Notes
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[*]
Je voudrais remercier Frédérique Aït-Touati pour ses indispensables travaux, Dominique Pestre, Kapil Raj et Nicholas Dew pour leurs avis amicaux et la présidence de l’EHESS de m’avoir invité à prononcer la XXXVIe conférence Marc Bloch (2014).
-
[1]
Alfred W. CROSBY, La mesure de la réalité. La quantification dans la société occidentale, 1250-1600, trad. par J.-M. Mandosio, Paris, Alia, [1997] 2003 ; H. Floris COHEN, How Modern Science Came into the World : Four Civilizations, One 17th-Century Breakthrough, Amsterdam, Amsterdam University Press, 2010.
-
[2]
Vincent CAPDEPUY, « Au prisme des mots. La mondialisation et l’argument philologique », Cybergeo, 576, 2011, http://cybergeo.revues.org/24903 ; Nader VOSSOUGHIAN, « The Language of the World Museum : Otto Neurath, Paul Otlet, Le Corbusier », no spécial « L’œuvre de Paul Otlet », Associations transnationales, 1-2, 2003, p. 82-93.
-
[3]
Roger CHARTIER, « La conscience de la globalité (commentaire) », Annales HSS, 56-1, 2001, p. 119-123, ici p. 123.
-
[4]
Ibid., p. 119 ; voir aussi Marc BLOCH, « Pour une histoire comparée des sociétés européennes », Revue de synthèse historique, 46, 1928, p. 15-50.
-
[5]
Marie-Noëlle BOURGUET et Christian LICOPPE, « Voyages, mesures et instruments. Une nouvelle expérience du monde au Siècle des lumières », Annales HSS, 52-5, 1997, p. 1115-1151 ; Vincent JULLIEN (dir.), Le calcul des longitudes. Un enjeu pour les mathématiques, l’astronomie, la mesure du temps et la navigation, Rennes, PUR, 2002 ; Philippe DESPOIX, Le monde mesuré. Dispositifs de l’exploration à l’âge des Lumières, Genève, Droz, 2005.
-
[6]
Nicholas THOMAS, Discoveries : The Voyages of Captain Cook, Londres, Allen Lane, 2003, p. 7.
-
[7]
Daniel W. CLAYTON, Islands of Truth : The Imperial Fashioning of Vancouver Island, Vancouver, UBC Press, 2000, p. 198.
-
[8]
John C. BEAGLEHOLE (dir.), The Journals of Captain James Cook on his Voyages of Discovery, t. 3, The Voyage of the Resolution and the Adventure, 1772-1775, Cambridge, Cambridge University Press, 1961, p. CXII.
-
[9]
La fiabilité d’un instrument en voyage dépendait énormément de la réputation et de la qualité du fabricant, si bien qu’on lui attribuait son nom : un quart de cercle est ainsi nommé « Bird » ou « Ramsden », une garde-temps « Bréguet » ou « Kendall ». L’on jugeait la valeur et l’utilité de l’instrument par cette éponymie.
-
[10]
The Malaspina Expedition 1789-1794 : The Journal of the Voyage by Alejandro Malaspina, éd. par A. David et al., Londres, Hakluyt Society, 2001-2004, t. 2, p. 117 et 133 ; voir Frederica de LAGUNA, Under Mount Saint Elias : The History and Culture of the Yakutat Tlingit, Washington, Smithsonian Institution Press, 1972, p. 144 et 151.
-
[11]
Charles-Pierre CLARET DE FLEURIEU, Voyage autour du monde pendant les années 1790, 1791 et 1792, par Étienne Marchand, 2 t., Paris, Imprimerie de la République, 1797-1799, t. 1, p. 268.
-
[12]
Ibid., t. 1, p. 270 et t. 2, p. 514 ; Odile GANNIER, « Consigner l’événement : les journaux du voyage de Marchand (1790-1792) et les Isles de la Révolution », Annales historiques de la Révolution française, 320, 2000, p. 101-120 ; Glyndwr WILLIAMS, « Tupaia : Polynesian Warrior, Navigator, High Priest — and Artist », in F. A. NUSSBAUM (dir.), The Global Eighteenth Century, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 2003, p. 38-51.
-
[13]
Simon SCHAFFER, La fabrique des sciences modernes, XVIIe-XIXe siècle, trad. par F. Aït-Touati, L. Marcou et S. Van Damme, Paris, Éd. du Seuil, 2014, p. 8.
-
[14]
Harry M. COLLINS, Changing Order : Replication and Induction in Scientific Practice, Londres, Sage, 1985, p. 100-106.
-
[15]
Dominique PESTRE, À contre-science. Politiques et savoirs des sociétés contemporaines, Paris, Éd. du Seuil, 2013, p. 43-57.
-
[16]
Marc BLOCH, Les rois thaumaturges. Étude sur le caractère surnaturel attribué à la puissance royale particulièrement en France et en Angleterre, Paris, Gallimard, [1924] 1983, p. 385.
-
[17]
Id., « Le problème de l’or au Moyen Âge », Annales d’histoire économique et sociale, 5-19, 1933, p. 1-34 ; Id., Esquisse d’une histoire monétaire de l’Europe, Paris, Armand Colin, 1954 ; André BURGUIÈRE, L’école des Annales. Une histoire intellectuelle, Paris, Odile Jacob, 2006, p. 121-124.
-
[18]
Laetitia GRASSIN et Raya BEN GUIZA, « Les mécanismes institutionnels du commerce extérieur dans l’Antiquité : le cas de Carthage », Antiquités africaines, 38-39, 2002- 2003, p. 345-354, ici p. 350.
-
[19]
HÉRODOTE, Histoires, IV, 196, éd. et trad. par P.-E. Legrand, Paris, Les Belles Lettres, 1945 ; Philip James Hamilton GRIERSON, The Silent Trade : A Contribution to the Early History of Human Intercourse, Édimbourg, William Green, 1903, p. 47-48 ; Émile-Félix GAUTIER, « L’or du Soudan dans l’histoire », Annales d’histoire économique et sociale, 7-32, 1935, p. 113-123, ici p. 118-119 ; Lars SUNDSTRÖM, The Exchange Economy of Pre-Colonial Tropical Africa, Londres, Hurst, 1974, p. 22-31 ; Rainer ERTEL, « ‘Stummer Handel’ in ökonomischer Sicht », Zeitschrift für Ethnologie, 106-1/2, 1981, p. 93-98, ici p. 95.
-
[20]
Timothy F. GARRARD, « Myth and Metrology : The Early Trans-Saharan Gold Trade », The Journal of African History, 23-4, 1982, p. 443-461, ici p. 444.
-
[21]
Paulo Fernando de MORAES FARIAS, « Silent Trade : Myth and Historical Evidence », History in Africa, 1, 1974, p. 9-24, ici p. 11-14.
-
[22]
Richard JOBSON, The Golden Trade, or A Discovery of the River Gambra and the Golden Trade of the Aethiopians, Londres, Nicholas Bourne, 1623, p. 102-103 ; Edward W. BOVILL, « The Silent Trade of Wangara », Journal of the Royal African Society, 29-113, 1929, p. 27- 38, ici p. 31-33.
-
[23]
Timothy F. GARRARD, Akan Weights and the Gold Trade, Londres, Longman, 1980, p. 71-80 ; Yann DEFFONTAINE, Guerre et société au royaume de Fetu (Efutu). Des débuts du commerce atlantique à la constitution de la fédération fanti : Ghana, Côte de l’or, 1471-1720, Ibadan/Paris, IFRA/Karthala, 1993, p. 53-57.
-
[24]
Cité dans Adam JONES (éd.), German Sources for West African History, 1599-1669, Wiesbaden, Franz Steiner, 1983, p. 67.
-
[25]
Cité dans ibid., p. 89-90 ; voir P. F. de MORAES FARIAS, « Silent Trade... », art. cit., p. 18.
-
[26]
A. JONES (éd.), German Sources..., op. cit., p. 116. Voir Lc. 7, 9 et Mt. 8, 10.
-
[27]
Stephen GREENBLATT, Marvelous Possessions : The Wonder of the New World, Chicago, University of Chicago Press, 1991, p. 182, n. 34.
-
[28]
Compte rendu d’Émile DURKHEIM de l’ouvrage de P. J. H. GRIERSON, The Silent Trade..., op. cit., dans L’année sociologique, 8, 1903/1904, p. 483-486, ici p. 485.
-
[29]
René MAUNIER, « Recherches sur les échanges rituels en Afrique du Nord », L’année sociologique, n. s. 2, 1924-1925, p. 11-97, ici p. 16 ; Georges SMETS, « Le commerce silencieux », Bulletin de la classe des lettres et des sciences morales et politiques de l’Académie royale de Belgique, 5e s., 25, 1939, p. 119-131, ici p. 122 (Ceylan) ; David Harris SACKS, « The Blessings of Exchange in the Making of the Early English Atlantic », in F. TRIVELLATO, L. HALEVI et C. ANTUNES (dir.), Religion and Trade : Cross-Cultural Exchanges in World History, 1000-1900, Oxford, Oxford University Press, 2014, p. 62-90, ici p. 73-76 (Terre-Neuve).
-
[30]
G. SMETS, « Le commerce silencieux », art. cit., p. 124. Voir aussi P. J. H. GRIERSON, The Silent Trade..., op. cit., p. 64-67 et 87-88 ; E. W. BOVILL, « The Silent Trade... », art. cit., p. 34-35.
-
[31]
Karl POLANYI, « Ports of Trade in Early Societies », The Journal of Economic History, 23-1, 1963, p. 30-45, ici p. 34 ; Jean-Christophe AGNEW, « The Threshold of Exchange : Speculations on the Market », Radical History Review, 21, 1979, p. 99-118 ; James REDFIELD, « The Development of the Market in Archaic Greece », in A. J. H. LATHAM et B. L. ANDERSON (dir.), The Market in History, Londres, Croom Helm, 1986, p. 29-58, ici p. 38-41.
-
[32]
L. SUNDSTRÖM, The Exchange Economy..., op. cit., p. 31 ; P. F. de MORAES FARIAS, « Silent Trade... », art. cit., p. 10 et 19 ; Philip D. CURTIN, Cross-Cultural Trade in World History, Cambridge, Cambridge University Press, 1984, p. 12-13 ; Wilfred DOLFSMA et Antoon SPITHOVEN, « ‘Silent Trade’ and the Supposed Continuum between OIE and NIE », Journal of Economic Issues, 42-2, 2008, p. 517-526, ici p. 524.
-
[33]
Pierre VILAR, Or et monnaie dans l’histoire, 1450-1920, Paris, Flammarion, 1974, p. 63.
-
[34]
T. F. GARRARD, Akan Weights..., op. cit., p. 93 et 174-175 ; André NITECKI, Equal Measure for Kings and Commoners : Goldweights of the Akan from the Collections of the Glenbow Museum, Calgary, Glenbow Museum, 1982, p. 26 ; G. Niangoran BOUAH, L’univers Akan des poids à peser l’or, vol. 3, Les poids dans la société, Abidjan, Nouvelles éditions africaines, 1984-1985, p. 18-22.
-
[35]
Pieter de MAREES, Description and Historical Account of the Gold Kingdom of Guinea, trad. par A. van Dantzig et A. Jones, Oxford, Oxford University Press, [1912] 1987, p. 73 et 191.
-
[36]
Dirk PASSMANN, « Purchas and Swift : Where Horses Talk and Eagles Carry Men », Notes and Queries, 31-3, 1984, p. 390-391 ; Arthur SHERBO, « Swift and Travel Literature », Modern Language Studies, 9-3, 1979, p. 114-127.
-
[37]
Jonathan SWIFT, Voyages de Gulliver, trad. par P.-F. Guyot Desfontaines, Paris, Pierre Didot, [1735] 1797, t. 2, p. 69.
-
[38]
Gregory LYNALL, Swift and Science : The Satire, Politics and Theology of Natural Knowledge, 1690-1730, New York, Palgrave Macmillan, 2012, p. 89-119 ; Mark GOVIER, « The Royal Society, Slavery and the Island of Jamaica, 1660-1700 », Notes and Records of the Royal Society of London, 53-2, 1999, p. 203-217.
-
[39]
William PIETZ, « The Problem of the Fetish, II : The Origin of the Fetish », Res : Anthropology and Aesthetics, 13, 1987, p. 23-45 ; Michèle TOBIA-CHADEISSON, Le fétiche africain. Chronique d’un « malentendu », Paris, L’Harmattan, 2000, p. 79-88.
-
[40]
A. JONES (éd.), German Sources..., op. cit., p. 36.
-
[41]
Nicolas VILLAULT, Relation des costes d’Afrique, appellées Guinée, Paris, Denys Thierry, 1669, p. 262.
-
[42]
Alexandre KOYRÉ, « Du monde de l’à peu près à l’univers de la précision », Critique, 4-28, 1948, p. 806-823, ici p. 814.
-
[43]
Lucien FEBVRE, « De l’à peu près à la précision en passant par ouï-dire », Annales ESC, 5-1, 1950, p. 25-31, ici p. 30-31.
-
[44]
Zur SHALEV, « Christian Pilgrimage and Ritual Measurement in Jerusalem », no spécial « La misura », Micrologus, 19, 2011, p. 131-150.
-
[45]
Edward P. THOMPSON, « L’économie morale de la foule dans l’Angleterre du XVIIIe siècle », in F. GAUTHIER et G.-R. IKNI (dir.), La guerre du blé au XVIIIe siècle. La critique populaire contre le libéralisme économique du XVIIIe siècle, Montreuil, La Passion, 1988, p. 31-92.
-
[46]
Michèle FOGEL, Les cérémonies de l’information dans la France du XVIe au XVIIIe siècle, Paris, Fayard, 1989.
-
[47]
Jean-Claude HOCQUET, « Les mesures ont aussi une histoire », Histoire et mesure, 1-1, 1986, p. 35-49, ici p. 35-36.
-
[48]
Witold KULA, Les mesures et les hommes, trad. par J. Ritt, Paris, Éd. de la MSH, [1970] 1984, p. 11.
-
[49]
Ibid., p. 119-120.
-
[50]
Ibid., p. 277.
-
[51]
Id., « Histoire et économie : la longue durée », Annales ESC, 15-2, 1960, p. 294-313, ici p. 313.
-
[52]
Mona OZOUF, La fête révolutionnaire, 1789-1799, Paris, Gallimard, 1976.
-
[53]
Abraham SEIDENBERG, « The Ritual Origin of Counting », Archive for History of Exact Sciences, 2-1, 1962, p. 1-40 ; Robert ACKERMAN, The Myth and Ritual School : J. G. Frazer and the Cambridge Ritualists, New York, Routledge, [1991] 2002, p. 89-118.
-
[54]
Ex. 30, 12.
-
[55]
James George FRAZER, Le folklore dans l’Ancien Testament, trad. par E. Audra, Paris, Paul Geuthner, [1919] 1924, p. 267-271 ; A. SEIDENBERG, « The Ritual Origin... », art. cit., p. 19-20 ; W. KULA, Les mesures et les hommes, op. cit., p. 21-25.
-
[56]
Abraham SEIDENBERG et James CASEY, « The Ritual Origin of the Balance », Archive for History of Exact Sciences, 23-3, 1980, p. 179-226.
-
[57]
François-Olivier TOUATI, Marc Bloch et l’Angleterre, Paris, Boutique de l’histoire, 2006, p. 83-84 ; Marc BLOCH, « Pour une histoire comparée des sociétés européennes », Revue de synthèse historique, 46, 1928, p. 15-50, ici p. 18.
-
[58]
Carlo GINZBURG, « Lectures de Mauss », Annales HSS, 65-6, 2010, p. 1303-1320, ici p. 1304 ; M. BLOCH, « Pour une histoire comparée... », art. cit., p. 19, n. 2.
-
[59]
M. BLOCH, Les rois thaumaturges..., op. cit, p. 54.
-
[60]
Jacques LE GOFF, « Préface », in M. BLOCH, Les rois thaumaturges..., op. cit., p. XXXV ; C. GINZBURG, « Lectures de Mauss... », art. cit., p. 1304.
-
[61]
M. BLOCH, Les rois thaumaturges..., op. cit., p. 160.
-
[62]
Raymond CRAWFURD, « The Blessing of Cramp-Rings : A Chapter in the History of the Treatment of Epilepsy », in C. SINGER (dir.), Studies in the History and Method of Science, Oxford, Clarendon Press, 1917-1921, vol. 1, p. 165-188, ici p. 171.
-
[63]
M. BLOCH, Les rois thaumaturges..., op. cit., p. 325.
-
[64]
Ibid., p. 169.
-
[65]
Ibid., p. 171.
-
[66]
Ibid., p. 180.
-
[67]
A. SEIDENBERG et J. CASEY, « The Ritual Origin... », art. cit., p. 198.
-
[68]
ABŪ AL-FAZ̤L IBN MUBĀRAK, Ayeen Akbery, or the Institutes of the Emperor Akber, trad. par F. Gladwin (dir.), 3 vol., Calcutta, 1783-1786, t. 1, p. 279.
-
[69]
Ibid., t. 1, p. 50-54.
-
[70]
Muzaffar ALAM et Sanjay SUBRAHMANYAM, « L’État moghol et sa fiscalité, XVIe-XVIIIe siècles », Annales HSS, 49-1, 1994, p. 189-217, ici p. 197-198 ; A. SEIDENBERG et J. CASEY, « The Ritual Origin... », art. cit., p. 198.
-
[71]
The Embassy of Sir Thomas Roe to the Court of the Great Mogul, 1615-1619, éd. par W. Foster, 2 vol., Londres, Hakluyt Society, 1899, t. 2, p. 411.
-
[72]
Ibid. Voir Dan. 5, 27.
-
[73]
François BERNIER, Voyages de François Bernier contenant la description des États du Grand Mogol, 2 vol., Amsterdam, Paul Marret, 1699, t. 2, p. 55.
-
[74]
MONTESQUIEU, Lettres persanes, Cologne, P. Marteau, 1754, p. 88 (lettre XXXVIII).
-
[75]
Ibid., p. 51 (lettre XXII).
-
[76]
Simon WORTHAM, « Sovereign Counterfeits : The Trial of the Pyx », Renaissance Quarterly, 49-2, 1996, p. 334-359, ici p. 346-349 ; Stephen M. STIGLER, « Eight Centuries of Sampling Inspection : The Trial of the Pyx », Journal of the American Statistical Association, 72-359, 1977, p. 493-500, ici p. 493-494.
-
[77]
P. VILAR, Or et monnaie..., op. cit., p. 273.
-
[78]
John CRAIG, Newton at the Mint, Cambridge, Cambridge University Press, 1946, p. 48-49 ; Isaac NEWTON, Correspondence, éd. par A. R. Hall et al., 7 vol., Cambridge, Cambridge University Press, 1959-1977, t. 5, p. 82-83.
-
[79]
Charles GILDON, The Golden Spy, or A Political Journal of the British Nights Entertainments of War and Peace, and Love and Politics, Londres, Woodward/Morphew, 1709 ; Jonathan LAMB, The Things Things Say, Princeton, Princeton University Press, 2011, p. 40.
-
[80]
Jean-François BAILLON, « Les écrits sur la religion d’Isaac Newton », no spécial « Histoire et éthique des sciences et techniques », Cahiers d’Épistémé, 1, 2006, p. 27- 39 ; Tessa MORRISON, Isaac Newton’s Temple of Solomon and his Reconstruction of Sacred Architecture, Bâle, Birkhaüser, 2011.
-
[81]
Colin KIDD, British Identities before Nationalism : Ethnicity and Nationhood in the Atlantic World, 1600-1800, Cambridge, Cambridge University Press, 2004, p. 10-23.
-
[82]
S. SCHAFFER, La fabrique..., op. cit., p. 49-55.
-
[83]
Isaac NEWTON, Principes mathématiques de la philosophie naturelle, trad. par É. du Châtelet, 2 vol., Paris, Desaint et Saillant, 1759, t. 2, p. 17 (livre III, proposition VI).
-
[84]
W. KULA, Les mesures et les hommes, op. cit., p. 55.
-
[85]
Bernadette BENSAUDE-VINCENT, Lavoisier. Mémoires d’une révolution, Paris, Flammarion, 1985, p. 85-86. Je souligne.
-
[86]
Ibid., p. 201 et 215.
-
[87]
Frederic Lawrence HOLMES, Lavoisier and the Chemistry of Life : An Exploration of Scientific Creativity, Madison, University of Wisconsin Press, 1985, p. 214, 218 et 234.
-
[88]
W. KULA, Les mesures et les hommes, op. cit., p. 60.
-
[89]
Richard SHELDON et al., « Popular Protest and the Persistence of Customary Corn Measures : Resistance to the Winchester Bushel in the English West », in A. RANDALL et A. CHARLESWORTH (dir.), Markets, Market Culture and Popular Protest in Eighteenth-Century Britain and Ireland, Liverpool, Liverpool University Press, 1996, p. 25-45, ici p. 34.
-
[90]
Arne HESSENBRUCH, « The Spread of Precision Measurement in Scandinavia 1660- 1800 », in K. GAVROGLU, no spécial « The Sciences in the European Periphery during the Enlightenment », Archimedes, 2, 1999, p. 179-224, ici p. 208-209.
-
[91]
Alexandre SAVÉRIEN, Dictionnaire universel de mathématique et de physique, 2 vol., Paris, Rollin/Jombert, 1753, t. 2, p. 146.
-
[92]
Alexis PAUCTON, Métrologie ou Traité des mesures, poids et monnoies des anciens peuples et des modernes, Paris, Desaint, 1780, p. 568-602 ; voir W. KULA, Les mesures et les hommes, op. cit., p. 98.
-
[93]
A. PAUCTON, Métrologie..., op. cit., p. 210.
-
[94]
Ibid., p 116.
-
[95]
Ibid., p. 630 ; Arthur YOUNG, Voyages en France pendant les années 1787, 1788, 1789, trad. par H. J. Lesage, Paris, Guillaumin, [1793] 1860, p. 39-40.
-
[96]
Marc BLOCH, « Le témoignage des mesures agraires », Annales d’histoire économique et sociale, 6-27, 1934, p. 280-282, ici p. 282.
-
[97]
Kapil RAJ, « Mapping Knowledge Go-Betweens in Calcutta, 1770-1820 », in S. SCHAFFER et al. (dir.), The Brokered World : Go-Betweens and Global Intelligence 1770- 1820, Sagamore Beach, Science History Publications, 2009, p. 105-150, ici p. 130.
-
[98]
Sarvepalli GOPAL, The Permanent Settlement in Bengal and its Results, Londres, Allen and Unwin, 1949, p. 24. Voir aussi Ranajit GUHA, A Rule of Property for Bengal : An Essay on the Idea of Permanent Settlement, Paris, Mouton, 1963, p. 13.
-
[99]
Rosane ROCHER et Ludo ROCHER, The Making of Western Indology : Henry Thomas Colebrooke and the East India Company, Abingdon, Routledge, 2012, p. 24-32.
-
[100]
Benjamin HEYNE, Tracts, Historical and Statistical, on India, Londres, Robert Baldwin, 1814, p. 172-180 ; voir Kapil RAJ, Relocating Modern Science : Circulation and the Construction of Knowledge in South Asia and Europe, Seventeenth to Nineteenth Century, Delhi, Permanent Black, 2006, p. 69.
-
[101]
Patrick KELLY, Oriental Metrology ; Comprising the Monies, Weights and Measures of the East Indies and Other Trading Places in Asia, Reduced to the English Standard by Verified Operations, Londres, Longman, 1832, p. 11 ; James PRINSEP, Useful Tables, Part the First : Coins, Weights, and Measures of British India, Calcutta, Baptist Mission Press, 1834, p. 75-77.
-
[102]
J. PRINSEP, Useful Tables..., op. cit., p. 76.
-
[103]
Thomas B. JERVIS, Records of Ancient Science Exemplified and Authenticated in the Primitive Universal Standard of Weights and Measures, Calcutta, Baptist Mission Press, 1835, p. 86.
-
[104]
Ibid., p. XIII ; voir Matthew H. EDNEY, Mapping an Empire : The Geographical Construction of British India, 1765-1843, Chicago, University of Chicago Press, 1997, p. 268-287.
-
[105]
Sanjay SUBRAHMANYAM, « Hearing Voices : Vignettes of Early Modernity in South Asia, 1400-1750 », Daedalus, 127-3, 1998, p. 75-104, ici p. 99-100.
1 L’acte de mesurer est communément considéré comme une pratique échappant aux limites posées par les spécificités locales de chaque culture et de chaque société. Les ambitions universelles de la quantification jouent par conséquent un rôle majeur dans les histoires de la mondialisation, surtout celles qui sont consacrées aux réseaux scientifiques et commerciaux. La mesure des marchandises comme la circulation et le contrôle des informations en auraient été grandement facilités. Les pratiques de la mesure et les résultats de ces processus sont apparemment compréhensibles de la même manière partout, comme s’ils pouvaient parler pour eux-mêmes sans traduction ni médiateurs. Sans doute tout cela explique-t-il que certains historiens aient identifié l’avènement de la modernité européenne avec l’essor de l’esprit quantitatif et, simultanément, avec la capacité des Européens à voyager, piller, accumuler et dominer au-delà de leur propre monde et, en principe, partout [1].
Localisation et déplacement
2 Le visionnaire internationaliste belge Paul Otlet, qui inventa en 1916 le mot « mondialisation », et son collaborateur le plus proche, le philosophe et militant autrichien Otto Neurath, ont certainement cru que la pratique de la mesure permettrait d’établir un nouvel ordre mondial qui verrait se dissoudre les frontières entre les différents systèmes de médiation [2]. Pourtant, les techniques de mesure dépendent toujours du truchement complexe d’instruments, d’outils et de praticiens, et elles sont incorporées dans des systèmes de rituels simultanément partagés et discutables. Faire évoluer ou coïncider ces systèmes n’est ni facile ni évident en soi. Il faut s’interroger sur les significations que revêtaient ces mesures au niveau local et lancer des enquêtes sur les cérémonies et pratiques qui leur ont donné la capacité d’agir dans des mondes divers et entremêlés. L’enjeu ici est d’utiliser des histoires de médiations et de rituels comme des moyens de réfléchir, d’abord, sur la mondialisation des pratiques de la mesure et, ensuite, sur celle de la science de ces pratiques, c’est-à-dire de la métrologie.
3 L’institutionnalisation des étalons et les discours sur la standardisation, et même la plupart des récits classiques de l’histoire des sciences exactes, sont souvent considérés comme les armes de la globalisation, dans le sens le plus agressif du terme. Mais l’on peut aussi s’interroger sur la possibilité d’une histoire qui étudierait dans une perspective mondiale « les processus par lesquels des références partagées, des modèles imposés, des textes et des biens circulant à l’échelle planétaire sont appropriés pour faire sens dans un temps et un lieu particuliers [3] ». Ce n’est pas par hasard si, dans ce commentaire sur l’histoire à l’échelle globale, Roger Chartier s’est aussi demandé si cette histoire devait « être une forme nouvelle du comparatisme tel que l’avait proposé Marc Bloch en 1928 [4] ». Une nouvelle fois, les propos de M. Bloch sur les rituels de la mesure et sur les conceptions de l’univers sont mis à contribution pour envisager les modalités d’une histoire mondiale des sciences.
4 Les cérémonies de la mesure sont particulièrement éloquentes quant à l’importance de situer la mensuration au sein d’une histoire mondiale des sciences qui ne présuppose plus une asymétrie inévitable entre une raison quantitative des Européens et des usages qualitatifs des autres peuples. Il en est ainsi des mesures faites par les marins de l’océan Pacifique à la fin du XVIIIe siècle, moment où les techniques quantitatives de la détermination des longitudes en mer étaient célébrées comme les signes de la modernité occidentale triomphante, dans un contexte où l’idée d’« échelle planétaire » était au centre des entreprises scientifiques et maritimes [5]. Certains historiens ont décrit ces mesures comme étant « mathématiques et muettes ». Les navigateurs comme James Cook « se fiai[en]t davantage aux techniques et aux instruments plutôt qu’à des gens qui n’avaient aucune raison d’avoir confiance en [eux] » [6]. Selon ces historiens, les cartes tracées à partir des relevés faits dans le Nord-Est du Pacifique dans les années 1790 « dessin[ai]ent un domaine clairement scientifique », en utilisant des calculs impersonnels [7]. Cependant, ces projets d’arpentage cartographique étaient partie intégrante des processus cérémoniels. En mer, par exemple, lorsqu’un chronomètre marin était utilisé pour déterminer la longitude, ses trois verrous étaient rituellement ouverts par trois officiers différents : son statut était sacralisé. Cook l’appelait « notre fidèle amie l’horloge [8] ». On attribuait communément à ces instruments des noms qui les personnifiaient et rendaient leurs fabricants présents et actifs, pour ainsi dire, pendant les cérémonies de la mesure [9]. Il existait ainsi plusieurs systèmes sociaux qui reliaient personnes et instruments dans un réseau de rituels.
5 Il arrivait souvent que les indigènes fissent usage de ces instruments, mais il y a lieu de s’interroger sur la manière dont ils les comprenaient. Sur la côte de l’Alaska, en juin 1791, les astronomes espagnols construisirent un observatoire pour s’orienter. Les Tlingit, menés par leur chef Xune, s’approchèrent de l’observatoire, qui devint un lieu de troc. Le commandant de l’expédition écrivit dans son carnet de bord :
Je ne sais pas si un seul des nombreux natifs qui se sont approchés de l’observatoire a compris les idées religieuses concernant le Soleil par lesquelles j’ai tenté de donner de l’importance à nos observations astronomiques [10].
7 Certaines rencontres furent l’occasion de pratiques rituelles surprenantes et importantes. Charles-Pierre Claret de Fleurieu, hydrographe et administrateur, rédigea un long compte rendu d’un voyage fait dans le Pacifique en 1792 pour le commerce des fourrures. Il identifia les îles Marquises en utilisant une carte originellement destinée à Cook, qui avait été dessinée par un prêtre et navigateur polynésien, Tupaia :
Sans doute, on n’exige pas l’exactitude des cartes de Cook ou de La Pérouse dans celle d’un Insulaire qui navigue sans moyen pour mesurer la vitesse de son sillage, sans instrument pour observer sa latitude. On ne doit pas oublier qu’il n’a aucune idée précise, aucune mesure comparative des distances [11].
9 Claret de Fleurieu avait foi en « l’exactitude de l’hydrographie de Tupaia », bien plus qu’en celle des marins français, auxquels il reprochait précisément leur ignorance des rituels propres aux mesures effectuées en mer avec des chronomètres marins et des tables lunaires. Pour lui, il était « temps de tirer les navigateurs français de l’apathie humiliante qui les retient dans les chaînes d’une vieille routine » [12]. L’inversion était complète : un Polynésien fiable et exact, des Français désespérément traditionnels.
10 Cette sorte d’inversion des présupposés concernant la tradition et la raison est devenue assez commune en histoire des sciences dès lors qu’il s’agit de prendre au sérieux la manière dont les pratiques s’inscrivent dans des cadres spécifiques. Certains chercheurs se sont intéressés aux formes de médiation des techniques mises en œuvre lors des moments de rencontre et de rapport entre différentes formes de sociabilité. La mesure semble transcendante, sans doute, et donc capable sans effort de mobilité universelle, seulement et précisément parce qu’elle ne semble pas dépendre des ressources ordinaires, comme les instruments de métal, de bois ou de papier, ou des praticiens modestes comme les marins, les marchands et les ouvriers. Ces historiens des sciences ont par conséquent montré que les pratiques de la mesure sont plutôt « locales et triviales [et qu’elles] ne s’appuient pas sur des méthodes particulièrement géniales ou rationnelles [13] ». Les mesures sont étroitement liées aux lieux mêmes où elles sont effectuées. Ces lieux sont spécialement organisés pour ces pratiques, mais en retour elles contribuent à renforcer leur importance.
11 De telles affirmations posent le problème de la localisation et du déplacement. Comment des mesures élaborées à un niveau local peuvent-elles fonctionner ailleurs, et en principe partout ? L’une des techniques fondamentales pour ce faire est la calibration. Elle consiste à placer une échelle de mesure sur un instrument en l’exposant à un signal connu, puis en notant les résultats. L’hypothèse fondamentale d’un tel système est que le procédé permet de mesurer des variables inconnues si et seulement si ces variables sont de même nature que le signal utilisé pour calibrer l’instrument [14]. Une balance, un sextant ou un thermomètre sont fondés sur l’hypothèse que des entités inconnues ont des propriétés gravitationnelles, optiques ou thermiques identiques à celles qui ont été utilisées pour calibrer ces instruments. Ce principe est une sorte de régulation sociale, en ce qu’il constitue une convention partagée qui gouverne les mesures collectives et la manière dont elles offrent de nouvelles prises sur le monde [15]. Quand les mesures sont mises en doute, ces conventions partagées deviennent brusquement apparentes. Elles définissent ainsi un monde entier et ses frontières, puisqu’elles présupposent quels types de phénomènes peuvent être mesurés et, partant, connus et maîtrisés.
Le commerce silencieux
12 D’une certaine manière, toutes les pratiques de la mesure sont des rituels, car elles exigent qu’un soin rigoureux soit accordé à une séquence d’actions performatives sans lesquelles la mesure perd de sa valeur. Pour les navigateurs, les essayeurs, les comptables et les marchands, les instructions accompagnant les outils de mesure constituent des ressources vitales, particulièrement quand ces mesures font l’objet de contestations. Chaque mesure est associée à un cadre social spécifique et, par l’intermédiaire de la calibration, accompagne certaines conceptions de l’univers. Dans Les rois thaumaturges, son étude majeure sur l’émergence et la disparition des cérémonies royales des écrouelles dans la France et l’Angleterre du Moyen Âge et de la Renaissance, M. Bloch conclut ainsi : « en vérité, l’idée du miracle royal était apparentée à toute une conception de l’univers [16] ». Pour lui, qui écrivait l’histoire d’un rituel en même temps que l’histoire de la croyance en l’efficacité de ce rituel, le lien entre la cérémonie et la vision du monde était clair. Il avait compris que la manière dont le pouvoir est représenté est aussi une sorte de pouvoir.
13 Illustre spécialiste de l’argent et de la monnaie dans les marchés de l’Europe médiévale et renaissante, M. Bloch a démontré que les mesures ne voyageaient pas facilement. Elles dépendent de régimes de connaissance permettant de définir à la fois les caractéristiques d’un savoir fiable et les contenus du monde. Ces définitions sont elles-mêmes aussi fragiles que l’extension de l’ordre social dans lequel elles s’insèrent [17]. C’est pourquoi il faut dépasser les approches ethnocentriques de l’histoire de la mesure. Pourtant, notamment dans ces histoires qui retracent le triomphe rationaliste des sciences modernes, la mesure a souvent été considérée comme l’une des pratiques qui ont contribué le plus puissamment à rendre les sociétés plus homogènes, et à structurer efficacement entre elles des liens de communication et de domination. Selon les historiens du commerce dans l’Antiquité, par exemple, « l’imbrication de l’économique dans le social [18] » constituait un obstacle à l’établissement des critères communs d’appréciation des valeurs entre des groupes dont les structures sociales étaient différentes : il leur fallait définir, par conséquent, des mesures autonomes transcendant les spécificités locales. Voilà la négation de la médiation. Dans le quatrième livre de ses Histoires, Hérodote nous parle d’un pays « au-delà des colonnes d’Hercule » où les marchands carthaginois entreprirent un étrange commerce de l’or :
Lorsque [ces marchands voyageurs] ont débarqué leurs marchandises, ils les déposent en rang le long de la grève, se rembarquent sur leurs vaisseaux, et font de la fumée ; les indigènes, voyant cette fumée, se rendent au bord de la mer, déposent de l’or qu’ils offrent en échange de la cargaison, et s’en retournent à distance ; les Carthaginois débarquent, examinent l’or ; s’il leur paraît équivaloir à la cargaison, ils l’enlèvent et s’en vont ; s’il ne leur paraît pas équivalent, ils remontent sur leurs vaisseaux et s’y tiennent ; les indigènes s’approchent et ajoutent de l’or à ce qu’ils avaient déposé, jusqu’à ce qu’ils les aient satisfaits. Ni l’une ni l’autre des parties, disent les Carthaginois, ne fraude : eux-mêmes ne touchent pas à l’or avant qu’il ait atteint à leur avis une valeur égale à celle de la cargaison, et les indigènes ne touchent pas aux marchandises avant qu’eux aient pris l’or [19].
15 Bien que ce récit de troc équitable et silencieux datant de quelques millénaires soit classique et bien connu, l’on n’a jamais totalement déterminé où il avait lieu [20]. Aux XIIIe et XIVe siècles, les érudits musulmans se firent le relais d’histoires venues du Mali et d’autres royaumes ouest-africains évoquant les producteurs d’or de l’intérieur des terres, appelés par des tambours, qui négociaient avec des marchands maures du Nord. Le navigateur vénitien Alvise Cadamosto, parti pour le Sénégal au service du Portugal en 1455-1456, nota dans son livre de bord qu’un commerce silencieux prospérait à l’intérieur des terres. Au Mali, nombreux étaient ceux qui pensaient que les producteurs d’or étaient sans doute muets de naissance [21]. Le récit de Cadamosto, s’appuyant sur l’autorité d’Hérodote, se répandit largement dans les réseaux commerciaux hollandais, français et britanniques au XVIIe siècle. Le marin Richard Jobson voyagea sur le fleuve Gambie en 1620 avant d’être convaincu par le prêtre anglican Samuel Purchas de faire publier ses histoires. Il y livra le récit d’un commerce silencieux de sel échangé contre de l’or : « on dit qu’ils ont une manière équitable de commercer et qu’ils ne se voient jamais [22] ». La Guinée devint au cours du XVIIe siècle l’une des principales sources d’approvisionnement du précieux métal et un lieu de compétition commerciale entre marchands européens lors de négociations complexes avec les Akans de la région [23]. Il était de notoriété publique que ceux-ci ne contrôlaient pas l’origine de tout cet or. « L’or qu’ils emportent est contenu dans les petits sacs, chacun une mesure de poids [24]. » Selon un chirurgien bâlois, Samuel Brun, en Afrique occidentale en 1614 :
il y a une cabane, dans laquelle restent les marchandises jusqu’à ce que les gens de la frontière viennent pour les emporter et laisser de l’or en des petites cuvettes. Quand ils sont partis, les Akans arrivent, prennent de l’or et reviennent chez eux. Donc les Akans ne voient pas les marchands qui leur donnent de l’or pour les marchandises. C’est une grande merveille qu’aucun parti ne trompe l’autre [25].
17 Cela explique l’importance prise par les récits décrivant un commerce silencieux, fiable et immédiat, quelque part plus loin dans les terres. Michael Hemmersam, un orfèvre de Nuremberg qui se trouvait en Guinée en 1639, déclara : « Ils font du commerce entre eux sans se voir car ils imaginent qu’ils pourraient en mourir. » Qu’elle qu’en ait été la raison – caractère fuyant, apparence hideuse, surdité congénitale –, « les Nègres prennent la marchandise et laissent une quantité équivalente d’or. Ils sont les plus honnêtes hommes du monde. Je n’ai jamais rencontré autant de confiance ni de loyauté, pas même en Israël » [26].
18 Malgré, ou plutôt en raison de son statut mythique, l’histoire du commerce silencieux de l’or africain introduit pertinemment nos réflexions sur les cérémonies de la mesure. Le commerce silencieux reposait sur le principe que les commerçants ne se rencontraient jamais et ne comptaient sur aucun intermédiaire ni surveillant : il a donc été envisagé que des mesures partagées existaient, tandis même que les partenaires restaient invisibles et muets. Il s’est longtemps imposé comme l’idéal-type de la forme la plus primitive du commerce, un « modèle utopique » de mesures fiables produites sans aucun médiateur [27]. Selon Émile Durkheim, par exemple, « on peut se demander si les marchés ne sont pas la forme organisée de ces premiers échanges » entre des partenaires « tabous l’un pour l’autre » [28]. Des exemples du monde entier, de la Côte-de-l’Or et de la route de la Soie, d’Afrique occidentale en 1455, de Terre-Neuve en 1612 ou de Ceylan en 1681, ont été utilisés pour soutenir un modèle quasi évolutionniste selon lequel le commerce silencieux était interprété par les sociologues comme « une préparation à l’échange », sinon « l’archétype de tout échange » [29]. Des mesures communes ont été prétendument facilement réalisées par l’immédiateté de choses dont la calibration avait déjà été faite, et non par le truchement d’une médiation sociale. On imaginait que les cérémonies de la mesure n’étaient précédées d’aucune institution sociale mais, finalement, réussirent à produire de telles institutions. Ainsi quelques érudits de la première moitié du XXe siècle cherchèrent dans ces exemples de commerce silencieux la puissance originelle du marché. Leurs opposants ont rétorqué qu’« il [était] bien peu vraisemblable que ces conventions aient pu s’établir entre des gens qui ne connaissaient pas déjà l’échange conscient et calculé [30] ». Ce commerce pourrait aussi être en lien avec la méfiance ancienne et très répandue à l’égard des marchands voyageurs, souvent regardés comme hostiles et étrangers à l’ordre social. Le commerce silencieux et ses mesures primitives, disait-on, conduisaient ainsi aux systèmes plus avancés de détermination des valeurs [31]. Des enquêtes ethnographiques et historiques ont dramatiquement mis en question l’existence effective du commerce silencieux. Néanmoins, un système de mesures d’une grande fiabilité et fidélité, qui apparemment ne dépendait d’aucun réseau social ni d’aucun système de médiation, qui d’une façon ou d’une autre marchait partout et n’importe où, soutenait la notion que les mesures exprimaient les faits de la nature plutôt que les conditions sociohistoriques [32].
19 Si le commerce silencieux a donc jamais existé, ce qui est peu probable, il s’est déroulé en des lieux clés d’exploitation et du commerce mondial [33]. En réalité, le commerce guinéen était fondé sur des systèmes de mesure extrêmement sophistiqués, incarnés par les magnifiques balances conçues par les marchands akans pour peser diverses quantités de poussière d’or lors des transactions tendues menées avec des intermédiaires européens. Bien souvent, les marchands indigènes utilisaient des poids qui variaient selon le statut social de leurs partenaires commerciaux, et la poussière d’or constituait pour eux un moyen d’échange, non une marchandise en soi [34]. Les Européens critiquaient les marchands guinéens pour deux raisons : parce que les Akans ne semblaient pas comprendre que l’or provenait à l’origine de Dieu et parce qu’ils imaginaient que l’or était le Dieu des Européens [35]. Ces derniers avaient réussi simultanément à reconnaître l’agilité astucieuse avec laquelle les Akans manipulaient les poids utilisés dans les mesures, tout en insistant sur le fait que la source de l’or guinéen était dominée par un commerce silencieux omniprésent.
20 Le conte du commerce silencieux était connu sur les marchés européens du XVIIe siècle. L’écrivain et pasteur anglo-irlandais Jonathan Swift, par exemple, était fasciné par l’or guinéen, et connaissait bien certains de ces textes. Ils étaient accessibles dans sa bibliothèque privée, dans des ouvrages comme Hakluytus posthumus de Purchas (1625), qu’il utilisa pour écrire ses célèbres Voyages de Gulliver [36]. Dans cette fiction, le héros éponyme rencontre des professeurs à l’école de langue de l’Académie de Lagado qui utilisent des objets pour « exprimer les choses par les choses mêmes », afin de limiter les dégâts que la parole fait subir aux poumons. Les érudits doivent transporter avec eux des sacs pleins d’objets dont ils se servent pour converser, prétendant que « si ce système avoit lieu, toutes les nations pourroient facilement s’entendre, ce qui seroit d’une grande commodité [37] ». Ainsi ce commerce silencieux allait permettre de promouvoir un « langage universel des choses » afin de faciliter la communication entre des nations de langues différentes. Il apparaît comme un simple moyen de s’assurer que la calibration n’est pas un ensemble de conventions locales, mais un vaste système universel de valeurs absolues et immémoriales.
21 Il est clair que l’utopie dont Swift fait ici la satire est celle d’un monde dans lequel les mesures peuvent voyager sans médiateurs. Le mythe du commerce silencieux met particulièrement en lumière le fait qu’un tel commerce était considéré comme prodigieusement honnête et, malgré les nombreuses preuves du contraire, n’avait besoin d’aucun acteur local. On rapproche souvent l’usage des objets par les habitants de Lagado et les attaques de Swift contre la Royal Society à ses débuts, de ses rêves d’une science des mesures universelles et de son système d’inventaire du savoir par accumulation. La Royal Society était vue comme la sœur jumelle de la Compagnie royale africaine, principale actrice du commerce d’esclaves. Cette satire vient aussi assez directement de l’expérience britannique et irlandaise des crises monétaires liées à la mesure des valeurs [38]. La plaisanterie de Swift prend un relief particulier dans la perspective du commerce silencieux. À Lagado, il est clair que les professeurs attribuent un rôle à la fois démesuré et inadapté aux choses. Ils imaginent, à tort, que celles-ci peuvent communiquer leurs valeurs sans intermédiaires, et qu’elles contiennent en elles-mêmes des pouvoirs innés pour garantir les mesures.
22 Il s’agit là de fétichisme. Le concept du commerce silencieux – communication immédiate par les objets – s’est développé en Guinée, le lieu même où, comme William Pietz l’a magnifiquement montré, fut élaborée la notion de fétiche, c’est-à-dire l’attribution fallacieuse d’un pouvoir à des objets dépourvus de ce pouvoir [39]. Andreas Ulsheimer, chirurgien protestant souabe, qui se rendit en Guinée en 1603-1604, fit cette comparaison :
Comme les papistes qui, tous les ans à la fête de Corpus Christi, circulent dans leurs champs et les bénissent contre les orages, ainsi font les Guinéens, qui tous les ans se rassemblent dans chaque village au jour déterminé du mois d’avril, et fabriquent leur fétiche ou image du Diable pour honorer leur fétiche ou dieu faux, le Diable. Ces images ne sont rien qu’un tas pressé de crotte [40].
24 Nicolas Villault, faisant la relation de son voyage en Guinée en 1669, décrivait de tels fétiches comme des « choses inanimées, et le plus souvent si sales et vilaines, qu’on ne voudroit pas les toucher [41] ». Si les fétiches bénéficiaient d’un statut privilégié dans cette autre culture, pour le marchand français, les mesures établies dans sa propre culture permettaient d’établir une valeur indépendante de ce statut. Ainsi considérait-on que les marchandises pouvaient être échangées sans que leur valeur intrinsèque soit modifiée par quelque frontière sociale, à l’aune d’un standard apparemment universel.
Les racines de la mesure
25 Ce récit du passage décisif de cérémonies valables à l’échelle locale aux sciences globales, dont les mesures fonctionnent en tous lieux, a longtemps dominé l’histoire de la mesure. Pensons aux magnifiques histoires décrivant le passage du « monde de l’à peu près à l’univers de la précision », pour reprendre le titre d’un essai écrit par Alexandre Koyré en 1948 dans une série d’articles sur « le machinisme ». Selon lui, c’est parce qu’elles n’avaient pas la notion d’un monde précisément mesuré que les sociétés du passé n’ont pas pu accéder à la modernité technologique. « Ce n’est pas le thermomètre qui manque, c’est l’idée que la chaleur soit susceptible d’une mesure exacte [42]. » A. Koyré rendait les régimes de calibration responsables de l’émergence de la modernité. Quels types de systèmes sociaux pouvaient permettre ou empêcher l’émergence d’une telle idée de l’exactitude ? Lucien Febvre répondit à la question d’A. Koyré dans les Annales en 1950 : il acceptait totalement l’affirmation que la calibration faisait défaut aux sociétés anciennes. Il ajoutait que le plus important était la confiance dans le témoignage plutôt qu’en une mesure immédiate : « Monde de l’à peu près, oui. Mais ce n’est point assez dire. Royaume de Ouï-dire, non moins [43]. » Selon L. Febvre, la confiance que les savants accordaient aux histoires d’autrui a longtemps rendu impossible l’institutionnalisation d’une compréhension profonde de ce qui était possible, et impossible, dans la nature.
26 Mais il est quelque peu trompeur d’identifier simplement les mesures de précision au récit wébérien du désenchantement rationaliste. On trouve des exemples spectaculaires de rituels de mesure accomplis par des pèlerins à Jérusalem, comme l’historien Zur Shalev l’a montré. Le Temple de Salomon et d’autres lieux sacrés étaient l’incarnation des mesures de précision. On donnait aux pèlerins des standards de longueur pour calibrer les dimensions de leurs corps par rapport à celles des lieux saints, lesquelles étaient parfois imprimées dans les guides. Des cordelettes ayant été soigneusement mesurées dans les lieux saints étaient utilisées pour soigner les souffrances physiques. Certains textes de la Renaissance et du XVIIe siècle contenaient des plans détaillés du Temple et d’autres édifices saints. Des villes européennes possédaient des maquettes très précises construites à l’échelle pour donner à voir les mesures divines [44]. Les pratiques rituelles, les pouvoirs étatiques et divins, ainsi que les activités de mesure et d’échanges étaient liés. Ce fut particulièrement vrai pendant les grandes luttes de « l’économie morale » de la société agraire, selon la formule mémorable d’Edward Thompson [45]. À cette occasion, les moindres détails des rituels de mesure du grain devinrent le lieu de conflits autour de la calibration, des standards et de questions plus générales d’économie. Ces cérémonies de la mesure tendues ont un fonctionnement semblable à celui de ce que Michèle Fogel a justement nommé les « cérémonies de l’information », rituels par lesquels l’État de l’époque classique produisait de l’information par la publicisation de l’exercice même du pouvoir [46]. Il était sans doute tentant pour A. Koyré et ses proches, les grands historiens de la transition progressive vers les sciences modernes, de supposer que l’histoire de la mesure engageait un mouvement tardif mais inexorable du local vers l’universel. Cependant, il doit aussi exister des cas où la possibilité de délocaliser les pratiques ritualisées de la mesure restait néanmoins étroitement conditionnée par leur origine locale.
27 Les historiens des sciences ont toujours été fascinés par les problèmes de l’incommensurabilité, et intéressés par les manières dont certaines pratiques scientifiques manifestent des visions du monde spécifiques. Et si le terme « incommensurabilité » était envisagé dans un sens plus littéral ? L’étude désormais classique de Witold Kula sur la signification sociale des institutions de mesure commence par des remarques sur les liens historiques entre le développement des systèmes métrologiques et les conditions socioéconomiques [47]. Ainsi écrit-il que, pour les marchands d’or d’Afrique occidentale « dont l’économie est fondée sur l’exploitation des sables aurifères, c’est le système des poids qui est très poussé [48] ». Dans son analyse détaillée du passage des cultures européennes d’un système de mesures liées aux choses mêmes à des systèmes aussi abstraits et universels que le système métrique, W. Kula retrace le mouvement déshumanisant vers l’objectivité et fait de la France révolutionnaire un moment clef. Selon lui, deux conditions devaient être remplies pour la victoire finale du mètre : l’égalité devant la loi et l’aliénation de la marchandise [49]. Les politiques de la raison et du commerce sont facilement reconnaissables. Il achève son étude par un « post-scriptum en hommage aux préfets ». Contre l’attaque postrévolutionnaire de François-René de Chateaubriand conspuant le « tyranneau » du mètre jacobin, W. Kula chante les louanges de l’État mesuré :
Les préfets [...] tenteront et parviendront à unifier d’autres catégories de pensée des hommes soumis à leur administration. Dans leurs efforts, ils auront encore beaucoup de succès. Ils réussiront [...] jusqu’à ce que vienne un jour où nous nous comprendrons tellement bien que nous n’aurons plus rien à nous dire [50].
29 Cette vision utopique du commerce silencieux n’est pas encore tout à fait atteinte. Déjà, dans un essai publié en 1960 dans les Annales, W. Kula affirmait que puisque « la chute brutale de la domination politique européenne sur le monde a eu pour corollaire l’adoption par le monde entier du modèle social créé par cette même Europe », il s’ensuivait que « le devoir de l’histoire consist[ait] [...] à interroger le passé dans le dessein de découvrir ce qui [...] a conduit à cette unification » [51]. Pensait-il que l’avenir des mesures était assuré pour toujours ? Probablement pas, même si ce fut souvent le rêve des ritualistes, notamment dans la culture révolutionnaire dont W. Kula faisait l’éloge, et dont Mona Ozouf a si brillamment exploré les cérémonies sacrificielles et utopiques [52].
30 Dans certains rituels du pouvoir sacré, ce sont les mesures de différentes marchandises qui étaient en jeu. Alors que L. Febvre voyait les racines de la précision moderne dans le remplacement d’une pratique sociale de confiance par l’adoption immédiate des rituels de mesure, d’autres chercheurs défendaient les origines rituelles des pratiques de la mesure. Plutôt que de supposer que l’ordre social était obtenu par des techniques de précision, des anthropologues et des mathématiciens ont affirmé que l’emprise des mesures était le résultat de rituels sociaux globalement répandus. Des spécialistes de l’Antiquité et des anthropologues comparatistes du début du XXe siècle, tels que James Frazer, Jane Harrison et Arthur Hocart, défendirent l’idée d’une relation étroite et complémentaire entre mythe et rituel. Le grand mathématicien américain Abraham Seidenberg et d’autres utilisèrent ensuite cette approche pour explorer les origines rituelles de la mesure. Ils affirmaient que dans certains rituels primordiaux de fertilité, les principaux participants couraient le risque d’être sacrifiés et tués. Ces rituels étaient donc absolument nécessaires, mais également assez dangereux. De fait, les protagonistes sacrificiels participaient au rituel en tant que gages équivalents, plutôt qu’en tant que personnes, et l’on utilisait par exemple des galets ou des pièces comme substituts au participant sacrifié [53].
31 C’est ce qui expliquerait qu’il existe dans de si nombreuses cultures un puissant interdit à l’égard du dénombrement direct des individus. Ainsi Moïse reçoit-il cette instruction : « Lorsque tu compteras les enfants d’Israël pour en faire le dénombrement, chacun d’eux paiera à l’Éternel le rachat de sa personne, afin qu’ils ne soient frappés d’aucune plaie lors de ce dénombrement [54]. » W. Kula a rapporté quantité de manifestations plébéiennes et paysannes de méfiance à l’égard de la mesure et du calcul, qu’il a classées comme des superstitions de la puissance du recensement et de la balance [55]. Un grand nombre de témoignages ethnographiques de cérémonies de pesée de l’âme issus de sources classiques et renaissantes en Europe centrale furent recueillis par l’ethnographe autrichien Leopold Kretzenbacher au milieu du XXe siècle. Ce matériau fut aussi utilisé pour souligner l’importance de la balance comme élément central du rituel de substitution. Les instruments étaient présentés comme des éléments de la cérémonie permettant d’établir une équivalence fiable entre le protagoniste à sacrifier et l’offrande faite à sa place. On en a conclu que ces rituels étaient principalement représentés par des activités de mesure telles que l’équilibrage, le recensement et le système fiscal. Le monarque divin devenait ainsi l’agent qui calculait les taxes comme substitut du décompte direct des personnes [56].
32 Cette remarquable mise en relation du rituel et des origines de la mesure s’inscrivait dans une approche diffusionniste de l’anthropologie culturelle et visait à contrer les ambitions du fonctionnalisme structurel au milieu du XXe siècle. Il ne s’agit pas ici de prolonger les propositions de cette ethnographie universelle d’un système rituel global, qui nous informe davantage sur l’histoire des sciences humaines que sur les anciennes pratiques de la mesure. Le fait est que les pratiques locales de la mesure étaient liées aux cérémonies d’offrande et de sacrifice. En construisant son histoire des pratiques rituelles et du pouvoir royal, M. Bloch engagea le dialogue avec les travaux de J. Frazer et de ses collègues. En 1922, celui-ci reçut un doctorat honorifique de l’université de Strasbourg, où l’auteur des Rois thaumaturges enseignait. Dans son ambitieux programme d’histoire comparée de 1928, ce dernier discuta l’approche commune adoptée par les philosophes des Lumières et par J. Frazer, une approche qui considérait possible de comparer les sociétés éloignées de la modernité européenne aux sociétés primitives [57]. Dans sa conférence Marc Bloch de 2010, Carlo Ginzburg a souligné avec raison qu’« avant de rejeter la comparaison ethnographique, qu’il associait au nom de Frazer, Bloch l’examinait comme une alternative légitime [58] ». M. Bloch rédigea de copieuses notes manuscrites sur les défauts de la méthode de l’anthropologue. Il distingua soigneusement l’ethnographie comparative frazérienne de « l’histoire comparée à horizon restreint », qui retrace les pratiques rituelles dans des sociétés souvent très proches les unes des autres. « Ne transportons pas les Antipodes tout entiers à Paris ou à Londres [59] », écrivit-il. Mais il faut néanmoins tenter de comprendre ce qui se passe lorsque de tels transferts ont eu lieu dans le contexte des circulations coloniales et mondiales, et quels types de mesures en furent déduits puis en découlèrent.
Les rituels royaux
33 Prenons l’un des meilleurs exemples que donne M. Bloch des rituels de la mesure. À la suite de Jacques Le Goff, C. Ginzburg signale l’absence frappante, dans Les rois thaumaturges, de toute référence aux travaux de Marcel Mauss, qui publia son Essai sur le don un an plus tard [60]. Au cœur de son étude de la royauté médiévale et des rituels de guérison, M. Bloch analyse une cérémonie anglaise qui articule cérémonie du don, mesure équitable et autorité royale. À partir du XIIIe siècle, tous les vendredis saints, le roi d’Angleterre s’avançait vers un autel surmonté d’une croix. Au pied de l’autel, il disposait de l’or et des pièces d’argent. « Il reprenait ces pièces, les ‘rachetait’ disait-on, en mettant à leur place une somme équivalente en espèces monnayées quelconques [61] », généralement vingt-cinq shillings. Des anneaux étaient forgés dans le précieux métal ainsi échangé, et furent considérés, au moins à partir du XVe siècle, comme des talismans curatifs efficaces contre l’épilepsie, la maladie sacrée. Selon un témoignage du XVe siècle, le pouvoir guérisseur de « l’or et [de] l’argent dévotement touchés et offerts, selon l’ancienne coutume, par les mains sacrées et ointes des Rois d’Angleterre a été avéré en étant souvent mis à l’épreuve dans de nombreuses parties du monde [62] ».
34 Ces anneaux magiques, ou cramp rings comme on les appelait en référence à l’épilepsie, devinrent un élément important de la diplomatie anglaise. En 1510, l’ambassadeur anglais auprès de Charles Quint demanda qu’on envoyât des anneaux au souverain Habsbourg. Cinq ans plus tard, un espion génois opérant à Paris demanda une douzaine d’anneaux pour les vendre à de riches Français, pendant que l’ambassadeur anglais en France affirmait que des Parisiens lui avaient offert le double de leur valeur pour ces anneaux sacrés [63]. Lorsqu’Élisabeth Ire accéda au trône en 1558, la cérémonie de l’échange rituel et de la bénédiction des anneaux cessa entièrement. Les Anglais commencèrent alors à forger des anneaux guérisseurs pour leur propre usage, puis pour les vendre. Selon M. Bloch, dans un premier temps, « une opération de nature en quelque sorte juridique formait le nœud de l’action : l’offrande des pièces d’or et d’argent et leur rachat moyennant une somme équivalente [64] ». De même que l’ethnographie comparée explique que le rituel de la balance a émergé du besoin d’établir une équivalence cérémonielle entre la victime sacrificielle et l’offrande substitutive, de même, « pour que l’offrande ait quelque sérieux et, partant, quelque efficacité, on ne reprendra le don qu’en payant, comme lorsqu’on achète une chose à son légitime propriétaire [65] ». Dans un deuxième temps, M. Bloch a expliqué comment les monarques anglais se sont assuré le contrôle exclusif de la cérémonie par leur capacité à rendre les anneaux efficaces. À partir du XVIe siècle, ceux-ci étaient fabriqués à l’avance, et seul le contact rituel entre les anneaux et les mains ointes du monarque leur conférait leur pouvoir. Le système d’équivalence rituelle fut abandonné ou oublié. Par cette mainmise de la monarchie sur le métal sacré, celui-ci ne pouvait plus être inclus dans un processus de mesure : « l’antique pratique du faux don et faux rachat n’était plus guère comprise [66]. »
35 L’analyse subtile que propose M. Bloch de la cérémonie des anneaux magiques met en lumière le rôle que les rituels de la mesure jouaient dans les domaines de la politique et du savoir officiel. Il s’est particulièrement intéressé aux changements qui ont touché ce qu’on pourrait appeler des démonstrations de force dans lesquelles la mise en scène d’une équivalence était liée à la démonstration du pouvoir officiel. La méthode quantitative expérimentale, qu’A. Koyré et L. Febvre considéraient comme une réussite majeure de la première modernité, ainsi qu’une rupture décisive avec les traditions antérieures de performance rituelle, émergea pourtant de ces cérémonies publiques. La balance et les techniques du corps impliquées dans cet ensemble de pratiques étaient essentielles. Comme M. Bloch le fit remarquer, la monarchie anglaise exploita et transforma la cérémonie en substituant le rôle des corps sacrés à celui qu’avait l’échange équilibré. Les monarques de la maison de Habsbourg cultivèrent également ces types de transformations. Charles Quint mit en place une balance publique sur laquelle les personnes accusées de commerce avec les démons pouvaient être pesées, puis repartir avec un certificat de pureté morale. Au début du XVIIe siècle, son petit-fils Philippe III donna en offrande quatre fois son poids en or et sept fois son poids en argent pour la guérison de son fils malade [67]. Dans les espaces institutionnels tels que les églises, les hôtels des monnaies, les académies et les cours, des expériences collectives dramatisaient simultanément un ordre moral et l’expression de l’autorité monarchique sur les pouvoirs de la nature et de l’État.
36 Les rites royaux de pesée du corps comme élément du pouvoir monarchique et de l’ordre fiscal étaient loin d’être limités aux royautés européennes. Ils étaient monnaie courante dans les récits des orientalistes qui s’appuyaient sur la longue tradition des souverains d’Asie du Sud, dont les corps étaient pesés au moyen de marchandises précieuses. Dès la période des Gupta, au IVe siècle de notre ère, les monarques étaient pesés au moyen de métaux précieux, tandis que la valeur équivalant à ces métaux en grains et autres marchandises était donnée aux pauvres. Dans les années 1500, au moment où les Tudors prirent le contrôle de la cérémonie des anneaux médicinaux, les gouverneurs moghols, désireux de s’identifier avec les traditions anciennes de la monarchie d’Asie du Sud, ressuscitèrent et développèrent ces rituels, et organisèrent deux fois par an de grandes cérémonies de pesée du corps du monarque et d’offrandes charitables, puis étendirent cette pratique aux fils des souverains et aux courtisans à honorer. Selon le Ain-i-Akbari, composé en 1590 par l’éminent conseiller de l’empereur Akbar, Abū al-Faz̤l ibn Mubārak, le souverain était pesé au moyen de poids de différentes sortes, en particulier de l’or, du mercure, du fer, de la soie, des parfums, des remèdes médicinaux et du grain, avant le grand potlatch de l’offrande rituelle [68]. De manière très significative, Abū al-Faz̤l ouvrit son traité par une longue description de la Monnaie impériale. Rappelant les réformes monétaires successives accomplies par les ministres moghols, il insista sur le fait que « l’édifice du monde » était fondé sur l’efficacité du système fiscal et de ses rituels. Au tout début d’une histoire naturelle du système administratif de la cour moghole, il dressait le tableau des densités relatives d’une grande variété de substances, expliquait comment les alliages étaient obtenus et offrait une cosmologie des métaux [69].
37 Le texte et les cérémonies décrites correspondaient à une image de l’équilibre idéal entre une élite terrienne et le système commercial remanié pendant le XVIe siècle. L’importance de telles cérémonies d’alliage et de pesée était connue, par exemple, par le chroniqueur portugais Fernão Mendes Pinto, qui les relata en détail dans le récit de ses voyages asiatiques à la fin du XVIe siècle [70]. Thomas Roe, ambassadeur anglais à la cour de Jahāngīr à Agra en 1616-1617, rendit compte, non sans perplexité, mais en détail, du rituel moghol de la mesure des corps :
Si j’ai bien compris, le poids de l’empereur est de neuf mille roupies, ce qui fait près de mille livres sterling, en or, bijoux et pierres précieuses, mais je n’en ai rien vu : tout étant dans des sacs, et il est possible qu’il se soit agi de bimbeloterie [71].
39 Le chapelain de Roe proposa l’analogie biblique évidente avec la chute de Babylone devant les Perses, puis en tira l’astucieuse conclusion politique suivante :
Quand je vis Jahangir dans la balance, j’ai pensé à Belshazzar, qu’on trouvait trop léger. Les médecins tiennent une mesure annuelle de son poids, et prétendent par ce moyen deviner l’état présent de son corps, dont ils parlent de façon très flatteuse, quel que soit leur avis véritable sur la question [72].
41 Ce motif se répandit donc chez les orientalistes s’intéressant aux questions d’accumulation et de commerce en Asie du Sud. Dans son ouvrage posthume intitulé Description des États du Grand Mogol, François Bernier décrivit ainsi la cérémonie de pesée de l’empereur Aurangzeb dans les années 1660 :
Le troisième jour de cette fête, le roi se fit peser avec beaucoup de cérémonie, et après lui plusieurs omerahs [émirs], avec de grandes balances et des poids qu’on dit être d’or massif. Il me souvient que tous les omerahs témoignèrent une grande allégresse de ce que le roy pesait deux livres davantage que l’année précédente [73].
43 C’est à Bernier que Montesquieu emprunta pour les Lettres persanes sa condamnation de l’excès et de la tyrannie royaux :
Quand je vois le Mogol qui, toutes les années, va sottement se mettre dans une balance et se faire peser comme un bœuf ; quand je vois les peuples se réjouir de ce que ce prince est devenu plus matériel, c’est-à-dire moins capable de les gouverner, j’ai pitié de l’extravagance humaine [74].
45 Montesquieu avait compris que de tels rituels publics de la mesure avaient une importance politique majeure : « ce roi est un grand magicien [75] ». Telle est la phrase des Lettres persanes que M. Bloch a choisie comme épigraphe aux Rois thaumaturges. Par sa réflexivité, Montesquieu avait déjà vu combien ces leçons, en dépit de leur exotisme, s’appliquaient aussi bien aux Européens qu’aux peuples des royaumes orientaux.
Les épreuves des valeurs
46 Pour illustrer le rôle de ces rituels de la mesure à l’intérieur des réseaux mondiaux de commerce de l’époque, et dans leurs relations entre eux, un retour à l’or guinéen s’impose. Deux phénomènes étaient étroitement liés et occupaient les mêmes lieux : le commerce silencieux d’une part, dans lequel des personnes qui ne pouvaient pas se comprendre établissaient des mesures par l’intermédiaire d’objets, et le fétichisme superstitieux d’autre part, dans lequel les choses qui ne pouvaient pas se faire comprendre elles-mêmes étaient secrètement mesurées par l’intermédiaire de personnes. Pour les marchands anglais comme les collègues de Roe, cet or constituait l’élément central d’une cérémonie de la mesure tout à fait comparable à celles des anneaux magiques et du toucher royal. Au moment où ces grands rituels du pouvoir royal furent pour la première fois institutionnalisés, et précisément dans les mêmes lieux, le régime anglais établissait également des rituels de la mesure pour la monnaie d’or faite à partir du métal guinéen.
47 Étroitement liée au fonctionnement de la Monnaie royale à la Tour de Londres et au centre du pouvoir royal à Westminster, l’épreuve de la pyxide fut ainsi nommée en raison de la boîte dans laquelle des pièces choisies au hasard étaient placées avant l’épreuve. Le premier témoignage de cette cérémonie date du milieu du XIIIe siècle, puis elle fut régulièrement tenue à partir du XIVe siècle. Elle est donc contemporaine des rituels royaux du toucher des scrofuleux et des anneaux magiques. La pyxide était à l’origine le coffret dans lequel les hosties étaient gardées avant la messe. Une pièce était sélectionnée après chaque « journée », correspondant à une période de production d’environ quinze livres d’or. La pyxide était fermée par trois serrures, comme c’était le cas pour nombre de systèmes de fermeture sécurisés – tels que les portes des salles privées, les coffres dans lesquels on gardait les trésors ou les boîtiers des garde-temps marins – et de dispositifs rituels sacrés, y compris les chronomètres marins qui accompagnaient les navigateurs lors des expéditions en mer. On y disposait un sac en cuir qui contenait lui-même des pièces pour chaque « journée ». Le contenu de chaque sac était alors pesé et testé par le feu devant un jury choisi d’orfèvres, après que chacun eut prêté serment de manière solennelle. Un échantillon de l’or qui avait servi à calibrer les pièces était conservé dans la chapelle de la pyxide à l’abbaye de Westminster [76].
48 L’épreuve de la pyxide était parfois l’occasion pour le roi de contrôler personnellement et d’évaluer la valeur des pièces fabriquées à la Monnaie royale. La ressemblance était grande entre les offrandes de pièces pour la cérémonie des anneaux et pour celle de la pyxide. La prérogative royale était conçue comme la source de tout le système de valeur. De manière significative, cette épreuve publique qui reliait la personne du monarque et la mesure du métal était conçue à la fois pour déterminer la valeur de la monnaie d’or et pour établir publiquement que l’État pouvait compter sur cette valeur. Comme Pierre Vilar l’a montré dans sa grande histoire de l’or et de l’argent, il existe une coïncidence remarquable entre la stabilisation de la devise entre 1696 et 1714 et le renforcement des réseaux commerciaux mettant en relation la Guinée, le Brésil et les Caraïbes avec les marchés européens [77]. La connexion était étroite entre cette valeur de l’or, le commerce guinéen, et le développement de mesures mondiales.
49 En 1696, soit à la même époque, Isaac Newton, savant et fonctionnaire, devint le directeur de la Monnaie et s’investit particulièrement dans le processus nommé « grand remonnayage » (Great Recoinage). Il tenait à une stricte précision dans le pesage et chercha à corriger ce qu’il considérait comme une inacceptable tolérance de marge d’erreur dans le poids moyen des pièces. Si les pièces d’or étaient jugées trop légères pendant la cérémonie, il devait rembourser lui-même la perte de valeur. En 1710, par exemple, il dénonçait la qualité de l’étalon avec lequel les pièces d’or étaient comparées par les orfèvres [78]. À Londres, comme en Guinée, des pouvoirs considérables pouvaient être attribués à des substances inanimées si, et seulement si, elles étaient soumises aux justes mesures. Ce n’est pas une coïncidence si l’un des premiers récits de fiction qui avait comme protagoniste un objet doté de pouvoirs était The Golden Spy de Charles Gildon, paru en 1709, dont le héros éponyme est une pièce fabriquée avec de l’or guinéen. La mesure et ses cérémonies dominaient la culture publique du monde newtonien [79].
50 En tant que directeur de la Monnaie, Newton fut très impliqué dans l’épreuve de la pyxide, le commerce guinéen et leurs divers rituels de la mesure. Il travaillait au centre d’un commerce mondial et simultanément cherchait à établir le rôle des mesures rituelles dans l’histoire de cosmologie. Ses vastes recherches sur les dimensions du Temple de Salomon lui fournirent le lien entre ces différents domaines. Newton était le témoin des reconstitutions du Temple présentées à Londres et, comme Swift, lisait les récits des voyageurs d’Afrique et du Levant. Il partageait l’opinion selon laquelle les livres sacrés contenaient des descriptions de rituels de précision sous le voile des mythes. Une analyse détaillée des mesures du Temple s’ensuivit, qu’il souhaitait publier dans ses écrits sur la coudée sacrée. Il y démontrait que les anciens connaissaient le vrai système de l’univers et l’avaient matérialisé dans les mesures exactes des dimensions de leurs temples [80]. Son étude des cérémonies de la mesure était donc liée à ce que l’historien Colin Kidd appelle la « théologie ethnique », le projet des savants du XVIIIe siècle de comprendre par quels moyens les habitants du monde ancien, en Asie, en Afrique et en Europe, avaient déjà réussi à construire les réseaux mondiaux de commerce et de voyage entre les cultures [81].
51 Les efforts entrepris par Newton au début du XVIIIe siècle pour calibrer les valeurs des pièces d’or lors de la cérémonie de l’épreuve de la pyxide selon les dimensions des mesures anciennes étaient contemporains de ses tentatives pour calibrer les mesures collectées dans le monde entier. En 1712-1713, par exemple, Newton et ses collègues rédigèrent une nouvelle version des Principia mathematica, dans laquelle les évaluations mondiales des mesures de longueur et de temps faites par les voyageurs français aux Antilles et en Amérique du Sud, ou par des agents des compagnies commerciales en Inde et en Chine, furent intégrées à un nouveau « système du monde » [82]. Les newtoniens entreprirent en outre de mesurer les densités de toute une série de substances à la Monnaie et dans leurs ateliers. L’affirmation la plus importante des Principia était que toutes les matières réagissaient à la gravité dans les mêmes proportions. Newton le démontra en testant les mouvements de balances et de pendules « d’argent, de plomb, de verre, de sable, de sel commun, de bois, d’eau et de froment [83] », et en utilisant l’or comme la substance à l’aune de laquelle toutes les autres substances étaient calibrées.
52 À la suite de ces expériences menées sur une grande diversité d’objets et de matières, le rôle joué par la balance et le pendule dans les rituels de la mesure des Lumières, établi par la philosophie newtonienne de la nature, allait devenir incontournable. Ces mêmes techniques allaient s’imposer aux bureaux d’essai et aux systèmes nationaux des États au XVIIIe siècle comme les rituels publics les plus importants. « ‘Créer une mesure’ exige un travail intellectuel complexe. Les différences de qualité d’articles comme le fromage, le beurre, l’huile, la laine et les clous sont si importantes qu’elles font oublier leur seule qualité commune : le poids [84]. » Ainsi, pendant les essais qu’il pratiqua précisément sur une telle variété de marchandises, Newton faisait beaucoup plus que réaliser « un travail intellectuel complexe ». Il utilisait les rituels de l’essai pour montrer que le poids pouvait bien être considéré, et ensuite défini, comme « une qualité commune ». L’établissement d’une organisation qui pouvait produire des techniques mobiles et fiables requérait un réseau réglementé d’échange de biens et, en retour, permettait de le garantir.
53 Par exemple, la feuille de tabac, dont le statut de marchandise dépendait des régulations gouvernementales sur la taille du tonneau, devint une marchandise fiable grâce aux rituels mis en œuvre dans les laboratoires des impôts. Comme au Royaume-Uni, la feuille de tabac devint en outre partie intégrante du système d’achat des fermiers généraux français, qui avaient le monopole de son importation de Virginie via Glasgow. Elle était donc une marchandise d’importance pour un percepteur expert comme Antoine Lavoisier, qui surveillait les dépôts de tabac et contrôlait les taxes sur les biens entrant dans la capitale. Comme Bernadette Bensaude-Vincent l’a montré, pour Lavoisier et ses collaborateurs, « la balance définit un nouvel espace au cœur du laboratoire, presque un sanctuaire [85] ». Le terme de « sanctuaire » est approprié. Le motif de la balance incarnait en une série de gestes tout un éventail de significations sociales dans les domaines de la comptabilité, du commerce, de la politique et de la morale : « les gestes de pesée effectués par Lavoisier entrent en résonance avec d’autres pratiques de bilans, d’inventaires, d’algébrisation en usage dans d’autres variétés culturelles qui sont implicitement mobilisées chaque fois que Lavoisier fait appel au jugement de la balance [86] ». Et ces « gestes de pesée » étaient systématiquement et ingénieusement joués comme des rituels politiques. Entre 1783 et 1785, le roi de France, ses ministres, les académiciens et les administrateurs furent les témoins de la synthèse et de l’analyse de l’eau menées par Lavoisier. D’une manière évocatrice d’un cérémonial plus ancien, les chimistes cherchèrent à démontrer au gouvernement la vérité de la composition gazeuse de l’eau. Les historiens s’accordent pour dire que ces rituels étaient qualitativement persuasifs. Mais ils s’accordent également sur le fait qu’en coulisse, Lavoisier aménagea ses calculs jusqu’à ce qu’ils paraissent convaincants [87]. Les cérémonies de la mesure supposaient de travailler discrètement en amont jusqu’à ce que les calculs et leur mise en scène coïncident.
54 Comme le suggèrent les arguments de W. Kula, c’est dans les domaines du commerce et de l’agronomie que de tels rituels comptaient le plus. Les conflits entre les comptes rivaux de l’économie morale dépendaient des valeurs investies dans la calibration des prix, des quantités et de la production. Les paysans partisans de l’économie morale traditionnelle supposaient que le marché agricole était réglé par un code moral, consacré par l’habitude et l’Écriture. Quiconque intervenait dans ce processus, en faisant commerce dans le territoire sacré entre les champs et le foyer, était coupable d’une espèce de blasphème. W. Kula rapporte qu’en 1759 le procureur du roi à Nantes annonça que, comme « les différentes denrées qui se vend[ai]ent à mesure comble » l’étaient à cause de l’empilage de la substance dans l’étalon, « il [était] donc intéressant pour le public, et principalement pour cette partie affligée que la nécessité contraint de vivre de menus grains, de fixer et rapporter les dimensions que [devait] avoir le boisseau nantois » [88]. Néanmoins, les protestations explosaient quand et où il semblait que les rituels locaux et idiosyncratiques de la mesure des grains étaient violés.
55 Les mesures habituelles, incorporées par exemple dans des récipients en métal ou en bois, étaient prises comme des objets sacrés, surveillées par l’autorité, vénérées par les cérémonies civiles, entreposées dans des sites gardés précieusement. En 1732, par exemple, le gouvernement britannique essayait d’imposer une mesure standardisée pour les rituels de calibration du poids du blé. Un jury des citoyens de la ville de Gloucester a soigneusement rempli le nouveau récipient légal avec du blé, et ensuite l’a versé lentement dans la mesure traditionnelle. Le résultat était que cette quantité de blé était plus volumineuse, mais plus légère, donc acceptable [89]. Pensons, en juste comparaison, aux marchés de Guinée aux XVIIe et XVIIIe siècles, où les Akans utilisaient des poids qui variaient selon le statut social de leurs partenaires commerciaux. En certaines occasions, les outils étaient introduits comme moyens de régulation. Par exemple, en 1753, le gouvernement suédois commanda à Daniel Ekström, fabricant expert de ce type d’instruments, une machine ingénieuse qui mécanisait le processus par lequel le blé était versé dans un récipient mesuré et qui – c’est du moins ce que l’on prétendait – permettait de se passer d’un maniement soigné et exigeant [90]. Dans plusieurs cas semblables, les rituels de la mesure étaient contestés, adoptés comme la coutume ou sacralisés.
L’invention de la métrologie
56 À la fin du XVIIIe siècle fut inventé un nouveau terme pour désigner la science de ces rituels de la mesure et leur diffusion mondiale : la métrologie. Ce terme avait déjà été utilisé, mais seulement rarement, comme concept technique en mathématiques. Dans le Dictionnaire universel de mathématique et de physique qu’Alexandre Savérien publia en 1753, la métrologie était simplement « la géométrie élémentaire [91] ». Les choses changèrent en 1780 grâce au contemporain de Lavoisier, le professeur de mathématiques parisien Alexis-Jean-Pierre Paucton. Sa Métrologie, qui lui valut finalement la chaire de mathématiques de Strasbourg, retraçait, tout au long de l’histoire sacrée et humaine, l’histoire des rituels de la mesure à partir de leur rôle central en agronomie. La convergence entre les conflits sociaux de son temps et l’étude de l’Antiquité y est évidente. Paucton commença ainsi son ouvrage avec un exposé sur l’agronomie contemporaine et la guerre des Farines de 1775, à partir des expériences qu’il avait menées sur la capacité des mesures modernes de grain [92]. Comme Newton, il passa ensuite rapidement à une longue méditation sur les vertus des Anciens, qui parcoururent les océans et découvrirent l’Amérique, ce dont attestaient selon lui les contes de l’Atlantide [93]. Ils avaient construit de vastes monuments métrologiques. La Grande Pyramide, à laquelle le mathématicien consacra un autre traité en 1781, constituait l’incarnation suprême de normes fondamentales. « La pyramide est un monument qui mérite d’être examiné de nouveau ; il n’y en a point de plus capable de répandre un grand jour sur l’antiquité [94]. » Ces normes, ritualisées par l’Antiquité et commémorées dans ses monuments, ce que pensait également Newton, étaient fondées sur la maîtrise des dimensions de la Terre. Les recommandations de Paucton en termes de stratégies politiques et économiques correspondaient à celles des physiocrates : abandonner le commerce colonial, source d’opulence et de corruption, et le remplacer par « les richesses qui seules peuvent rendre un peuple florissant et augmenter sa population, les fruits que la terre natale produit [95] ».
57 Il serait très facile, mais fondamentalement trompeur, de lire l’œuvre de Paucton comme un symptôme clair de la rationalité moderne, et de traiter l’introduction du vocabulaire de la métrologie comme rien d’autre qu’un signe de l’essor de l’esprit de quantification dans le contexte prérévolutionnaire. En effet, l’étendue vaste et politiquement orientée de son projet est plutôt l’indice d’un souci caractéristique chez Paucton et ses contemporains de construire les liens très forts entre les techniques de mesure, les crises administratives et sociales, et les histoires conjecturales de la mesure comme principe mondial. Certes les méthodes de la métrologie allaient devenir indispensables aux historiens de la société. M. Bloch prophétisait qu’« un temps viendra[it] [...] où aucune analyse de la vie régionale, qu’elle [fût] l’œuvre d’un historien, au sens usuel du mot, ou d’un géographe, ne se concevra[it] [...] sans des cartes de mesures [96] ». Mais la métrologie devint encore plus rapidement une arme au service de nombre d’intérêts politiques et économiques. Dès les années 1770, Paucton utilisa les ressources des études orientalistes, notamment les récits des voyageurs au Levant et en Asie du Sud concernant les pratiques de la mesure dans les marchés et les cours. On retrouve des ressemblances frappantes entre les rituels de la mesure newtoniens et la métrologie de Paucton. Les marchands britanniques et les administrateurs coloniaux exploitèrent ces rituels au sein de systèmes commerciaux mondiaux récemment réorganisés. Entre 1777 et 1783, par exemple, Francis Gladwin, percepteur de la Compagnie des Indes orientales et imprimeur à Calcutta, organisa la traduction d’extraits tirés de l’Ain-i-Akbari, l’ouvrage d’Abū al-Fa̤zl mentionné plus haut, en guise de guide des mesures mogholes, avec des détails sur le fonctionnement de la Monnaie, l’origine des métaux précieux et la description de la cérémonie du pesage du monarque, afin que ces informations soient disponibles pour le régime britannique. Kapil Raj a montré que ce n’était ni la première ni la dernière tentative pour tirer du traité d’Abū al-Faz̤l des renseignements utiles à un usage fiscal et administratif [97]. Le but affiché du projet était en partie de permettre au régime d’affirmer qu’il avait adopté et modifié d’anciennes cérémonies de la mesure et du droit. Tout en dépendant totalement d’experts locaux des traditions administratives perses et mogholes, les savants britanniques publièrent massivement des études sur les systèmes indiens des poids et mesures.
58 La Compagnie des Indes orientales utilisa ces principes pour établir un « règlement permanent » des fermes et des droits de propriété. Cette violente réorganisation des mesures fut décisive dans le remaniement de l’agronomie bengalie en 1793. Selon la compagnie, il fallait « un examen laborieux et patient des droits des individus, et un bilan minutieux et détaillé de l’étendue et des puissances productives du territoire [98] ». Après 1795, le marchand et administrateur Henry Colebrooke produisit une analyse des poids et mesures en les mettant en rapport avec ses études sur la mécanique céleste et la cosmologie indigènes [99]. Le missionnaire et botaniste morave Benjamin Heyne, qui travaillait depuis 1800 comme naturaliste et arpenteur dans les territoires récemment conquis de Mysore, publia en 1814 un compte rendu statistique remarquable des pratiques indiennes de mesure. Les rapports de Heyne étaient presque tous produits grâce à des informateurs brahmanes qui pouvaient apparemment réciter par cœur les versions télougoues de travaux en sanskrit sur la mesure des terres. Ils décrivaient les rapports entre les techniques du corps, les mesures traditionnelles et l’administration. Insistant sur la grande précision des mesures appliquées à l’époque en Inde, Heyne expliqua les rituels qui définissaient les unités de poids, de longueur et de superficie. Il affirma ainsi que même si « l’introduction des mesures anglaises [était] commode pour les Européens », cette transformation des valeurs « expo[sait] les classes inférieures des Indiens aux grandes impositions » [100]. Dans les relations qu’ils entretenaient avec les experts indigènes dont ils utilisaient les mesures, les Européens se fiaient à leurs pratiques, et il serait faux d’affirmer que l’esprit de la mesure appartenait à un camp, et la puissance de la tradition à l’autre.
59 Ce n’est donc pas un hasard si le terme « métrologie » (metrology), désignant la science des rituels de la mesure, entra finalement aussi dans la langue anglaise. Le mot apparut d’abord dans les travaux de l’administrateur de la Monnaie de la Compagnie des Indes orientales James Prinsep et du professeur de mathématiques Patrick Kelly. Utilisant les comptes rendus statistiques produits par Heyne, Prinsep recensa le plus grand nombre possible de systèmes de mesure utilisés dans le sous-continent, et fit réaliser des spécimens de chaque type d’étalon rituel à partir des sondages des systèmes de mesure utilisés en Inde. Kelly souhaitait produire des barèmes universellement valides pour les valeurs marchandes. Prinsep envoya alors ces modèles de Calcutta à Londres à l’occasion d’un programme de calibration achevé en 1823 et publié par Kelly en 1832 sous un titre éloquent, La métrologie orientale [101].
60 La métrologie gagna donc le monde britannique par l’Inde. Des débats éclatèrent au sujet des sources rituelles de telles mesures. Prinsep soutenait que la standardisation « ne pouvait être accomplie que dans le processus graduel du temps par les rapports croissants des multitudes engagées dans le commerce interne du pays [102] ». Un arpenteur militaire de Bombay, Thomas Jervis, défendit au contraire l’application centralisée des standards de mesure à toute l’Inde britannique. Il serait facile, mais fallacieux, de considérer Prinsep comme le conservateur, et Jervis comme le réformateur rationaliste. C’était plutôt l’inverse : en utilisant des arguments comme ceux de Newton, Jervis trouva la base de toutes les mesures de longueur dans les sources anciennes, notamment la Bible. Selon lui, les cérémonies de la mesure, universelles et anciennes, avaient été développées au Levant sous l’effet de l’inspiration divine, puis diffusées dans le monde. Il affirmait que « l’universalité et la simplicité du schéma scriptural de la métrologie [103] » permettraient d’imposer légalement et aisément ce système à travers l’empire. « Le pauvre cultivateur illettré, le païen méprisé et dans le besoin » pourraient, prédisait-il, comprendre aisément comment une métrologie moralisée les protégerait de l’exploitation et ancrerait le système de valeurs impérial [104]. Dès lors, la métrologie impériale et l’importance des rituels et des monuments sacrés, qu’il s’agisse de l’Europe, de l’Inde ou de l’Égypte, apparurent comme évidentes, surtout aux puissances coloniales.
61 Ici s’achève ce voyage commencé sur les côtes du Pacifique Nord, qui a traversé les cérémonies royales européennes et mogholes et les intérêts politico-économiques des érudits et des expérimentateurs des Lumières, pour atteindre les préoccupations de l’administration indienne à un moment de crise politique de l’économie mondiale, sous les feux éclairants de la version télougoue d’un texte sanskrit sur la mesure ou de l’interprétation de la métrologie hébraïque par un ingénieur évangélique. Dans son article Hearing Voices, Sanjay Subrahmanyam a insisté justement sur le fait que « la modernité est historiquement un phénomène global et conjoncturel, et non pas un virus qui se propage d’un endroit à l’autre [105] ». La démarche ici adoptée avait pour but, dans une perspective semblable, de restaurer une certaine symétrie dans la prise en compte des fonctionnements de la mesure dans la longue durée, et de réfuter l’idée d’un progrès linéaire de la précision comme élément d’un ordre moderne inévitable. En situant les cérémonies de la mesure au sein d’une géographie historique plus hétérogène, il est possible aussi de voir de quelle manière les analyses de M. Bloch sur les pratiques rituelles et les conceptions de l’univers s’appliquent aux sciences modernes. Ces histoires montrent que les commerçants présumés silencieux s’exprimaient en réalité toujours avec des voix multiples.
Date de mise en ligne : 27/07/2015
Notes
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[*]
Je voudrais remercier Frédérique Aït-Touati pour ses indispensables travaux, Dominique Pestre, Kapil Raj et Nicholas Dew pour leurs avis amicaux et la présidence de l’EHESS de m’avoir invité à prononcer la XXXVIe conférence Marc Bloch (2014).
-
[1]
Alfred W. CROSBY, La mesure de la réalité. La quantification dans la société occidentale, 1250-1600, trad. par J.-M. Mandosio, Paris, Alia, [1997] 2003 ; H. Floris COHEN, How Modern Science Came into the World : Four Civilizations, One 17th-Century Breakthrough, Amsterdam, Amsterdam University Press, 2010.
-
[2]
Vincent CAPDEPUY, « Au prisme des mots. La mondialisation et l’argument philologique », Cybergeo, 576, 2011, http://cybergeo.revues.org/24903 ; Nader VOSSOUGHIAN, « The Language of the World Museum : Otto Neurath, Paul Otlet, Le Corbusier », no spécial « L’œuvre de Paul Otlet », Associations transnationales, 1-2, 2003, p. 82-93.
-
[3]
Roger CHARTIER, « La conscience de la globalité (commentaire) », Annales HSS, 56-1, 2001, p. 119-123, ici p. 123.
-
[4]
Ibid., p. 119 ; voir aussi Marc BLOCH, « Pour une histoire comparée des sociétés européennes », Revue de synthèse historique, 46, 1928, p. 15-50.
-
[5]
Marie-Noëlle BOURGUET et Christian LICOPPE, « Voyages, mesures et instruments. Une nouvelle expérience du monde au Siècle des lumières », Annales HSS, 52-5, 1997, p. 1115-1151 ; Vincent JULLIEN (dir.), Le calcul des longitudes. Un enjeu pour les mathématiques, l’astronomie, la mesure du temps et la navigation, Rennes, PUR, 2002 ; Philippe DESPOIX, Le monde mesuré. Dispositifs de l’exploration à l’âge des Lumières, Genève, Droz, 2005.
-
[6]
Nicholas THOMAS, Discoveries : The Voyages of Captain Cook, Londres, Allen Lane, 2003, p. 7.
-
[7]
Daniel W. CLAYTON, Islands of Truth : The Imperial Fashioning of Vancouver Island, Vancouver, UBC Press, 2000, p. 198.
-
[8]
John C. BEAGLEHOLE (dir.), The Journals of Captain James Cook on his Voyages of Discovery, t. 3, The Voyage of the Resolution and the Adventure, 1772-1775, Cambridge, Cambridge University Press, 1961, p. CXII.
-
[9]
La fiabilité d’un instrument en voyage dépendait énormément de la réputation et de la qualité du fabricant, si bien qu’on lui attribuait son nom : un quart de cercle est ainsi nommé « Bird » ou « Ramsden », une garde-temps « Bréguet » ou « Kendall ». L’on jugeait la valeur et l’utilité de l’instrument par cette éponymie.
-
[10]
The Malaspina Expedition 1789-1794 : The Journal of the Voyage by Alejandro Malaspina, éd. par A. David et al., Londres, Hakluyt Society, 2001-2004, t. 2, p. 117 et 133 ; voir Frederica de LAGUNA, Under Mount Saint Elias : The History and Culture of the Yakutat Tlingit, Washington, Smithsonian Institution Press, 1972, p. 144 et 151.
-
[11]
Charles-Pierre CLARET DE FLEURIEU, Voyage autour du monde pendant les années 1790, 1791 et 1792, par Étienne Marchand, 2 t., Paris, Imprimerie de la République, 1797-1799, t. 1, p. 268.
-
[12]
Ibid., t. 1, p. 270 et t. 2, p. 514 ; Odile GANNIER, « Consigner l’événement : les journaux du voyage de Marchand (1790-1792) et les Isles de la Révolution », Annales historiques de la Révolution française, 320, 2000, p. 101-120 ; Glyndwr WILLIAMS, « Tupaia : Polynesian Warrior, Navigator, High Priest — and Artist », in F. A. NUSSBAUM (dir.), The Global Eighteenth Century, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 2003, p. 38-51.
-
[13]
Simon SCHAFFER, La fabrique des sciences modernes, XVIIe-XIXe siècle, trad. par F. Aït-Touati, L. Marcou et S. Van Damme, Paris, Éd. du Seuil, 2014, p. 8.
-
[14]
Harry M. COLLINS, Changing Order : Replication and Induction in Scientific Practice, Londres, Sage, 1985, p. 100-106.
-
[15]
Dominique PESTRE, À contre-science. Politiques et savoirs des sociétés contemporaines, Paris, Éd. du Seuil, 2013, p. 43-57.
-
[16]
Marc BLOCH, Les rois thaumaturges. Étude sur le caractère surnaturel attribué à la puissance royale particulièrement en France et en Angleterre, Paris, Gallimard, [1924] 1983, p. 385.
-
[17]
Id., « Le problème de l’or au Moyen Âge », Annales d’histoire économique et sociale, 5-19, 1933, p. 1-34 ; Id., Esquisse d’une histoire monétaire de l’Europe, Paris, Armand Colin, 1954 ; André BURGUIÈRE, L’école des Annales. Une histoire intellectuelle, Paris, Odile Jacob, 2006, p. 121-124.
-
[18]
Laetitia GRASSIN et Raya BEN GUIZA, « Les mécanismes institutionnels du commerce extérieur dans l’Antiquité : le cas de Carthage », Antiquités africaines, 38-39, 2002- 2003, p. 345-354, ici p. 350.
-
[19]
HÉRODOTE, Histoires, IV, 196, éd. et trad. par P.-E. Legrand, Paris, Les Belles Lettres, 1945 ; Philip James Hamilton GRIERSON, The Silent Trade : A Contribution to the Early History of Human Intercourse, Édimbourg, William Green, 1903, p. 47-48 ; Émile-Félix GAUTIER, « L’or du Soudan dans l’histoire », Annales d’histoire économique et sociale, 7-32, 1935, p. 113-123, ici p. 118-119 ; Lars SUNDSTRÖM, The Exchange Economy of Pre-Colonial Tropical Africa, Londres, Hurst, 1974, p. 22-31 ; Rainer ERTEL, « ‘Stummer Handel’ in ökonomischer Sicht », Zeitschrift für Ethnologie, 106-1/2, 1981, p. 93-98, ici p. 95.
-
[20]
Timothy F. GARRARD, « Myth and Metrology : The Early Trans-Saharan Gold Trade », The Journal of African History, 23-4, 1982, p. 443-461, ici p. 444.
-
[21]
Paulo Fernando de MORAES FARIAS, « Silent Trade : Myth and Historical Evidence », History in Africa, 1, 1974, p. 9-24, ici p. 11-14.
-
[22]
Richard JOBSON, The Golden Trade, or A Discovery of the River Gambra and the Golden Trade of the Aethiopians, Londres, Nicholas Bourne, 1623, p. 102-103 ; Edward W. BOVILL, « The Silent Trade of Wangara », Journal of the Royal African Society, 29-113, 1929, p. 27- 38, ici p. 31-33.
-
[23]
Timothy F. GARRARD, Akan Weights and the Gold Trade, Londres, Longman, 1980, p. 71-80 ; Yann DEFFONTAINE, Guerre et société au royaume de Fetu (Efutu). Des débuts du commerce atlantique à la constitution de la fédération fanti : Ghana, Côte de l’or, 1471-1720, Ibadan/Paris, IFRA/Karthala, 1993, p. 53-57.
-
[24]
Cité dans Adam JONES (éd.), German Sources for West African History, 1599-1669, Wiesbaden, Franz Steiner, 1983, p. 67.
-
[25]
Cité dans ibid., p. 89-90 ; voir P. F. de MORAES FARIAS, « Silent Trade... », art. cit., p. 18.
-
[26]
A. JONES (éd.), German Sources..., op. cit., p. 116. Voir Lc. 7, 9 et Mt. 8, 10.
-
[27]
Stephen GREENBLATT, Marvelous Possessions : The Wonder of the New World, Chicago, University of Chicago Press, 1991, p. 182, n. 34.
-
[28]
Compte rendu d’Émile DURKHEIM de l’ouvrage de P. J. H. GRIERSON, The Silent Trade..., op. cit., dans L’année sociologique, 8, 1903/1904, p. 483-486, ici p. 485.
-
[29]
René MAUNIER, « Recherches sur les échanges rituels en Afrique du Nord », L’année sociologique, n. s. 2, 1924-1925, p. 11-97, ici p. 16 ; Georges SMETS, « Le commerce silencieux », Bulletin de la classe des lettres et des sciences morales et politiques de l’Académie royale de Belgique, 5e s., 25, 1939, p. 119-131, ici p. 122 (Ceylan) ; David Harris SACKS, « The Blessings of Exchange in the Making of the Early English Atlantic », in F. TRIVELLATO, L. HALEVI et C. ANTUNES (dir.), Religion and Trade : Cross-Cultural Exchanges in World History, 1000-1900, Oxford, Oxford University Press, 2014, p. 62-90, ici p. 73-76 (Terre-Neuve).
-
[30]
G. SMETS, « Le commerce silencieux », art. cit., p. 124. Voir aussi P. J. H. GRIERSON, The Silent Trade..., op. cit., p. 64-67 et 87-88 ; E. W. BOVILL, « The Silent Trade... », art. cit., p. 34-35.
-
[31]
Karl POLANYI, « Ports of Trade in Early Societies », The Journal of Economic History, 23-1, 1963, p. 30-45, ici p. 34 ; Jean-Christophe AGNEW, « The Threshold of Exchange : Speculations on the Market », Radical History Review, 21, 1979, p. 99-118 ; James REDFIELD, « The Development of the Market in Archaic Greece », in A. J. H. LATHAM et B. L. ANDERSON (dir.), The Market in History, Londres, Croom Helm, 1986, p. 29-58, ici p. 38-41.
-
[32]
L. SUNDSTRÖM, The Exchange Economy..., op. cit., p. 31 ; P. F. de MORAES FARIAS, « Silent Trade... », art. cit., p. 10 et 19 ; Philip D. CURTIN, Cross-Cultural Trade in World History, Cambridge, Cambridge University Press, 1984, p. 12-13 ; Wilfred DOLFSMA et Antoon SPITHOVEN, « ‘Silent Trade’ and the Supposed Continuum between OIE and NIE », Journal of Economic Issues, 42-2, 2008, p. 517-526, ici p. 524.
-
[33]
Pierre VILAR, Or et monnaie dans l’histoire, 1450-1920, Paris, Flammarion, 1974, p. 63.
-
[34]
T. F. GARRARD, Akan Weights..., op. cit., p. 93 et 174-175 ; André NITECKI, Equal Measure for Kings and Commoners : Goldweights of the Akan from the Collections of the Glenbow Museum, Calgary, Glenbow Museum, 1982, p. 26 ; G. Niangoran BOUAH, L’univers Akan des poids à peser l’or, vol. 3, Les poids dans la société, Abidjan, Nouvelles éditions africaines, 1984-1985, p. 18-22.
-
[35]
Pieter de MAREES, Description and Historical Account of the Gold Kingdom of Guinea, trad. par A. van Dantzig et A. Jones, Oxford, Oxford University Press, [1912] 1987, p. 73 et 191.
-
[36]
Dirk PASSMANN, « Purchas and Swift : Where Horses Talk and Eagles Carry Men », Notes and Queries, 31-3, 1984, p. 390-391 ; Arthur SHERBO, « Swift and Travel Literature », Modern Language Studies, 9-3, 1979, p. 114-127.
-
[37]
Jonathan SWIFT, Voyages de Gulliver, trad. par P.-F. Guyot Desfontaines, Paris, Pierre Didot, [1735] 1797, t. 2, p. 69.
-
[38]
Gregory LYNALL, Swift and Science : The Satire, Politics and Theology of Natural Knowledge, 1690-1730, New York, Palgrave Macmillan, 2012, p. 89-119 ; Mark GOVIER, « The Royal Society, Slavery and the Island of Jamaica, 1660-1700 », Notes and Records of the Royal Society of London, 53-2, 1999, p. 203-217.
-
[39]
William PIETZ, « The Problem of the Fetish, II : The Origin of the Fetish », Res : Anthropology and Aesthetics, 13, 1987, p. 23-45 ; Michèle TOBIA-CHADEISSON, Le fétiche africain. Chronique d’un « malentendu », Paris, L’Harmattan, 2000, p. 79-88.
-
[40]
A. JONES (éd.), German Sources..., op. cit., p. 36.
-
[41]
Nicolas VILLAULT, Relation des costes d’Afrique, appellées Guinée, Paris, Denys Thierry, 1669, p. 262.
-
[42]
Alexandre KOYRÉ, « Du monde de l’à peu près à l’univers de la précision », Critique, 4-28, 1948, p. 806-823, ici p. 814.
-
[43]
Lucien FEBVRE, « De l’à peu près à la précision en passant par ouï-dire », Annales ESC, 5-1, 1950, p. 25-31, ici p. 30-31.
-
[44]
Zur SHALEV, « Christian Pilgrimage and Ritual Measurement in Jerusalem », no spécial « La misura », Micrologus, 19, 2011, p. 131-150.
-
[45]
Edward P. THOMPSON, « L’économie morale de la foule dans l’Angleterre du XVIIIe siècle », in F. GAUTHIER et G.-R. IKNI (dir.), La guerre du blé au XVIIIe siècle. La critique populaire contre le libéralisme économique du XVIIIe siècle, Montreuil, La Passion, 1988, p. 31-92.
-
[46]
Michèle FOGEL, Les cérémonies de l’information dans la France du XVIe au XVIIIe siècle, Paris, Fayard, 1989.
-
[47]
Jean-Claude HOCQUET, « Les mesures ont aussi une histoire », Histoire et mesure, 1-1, 1986, p. 35-49, ici p. 35-36.
-
[48]
Witold KULA, Les mesures et les hommes, trad. par J. Ritt, Paris, Éd. de la MSH, [1970] 1984, p. 11.
-
[49]
Ibid., p. 119-120.
-
[50]
Ibid., p. 277.
-
[51]
Id., « Histoire et économie : la longue durée », Annales ESC, 15-2, 1960, p. 294-313, ici p. 313.
-
[52]
Mona OZOUF, La fête révolutionnaire, 1789-1799, Paris, Gallimard, 1976.
-
[53]
Abraham SEIDENBERG, « The Ritual Origin of Counting », Archive for History of Exact Sciences, 2-1, 1962, p. 1-40 ; Robert ACKERMAN, The Myth and Ritual School : J. G. Frazer and the Cambridge Ritualists, New York, Routledge, [1991] 2002, p. 89-118.
-
[54]
Ex. 30, 12.
-
[55]
James George FRAZER, Le folklore dans l’Ancien Testament, trad. par E. Audra, Paris, Paul Geuthner, [1919] 1924, p. 267-271 ; A. SEIDENBERG, « The Ritual Origin... », art. cit., p. 19-20 ; W. KULA, Les mesures et les hommes, op. cit., p. 21-25.
-
[56]
Abraham SEIDENBERG et James CASEY, « The Ritual Origin of the Balance », Archive for History of Exact Sciences, 23-3, 1980, p. 179-226.
-
[57]
François-Olivier TOUATI, Marc Bloch et l’Angleterre, Paris, Boutique de l’histoire, 2006, p. 83-84 ; Marc BLOCH, « Pour une histoire comparée des sociétés européennes », Revue de synthèse historique, 46, 1928, p. 15-50, ici p. 18.
-
[58]
Carlo GINZBURG, « Lectures de Mauss », Annales HSS, 65-6, 2010, p. 1303-1320, ici p. 1304 ; M. BLOCH, « Pour une histoire comparée... », art. cit., p. 19, n. 2.
-
[59]
M. BLOCH, Les rois thaumaturges..., op. cit, p. 54.
-
[60]
Jacques LE GOFF, « Préface », in M. BLOCH, Les rois thaumaturges..., op. cit., p. XXXV ; C. GINZBURG, « Lectures de Mauss... », art. cit., p. 1304.
-
[61]
M. BLOCH, Les rois thaumaturges..., op. cit., p. 160.
-
[62]
Raymond CRAWFURD, « The Blessing of Cramp-Rings : A Chapter in the History of the Treatment of Epilepsy », in C. SINGER (dir.), Studies in the History and Method of Science, Oxford, Clarendon Press, 1917-1921, vol. 1, p. 165-188, ici p. 171.
-
[63]
M. BLOCH, Les rois thaumaturges..., op. cit., p. 325.
-
[64]
Ibid., p. 169.
-
[65]
Ibid., p. 171.
-
[66]
Ibid., p. 180.
-
[67]
A. SEIDENBERG et J. CASEY, « The Ritual Origin... », art. cit., p. 198.
-
[68]
ABŪ AL-FAZ̤L IBN MUBĀRAK, Ayeen Akbery, or the Institutes of the Emperor Akber, trad. par F. Gladwin (dir.), 3 vol., Calcutta, 1783-1786, t. 1, p. 279.
-
[69]
Ibid., t. 1, p. 50-54.
-
[70]
Muzaffar ALAM et Sanjay SUBRAHMANYAM, « L’État moghol et sa fiscalité, XVIe-XVIIIe siècles », Annales HSS, 49-1, 1994, p. 189-217, ici p. 197-198 ; A. SEIDENBERG et J. CASEY, « The Ritual Origin... », art. cit., p. 198.
-
[71]
The Embassy of Sir Thomas Roe to the Court of the Great Mogul, 1615-1619, éd. par W. Foster, 2 vol., Londres, Hakluyt Society, 1899, t. 2, p. 411.
-
[72]
Ibid. Voir Dan. 5, 27.
-
[73]
François BERNIER, Voyages de François Bernier contenant la description des États du Grand Mogol, 2 vol., Amsterdam, Paul Marret, 1699, t. 2, p. 55.
-
[74]
MONTESQUIEU, Lettres persanes, Cologne, P. Marteau, 1754, p. 88 (lettre XXXVIII).
-
[75]
Ibid., p. 51 (lettre XXII).
-
[76]
Simon WORTHAM, « Sovereign Counterfeits : The Trial of the Pyx », Renaissance Quarterly, 49-2, 1996, p. 334-359, ici p. 346-349 ; Stephen M. STIGLER, « Eight Centuries of Sampling Inspection : The Trial of the Pyx », Journal of the American Statistical Association, 72-359, 1977, p. 493-500, ici p. 493-494.
-
[77]
P. VILAR, Or et monnaie..., op. cit., p. 273.
-
[78]
John CRAIG, Newton at the Mint, Cambridge, Cambridge University Press, 1946, p. 48-49 ; Isaac NEWTON, Correspondence, éd. par A. R. Hall et al., 7 vol., Cambridge, Cambridge University Press, 1959-1977, t. 5, p. 82-83.
-
[79]
Charles GILDON, The Golden Spy, or A Political Journal of the British Nights Entertainments of War and Peace, and Love and Politics, Londres, Woodward/Morphew, 1709 ; Jonathan LAMB, The Things Things Say, Princeton, Princeton University Press, 2011, p. 40.
-
[80]
Jean-François BAILLON, « Les écrits sur la religion d’Isaac Newton », no spécial « Histoire et éthique des sciences et techniques », Cahiers d’Épistémé, 1, 2006, p. 27- 39 ; Tessa MORRISON, Isaac Newton’s Temple of Solomon and his Reconstruction of Sacred Architecture, Bâle, Birkhaüser, 2011.
-
[81]
Colin KIDD, British Identities before Nationalism : Ethnicity and Nationhood in the Atlantic World, 1600-1800, Cambridge, Cambridge University Press, 2004, p. 10-23.
-
[82]
S. SCHAFFER, La fabrique..., op. cit., p. 49-55.
-
[83]
Isaac NEWTON, Principes mathématiques de la philosophie naturelle, trad. par É. du Châtelet, 2 vol., Paris, Desaint et Saillant, 1759, t. 2, p. 17 (livre III, proposition VI).
-
[84]
W. KULA, Les mesures et les hommes, op. cit., p. 55.
-
[85]
Bernadette BENSAUDE-VINCENT, Lavoisier. Mémoires d’une révolution, Paris, Flammarion, 1985, p. 85-86. Je souligne.
-
[86]
Ibid., p. 201 et 215.
-
[87]
Frederic Lawrence HOLMES, Lavoisier and the Chemistry of Life : An Exploration of Scientific Creativity, Madison, University of Wisconsin Press, 1985, p. 214, 218 et 234.
-
[88]
W. KULA, Les mesures et les hommes, op. cit., p. 60.
-
[89]
Richard SHELDON et al., « Popular Protest and the Persistence of Customary Corn Measures : Resistance to the Winchester Bushel in the English West », in A. RANDALL et A. CHARLESWORTH (dir.), Markets, Market Culture and Popular Protest in Eighteenth-Century Britain and Ireland, Liverpool, Liverpool University Press, 1996, p. 25-45, ici p. 34.
-
[90]
Arne HESSENBRUCH, « The Spread of Precision Measurement in Scandinavia 1660- 1800 », in K. GAVROGLU, no spécial « The Sciences in the European Periphery during the Enlightenment », Archimedes, 2, 1999, p. 179-224, ici p. 208-209.
-
[91]
Alexandre SAVÉRIEN, Dictionnaire universel de mathématique et de physique, 2 vol., Paris, Rollin/Jombert, 1753, t. 2, p. 146.
-
[92]
Alexis PAUCTON, Métrologie ou Traité des mesures, poids et monnoies des anciens peuples et des modernes, Paris, Desaint, 1780, p. 568-602 ; voir W. KULA, Les mesures et les hommes, op. cit., p. 98.
-
[93]
A. PAUCTON, Métrologie..., op. cit., p. 210.
-
[94]
Ibid., p 116.
-
[95]
Ibid., p. 630 ; Arthur YOUNG, Voyages en France pendant les années 1787, 1788, 1789, trad. par H. J. Lesage, Paris, Guillaumin, [1793] 1860, p. 39-40.
-
[96]
Marc BLOCH, « Le témoignage des mesures agraires », Annales d’histoire économique et sociale, 6-27, 1934, p. 280-282, ici p. 282.
-
[97]
Kapil RAJ, « Mapping Knowledge Go-Betweens in Calcutta, 1770-1820 », in S. SCHAFFER et al. (dir.), The Brokered World : Go-Betweens and Global Intelligence 1770- 1820, Sagamore Beach, Science History Publications, 2009, p. 105-150, ici p. 130.
-
[98]
Sarvepalli GOPAL, The Permanent Settlement in Bengal and its Results, Londres, Allen and Unwin, 1949, p. 24. Voir aussi Ranajit GUHA, A Rule of Property for Bengal : An Essay on the Idea of Permanent Settlement, Paris, Mouton, 1963, p. 13.
-
[99]
Rosane ROCHER et Ludo ROCHER, The Making of Western Indology : Henry Thomas Colebrooke and the East India Company, Abingdon, Routledge, 2012, p. 24-32.
-
[100]
Benjamin HEYNE, Tracts, Historical and Statistical, on India, Londres, Robert Baldwin, 1814, p. 172-180 ; voir Kapil RAJ, Relocating Modern Science : Circulation and the Construction of Knowledge in South Asia and Europe, Seventeenth to Nineteenth Century, Delhi, Permanent Black, 2006, p. 69.
-
[101]
Patrick KELLY, Oriental Metrology ; Comprising the Monies, Weights and Measures of the East Indies and Other Trading Places in Asia, Reduced to the English Standard by Verified Operations, Londres, Longman, 1832, p. 11 ; James PRINSEP, Useful Tables, Part the First : Coins, Weights, and Measures of British India, Calcutta, Baptist Mission Press, 1834, p. 75-77.
-
[102]
J. PRINSEP, Useful Tables..., op. cit., p. 76.
-
[103]
Thomas B. JERVIS, Records of Ancient Science Exemplified and Authenticated in the Primitive Universal Standard of Weights and Measures, Calcutta, Baptist Mission Press, 1835, p. 86.
-
[104]
Ibid., p. XIII ; voir Matthew H. EDNEY, Mapping an Empire : The Geographical Construction of British India, 1765-1843, Chicago, University of Chicago Press, 1997, p. 268-287.
-
[105]
Sanjay SUBRAHMANYAM, « Hearing Voices : Vignettes of Early Modernity in South Asia, 1400-1750 », Daedalus, 127-3, 1998, p. 75-104, ici p. 99-100.