la Renaissance italienne », Annales ESC, 43-4, 1988, p. 823-847 ; Donald F. McKenzie, La bibliographie et la sociologie des textes, Paris, Éditions du Cercle de la Libraire, 1991.
  • [26]
    Roger Chartier, « L’ancien régime typographique : réflexions sur quelques travaux récents », Annales ESC, 36-2, 1981, p. 191-209.
  • [27]
    Parmi les textes réflexifs majeurs sur la position des chercheuses et chercheurs au sein des études africaines, voir Johannes Fabian, Time and the Other: How Anthropology Makes its Object, New York, Columbia University Press, 1983 ; Mamadou Diawara, « Les recherches en histoire orale menées par un autochtone, ou l’inconvénient d’être du cru », Cahiers d’études africaines, 25-97, 1985, p. 5-19. Forgée par Vumbi-Yoka Mudimbé, la notion de « bibliothèque coloniale » renvoie à l’ensemble des savoirs et des connaissances qui ont été produits sur l’entité appelée « Afrique » en contexte colonial et qui ont contribué à fabriquer l’image de ce continent : Vumbi-Yoka Mudimbé, The Invention of Africa: Gnosis, Philosophy, and the Order of Knowledge, Bloomington, Indiana University Press, 1988.
  • [28]
    David P. Henige, « The Problem of Feedback in Oral Tradition: Four Examples from the Fante Coastlands », The Journal of African History, 14-2, 1973, p. 223-235 ; Jan Vansina, Oral tradition as History, Madison, University of Wisconsin Press, 1985 ; Karin Barber et Paulo F. de Moraes Farias, Discourse and its Disguises: The Interpretation of African Oral Texts, Birmingham, Centre of West African Studies/University of Birmingham, 1989 ; Barbara M. Cooper, « Oral Sources and the Challenges of African History », in J. E. Philips (dir.), Writing African History, Rochester, University of Rochester Press, 2005, p. 191-215 ; Karin Barber, The Anthropology of Texts, Persons and Publics: Oral and Written Culture in Africa and Beyond, Cambridge, Cambridge University Press, 2007.
  • [29]
    John Comaroff et Jean Comaroff, Of Revelation and Revolution, t. 1, Christianity, Colonialism, and Consciousness in South Africa, t. 2, The Dialectics of Modernity on a South African Frontier, Chicago, The University of Chicago Press, respectivement 1991 et 1997.
  • [30]
    Paulo F. de Moraes Farias, Arabic Medieval Inscriptions from the Republic of Mali: Epigraphy, Chronicles, and Songhay-Tuāreg History, Oxford, Oxford University Press, 2003. À propos de cet ouvrage, voir Jean-Louis Triaud, « Paulo Fernando de Moraes Farias, Arabic Medieval Inscriptions from the Republic of Mali: Epigraphy, Chronicles, and Songhay-Tuāreg History (compte rendu) », Annales HSS, 59-5/6, 2004, p. 1206-1210.
  • [31]
    Roger Chartier (dir.), no spécial « Pratiques d’écritures », Annales HSS, 56-4/5, 2001.
  • [32]
    Roger Chartier, « Culture écrite et littérature à l’âge moderne », R. Chartier (dir.), no spécial « Pratiques d’écritures », Annales HSS, 56-4/5, 2001, p. 783-802.
  • [33]
    Jean-Frédéric Schaub, « Une histoire culturelle comme histoire politique (note critique) », R. Chartier (dir.), no spécial « Pratiques d’écritures », Annales HSS, 56-4/5, 2001, p. 981-997.
  • [34]
    Natacha Coquery, François Menant et Florence Weber (dir.), Écrire, compter, mesurer. Vers une histoire des rationalités pratiques, Paris, Éd. rue d’Ulm, 2006 ; Joseph Morsel (dir.), « L’historien et ‘ses’ sources », Hypothèse, 2003, p. 271-362 ; Étienne Anheim et Olivier Poncet (dir.), « Fabrique des archives, fabrique de l’histoire », Revue de synthèse, 125, 2004.
  • [35]
    Voir par exemple Pierre Chastang, « Introduction », no spécial « Les cartulaires normands. Bilan et perspectives de recherche », Tabularia, 9, 2009, p. 27-42 ; Hélène Noizet, « De l’usage de l’archéogéographie », Médiévales, 66, 2014, p. 179-197.
  • [36]
    Pierre Chastang, « L’archéologie du texte médiéval. Autour de travaux récents sur l’écrit au Moyen Âge », Annales HSS, 63-2, 2008, p. 245-269.
  • [37]
    Pierre Chastang, Lire, écrire, transcrire. Le travail des rédacteurs de cartulaires en Bas-Languedoc, xie-xiiiesiècles, Paris, Éd. du Comité des travaux historiques et scientifiques, 2001.
  • [38]
    Éloi Fiquet et Aïssatou Mbodj-Pouye (dir.), no spécial « Cultures écrites en Afrique », Annales HSS, 64-4, 2009 ; Catarina Madeira Santos, « Écrire le pouvoir en Angola. Les archives ndembu (xviie-xxe siècles) », É. Fiquet et A. Mbodj-Pouye (dir.), no spécial « Cultures écrites en Afrique », Annales HSS, 64-4, 2009, p. 767-795.
  • [39]
    Simona Cerutti, « Travail, mobilité et légitimité. Suppliques au roi dans une société d’Ancien Régime (Turin, xviiie siècle) », no spécial « Histoire du travail », Annales HSS, 65-3, 2010, p. 571-611 ; Valérie Theis, « Jean XXII et l’expulsion des juifs du Comtat Venaissin », Annales HSS, 67-1, 2012, p. 41-77 ; Marie Dejoux, « Gouvernement et pénitence. Les enquêtes de réparation des usures juives de Louis IX (1247-1270) », Annales HSS, 69-4, 2014, p. 849-874.
  • [40]
    Filippo De Vivo, « Cœur de l’État, lieu de tension. Le tournant archivistique vu de Venise (xve-xviie siècle) », Annales HSS, 68-3, 2013, p. 699-728.
  • [41]
    Éric Jolly, « L’épopée en contexte. Variantes et usages politiques de deux récits épiques (Mali/Guinée) », Annales HSS, 65-4, 2010, p. 885-912.
  • [42]
    Étienne Anheim (dir.), no spécial « Archives », Annales HSS, 74-3/4, 2019.
  • [43]
    Anaïs Wion, « L’autorité de l’écrit pragmatique dans la société chrétienne éthiopienne (xve-xviiie siècle) », É. Anheim (dir.), no spécial « Archives », Annales HSS, 74-3/4, 2019, p. 559-586.
  • [44]
    M. Bloch, Apologie pour l’histoire…, op. cit., respectivement p. 26 et 20.
  • [45]
    Yves Cohen et Dominique Pestre (dir.), no spécial « Histoire des techniques », Annales HSS, 53-4/5, 1998 ; dossier « L’histoire face à l’archéologie », Annales HSS, 55-3, 2000, p. 551-622 ; Michel Gras, « Donner du sens à l’objet. Archéologie, technologie culturelle et anthropologie », Annales HSS, 55-3, 2000, p. 601-614.
  • [46]
    Sur les débats entre processualisme et postprocessualisme, voir Ian Hodder, « Postprocessual Archeology », Advances in Archeological Method and Theory, 8, 1985, p. 1-26 ; Tim Flohr Sørensen, « The Two Cultures and a World Apart: Archaeology and Science at a New Crossroads », Norwegian Archeological Review, 50-2, 2017, p. 101-115. Sur l’anthropologie et la sociologie des objets et de la technique, voir Arjun Appadurai (dir.), The Social Life of Things: Commodities in cultural perspective, Cambridge, Cambridge University Press, 1986 ; Susan Leigh Star et James R. Griesemer, « Institutional Ecology, ‘Translations’ and Boundary Objects: Amateurs and Professionals in Berkeley’s Museum of Vertebrate Zoology, 1907-39 », Social Studies of Science, 19-3, 1989, p. 387-420 ; Alfred Gell, L’art et ses agents. Une théorie anthropologique, trad. par O. Renaut et S. Renaut, Dijon, Presses du réel, [1998] 2009.
  • [47]
    Gérard Chouquer, « Les transformations récentes de la centuriation. Une autre lecture de l’arpentage romain », Annales HSS, 63-4, 2008, p. 847-874 ; Anne Lehoërff, « Les paradoxes de la Protohistoire française », Annales HSS, 64-5, 2009, p. 1107-1133.
  • [48]
    Olivier Buchsenschutz, Katherine Gruel et Thierry Lejars, « L’âge d’or de l’aristocratie celtique, ive et iiie siècles avant J.-C. », Annales HSS, 67-2, 2012, p. 295-324 ; Michel Reddé, « Fermes et villae romaines en Gaule chevelue. La difficile confrontation des sources classiques et des données archéologiques », Annales HSS, 72-1, 2017, p. 47-74 ; Hélène Dessales, « L’archéologie de la construction. Une nouvelle approche de l’architecture romaine », Annales HSS, 72-1, 2017, p. 75-94.
  • [49]
    Voir dans le présent numéro « Actualité d’un sous-titre : histoire, sciences sociales », p. 401-424.
  • [50]
    Charlotte Guichard, « Du ‘nouveau connoisseurship’ à l’histoire de l’art. Original et autographie en peinture », Annales HSS, 65-6, 2010, p. 1387-1401.
  • [51]
    Patrick Boucheron, « ‘Tournez les yeux pour admirer, vous qui exercez le pouvoir, celle qui est peinte ici.’ La fresque du Bon Gouvernement d’Ambrogio Lorenzetti », Annales HSS, 60-6, 2005, p. 1137-1199 ; Giuliano Milani, « Avidité et trahison du bien commun. Une peinture infamante du xiiie siècle », Annales HSS, 66-3, 2011, p. 705-743 ; Franck Mercier, « Le salut en perspective. Un essai d’interprétation de la Flagellation du Christ de Piero della Francesca », Annales HSS, 72-3, 2017, p. 737-771 ; Étienne Anheim, « Un atelier italien à la cour d’Avignon. Matteo Giovannetti, peintre du pape Clément VI (1342-1352) », Annales HSS, 72-3, 2017, p. 703-735.
  • [52]
    Jan Zalasiewicz, Colin Waters et Mark Williams, « Les strates de la ville de l’Anthropocène », Annales HSS, 72-2, 2017, p. 329-351 ; Alice Ingold (dir.), no spécial « Environnement », Annales HSS, 66-1, 2011.
  • [53]
    Antoine Lilti, « Le pouvoir du crédit au xviiie siècle. Histoire intellectuelle et sciences sociales », Annales HSS, 70-4, 2015, p. 957-978 ; Franco Moretti, Graphs, Maps, Trees: Abstract Models for a Literary History, Londres, Verso, 2005 ; id., Atlas du roman européen, 1800-1900, trad. par J. Nicolas, Paris, Éd. du Seuil, [1997] 2000.
  • [54]
    Dossier « Fabriquer la statistique (URSS et France) », Annales HSS, 55-2, 2000, p. 249-312.
  • [55]
    Karine Karila-Cohenet al. (dir.), no spécial « Histoire quantitative », Annales HSS, 73-4, 2018.
  • [56]
    Gilles Postel-Vinay, « L’économie des dépenses sociales dans le temps et l’espace », Annales HSS, 62-6, 2007, p. 1389-1404 ; R. Bin Wong, « Les politiques de dépenses sociales avant ou sans démocratie », Annales HSS, 62-6, 2007, p. 1405-1416 ; Peter H. Lindert, « De bonnes idées en quête de nombres. Réponse à Gilles Postel-Vinay et R. Bin Wong », Annales HSS, 62-6, 2007, p. 1417-1423.
  • [57]
    Robert Boyer, « Historiens et économistes face à l’émergence des institutions du marché », Annales HSS, 64-3, 2009, p. 665-693 ; Thomas Piketty, Le capital au xxiesiècle, Paris, Éd. du Seuil, 2013 ; dossier « Lire Le capital de Thomas Piketty », Annales HSS, 70-1, 2015, p. 5-138 ; Morten Jerven, Poor Numbers: How We are Misled by African Development Statistics and What to Do about It, Ithaca, Cornell University Press, 2013 ; dossier « Économie de l’Afrique contemporaine », Annales HSS, 71-4, 2016, p. 845-922.
  • [58]
    Catherine Kikuchi, « Concurrence et collaboration dans le monde du livre vénitien, 1469-début du xvie siècle », Annales HSS, 73-1, 2018, p. 185-212.
  • [59]
    Benoît Grévin, « Langues d’Islam et sociétés médiévales » et « De Damas à Urbino. Les savoirs linguistiques arabes de l’Italie renaissante (1370-1520) », Annales HSS, 70-3, 2015, respectivement p. 563-576 et p. 607-636 ; Mehdi Ghouirgate, « Le berbère au Moyen Âge. Une culture linguistique en cours de reconstitution », Annales HSS, 70-3, 2015, p. 577-606 ; Éric Vallet, « La grammaire du monde. Langues et pouvoir en Arabie occidentale à l’âge mongol », Annales HSS, 70-3, 2015, p. 637-666.
  • [60]
    Ann Laura Stoler, Au cœur de l’archive coloniale. Questions de méthode, trad. par C. Jaquet et J. Gross, Paris, Éd. de l’EHESS, [2009] 2019 ; Romain Bertrand, L’histoire à parts égales. Récits d’une rencontre Orient-Occident, xvie-xviiesiècle, Paris, Éd. du Seuil, 2011.
  • [61]
    Edward A. Alpers et Matthew S. Hopper, « Parler en son nom ? Comprendre les témoignages d’esclaves africains originaires de l’océan Indien (1850-1930) », Annales HSS, 63-4, 2008, p. 799-828 ; dossier « Micro-analyse et histoire globale », Annales HSS, 73-1, 2018, p. 3-159 ; dossier « Temporalités du moment colonial », Annales HSS, 72-4, 2017, p. 937-1083.
  • [62]
    Camille Lefebvre, « Zinder 1906, histoires d’un complot. Penser le moment de l’occupation coloniale », Annales HSS, 72-4, 2017, p. 945-981 ; M’hamed Oualdi, « Une succession d’empires. Les historicités d’une société maghrébine (1860-1930) », Annales HSS, 72-4, 2017, p. 1055-1083.
  • [63]
    Joseph Morsel, « Traces ? Quelles traces ? Réflexions pour une histoire non passéiste », Revue historique, 680-4, 2016, p. 813-868.

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