Notes
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[*]
Je tiens à remercier Étienne Anheim et Maria de Lurdes Rosa pour leur aide, leurs conseils et leurs suggestions bibliographiques.
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[1]
Marc Bloch, « Un dépôt d’archives », Annales d’histoire économique et sociale, 14-4, 1932, p. 189, à propos de l’ouvrage de Pierre Piétresson de Saint-Aubin, Les archives de l’Aube, 1790-1927, Troyes, A. Albert, 1930.
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[2]
Leopold von Ranke, Geschichten der romanischen und germanischen Völker von 1494 bis 1535, t. 1, Leipzig, Reimer, 1824, p. v-vi.
-
[3]
Charles-Victor Langlois et Charles Seignobos, Introduction aux études historiques, Paris, Hachette, 1898, p. 253 : « L’histoire dispose d’un stock de documents limité ; les progrès de la science historique sont limités par là même. Quand tous les documents seront connus et auront subi les opérations qui les rendent utilisables, l’œuvre de l’érudition sera terminée. »
-
[4]
Eric Ketelaar, « The Difference Best Postponed ? Cultures and Comparative Archival Science », Archivaria, 44, 1997, p. 142-148, ici p. 143 : « Il y a bien plus de termes dans la terminologie professionnelle des archives, lesquels ne sont compréhensibles dans une autre langue que si l’on en connaît et que l’on en comprend pleinement le contexte professionnel, culturel, légal, historique et parfois politique. ‘Evidential value’, ‘inventory’, ‘estray’ – voici des termes pour lesquels une simple traduction dans un dictionnaire ne suffit pas. Ils ne peuvent être compris que si leur cadre conceptuel est expliqué – dans une encyclopédie mieux que dans un dictionnaire, comme le présumait Jenkinson – et rendu intelligible » (traduction de l’auteur). Voir aussi Michel Duchein, « Les archives dans la Tour de Babel. Problèmes de terminologie archivistique internationale », La gazette des archives, 129, 1985, p. 103-113.
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[5]
Cette œuvre de Jacques Derrida, qui est d’abord une conférence au colloque « Memory: The Question of Archives » (Londres, musée Freud, juin 1994), a été publiée originellement en français : Jacques Derrida, Mal d’archive. Une impression freudienne, Paris, Galilée, 1995. Elle est cependant infiniment plus connue, lue et utilisée dans sa version anglaise donnée par la traduction d’Eric Prenowitz : Jacques Derrida, « Archive Fever », Diacritics, 25-2, 1995, p. 9-63. Voir aussi Jacques Pouchepadass, « A proposito della critica postcoloniale sul ‘discorso’ dell’archivio », no spécial « Società post-coloniali : ritorno alle fonti », Quaderni storici, 43-3, 2008, p. 675-690, ici p. 677-679.
-
[6]
À titre d’exemple, voir Carolyn Steedman, « The Space of Memory: In an Archive », History of the Human Sciences, 11-4, 1998, p. 95-83. Cet article a fait l’objet d’une nouvelle publication : Id., « ‘Something She Called a Fever’: Michelet, Derrida, and Dust (or, in the Archives with Michelet and Derrida) », in F. X. Blouin et W. G. Rosenberg (dir.), Archives, Documentation and Institutions of Social Memory: Essays from the Sawyer Seminar, Ann Arbor, University of Michigan Press, 2007, p. 4-19 ; voir aussi Éric Méchoulan (dir.), no spécial « Archiver/Archiving », Intermédialités, 18, 2011, p. 9-182. Le mouvement n’est cependant pas uniforme et cette influence a suscité des réactions plus nuancées chez certains archivistes : Brien Brothman, « The Limits of Limits: Derridean Deconstruction and the Archival Institution », Archivaria, 36, 1993, p. 205-220 ; Terry Cook, « Archival Science and Postmodernism: New Formulations for Old Concepts », Archival Science, 1, 2001, p. 3-24 ; Id., « Fashionable Nonsense or Professional Rebirth: Postmodernism and the Practice of Archives », Archivaria, 51, 2001, p. 14-35 ; Tom Nesmith, « Reopening Archives: Bringing New Contextualities into Archival Theory and Practice », Archivaria, 60, 2005, p. 259-274.
-
[7]
On citera par exemple Martin Diskins, « The Peasant Family Archive: Sources for an Ethnohistory of the Present », Ethnohistory, 26-3, 1979, p. 209-229. Voir aussi Nicholas B. Dirks, « Annals of the Archive: Ethnographic Notes on the Sources of History », in B. K. Axel (dir.), From the Margins: Historical Anthropology and its Futures, Durham, Duke University Press, 2002, p. 47-65 ; Ann Laura Stoler, « Colonial Archives and the Arts of Governance », Archival Science, 2, 2002, p. 87-109, ici p. 92.
-
[8]
Eric Ketelaar, « Archival Turns and Returns: Studies of the Archive », in A. Gilliland, S. McKemmish et A. Lau (dir.), Research in the Archival Multiverse, Clayton, Monash University Publishing, 2017, p. 228-268 ; F. X. Blouin et W. G. Rosenberg (dir.), Documentation and Institutions of Social Memory…, op. cit., témoigne des répercussions de l’archival turn.
-
[9]
On ne reviendra pas ici sur la question des tournants en histoire évoqués dans cette revue il y a quelques années : David Armitage et Jo Guldi, « Le retour de la longue durée. Une perspective anglo-américaine », Annales HSS, 70-2, 2015, p. 289-318, ici p. 289-292. Un numéro y fut également consacré dans la revue américaine Ahr Forum : no spécial « Historiographic ‘Turns’ in Critical Perspective », The American Historical Review, 117-3, 2012, p. 698-813.
-
[10]
Pour une synthèse, voir par exemple Rafael Condey Delgado de Molina, Reyes y archivos en la Corona de Aragón. Siete siglos de reglamentación y praxis archivística (siglos xii-xix), Saragosse, Institución Fernando el Católico, 2008. Parmi une multitude d’hommages, on citera à titre indicatif Philippe Béchu, « Un feudiste et ses clients à la veille de la Révolution », in Plaisir d’archives. Recueil de travaux offerts à Danièle Neirinck, Mayenne, Éd. régionales de l’Ouest, 1997, p. 191-234. Pour ce qui est des colloques, voir le cas de Lucio Lume (dir.), Archivi e archivistica a Roma dopo l’Unità. Genesi storica, ordinamenti, interrelazion (Atti del convegno 12-14 marzio 1990), Rome, Ufficio centrale per i beni archivistici, 1994. Quant aux célébrations, voir, à l’occasion du quatrième centenaire du règlement de Philippe II pour les Archives de Simancas, José Luis Rodríguez de Diego, Instrucción para el gobierno del Archivo de Simancas (año 1588). Estudio, Madrid, Dirección général de bellas artes y archivos, 1988. Sur la célébration d’un bicentenaire immobilier, voir Claire Béchu, Les Archives nationales : des lieux pour l’histoire de France. Bicentenaire d’une installation, 1808-2008, Paris, Somogy/Archives nationales, 2008. Pour une bibliographie française désormais un peu ancienne, voir Olivier Poncet, « Fabrique des archives, fabrique de l’histoire du Moyen Âge au xixe siècle. Une bibliographie », no spécial « Fabrique des archives, fabrique de l’histoire », Revue de synthèse, 125, 2004, p. 183-195.
-
[11]
On citera ici un classique publié dans une revue professionnelle internationale, émanation du Conseil international des archives : Robert-Henri Bautier, « La phase cruciale de l’histoire des archives. La constitution des dépôts d’archives et la naissance de l’archivistique, xvie-début xixe siècle », Archivum, 18, 1968, p. 139-150.
-
[12]
Wilfried Reininghaus, « Archivgeschichte : Umrisse einer untergründigen Subdisziplin », Der Archivar, 61, 2008, p. 352-360. Dans un autre état d’esprit et pour un autre contexte historique et national, Yves Pérotin, « Les archivistes et le mépris », La gazette des archives, 68-1, 1970, p. 7-23.
-
[13]
Joseph Morsel, « Traces ? Quelles traces ? Réflexions pour une histoire non passéiste », Revue historique, 680-4, 2016, p. 813-868, ici p. 855 sq.
-
[14]
Ces deux derniers champs historiographiques viennent aussi à s’unir : J. Pouchepadass, « A proposito della critica postcoloniale… », art. cit., ici p. 681 sq.
-
[15]
Depuis une dizaine d’années, on relève ainsi Joanna Sassoon et Toby Burrows (dir.), no spécial « Minority Reports: Indigenous and Community Voices in Archives. Papers from the 4th International Conference on the History of Records and Archives (Perth, Western Australia, August 2008) », Archival Science, 9-1/2, 2009 ; Patricia Whatley et Caroline Brown (dir.), no spécial « The Philosophy of the Archive », Archival Science, 9-3/4, 2009 ; Randolph C. Head (dir.), no spécial « Archival Knowledge Cultures in Europe 1400-1900 », Archival Science, 10-3, 2010 ; David A. Wallace (dir.), no spécial « Archives and the Ethics of Memory Construction », Archival Science, 11-1/2, 2011 ; Andrew Flinn et Elizabeth Shepherd (dir.), no spécial « Archives, Records, Identities: Question of Trust », Archival Science, 11-2/4, 2011 ; Sue McKemmish et al. (dir.), no spécial « Keeping Cultures Alive: Archives and Indigenous Human Rights », Archival Science, 12-2, 2012 ; Gillian Oliver et Wendy M. Duff (dir.), no spécial « Genre Studies in Archives », Archival Science, 12-4, 2012 ; Caroline Brown et al. (dir.), no spécial « Memory, Identity and the Archival Paradigm », Archival Science, 13-2/3, 2013 ; Michelle Caswell (dir.), no spécial « Archives and Human Rights », Archival Science, 14-3/4, 2014 ; Milena Dobreva et Wendy M. Duff (dir.), no spécial « Digital Curation », Archival Science, 15-2, 2015 ; Andrew Flinn et Ben Alexander (dir.), no spécial « Archiving Activism and Activist Archiving », Archival Science, 15-4, 2015 ; Anne J. Gilliland et Marika Clifor (dir.), no spécial « Affect and the Archive, Archives and their Affects », Archival Science, 16-1, 2016.
-
[16]
Jason Lustig, « Epistemologies of the Archives: Toward a Critique of Archival Reason », Archival Science, 20-1, 2020, p. 65-89.
-
[17]
M. Diskin, « The Peasant Family Archive… », art. cit. ; Ann Laura Stoler, Along the Archival Grain: Epistemic Anxieties and Colonial Common Sense, Oxford, Princeton University Press, 2009.
-
[18]
A. Gilliland, S. McKemmish et A. Lau (dir.), Research in the Archival Multiverse, op. cit. ; Frank Upward, « Structuring the Records Continuum – Part One: Post Custodial Principles and Properties », Archives and Manuscripts, 24-2, 1996, p. 268-285 ; Viviane Frings-Hessami, « La perspective du Continuum des archives illustré par l’exemple d’un document personnel », Revue électronique suisse de science de l’information, 19, 2018, http://www.ressi.ch/num19/article_149.
-
[19]
Hilary Jenkinson, A Manual of Archive Administration Including the Problems of War Archives and Archive Making, Oxford, Clarendon Press, [1922] 1965. Paru une première fois en 1922, révisé en 1937 et 1965, cet ouvrage a exercé une forte influence dans le monde anglo-saxon des archives.
-
[20]
Institut d’histoire du temps présent, Problèmes de méthode en histoire orale. Table ronde du 20 juin 1980, Paris, Ihtp, 1981 ; Danièle Voldman (dir.), La bouche de la vérité ? La recherche historique et les sources orales, Paris, Cnrs, 1992 ; Florence Descamps, L’historien, l’archiviste et le magnétophone. De la constitution de la source orale à son exploitation, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2001 ; voir aussi le numéro spécial « Les archives orales : bilan, enjeux et perspectives », La gazette des archives, 211-3, 2008.
-
[21]
Terry Cook, « The Concept of the Archival Fonds in the Post-Custodial Era: Theory, Problems and Solutions », Archivaria, 35, 1992, p. 34-37 ; Id., « Electronic Records, Paper Minds: The Revolution in Information Management and Archives in the Post-Custodial and Post-Modernist Era », Archives and Social Studies, 1, 2007, p. 399-443.
-
[22]
Anne J. Gilliland, « Archival and Recordkeeping Traditions in the Multiverse and their Importance for Researching Situations and Situating Research », in A. Gilliland, S. McKemmish et A. Lau (dir.), Research in the Archival Multiverse, op. cit., p. 31-73, ici p. 68.
-
[23]
Ibid., ici p. 48, fig. 1-1 ; Michelle Caswell, « Teaching to Dismantle White Supremacy in Archives », The Library Quarterly, 87-3, 2017, p. 222-235.
-
[24]
Natalie Zemon Davis, Fiction in the Archives: Pardon Tales and their Tellers in Sixteenth-Century France, Stanford, Stanford University Press, 1987 ; Arlette Farge, Le goût de l’archive, Paris, Éd. du Seuil, 1989.
-
[25]
Roger Chartier, Au bord de la falaise. L’histoire entre certitudes et inquiétude, Paris, Albin Michel, 1998.
-
[26]
Voir à cet égard le discours tenu par Pierre Toubert, Les structures du Latium médiéval. Le Latium méridional et la Sabine du ixe siècle à la fin du xiie siècle, Rome, École française de Rome, 1973, pour ne citer qu’un exposé exemplaire en la matière.
-
[27]
Carlo Borghero, « Historischer Pyrrhonismus, Erudition und Kritik », Das Achtzehnte Jahrhundert, 31-2, 2007, p. 164-178 ; Markus Völkel, « Wie beglaubt man den eigenen Glauben ? Fallgeschichten aus dem Bereich der social epistemology », in C. Spoerhase, D. Werle et M. Wild (dir.), Unsicheres Wissen. Skeptizismus und Wahrscheinlichkeit, 1550-1850, Berlin, De Gruyter, 2009, p. 217-244.
-
[28]
Mark Mersiowsky, « ‘Ausweitung der Diskurszone’ um 1700. Der Angriff des Barthélémy Germon auf die Diplomatik Jean Mabillons », in T. Wallnig et al. (dir.), Europäische Geschichtskulturen um 1700 zwischen Gelehrsamkeit, Politik und Konfession, Berlin, De Gruyter, 2012, p. 447-484.
-
[29]
Chantal Grell, L’histoire entre érudition et philosophie. Étude sur la connaissance historique à l’âge des Lumières, Paris, Puf, 1993.
-
[30]
Maria Pia Donato, L’archivio del mondo. Quando Napoleone confiscò la storia, Bari, Laterza, 2019, p. 109-111.
-
[31]
François Simiand, « Méthode historique et science sociale » [1903], Annales ESC, 15-1, 1960, p. 83-119.
-
[32]
François Simiand n’évoque pas les archives et n’emploie qu’une fois le mot « source » (ibid., ici p. 92) ; il préfère user du terme « matériau » ou « matière ».
-
[33]
Étienne Anheim, « Les lumières des étoiles lointaines. Réflexivité et sciences de l’homme au début du xxie siècle », in Actes du premier congrès du réseau national des Msh, Caen, décembre 2012, Caen, Réseau national des Msh, 2015, p. 75-82.
-
[34]
Voir le compte rendu précieux d’une rencontre symptomatique des prétentions et des attentes à cet égard rédigé par Christian Hottin, « ‘L’archivistique est-elle une science ?’ Réactions aux journées d’études organisées par l’École des chartes et l’Association des archivistes français à la Sorbonne (salle Louis-Liard) les 30 et 31 janvier 2003 », Labyrinthe, 16, 2003, p. 99-105.
-
[35]
Yann Potin et Julien Théry, « L’histoire médiévale et la ‘nouvelle érudition’. L’exemple de la diplomatique », Labyrinthe, 4, 1999, p. 35-39.
-
[36]
Andrea Cavazzini, « L’archive, la trace, le symptôme. Remarques sur la lecture des archives », L’Atelier du Centre de recherches historiques, 5, 2009, p. 1-14, ici p. 5.
-
[37]
Joseph Morsel (dir.), no spécial « L’historien et ses sources », Hypothèses, 7-1, 2004, p. 271-362 ; Étienne Anheim et Olivier Poncet (dir.), no spécial « Fabrique des archives, fabrique de l’histoire », Revue de synthèse, 125, 2004, p. 1-195.
-
[38]
Le volume fondateur pourrait être, sur ce plan, l’édition des actes d’un colloque de 1989 : Hagen Keller, Klaus Grubmüller et Nikolaus Staubach (dir.), Pragmatische Schriftlichkeit im Mittelalter. Erscheinungsformen und Entwicklungsstufen, Munich, Fink, 1992.
-
[39]
Ludolf Kuchenbuch, « Sources ou documents ? Contribution à l’histoire d’une évidence méthodologique », Hypothèses, 7-1, 2004, p. 287-315.
-
[40]
Joseph Morsel, « Les sources sont-elles ‘le pain de l’historien’ ? », Hypothèses, 7-1, 2004, p. 271-286.
-
[41]
Ernest Renan, L’avenir de la science. Pensées de 1848, Paris, Calmann Lévy, 1890, p. xiv : « Les sciences historiques et leurs auxiliaires, les sciences philologiques, ont fait d’immenses conquêtes […] car le propre de ces études est, aussitôt qu’elles ont atteint leur perfection relative, de commencer à se démolir. »
-
[42]
Françoise Bercé, « La circulaire sur les fouilles du 13 mars 1838 (ministère de l’Intérieur) », Bulletin archéologique du Comité des travaux historiques et scientifiques. Moyen Âge, Renaissance, temps modernes, 31-32, 2005, p. 189-193 ; Anne Lehoërff, « Pratiques archéologiques et administration du patrimoine archéologique en Italie, 1875-1895. L’exemple des anciens territoires villanoviens », Mélanges de l’École française de Rome. Italie-Méditerranée, 111, 1999, p. 73-147, ici p. 116-124.
-
[43]
Michael T. Clanchy, From Memory to Written Record: England, 1066-1307, Oxford, Blackwell, [1979] 2013 ; Paolo Cammarosano, Italia medievale. Struttura e geografia delle fonti scritte, Rome, La nuova Italia scientifica, 1991.
-
[44]
Voir par exemple Olivier Guyotjeannin, Laurent Morelle et Michel Parisse (dir.), Les cartulaires. Actes de la table ronde à Paris les 5-7 décembre 1991, Paris, École des chartes, 1993 ; Adam J. Kosto et Anders Winroth (dir.), Charters, Cartularies and Archives: The Preservation and Transmission of Documents in the Medieval West: Proceedings of a Colloquium of the Commission internationale de diplomatique (Princeton and New York, 16-18 septembre 1999), Toronto, Pontifical Institute of Mediaeval Studies, 2002 ; Patrice Beck, Archéologie d’un document d’archives. Approche codicologique et diplomatique des cherches des feux bourguignonnes (1285-1543), Paris, École des chartes, 2006 ; Elena Cantarell Barella et Mireia Comas Via (dir.), La escritura della memoria : los registros, Barcelone, Promociones y publicaciones universitarias, 2011 ; Pierre Chastang, La ville, le gouvernement et l’écrit à Montpellier, xiie-xive siècle. Essai d’histoire sociale, Paris, Publications de la Sorbonne, 2013 ; Marie Dejoux, Les enquêtes de Saint Louis. Gouverner et sauver son âme, Paris, Puf, 2014.
-
[45]
Paul Bertrand, Les écritures ordinaires. Sociologie d’un temps de révolution documentaire, entre royaume de France et empire (1250-1350), Paris, Publications de la Sorbonne, 2015.
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[46]
Philippe Contamine et Laurent Vissière (dir.), Les chartriers seigneuriaux. Défendre ses droits, construire sa mémoire, xiiie-xxie siècle, Paris, Société de l’histoire de France, 2010 ; Valérie Theis, « Le monde de la Chambre apostolique (xie-xive siècle). Ordonner les archives, penser l’espace, construire l’institution », mémoire d’habilitation à diriger des recherches, université de Versailles Saint-Quentin, 2016. Pour une mise en perspective récente, voir Harmony Dewez (dir.), no spécial « Du nouveau en archives. Pratiques documentaires et innovations administratives (xiiie-xve siècle) », Médiévales, 76, 2019.
-
[47]
Harmony Dewez, « Réflexions sur les écritures pragmatiques », in L’écriture pragmatique. Un concept d’histoire médiévale à l’échelle européenne, Paris, Lamop, 2012, p. 20-35, https://lamop.univ-paris1.fr/fileadmin/lamop/publications/Cahiers_Histoire_Textuelle/CEHTL_5__2012_/Harmony_Dewez.pdf.re.
-
[48]
R.-H. Bautier, « La phase cruciale… », art. cit. ; Charles Braibant, Le « grenier de l’histoire » et l’arsenal de l’administration. Introduction aux cours des stages d’archives de l’Hôtel de Rohan, Paris, Imprimerie nationale, 1957. C’est aussi tout l’intérêt de la récente synthèse de Randolph Head que de rapporter et de comparer, dans un espace de temps unique, la mise en ordre des archives dans différents pouvoirs publics européens du xve au xviie siècle : Randolph C. Head, Making Archives in Early Modern Europe : Proof, Information, and Political Record-keeping (1400-1700), Cambridge, Cambridge University Press, 2019.
-
[49]
Bruno Delmas et Christine Nougaret (dir.), Archives et nations dans l’Europe du xixe siècle. Actes du colloque organisé par l’École nationale des chartes (Paris, 27-28 avril 2001), Paris, École des chartes, 2004 ; Irene Cotta et Rosalia Manno Tolu (dir.), Archivi e storia nell’Europa del xix secolo. Alle radici dell’identità culturale europea. Atti del convegno internazionale di studi nei 150 anni dall’istituzione dell’Archivio Centrale, poi Archivio di Stato, (Firenze, 4-7 dicembre 2002), Rome, Direzione generale per gli archivi, 2 vol., 2006. Pour une échelle locale, voir Attilio Bartoli Langeli, Andrea Giorgi et Stefano Moscadelli (dir.), Archivi e comunità tra medioevo ed età moderna, Rome, Direzione generale per gli archivi, 2009.
-
[50]
Ségolène Demougin (dir.), La mémoire perdue. À la recherche des archives oubliées, publiques et privées, de la Rome antique, Paris, Publications de la Sorbonne, 1994.
-
[51]
Marie Lezowski, « Sur le papier comme dans la rue. Les sbires de l’archevêque de Milan et l’efficacité de la compilation après Trente », in A. Fossier, J. Petitjean et C. Revest (dir.), Écritures grises. Les instruments de travail des administrations (xiie-xviie siècle), Paris/Rome, École des chartes/École française de Rome, 2019, p. 597-613 ; Id., « Le droit des archevêques Borromée et l’expérience notoire. Comment fonder l’usage sur un acte de foi ? », ThéoRèmes, 12, 2018 ; Marie Lezowski et Benedetta Borello, « Conflitti di precedenza, uso degli archivi e storiografia locale alla fine del Cinquecento (Pavia, 1592) », no spécial « Scritture di storia », Quaderni storici, 45-1, 2010, p. 7-39.
-
[52]
V. Theis, « Le monde de la Chambre apostolique… », op. cit.
-
[53]
Alain Tallon, L’Europe au xvie siècle. États et relations internationales, Paris, Puf, 2010, p. 175-178.
-
[54]
Arndt Brendecke, Imperium und Empirie. Funktionen des Wissens in der spanischen Kolonialherrschaft, Cologne, Böhlau, 2009. Il existe une édition anglaise revue et raccourcie : Id., The Empirical Empire: Spanish Colonial Rule and the Politics of Knowledge, Berlin, De Gruyter Oldenbourg, 2018 ; Maria Pia Donato (dir.), no spécial « Early Modern Archives », Journal of Early Modern History, 22-5, 2018 ; Diego Navarro Bonilla, La memoria escrita de la monarquía hispánica. Felipe II y Simancas, Valladolid, Ediciones universidad de Valladolid, 2018. Notons que les historiens contemporanéistes ont abordé la question de manière plus précoce : Thomas Richards, The Imperial Archive: Knowledge and the Fantasy of Empire, Londres, Verso, 1993 ; Bernard S. Cohn, Colonialism and its Forms of Knowledge: The British in India, Princeton, Princeton University Press, 1996. De manière générale, voir Tony Ballantyne, « Rereading the Nation-State: Colonial Knowledge in South Asia (and Beyond) », in A. Burton (dir.), After the Imperial Turn : Thinking with and through the Nation, Durham, Duke University Press, 2003, p. 102-121.
-
[55]
Isabella Lazzarini, « La nomination des officiers dans les États italiens du bas Moyen Âge (Milan, Florence, Venise). Pour une histoire documentaire des institutions », Bibliothèque de l’École des chartes, 159-2, 2002, p. 389-412 ; Olivier Poncet, « Les traces documentaires des nominations d’officiers pontificaux (fin xiiie-xviie siècle) », in A. Jamme et O. Poncet (dir.), Offices et papauté (xive-xviie siècle). Charges, hommes, destins, Rome, École française de Rome, 2005, p. 93-123 ; Isabelle Lazzarini, « Records, Politics and Diplomacy: Secretaries and Chanceries in Renaissance Italy (1350-c. 1520) », in P. M. Dover (dir.), Secretaries and Statecraft in the Early Modern World, Édimbourg, Edinburgh University Press, 2016, p. 16-36 ; Filippo De Vivo, « Archives of Speech: Recording Diplomatic Negotiation in Late Medieval and Early Modern Italy », European History Quarterly, 46-3, 2016, p. 519-544 ; Id., « Archival Intelligence: Diplomatic Correspondence, Information Overload, and Information Management in Italy, 1450-1650 », in L. Corens, K. Peters et A. Walsham (dir.), Archives and Information in the Early Modern World, Oxford, Oxford University Press, 2018, p. 53-85.
-
[56]
Olivier Poncet, « Entre patrimoine privé, érudition et État. Les vicissitudes des papiers des ministres de la monarchie française (xive-xviie siècle) », in M. L. Rosa (dir.), Recovered Voices, Newfounds Questions: Family Archives and Historical Research, Coimbra, Universidade de Coimbra, 2019, p. 35-51.
-
[57]
Delphine Gardey, Écrire, calculer, classer. Comment une révolution de papier a transformé les sociétés contemporaines (1800-1940), Paris, La Découverte, 2008.
-
[58]
Stéphane Péquignot et Yann Potin (dir.), Les conflits d’archives. France, Espagne, Méditerranée, Rennes, Pur, à paraître.
-
[59]
Sonia Combe, Archives interdites. Les peurs françaises face à l’histoire contemporaine, Paris, Albin Michel, 1994. L’ouvrage a bénéficié d’une nouvelle édition : Id., Archives interdites. L’histoire confisquée, Paris, La Découverte, 2001.
-
[60]
Voir les réflexions sur le tournant documentaire des anthropologues et ses liens potentiels avec les attentes des historiens dans Étienne Anheim, « L’historien au pays des merveilles ? Histoire et anthropologie au début du xxie siècle », L’Homme, 203-204, 2012, p. 399-427.
-
[61]
Filippo De Vivo, Maria Pia Donato et Philipp Müller (dir.), no spécial « Archives and the Writing of History », Storia della storiografia, 68-2, 2015, divisé en deux sections : « Scholarly Practices in the Archives, 1500-1800 », p. 15-84 et « Archives and History: Making Historical Knowledge in Europe During the Nineteenth Century », p. 85-184.
-
[62]
Olivier Poncet, « Au-delà de la preuve. La dramatisation des archives comme discours politique, social et savant (France, xvie-xviie siècle) », in S. Péquignot et Y. Potin (dir.), Les conflits d’archives…, op. cit.
-
[63]
Olivier Guyotjeannin, « Les méthodes de travail des archivistes des rois de France (xiiie-début xive siècle) », Archiv für Diplomatik, 42, 1996, p. 295-373 ; Randolph C. Head, « Knowing Like a State: The Transformation of Political Knowledge in Swiss Archives, 1450-1770 », The Journal of Modern History, 75-4, 2003, p. 745-782 ; Filippo De Vivo, Information and Communication in Venice: Rethinking Early Modern Politics, Oxford, Oxford University Press, 2007 ; Id., Patrizi, informatori, barbieri. Politica e comunicazione a Venezia nella prima età moderna, Milan, Feltrinelli, 2012 ; Id., « Cœur de l’État, lieu de tension. Le tournant archivistique vu de Venise (xve-xviie siècle) », Annales HSS, 68-3, 2013, p. 697-728 ; L. Corens, K. Peters et A. Walsham (dir.), Archives and Information in the Early Modern World…, op. cit.
-
[64]
Jacob Soll, The Information Master: Jean-Baptiste Colbert’s Secret State Intelligence System, Ann Arbor, University of Michigan Press, 2009 ; Emmanuelle Chapron, « The ‘Supplement to all Archives’: The Bibliothèque Royale of Paris in the Eighteenth-Century », no spécial « Archives and the Writing of History », Storia della storiografia, 68-2, 2015, p. 53-68.
-
[65]
John C. Rule et Ben S. Trotter, A World of Paper: Louis XIV, Colbert de Torcy and the Rise of the Information State, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2014.
-
[66]
Dieter Gembicki, Histoire et politique à la fin de l’Ancien Régime. Jacob-Nicolas Moreau (1717-1803), Paris, A.-G. Nizet, 1979 ; Blandine Hervouët, Jacob-Nicolas Moreau, le dernier des légistes. Une défense de la constitution monarchique au siècle des Lumières, Paris, Lgdj-Lextenso, 2009 ; Hermann H. Schwedt, « Das Archiv der römischen Inquisition und des Index », Römische Quartalschrift, 93, 1998, p. 267-280.
-
[67]
Sur le monde savant de la première époque moderne, voir Anthony Grafton et Lisa Jardine, From Humanism to the Humanities: Education and the Liberal Arts in Fifteenth and Sixteenth Century Europe, Londres, Duckworth, 1986 ; Anthony Grafton, Forgers and Critics: Creativity and Duplicity in Western Scholarship, Princeton, Princeton University Press, 1990 ; Id., Worlds Made by Words: Scholarship and Community in the Modern West, Cambridge, Harvard University Press, 2009 ; Ann M. Blair, Too Much to Know: Managing Scholarly Information Before the Modern Age, New Haven, Yale University Press, 2010. Sur la fin du Moyen Âge, voir Donald R. Kelley, Foundations of Modern Historical Scholarship: Language, Law and History in the French Renaissance, New York, Colombia University Press, 1970 ; Anthony Musson, « Law and Text: Legal Authority and Judicial Accessibility in the Late Middle Ages », in J. Crick et A. Walsham (dir.), The Uses of Script and Print, 1300-1700, Cambridge, Cambridge University Press, 2004, p. 95-115.
-
[68]
Donald R. Kelley, « Jean Du Tillet, Archivist and Antiquary », The Journal of Modern History, 38-4, 1966, p. 337-354 ; Elizabeth A. R. Brown, « Jean Du Tillet, François Ier and the Trésor des Chartes », in Histoires d’archives. Recueil d’articles offert à Lucie Favier par ses collègues et amis, Paris, Société des amis des Archives de France, 1997, p. 237-247 ; Olivier Poncet et Isabelle Storez-Brancourt (dir.), Une histoire de la mémoire judiciaire de l’Antiquité à nos jours. Actes du colloque (12-14 mars 2008), Paris, École des chartes, 2009 ; Randolph C. Head, « Documents, Archives and Proof Around 1700 », The Historical Journal, 56-4, 2013, p. 909-930.
-
[69]
Markus Friedrich, Die Geburt des Archivs. Eine Wissensgeschichte, Berlin, De Gruyter, 2013. L’ouvrage a été traduit en anglais : Id., The Birth of the Archive: A History of Knowledge, Ann Arbor, University of Michigan Press, 2018.
-
[70]
Orietta Filippini, Memoria della Chiesa, memoria dello Stato. Carlo Cartari (1614-1697) e l’Archivio di Castel Sant’Angelo, Bologne, Il Mulino, 2010 ; Markus Friedrich, « Les feudistes, experts des archives au xviiie siècle. Recherche des documents, généalogie et savoir-faire archivistique dans la France rurale », Bibliothèque de l’École des chartes, 171, 2013, p. 465-515 ; Maria Guercio et al. (dir.), Disciplinare la memoria. Strumenti e pratiche nella cultura scritta (secoli xvi-xviii). Atti del convegno internazionale (Bologna,13-15 marzo 2013), Bologne, Patròn editore, 2014 ; Filippo De Vivo, Andrea Guidi et Alessandro Silvestri (dir.), Archivi e archivisti in Italia tra medioevo ed età moderna, Rome, Viella, 2015 ; Markus Friedrich, « Being an Archivist in Enlightened France: The Case of Pierre-Camille Le Moine (1723-1800) », European History Quarterly, 46-3, 2016, p. 568-589. On réservera un sort spécial à l’exemplaire recensement de témoignages sur toutes les facettes d’un métier, de lieux, de meubles et d’outils intellectuels effectué dans Filippo De Vivo, Andrea Guidi et Alessandro Silvestri (dir.), Fonti per la storia degli archivi degli antichi Stati italiani, Rome, Direzione generale archivi, 2016.
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[71]
L’ouvrage de Liesbeth Corens, Kate Peters et Alexandra Walsham (dir.), The Social History of the Archive: Record-Keeping in Early Modern Europe, Oxford, Oxford University Press, 2016 est très révélateur de cette extension de la lutte archivistique.
-
[72]
M. L. Rosa (dir.), Arquivos de família…, op. cit. ; Maria de Lurdes Rosa et Randolph C. Head (dir.), Rethinking the Archive in Pre-Modern Europe: Family Archives and their Inventories from the 15th to the 19th Century, Lisbonne, Iem, 2015. Pour un exemple de ce type de recherches, Rita Sampaio da Nóvoa, « O Arquivo Gama Lobo Salema e a produção, gestão e usos dos arquivos de família nobre nos séculos xv-xvi », thèse de doctorat, Université nouvelle de Lisbonne/université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2016.
-
[73]
Olivier Rouchon (dir.), L’opération généalogique. Cultures et pratiques européennes, xv-xviiie siècle, Rennes, Pur, 2014 ; Stéphane Jettot et Marie Lezowski (dir.), L’entreprise généalogique. Pratiques sociales et imaginaires en Europe (xve-xixe siècle), Bruxelles, Peter Lang, 2016 ; Volker Bauer, Jost Eickmeyer et Markus Friedrich (dir.), Genealogical Knowledge in the Making: Tools, Practices, and Evidence in Early Modern Europe, Berlin, De Gruyter, 2019 ; Robert Descimon et Élie Haddad (dir.), Épreuves de noblesse. Les expériences nobiliaires de la haute robe parisienne, xvie-xviiie siècle, Paris, Les Belles Lettres, 2010 ; François Weil, Family Trees: A History of Genealogy in America, Cambridge, Harvard University Press, 2013.
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[74]
La diversité des portes d’entrée retenues par les chercheurs est importante. Plusieurs programmes ERC (European Research Concil) prennent ainsi les archives pour sujet direct ou indirect, comme AR.C.H.I.ves (histoire comparée des archives dans l’Italie de la fin du Moyen Âge et du début de l’époque moderne), dirigé par Filippo De Vivo (2012-2016), Open Jerusalem (histoire connectée de la citoyenneté de Jérusalem de 1840 à 1940), dirigé par Vincent Lemire (2014-2019) ou récemment VINCULUM (histoire de la transmission de la mémoire familiale par des institutions de perpétuité en Europe du xive au xviie siècle), dirigé par Maria de Lurdes Rosa (2019-2024). À d’autres niveaux, on relèvera encore le programme ARCHIFAM (histoire des archives de famille dans la péninsule Ibérique du xiiie au xve siècle), promu par la Casa de Velázquez (2013-2015) ou le projet Temas (Thésaurus des sources d’archives modernes), promu par les Archives de l’État en Belgique et l’université de Louvain (à partir de 2019).
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[75]
On voudra bien pardonner ici le jeu de mots volontaire de l’intertitre, auquel l’auteur de l’article n’a pu résister, à propos du terme « grain » en écho à l’ouvrage stimulant d’A. L. Stoler, Along the Archival Grain…, op. cit., dont la traduction française serait « dans le sens de la fibre (ou texture) archivistique », en référence à l’idiomatisme anglais against the grain, « à contre-courant ». L’autrice elle-même ne récuse pas du reste la polysémie du terme – qui comprend aussi les acceptions de « grain de blé » ou « grain de sable » – dans un échange avec des collègues francophones : Béatrice Fraenkel, Bertrand Müller et Yann Potin, « Suivre les archives dans le sens du ‘grain’. Entretien avec Ann Laura Stoler », no spécial « Archives », Écrire l’histoire, 13-14, 2014, p. 169-174.
-
[76]
Joseph Morsel, « Quand l’historien masque que la norme fabrique le crime… Le cas du registre de l’officialité de Cerisy en 1314-1315 », Genèses, 110-1, 2018, p. 55-78.
-
[77]
Yann Potin, « Institutions et pratiques d’archives face à la ‘numérisation’. Expériences et malentendus », Revue d’histoire moderne & contemporaine, 58-4/5, 2011, p. 57-69. Pour un point de vue de chercheurs qui ont pleinement conscience des effets de la numérisation de leurs propres archives d’enquêtes effectuées pour les besoins de leur recherche, voir Anne Both et Sarah Cadorel, « Pour en finir avec l’original ? Des effets du numérique sur les archives scientifiques : le cas de beQuali », in J.-F. Bert et M. J. Ratcliff (dir.), Frontières d’archives. Recherches, mémoires, savoirs, Paris, Éd. des archives contemporaines, 2015, p. 157-164.
-
[78]
Les rares exceptions concernent des classiques comme le Trésor des chartes : Yann Potin, « La mise en archives du Trésor des chartes (xiiie-xixe siècle) », thèse de l’École des chartes, 2007 ; les papiers de Guillaume de Nogaret : Sébastien Nadiras, « Guillaume de Nogaret et la pratique du pouvoir », thèse de l’École des chartes, 2003 ; la communication des archives contemporaines en France : Marie Ranquet, « L’accès aux archives publiques en France. Le droit et la pratique vus par les archivistes depuis 1979 », thèse de doctorat, École des chartes, 2016, ou en Chine : Yujue Wang, « Archives, pouvoir et société : la communication et la valorisation des archives en Chine et en France dans la deuxième moitié du xxe siècle », thèse de doctorat, École des chartes, 2014.
-
[79]
Damien Hamard, « Des paléographes aux archivistes. L’Association des archivistes français au cœur des réseaux professionnels (1970-2010) », thèse de doctorat, université d’Angers, 2015, à paraître en 2020 aux Pur.
-
[80]
Sur la définition de ce champ, voir Maria de Lurdes Rosa, « Reconstruindo a produção, documentalização e conservação da informação organizacional pré-moderna. Perspetivas teóricas e proposta de percurso de investigação », Boletim do Arquivo da Universidade de Coimbra, 30, 2017, p. 547-586, ici p. 550-551.
-
[81]
Étienne Anheim et Olivier Poncet, « Fabrique des archives, fabrique de l’histoire », no spécial « Fabrique des archives, fabrique de l’histoire », Revue de synthèse, 125, 2004, p. 1-14.
-
[82]
Michel Foucault, Les mots et les choses. Une archéologie des sciences humaines, Paris, Gallimard, 1966.
-
[83]
Olivier Poncet, « Le corrispondenze reali e governative della prima epoca moderna in Francia (secoli XV-XIX). Archiviare, trasmettere e pubblicare », in A. Giorgi et K. Occhi (dir.), Carteggi fra basso medioevo ed età moderna. Pratiche di redazione, trasmissione e conservazione, Bologne, Il Mulino, 2018, p. 323-349 ; Id., « Entre patrimoine privé, érudition et État…», art. cit.
-
[84]
Selon l’expression d’Agnès Bos, « Les archives des fabriques parisiennes à la fin du Moyen Âge et à l’époque moderne », Bibliothèque de l’École des chartes, 156, 1998, p. 369-405, ici p. 378, qui parle de « démon méthodique des Lumières ».
-
[85]
Il semble explicitement justifié par la circulaire fondatrice du ministre de l’Intérieur en date du 20 janvier 1854, où il est question d’« inventaires » et de « sommaires », mais pas d’inventaires sommaires : Lois, instructions et règlements relatifs aux archives départementales, communales et hospitalières, Paris, H. Champion, 1884, p. 55-57. La distinction, maintenue dans certains titres d’instruments de recherche imprimés, a souvent été omise par la suite.
-
[86]
Christine Nougaret et Bruno Galland, Les instruments de recherche dans les archives, Paris, Direction des archives de France/Documentation française, 1999, p. 29.
-
[87]
Carlo Laroche, no spécial « Que signifie le respect des fonds ? Esquisse d’une archivistique structurale », La gazette des archives, 73, 1971.
-
[88]
Denise Ogilvie, « De Daunou à Natalis de Wailly : le cadre de classement à l’épreuve du principe du respect des fonds », in M. Aubry, I. Chave et V. Doom (dir.), Archives, archivistes et archivistique dans l’Europe du Nord-Ouest de l’Antiquité à nos jours. Actes du colloque de Roubaix (2-4 décembre 2004), Villeneuve d’Ascq, Irhis-Ceges, 2006, p. 293-301.
-
[89]
Elio Lodolini, « Respect des fonds et principe de provenance. Histoire, théories, pratiques », La gazette des archives, 168, 1995, p. 201-212.
-
[90]
À titre d’exemple, voir la leçon donnée par une archiviste : Antonietta Quarta, I nessi slegati e l’ombra dell’archivio. Analisi strutturale dell’Archivio postunitario del comune di Firenze fra il 1865 e il 1876, Padoue, Libreria universitaria, 2015. Sur l’héritage critique des positions de Jenkinson dans le monde actuel des archives, voir Paige Hohmann, « On Impartiality and Interrelatedness: Reactions to Jenkinsonian Appraisal in the Twentieth Century », The American Archivist, 79-1, 2016, p. 14-25. Voir aussi, sur l’application contemporaine à des fonds d’archives anciennes de préceptes formulés par le premier manuel d’archivistique moderne (Samuel Muller, Johan Adriaan Feith et Robert Thomas Fruin, Handleiding voor het ordenen en breschrijven van archieven. Ontworpen in opdracht van de Vereeniging van Archivarissen in Nederland, Groningue, V. der Kamp, 1898), Donna Holmes, « Passive Keepers or Active Shapers: A Comparative Case Study of Four Archival Practitioners at the End of the Nineteenth Century », Archival Science, 6-3/4, 2006, p. 285-298.
-
[91]
Yves Pérotin, « L’administration et les trois âges des archives », Seine et Paris, 20, 1961, p. 1-4 ; Id., « Le grenier de l’Histoire et les récoltes excédentaires », La gazette des archives, 50-1, 1965, p. 131-143.
-
[92]
Le mot n’est pas ici à entendre comme le soutenait Elio Lodolini, « The Wars of Independence of Archivists », Archivaria, 28, 1989, p. 36-47, qui visait plus nettement la compétition entre archives, bibliothèques et centres de documentation.
-
[93]
La polémique sur les archives numériques est née de l’importation, dans un cadre théorique de pensée archivistique mais à destination des décideurs politiques, d’une terminologie d’origine canadienne, forgée pour insister d’abord sur la conservation nécessaire : Christine Nougaret, Une stratégie nationale pour la collecte et l’accès aux archives publiques à l’ère numérique. Rapport à Madame Audrey Azoulay, ministre de la Culture et de la Communication, mars 1997, https://francearchives.fr/file/b0d6555950508ab637adb10ece33d381644d6d37/2017_03_24_RAPPORT_DEFINITIF_NOUGARET.compressed.pdf. La lecture sémantique qui a été faite de cette réflexion épistémologique l’assimilait abusivement à un blanc-seing donné à une politique massive d’éliminations. Voir, parmi d’autres points de vue, Marie-Anne Chabin, « Embrouille », http://www.marieannechabin.fr/2017/12/embrouille/ ; « Politique des archives publiques : ‘Les femmes ordinaires seront les premières sacrifiées’ », Le Monde, 8 mars 2018, https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/03/08/politique-des-archives-publiques-les-femmes-ordinaires-seront-les-premieres-sacrifiees_5267739_3232.html. À la suite d’une rencontre entre les Archives nationales, les signataires et d’autres historiens, il a été annoncé que les fiches individuelles de déclaration d’ivg ne seraient pas détruites.
-
[94]
Alain Blum et Martine Mespoulet, L’anarchie bureaucratique. Pouvoir et statistique sous Staline, Paris, La Découverte, 2003.
-
[95]
On citera ici l’ouvrage de Tim Cook, Clio’s Warriors: Canadian Historians and the Writing of the World Wars, Vancouver, University of British Columbia Press, 2006, qui met en lumière le rôle de la constitution des archives dans la construction d’une histoire militaire canadienne et, partant, d’un discours tautologique sur la question. De telles déformations sont certainement notables dans plus d’une histoire militaire nationale, tant les archives de guerre restent souvent étroitement soumises à l’autorité militaire. On notera au passage que Tim Cook a d’abord été archiviste avant de devenir un chercheur en histoire militaire.
-
[96]
Francis X. Blouin et William G. Rosenberg, Processing the Past: Contesting Authority in History and the Archives, New York, Oxford University Press, 2011. On verra l’un des rares comptes rendus parus en France : Sophie Coeuré, « Autorité de l’histoire, autorité de l’archive », no spécial « Archives », Écrire l’histoire, 13-14, 2014, p. 175-177.
-
[97]
F. X. Blouin, et W. G. Rosenberg, Processing the Past…, op. cit., p. 212.
-
[98]
Voir le compte rendu de Rodney G. S. Carter, « Francis X. Blouin et William G. Rosenberg, Processing the Past: Contesting Authority in History and the Archives », Archivaria, 74, 2012, p. 222-226.
-
[99]
D’aucuns parmi les archival scientists s’aventurent même à parler de « tournant historique ». Voir, entre autres, Tom Nesmith, « What’s History Got to Do with it ? Reconsidering the Place of Historical Knowledge in Archival Work », Archivaria, 57, 2004, p. 1-27 ; Barbara L. Craig, « The Past May Be the Prologue: History’s Place in the Future of the Information Professions », Libraries & the Cultural Record, 46-2, 2011, p. 206-219.
-
[100]
Françoise Banat-Berger et Christine Nougaret, « Faut-il garder le terme archives ? Des ‘archives’ aux ‘données’ », no spécial « Les archives, aujourd’hui et demain », La gazette des archives, 233-1, 2014, p. 7-18, ici p. 16.
-
[101]
Pour reprendre le titre de F. X. Blouin et W. R. Rosenberg, « Can History and Archives Reconnect: Bridging the Archival Divide », Processing the Past…, op. cit., p. 207 sq. Des spécialistes revendiqués d’archival studies dans les départements des sciences de l’information déclarent souffrir d’un manque de reconnaissance : « Les chercheurs en études archivistiques et les archivistes professionnels sont plus que volontaires pour rencontrer les chercheurs en sciences humaines à mi-distance, mais il y faut une volonté de s’engager et des règles pour le respect dans l’échange interdisciplinaire qui actuellement font défaut » (Michelle Caswell, « ‘The Archive’ Is Not an Archives: On Acknowledging the Intellectual Contributions of Archival Studies », Reconstruction. Studies in Contemporary Culture, 16-1, 2016, https://escholarship.org/uc/item/7bn4v1fk).
-
[102]
Terry Cook, « The Archive(s) is a Foreign Country : Historians, Archivists and the Changing Archival Landscape », The Canadian Historical Review, 90-3, 2009, p. 497-534.
-
[103]
Michel Melot, « Des archives considérées comme substance hallucinogène », Traverses, 36, 1986, p. 14-19.
-
[104]
J. Pouchepadass, « A proposito della critica postcoloniale… », art. cit., ici p. 675.
-
[105]
La définition « normalisée » (Afnor) du « document d’archives » est ainsi libellée : « Écrit ou enregistrement qui par lui-même ou par son support a une valeur probatoire ou informative. Singulier du mot archives » dans Bruno Delmas (dir.), Dictionnaire des archives. De l’archivage aux systèmes d’information, français-anglais-allemand, Paris, Afnor, 1991, p. 86.
-
[106]
Christine Nougaret, « Les archives privées, éléments du patrimoine national ? Des séquestres révolutionnaires aux entrées par voies extraordinaires. Un siècle d’hésitation », in I. Cotta et R. Manno Tolu (dir.), Archivi e storia nell’Europa del xix secolo…, vol. 2, op. cit., p. 737-750, ici p. 743-744.
-
[107]
Marc Aymes, « La domestication du faux », mémoire d’habilitation à diriger des recherches, École des hautes études en sciences sociales, 2016.
-
[108]
Eric Ketelaar, « Muniments and Monuments: The Dawn of Archives as Cultural Patrimony », Archival Science, 7-4, 2007, p. 343-357 ; Sylvie Mouysset, Papiers de famille. Introduction à l’étude des livres de raison, France, xve-xixe siècle, Rennes, Pur, 2007 ; Patrice Marcilloux, Les ego-archives. Traces documentaires et recherche de soi, Rennes, Pur, 2013.
-
[109]
Eric Ketelaar, Archiving People: A Social History of Dutch archives, La Haye, Stichting Archiefpublicaties, 2020, http://familiearchieven.nl/archiving-people_eric-ketelaar_2020_webversion.pdf.
-
[110]
Tamer El-Leithy, « Living Documents, Dying Archives: Towards a Historical Anthropology of Medieval Arabic Archives », Al Qantara, 32-2, 2011, p. 389-434.
-
[111]
L. Kuchenbuch, « Sources ou documents ?… », art. cit., ici p. 306.
-
[112]
Anthony Grafton, Die tragischen Ursprünge der deutschen Fussnote, Berlin, Berlin-Verlag, 1995. La traduction anglaise est la suivante : Id., The Footnote: A Curious History, Londres, Faber and Faber, 1997.
-
[113]
Pour reprendre le titre de Yann Potin, « La mise en archives du trésor de chartes (xiiie-xixe siècle) », thèse de l’École des chartes, 2007, résumée dans Positions de thèses soutenues par les élèves de la promotion de 2007 pour obtenir le diplôme d’archiviste paléographe, Paris, École des chartes, 2007, p. 173-182.
-
[114]
Le terme vaut pour les archives comme pour les éditions de textes que l’on peut en tirer : voir Bertrand Müller, « Des archives en mutation et du vertige de l’historien. Remarques historiographiques », Études et sources, 2001, p. 49-63 ; Olivier Poncet, « Les vertiges de l’historien moderniste. Éditer en contexte de prospérité archivistique (xve-xixe siècle) », in O. Canteaut et R. Große (dir.), Pourquoi éditer des textes médiévaux au xxie siècle ? 8e rencontre de la Gallia Pontificia (Paris, 17 mai 2013), http://www.perspectivia.net/publikationen/discussions/9-2014/poncet_vertiges.
-
[115]
Étienne Anheim, Le travail de l’histoire, Paris, Éd. de la Sorbonne, 2018, p. 105-126.
-
[116]
Karim Boukhris, « Les ‘biais’ contenus dans les archives judiciaires. Le cas de la principauté et canton de Neuchâtel (Suisse), 1806-1876 », L’Atelier du Centre de recherches historiques, 5, 2009, http://journals.openedition.org/acrh/1517.
-
[117]
Carlo Ginzburg, Mythes, emblèmes, traces. Morphologie et histoire, trad. par M. Aymard et al., Lagrasse, Verdier, [1989] 2010.
-
[118]
Bruno Galland, « La participation de l’archiviste à la recherche historique : un rôle à redéfinir ? », La gazette des archives, 204-4, 2006, p. 211-232.
-
[119]
Enrico Castelli Gattinara, « Vérités, histoires, réalités », no spécial « L’opération épistémologique. Réfléchir les sciences sociales », Espace Temps, 84-86, 2004, p. 193-214.
-
[120]
Les parallèles entre la démarche historique et les sciences de laboratoire ne manquent pourtant pas. Alors que l’on sait que les objets gardent en mémoire la trace des opérations qui ont amené à leur fabrication (Anne Lehoërff, « Le métal archéologique du côté du laboratoire. Mythes et réalités d’un matériau », in S. Boulud-Gazo et T. Nicolas (dir.), Artisanats et productions à l’Âge du bronze. Actes de la journée de la Société préhistorique française (Nantes, 8 octobre 2011), Dijon/Paris, Association pour la promotion des recherches sur l’âge du Bronze/Société préhistorique française, 2015, p. 97-108), les chercheurs prennent aujourd’hui davantage en considération des matériaux physico-chimiques impurs, également envisagés comme des enregistreurs d’évolutions à travers le temps. Voir ainsi les réflexions communes à un historien et à des scientifiques spécialistes de matériaux anciens ou du vieillissement des matériaux contemporains dans Étienne Anheim, Mathieu Thoury et Loïc Bertrand, « Micro-imagerie de matériaux anciens complexes (I) », Revue de synthèse, 136, 2015, p. 329-354.
-
[121]
J. Morsel, « Traces ? Quelles traces ?… », art. cit., ici p. 851.
L’histoire des archives est une part de cette histoire de la mémoire collective et du goût du souvenir qui sera, le jour où on pourra l’écrire, une des plus passionnantes qu’on puisse rêver.
1Un vent d’archives semble souffler avec vigueur sur les historiens depuis plusieurs années, à en juger par la multiplication des publications et des programmes de recherche qui portent sur l’histoire des archives, de leurs acteurs, de leurs méthodes et de leur signification sociale, politique et culturelle. Cette situation ne laisse pas d’étonner. On pourrait en effet penser que, depuis l’époque moderne tout au moins, le couple formé par les archives et l’histoire n’a cessé de se fortifier. On en a fait successivement les tombeaux d’où montent les voix spectrales du passé, évoquées romantiquement par Jules Michelet, le lieu d’un pacte pour une histoire qui soit objective selon les vœux de Leopold von Ranke (le fameux « wie es eigentlich gewesen [ist] [2] », « comme cela a vraiment été ») ou les réceptacles de la preuve absolue et définitive des faits historiques, comme le pensaient Charles-Victor Langlois et Charles Seignobos à la Belle Époque [3]. Malgré les injonctions postérieures à aller voir ailleurs – et mieux – énoncées, entre autres, dans cette revue par ses fondateurs Marc Bloch et Lucien Febvre, les archives écrites, sous quelque support qu’elles se présentent, ne semblent pas avoir perdu leur caractère de partenaire privilégié de la reconstruction du passé par l’historien.
2Le mot « archives » est un mot fourre-tout par excellence. Certaines langues emploient différents termes dont le sens fluctue, donnant le sentiment d’une richesse sémantique quand, en réalité, elles amplifient l’ambiguïté (archives/records en anglais, par exemple). Les spécialistes sont, du reste, pleinement conscients de la difficulté à trouver un vocabulaire commun et préconisent de préférer la formule de l’encyclopédie à celle des notices de dictionnaire [4]. Dans le domaine disciplinaire de l’histoire, les « archives » recouvrent tout à la fois les notions de sources, de documents, de traces ou encore de mémoire. La confusion est souvent extrême, entretenue à dessein ou amenée involontairement sur le devant de la scène quand les protagonistes du débat ne maîtrisent pas la totalité du champ sémantique qui s’attache au vocable. Parmi ceux-ci, archivistes et chercheurs en histoire forment un tandem qui a longtemps marché main dans la main. De Michelet, chef de la section ancienne aux Archives nationales de 1830 à 1852, au manuel de Seignobos cosigné avec Langlois, archiviste paléographe et futur directeur des Archives nationales (1913-1929), leur association a accompagné la construction scientifique de l’histoire. La professionnalisation de ceux qui sont devenus entre-temps, en France tout au moins, des conservateurs et des enseignants-chercheurs a mis ensuite en lumière des tensions qui étaient sans doute sous-jacentes, mais qui ont fissuré cet attachement aux sources d’archives.
3Quels que soient leurs attentes ou leurs présupposés, les uns et les autres ont toutefois subi plus ou moins nettement l’influence des tenants du post-modernisme, de Jean-François Lyotard à Hayden White, en passant par Jacques Derrida et son fameux Archive Fever [5]. Celui-ci a dilaté la notion par un emploi métaphorique dont tout un chacun peut s’emparer [6]. Certes, des historiens (historiennes en l’occurrence, Natalie Zemon Davis ou Arlette Farge pour ne citer qu’elles) n’avaient pas attendu Derrida pour considérer les archives comme un lieu épistémologique et un objet de pratiques culturelles, et non plus seulement comme un réservoir de faits. L’expression d’archival turn provient du milieu a priori le moins destiné à s’emparer du sujet, les anthropologues, qui ont, à leur manière, tenu à l’égard des historiens le rôle critique des sociologues du début du xxe siècle. En 2002, Ann Laura Stoler constatait l’existence de ce tournant archivistique depuis plusieurs années, alors qu’elle prolongeait par ce biais l’exploration des effets de la domination coloniale observés à propos de son laboratoire des Indes néerlandaises [7]. Comme l’explique Eric Ketelaar, qui répertorie tous les turns dont les archives sont le lieu, l’archival turn a irrigué les réflexions des historiens et des archivistes, dans une approche à la fois interdisciplinaire (chercheurs en sciences humaines) et in se et per se (archivistes) [8].
4L’augmentation des travaux dédiés aux archives, dans un sens assez large, au sein des études historiques paraît marquer le retour en force de questionnements méthodologiques fondamentaux, insoupçonnables il y a encore quelques décennies. Comme dans un miroir inversé, ce phénomène historiographique n’a d’équivalent que la profonde réflexion sur la valeur philosophique et épistémologique des archives par des archivistes que n’obsèdent pas uniquement les questions techniques. Deux mouvements, aussitôt placés sous la bannière de « tournants [9] », semblent en réalité se développer sans toujours se rencontrer. De manière un peu caricaturale, le choix du qualificatif induit un partage entre le monde des archivistes (et des anthropologues), d’une part, et celui des chercheurs historiens, de l’autre, le « tournant archivistique » contre le « tournant documentaire ». Le premier est entendu ici comme le positionnement épistémologique des professionnels des archives et des chercheurs qui observent les effets des divers processus d’archivage (sélection, enregistrement, description, conservation) sur le comportement et la connaissance des sociétés. Quant au second, s’il prend appui sur des recherches longtemps conduites par les archivistes, il est devenu une branche vivace et dynamique de la recherche historique, un courant d’études qui ne considère plus seulement les pièces et les fonds d’archives comme des matériaux, mais comme des objets historiques à part entière, producteurs de sens social, politique ou culturel. Pour le dire autrement, le tournant archivistique s’intéresse d’abord à ce que les archives font à la société, tandis que le tournant documentaire regarde plutôt ce que la société fait aux archives.
5Ces débats sont intenses de chaque côté. Toutefois, pour une bonne part, en dehors de quelques livres ou auteurs servant de passerelles, il n’y a pas réellement d’hybridation mutuelle, pour des raisons qui tiennent à des habitus différents et à des problématiques diverses. Or, les considérations archivistiques ne se cantonnent plus à des approches émanant de professionnels (archivistes), mais ont des visées globalisantes qui mériteraient d’être reçues par les travaux universitaires en histoire. Tout en soulignant la manière, parfois divergente, dont chaque milieu s’est emparé de la question des « archives », on voudrait s’efforcer de montrer que le fossé qui tendrait à se creuser n’est pas insurmontable, en particulier pour les historiens. Ces derniers ont tout intérêt à s’affranchir des « tournants » pour mieux prendre en compte l’ensemble des enjeux épistémologiques de l’archivistique, et à poursuivre leurs efforts pour intégrer davantage dans leurs travaux les acquis de ces nouvelles approches, qui ont vocation à irriguer toute étude du passé par les sources écrites, quelle que soit la période. Dans le cadre de cette revue bibliographique et historiographique délibérément comparée, il est naturellement impossible de viser à une quelconque exhaustivité. L’attention privilégiée accordée aux archives publiques, de tout temps et de tout lieu, a paru offrir un point de vue commode qui reflète les pôles les plus dynamiques de chacun des tournants rapportés ici l’un à l’autre, échappant partiellement aux effets d’écartèlement inévitables dès lors que l’on prend en considération, d’une part, des réflexions archivistiques extra-européennes davantage tournées vers le présent, voire le futur, et, d’autre part, des travaux d’historiens qui mobilisent des sources européennes médiévales et modernes.
6Ce point de vue est aussi personnel. Historien, ancien conservateur d’archives et aujourd’hui enseignant-chercheur, notre identité est irréductible à l’une ou à l’autre des deux professions. Par goût, par formation, par conviction et par vocation, nous voudrions tenter de conserver un certain équilibre de vues et, si possible, transcender les différences d’approche qui opposent parfois les chercheurs et les archivistes. S’il était artificiellement entretenu, ce choc des cultures empêcherait d’identifier les vues communes, au-delà des impératifs professionnels et épistémologiques de chacun. Le défi que lance la remise en cause des pratiques historiennes par les injonctions du « tournant archivistique » pourrait bien être, en réalité, la solution et même un heureux complément au « tournant documentaire » pris depuis quelque temps par la discipline historique.
Les défis du tournant archivistique
7L’archivistique a été pendant longtemps un monopole scientifique des archivistes eux-mêmes, de leurs revues, de leurs instruments de recherche, de leurs manuels, de leurs synthèses, de leurs hommages, de leurs colloques ou de leurs célébrations [10]. Dans cet espace un peu clos de l’histoire des archives, pour l’essentiel publiques, la construction des connaissances visait d’abord à mieux comprendre l’histoire des institutions et de l’administration, et à retracer les inflexions fortes qui marquaient la succession des temps archivistiques [11]. L’attention portée aux grandes figures des archives et à l’histoire des fonds (constitution, aléas de conservation et de transmission, composition) était jugée indispensable pour l’archiviste qui livrait, ce faisant, une masse de données primaires de grande importance. Bien que ces réflexions aient un réel parfum d’histoire et soient destinées à servir cette science, elles n’ont pas toujours été perçues comme telles, alors même que les revues historiques fondées au xixe siècle accueillaient, non seulement parmi leurs auteurs, mais encore dans leurs instances rédactionnelles, à la fois des archivistes et des professeurs de l’université (ou de lycée). L’érudition qui empreint bien des études liminaires d’inventaires ou de répertoires d’archives est ainsi souvent négligée par des chercheurs pressés de parcourir le contenu du fonds et de ses références. Ne la comprenant pas ou ne la voyant pas, les historiens ont conféré à cette production réellement scientifique un sous-statut de littérature technique, comme si les exigences professionnelles (la description des fonds et leur intelligibilité) excluaient un discours historique. Par la suite, dans la première moitié du xxe siècle, le lien entre les deux mondes s’est encore affaibli. Des revues spécifiques sont apparues, qui ont accompagné la professionnalisation croissante du métier d’archiviste, La gazette des archives en 1933 ou The American Archivist en 1938, mais qui ne sont pas nécessairement lues par les historiens. Les archivistes utilisent même désormais l’expression dépréciatrice de « sous-discipline souterraine », qui donne le sentiment que le combat est perdu d’avance [12]. Pourtant, une profonde mutation s’est opérée récemment dans les écrits des professionnels qui y ont gagné une forme d’indépendance inédite par rapport aux travaux d’histoire.
8Par la grâce des nouvelles lectures du mot qui invitent à l’ouverture, les archives en viennent parfois à constituer en effet une notion d’une plasticité telle qu’elle peut sembler, d’une manière comparable à la notion de « trace [13] », être l’alpha et l’oméga de toute réflexion en sciences sociales. Dès lors, les légitimes ambitions du monde des archives, soucieux de prendre toute sa place dans la reconfiguration scientifique et académique ouverte à la fin du xxe siècle, trouvent ici un exceptionnel champ d’application. La remise en cause du statut des archives qui paraissait figé pour l’éternité est d’abord le fait des archivistes eux-mêmes, ou de certains d’entre eux. Dans les années 1990-2000 et dans le domaine anglophone (entendez principalement en Amérique du Nord et en Australie), se sont développées des théories tranchées sur le sens à donner aux archives et à l’action des archivistes. L’importance conjuguée des sciences de l’information, des théories post-modernes – qui ont moins influencé que déverrouillé une situation jugée bloquée –, les contextes post- ou néo-coloniaux (mondialisation oblige), les mouvements féministes [14] et, last but not least, l’irruption des données électroniques a provoqué un véritable bouillonnement archivistique. Ces évolutions ne font pas encore consensus et le débat reste ouvert, en particulier sur leurs fondements qui mêlent des revendications sociales et politiques. On notera toutefois avec intérêt la continuité qui existe par-delà les époques et les continents. Les réflexions actuelles sur les archives reflètent des aspirations civiques et citoyennes qui ne sont guère différentes des ambitions éducatrices et politiques qui étaient celles des hommes des Lumières et du xixe siècle, lorsqu’ils assignaient aux archives des missions politiques destinées à construire les nations européennes occidentales.
9Au cours des deux ou trois dernières décennies, plusieurs revues ou congrès d’archivistique ont abordé ces thématiques, débordant les seuls problèmes techniques ou l’approche traditionnellement historique pour privilégier des vues sociologiques, anthropologiques ou philosophiques, comme en témoignent les échos qu’en donne par exemple la revue Archival Science, sous-titrée International Journal on Recorded Information, dont l’intitulé a significativement succédé en 2001 à celui de Archives and Museum Informatics [15]. Ces nouvelles qualités reconnues aux archives restent cependant encore surtout mises au service des questionnements propres à l’historiographie, comme la communication politique, la literacy ou encore la culture matérielle. Pourtant, ces évolutions ont conduit à repenser de manière radicale un héritage archivistique européen conçu dans le creuset des études historiques au xixe siècle. L’objectif n’est plus désormais de dialoguer avec les seuls historiens, mais bien d’affirmer que l’archivistique possède une autonomie académique et qu’elle est capable d’irriguer l’ensemble du spectre des sciences humaines et sociales et de proposer une épistémologie propre, une « raison des archives [16] ». Le lien avec les audaces et les interpellations des anthropologues est net [17]. Il est lisible dans la dernière grande œuvre collective soutenue par l’université australienne Monash, où est née la théorie du records continuum model (modèle du continuum des archives), qui promeut l’intervention essentielle et active de l’archiviste dans la constitution d’un héritage archivistique afin d’anticiper dès sa création les besoins de tous les utilisateurs [18].
10Le poids de l’État et de ses acteurs ordinaires sur ces processus de construction des archives est en effet fréquemment dénoncé par des archivistes soucieux de faire émerger des mémoires oubliées, effacées ou marginalisées. L’archiviste était pourtant habitué depuis de longues décennies à ne plus subir passivement les mouvements (ou l’absence de mouvements) des administrations productrices dont il avait la charge de recueillir les papiers. Il avait plus ou moins officiellement répudié la théorie conservatrice ou puriste, incarnée par les écrits de l’archiviste du Public Record Office Hilary Jenkinson (1882-1961), qui était opposé tout à la fois à la collecte des archives privées et à une intervention des archivistes en amont de la production des documents, au sein même des bureaux de l’administration [19]. En France, les Archives nationales avaient ainsi vu naître des services dédiés aux archives privées (1949), aux archives d’entreprise (1949) ou aux missions implantées dans les ministères eux-mêmes (1952). Plus tard, l’archiviste s’est fait démiurge de sa propre activité en participant, avec les chercheurs, à la confection d’archives orales [20]. Désormais, néanmoins, il lui arrive de se défier de la puissance publique dont les archives (institutions et documents), trop dominantes, auraient pour effet de masquer des pans entiers de la réalité sociale et humaine. Pour plusieurs archivistes, principalement anglophones, leur profession serait entrée dans une ère post-conservatoire (post-custodial) comme les sciences humaines sont entrées dans l’ère post-moderne [21]. Au passage, certaines injonctions dramatisent le thème de l’écriture historique en interrogeant directement la capacité de l’archiviste à échapper à ce qu’on pourrait appeler son « sort archivistique » :
De même, une telle culture [la création d’archives] largement construite sur des archives autonomes a-t-elle pour effet d’inclure plus de voix et de perspectives dans un récit historique national, ou bien les préjugés professionnels, intellectuels, « blancs » et hétéronormatifs sont-ils si profondément enracinés qu’ils tendent à être présents dans ces archives, même en l’absence d’un système national, d’un contrôle centralisé ou de l’adoption en gros de normes [22] ?
12Les théories américaines ou australiennes, en particulier, ont ainsi progressivement incarné une sorte de translatio imperii où l’archivistique, entendue au sens très large, peut revendiquer rompre son lien privilégié avec la science historique pour gagner une véritable reconnaissance académique [23]. Le défi jeté à la pratique historienne n’est pas de maigre importance, surtout à l’heure d’un investissement inédit dans l’histoire des archives elles-mêmes.
La révolution de la source d’archives chez les historiens : de l’objet au sujet
13Indépendamment de cet enrichissement du discours archivistique, les historiens ont opéré un retour aux archives, pour ainsi dire. Celles-ci sont (re)venues en grâce dans le discours historique d’abord parce qu’elles ont été une autre façon de nommer le document. En effet, les travaux qui prenaient appui explicitement sur la notion d’archives ont au départ moins insisté sur leur caractère structurant que sur l’individualité de chaque récit porté par des actes. Ces derniers sont envisagés pour eux-mêmes, dans une analyse qui valorise l’aspect créateur de réalité historique de l’écrit, quand cela ne touche pas à sa dimension émotionnelle et, pour tout dire, quelque peu fétichiste [24]. Ces travaux sont venus s’ajouter aux effets du vide toujours plus grand provoqué par l’effacement des grands paradigmes explicatifs. Roger Chartier, nourri de ses réflexions sur la fabrication conjointe par l’auteur et par l’imprimeur (entendez typographes, relieurs, éditeurs, etc.) d’un livre imprimé, s’est fait l’exégète de ces défis dans Au bord de la falaise [25]. Le fait que les précautions implicites, ordinaires, évidentes ne soient plus suffisantes, que l’on doive attirer l’attention sur les processus d’archivage multiples et cumulatifs des sources écrites participe d’une perte de sens ou, disons, d’une désorientation. Les historiens savent pourtant depuis longtemps que les archives ont une histoire et que celle-ci influe sur l’écriture du passé. La nouveauté tient dans une mise en abyme où les archives deviennent un objet d’introspection privilégié, dans une démarche qui n’est ni une lubie individuelle propre à tel ou tel chercheur, ni la reconduction à l’infini d’une ordinaire présentation d’un état des sources, même si celle-ci vaut parfois démonstration en soi [26].
14Il faut toutefois nuancer ce qui pourrait passer pour un nouveau moment de doute. On n’a pas attendu en effet la fin du xxe et le début du xxie siècle pour questionner la valeur des archives dans la pratique de l’histoire et pour la remettre en cause. Pareil moment de scepticisme a ainsi frappé l’époque de Jean Mabillon (1632-1707). Dans son De re diplomatica (1681), celui-ci émettait des règles de critique historique en s’appuyant sur les documents d’archives qu’il s’agissait de valoriser par l’emploi d’outils propres à trier le bon grain des originaux de l’ivraie des faux. Mais, à l’opposé des conquêtes scientifiques du Grand Siècle, le scepticisme philosophique qui pouvait se manifester à la fin du règne de Louis XIV tendait à relativiser toute affirmation positive en faveur d’une forme de vérité [27]. Il avait alors contaminé le débat qui opposait le bénédictin de Saint-Germain-des-Prés au jésuite Barthélemy Germon (1663-1718). Ce dernier, défendant un raisonnement fondé sur la confiance dans la qualité du dépôt (public et donc vraisemblable) contre l’examen externe et interne d’un document (potentiellement faux), récusait toute forme de critique autonome des archives qui puisse ensuite être utilisée par l’historien comme un outil d’analyse [28]. Il s’agissait là en réalité d’un combat d’arrière-garde. La modernité de Mabillon avait complètement bouleversé le travail de l’historien en lui donnant la liberté de critiquer le document, quelle que soit sa provenance. En répudiant implicitement l’antique notion de locus credibilis, qui faisait reposer la valeur intrinsèque d’un acte sur son détenteur et sur ses archives, Mabillon dotait l’historien des armes analytiques qui lui permettaient de s’affranchir de cette contrainte pour poser un regard égal sur n’importe quel document. Ce renversement fondamental ne fut pas saisi au vol par le xviiie siècle qui constata plutôt un divorce entre une érudition fondée sur des sources et le récit historique : le siècle des Lumières se passa fort bien des archives pour construire un discours littéraire et philosophique sur l’histoire [29]. Pourtant, la révolution introduite était considérable : elle porte toutes les audaces historiennes des siècles suivants.
15Au xixe siècle, les archives, qui avaient subi un bouleversement sans précédent en France pendant la Révolution et partout en Europe à la faveur de l’expérience impériale, revinrent en grâce dans l’écriture historique [30]. On assista alors à la refondation des sciences auxiliaires ou Hilfswissenschaften (diplomatique, paléographie, philologie) nécessaires à leur exploitation et qui conférèrent aux tenants de l’école dite méthodique une forme d’assurance tranquille sous la IIIe République. Le mouvement de balancier observé deux siècles plus tôt vint des inquiétudes et des objurgations des sociologues. François Simiand, dans un célèbre article de 1903, signait l’avertissement critique majeur de ce mouvement de défiance devant les certitudes de la discipline historique [31]. Force est de constater que ces nouvelles critiques, qui restaient cependant silencieuses sur les archives [32], n’ont pas eu la même incidence que les précédentes sur l’écriture historique : tandis que les premières avaient conduit à un divorce durable entre histoire et érudition au xviiie siècle, elles provoquèrent la réponse vigoureuse et productive des Annales au xxe siècle. Autant dire que si le questionnement sur la place des archives en histoire n’est pas neuf, l’issue de ce mouvement n’est nullement prévisible, même si des indices plaident en faveur d’une sortie de crise qui pourrait se faire par le haut, au moyen d’une réflexivité de la discipline [33].
16Du point de vue de l’ordre des savoirs, le regain d’intérêt pour les archives questionne, directement ou indirectement, l’archivistique et son rapport à l’histoire. Est-elle une science ou non ? La question taraude parfois les archivistes eux-mêmes, confrontés aux défis lancés par les « sciences de l’information [34] ». On l’a vu, elle n’est pas aussi essentielle pour eux que celle de savoir si cette science éventuelle est ou non une auxiliaire de l’histoire. Chez les historiens, le rapport des disciplines dites longtemps « auxiliaires » (au sens d’aides ou de secours, et non en tant que subordonnées) à l’histoire tend à évoluer : de serves, elles deviennent fondamentales (ou revendiquent de le devenir), comme l’insinue la traduction allemande (Grundwissenschaften) qui prévaut dans plusieurs départements d’histoire actuels (Bonn, Heidelberg, Leipzig ou encore Munich). Elles ont accompagné la croissance de la discipline historique, à laquelle elles se rattachent presque exclusivement parfois – songeons à leur imparfait usage dans le domaine du droit ou de la géographie, par exemple –, ce qui est une singulière conception des choses car on ne voit guère comment une science ne pourrait servir qu’à une seule discipline. Plus récemment, dans le cadre de ce que certains nomment la « nouvelle érudition [35] », ces sciences (diplomatique et paléographie) ont démontré des capacités heuristiques qu’on ne leur soupçonnait pas voici encore un demi-siècle, y compris en s’accomplissant dans un sens contraire à leur vocation initiale qui est de rendre lisibles les sources de l’histoire : en recherchant les failles, le hors normes, le caché ou l’absent, ces disciplines de décryptage et de mise à disposition des sources semblent désormais les rendre lisibles « contre elles-mêmes [36] ».
17Pour des raisons de tradition académique et de patrimoine archivistique, ce « tournant documentaire » est plus européen et plus historique que le « tournant archivistique ». Il accompagne plus spécialement les décennies 1990-2000 et trouve son débouché dans des réflexions collectives [37]. Il relaie les appels à questionner les phénomènes de literacy/Schriftlichkeit/scripturalité [38]. Or, les archives sont au cœur de la « mise en source ». Cette évidence était confusément connue mais ses implications étaient perdues de vue, si tant est qu’elles aient été jamais exploitées. Le besoin s’est fait sentir de rappeler que la source était créée par strates successives [39] et qu’elle se formait par l’agencement de divers éléments, qu’il s’agît de la dénomination (registre, livres, système de cotation, etc.) ou du rapprochement avec d’autres données extérieures, qui rappelle que les archives sont des « ensembles [40] » ou des effets de médiation (édition critique, numérisation, etc.). Ces considérations, qui soulignent que l’histoire est loin d’avoir atteint ne serait-ce qu’une « perfection relative », pour reprendre les mots d’Ernest Renan [41], feraient sans doute sourire les archéologues pour qui la « mise en source » est non seulement consubstantielle de l’acquisition des connaissances, mais est même devenue, dès le xixe siècle, un objet de réglementation administrative [42]. Elles ont néanmoins leur importance pour apprécier avec justesse la dernière décennie de l’historiographie en la matière, décisive à bien des égards.
18Une des preuves supplémentaires, s’il en était besoin, de l’adaptabilité des archives à tous les discours réside précisément dans les modalités de leur insertion dans les problématiques des historiens. Celles-là varient cependant en fonction des périodes prises en compte. Les médiévistes ont tiré les premiers, comme en témoignent les travaux classiques de Michael Clanchy ou de Paolo Cammarosano [43]. Les typologies d’enregistrement et d’archivage (inventaires, cartulaires, registres) ont souvent la faveur de leurs études [44]. Elles servent de support à la réflexion d’historiens rompus à l’examen des pratiques de l’écrit dont la croissance et les évolutions accompagnent le millénaire dit « médiéval » de l’Europe. Sans étonnement, c’est pour cette période (et principalement sa seconde partie) que l’on dispose des rares analyses (parfois quantitatives) de l’environnement social, juridique et matériel des phénomènes d’archivage dans une société donnée [45]. Leur positionnement chronologique comme leur intérêt intrinsèque pour ces questions amènent fort logiquement ces chercheurs à proposer des réflexions sur les phénomènes d’archivage, leur exploitation et leurs réinventions successives au fil des siècles, tels les chartriers seigneuriaux, dans la très longue durée, ou l’examen attentif de la représentation du monde que se fait la Chambre apostolique du xive siècle à travers sa production d’inventaires [46]. L’approche concerne a priori tous les types d’écrits, même s’il est tentant d’isoler les documents de la pratique (chartes, comptes, etc.) des manuscrits plus littéraires pour mieux les comprendre et restituer leur spécificité et leurs effets sociaux : le « tournant documentaire » se mue dès lors, par assimilation des leçons allemandes et anglaises, en « tournant pragmatique [47] ».
19Les études dédiées aux archives de la période moderne sont orientées selon les axes, qui se recoupent parfois, de la croissance de l’État et des révolutions culturelles. Le premier coïncide avec une périodisation de l’histoire des archives posées et reçues en France, ce mouvement d’affirmation étatique étant pleinement partagé par d’autres pays européens, avec des bornes chronologiques naturellement variables [48]. Assurément, les études associant la question des archives à la croissance de la puissance publique, et plus largement à celle des nations-États, quelle que soit la réalité qu’elle recouvre, y compris aux niveaux les plus modestes, sont de loin les plus inclusives et les plus englobantes, tant du point de vue des périodes que des thématiques [49]. C’est du reste dans cette perspective que l’on trouvait la contribution la plus nette des études consacrées aux périodes précédentes, de l’Antiquité au Moyen Âge central. L’archivage de l’écrit constitue une altérité radicale à l’égard d’autres régimes sociaux ou politiques antiques ou contemporains. Qu’il ne subsiste qu’à titre de souvenir importe peu [50]. Même à l’orée de l’époque moderne, le cas de la réforme tridentine du xvie siècle vient opportunément rappeler que l’affirmation ou la réaffirmation d’une autorité (en l’occurrence ecclésiologique et non étatique) s’appuie toujours sur la constitution et l’usage d’archives. L’exemple de Charles Borromée (1538-1584), archevêque de Milan, montre combien l’établissement d’un substrat documentaire est indispensable à la défense de prétentions juridictionnelles nouvelles quand la foi se dresse contre le droit ou la pratique. Il souligne aussi comment la circulation répétée et régulière d’actes et de décisions judiciaires inédites entre des archives centrales (Curie pontificale) et des archives locales permet de fonder une « coutume notoire » qui s’impose en retour à un environnement institutionnel extérieur [51].
20Sous l’angle des archives, toutes les configurations de l’État dit moderne prennent corps. À la Renaissance, le laboratoire italien ou pontifical amène ainsi sur des périodes plus hautes (xive-xve siècle) que pour d’autres espaces [52]. Imaginer une histoire des réalités étatiques du premier xvie siècle sans poser la question des archives apparaît désormais incongru [53]. Afin de comprendre enfin le phénomène impérial consécutif à l’exploration des autres continents, il est nécessaire de poser un regard appuyé sur la constitution et l’usage des dépôts d’archives établis de manière permanente ou provisoire auprès des puissances « impériales [54] ». Encore convient-il d’adopter la bonne problématique et l’observatoire adéquat. Par exemple, à mi-chemin de l’archivage et de la pratique administrative quotidienne, la création de registres spécifiques pour garder la trace des officiers et de leurs serments ou pour accompagner la naissance d’un appareil diplomatique moderne symbolise bien l’assise archivistique des nouvelles ambitions étatiques [55]. La question se révèle essentielle pour l’histoire de l’État moderne. La réflexion, pourtant, n’est pas si fréquente chez les historiens des xve-xviiie siècles, alors qu’elle est intuitivement pensée chez les médiévistes. Pour ces derniers, le point de départ (effondrement du système d’archivage romain pour l’Occident) est pratiquement vierge ; dès lors, la question des archives de la puissance publique est posée en termes d’apparition ou de réapparition, de rupture ou de continuité, tandis qu’un historien du xve siècle italien ou des guerres de Religion ne s’étonnera guère de l’existence d’une documentation archivistique, simplement plus abondante au fur et à mesure que progressent les décennies.
21Toutefois l’accroissement quantitatif n’est pas tout : le phénomène n’est pas exclusivement commandé par les besoins de l’État, il repose aussi sur une conception différenciée des typologies documentaires. Ce qui vaut hic et nunc pour l’Italie des xve-xvie siècles, où les archives de la diplomatie sont rendues légitimes par leur lieu de production (chancelleries d’origine médiévale), aboutit à un résultat inverse dans le cas de la France de la même époque. Si les papiers politiques et diplomatiques n’y sont pas conservés, ce n’est pas par manque d’intérêt pour ce secteur, mais parce que les producteurs (secrétariats) ne possèdent pas une légitimité institutionnelle suffisante [56].
22Les historiens des périodes les plus récentes n’ont pas méconnu les conséquences de l’avènement d’une bureaucratie répondant de plus en plus à l’idéal-type wébérien et pourvue d’une politique archivistique cohérente [57]. Mais ils ont davantage envisagé les archives en termes de conflit, de compétition, de domination ou de concurrence mémorielle [58]. Ils traitent moins de la question de l’accès – quoique l’inaccessibilité prétendue ou constatée puisse susciter travaux et débats [59] – que des effets aliénants des archives ou des enjeux d’une construction archivistique absente, désirée ou impérative. Étudiées selon des approches anthropologiques, sociologiques et accessoirement historiques, les archives sont indubitablement placées sous la bannière large des sciences sociales au moyen d’un questionnement documentaire unificateur, au moins nominalement [60].
23Le thème le plus fédérateur et le plus fouillé, spécifiquement par les historiens modernistes, demeure celui de l’histoire culturelle dont les archives seraient un reflet essentiel, non pas tant parce qu’il serait central que parce qu’il constituerait, là encore, un point de départ autant qu’un point d’arrivée, notamment en termes de pensée et de production historiographiques [61]. Ajoutons que l’inclusion des archives dans une histoire culturelle renvoie indirectement à une forme d’ego académique chez les historiens qui en font leur sujet d’étude puisque celles-ci ont été l’un des creusets d’une république des lettres animée par des hommes tels Gottfried Wilhelm Leibniz, Ludovico Antonio Muratori ou Mabillon. Ces historiens-philologues-philosophes étaient tous familiers des pièces d’archives. Ils ont activement participé aux bella diplomatica, ces querelles scientifiques et politiques animées à coup de chartes et d’actes qui furent exemplaires des mutations intellectuelles et de l’esprit philosophique du Grand Siècle [62]. Parmi les multiples pistes empruntées par la puissance publique, la réalisation d’outils de navigation (classements, inventaires, copies, recueils, etc.) apparaît comme la voie la plus sûre pour placer les archives au service d’une politique générale [63]. Dès lors, le lieu et l’institution mêmes qui ont cette fonction deviennent secondaires. Se mettent ainsi en place dans la France des xviie et xviiie siècles des formules de contournement et de recentralisation domestique extrêmes autour de la bibliothèque d’un ministre (Colbert en l’occurrence) ou du souverain [64]. L’absolutisme véritable réside peut-être dans ce phénomène. D’autres recherches, qui ont moins en vue l’archivage que l’irrigation de l’écrit dans la décision politique et administrative, insistent sur ce point [65]. À cette époque, la tentation d’organiser des archives comme un centre de documentation s’impose au détriment de la logique chronologique ou procédurale : les thématiques du jour, pensées pour l’administration et pour la justification politique, ou la volonté de construire une jurisprudence nouvelle et conquérante ordonnent les archives, au moyen de copies ou d’extraits définitifs de dossiers originels, pour servir un but précis [66].
24Les archives ont longtemps accusé un certain retard chronologique et quantitatif dans les travaux des historiens. Ces derniers avaient plus volontiers vu dans les musées ou les bibliothèques des institutions naturellement culturelles, tandis que les archives étaient davantage envisagées comme une annexe ou un prolongement de l’administration. On l’aura noté plus haut, ce dernier point de vue n’est pas à négliger et mérite des investigations nouvelles. Mais de même que les collections muséales ou bibliothécaires ne sont pas à l’abri de considérations politiques ou gouvernementales, les secrétariats, les tribunaux ou les institutions fiscales possèdent aussi une forme de culture propre. Le dynamisme des études sur le monde savant de la première époque moderne comme les lumières jetées sur les mutations de la culture et de la pratique juridiques de la fin des temps médiévaux ont apporté leurs contributions à une histoire des archives à laquelle ils ont fait subir des inflexions pour ainsi dire fondamentales (au sens révolutionnaire du terme) [67]. La réflexion sur le droit et l’écriture de l’histoire, bien souvent incarnée par des groupes communs, voire par les mêmes individus, s’est faite aussi par ou pour les archives [68]. Celles-ci ont de la sorte acquis légitimement leur place dans une histoire intellectuelle de l’Occident [69].
25L’histoire sociale des archives constitue l’issue logique de ce renversement de perspective. Il s’agit là sans doute de l’aspect le plus novateur des enquêtes entreprises depuis ces dernières années. C’est en partie le prolongement d’une histoire culturelle envisagée surtout du point de vue des utilisateurs que l’on pourrait qualifier d’« institutionnels », qu’ils soient directement au service de la puissance publique ou qu’ils participent à un débat prenant place dans une sphère publique. En s’intéressant d’abord aux archivistes, à leurs origines, à leur formation, à leur statut professionnel, à leurs méthodes, à leur matériel de conservation ou à leurs contributions scientifiques, il a été possible de mettre en évidence la responsabilité première d’acteurs souvent rejetés jusque-là dans l’ombre des producteurs ou des grands savants [70]. Outre la prise au sérieux de cette armée de « fabricants » d’archives, le « tournant documentaire » permet d’approcher la société tout entière par les archives. Enregistrements, prises de notes, lectures et relectures, copies et extraits, tout est bon pour (re)vivre par l’écrit conservé des existences et des expériences individuelles ou collectives. Il n’y a guère de limites aux recherches qui réexaminent la documentation qui nous est parvenue pour en questionner les motivations, les formes ou les usages [71]. C’est par là sans doute que les historiens touchent le plus nettement aux situations familiales et privées, même si le lien étroit qui existe entre archives et droit(s) reste prégnant. L’exploration approfondie des archives familiales, de leur entretien – comme on parlerait d’un jardin –, de leur accroissement et des modalités de leur transmission révèle des enjeux sous-jacents qui livrent peut-être le meilleur d’une archivistique historique aux implications actuelles [72]. Les nombreux travaux sur les généalogies, cette passion sociale, politique et érudite, appartiennent pleinement à cette ouverture sur l’histoire de la société. Qu’on l’appelle « opération », « entreprise », « production » ou « pratique », le surgissement tous azimuts de la préoccupation généalogique, attisée par des pouvoirs désireux d’assigner à chacun un présent par son passé pour de multiples raisons (religieuses, fiscales, disciplinaires, etc.), est une réalité des temps modernes [73]. Ce souci a suscité en retour des discours critiques sur l’usage et la valeur des archives qui ont jeté sur ces dernières la lumière, neuve en l’occurrence, de la compétition sociale.
26Devant l’étendue des voies dégagées, des relectures effectuées, des découvertes réalisées, l’historien serait tenté de jouir d’une forme de soulagement. Après être passées tout près de la guillotine du scepticisme, l’histoire et ses sources en sont sorties fortifiées. Les archives sont devenues un sujet d’étude à part entière, comme l’on parle des sujets de droit, et la vitalité des programmes de recherche internationaux est là pour en témoigner [74]. Pourtant, le chemin n’a été que partiellement parcouru. On serait tenté de suggérer un effort supplémentaire, une contextualisation et une historicisation encore plus poussées des fondements archivistiques sur lesquels repose une partie de nos connaissances historiques.
Encore du grain à moudre pour les historiens : apprendre des tournants
27Sur la voie exigeante de cette prise en compte du « tournant archivistique » par le « tournant documentaire », on aurait tort de croire que seuls les historiens contemporanéistes seraient touchés, au motif que c’est sur les documents de période récente que s’exerce directement la gestion « post-conservatoire » des archives impliquant un regard nouveau sur les fonds à disposition des chercheurs [75]. Il est néanmoins clair que les historiens du temps présent ont peut-être davantage besoin de comprendre ce qui se passe à l’heure d’une profonde évolution intellectuelle et technique des archives actuelles et de leurs responsables. Leurs collègues travaillant sur les périodes plus anciennes n’ont pas la possibilité d’échanger avec les archivistes des siècles passés, dont ils doivent analyser les traces parfois subtiles, lestées de surcroît des réflexions de leurs propres devanciers historiens. En élaborant un discours libératoire ou libéré sur les archives, les archivistes ne font toutefois qu’expliciter ce qu’ils savaient déjà : les archives n’ont rien d’évident. Elles secondent le pouvoir qui les crée, les conserve ou les détruit, mais surtout qui paie des professionnels pour les classer et les reclasser, pour les décrire plus ou moins finement et pour opérer des choix dans la mise à disposition des fonds. Ces responsabilités multiples pèsent lourdement sur le matériau exploitable et exploité dans les études historiques, même celles qui sont attentives à l’histoire de l’écrit. La conscience archivistique des historiens peut encore s’accroître et se nourrir de l’apport des archival studies.
28Il serait évidemment exagéré et sans doute faux d’affirmer que les historiens n’ont pas pris conscience des effets de mise à distance introduits par les modalités d’accès à la source, on vient d’en voir de multiples exemples. Ils sont aussi avertis de la médiation imposée par l’édition historique et savante, d’autant plus inévitable quand l’original a disparu entre-temps et que le chercheur ne peut plus remonter à la source originelle pour connaître le pourcentage de « réduction éditoriale » (sélection, etc.) qu’elle a subie et les composantes de l’alliage ainsi forgé (lecture/restitution) [76]. Ils dressent le même constat à propos des outils de description (catalogues, inventaires, regestes, analyses plus ou moins poussées, etc.) qui introduisent de nouvelles distorsions dans la perception des sources, pour ne rien dire de l’irruption de la numérisation dans les pratiques des chercheurs [77].
29Pourtant, l’archivistique en tant que telle a été paradoxalement absente du premier moment de retour aux sources des historiens. En France, par exemple, l’historicisation académique de l’archivistique s’est même faite en dehors du temple des sciences auxiliaires historiques qu’est l’École nationale des chartes. Alors qu’on y forme des cadres pour des carrières indifférenciées de « conservation » (collecte, classement et communication) du patrimoine principalement écrit, par l’apprentissage des outils de « lisibilité », c’est-à-dire de compréhension (identification, etc.) et de transmission (édition, description etc.), et par la recherche historique, le moindre des paradoxes n’est pas qu’on n’y soutient pas, ou très peu, de thèses d’histoire des archives [78]. À l’université, en France, on se soucie certes d’archivistique – il existe de multiples formations dédiées au niveau du master, en général dans des cursus d’histoire –, mais l’enseignement demeure largement tourné vers la préparation professionnelle aux métiers des archives. À cet égard, la situation n’est guère différente de celle qu’avait instaurée Jenkinson lorsqu’il avait demandé et obtenu la création d’un diplôme d’archival studies à l’université de Londres en 1947. De nos jours, le passage à une reconnaissance académique complète, au stade ultime de la recherche doctorale, tarde à s’imposer alors même que les écoles doctorales sont libres de choisir l’intitulé des diplômes qu’elles délivrent. Seule l’université d’Angers a fait le choix, incarné pour la première fois en 2015, de délivrer un doctorat en archivistique [79]. Pareille prudence semble moins de mise ailleurs en Europe, où l’on relève plusieurs chaires universitaires d’archivistique en Italie (Florence, Trente, etc.) ou encore la création par l’université de Lisbonne-Nouvelle d’une mention doctorale d’archivistique historique depuis l’année académique 2011-2012 – le qualificatif a son importance pour marquer la distance avec les formations professionnelles et pour souligner l’étroite liaison avec les cursus d’histoire [80]. Un lien fort, constant et logique entre les préoccupations des archivistes et le tournant documentaire en développement chez les historiens est donc possible. Et souhaitable.
30Les archives sont un organisme vivant, elles sont fabriquées plusieurs fois [81]. À cet égard, elles sont aussi (et peut-être d’abord) des collections car leurs créateurs opèrent des regroupements et des sélections qui n’ont pas nécessairement toujours à voir avec le contexte de production. L’injonction foucaldienne à travailler sur l’ordre du savoir, sur le classement du réel documentaire pour mieux comprendre l’ordonnancement intellectuel qui est à l’œuvre, a étonnamment été moins approfondie que d’autres aspects [82]. Il est vrai que les fonds n’ont pas subi partout les mêmes vicissitudes. La spécificité française est puissante. Elle débute avec les tribulations qu’ont fait subir aux archives les premières investigations érudites et l’appétit des collectionneurs d’État des temps modernes [83]. Ensuite, le principal héritage de la Révolution et de l’Empire réside (aussi) dans les triages d’archives effectués par le bureau du même nom et dans le « démon méthodique [84] » qui a imposé – seul cas au monde – des plans de classement alphanumériques, variables de surcroît d’un niveau (national, départemental, communal, hospitalier) à l’autre. C’est toute une stratigraphie de comportements, de choix et de ventilations qu’il convient de retrouver derrière de proprets regroupements effectués a posteriori par l’archiviste. La nature centralisée du pouvoir français au xixe siècle, quels que soient les régimes, n’a pas peu contribué à donner un tour encore plus systématique au traitement intellectuel et administratif des archives publiques. Ainsi le genre de l’inventaire-sommaire – le trait d’union tour à tour omis ou inscrit change tout [85] – a-t-il, par sa richesse apparente, durablement conditionné la recherche historique, surtout après qu’on a renoncé à l’exhaustivité rigide et qu’on a opté pour une hiérarchie de valeurs dans le choix des documents décrits [86]. Ces multiples visites ou guides de visite de fonds ont complètement bouleversé l’approche des archives. Les historiens, même (et surtout) s’ils sont médiévistes, doivent précisément en tenir compte. On pourrait encore attirer l’attention, de manière générale, sur la dimension structurale des archives [87] – le pluriel a ici son importance génétique – qui compte fondamentalement dans l’exploration des fonds. Dans certains cas, la connaissance du fonctionnement des procédures d’archivage est un préalable à la recherche historique, surtout quand celles-ci sont consubstantielles à la production des documents, comme dans le cas de la Registratur germanique ou des protocolli pontificaux où chaque document fait l’objet d’une numérotation et d’un enregistrement qui permettent de suivre le sort qui lui est réservé.
31Plus encore, c’est toute l’élaboration de la théorie archivistique des xixe et xxe siècles qu’il convient de s’approprier. Celle-ci pèse en effet sur le matériau écrit de l’histoire et l’on ne peut passer directement des études fouillées et pertinentes signalées plus haut aux inventaires de salle de lecture pour débuter une recherche. De même qu’un architecte travaillant sur des monuments anciens ne peut ignorer ce qu’ont été les phases successives de restauration, empreintes parfois d’idéologie marquée et de créations ex nihilo, il est utile de comprendre que les ambitions de l’écriture historique ont aussi influencé les méthodes de travail des archivistes. Il importe ici de connaître l’exacte étendue conceptuelle du respect des fonds formulé en France en 1841 et son application. Celui-ci a en outre été mâtiné d’un principe de pertinence (classement par matière) [88], du metodo storico exprimé par Francesco Bonaini et théorisé sous le nom d’ordine storico en 1875 ou du Provenienzprinzip décrété comme frei et en vigueur, par exemple, à partir de 1881 à Berlin [89]. Dans tous ces contextes nationaux, l’approche historicisante est commune, même si le matériau visé par ces théories n’est pas identique car il n’a pas subi des traitements similaires dans sa phase de création ou au fil du temps, et ce sans compter que la définition de « l’état idéal » originel reste, en archivistique comme en architecture, un constant objet de débats, au point que certains archivistes, tel Jenkinson, ont érigé la non-intervention de l’archiviste en dogme absolu dans la première moitié du xxe siècle [90].
32On aurait tort de penser que les choses seraient devenues plus simples, plus rationnelles, plus maîtrisées et plus transparentes avec l’époque contemporaine. La croissance exponentielle de la production d’archives a amené à inverser radicalement le point de vue en faveur d’un impératif d’action opéré très en amont de l’archivage définitif, par le biais de la théorie des trois âges des archives (courant-intermédiaire-définitif) développée d’abord aux États-Unis [91]. Dès lors, le fossé a commencé de se creuser davantage entre archivistes et historiens (en l’occurrence contemporanéistes), les premiers n’hésitant pas à qualifier leur action d’« indépendance [92] ». Tris, destructions, recommandations, toutes ces opérations pourtant inscrites implicitement depuis longtemps (voire peut-être toujours) dans les fonctions de l’archiviste sont devenues, par leur massification, leur normalisation et leur institutionnalisation des sources d’incompréhension, de méfiance et de mise à distance progressive. Or, s’il y a bien une période pour laquelle les historiens sont sommés de comprendre les logiques à l’œuvre dans les pratiques archivistiques, c’est précisément la plus récente, où le choc des points de vue, historien et archivistique, est potentiellement violent. Les débats récents, en France, autour de la notion d’« archives essentielles » à propos des archives numériques ou de destructions possibles d’archives papier, ont montré la perception aiguë que les historiens pouvaient avoir des enjeux qui se nouent autour du traitement présent et futur des archives [93]. Alors que, jusqu’à maintenant, leur vigilance inquiète visait essentiellement les deux premiers termes de la chaîne archivistique – attente d’instruments de recherche (classement) et demande de libéralisation de l’accès aux archives (communication) –, elle se porte désormais bien en amont sur la politique de tri et d’élimination (collecte).
33En soi, il n’est pas si dommageable pour l’écriture de l’histoire que des archives aient été perdues, détruites ou recomposées. Qu’on ne se méprenne pas : il n’est pas question de se féliciter de disparitions de documents, de s’interdire de réagir quand elles se profilent ou de s’indigner quand elles adviennent mal à propos. Toutefois, devant un état documentaire calamiteux ou douteux, la déploration ou le scepticisme ne sont pas forcément de mise ; les absences peuvent se révéler des plus stimulantes. L’historien sait parfaitement s’accommoder des travers de sa documentation, y compris quand celle-ci est impeccablement présentée par des pouvoirs totalitaires et trop belle pour être vraie [94]. Encore faut-il qu’il fasse l’effort de s’approprier aussi, non pas les méthodes, mais la philosophie et l’histoire des pratiques archivistiques, contemporaines d’une nouvelle façon de travailler et de produire les archives [95]. Et l’on aurait tort de croire que le dialogue serait compliqué, comme l’ont démontré Francis Blouin et William Rosenberg dans un ouvrage récent, malheureusement peu reçu en France [96]. Tout – intérêts, technologies (informatiques), intensité de la réflexion sur les archives – rapproche les deux professions qui ont à refonder une communauté plus soudée. L’enjeu fondamental est que tous concourent à rendre les archives historiques futures « raisonnablement transparentes dans la nature, la forme, les sujets et les origines de leurs matériaux [97] ». Certes les tenants d’un archival turn porté par les archivistes peuvent se sentir frustrés par un discours qui s’adresse d’abord aux historiens [98]. Retenons-en cependant que l’ambiance générale dans le monde des archives est baignée d’une vraie lumière historique qui est aussi une réponse saine au primat exercé parfois par les injonctions techniques relayées, entre autres, par les départements universitaires des sciences de l’information [99]. De plus, les réflexions les plus responsables sur la documentation numérique en cours de création dans le monde de la gestion des données de référence (master data management) n’introduisent aucune distance, bien au contraire : « Les critères qui fondent l’authenticité juridique (unicité, intégrité), l’authenticité diplomatique (cohérence) et l’authenticité historique (complétude, exactitude, actualité, pertinence) sont présents, sans surprise [100]. » Il s’agit là d’une chance, que l’on n’ose qualifier d’« historique », pour les historiens, qui se voient offrir la possibilité de « combler le fossé archivistique » ayant pu se creuser à la faveur des dernières décennies [101].
34Sans doute, en effet, le « tournant documentaire », très concentré sur les périodes initiales de fabrication de certaines archives (Moyen Âge et époque moderne), et le « tournant archivistique », dans ce que ce dernier a de plus compréhensif pour le travail historique, devraient-ils davantage se féconder [102]. Le chercheur pourrait alors plus sûrement échapper à la dimension « hallucinogène [103] » des archives, pour reprendre l’expression de Michel Melot qui relevait que leur accumulation et leur détention étaient devenues une fin en soi, dans une démarche mécaniste ordonnée par la réglementation et l’habitude. Il pourra également répliquer solidement à « l’insoutenable légèreté des archives » revendiquée par la critique post-moderne qui débouche sur la négation d’une quelconque capacité explicative de l’histoire [104]. D’autres hybridations seraient également souhaitables. Ainsi de la dialectique qui amènerait à penser la société incluse dans un régime historique où l’administration de la preuve est une garantie autant qu’une contrainte, autrement dit à ne plus envisager le système d’archives d’un simple point de vue vertical, mais également horizontal. On sait que le lien fort (mais non exclusif) entre droit et archives a très tôt amené à s’intéresser au faux, ce passager clandestin des archives, objet des attentions des diplomatistes occupés à l’art du discrimen veri ac falsi (la distinction du vrai et du faux) [105]. Savoir comment le document falsifié est traité par la société et par la justice n’est pas moins important que connaître la façon dont celui-ci vient ou ne vient pas aux archives. Au xixe siècle, les archivistes français, hantés par l’idée que des faux puissent polluer les archives publiques, ont institué aux Archives nationales une sous-série (AB XIX) destinée, entre autres, à servir de « sas » pour les documents d’archives publiques restitués à l’occasion d’une transmission d’archives privées [106]. Aujourd’hui encore, l’effet de l’obligation de la preuve, poussée par la puissance publique (domaine législatif et administratif), s’exerce sur des personnes (physiques ou morales) qui doivent plus que jamais détenir des archives pour se défendre et se justifier, au besoin en apprivoisant les zones grises offertes par les vrais-faux documents [107]. En retour, il se produit une acculturation à l’écrit et à l’archivage dont témoigne la multiplication, y compris dans des couches humbles de la société, de la conservation de « papiers » transmis d’une génération à une autre et, parallèlement, de la production d’une mémoire écrite de soi-même, hier comme aujourd’hui [108].
35Le « tournant archivistique » a appelé l’attention sur les mémoires de « communautés » qui ne pourraient pas être nourries et entretenues parce qu’elles n’auraient pas d’archives. L’historien a sans nul doute la capacité à aller contre le courant des archives des pouvoirs institués – pour reprendre littéralement le titre du livre de Stoler –, qu’ils soient étatiques ou familiaux. Il pourrait ainsi vérifier, comme vient de le faire magistralement Ketelaar, l’existence d’une véritable « société d’archives » suscitée par des phénomènes croisés d’alphabétisation et de demande de droit (par les administrés et par les gouvernants) [109]. Celle-ci ne se limite pas à des rapports visibles de domination tels qu’ils apparaissent dans les espaces colonisés : elle s’étend, de manière plus globale, à l’ensemble du monde et à toutes les sphères, des milieux modestes aux cercles de pouvoir économiques ou politiques les plus élevés. Si toutes ces questions peuvent légitimement se poser à propos d’archives plus anciennes, elles sont cruciales pour la constitution d’archives aujourd’hui et demain [110]. Ambitions épistémologiques et enjeux citoyens partagent ici les mêmes attentes.
Contre l’impossible
36L’actualité des réflexions en histoire comme en archivistique rappelle à quel point il n’y a pas d’évidence. Que les archives soient nécessairement et consubstantiellement liées à la science historique est aujourd’hui, moins que jamais, une position établie et inébranlable. La chaîne producteur-archiviste-historien n’est pas intangible, ni dans son ordre ni dans sa composition. Le monde des archives a fait siennes des considérations où la démarche historique est affaiblie, voire marginalisée. Le paradoxe est saisissant quand on observe combien la place des sources et des documents a été repensée avec beaucoup de volontarisme par les historiens. Inviter ces derniers à s’approprier encore davantage les enjeux et les mutations intellectuelles de l’archivistique ne revient pas à confondre les professions en une, comme d’aucuns pouvaient le penser au xixe siècle. À l’heure où le matériau archivistique fait l’objet de tant de sollicitudes, le chercheur commettrait cependant sans doute plus qu’une négligence à ne pas effectuer ce pas.
37À multiplier les angles d’attaque dans sa documentation, on en viendrait inévitablement à rendre impossible le travail de l’historien, singulièrement quand il croule sous le nombre de témoignages écrits malgré l’intensité des tris. Il est inéluctable qu’un chercheur disposant de peu de sources à questionner mène avec probité l’interrogatoire en rappelant, comme le souligne le médiéviste Ludolf Kuchenbuch, que « c’est là la tâche centrale de l’histoire en tant que science, que, pour ainsi dire, d’annuler par des opérations méthodiques ces pertes et ces transformations » au fil du temps [111]. Pendant longtemps, la note en bas de page et la citation de références archivistiques ont été les garde-fous et les garants faciles et plus ou moins maîtrisés de la science historique [112]. Si l’on choisit de tenir un compte absolu des conditions de « mise en archives [113] », le vertige devient proprement effrayant [114]. Et le problème se pose de manière plus cruciale encore, on l’a vu, pour l’histoire contemporaine. Mais même pour ces périodes plus riches en archives, l’historien a-t-il un autre choix, malgré un quotidien de plus en plus comprimé entre diverses obligations (enseignement, administration, recherche de financements, etc.) [115], que d’inclure systématiquement dans sa démonstration le « biais » – au sens de préjugé, comme l’entendent les anthropologues – documentaire, autrement dit les multiples leçons reçues du « tournant » du même nom [116] ?
38En poussant encore plus loin la porte des archives, le risque existe aussi de creuser un peu plus le fossé entre les diverses formes d’expressions historiographiques, sans pour autant aboutir à la clarté attendue. Le récit historique de certains auteurs pourrait y perdre en force de conviction et en clarté séductrice ce qu’il gagnera en solidité intelligible. Exposer honnêtement et avec un certain plaisir une partie des ficelles de son métier, et donc de l’histoire des « traces » suivies pour relater le passé, est une haute ambition de l’écriture historique [117]. Au passage, il faut se réjouir de ce que l’historien perde jour après jour son innocence et ses pseudo-certitudes dans son rapport à la documentation, de la même façon que l’archiviste ne saurait être rejeté du côté d’une pure technique administrative [118]. Après tout, l’histoire n’est jamais qu’un effort constant d’objectivation des sources, quelles que soient les formes que revêt désormais la vérité historique [119]. Et l’on pourrait soutenir, par goût de la provocation ou du paradoxe, que l’historien est plus heureux que le chimiste : ce dernier ne peut pas conduire ses manipulations avec des composants impurs, alors que le premier n’a d’autre choix que de travailler avec des matériaux variables, variabilité pleinement devenue un élément de démonstration, voire d’explication [120]. C’est que l’historien enquête sur des sociétés non pas tant disparues que des sociétés qui se sont transformées [121], comme s’est métamorphosée et se métamorphose après elles la trace de cette évolution.
Notes
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[*]
Je tiens à remercier Étienne Anheim et Maria de Lurdes Rosa pour leur aide, leurs conseils et leurs suggestions bibliographiques.
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[1]
Marc Bloch, « Un dépôt d’archives », Annales d’histoire économique et sociale, 14-4, 1932, p. 189, à propos de l’ouvrage de Pierre Piétresson de Saint-Aubin, Les archives de l’Aube, 1790-1927, Troyes, A. Albert, 1930.
-
[2]
Leopold von Ranke, Geschichten der romanischen und germanischen Völker von 1494 bis 1535, t. 1, Leipzig, Reimer, 1824, p. v-vi.
-
[3]
Charles-Victor Langlois et Charles Seignobos, Introduction aux études historiques, Paris, Hachette, 1898, p. 253 : « L’histoire dispose d’un stock de documents limité ; les progrès de la science historique sont limités par là même. Quand tous les documents seront connus et auront subi les opérations qui les rendent utilisables, l’œuvre de l’érudition sera terminée. »
-
[4]
Eric Ketelaar, « The Difference Best Postponed ? Cultures and Comparative Archival Science », Archivaria, 44, 1997, p. 142-148, ici p. 143 : « Il y a bien plus de termes dans la terminologie professionnelle des archives, lesquels ne sont compréhensibles dans une autre langue que si l’on en connaît et que l’on en comprend pleinement le contexte professionnel, culturel, légal, historique et parfois politique. ‘Evidential value’, ‘inventory’, ‘estray’ – voici des termes pour lesquels une simple traduction dans un dictionnaire ne suffit pas. Ils ne peuvent être compris que si leur cadre conceptuel est expliqué – dans une encyclopédie mieux que dans un dictionnaire, comme le présumait Jenkinson – et rendu intelligible » (traduction de l’auteur). Voir aussi Michel Duchein, « Les archives dans la Tour de Babel. Problèmes de terminologie archivistique internationale », La gazette des archives, 129, 1985, p. 103-113.
-
[5]
Cette œuvre de Jacques Derrida, qui est d’abord une conférence au colloque « Memory: The Question of Archives » (Londres, musée Freud, juin 1994), a été publiée originellement en français : Jacques Derrida, Mal d’archive. Une impression freudienne, Paris, Galilée, 1995. Elle est cependant infiniment plus connue, lue et utilisée dans sa version anglaise donnée par la traduction d’Eric Prenowitz : Jacques Derrida, « Archive Fever », Diacritics, 25-2, 1995, p. 9-63. Voir aussi Jacques Pouchepadass, « A proposito della critica postcoloniale sul ‘discorso’ dell’archivio », no spécial « Società post-coloniali : ritorno alle fonti », Quaderni storici, 43-3, 2008, p. 675-690, ici p. 677-679.
-
[6]
À titre d’exemple, voir Carolyn Steedman, « The Space of Memory: In an Archive », History of the Human Sciences, 11-4, 1998, p. 95-83. Cet article a fait l’objet d’une nouvelle publication : Id., « ‘Something She Called a Fever’: Michelet, Derrida, and Dust (or, in the Archives with Michelet and Derrida) », in F. X. Blouin et W. G. Rosenberg (dir.), Archives, Documentation and Institutions of Social Memory: Essays from the Sawyer Seminar, Ann Arbor, University of Michigan Press, 2007, p. 4-19 ; voir aussi Éric Méchoulan (dir.), no spécial « Archiver/Archiving », Intermédialités, 18, 2011, p. 9-182. Le mouvement n’est cependant pas uniforme et cette influence a suscité des réactions plus nuancées chez certains archivistes : Brien Brothman, « The Limits of Limits: Derridean Deconstruction and the Archival Institution », Archivaria, 36, 1993, p. 205-220 ; Terry Cook, « Archival Science and Postmodernism: New Formulations for Old Concepts », Archival Science, 1, 2001, p. 3-24 ; Id., « Fashionable Nonsense or Professional Rebirth: Postmodernism and the Practice of Archives », Archivaria, 51, 2001, p. 14-35 ; Tom Nesmith, « Reopening Archives: Bringing New Contextualities into Archival Theory and Practice », Archivaria, 60, 2005, p. 259-274.
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[7]
On citera par exemple Martin Diskins, « The Peasant Family Archive: Sources for an Ethnohistory of the Present », Ethnohistory, 26-3, 1979, p. 209-229. Voir aussi Nicholas B. Dirks, « Annals of the Archive: Ethnographic Notes on the Sources of History », in B. K. Axel (dir.), From the Margins: Historical Anthropology and its Futures, Durham, Duke University Press, 2002, p. 47-65 ; Ann Laura Stoler, « Colonial Archives and the Arts of Governance », Archival Science, 2, 2002, p. 87-109, ici p. 92.
-
[8]
Eric Ketelaar, « Archival Turns and Returns: Studies of the Archive », in A. Gilliland, S. McKemmish et A. Lau (dir.), Research in the Archival Multiverse, Clayton, Monash University Publishing, 2017, p. 228-268 ; F. X. Blouin et W. G. Rosenberg (dir.), Documentation and Institutions of Social Memory…, op. cit., témoigne des répercussions de l’archival turn.
-
[9]
On ne reviendra pas ici sur la question des tournants en histoire évoqués dans cette revue il y a quelques années : David Armitage et Jo Guldi, « Le retour de la longue durée. Une perspective anglo-américaine », Annales HSS, 70-2, 2015, p. 289-318, ici p. 289-292. Un numéro y fut également consacré dans la revue américaine Ahr Forum : no spécial « Historiographic ‘Turns’ in Critical Perspective », The American Historical Review, 117-3, 2012, p. 698-813.
-
[10]
Pour une synthèse, voir par exemple Rafael Condey Delgado de Molina, Reyes y archivos en la Corona de Aragón. Siete siglos de reglamentación y praxis archivística (siglos xii-xix), Saragosse, Institución Fernando el Católico, 2008. Parmi une multitude d’hommages, on citera à titre indicatif Philippe Béchu, « Un feudiste et ses clients à la veille de la Révolution », in Plaisir d’archives. Recueil de travaux offerts à Danièle Neirinck, Mayenne, Éd. régionales de l’Ouest, 1997, p. 191-234. Pour ce qui est des colloques, voir le cas de Lucio Lume (dir.), Archivi e archivistica a Roma dopo l’Unità. Genesi storica, ordinamenti, interrelazion (Atti del convegno 12-14 marzio 1990), Rome, Ufficio centrale per i beni archivistici, 1994. Quant aux célébrations, voir, à l’occasion du quatrième centenaire du règlement de Philippe II pour les Archives de Simancas, José Luis Rodríguez de Diego, Instrucción para el gobierno del Archivo de Simancas (año 1588). Estudio, Madrid, Dirección général de bellas artes y archivos, 1988. Sur la célébration d’un bicentenaire immobilier, voir Claire Béchu, Les Archives nationales : des lieux pour l’histoire de France. Bicentenaire d’une installation, 1808-2008, Paris, Somogy/Archives nationales, 2008. Pour une bibliographie française désormais un peu ancienne, voir Olivier Poncet, « Fabrique des archives, fabrique de l’histoire du Moyen Âge au xixe siècle. Une bibliographie », no spécial « Fabrique des archives, fabrique de l’histoire », Revue de synthèse, 125, 2004, p. 183-195.
-
[11]
On citera ici un classique publié dans une revue professionnelle internationale, émanation du Conseil international des archives : Robert-Henri Bautier, « La phase cruciale de l’histoire des archives. La constitution des dépôts d’archives et la naissance de l’archivistique, xvie-début xixe siècle », Archivum, 18, 1968, p. 139-150.
-
[12]
Wilfried Reininghaus, « Archivgeschichte : Umrisse einer untergründigen Subdisziplin », Der Archivar, 61, 2008, p. 352-360. Dans un autre état d’esprit et pour un autre contexte historique et national, Yves Pérotin, « Les archivistes et le mépris », La gazette des archives, 68-1, 1970, p. 7-23.
-
[13]
Joseph Morsel, « Traces ? Quelles traces ? Réflexions pour une histoire non passéiste », Revue historique, 680-4, 2016, p. 813-868, ici p. 855 sq.
-
[14]
Ces deux derniers champs historiographiques viennent aussi à s’unir : J. Pouchepadass, « A proposito della critica postcoloniale… », art. cit., ici p. 681 sq.
-
[15]
Depuis une dizaine d’années, on relève ainsi Joanna Sassoon et Toby Burrows (dir.), no spécial « Minority Reports: Indigenous and Community Voices in Archives. Papers from the 4th International Conference on the History of Records and Archives (Perth, Western Australia, August 2008) », Archival Science, 9-1/2, 2009 ; Patricia Whatley et Caroline Brown (dir.), no spécial « The Philosophy of the Archive », Archival Science, 9-3/4, 2009 ; Randolph C. Head (dir.), no spécial « Archival Knowledge Cultures in Europe 1400-1900 », Archival Science, 10-3, 2010 ; David A. Wallace (dir.), no spécial « Archives and the Ethics of Memory Construction », Archival Science, 11-1/2, 2011 ; Andrew Flinn et Elizabeth Shepherd (dir.), no spécial « Archives, Records, Identities: Question of Trust », Archival Science, 11-2/4, 2011 ; Sue McKemmish et al. (dir.), no spécial « Keeping Cultures Alive: Archives and Indigenous Human Rights », Archival Science, 12-2, 2012 ; Gillian Oliver et Wendy M. Duff (dir.), no spécial « Genre Studies in Archives », Archival Science, 12-4, 2012 ; Caroline Brown et al. (dir.), no spécial « Memory, Identity and the Archival Paradigm », Archival Science, 13-2/3, 2013 ; Michelle Caswell (dir.), no spécial « Archives and Human Rights », Archival Science, 14-3/4, 2014 ; Milena Dobreva et Wendy M. Duff (dir.), no spécial « Digital Curation », Archival Science, 15-2, 2015 ; Andrew Flinn et Ben Alexander (dir.), no spécial « Archiving Activism and Activist Archiving », Archival Science, 15-4, 2015 ; Anne J. Gilliland et Marika Clifor (dir.), no spécial « Affect and the Archive, Archives and their Affects », Archival Science, 16-1, 2016.
-
[16]
Jason Lustig, « Epistemologies of the Archives: Toward a Critique of Archival Reason », Archival Science, 20-1, 2020, p. 65-89.
-
[17]
M. Diskin, « The Peasant Family Archive… », art. cit. ; Ann Laura Stoler, Along the Archival Grain: Epistemic Anxieties and Colonial Common Sense, Oxford, Princeton University Press, 2009.
-
[18]
A. Gilliland, S. McKemmish et A. Lau (dir.), Research in the Archival Multiverse, op. cit. ; Frank Upward, « Structuring the Records Continuum – Part One: Post Custodial Principles and Properties », Archives and Manuscripts, 24-2, 1996, p. 268-285 ; Viviane Frings-Hessami, « La perspective du Continuum des archives illustré par l’exemple d’un document personnel », Revue électronique suisse de science de l’information, 19, 2018, http://www.ressi.ch/num19/article_149.
-
[19]
Hilary Jenkinson, A Manual of Archive Administration Including the Problems of War Archives and Archive Making, Oxford, Clarendon Press, [1922] 1965. Paru une première fois en 1922, révisé en 1937 et 1965, cet ouvrage a exercé une forte influence dans le monde anglo-saxon des archives.
-
[20]
Institut d’histoire du temps présent, Problèmes de méthode en histoire orale. Table ronde du 20 juin 1980, Paris, Ihtp, 1981 ; Danièle Voldman (dir.), La bouche de la vérité ? La recherche historique et les sources orales, Paris, Cnrs, 1992 ; Florence Descamps, L’historien, l’archiviste et le magnétophone. De la constitution de la source orale à son exploitation, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2001 ; voir aussi le numéro spécial « Les archives orales : bilan, enjeux et perspectives », La gazette des archives, 211-3, 2008.
-
[21]
Terry Cook, « The Concept of the Archival Fonds in the Post-Custodial Era: Theory, Problems and Solutions », Archivaria, 35, 1992, p. 34-37 ; Id., « Electronic Records, Paper Minds: The Revolution in Information Management and Archives in the Post-Custodial and Post-Modernist Era », Archives and Social Studies, 1, 2007, p. 399-443.
-
[22]
Anne J. Gilliland, « Archival and Recordkeeping Traditions in the Multiverse and their Importance for Researching Situations and Situating Research », in A. Gilliland, S. McKemmish et A. Lau (dir.), Research in the Archival Multiverse, op. cit., p. 31-73, ici p. 68.
-
[23]
Ibid., ici p. 48, fig. 1-1 ; Michelle Caswell, « Teaching to Dismantle White Supremacy in Archives », The Library Quarterly, 87-3, 2017, p. 222-235.
-
[24]
Natalie Zemon Davis, Fiction in the Archives: Pardon Tales and their Tellers in Sixteenth-Century France, Stanford, Stanford University Press, 1987 ; Arlette Farge, Le goût de l’archive, Paris, Éd. du Seuil, 1989.
-
[25]
Roger Chartier, Au bord de la falaise. L’histoire entre certitudes et inquiétude, Paris, Albin Michel, 1998.
-
[26]
Voir à cet égard le discours tenu par Pierre Toubert, Les structures du Latium médiéval. Le Latium méridional et la Sabine du ixe siècle à la fin du xiie siècle, Rome, École française de Rome, 1973, pour ne citer qu’un exposé exemplaire en la matière.
-
[27]
Carlo Borghero, « Historischer Pyrrhonismus, Erudition und Kritik », Das Achtzehnte Jahrhundert, 31-2, 2007, p. 164-178 ; Markus Völkel, « Wie beglaubt man den eigenen Glauben ? Fallgeschichten aus dem Bereich der social epistemology », in C. Spoerhase, D. Werle et M. Wild (dir.), Unsicheres Wissen. Skeptizismus und Wahrscheinlichkeit, 1550-1850, Berlin, De Gruyter, 2009, p. 217-244.
-
[28]
Mark Mersiowsky, « ‘Ausweitung der Diskurszone’ um 1700. Der Angriff des Barthélémy Germon auf die Diplomatik Jean Mabillons », in T. Wallnig et al. (dir.), Europäische Geschichtskulturen um 1700 zwischen Gelehrsamkeit, Politik und Konfession, Berlin, De Gruyter, 2012, p. 447-484.
-
[29]
Chantal Grell, L’histoire entre érudition et philosophie. Étude sur la connaissance historique à l’âge des Lumières, Paris, Puf, 1993.
-
[30]
Maria Pia Donato, L’archivio del mondo. Quando Napoleone confiscò la storia, Bari, Laterza, 2019, p. 109-111.
-
[31]
François Simiand, « Méthode historique et science sociale » [1903], Annales ESC, 15-1, 1960, p. 83-119.
-
[32]
François Simiand n’évoque pas les archives et n’emploie qu’une fois le mot « source » (ibid., ici p. 92) ; il préfère user du terme « matériau » ou « matière ».
-
[33]
Étienne Anheim, « Les lumières des étoiles lointaines. Réflexivité et sciences de l’homme au début du xxie siècle », in Actes du premier congrès du réseau national des Msh, Caen, décembre 2012, Caen, Réseau national des Msh, 2015, p. 75-82.
-
[34]
Voir le compte rendu précieux d’une rencontre symptomatique des prétentions et des attentes à cet égard rédigé par Christian Hottin, « ‘L’archivistique est-elle une science ?’ Réactions aux journées d’études organisées par l’École des chartes et l’Association des archivistes français à la Sorbonne (salle Louis-Liard) les 30 et 31 janvier 2003 », Labyrinthe, 16, 2003, p. 99-105.
-
[35]
Yann Potin et Julien Théry, « L’histoire médiévale et la ‘nouvelle érudition’. L’exemple de la diplomatique », Labyrinthe, 4, 1999, p. 35-39.
-
[36]
Andrea Cavazzini, « L’archive, la trace, le symptôme. Remarques sur la lecture des archives », L’Atelier du Centre de recherches historiques, 5, 2009, p. 1-14, ici p. 5.
-
[37]
Joseph Morsel (dir.), no spécial « L’historien et ses sources », Hypothèses, 7-1, 2004, p. 271-362 ; Étienne Anheim et Olivier Poncet (dir.), no spécial « Fabrique des archives, fabrique de l’histoire », Revue de synthèse, 125, 2004, p. 1-195.
-
[38]
Le volume fondateur pourrait être, sur ce plan, l’édition des actes d’un colloque de 1989 : Hagen Keller, Klaus Grubmüller et Nikolaus Staubach (dir.), Pragmatische Schriftlichkeit im Mittelalter. Erscheinungsformen und Entwicklungsstufen, Munich, Fink, 1992.
-
[39]
Ludolf Kuchenbuch, « Sources ou documents ? Contribution à l’histoire d’une évidence méthodologique », Hypothèses, 7-1, 2004, p. 287-315.
-
[40]
Joseph Morsel, « Les sources sont-elles ‘le pain de l’historien’ ? », Hypothèses, 7-1, 2004, p. 271-286.
-
[41]
Ernest Renan, L’avenir de la science. Pensées de 1848, Paris, Calmann Lévy, 1890, p. xiv : « Les sciences historiques et leurs auxiliaires, les sciences philologiques, ont fait d’immenses conquêtes […] car le propre de ces études est, aussitôt qu’elles ont atteint leur perfection relative, de commencer à se démolir. »
-
[42]
Françoise Bercé, « La circulaire sur les fouilles du 13 mars 1838 (ministère de l’Intérieur) », Bulletin archéologique du Comité des travaux historiques et scientifiques. Moyen Âge, Renaissance, temps modernes, 31-32, 2005, p. 189-193 ; Anne Lehoërff, « Pratiques archéologiques et administration du patrimoine archéologique en Italie, 1875-1895. L’exemple des anciens territoires villanoviens », Mélanges de l’École française de Rome. Italie-Méditerranée, 111, 1999, p. 73-147, ici p. 116-124.
-
[43]
Michael T. Clanchy, From Memory to Written Record: England, 1066-1307, Oxford, Blackwell, [1979] 2013 ; Paolo Cammarosano, Italia medievale. Struttura e geografia delle fonti scritte, Rome, La nuova Italia scientifica, 1991.
-
[44]
Voir par exemple Olivier Guyotjeannin, Laurent Morelle et Michel Parisse (dir.), Les cartulaires. Actes de la table ronde à Paris les 5-7 décembre 1991, Paris, École des chartes, 1993 ; Adam J. Kosto et Anders Winroth (dir.), Charters, Cartularies and Archives: The Preservation and Transmission of Documents in the Medieval West: Proceedings of a Colloquium of the Commission internationale de diplomatique (Princeton and New York, 16-18 septembre 1999), Toronto, Pontifical Institute of Mediaeval Studies, 2002 ; Patrice Beck, Archéologie d’un document d’archives. Approche codicologique et diplomatique des cherches des feux bourguignonnes (1285-1543), Paris, École des chartes, 2006 ; Elena Cantarell Barella et Mireia Comas Via (dir.), La escritura della memoria : los registros, Barcelone, Promociones y publicaciones universitarias, 2011 ; Pierre Chastang, La ville, le gouvernement et l’écrit à Montpellier, xiie-xive siècle. Essai d’histoire sociale, Paris, Publications de la Sorbonne, 2013 ; Marie Dejoux, Les enquêtes de Saint Louis. Gouverner et sauver son âme, Paris, Puf, 2014.
-
[45]
Paul Bertrand, Les écritures ordinaires. Sociologie d’un temps de révolution documentaire, entre royaume de France et empire (1250-1350), Paris, Publications de la Sorbonne, 2015.
-
[46]
Philippe Contamine et Laurent Vissière (dir.), Les chartriers seigneuriaux. Défendre ses droits, construire sa mémoire, xiiie-xxie siècle, Paris, Société de l’histoire de France, 2010 ; Valérie Theis, « Le monde de la Chambre apostolique (xie-xive siècle). Ordonner les archives, penser l’espace, construire l’institution », mémoire d’habilitation à diriger des recherches, université de Versailles Saint-Quentin, 2016. Pour une mise en perspective récente, voir Harmony Dewez (dir.), no spécial « Du nouveau en archives. Pratiques documentaires et innovations administratives (xiiie-xve siècle) », Médiévales, 76, 2019.
-
[47]
Harmony Dewez, « Réflexions sur les écritures pragmatiques », in L’écriture pragmatique. Un concept d’histoire médiévale à l’échelle européenne, Paris, Lamop, 2012, p. 20-35, https://lamop.univ-paris1.fr/fileadmin/lamop/publications/Cahiers_Histoire_Textuelle/CEHTL_5__2012_/Harmony_Dewez.pdf.re.
-
[48]
R.-H. Bautier, « La phase cruciale… », art. cit. ; Charles Braibant, Le « grenier de l’histoire » et l’arsenal de l’administration. Introduction aux cours des stages d’archives de l’Hôtel de Rohan, Paris, Imprimerie nationale, 1957. C’est aussi tout l’intérêt de la récente synthèse de Randolph Head que de rapporter et de comparer, dans un espace de temps unique, la mise en ordre des archives dans différents pouvoirs publics européens du xve au xviie siècle : Randolph C. Head, Making Archives in Early Modern Europe : Proof, Information, and Political Record-keeping (1400-1700), Cambridge, Cambridge University Press, 2019.
-
[49]
Bruno Delmas et Christine Nougaret (dir.), Archives et nations dans l’Europe du xixe siècle. Actes du colloque organisé par l’École nationale des chartes (Paris, 27-28 avril 2001), Paris, École des chartes, 2004 ; Irene Cotta et Rosalia Manno Tolu (dir.), Archivi e storia nell’Europa del xix secolo. Alle radici dell’identità culturale europea. Atti del convegno internazionale di studi nei 150 anni dall’istituzione dell’Archivio Centrale, poi Archivio di Stato, (Firenze, 4-7 dicembre 2002), Rome, Direzione generale per gli archivi, 2 vol., 2006. Pour une échelle locale, voir Attilio Bartoli Langeli, Andrea Giorgi et Stefano Moscadelli (dir.), Archivi e comunità tra medioevo ed età moderna, Rome, Direzione generale per gli archivi, 2009.
-
[50]
Ségolène Demougin (dir.), La mémoire perdue. À la recherche des archives oubliées, publiques et privées, de la Rome antique, Paris, Publications de la Sorbonne, 1994.
-
[51]
Marie Lezowski, « Sur le papier comme dans la rue. Les sbires de l’archevêque de Milan et l’efficacité de la compilation après Trente », in A. Fossier, J. Petitjean et C. Revest (dir.), Écritures grises. Les instruments de travail des administrations (xiie-xviie siècle), Paris/Rome, École des chartes/École française de Rome, 2019, p. 597-613 ; Id., « Le droit des archevêques Borromée et l’expérience notoire. Comment fonder l’usage sur un acte de foi ? », ThéoRèmes, 12, 2018 ; Marie Lezowski et Benedetta Borello, « Conflitti di precedenza, uso degli archivi e storiografia locale alla fine del Cinquecento (Pavia, 1592) », no spécial « Scritture di storia », Quaderni storici, 45-1, 2010, p. 7-39.
-
[52]
V. Theis, « Le monde de la Chambre apostolique… », op. cit.
-
[53]
Alain Tallon, L’Europe au xvie siècle. États et relations internationales, Paris, Puf, 2010, p. 175-178.
-
[54]
Arndt Brendecke, Imperium und Empirie. Funktionen des Wissens in der spanischen Kolonialherrschaft, Cologne, Böhlau, 2009. Il existe une édition anglaise revue et raccourcie : Id., The Empirical Empire: Spanish Colonial Rule and the Politics of Knowledge, Berlin, De Gruyter Oldenbourg, 2018 ; Maria Pia Donato (dir.), no spécial « Early Modern Archives », Journal of Early Modern History, 22-5, 2018 ; Diego Navarro Bonilla, La memoria escrita de la monarquía hispánica. Felipe II y Simancas, Valladolid, Ediciones universidad de Valladolid, 2018. Notons que les historiens contemporanéistes ont abordé la question de manière plus précoce : Thomas Richards, The Imperial Archive: Knowledge and the Fantasy of Empire, Londres, Verso, 1993 ; Bernard S. Cohn, Colonialism and its Forms of Knowledge: The British in India, Princeton, Princeton University Press, 1996. De manière générale, voir Tony Ballantyne, « Rereading the Nation-State: Colonial Knowledge in South Asia (and Beyond) », in A. Burton (dir.), After the Imperial Turn : Thinking with and through the Nation, Durham, Duke University Press, 2003, p. 102-121.
-
[55]
Isabella Lazzarini, « La nomination des officiers dans les États italiens du bas Moyen Âge (Milan, Florence, Venise). Pour une histoire documentaire des institutions », Bibliothèque de l’École des chartes, 159-2, 2002, p. 389-412 ; Olivier Poncet, « Les traces documentaires des nominations d’officiers pontificaux (fin xiiie-xviie siècle) », in A. Jamme et O. Poncet (dir.), Offices et papauté (xive-xviie siècle). Charges, hommes, destins, Rome, École française de Rome, 2005, p. 93-123 ; Isabelle Lazzarini, « Records, Politics and Diplomacy: Secretaries and Chanceries in Renaissance Italy (1350-c. 1520) », in P. M. Dover (dir.), Secretaries and Statecraft in the Early Modern World, Édimbourg, Edinburgh University Press, 2016, p. 16-36 ; Filippo De Vivo, « Archives of Speech: Recording Diplomatic Negotiation in Late Medieval and Early Modern Italy », European History Quarterly, 46-3, 2016, p. 519-544 ; Id., « Archival Intelligence: Diplomatic Correspondence, Information Overload, and Information Management in Italy, 1450-1650 », in L. Corens, K. Peters et A. Walsham (dir.), Archives and Information in the Early Modern World, Oxford, Oxford University Press, 2018, p. 53-85.
-
[56]
Olivier Poncet, « Entre patrimoine privé, érudition et État. Les vicissitudes des papiers des ministres de la monarchie française (xive-xviie siècle) », in M. L. Rosa (dir.), Recovered Voices, Newfounds Questions: Family Archives and Historical Research, Coimbra, Universidade de Coimbra, 2019, p. 35-51.
-
[57]
Delphine Gardey, Écrire, calculer, classer. Comment une révolution de papier a transformé les sociétés contemporaines (1800-1940), Paris, La Découverte, 2008.
-
[58]
Stéphane Péquignot et Yann Potin (dir.), Les conflits d’archives. France, Espagne, Méditerranée, Rennes, Pur, à paraître.
-
[59]
Sonia Combe, Archives interdites. Les peurs françaises face à l’histoire contemporaine, Paris, Albin Michel, 1994. L’ouvrage a bénéficié d’une nouvelle édition : Id., Archives interdites. L’histoire confisquée, Paris, La Découverte, 2001.
-
[60]
Voir les réflexions sur le tournant documentaire des anthropologues et ses liens potentiels avec les attentes des historiens dans Étienne Anheim, « L’historien au pays des merveilles ? Histoire et anthropologie au début du xxie siècle », L’Homme, 203-204, 2012, p. 399-427.
-
[61]
Filippo De Vivo, Maria Pia Donato et Philipp Müller (dir.), no spécial « Archives and the Writing of History », Storia della storiografia, 68-2, 2015, divisé en deux sections : « Scholarly Practices in the Archives, 1500-1800 », p. 15-84 et « Archives and History: Making Historical Knowledge in Europe During the Nineteenth Century », p. 85-184.
-
[62]
Olivier Poncet, « Au-delà de la preuve. La dramatisation des archives comme discours politique, social et savant (France, xvie-xviie siècle) », in S. Péquignot et Y. Potin (dir.), Les conflits d’archives…, op. cit.
-
[63]
Olivier Guyotjeannin, « Les méthodes de travail des archivistes des rois de France (xiiie-début xive siècle) », Archiv für Diplomatik, 42, 1996, p. 295-373 ; Randolph C. Head, « Knowing Like a State: The Transformation of Political Knowledge in Swiss Archives, 1450-1770 », The Journal of Modern History, 75-4, 2003, p. 745-782 ; Filippo De Vivo, Information and Communication in Venice: Rethinking Early Modern Politics, Oxford, Oxford University Press, 2007 ; Id., Patrizi, informatori, barbieri. Politica e comunicazione a Venezia nella prima età moderna, Milan, Feltrinelli, 2012 ; Id., « Cœur de l’État, lieu de tension. Le tournant archivistique vu de Venise (xve-xviie siècle) », Annales HSS, 68-3, 2013, p. 697-728 ; L. Corens, K. Peters et A. Walsham (dir.), Archives and Information in the Early Modern World…, op. cit.
-
[64]
Jacob Soll, The Information Master: Jean-Baptiste Colbert’s Secret State Intelligence System, Ann Arbor, University of Michigan Press, 2009 ; Emmanuelle Chapron, « The ‘Supplement to all Archives’: The Bibliothèque Royale of Paris in the Eighteenth-Century », no spécial « Archives and the Writing of History », Storia della storiografia, 68-2, 2015, p. 53-68.
-
[65]
John C. Rule et Ben S. Trotter, A World of Paper: Louis XIV, Colbert de Torcy and the Rise of the Information State, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2014.
-
[66]
Dieter Gembicki, Histoire et politique à la fin de l’Ancien Régime. Jacob-Nicolas Moreau (1717-1803), Paris, A.-G. Nizet, 1979 ; Blandine Hervouët, Jacob-Nicolas Moreau, le dernier des légistes. Une défense de la constitution monarchique au siècle des Lumières, Paris, Lgdj-Lextenso, 2009 ; Hermann H. Schwedt, « Das Archiv der römischen Inquisition und des Index », Römische Quartalschrift, 93, 1998, p. 267-280.
-
[67]
Sur le monde savant de la première époque moderne, voir Anthony Grafton et Lisa Jardine, From Humanism to the Humanities: Education and the Liberal Arts in Fifteenth and Sixteenth Century Europe, Londres, Duckworth, 1986 ; Anthony Grafton, Forgers and Critics: Creativity and Duplicity in Western Scholarship, Princeton, Princeton University Press, 1990 ; Id., Worlds Made by Words: Scholarship and Community in the Modern West, Cambridge, Harvard University Press, 2009 ; Ann M. Blair, Too Much to Know: Managing Scholarly Information Before the Modern Age, New Haven, Yale University Press, 2010. Sur la fin du Moyen Âge, voir Donald R. Kelley, Foundations of Modern Historical Scholarship: Language, Law and History in the French Renaissance, New York, Colombia University Press, 1970 ; Anthony Musson, « Law and Text: Legal Authority and Judicial Accessibility in the Late Middle Ages », in J. Crick et A. Walsham (dir.), The Uses of Script and Print, 1300-1700, Cambridge, Cambridge University Press, 2004, p. 95-115.
-
[68]
Donald R. Kelley, « Jean Du Tillet, Archivist and Antiquary », The Journal of Modern History, 38-4, 1966, p. 337-354 ; Elizabeth A. R. Brown, « Jean Du Tillet, François Ier and the Trésor des Chartes », in Histoires d’archives. Recueil d’articles offert à Lucie Favier par ses collègues et amis, Paris, Société des amis des Archives de France, 1997, p. 237-247 ; Olivier Poncet et Isabelle Storez-Brancourt (dir.), Une histoire de la mémoire judiciaire de l’Antiquité à nos jours. Actes du colloque (12-14 mars 2008), Paris, École des chartes, 2009 ; Randolph C. Head, « Documents, Archives and Proof Around 1700 », The Historical Journal, 56-4, 2013, p. 909-930.
-
[69]
Markus Friedrich, Die Geburt des Archivs. Eine Wissensgeschichte, Berlin, De Gruyter, 2013. L’ouvrage a été traduit en anglais : Id., The Birth of the Archive: A History of Knowledge, Ann Arbor, University of Michigan Press, 2018.
-
[70]
Orietta Filippini, Memoria della Chiesa, memoria dello Stato. Carlo Cartari (1614-1697) e l’Archivio di Castel Sant’Angelo, Bologne, Il Mulino, 2010 ; Markus Friedrich, « Les feudistes, experts des archives au xviiie siècle. Recherche des documents, généalogie et savoir-faire archivistique dans la France rurale », Bibliothèque de l’École des chartes, 171, 2013, p. 465-515 ; Maria Guercio et al. (dir.), Disciplinare la memoria. Strumenti e pratiche nella cultura scritta (secoli xvi-xviii). Atti del convegno internazionale (Bologna,13-15 marzo 2013), Bologne, Patròn editore, 2014 ; Filippo De Vivo, Andrea Guidi et Alessandro Silvestri (dir.), Archivi e archivisti in Italia tra medioevo ed età moderna, Rome, Viella, 2015 ; Markus Friedrich, « Being an Archivist in Enlightened France: The Case of Pierre-Camille Le Moine (1723-1800) », European History Quarterly, 46-3, 2016, p. 568-589. On réservera un sort spécial à l’exemplaire recensement de témoignages sur toutes les facettes d’un métier, de lieux, de meubles et d’outils intellectuels effectué dans Filippo De Vivo, Andrea Guidi et Alessandro Silvestri (dir.), Fonti per la storia degli archivi degli antichi Stati italiani, Rome, Direzione generale archivi, 2016.
-
[71]
L’ouvrage de Liesbeth Corens, Kate Peters et Alexandra Walsham (dir.), The Social History of the Archive: Record-Keeping in Early Modern Europe, Oxford, Oxford University Press, 2016 est très révélateur de cette extension de la lutte archivistique.
-
[72]
M. L. Rosa (dir.), Arquivos de família…, op. cit. ; Maria de Lurdes Rosa et Randolph C. Head (dir.), Rethinking the Archive in Pre-Modern Europe: Family Archives and their Inventories from the 15th to the 19th Century, Lisbonne, Iem, 2015. Pour un exemple de ce type de recherches, Rita Sampaio da Nóvoa, « O Arquivo Gama Lobo Salema e a produção, gestão e usos dos arquivos de família nobre nos séculos xv-xvi », thèse de doctorat, Université nouvelle de Lisbonne/université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2016.
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[73]
Olivier Rouchon (dir.), L’opération généalogique. Cultures et pratiques européennes, xv-xviiie siècle, Rennes, Pur, 2014 ; Stéphane Jettot et Marie Lezowski (dir.), L’entreprise généalogique. Pratiques sociales et imaginaires en Europe (xve-xixe siècle), Bruxelles, Peter Lang, 2016 ; Volker Bauer, Jost Eickmeyer et Markus Friedrich (dir.), Genealogical Knowledge in the Making: Tools, Practices, and Evidence in Early Modern Europe, Berlin, De Gruyter, 2019 ; Robert Descimon et Élie Haddad (dir.), Épreuves de noblesse. Les expériences nobiliaires de la haute robe parisienne, xvie-xviiie siècle, Paris, Les Belles Lettres, 2010 ; François Weil, Family Trees: A History of Genealogy in America, Cambridge, Harvard University Press, 2013.
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[74]
La diversité des portes d’entrée retenues par les chercheurs est importante. Plusieurs programmes ERC (European Research Concil) prennent ainsi les archives pour sujet direct ou indirect, comme AR.C.H.I.ves (histoire comparée des archives dans l’Italie de la fin du Moyen Âge et du début de l’époque moderne), dirigé par Filippo De Vivo (2012-2016), Open Jerusalem (histoire connectée de la citoyenneté de Jérusalem de 1840 à 1940), dirigé par Vincent Lemire (2014-2019) ou récemment VINCULUM (histoire de la transmission de la mémoire familiale par des institutions de perpétuité en Europe du xive au xviie siècle), dirigé par Maria de Lurdes Rosa (2019-2024). À d’autres niveaux, on relèvera encore le programme ARCHIFAM (histoire des archives de famille dans la péninsule Ibérique du xiiie au xve siècle), promu par la Casa de Velázquez (2013-2015) ou le projet Temas (Thésaurus des sources d’archives modernes), promu par les Archives de l’État en Belgique et l’université de Louvain (à partir de 2019).
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[75]
On voudra bien pardonner ici le jeu de mots volontaire de l’intertitre, auquel l’auteur de l’article n’a pu résister, à propos du terme « grain » en écho à l’ouvrage stimulant d’A. L. Stoler, Along the Archival Grain…, op. cit., dont la traduction française serait « dans le sens de la fibre (ou texture) archivistique », en référence à l’idiomatisme anglais against the grain, « à contre-courant ». L’autrice elle-même ne récuse pas du reste la polysémie du terme – qui comprend aussi les acceptions de « grain de blé » ou « grain de sable » – dans un échange avec des collègues francophones : Béatrice Fraenkel, Bertrand Müller et Yann Potin, « Suivre les archives dans le sens du ‘grain’. Entretien avec Ann Laura Stoler », no spécial « Archives », Écrire l’histoire, 13-14, 2014, p. 169-174.
-
[76]
Joseph Morsel, « Quand l’historien masque que la norme fabrique le crime… Le cas du registre de l’officialité de Cerisy en 1314-1315 », Genèses, 110-1, 2018, p. 55-78.
-
[77]
Yann Potin, « Institutions et pratiques d’archives face à la ‘numérisation’. Expériences et malentendus », Revue d’histoire moderne & contemporaine, 58-4/5, 2011, p. 57-69. Pour un point de vue de chercheurs qui ont pleinement conscience des effets de la numérisation de leurs propres archives d’enquêtes effectuées pour les besoins de leur recherche, voir Anne Both et Sarah Cadorel, « Pour en finir avec l’original ? Des effets du numérique sur les archives scientifiques : le cas de beQuali », in J.-F. Bert et M. J. Ratcliff (dir.), Frontières d’archives. Recherches, mémoires, savoirs, Paris, Éd. des archives contemporaines, 2015, p. 157-164.
-
[78]
Les rares exceptions concernent des classiques comme le Trésor des chartes : Yann Potin, « La mise en archives du Trésor des chartes (xiiie-xixe siècle) », thèse de l’École des chartes, 2007 ; les papiers de Guillaume de Nogaret : Sébastien Nadiras, « Guillaume de Nogaret et la pratique du pouvoir », thèse de l’École des chartes, 2003 ; la communication des archives contemporaines en France : Marie Ranquet, « L’accès aux archives publiques en France. Le droit et la pratique vus par les archivistes depuis 1979 », thèse de doctorat, École des chartes, 2016, ou en Chine : Yujue Wang, « Archives, pouvoir et société : la communication et la valorisation des archives en Chine et en France dans la deuxième moitié du xxe siècle », thèse de doctorat, École des chartes, 2014.
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[79]
Damien Hamard, « Des paléographes aux archivistes. L’Association des archivistes français au cœur des réseaux professionnels (1970-2010) », thèse de doctorat, université d’Angers, 2015, à paraître en 2020 aux Pur.
-
[80]
Sur la définition de ce champ, voir Maria de Lurdes Rosa, « Reconstruindo a produção, documentalização e conservação da informação organizacional pré-moderna. Perspetivas teóricas e proposta de percurso de investigação », Boletim do Arquivo da Universidade de Coimbra, 30, 2017, p. 547-586, ici p. 550-551.
-
[81]
Étienne Anheim et Olivier Poncet, « Fabrique des archives, fabrique de l’histoire », no spécial « Fabrique des archives, fabrique de l’histoire », Revue de synthèse, 125, 2004, p. 1-14.
-
[82]
Michel Foucault, Les mots et les choses. Une archéologie des sciences humaines, Paris, Gallimard, 1966.
-
[83]
Olivier Poncet, « Le corrispondenze reali e governative della prima epoca moderna in Francia (secoli XV-XIX). Archiviare, trasmettere e pubblicare », in A. Giorgi et K. Occhi (dir.), Carteggi fra basso medioevo ed età moderna. Pratiche di redazione, trasmissione e conservazione, Bologne, Il Mulino, 2018, p. 323-349 ; Id., « Entre patrimoine privé, érudition et État…», art. cit.
-
[84]
Selon l’expression d’Agnès Bos, « Les archives des fabriques parisiennes à la fin du Moyen Âge et à l’époque moderne », Bibliothèque de l’École des chartes, 156, 1998, p. 369-405, ici p. 378, qui parle de « démon méthodique des Lumières ».
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[85]
Il semble explicitement justifié par la circulaire fondatrice du ministre de l’Intérieur en date du 20 janvier 1854, où il est question d’« inventaires » et de « sommaires », mais pas d’inventaires sommaires : Lois, instructions et règlements relatifs aux archives départementales, communales et hospitalières, Paris, H. Champion, 1884, p. 55-57. La distinction, maintenue dans certains titres d’instruments de recherche imprimés, a souvent été omise par la suite.
-
[86]
Christine Nougaret et Bruno Galland, Les instruments de recherche dans les archives, Paris, Direction des archives de France/Documentation française, 1999, p. 29.
-
[87]
Carlo Laroche, no spécial « Que signifie le respect des fonds ? Esquisse d’une archivistique structurale », La gazette des archives, 73, 1971.
-
[88]
Denise Ogilvie, « De Daunou à Natalis de Wailly : le cadre de classement à l’épreuve du principe du respect des fonds », in M. Aubry, I. Chave et V. Doom (dir.), Archives, archivistes et archivistique dans l’Europe du Nord-Ouest de l’Antiquité à nos jours. Actes du colloque de Roubaix (2-4 décembre 2004), Villeneuve d’Ascq, Irhis-Ceges, 2006, p. 293-301.
-
[89]
Elio Lodolini, « Respect des fonds et principe de provenance. Histoire, théories, pratiques », La gazette des archives, 168, 1995, p. 201-212.
-
[90]
À titre d’exemple, voir la leçon donnée par une archiviste : Antonietta Quarta, I nessi slegati e l’ombra dell’archivio. Analisi strutturale dell’Archivio postunitario del comune di Firenze fra il 1865 e il 1876, Padoue, Libreria universitaria, 2015. Sur l’héritage critique des positions de Jenkinson dans le monde actuel des archives, voir Paige Hohmann, « On Impartiality and Interrelatedness: Reactions to Jenkinsonian Appraisal in the Twentieth Century », The American Archivist, 79-1, 2016, p. 14-25. Voir aussi, sur l’application contemporaine à des fonds d’archives anciennes de préceptes formulés par le premier manuel d’archivistique moderne (Samuel Muller, Johan Adriaan Feith et Robert Thomas Fruin, Handleiding voor het ordenen en breschrijven van archieven. Ontworpen in opdracht van de Vereeniging van Archivarissen in Nederland, Groningue, V. der Kamp, 1898), Donna Holmes, « Passive Keepers or Active Shapers: A Comparative Case Study of Four Archival Practitioners at the End of the Nineteenth Century », Archival Science, 6-3/4, 2006, p. 285-298.
-
[91]
Yves Pérotin, « L’administration et les trois âges des archives », Seine et Paris, 20, 1961, p. 1-4 ; Id., « Le grenier de l’Histoire et les récoltes excédentaires », La gazette des archives, 50-1, 1965, p. 131-143.
-
[92]
Le mot n’est pas ici à entendre comme le soutenait Elio Lodolini, « The Wars of Independence of Archivists », Archivaria, 28, 1989, p. 36-47, qui visait plus nettement la compétition entre archives, bibliothèques et centres de documentation.
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[93]
La polémique sur les archives numériques est née de l’importation, dans un cadre théorique de pensée archivistique mais à destination des décideurs politiques, d’une terminologie d’origine canadienne, forgée pour insister d’abord sur la conservation nécessaire : Christine Nougaret, Une stratégie nationale pour la collecte et l’accès aux archives publiques à l’ère numérique. Rapport à Madame Audrey Azoulay, ministre de la Culture et de la Communication, mars 1997, https://francearchives.fr/file/b0d6555950508ab637adb10ece33d381644d6d37/2017_03_24_RAPPORT_DEFINITIF_NOUGARET.compressed.pdf. La lecture sémantique qui a été faite de cette réflexion épistémologique l’assimilait abusivement à un blanc-seing donné à une politique massive d’éliminations. Voir, parmi d’autres points de vue, Marie-Anne Chabin, « Embrouille », http://www.marieannechabin.fr/2017/12/embrouille/ ; « Politique des archives publiques : ‘Les femmes ordinaires seront les premières sacrifiées’ », Le Monde, 8 mars 2018, https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/03/08/politique-des-archives-publiques-les-femmes-ordinaires-seront-les-premieres-sacrifiees_5267739_3232.html. À la suite d’une rencontre entre les Archives nationales, les signataires et d’autres historiens, il a été annoncé que les fiches individuelles de déclaration d’ivg ne seraient pas détruites.
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[94]
Alain Blum et Martine Mespoulet, L’anarchie bureaucratique. Pouvoir et statistique sous Staline, Paris, La Découverte, 2003.
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[95]
On citera ici l’ouvrage de Tim Cook, Clio’s Warriors: Canadian Historians and the Writing of the World Wars, Vancouver, University of British Columbia Press, 2006, qui met en lumière le rôle de la constitution des archives dans la construction d’une histoire militaire canadienne et, partant, d’un discours tautologique sur la question. De telles déformations sont certainement notables dans plus d’une histoire militaire nationale, tant les archives de guerre restent souvent étroitement soumises à l’autorité militaire. On notera au passage que Tim Cook a d’abord été archiviste avant de devenir un chercheur en histoire militaire.
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[96]
Francis X. Blouin et William G. Rosenberg, Processing the Past: Contesting Authority in History and the Archives, New York, Oxford University Press, 2011. On verra l’un des rares comptes rendus parus en France : Sophie Coeuré, « Autorité de l’histoire, autorité de l’archive », no spécial « Archives », Écrire l’histoire, 13-14, 2014, p. 175-177.
-
[97]
F. X. Blouin, et W. G. Rosenberg, Processing the Past…, op. cit., p. 212.
-
[98]
Voir le compte rendu de Rodney G. S. Carter, « Francis X. Blouin et William G. Rosenberg, Processing the Past: Contesting Authority in History and the Archives », Archivaria, 74, 2012, p. 222-226.
-
[99]
D’aucuns parmi les archival scientists s’aventurent même à parler de « tournant historique ». Voir, entre autres, Tom Nesmith, « What’s History Got to Do with it ? Reconsidering the Place of Historical Knowledge in Archival Work », Archivaria, 57, 2004, p. 1-27 ; Barbara L. Craig, « The Past May Be the Prologue: History’s Place in the Future of the Information Professions », Libraries & the Cultural Record, 46-2, 2011, p. 206-219.
-
[100]
Françoise Banat-Berger et Christine Nougaret, « Faut-il garder le terme archives ? Des ‘archives’ aux ‘données’ », no spécial « Les archives, aujourd’hui et demain », La gazette des archives, 233-1, 2014, p. 7-18, ici p. 16.
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[101]
Pour reprendre le titre de F. X. Blouin et W. R. Rosenberg, « Can History and Archives Reconnect: Bridging the Archival Divide », Processing the Past…, op. cit., p. 207 sq. Des spécialistes revendiqués d’archival studies dans les départements des sciences de l’information déclarent souffrir d’un manque de reconnaissance : « Les chercheurs en études archivistiques et les archivistes professionnels sont plus que volontaires pour rencontrer les chercheurs en sciences humaines à mi-distance, mais il y faut une volonté de s’engager et des règles pour le respect dans l’échange interdisciplinaire qui actuellement font défaut » (Michelle Caswell, « ‘The Archive’ Is Not an Archives: On Acknowledging the Intellectual Contributions of Archival Studies », Reconstruction. Studies in Contemporary Culture, 16-1, 2016, https://escholarship.org/uc/item/7bn4v1fk).
-
[102]
Terry Cook, « The Archive(s) is a Foreign Country : Historians, Archivists and the Changing Archival Landscape », The Canadian Historical Review, 90-3, 2009, p. 497-534.
-
[103]
Michel Melot, « Des archives considérées comme substance hallucinogène », Traverses, 36, 1986, p. 14-19.
-
[104]
J. Pouchepadass, « A proposito della critica postcoloniale… », art. cit., ici p. 675.
-
[105]
La définition « normalisée » (Afnor) du « document d’archives » est ainsi libellée : « Écrit ou enregistrement qui par lui-même ou par son support a une valeur probatoire ou informative. Singulier du mot archives » dans Bruno Delmas (dir.), Dictionnaire des archives. De l’archivage aux systèmes d’information, français-anglais-allemand, Paris, Afnor, 1991, p. 86.
-
[106]
Christine Nougaret, « Les archives privées, éléments du patrimoine national ? Des séquestres révolutionnaires aux entrées par voies extraordinaires. Un siècle d’hésitation », in I. Cotta et R. Manno Tolu (dir.), Archivi e storia nell’Europa del xix secolo…, vol. 2, op. cit., p. 737-750, ici p. 743-744.
-
[107]
Marc Aymes, « La domestication du faux », mémoire d’habilitation à diriger des recherches, École des hautes études en sciences sociales, 2016.
-
[108]
Eric Ketelaar, « Muniments and Monuments: The Dawn of Archives as Cultural Patrimony », Archival Science, 7-4, 2007, p. 343-357 ; Sylvie Mouysset, Papiers de famille. Introduction à l’étude des livres de raison, France, xve-xixe siècle, Rennes, Pur, 2007 ; Patrice Marcilloux, Les ego-archives. Traces documentaires et recherche de soi, Rennes, Pur, 2013.
-
[109]
Eric Ketelaar, Archiving People: A Social History of Dutch archives, La Haye, Stichting Archiefpublicaties, 2020, http://familiearchieven.nl/archiving-people_eric-ketelaar_2020_webversion.pdf.
-
[110]
Tamer El-Leithy, « Living Documents, Dying Archives: Towards a Historical Anthropology of Medieval Arabic Archives », Al Qantara, 32-2, 2011, p. 389-434.
-
[111]
L. Kuchenbuch, « Sources ou documents ?… », art. cit., ici p. 306.
-
[112]
Anthony Grafton, Die tragischen Ursprünge der deutschen Fussnote, Berlin, Berlin-Verlag, 1995. La traduction anglaise est la suivante : Id., The Footnote: A Curious History, Londres, Faber and Faber, 1997.
-
[113]
Pour reprendre le titre de Yann Potin, « La mise en archives du trésor de chartes (xiiie-xixe siècle) », thèse de l’École des chartes, 2007, résumée dans Positions de thèses soutenues par les élèves de la promotion de 2007 pour obtenir le diplôme d’archiviste paléographe, Paris, École des chartes, 2007, p. 173-182.
-
[114]
Le terme vaut pour les archives comme pour les éditions de textes que l’on peut en tirer : voir Bertrand Müller, « Des archives en mutation et du vertige de l’historien. Remarques historiographiques », Études et sources, 2001, p. 49-63 ; Olivier Poncet, « Les vertiges de l’historien moderniste. Éditer en contexte de prospérité archivistique (xve-xixe siècle) », in O. Canteaut et R. Große (dir.), Pourquoi éditer des textes médiévaux au xxie siècle ? 8e rencontre de la Gallia Pontificia (Paris, 17 mai 2013), http://www.perspectivia.net/publikationen/discussions/9-2014/poncet_vertiges.
-
[115]
Étienne Anheim, Le travail de l’histoire, Paris, Éd. de la Sorbonne, 2018, p. 105-126.
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[116]
Karim Boukhris, « Les ‘biais’ contenus dans les archives judiciaires. Le cas de la principauté et canton de Neuchâtel (Suisse), 1806-1876 », L’Atelier du Centre de recherches historiques, 5, 2009, http://journals.openedition.org/acrh/1517.
-
[117]
Carlo Ginzburg, Mythes, emblèmes, traces. Morphologie et histoire, trad. par M. Aymard et al., Lagrasse, Verdier, [1989] 2010.
-
[118]
Bruno Galland, « La participation de l’archiviste à la recherche historique : un rôle à redéfinir ? », La gazette des archives, 204-4, 2006, p. 211-232.
-
[119]
Enrico Castelli Gattinara, « Vérités, histoires, réalités », no spécial « L’opération épistémologique. Réfléchir les sciences sociales », Espace Temps, 84-86, 2004, p. 193-214.
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[120]
Les parallèles entre la démarche historique et les sciences de laboratoire ne manquent pourtant pas. Alors que l’on sait que les objets gardent en mémoire la trace des opérations qui ont amené à leur fabrication (Anne Lehoërff, « Le métal archéologique du côté du laboratoire. Mythes et réalités d’un matériau », in S. Boulud-Gazo et T. Nicolas (dir.), Artisanats et productions à l’Âge du bronze. Actes de la journée de la Société préhistorique française (Nantes, 8 octobre 2011), Dijon/Paris, Association pour la promotion des recherches sur l’âge du Bronze/Société préhistorique française, 2015, p. 97-108), les chercheurs prennent aujourd’hui davantage en considération des matériaux physico-chimiques impurs, également envisagés comme des enregistreurs d’évolutions à travers le temps. Voir ainsi les réflexions communes à un historien et à des scientifiques spécialistes de matériaux anciens ou du vieillissement des matériaux contemporains dans Étienne Anheim, Mathieu Thoury et Loïc Bertrand, « Micro-imagerie de matériaux anciens complexes (I) », Revue de synthèse, 136, 2015, p. 329-354.
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[121]
J. Morsel, « Traces ? Quelles traces ?… », art. cit., ici p. 851.