Couverture de ANNA_645

Article de revue

Dolorisme religieux et reconstructions identitaires

Les conversions néo-évangéliques dans l'Algérie contemporaine

Pages 1137 à 1162

Notes

  • [1]
    - L’univers chrétien évangélique est extrêmement hétérogène dans ses pratiques et dans ses interprétations dogmatiques. La polysémie du terme évangélique désigne des mouvements aussi divers que les quakers, les pentecôtistes, les méthodistes, les adventistes, les anabaptistes ou des groupes plus radicaux comme les mormons (Saints des derniers jours) ou les témoins de Jéhovah. Voir Sébastien FATH (dir.), Le protestantisme évangélique, un christianisme de conversion. Entre rupture et filiation, Turnhout, Brépols, 2004.
  • [2]
    - La réponse la plus courante est : « Nous sommes chrétiens et c’est le plus important. » Le terme protestant est utilisé le plus souvent pour ne pas être confondu avec les catholiques d’Algérie.
  • [3]
    - 32 communautés religieuses évangéliques sont aujourd’hui recensées et enregistrées en Algérie (chiffre délivré par l’Église protestante d’Algérie en mars 2008).
  • [4]
    - Capitale régionale de la Grande Kabylie.
  • [5]
    - Ces chiffres ont provoqué un émoi dans l’opinion publique et ont fait réagir le ministère des Affaires religieuses : un communiqué du ministre accuse la presse de divulguer avec outrance ces informations.
  • [6]
    - « De nouveaux croisés essaient par tous les moyens de christianiser les Algériens. La mosquée, les médias et les institutions de l’État doivent s’y opposer » : propos de Cheikh Abderahmane Chibane, président de l’Association des oulémas algériens, in « Les nouveaux chrétiens de Kabylie », Le Figaro, 24 mai 2006, mis à jour le 15 octobre 2007 : http:// www. lefigaro. fr/ actualite/ 2006/ 05/ 24/ 01001-20060524ARTFIG90012-les_nouveaux_ chretiens_de_kabylie.php.
  • [7]
    - À propos des enjeux idéologiques autour de l’islamité des Berbères, il y a eu un précédent avec la promulgation du dahir berbère de 1930 au Maroc. Ce texte de loi, produit par les autorités coloniales du protectorat, reconnaît la primauté du droit coutumier berbère sur le droit musulman et soustrait donc les tribus berbères du Maroc à la législation musulmane. L’application de ce dahir coïncide avec le développement du nationalisme marocain qui y a vu une volonté de division entre Arabes et Berbères et une volonté de christianiser l’élément berbère du pays. Depuis, il est régulièrement réactivé par les nationalistes marocains, à l’occasion de manifestations identitaires berbères, comme document historique culpabilisant.
  • [8]
    - Archevêque d’Alger de 1867 à 1892, cardinal primat d’Afrique, il fonde sa propre congrégation missionnaire, la Société des missionnaires d’Afrique (société des Pères Blancs) dont le but est d’évangéliser le continent africain.
  • [9]
    - Ordonnance du 28 février 2006 fixant les conditions et règles d’exercice des cultes autres que musulmans. La loi réglemente de façon très stricte les cultes en leur imposant de s’organiser en associations religieuses soumises à des agréments de l’État. La visibilité des Églises et la transparence de leurs pratiques sont imposées par l’identification des lieux de culte, des déclarations préalables à toute manifestation religieuse, etc. Par ailleurs, des dispositions pénales (amendes et peines d’emprisonnement) sont prises à l’encontre du prosélytisme : « [...] est puni d’un emprisonnement de deux ans à cinq ans et d’une amende de 500 000 dinars quiconque : incite, contraint ou utilise des moyens de séduction tendant à convertir un musulman à une autre religion, ou en utilisant à cette fin des établissements d’enseignement, d’éducation, de santé, à caractère social ou culturel, ou institutions de formation, ou tout autre établissement, ou tout moyen financier » (article 11).
  • [10]
    - Les médias algériens et internationaux (surtout français) ont contribué largement à banaliser l’agitation politique et militante de la Kabylie et à en faire un des éléments de son identité régionale.
  • [11]
    - Ferhat M’Henni, président pour le Mouvement de l’autonomie de la Kabylie (MAK), El Watan, 21 février 2008 : « La laïcité kabyle continue d’être la cible du pouvoir. Celui-ci encourage l’envoi d’imams intégristes chez nous tout en jetant la suspicion et l’opprobre sur notre région au prétexte qu’elle serait le fief des évangélistes. La Kabylie n’est pas plus évangélisée que n’importe quelle autre région d’Algérie mais, pour les besoins de la propagande du régime, pointer du doigt cet abcès de fixation est plus commode. »
  • [12]
    - Il y aurait une étude sociologique à mener sur la perception de la Kabylie par les autres régions d’Algérie et sur la correspondance systématique effectuée entre « région », « militantisme identitaire » et « être social ».
  • [13]
    - 42 hommes et 20 femmes qui appartiennent à des catégories socioprofessionnelles très diverses : étudiant, agriculteur, ingénieur, chômeur, femme au foyer, enseignant, retraité...
  • [14]
    - Principaux journaux consultés : Liberté, Le Quotidien d’Oran, Le Jeune Indépendant, Le Soir, L’Expression, El Watan, El Moujahid, El Khabar.
  • [15]
    - Erik NEVEU, Sociologie du journalisme, Paris, La Découverte, [2001] 2004.
  • [16]
    - On parle, pour l’année 2008, d’une recette de 80 milliards de dollars pour les exportations d’hydrocarbures (chiffres du ministère de l’Énergie et des Mines, septembre 2008).
  • [17]
    - Entre 2001 et 2004, on estime à 522 000 emplois perdus dont 78 % enregistrés dans le secteur privé contre 22 % dans le secteur public (chiffres empruntés à l’Office national des statistiques, avril 2005).
  • [18]
    - Terme équivalent au marché noir.
  • [19]
    - Selon les sources, en 2008, les chiffres du chômage oscillent entre 13,8 % (OCDE) et 30 % (Oxford Business Group). Le seul point convergent est le taux du chômage des jeunes qui dépasserait les 40 % (que les estimations soient officieuses ou officielles).
  • [20]
    - Chiffres de la Ligue algérienne des droits de l’homme (LADH).
  • [21]
    - Les élections législatives de 1991 avaient vu la victoire écrasante des islamistes au premier tour du scrutin. Face à ce succès, le gouvernement avait pris la responsabilité de suspendre le processus électoral.
  • [22]
    - Charte de la paix et de la réconciliation nationale, ordonnance du 26 février 2006, article 46 : « [...] est puni d’un emprisonnement de 3 ans à 5 ans et d’une amende de 250 000 à 500 000 dinars, quiconque qui, par ses déclarations écrites ou tout autre acte, utilise ou instrumentalise les blessures de la tragédie nationale, pour porter atteinte aux institutions de la république algérienne, démocratique et populaire, fragiliser l’État, nuire à l’honorabilité de ses agents qui l’ont dignement servie ou ternir l’image de l’Algérie sur le plan international ».
  • [23]
    - La montagne kabyle reste l’un des derniers lieux d’activité du maquis terroriste du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), dissident du GIA.
  • [24]
    - L’émigration reste toujours, auprès des jeunes et moins jeunes, la solution pour changer radicalement de vie. D’ailleurs le terme harragas (ceux qui brûlent leurs papiers d’identité), emprunté aux émigrés clandestins marocains, est utilisé aujourd’hui par les Algériens.
  • [25]
    - L’organisation du référendum autour de la Charte de la paix et la réconciliation nationale, qui s’est tenu le 29 septembre 2005, avait pour objectif politique de tourner la page d’une décennie de violences.
  • [26]
    - Expression reprise lors d’un meeting, en 2001, par le président de la République, Aziz Bouteflika, au sujet de la question des disparus de la guerre civile. En 2003, on dénombrait 7 200 disparus imputés aux services de sécurité et 10 000 aux terroristes islamiques (chiffres avancés par la commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme).
  • [27]
    - Contrairement au sacrifice consenti pour la guerre d’indépendance qui a fait des Algériens des héros et/ou des martyrs.
  • [28]
    - Des partis politiques et des associations réclament la mise en place d’une commission vérité-justice à l’instar de certains pays qui ont connu des guerres civiles comme la Sierra Leone, le Rwanda ou l’Afrique du Sud.
  • [29]
    - Appelé également Mouvement des citoyens. Voir Karima DIRÈCHE-SLIMANI, « Le Mouvement des âarch en Algérie : pour une alternative démocratique autonome ? » Revue des Mondes musulmans et de la Méditerranée, 111-112, 2006, p. 183-196.
  • [30]
    - Avril 2001 est appelé également Printemps noir. La mort d’un adolescent de 17 ans dans les locaux de la gendarmerie d’une petite ville de Kabylie a provoqué des émeutes violemment réprimées par les forces de l’ordre et qui se sont soldées par la mort de 126 personnes et des milliers de blessés.
  • [31]
    - La Tribune du 12 décembre 2002 évoque ainsi le marasme économique de la Kabylie : « Fuite des investisseurs de la région, faillite des commerçants, abandon des projets de développement. Le budget de la wilaya de Tizi-Ouzou a perdu plus de 8 milliards de centimes rien que dans le chapitre relatif à la taxe sur l’activité professionnelle en 2001, c’est-à-dire le paiement des impôts par les commerces et les entreprises. » On peut également se demander si ces facteurs ne sont pas la conséquence du Printemps noir qui a freiné les investisseurs.
  • [32]
    - Bien que très rapidement des personnalités comme Belaid Abrika deviennent les interlocuteurs privilégiés et incontournables du mouvement.
  • [33]
    - Représentations de la période coloniale qui ont accentué les particularismes des sociétés berbères en y soulignant des « républiques berbères », un statut émancipé de la femme kabyle... Si la génération des insurgés est trop jeune pour exprimer explicitement ces références, celles-ci n’en imprègnent pas moins l’inconscient collectif.
  • [34]
    - « Ce retour aux sources » a fait l’objet de critiques mais également d’interprétations plus nuancées comme celle du Quotidien d’Oran du 19 juillet 2001 : « L’Algérien se recroqueville sur des structures lesquelles pour surannées qu’elles soient, n’en constituent pas moins un puissant pôle identificatoire, une solide chaîne de solidarité en ces temps de disette et un riche réseau de clientélisme. »
  • [35]
    - Autre exemple d’archaïsme : pour la représentation des délégués des comités, le mouvement insiste sur un critère uniquement basé sur la résidence et la localité. Cela renvoie à l’unité villageoise qui serait le seul critère identifiant d’un individu.
  • [36]
    - Parmi les 15 points répertoriés dans le texte de la plate-forme d’El-Kseur (texte de revendication politique rendu publique dans un lieu historique où s’est tenu en 1954 le congrès de la Soummam avec tous les leaders de la lutte indépendantiste) : le statut de langue officielle pour le tamazight, langue berbère ; le jugement des gendarmes et des commanditaires coupables d’homicides et de tentatives d’homicides par des tribunaux civils non militaires ; les investissements d’ordre économique et la prise en charge socio-économique de la Kabylie.
  • [37]
    - Thèse empruntée à Hugh ROBERTS, « Kabylie, un déficit de représentation politique », Algérie interface, 8 décembre 2003.
  • [38]
    - M. A. TEMMAR, « Les événements du Printemps noir ou la citoyenneté en construction. Des sacrifices et des acquis », La Dépêche de Kabylie, 20 avril 2006 : « Les événements d’avril 2001 ont eu, par ailleurs, des répercussions économiques très dangereuses sur le processus du développement en Kabylie. Durant au moins trois ans, la machine économique, productrice, commerciale et de service a failli être réduite au plus bas niveau de la courbe. Au moment où la région enregistre le plus haut taux de chômage à l’échelle nationale (1/3 de la population locale de Tizi-Ouzou contre 30% dans l’ensemble du pays) et un sous-emploi de 75 % de la population active, des opérateurs privés qui s’y sont à peine installés délocalisent leurs entités économiques vers des cieux moins agités qu’en Kabylie. »
  • [39]
    - Un des indicateurs de la crise et du mal-être est certainement le taux de suicides qui devient un grave problème de santé publique. À l’échelle nationale, les wilayas kabyles de Tizi-Ouzou et de Bejaia (avant Tiaret et Oran) détiennent les chiffres les plus élevés. Voir M. BOUDARENE et A. ZIRI « Le suicide en Algérie, mystification et réalité », in Le suicide : de la culture aux neurosciences, 3e congrès franco-algérien de psychiatrie, Montpellier, 8-9 juin 2007.
  • [40]
    - Sous les projecteurs des télévisions nationales et (surtout) internationales, la Kabylie est toujours soumise à un traitement médiatique spécifique : terre irrédentiste, luttes démocratiques autour de la défense de la langue et de la culture berbères, région où s’applique la répression du pouvoir d’État, etc.
  • [41]
    - Esther BENBASSA, La souffrance comme identité, Paris, Fayard, 2007, p. 15.
  • [42]
    -Déclenchement de la guerre de Libération nationale, en 1954 ; Congrès de La Soummam suivi de l’assassinat d’Abane Ramdane en 1956 ; création du Front des forces socialistes (FFS) d’Aït Ahmed en 1963 ; révolution culturelle en 1973 (Idir, Aït Menguellat, Ferhat, Matoub...) ; 1er printemps berbère en 1980 et création du Mouvement culturel berbère (MCB) ; repli identitaire en 1992 après l’annulation des élections ; 2e printemps berbère en 2001 (le Printemps noir).
  • [43]
    - « Non au pardon pour les criminels : ulac smah ulac ! Au déni identitaire, À la dictature, à la répression, au pouvoir assassin ; À une Algérie monolithique et totalitaire ; Oui à la sanction des criminels, au respect de la dignité ; À tamazight (langue berbère) langue nationale et officielle, à la liberté, à la démocratie ; À une Algérie algérienne et plurielle ; Stop à la hogra (terme qui traduit à la fois le mépris et l’injustice). »
  • [44]
    - Espace qui correspondait au IIe siècle av. J.-C à la côte orientale de l’Algérie. Terme utilisé pour évoquer un espace géohistorique spécifiquement autochtone. Un État indépendant et puissant dirigé par deux rois berbères célèbres : Massinissa (allié de Rome) et Jugurtha (en guerre contre la puissance romaine et vaincu par elle).
  • [45]
    - Les sièges épiscopaux, recensés au début du Ve siècle, étaient puissants dans les régions fortement urbanisées même avant la conquête romaine, dans le nord-est de la Tunisie actuelle. Ils étaient également importants dans les régions correspondant à l’Est de l’Algérie d’aujourd’hui, là où les pôles urbains numides et puniques ou de colonisation romaine ancienne rayonnent encore (régions de Constantine, Guelma, Annaba, Timgad...). L’Église d’Afrique antique était dirigée par l’évêque de Carthage, primat d’Afrique, et organisée autour de six provinces ecclésiastiques.
  • [46]
    - Alain BESANÇON, « Au seuil d’un pontificat. Essai sur le cardinal Joseph Ratzinger, élu pape sous le nom de Benoît XVI le mardi 12 avril 2005 », http:// www. asmp. fr/ fiches_academiciens/besancon_alire.htm : « Le fondamentaliste lit la Bible comme les musulmans lisent le Coran : deux textes infaillibles tombés du ciel. Le christianisme, sous cette forme, manifeste une structure analogique à celle de l’islam, et cela favorise le passage. C’est pourquoi la mission évangélique, pour la première fois dans l’histoire des missions chrétiennes en terre musulmane, remporte des succès appréciables. »
  • [47]
    - Cité par Paul LESOURD, Les pères blancs du Cardinal Lavigerie, Paris, Grasset, 1935, p. 167.
  • [48]
    -Présentation d’une association franco-kabyle, Tafat Umasihi (Lumière des chrétiens) : « Notre association consiste à valoriser la culture kabyle qui nous a été transmise par nos aïeux et défendre nos origines en matière de religion premièrement à savoir le christianisme avec des pionniers comme saint Augustin ou saint Cyprien ; revendiquer notre identité si souvent bafouée au niveau linguistique : la langue amazighe, héritage de nos pères mais aussi nos valeurs, le folklore qui font la richesse de notre culture » : http:// evangelique-kabyle. blog. mongenie. com.
  • [49]
    - Karima DIRÈCHE-SLIMANI, Chrétiens de Kabylie, 1873-1954. Une action missionnaire dans l’Algérie coloniale, Saint-Denis, Éditions Bouchène, 2004.
  • [50]
    - Le ministère des Affaires religieuses et la direction des Affaires religieuses de la wilaya de Tizi-Ouzou lancent, par ailleurs, une contre-offensive et avancent des chiffres relatifs à la pratique de l’islam en Kabylie : 500 mosquées, 400 associations religieuses, 18 zaouïas, chiffres censés démontrer l’attachement des Kabyles à leur religion.
  • [51]
    - Les premiers missionnaires étaient arrivés en Kabylie en 1873, soit peu de temps après l’écrasement de la dernière grande insurrection de 1871, au moment où la Kabylie rendait les armes et se soumettait définitivement à l’armée coloniale. La situation sociale et psychologique de la société kabyle était celle d’une société défaite qui avait capitulé sans conditions. Pertes humaines, humiliations, répressions, séquestres... Le dénuement de la population était profond et généralisé, et le lien social détérioré. Cette situation politique renforça le sens de l’apostolat catholique : venir en aide aux plus démunis, prodiguer des soins, entrer dans l’intimité des groupes sociaux ... et enfin convertir. Les premières conversions furent celles des groupes les plus malmenés (veuves, orphelins, personnes âgées, malades).
  • [52]
    - On estime, aujourd’hui, les évangéliques (pentecôtistes, méthodistes, adventistes, baptistes...) à 500 millions sur 2 milliards de chrétiens. Voir le numéro spécial « Les évangéliques à l’assaut du monde », Hérodote, 119, 2005.
  • [53]
    - Ibid. Un tiers des Coréens sont chrétiens et appartiennent, pour la grande majorité d’entre eux, aux nouvelles Églises évangéliques. La mission coréenne est la deuxième mission du monde après la mission américaine.
  • [54]
    - Eugène Casalis et Thomas Arbousset, missionnaires du Lesotho, ont passé quelque temps en Algérie dans les années 1840. Janus Hocart et Émile Brès, pasteurs méthodistes, s’étaient installés à Ilmaten en Kabylie dans les années 1880. Voir Zohra AÏT ABDELMALEK, Protestants en Algérie. Le protestantisme et son action missionnaire en Algérie aux XIXe et XXe siècles, Lyon, Éditions Olivetan, 2004. La mission Rolland a été créée à Tizi-Ouzou, en 1908, par un laïc de Montbéliard.
  • [55]
    - Nommé à Alger quelques mois avant le déclenchement de la révolution algérienne (novembre 1954), Mgr Duval dénonça très tôt l’usage de la torture et les violations des droits de l’homme par l’armée française. Il fut surnommé avec dérision, par ses détracteurs et par les partisans de l’Algérie française, Mohamed ben Duval.
  • [56]
    - Propos de Mgr Alphonse Geroger, évêque d’Oran, interrogé pour un dossier intitulé « Évangélisation : un phénomène rampant », El Watan, 21 février 2008 : « Je dirais donc que nous, catholiques, sommes en dehors de ce débat sur l’évangélisation en Algérie. Concernant la loi régissant les cultes non musulmans, je pense que c’est une bonne chose qu’il y ait une loi mais il y a des aspects qui ne sont pas positifs. Il ne faut pas, en l’occurrence, que n’importe qui fasse n’importe quoi. »
  • [57]
    - L’assassinat des sept moines de Tibéhrine (près de Médéa à 100 km d’Alger) est l’objet d’une autre lecture plus complexe. Dans un long article, le père Armand Veilleux, procureur général de l’ordre des Cisterciens et chargé de suivre l’affaire, montre les implications des autorités militaires algériennes dans l’enlèvement des moines : Armand VEILLEUX, « Hypothèses de la mort des moines de Tibéhirine », Le Monde, 24 janvier 2003. Il explique que leur présence dans la montagne se révélait encombrante pour l’armée algérienne chargée du ratissage du maquis islamiste. Attribuer leur enlèvement par un islamiste (qui serait un agent des services secrets de l’armée algérienne infiltré dans le GIA) entrerait dans la stratégie d’éloignement des moines. Leur exécution serait due à un dérapage tragique de l’opération, à une bavure monumentale de l’armée algérienne. « Le but de ce ‘vrai faux enlèvement’ était purement médiatique : il s’agissait de convaincre les hommes politiques et le peuple français des dangers de l’islamisme. » Il faut souligner que la mort des moines entraîne la fin de la présence de la dernière communauté catholique contemplative d’Algérie. Cette lecture des faits vient d’être relancée, début juillet 2009, à Paris, par le témoignage inédit d’un général français recueilli par le juge d’instruction antiterroriste qui confirme la thèse d’une bavure de l’armée algérienne. Une bavure que Paris aurait couverte pour préserver ses relations avec Alger. Voir « Les moines de Tibéhirine auraient été victimes d’une méprise de l’armée algérienne », Jeune Afrique, 6 juillet 2009.
  • [58]
    - Mgr Henri TESSIER, Église en islam. Méditation sur l’existence chrétienne en Algérie, Paris, Centurion, 1984 ; Henri SANSON, Christianisme au miroir de l’islam. Essai sur la rencontre des cultures en Algérie, Paris, Éd. du Cerf, 1984.
  • [59]
    - Saad LOUNÈS, « Les acteurs de l’évangélisation de la Kabylie », El Watan, 22 juillet 2004.
  • [60]
    - Fédération qui est la branche française d’Arab World Ministries, organisation missionnaire internationale qui agit sur le monde arabe et musulman, Maghreb et Moyen-Orient et sur les populations immigrées musulmanes en Europe.
  • [61]
    - Accueil du site web de la MENA : http:// www. awm. org/ fr/ .
  • [62]
    - Selon le directeur de l’Observatoire d’études politiques, Charles SAINT-PROT, « L’évangélisation s’appuie sur des réseaux », El Watan, 21 février 2008 : « Cette évangélisation vise en particulier certaines communautés musulmanes dont les origines ethniques pourraient être utilisées pour des projets sécessionnistes et anti-arabes : c’est le cas avec les minorités kurdes d’Irak et de Syrie, mais aussi avec les Kabyles et les Berbères au Maghreb. »
  • [63]
    - Comme par exemple la Joshua’s Project : voir Nadège MÉZIÉ, « Les évangéliques cartographient le monde. Le spiritual mapping », Archives des Sciences Sociales des Religions, 142, 2008, p. 63-85.
  • [64]
    - Élisabeth DORIER-APPRILL et Robert ZIAVOULA, « La diffusion de la culture évangélique en Afrique centrale », Hérodote, op. cit., p. 129-156 : « Le flou de l’appartenance ecclésiale, qui résulte de la conception du rapport direct de l’individu au divin, peut être considéré comme caractéristique du ‘néo-pentecôtisme’ que l’on rencontre dans beaucoup de villes africaines. La confusion d’interprétation est donc fréquente à propos de la ‘mouvance pentecôtiste’, qui est par définition hétérogène. »
  • [65]
    - Djmaledine BENCHENOUF, « La face cachée du prosélytisme évangélique en Algérie », Algeria Watch, 2 septembre 2007 : http:// www. algeria-watch. org/ fr/ article/ analyse/ proselytisme_evangelique.htm, montrait de façon réactive et surtout peu convaincante les interactions entre réseaux financiers et politiques de l’ultra-droite conservatrice américaine, de la CIA, du Congrès américain, du mouvement des sionistes chrétiens et des groupes évangélisés algériens. La démonstration cherche surtout à montrer l’importance des intérêts et les positions acquises par les États-Unis dans l’économie algérienne et les protections dont bénéficieraient les convertis algériens acquis à leurs bienfaiteurs américains.
  • [66]
    - André MARY, « Les pentecôtismes : cultures globales et christianismes du Sud », in Actes du colloque. Le fait religieux. Connaître et comprendre, 14 mars 2005, hhttp:// dafip. ac-aix-marseille. fr/ actes_colloque/ actes_2004_11. htm :« Cette religion d’inspiration protestante, très attachée à la Bible, est vraiment très peu préoccupée de théologie et ne s’embarrasse pas beaucoup d’exégèse de textes, ni d’ailleurs de guides liturgiques. » Voir également Harvey COX, Retour de Dieu. Voyage en pays pentecôtiste, Paris, Desclée de Brouwer, 1995, et Christine HENRY, « Le discours de la conversion », Journal des Africanistes, 68/1-2, 1998, p. 155-172.
  • [67]
    - Femme, 31 ans, profession libérale.
  • [68]
    - Homme, 29 ans, ingénieur.
  • [69]
    - Cela n’empêche pas les mariages arrangés entre chrétiens qui répondent très souvent à deux critères exclusifs : kabyle et chrétien.
  • [70]
    - Homme retraité, 66 ans.
  • [71]
    - Homme, 56 ans, agriculteur.
  • [72]
    - De la même façon d’ailleurs que dans la tradition musulmane inspirée par un hadith (tradition coranique) : « Le musulman est le frère du musulman. Il ne lui fait pas d’injustices, ne le méprise pas et ne lui refuse pas son secours », et par le texte coranique : « Les croyants ne sont que des frères » (sourate 49, verset 10). Fraternité accentuée par la suite par les groupes salafistes et wahhâbites. Tous les groupes islamistes modernes s’inspirent des frères musulmans (ikhwân al-muslimûn), organisation matrice créée en 1928 par Hassan el-Banna.
  • [73]
    - A. MARY, « Les pentecôtismes... », art. cit. : « Cette culture (pentecôtiste) se caractérise enfin par un pragmatisme manifeste dans les réponses apportées aux problèmes des gens et de la souffrance (‘arrêtez de souffrir ! ’), et dans la mobilisation des ressources. »
  • [74]
    - Littéralement, ce qui est écrit. Dans l’usage courant, terme qui désigne le destin.
  • [75]
    - M., 30 ans, technicien supérieur.
  • [76]
    - Homme, 42 ans, fonctionnaire.
  • [77]
    - Homme, 37 ans, chômeur.
  • [78]
    - C’est une lecture de l’islam qu’on peut retrouver sur certains sites néo-évangéliques qui dans une démonstration scientifique, ici une analyse sémiologique du texte coranique, tendent à prouver l’absence d’amour et de compassion dans la religion musulmane. Exemple de commentaires d’un article intitulé L’amour de Dieu dans le Coran et résumé ainsi « Dans le Nouveau Testament, l’amour inconditionnel de Dieu est placé au centre de la Bonne Nouvelle de Jésus. L’étude du Coran révèle-t-elle un enseignement similaire ? », hhttp:// www. awm. org :« En étudiant le concept islamique de Dieu, il y a un siècle, Samuel Zwemer a noté que le Coran ne contenait que de très rares expressions d’amour humain envers Allah (quatre versets utilisent des dérivés du verbe ‘habba’ dont aucun n’est un commandement). Il n’a pu s’empêcher de remarquer le contraste entre cet état de fait et ‘les enseignements nombreux et clairs du Nouveau Testament concernant l’amour que Dieu demande de l’homme et qui coule du cœur de Dieu vers l’homme ! ’ Néanmoins la preuve doit être révélée par la lecture. Une lecture des versets contenant les verbes ‘habba’ et ‘wadda’ montre clairement que l’amour d’Allah dans le Coran est réservé à ceux qui obéissent à ses commandements. »
  • [79]
    - Homme retraité, 66 ans.
  • [80]
    - Tribus arabes (de la région du Nejd en Arabie) qui envahirent le Maghreb en 1051, les Banu-Hillal sont arrivés avec femmes et enfants (entre 200 000 à 250 000 personnes dont 50 000 guerriers) et se sont intégrés au substrat berbère d’Afrique du Nord.
  • [81]
    - Les sites évangéliques livrent régulièrement des informations sur les persécutions au Pakistan, en Iran, au Nigeria... Voir, sur cet aspect de la question, le site de l’Alliance évangélique française.
  • [82]
    - On a constaté très souvent, au fil des entretiens, des discours expansionnistes sur l’évangélisme dans le monde. Il faut rappeler que le sionisme chrétien, un courant politique et théologique né dans le milieu évangélique, a développé la théorie de la double alliance. Celle-ci se réalisera après le retour du Messie en Terre promise et après avoir rassemblé l’ensemble du peuple juif qui garde toujours le bénéfice (de l’alliance et de l’élection) que Dieu a établi avec ses prophètes. Pour cela, il faut garantir la sécurité d’Israël qui permettra, par la suite, la conversion de tous les Juifs.
  • [83]
    - À propos du positionnement des convertis après la promulgation de la loi de 2006 : « La loi des hommes ne nous intéresse pas. Seule la loi du Christ nous guide. »
  • [84]
    - Homme, 29 ans, ingénieur.
  • [85]
    - Femme, 31 ans, profession libérale.
  • [86]
    - « Les chrétiens d’Algérie sous pression », La Croix, 6 avril 2008. Par ailleurs, cinq chrétiens sont arrêtés pour possession de littérature chrétienne en février 2008 et un prêtre catholique d’Oran condamné à un an de prison avec sursis pour avoir célébré la messe de Noël pour des migrants catholiques subsahariens et clandestins.
  • [87]
    - Affirmation proclamée par le ministre des Affaires religieuses, Bouabdallah Ghlamallah.
  • [88]
    - En référence à l’Évangile selon Saint Matthieu, 28, verset 19-20 : « Allez, faites de toutes les nations des disciples les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit et enseignez-leur à observer tout ce que j’ai prescrit. »
  • [89]
    - Olivier ROY, L’islam mondialisé, Paris, Le Seuil, 2002.
  • [90]
    - Le mouvement tablighi (jama’a at-tablighi), créé à la fin des années 1920 dans la péninsule indienne, et le mouvement salafiste né d’un courant wahhâbbite en Arabie saoudite.
  • [91]
    - Moussa KHEDIMALLAH, « Jeunes prédicateurs du mouvement tablighi. La dignité identitaire retrouvée par le puritanisme religieux ? », Socio-anthropologie, 10-1, 2001 : hhttp:// socio-anthropologie. revues. org/ document155. html ;Samir AMGHAR, « Le salafisme au Maghreb : menace pour la sécurité ou facteur de stabilité politique ? », Revue internationale et stratégique, 67, 2007, p. 41-52.
  • [92]
    - Le ministre des Affaires religieuses a même prononcé, en décembre 2006, un avis juridique (une fatwa) contre ces pratiques.
  • [93]
    - Femme au foyer, 65 ans.

1 Le Maghreb n’échappe pas à la grande vague néo-évangélique qui déferle sur l’Afrique subsaharienne et sur l’Amérique du Sud. Le terme néo-évangélique est certainement le plus commode mais également le plus simplificateur pour désigner ces nouvelles Églises issues des dissidences des Églises réformées essentiellement nord-américaines  [1]. Un terme d’autant plus pratique qu’il est extrêmement difficile d’identifier (ou de faire identifier) en Algérie, auprès des convertis et des responsables d’Églises, le groupe évangélique auquel ils appartiennent  [2].

2 Des microchrétientés émergent ici et là sur le territoire algérien et les lieux de culte se multiplient [3]. Ce phénomène de conversion discret, voire souterrain depuis le début des années 1990, a émergé en Algérie pour la première fois dans le débat public lors d’une campagne de presse en 2004. Ce débat soulignait l’ampleur du phénomène et l’efficacité du prosélytisme protestant, notamment en Kabylie, région berbère du nord de l’Algérie. Les chiffres avancés, volontairement exagérés, selon lesquels 30 % de la population de la région de Tizi-Ouzou  [4] auraient été évangélisés, ont provoqué au cours de l’été 2004  [5] une polémique médiatique sans précédent et des réactions tranchées de la part des pouvoirs publics [6]. Ces conversions ont d’abord été évoquées par un universitaire algérien au cours d’un colloque organisé à l’université des sciences islamiques de Constantine. Des chiffres, dont on ne connaît pas la source, ont été avancés : à savoir qu’il existait 15 Églises chrétiennes à Tizi-Ouzou et que près de 31 % des habitants de la région (qui en compte plus d’un million) fréquentaient les églises et participaient au culte. On rajoute également que 74% de ceux qui fréquentent les offices ne le font que pour accéder à des aides financières.

3 Cette région, qui avait déjà connu à la fin du XIXe siècle une politique d’évangélisation catholique dans le cadre colonial et qui avait vu la naissance d’une chrétienté « indigène », se retrouvait projetée dans un débat houleux qui, insidieusement, émettait des doutes sur la sincérité de l’islamité des Kabyles  [7]. Pourtant, ce phénomène d’adhésion aux Églises néo-évangéliques n’a que très peu à voir avec les quelques milliers de conversions au catholicisme obtenues par les Pères Blancs du cardinal Charles Lavigerie  [8] dans le dernier tiers du XIXe siècle. Et il ne concerne pas seulement la Kabylie ; il apparaît dans d’autres régions d’Algérie comme l’Oranie ou dans des espaces carrefour sahariens comme Tamanrasset. On le voit également émerger au Maroc, mais de façon tellement discrète que très peu d’observateurs prennent au sérieux ces convertis du royaume chérifien. Quant à la Tunisie, les nouveaux convertis sont fréquemment cachés par les subsahariens anglophones en transit dans le pays. Si aujourd’hui, les conversions au christianisme occupent régulièrement la une de la presse algérienne (aussi bien francophone qu’arabophone) et contraignent certaines personnalités du gouvernement à prendre des positions publiques, c’est surtout la promulgation de la loi de mars 2006 sur la gestion des cultes non musulmans [9] qui a braqué les projecteurs sur les nouveaux convertis.

4 Dans cette analyse, l’espace kabyle est privilégié pour deux raisons. D’une part, parce que la place des conversions semble acquise dans l’espace public aussi bien en termes de visibilité (emplacement des locaux cultuels) que des discours des convertis eux-mêmes qui ne font aucun mystère de leur nouvelle appartenance confessionnelle et de leurs pratiques cultuelles vis-à-vis de leur entourage familial et social. Ne pas se cacher est un phénomène nouveau qui change radicalement la donne dans la perception des convertis. Et même si l’on ne dispose pas de statistiques sur le nombre de baptisés, les conversions semblent se multiplier et toucher des espaces citadins aussi bien que ruraux et montagnards. L’un des indicateurs de l’augmentation progressive de ces conversions est la multiplication de ce que les convertis appellent des cellules de prières et que j’ai personnellement constaté au cours de mes enquêtes. Petites maisons en ciments hâtivement construites dans des lieux improbables éloignés des axes routiers, garages et petits locaux de commerce, arrière-boutiques, tout est bon pour réunir une poignée de pratiquants.

5 Au risque d’exacerber les représentations journalistiques et idéologiques de ce phénomène et la surmédiatisation de cette région  [10], il semblerait que la dimension kabyle de ces conversions mérite une analyse spécifique. Car celle-ci induit des effets en chaîne aussi bien dans la gestion politique et juridique du religieux (comment l’État algérien va-t-il gérer la pluralité confessionnelle ? ) que dans les représentations régionales et nationales d’une région en crise, secouée depuis l’indépendance du pays en 1962 par des mouvements sociaux et identitaires de grande ampleur. Deux éléments interfèrent dans la configuration politico-historique de la Kabylie : la laïcité prônée par les intellectuels kabyles du mouvement berbère (inhérente selon eux à la tradition politique de la société kabyle) et condamnée par les courants islamo-conservateurs et le pouvoir algérien  [11] ; les discours religieux et les représentations historiques propres aux néophytes kabyles qui s’articulent autour d’une ethnicité berbère chrétienne en s’appropriant toute la littérature coloniale sur les particularismes des Berbères et leur spécificité historique.

6 D’autre part, la Kabylie est un espace géographique et historique qui réactive, sinon excite, des représentations héritées à la fois des expérimentations coloniales qui lui sont liées mais également de ses particularismes linguistiques et culturels. Dernière région d’Algérie à avoir été conquise par l’armée coloniale française en 1871, la Kabylie a également résisté à l’occupation ottomane, notamment par la négociation systématique du paiement de l’impôt exigé par la Régence d’Alger. Cette tradition de résistance, soulignée par les occupants extérieurs à l’Algérie mais aussi largement par les Kabyles eux-mêmes, trouve des résonances dans l’histoire contemporaine et actuelle du pays. Première région d’Algérie à mobiliser des forces sociales sur des revendications avant tout linguistiques et culturelles, relayées ensuite par des revendications démocratiques et laïques, la Kabylie initie et impulse depuis 1962 des mouvements sociaux de grande ampleur et apparaît comme une région à l’avant-poste des contestations politiques avec une population acquise à une culture politique et militante relativement élaborée par rapport à d’autres régions d’Algérie. Au-delà de ces représentations générales et largement galvaudées – notamment celles d’une région frondeuse, séditieuse et rebelle au pouvoir central –, il faut souligner les paramètres socio-économiques et politiques qui permettent de mieux éclairer une situation de crise et des enjeux profondément identitaires qui sont, sans doute, une des clés permettant de comprendre le phénomène de conversion. Par ailleurs, les manifestations de désarroi suscitées par la décennie de violences que l’Algérie a eu à connaître récemment ont certainement exacerbé des remises en question politiques, identitaires, voire existentielles. Dans une Kabylie encombrée de crises de toutes sortes (identitaire, économique, politique...), les alternatives sont peu nombreuses. Entre activisme politique et militant (dont les retombées sont peu gratifiantes) et désenchantement, les chemins de renouvellement sont rares ou débouchent sur des impasses.

7 La Kabylie ne concentre qu’un sixième de la population algérienne, mais elle apparaît sur la scène politique nationale et dans le champ social comme un concentré d’expériences diverses révélatrices des problèmes et des mutations qui se développent à l’échelle du pays. Au point (par un jeu anthropomorphique régional) de la considérer comme un espace social  [12] qui n’hésite pas à pratiquer le culte des extrêmes jusque dans ses appropriations nouvelles du religieux ? Il n’y aurait qu’un pas à franchir pour répondre par l’affirmative à cette interrogation.

8 La conversion traverse les générations, les tranches d’âge, les catégories socio-professionnelles. Sa lecture pose un double problème : d’une part, elle se produit dans un espace connoté politiquement et ethniquement ; d’autre part, elle est soumise à des manipulations et des interprétations multiples de la part des convertis eux-mêmes et de celle des différents acteurs de la sphère politico-religieuse de la société algérienne. L’analyse sociopolitique permet de rendre compte d’un certain nombre de paramètres intelligibles et pertinents. Quand les nouveaux chrétiens n’hésitent pas à parler de retour aux « sources antiques du christianisme berbère » pour justifier leur rupture religieuse, on peut y lire une façon de s’opposer au pouvoir et de rompre avec l’arabo-islamisme idéologique nationaliste. En ce sens, on peut parler de certaines conversions comme d’un acte politique. Car s’affirmer chrétien devient une revendication d’ethnicité qui renvoie à une histoire et à un patrimoine religieux bien plus anciens que celui de la communauté arabo-islamique dans laquelle on ne se reconnaît peut-être plus.

9 Les éléments d’analyse qui figurent dans cet article sont le produit d’enquêtes menées entre 2005 et 2008 en Algérie dans trois régions : l’Algérois, la Kabylie et l’Oranie. Les témoignages des 62 personnes interviewées, particulièrement en Kabylie, et les récits de conversion obtenus ont permis de reconstituer un canevas narratif relativement semblable autour duquel s’articulent plusieurs points d’ancrage dont il a fallu restituer la réalité anthropologique dans une analyse sociopolitique. Ces 62 personnes, aussi bien des hommes que des femmes  [13], âgées de 20 à 70 ans, ont été contactées par le réseau personnel de ma principale interlocutrice, une jeune femme de 30 ans convertie depuis l’âge de 20 ans et qui exerce une fonction libérale dans une petite ville à 30 kilomètres de Tizi-Ouzou. Par ailleurs, d’autres éléments, contenus dans un dossier de presse réalisé entre juillet 2004 et octobre 2008 à partir de plusieurs journaux algériens francophones et arabophones  [14], sont venus éclairer le débat public sur les conversions au christianisme qui a animé les principaux forums et tribunes de la société algérienne de ces dernières années. L’utilisation de la presse algérienne pose, néanmoins, des problèmes de traitement méthodologique (liés à la pratique du journalisme et au problème des sources). Cela nécessite, bien entendu, des précautions de lecture qui interrogent également les forces de fond (sociales, idéologiques et politiques) qui produisent les principales sources d’information largement diffusées (mais en même temps formatées) dans la presse algérienne  [15].

Ruptures et formes de mobilisation récentes de la société kabyle

Multipartisme, libéralisation économique et guerre civile en Algérie

10 À la fin des années 1980, l’Algérie abandonne progressivement le modèle de développement socialiste et collectiviste, qui prévalait depuis 1962, pour entrer dans l’économie de marché et impulser la libéralisation des secteurs publics. L’appareil d’État et l’appareil économique se trouvent transformés par de nouvelles pratiques liées à la reconversion de la rente pétrolière [16]. Les ajustements structurels et la privatisation de certains secteurs d’État s’accompagnent de la fermeture de centaines d’entreprises et du licenciement de dizaines de milliers de salariés  [17]. Le développement de l’économie parallèle, l’enrichissement faramineux d’une oligarchie d’entreprise qui a investi dans des activités porteuses liées par ailleurs au pouvoir politique, la dépression et la dépréciation des secteurs publics, l’absence de partage social de la rente pétrolière contribuent à la paupérisation et à la précarisation d’une partie de la population, les jeunes étant les plus touchés. À ces mutations économiques, il faut ajouter les conséquences d’une urbanisation intensive et anarchique, de la dévalorisation de l’idéologie d’État et de la dégradation des conditions de travail et de vie dans les milieux ouvriers et paysans qui se sont poursuivies tout au long des années 1990. Ces années ont coïncidé avec le développement du marché parallèle et des activités informelles. La culture du trabendo [18] et de la débrouillardise touche une grande majorité des jeunes qui n’a pas accédé aux formations et aux parcours qualifiants. Et quand elle y a accédé, elle se heurte désespérément au mur du chômage  [19].

11 Si aujourd’hui l’héritage révolutionnaire et socialiste algérien (à la fois idéologique et économique) n’a plus de sens et surtout n’est plus porteur d’avenir, la guerre civile et la terreur de la décennie 1990, la décennie noire qui a fait près de 200 000 victimes  [20], ont laissé d’importantes séquelles traumatiques. Cette guerre, qui a opposé le gouvernement algérien à divers groupes islamistes à partir de 1991 [21], s’est enlisée dans un processus de violence inouïe aussi bien de la part de l’armée que des groupes islamistes. Les actes terroristes commis par ces derniers visaient non seulement les forces armées et la police, mais également des civils (intellectuels, journalistes, hommes politiques, anonymes) entraînés dans une violence gratuite allant crescendo. La guérilla armée a atteint son paroxysme en 1997 et 1998 aussi bien en zone urbaine que rurale avec les massacres de populations villageoises dont l’horreur a laissé les Algériens désemparés et impuissants à comprendre les motivations de ces actes de violence. Le gouvernement algérien a, par ailleurs, cultivé le doute et l’ambiguïté quant à sa propre responsabilité dans les violences commises sur les populations civiles. Après une stigmatisation féroce de l’islamisme algérien, source selon lui de tous les maux qui ont frappé la société algérienne, il met en place au début des années 2000 un processus d’amnistie des chefs de l’armée, des forces de sécurité et des membres du Groupe islamique armé (GIA). Cette amnistie s’accompagne d’une volonté d’amnésie de la violence et des responsabilités et se traduit donc par l’impossibilité de rendre, enfin, une justice attendue par tous  [22]. Cette normalisation forcée de la situation, en dépit des traumatismes engendrés et du nombre effarant de victimes, s’accompagne rapidement de la mise en place d’une version officielle de la guerre civile dans laquelle le pouvoir nie sa part de responsabilité : « L’État et ses instances ont été attaqués par le terrorisme islamiste. » Une version expurgée et travestie, qui rappelle étrangement celle de la guerre d’indépendance dans laquelle la violence ne pouvait être que le fait de l’ennemi colonial. Cette histoire du temps présent renvoie aux dénis et aux mensonges de l’État qui instrumentalise le besoin légitime de sécurité et de paix d’une société algérienne éprouvée mais qui en même temps n’entretient aucune illusion quant à la volonté de bonne gouvernance de ses dirigeants.

12 Si la reddition des groupes islamistes est aujourd’hui à peu près acquise  [23] et si le retour à la normalité est en quelque sorte officialisé par des investissements étrangers massifs et par l’installation d’entreprises européennes et américaines, il n’en reste pas moins que la société algérienne cherche des repères, expérimente des gestes et initie des projets avec une vitalité qui lui donne le sentiment d’être actrice de son présent et de son avenir immédiat. Cette action immédiate n’est pas incompatible avec le désenchantement et surtout l’envie de chercher ailleurs des raisons d’espérer, dans l’émigration  [24] comme dans de nouvelles actions politiques et dans de nouvelles identités religieuses. Cette énergie déployée, et propre aux périodes post-traumatiques et d’après-guerre, ne cache cependant pas les effets désastreux d’une politique de refoulement et d’amnistie de la violence terroriste et de la violence d’État  [25]. « Ce qui est passé est mort » (Li fât, mât [26]: l’application de l’adage populaire par l’État algérien est animée par sa volonté de pardonner (mais à qui ? ) pour mieux construire l’avenir. Mais la non-reconnaissance des victimes, la non-désignation des coupables et l’absence de justice apparaissent aux Algériens comme un sacrifice supplémentaire de la nation  [27] qui ne repose que sur la douleur et les craintes du retour des violences. L’utilisation par l’État algérien de la peur du terrorisme, pour justifier une auto-amnistie/amnésie qu’il légitime pour le bien de tous, réactive le sentiment d’impunité des responsables  [28] ; et on ne soulignera jamais assez, à l’échelle d’une société, les effets désastreux d’une politique d’oubli forcé qui ne reconnaît ni les souffrances ni les préjudices subis.

Le grand retour des ancêtres : le Mouvement des tribus en Kabylie

13 Les conséquences de la guerre civile conjuguées à la marginalisation économique et aux effets pervers de la libéralisation sont, sans aucun doute, une clé déterminante pour comprendre la rage et l’énergie qui animent un mouvement politique et contestataire proclamé Mouvement des tribus (âarch) [29], qui a émergé en Kabylie en 2001  [30]. Celui-ci est sans aucun doute la manifestation la plus visible et la plus politisée d’une vie politique engluée jusque-là dans un marasme délétère dont aucun parti politique n’arrive à émerger. Aucun projet de société ne parvient à s’exprimer en termes de transition politique, de démocratisation et de réforme et à obtenir ainsi un consensus populaire. À l’échelle de la Kabylie, les problèmes économiques sont tout aussi catastrophiques que dans le reste du pays : fuite des capitaux et des investissements privés, baisse dramatique de la rente migratoire, désindustrialisation  [31], etc.

14 Sans repère, sans cadre, sans leader charismatique  [32], sans discours élaboré, le mouvement s’engouffre dans les seules structures traditionnelles qui gardent un sens pour le lien social et surtout pour la définition de soi. Si la presse nationale et internationale s’est émue et a glosé sans fin sur « le retour au tribalisme » en Kabylie, elle en a oublié la dimension hautement symbolique. Car si les tribus et les assemblées villageoises (tajma’at) ont été investies avec autant d’ardeur, c’est parce qu’elles renvoient à des structures anciennes qui garantissaient le maintien d’une solidarité idéalisée et d’un lien social malmené par un présent en crise. Cette récupération de l’appartenance communautaire s’établit sur l’idée, partagée par un grand nombre, que la société kabyle précoloniale était dotée d’institutions collégiales qui pratiquaient une démocratie communautaire à l’échelle des individus. Cette idéalisation de la société passée, s’inspirant à la fois du mythe kabyle  [33], de certaines formes de résistance à des réalités politiques, participe à la reconstruction d’un passé prometteur et porteur d’appartenance et d’identité  [34]. Ce réinvestissement se fait pourtant selon des modalités qui n’ont rien de traditionnelles. Car le projet injecté dans ces structures anciennes ne correspond pas à « l’archaïsme » des formes. Les discours et les pratiques qui l’accompagnent sont tournés vers une modernité qui se veut citoyenne et démocratique, en accord avec le temps actuel. Et si des pratiques traditionnelles résiduelles persistent (absence des femmes, pratiques de bannissement, jugements collectifs, etc.)  [35], elles ne remettent pas en cause des questions de principe  [36] partagées par l’ensemble des progressistes et des démocrates algériens.

15 Le Mouvement des âarch dépasse donc la stricte revendication identitaire. Si le déni identitaire de l’héritage berbère du pays, pratiqué par l’État algérien depuis 1962, renvoie au déni démocratique, il souligne également des dysfonctionnements politiques graves. À l’échelle de la Kabylie, la revendication correspond au déficit de la représentation politique alimenté par des partis politiques plus soucieux de reconnaissance institutionnelle que de la prise en charge des problèmes matériels et humains de la région. À l’échelle de l’État algérien, c’est l’étroitesse de la marge de manœuvre de l’aile civile des dirigeants politiques [37] qui apparaît une fois encore. Par ailleurs, la contestation sociale du printemps 2001 a eu des répercussions dramatiques sur une économie régionale déjà touchée par un chômage endémique  [38] et a contribué à l’aggravation d’un climat socio-économique délétère.

16 La Kabylie apparaît ainsi comme un espace social et politique où la dramaturgie de la crise est portée à son paroxysme dans une exacerbation presque collective. Une dramaturgie pétrie par les violences et les excès d’une histoire peu accommodante, réactivée régulièrement par les chocs répétés d’un présent qui ébranle des équilibres fragiles  [39]. Une culture de la crise et de la souffrance qui est profondément intégrée à une identité malmenée. La surexposition médiatique de la région  [40] contribue à la mise en scène émotionnelle de foules scandant des slogans victimaires dans une mémoire de la souffrance : « une identité fondée sur la victimité, autre façon d’être et d’exister  [41] ». La tradition de résistance qui caractérise la culture politique kabyle est régulièrement activée par des mouvements de masse dont les logiques parfois imprévisibles ne sont pas toujours identifiables. Ces mouvements portés par une adhésion collective engendrent des dynamiques sociales  [42] où la question de l’histoire et de ses acteurs est toujours au cœur de l’action.

17 La dramaturgie a certainement été portée à son plus haut degré, au printemps 2001, avec ces jeunes gens offrant leur poitrine aux services armés de sécurité et de répression et criant : « Vous pouvez nous tuer, nous sommes déjà morts ! » Et ces foules gigantesques scandant indéfiniment les mêmes slogans répétés en chœur et inscrits sur les murs de toutes les bourgades de Kabylie  [43]. La Kabylie a certainement payé cher sa contestation berbériste (militantisme identitaire à l’échelle d’une région) et sa demande de pluralisme politique (militantisme à l’échelle de la nation). La convergence des deux a souvent eu du mal à se réaliser et a été porteuse de paradoxes et d’ambiguïtés. En effet, ses revendications, qui font écho à celles de l’Algérie dans son ensemble, sont régulièrement disqualifiées et renvoyées à une affirmation régionaliste, voire à un enfermement identitaire.

Le christianisme ancien : dolorisme et fantasmes

18 Convoquer le passé (et le soumettre à un présent en crise) est devenu un des moyens rhétoriques mais également politiques d’affirmation de soi. Si avec le Mouvement des âarch, l’histoire précoloniale de la Kabylie est régulièrement évoquée pour rappeler et donner une valeur ajoutée à un lien social idéel et structurant, l’histoire antique de l’Algérie est convoquée et largement investie par les nouveaux convertis pour souligner à grands traits les spécificités berbères et chrétiennes du pays.

19 Le discours sur le christianisme antique de l’Afrique du Nord est totalement réapproprié dans un effort constant et volontariste pour renouer la chaîne brisée, selon eux, par l’introduction de l’islam : « Nous étions tous des chrétiens, c’était la religion de nos ancêtres. Notre conversion fait que nous revenons à ce que nous étions... » Ces affirmations sont récurrentes dans les récits de conversion. Ce christianisme ancien est également valorisé par son caractère « authentique », primitif. Une Numidie  [44] présentée comme totalement acquise au christianisme dès le IIIe siècle ; un christianisme apporté par les légions romaines au IIe siècle et dont l’antériorité par rapport à l’islam lui accorderait un gage d’autochtonéité dont il ne faut discuter ni la pertinence, ni la vérité. Qu’importent les anachronismes et les confusions historiques, ce qui compte c’est le paramètre chrétien dans la continuité : « nous sommes d’anciens chrétiens et nous ne faisons que retrouver notre religion originelle... ».

20 Si des personnalités comme saint Augustin ou saint Cyprien sont souvent évoquées pour valider la présence chrétienne berbère et son rayonnement  [45], les convertis s’attardent plus généralement au message chrétien de l’Église primitive qui aurait gardé sa « pureté » et son inaltérabilité. Et pour les néo-évangélistes, seules la lecture et l’interprétation littérales du texte biblique (considérées par ailleurs comme l’unique façon de lire et de comprendre le texte religieux)  [46] fondent le dogme ; et seules la grâce et la révélation de l’Esprit saint fondent les croyances.

21 L’arrivée de l’islam est souvent décrite comme une catastrophe historique, à grand renfort d’images parfois d’une extrême violence. L’islamisation de l’Afrique du nord est présentée comme un processus forcé, soumettant les populations à un joug militaire qui participe aux viols, aux tueries et aux éviscérations de femmes enceintes. Un christianisme de martyrs, victime du fanatisme musulman conquérant et triomphant par la force des armes, et qui s’éteint progressivement avec la prise de Carthage en 698 et la chute des derniers bastions de résistance byzantine.

22 Les missionnaires catholiques reprendront à leur compte la rhétorique du martyr de l’Église antique avec C. Lavigerie, archevêque d’Alger en 1867 : « Alger, l’ancienne Icosium de Mauritanie, évangélisée dès les temps apostoliques, ruinée par les Vandales, prise et mise à sang par les Arabes qui l’arrachèrent à la croix après la longue résistance des Berbères réfugiés dans la montagne, un moment arrachée à l’infidélité et à la barbarie par les armes de Ferdinand le Catholique  [47]... » Cette chrétienté ancienne sera l’un des supports essentiels du mythe kabyle, très en vogue au cours de la période coloniale, qui consistait à souligner systématiquement les clivages arabes/berbères. Christianisme martyrisé et berbérité malmenée se conjuguent dans une construction historique spécifique. Si l’antériorité du christianisme est constamment soulignée pour légitimer l’adhésion à l’évangélisme dans l’Algérie d’aujourd’hui, le caractère berbère (tel qu’il est évoqué historiquement) du christianisme renforce l’autochtonéité et l’historicité de son ancrage dans les sociétés anciennes d’Afrique du Nord. « Berbères et chrétiens, voilà ce que nous étions avant l’arrivée des Arabes et de l’islam » : telle est l’antienne des nouveaux convertis  [48]. Les Arabes sont des occupants et l’islam est une religion d’emprunt. Cette recherche d’authenticité et d’autochtonéité est un des aspects de l’obsession des origines qui caractérise une certaine forme du militantisme kabyle contemporain.

23 Si la Kabylie exacerbe autant les représentations liées à ses mouvements de contestation politique et d’expression identitaire, c’est parce qu’elle a déjà connu dans son histoire une politique d’évangélisation menée dans le cadre d’une action missionnaire caritative et scolaire  [49]. À la fin du XIXe siècle dans l’Algérie colonisée, faisant suite à la répression violente de la dernière grande insurrection algérienne en 1871 contre la colonisation, des conversions se sont produites en Kabylie (dans la montagne principalement) donnant naissance à des microchrétientés animées par quelques milliers d’individus. Ces conversions d’indigènes, longtemps considérées comme un épiphénomène démographique négligeable ou comme un avatar de l’histoire coloniale, réactivaient à l’extrême le modèle colonial assimilationniste français et le mythe berbère : christianiser et franciser. Il est intéressant de mentionner que les conversions au christianisme catholique et au néo-évangélisme se sont effectuées toutes deux dans un contexte de grande violence politique et idéologique (guerre coloniale pour l’un et guerre civile pour l’autre). Un autre point commun aux deux temporalités est le cadre missionnaire volontariste et très actif dans lequel interviennent les conversions (évangélisation catholique offensive dans un cadre colonial et protestantisme évangélique mondialisé).

24 Dans les deux cas, les conversions ont alimenté des polémiques houleuses sur l’islamité des Kabyles et leur rapport au religieux. Elles sont, à chaque fois qu’elles sont évoquées, ressenties comme des phénomènes gênants et encombrants : scorie de l’histoire coloniale pour l’une et remise en question de l’identité religieuse de la nation pour l’autre  [50]. Cette dernière a déclenché le débat sur la définition de l’identité nationale et la redéfinition du rapport au religieux de la société algérienne, notamment le religieux non musulman. Qu’est-ce qu’un Algérien aujourd’hui ? Comment la constitution algérienne règle-t-elle le problème de la pluriconfessionnalité ? Comment ces glissements confessionnels remettent-ils en question, du moins dans les représentations politiques, le socle fondamental de l’identité algérienne fondé sur l’arabité et l’islamité, sachant que la République algérienne, bien qu’officiellement laïque, considère l’islam comme une donnée constitutive de son identité collective et, qu’à l’échelle individuelle, l’islam est une composante de la citoyenneté. Autant d’interrogations exacerbées qui se focalisent sur la Kabylie, encore une fois placée dans la situation caricaturale d’une région qui brandit le spectre du séparatisme en rendant problématique son intégration dans le champ du national (ici le champ national du religieux).

25 Alors qui se convertit ? Quelles modalités prennent les actes de passage confessionnel ? Quels enjeux recouvrent la conversion ?

26 Si dans le premier cas historique, les enjeux et les motivations étaient plus identifiables  [51], le deuxième cas renvoie à des situations autrement plus complexes. Car il faut prendre en compte la volonté d’individuation, les demandes démocratiques et la volonté d’accéder à une citoyenneté pleine qui passent par l’intercession du divin. Les sphères du pouvoir politique ne sont plus investies et le dialogue avec les dirigeants politiques et institutionnels (partis, syndicats, leaders...) est rompu. Seuls Dieu et la foi sont la réponse au présent.

Réseaux de prédication et d’évangélisation

27 Les méthodes d’évangélisation et leur accélération en Kabylie et plus généralement au Maghreb (mais avec d’autres modalités) font partie d’une stratégie mondiale activée par deux obédiences néo-protestantes d’origine américaine. Le courant évangélique, dit revivaliste (réveil des chrétiens), apparu il y a un siècle au sein du protestantisme anglo-américain (globalement l’Église méthodiste), et le courant pentecôtiste né au début du XXe siècle aux États-Unis (born again Christians).

28 La doctrine évangélique est le courant religieux qui progresse le plus dans le monde  [52]. En moins de 25 ans de mission évangélique, l’Amérique latine s’est détournée de l’Église catholique ; au Brésil, on compte aujourd’hui plus de conversions au protestantisme qu’au catholicisme. En Afrique subsaharienne (Mali, Niger, Nigeria, Tchad...), les pentecôtistes concurrencent les prédicateurs islamistes. Pour ces Églises, le monde musulman est considéré comme l’ultime espace de mission, d’autant plus que la religion musulmane est appréhendée comme une concurrente du christianisme évangélique. Celui-ci progresse à une vitesse surprenante notamment dans des sociétés non chrétiennes  [53]. Au Maghreb, les modes opératoires sont d’autant plus difficiles à cerner que les responsables d’Églises sont très discrets sur la question. En Algérie, dans la volonté de montrer qu’il s’agit d’un phénomène spontané et d’une réalité spirituelle endogène à la société, ils préfèrent souligner le caractère individuel des conversions dont l’effet boule de neige serait le meilleur argument de la qualité de ces cheminements spirituels.

29 L’Église protestante n’a pas connu, en Algérie, le même parcours ni le même succès que l’Église catholique. À la période coloniale, à l’exception de quelques missionnaires isolés  [54], son action était très limitée. La Société des missions évangéliques de Paris a rapidement renoncé à toute mission en Algérie et a été remplacée par quelques missionnaires britanniques suspectés par ailleurs d’espionnage politique par les différents gouvernements généraux d’Algérie. La tradition missionnaire protestante ne s’est pas réellement ancrée en Algérie car elle n’a pas bénéficié des mêmes appuis politiques que les missions catholiques, notamment avec le cardinal Lavigerie dont le charisme politique a permis d’obtenir une réelle marge de manœuvre sur le terrain de l’apostolat missionnaire. Des personnalités hautes en couleurs comme celle de Lavigerie ou charismatiques comme celle de l’archevêque Léon-Étienne Duval (dans un tout autre registre)  [55] ont marqué l’histoire de l’Église catholique algérienne. Et l’indépendance de l’Algérie n’a pas empêché le maintien de sa présence qui s’est faite, par la suite, extrêmement discrète [56], consciente d’être un témoin d’un temps révolu et un résidu de la présence coloniale. La mort des sept moines français du monastère cistercien de Tibehrine, en mars 1996  [57], a renforcé le symbole d’un christianisme martyr en terre africaine. La lecture religieuse de ce massacre (des chrétiens tués par des islamistes), surenchérie par les Algériens comme par les Français, a accentué la position de réserve qui était déjà celle de l’Église catholique en terre musulmane dans un modèle de spiritualité inspiré par des vies de prières et d’ascétisme sans message évangélique spécifique  [58].

30 Paradoxalement, il faudra attendre la période de l’indépendance et la politique de coopération internationale avec les pays francophones pour identifier des missionnaires protestants venus en Algérie occuper des fonctions d’enseignants, de techniciens, d’ingénieurs et de médecins. Leur travail de prédication et d’évangélisation est extrêmement discret dans ces années 1970 et 1980 marquées en Algérie par un nationalisme exacerbé et une surenchère dans l’institutionnalisation de l’islam, religion d’État. Les quelques convertis sont silencieux et bénéficient d’une formation théologique de qualité, en liaison avec des Églises protestantes françaises. Il semblerait que ces convertis soient devenus pasteurs à leur tour et soient à l’origine des microchrétientés locales. Le caractère flou de ces filières de formation, de la circulation des informations et de la mobilité des individus accentue l’idée du caractère strictement endogène des conversions. Tout au plus pouvons-nous établir des connexions avec des organisations religieuses comme les assemblées de Dieu d’Algérie, l’Église évangélique libre, le Forum des pasteurs, relayées par des radios comme Al-Mahabba ou des chaînes de télévision évangéliques qui émettent vers le nord de l’Afrique (Channel North Africa)  [59]. L’ensemble de ces organisations serait fédéré par le Ministère évangélique parmi les nations arabes (MENA)  [60] qui regroupe des protestants évangéliques de différents pays et de différentes Églises et dont l’objectif est de « voir les Églises se multiplier parmi les Arabes du monde musulman et partout où ils se trouvent  [61] ». Si le monde arabe et musulman est investi avec des discours et des pratiques adaptés, les communautés non arabes, considérées comme des minorités linguistiques et ethniques, font l’objet de stratégies plus ciblées  [62]. Des groupes linguistiques et culturels minorisés ou opprimés qui seraient des candidats de choix pour certaines organisations ? Certaines n’en font pas un mystère [63]. En Algérie, la discrétion de ces organisations est de mise. Si la promulgation de la loi de 2006 sur les cultes non musulmans est particulièrement répressive, elle a en revanche sensiblement changé la donne en matière de visibilité. Les responsables d’Églises, dans leurs prises de position officielles, estiment que cette loi est très positive puisqu’elle leur permet d’être visibles, de marquer le champ du religieux algérien mais surtout d’en finir avec des pratiques cultuelles souterraines et d’obtenir des agréments officiels. Cette lecture n’avait certainement pas été imaginée par les auteurs de la loi car, à l’échelle des convertis, elle permet d’accentuer le caractère algérien et donc national de leurs communautés religieuses.

31 La complexité des réseaux de prédication renvoie à la difficulté d’identifier les courants évangéliques et les appartenances à telle communauté religieuse plutôt qu’à une autre : celle-ci se retrouve en Algérie de la même façon qu’en Afrique centrale [64]. Elle bute sur deux réalités. D’une part, le constat des modalités de conversion des individus et l’absence de visibilité de réseaux missionnaires tels qu’on peut les appréhender au Brésil par exemple ou en Corée du Sud. En Algérie, les conversions semblent se faire à l’échelle individuelle et à celle du groupe familial. Et contrairement à ce qu’ont pu en dire la presse et certains détracteurs  [65], il n’y a pas de conversions de masse spéculées en amont. Les convertis parlent tous de cheminement spirituel, de doutes et d’incertitudes entre le moment de la Révélation et celui du baptême. Mais seuls les discours sur le dogme et les pratiques des convertis permettent de situer les mouvances religieuses auxquelles ils appartiennent. D’autre part, cette adhésion au christianisme se pratique sans discours théologiques élaborés qui justifieraient du choix du protestantisme évangélique. La simplicité du discours sur la « conversion du cœur », sur l’égalité des croyants débarrassés de la lourdeur de la hiérarchie cléricale, sur l’expérience unique de la relation directe à Dieu, l’importance accordée aux miracles, aux « charismes », au don de guérison, laissent à penser que ces conversions se rattachent à des Églises de la mouvance pentecôtiste. Mais l’opacité demeure de mise...

32 Si les convertis ont du mal à se prononcer sur la catégorie religieuse à laquelle ils appartiennent, c’est bien souvent parce que la sophistication de l’appareil de dénomination religieuse leur échappe ou ne fait pas sens pour eux. Se dire chrétien, c’est se placer dans un choix clair notamment vis-à-vis d’un milieu musulman. Seuls les plus initiés, et donc accédant à des fonctions d’autorité, peuvent se prévaloir d’une connaissance plus affinée de la catégorie d’appartenance et des réseaux confessionnels extérieurs. Ils pratiquent par ailleurs intentionnellement la rétention d’information à ce sujet car ils redoutent les confusions (et leurs conséquences) entre évangélisme, américanisme et offensive missionnaire. Des documentaires diffusés sur des chaînes françaises filmant des récits de conversion en caméra cachée ont accentué le caractère clandestin des conversions en Algérie et porté, selon eux, préjudice aux véritables enfants de Dieu. La volonté de faire apparaître ces conversions comme des conversions autochtones qui n’ont rien à voir avec l’étranger est relayée par le néophyte dont le récit de conversion est marqué par le privilège de la grâce individuelle.

33 La plupart des convertis interrogés ignorent souvent qu’ils appartiennent à cette gigantesque nébuleuse de l’évangélisme mondialisé. La culture religieuse des convertis se limite bien souvent à la pratique de la lecture littérale de la Bible qu’ils considèrent comme un texte infaillible  [66]. Qu’ils lisent le texte en arabe ou en français, il n’est pas sujet à l’erreur. Cette conviction ne peut être comparée à celle qui accompagne la lecture coranique. Car ces convertis, qui se présentent tous comme d’anciens musulmans pratiquants, trouvent dans l’expérience évangélique une singularité et une exceptionnalité qu’ils ne trouvaient pas dans la pratique de l’islam. Cette conviction de l’infaillibilité du texte biblique est conjuguée à la croyance au pouvoir de guérison, à celle des miracles et à celle de la glossolalie. Elle tisse ainsi l’atmosphère d’exaltation des assemblées et l’extrême dévotion au moment du culte. La conviction sincère de renouer avec les charismes de l’Église ancienne s’accompagne de l’intégration de phénomènes psychophysiologiques particulièrement stimulants pour le groupe. Les récits de miracles ou d’annonces spectaculaires ponctuent les moments de prière et produisent des moments d’enthousiasme et de communion partagés par tous.

34 La force des discours néo-évangéliques réside certainement dans leur simplicité et dans la proximité du lien qu’ils offrent avec le divin. Ils proposent une spiritualité à la portée de tous, dégagée des contraintes d’un clergé tatillon et des interprétations théologiques mal comprises. L’accès à l’intimité du divin fait du converti un être privilégié, un « élu » qui le fait entrer dans un processus d’individuation exceptionnel.

La conversion comme processus d’individuation

35 La conversion est très souvent présentée comme une expérience religieuse inédite et unique dans sa dimension introspective et mystique. Elle est toujours racontée comme une affaire de choix individuel qui renvoie à l’intimité et au libre arbitre. Ces deux éléments sont toujours évoqués comme des acquis de la conversion qui ont permis, non pas de sortir du groupe, mais de naître à soi et de s’affirmer comme un individu libre. En Algérie, assumer sa différence religieuse dans une société où ces conversions sont considérées comme des aberrations sociales ou des manipulations venues de l’étranger est sans doute une des rares possibilités d’affirmer son libre arbitre : « Nous avons choisi ce que nous sommes. » Les processus d’individuation inaugurent de nouvelles existences et de nouveaux modes relationnels : rupture avec l’ordre familial, l’autorité traditionnelle – « le respect oui, mais pas la soumission » – et l’obéissance au père, au mari, à la famille dans sa globalité... ; mise à distance des contraintes familiales et de la régulation sociale – « mon mari doit assumer le fait de s’imposer en tant qu’individu et adulte face à ses parents ; je n’ai pas à assumer les problèmes venant de son côté et de ma belle-famille. Moi, je m’occupe de ceux de mes parents ; lui s’occupe des siens... [67] ». Cette distanciation des espaces, des groupes et des individus modifie considérablement les existences, notamment avec la prise en compte de l’entité couple, qui passe avant l’entité famille, et le partage des tâches assumé par les hommes. « Je suis le fils de Dieu avant d’être le fils de mon père  [68] » : ce type d’affirmation est courant dans les récits, elle ne remet pas en question la filiation traditionnelle mais elle permet de sortir des contraintes strictes de la structure familiale. Elle accorde surtout une marge de manœuvre qui permet d’émerger en tant qu’individu spécifique et libre. Il est fréquent d’entendre des convertis raconter comment ils ont remis en question des choix matrimoniaux imposés par les parents  [69] ou d’expliquer qu’ils ont quitté l’espace familial pour construire le leur. « Pour les convaincre, il faut donner l’exemple, il faut être exemplaire. Il faut faire ce que dit la Bible ; humilité et sagesse pour être un bon chrétien et surtout pas d’orgueil. Il faut être simple et sage  [70]. » Imposer le modèle et prêcher par l’exemple pour éviter les conflits et les ruptures : « On ne peut rien nous reprocher. On ne boit pas, on travaille, on ne bat pas nos femmes, on ne vole pas, on aide les autres comme on peut... On nous dit souvent ‘si tous les musulmans étaient comme vous ! ’  [71]. »

36 En cas de tensions graves ou de rupture, la famille spirituelle remplace la famille de sang. Quoi qu’il en soit, cette famille de religion devient centrale dans la sociabilité des convertis qui s’accordent entre eux le nom de frères et sœurs  [72]. La conversion émerge souvent comme la victoire contre un milieu pathogène, non aimant, agressif et comme un apaisement après des épreuves et des tourments (divorce douloureux, décès, chômage, etc.)  [73]. L’absence d’affection et les rigidités familiales reviennent souvent dans les récits et la conversion apparaît comme une « vie nouvelle », loin de la programmation du Mektoub [74] : « Avec le Mektoub, Dieu me déteste déjà. Avec le christianisme, Il me parle d’amour : Dieu m’a aimé avant même que je naisse. L’islam, ce ne sont que des lois à appliquer. Il ne répare pas les cœurs brisés  [75]. » Cette hyperaffectivité s’accompagne d’une recherche spirituelle intense, souvent confuse et désordonnée avant la Révélation. Tous les récits de conversion évoquent la quête de sens, les impasses, les insatisfactions, les amertumes... Et les miracles apparaissent comment le point nodal du cheminement spirituel et de la narration. Interprétés comme des manifestations de l’Esprit saint, ils couvrent tous les registres des misères humaines : handicap, maladie, alcoolisme, drogue, violence conjugale, impuissance sexuelle... et les guérissent brutalement, spontanément. Les convertis sont confrontés, sonnés par l’indicible, et n’ont de solution que de s’y soumettre. Mais l’Esprit saint se manifeste également dans les réalités les plus élémentaires de la vie quotidienne : la bouteille de gaz qui continue à alimenter la cuisinière alors qu’elle est vide depuis 15 jours ou la durite d’une voiture qui cesse de laisser couler de l’huile, sont autant d’exemples pour témoigner de la foi intense qui habite les convertis. Les miracles vont de pair avec la grâce et le caractère exceptionnel de l’aventure spirituelle s’accompagne de prières de délivrance et de prophéties... « C’est un rêve qui m’a révélé au christianisme. Je me trouvais dans un appartement avec trois chambres. Dans la première il y avait un vieil homme barbu avec un chapelet, dans la seconde une vieille sorcière, et dans la troisième une prostituée. Ces trois chambres résumaient les trois parties de ma vie. Le vieil homme représentait mon passé musulman, la sorcière mes errements et mes incroyances, et la prostituée mes tentatives de guérir mon impuissance sexuelle. Au bout du couloir, une immense lumière blanche m’attendait ; je savais où aller  [76]. »

37 Seul devant la divinité et conscient de la profondeur du lien qui l’unit à elle, le converti s’affirme, s’exprime, se libère, reprend confiance. Tous parlent de confiance retrouvée, d’apaisement et de craintes enfuies. Hommes et femmes ne craignent pas de parler de leurs fragilités, de leurs défauts et même de leur intimité. Conscients d’être dans le plan de Dieu, ils regardent les autres, ceux qui n’ont pas été élus par la grâce, avec commisération et pitié. Ils disent prier beaucoup pour eux, pour les musulmans : « On est appelé à intercéder auprès des musulmans car ils servent un Dieu inconnu et ainsi nous luttons contre les esprits qui détiennent des personnes en otage  [77]. »

38 Le discours des convertis, concernant l’expérience de la conversion, recouvre un registre sémantique constitué de mots et d’expressions similaires. Le récit narratif est constitué des mêmes séquences (la quête désordonnée et le miracle, la grâce et la transfiguration) et d’un lexique identique des émotions et des sentiments utilisé par tous ceux qui évoquent l’expérience unique d’être nés à eux-mêmes et d’être entrés dans une vie nouvelle. Ce récit « standard » renvoie à une rhétorique élaborée dont l’effet premier n’est pas simplement le témoignage mais surtout la persuasion. Le converti qui raconte son expérience est avant tout un prêcheur dont l’éloquence doit convaincre l’interlocuteur. Et ces modes d’expression entendus auprès des 62 personnes qui se sont prêtées au jeu du récit de conversion sont révélateurs d’un enseignement religieux où le prêche militant missionnaire est central.

Une distance froide et critique à l’égard de l’islam : « un visa pour le paradis »

39 Le converti continue d’évoluer dans un univers musulman. Rien ne change a priori, sinon le regard qu’il pose sur ses anciens coreligionnaires et le discours critique sur ses anciennes pratiques religieuses. La plupart des personnes interviewées se revendiquent toutes comme d’anciens musulmans pratiquants. Elles ont, en général, une très bonne connaissance du texte coranique et du dogme musulman. Leur connaissance ne se limite pas seulement à des citations mais à une volonté réelle d’exégèse et de comparatisme des textes religieux. Contrairement aux convertis catholiques de la fin du XIXe siècle, qui avaient intégré l’idée d’être les produits hybrides d’une politique coloniale (et par là se condamnaient au silence), les néo-phytes évangéliques affirment leur autochtonéité, leur ancrage national et s’autorisent des discours interprétatifs sur la religion musulmane. Celle-ci est présentée comme une religion de crainte et de soumission passive qui oblige les hommes à des pratiques spéculatives et à des rapports marchands avec Dieu. C’est un islam dénué de spiritualité et de compassion [78], tranchant avec leur christianisme qui apporte plénitude et amour : « Il faut aimer les autres comme toi-même. C’est dit 365 fois dans la Bible. Alors que dans le Coran, on dit les Juifs et les Chrétiens, il faut les massacrer. Leurs femmes doivent être des veuves et leurs enfants des orphelins. Alors que le Christ nous dit que notre seul ennemi, c’est le diable, c’est Satan ! C’est Satan qui fait la différence. Notre racine, c’est Ève et Adam. Nous avons hérité de leurs péchés et de la mort mais avec Jésus, c’est la grâce qu’il nous a donnée  [79]. » Les notions d’élection et de grâce sont fondamentales pour mieux saisir la profondeur de l’individuation chez le converti : « Il y a une différence entre religion et grâce. Parmi les premiers versets de l’Évangile de saint Jean, la Loi a été donnée par Moïse et la grâce est donnée par Jésus-Christ. C’est un don gratuit de Dieu. Il ne nous a pas rachetés à n’importe quel prix. Il a donné son fils unique, sa parole afin de nous délivrer des liens de la mort à la vie éternelle. Afin de faire de nous des sacrificateurs. »

40 Cette grâce arrive souvent après des questionnements spirituels auxquels la pratique de l’islam n’a pas apporté de réponse : « Avant, j’étais musulmane et j’étais en quête de Dieu. Je cherchais Dieu, je cherchais à plaire à Dieu (bis) ; par mes propres moyens, par la prière, par le jeûne, par la lecture du Coran, par certaines pratiques. Mais Dieu ne demande pas à de faire de nous des religieux. Dieu nous a appelés à devenir ses enfants. » Et la conviction d’avoir enfin trouvé sa voie : « Moi, je ne condamne pas l’islam (bis) mais je ne l’accepte pas comme révélation divine. Dieu n’a qu’une seule parole. Moi, je ne crois qu’en un seul Dieu fidèle à sa parole. » La religion stricto sensu accorderait de l’importance à la pratique des œuvres et des rituels spéculatifs, alors que la grâce serait liée à celle du salut de l’humanité et de l’amour. Cette différence critique ne concerne pas seulement l’islam, mais elle s’applique également à la religion catholique trop centrée, selon les évangélistes, sur l’aspect comptable de la pratique et sur la valeur ajoutée de l’intercession des saints.

41 L’absence de réponse claire dans le texte coranique sur la question de salut est un autre élément souvent évoqué : « Il n’y a pas de salut dans l’islam. Il n’y a aucun verset qui assure le paradis à un musulman, même pas à son prophète. Il n’y a aucun verset qui t’assure que quand tu quittes le monde, tu iras au paradis. » La critique peut se radicaliser chez certains convertis qui vont jusqu’à affirmer que « La Bible et le Coran, ce sont deux révélations différentes, deux livres différents, deux Dieux différents. »

42 L’islamisation du Maghreb est toujours présentée comme une invasion et une occupation. Le récit de l’invasion par les Banu-Hillal  [80] est éprouvant : violences gratuites, actes sanglants, Ces évocations soulignent, selon eux, la volonté des Arabes de l’époque d’expurger toute trace de christianisme. Mais elles contribuent également à souligner le caractère primitif et barbare de l’islam. Des invasions barbares dont la cruauté trouve des échos dans le terrorisme islamiste de la guerre civile des années 1990 et dans les persécutions subies par des chrétiens dans les pays musulmans régis par la Shari’a [81]. L’histoire politique algérienne de ces dix dernières années ne fait que réactiver, pour certains, des ressentiments contre ce qu’ils appellent l’impérialisme arabo-musulman : dans une démonstration où se conjuguent pêle-mêle autoritarisme d’État, religion d’État, répression des libertés élémentaires, ersatz démocratique, violences policières et terroristes, l’islam ne peut être qu’associé au fanatisme religieux et à la violence politique. Et d’évoquer alors le privilège d’être un peuple élu  [82] qui, en terre d’islam, contribuera enfin à l’expansion du royaume chrétien. La surenchère dans un christianisme d’Algérie actif et activiste révèle une idéologie d’expansion et une vision globale d’un monde acquis à l’évangélisme. Elle participe également à la croisade morale des missionnaires évangélistes qu’on ne voit jamais sur le terrain algérien. Et c’est certainement l’une des forces de cet évangélisme mondialisé : faire en sorte qu’il apparaisse comme une des émanations locales des sociétés musulmanes. La virulence de certains discours islamophobes et arabophobes entendus lors de plusieurs entretiens laisse entendre un intégrisme prosélyte et des représentations tranchées des univers religieux. L’idéal évangéliste qui apparaît ainsi n’a plus rien à voir avec les propos dépolitisés tenus par les responsables d’Églises  [83] et la volonté de cohabitation sereine et compréhensive. Car les propos des convertis sont toujours à analyser à deux niveaux. Un niveau discursif qui investit avec intensité et ferveur le registre de la foi et de la spiritualité ; ferveur que l’on retrouve au moment du culte et dans les mots de la narration. Et un autre niveau discursif qui mobilise des catégories idéologiques et des représentations historiques où l’héritage arabe et musulman n’a plus sa place. Le baptême est, certes, une renaissance mais le devoir du converti est de témoigner et de prêcher : « Je prêche à partir de l’Évangile. Dieu a dit : ‘Soyez la lumière du monde’. La lumière ne doit pas être cachée  [84]. » Prêcher pour convertir, pour apporter la connaissance de l’Évangile en terre musulmane, ne se limite pas à un simple acte de foi mais à une volonté politique qui relève d’un nouveau projet de société et qui exigera, à court terme, la confrontation de rapports de force qui risquent d’être violents. « Il y a un groupe de jeunes qui sont venus voir mon cousin et qui lui ont demandé que je cesse de prêcher. Je représente une menace pour eux. Je suis très forte dans le prêche. Je suis armée par la parole de Dieu. Je connais très bien des passages bibliques très importants et je connais le Coran par cœur ; je peux me permettre de comparer  [85]. » Tous les convertis s’accordent à dire qu’ils n’ont jamais subi d’agressions ou de provocations de la part de leurs proches ou dans leur environnement social et professionnel. Mais l’année 2008 a vu la fermeture de 13 lieux de culte évangéliques en Kabylie  [86], l’expulsion liée à la sécurité d’État [87] d’Hugh Johnson, pasteur méthodiste et président de l’Église protestante d’Algérie (EPA) qui réside en Algérie depuis 1963, et une vague d’arrestations de convertis qui a mobilisé l’énergie de la presse nationale. Une répression qui se justifie au nom de la protection des musulmans et de l’intégrité de l’identité religieuse des Algériens contre la prédication sauvage. Ces éléments laissent annoncer, à court terme, une gestion houleuse des cultes non musulmans.

43 L’émergence des groupes évangélistes en Algérie doit être mise en parallèle avec celle des prédications tablighi, salafistes et wahhâbites tout aussi actives. Faire des disciples dans toutes les nations et de toutes les nations  [88] est le point commun de ces groupes de propagation de la foi  [89]. Il faut noter les similitudes existant entre le discours évangéliste et le discours islamiste. Le rigorisme moral, le retour aux valeurs islamiques, la réislamisation des musulmans, la lutte contre l’athéisme et la corruption, la remise en cause de l’islam officiel d’État sont les angles d’attaque de ces mouvements islamiques de conversion, al da’wa, animés par le mouvement tablighi et la Salafiyya  [90] qui partagent la même ardeur missionnaire. Construire des mosquées, distribuer de la littérature religieuse, revenir à l’islam des origines, transmettre une culture religieuse puritaine, cibler une jeunesse désorientée et/ou déshéritée  [91] fait partie de la prédication islamiste. De la même façon, comparer l’activisme missionnaire islamiste et évangélique dans leur investissement du terrain social et caritatif et dans leur appréhension transnationale des sociétés sur lesquelles ils agissent permet de souligner l’efficacité de leurs actions et de leurs discours. Mettre Dieu et l’adhésion individuelle au centre de l’action est, pour ces courants religieux, la seule alternative pour lutter contre un monde jugé corrompu et athée. Courants prosélytes en concurrence discrète en Algérie, ils partagent la même croisade morale mais les évangélistes (dont la présence n’est reconnue que depuis peu par l’État algérien et soumise à une législation répressive) se distinguent par des modes d’actions peu explicites et des discours retenus. Dans une Algérie où le recours aux pratiques thérapeutiques anciennes, avec l’exorcisme (roqia) et la saignée ou la cautérisation (hijamah), déclenche les foudres des autorités religieuses  [92], les missionnaires islamistes et évangélistes adoptent la même posture puritaine de réprobation et de condamnation. Le religieux d’ailleurs est investi dans toutes ses formes de prédication missionnaire. Jamais la société algérienne n’a été autant prise en tenaille par les activismes dogmatiques inspirés par le divin. Convoquer l’histoire, mythifier ses origines, rechercher soi et les autres... Missionnaires chrétiens ou musulmans exhortent, prêchent, moralisent, sermonnent des individus en quête de sens. Et si les conversions à l’évangélisme provoquent autant d’émoi en Algérie et mobilisent l’énergie des hommes politiques, des théologiens, des législateurs et de la presse, c’est parce qu’elles renvoient à l’inanité des espoirs et du projet de société.

44 Les courants néo-évangéliques, de la même façon que les divers courants islamistes, s’engouffrent dans les fêlures sociales et les angoisses de l’avenir. Par leurs promesses de salut et de paix, par leur repli sur une communauté soudée, ils répondent assez bien à une demande de réconfort et de soutien. Tous les récits de conversion s’articulent autour de cette rhétorique de la paix, de la tolérance, et d’identité retrouvée : « Où se trouve le Messie, se trouve la paix (enda yellâ lmâsih, yellâ lehna) [93]. » Dans une région comme la Kabylie où l’identité historique est au centre de tous les débats de société, le prosélytisme évangélique investit et excite les représentations négatives (oubli, occultation, mutilation, falsification...) des Kabyles concernant leur place dans l’histoire. Plus que d’autres courants religieux, certainement, il se greffe sur un militantisme politique et ethnique qui ne cesse de revendiquer une reconnaissance historique plus importante dans une identité nationale qui ne leur laisse dans l’histoire qu’une portion qu’ils estiment congrue. En ce sens, le phénomène de conversion aux Églises néo-évangéliques apparaît comme un des révélateurs du décalage croissant entre des demandes sociales de plus en plus exacerbées et des politiques du pouvoir d’État fossilisées dans leur autoritarisme et dans des représentations historiques figées.


Date de mise en ligne : 10/11/2009

Notes

  • [1]
    - L’univers chrétien évangélique est extrêmement hétérogène dans ses pratiques et dans ses interprétations dogmatiques. La polysémie du terme évangélique désigne des mouvements aussi divers que les quakers, les pentecôtistes, les méthodistes, les adventistes, les anabaptistes ou des groupes plus radicaux comme les mormons (Saints des derniers jours) ou les témoins de Jéhovah. Voir Sébastien FATH (dir.), Le protestantisme évangélique, un christianisme de conversion. Entre rupture et filiation, Turnhout, Brépols, 2004.
  • [2]
    - La réponse la plus courante est : « Nous sommes chrétiens et c’est le plus important. » Le terme protestant est utilisé le plus souvent pour ne pas être confondu avec les catholiques d’Algérie.
  • [3]
    - 32 communautés religieuses évangéliques sont aujourd’hui recensées et enregistrées en Algérie (chiffre délivré par l’Église protestante d’Algérie en mars 2008).
  • [4]
    - Capitale régionale de la Grande Kabylie.
  • [5]
    - Ces chiffres ont provoqué un émoi dans l’opinion publique et ont fait réagir le ministère des Affaires religieuses : un communiqué du ministre accuse la presse de divulguer avec outrance ces informations.
  • [6]
    - « De nouveaux croisés essaient par tous les moyens de christianiser les Algériens. La mosquée, les médias et les institutions de l’État doivent s’y opposer » : propos de Cheikh Abderahmane Chibane, président de l’Association des oulémas algériens, in « Les nouveaux chrétiens de Kabylie », Le Figaro, 24 mai 2006, mis à jour le 15 octobre 2007 : http:// www. lefigaro. fr/ actualite/ 2006/ 05/ 24/ 01001-20060524ARTFIG90012-les_nouveaux_ chretiens_de_kabylie.php.
  • [7]
    - À propos des enjeux idéologiques autour de l’islamité des Berbères, il y a eu un précédent avec la promulgation du dahir berbère de 1930 au Maroc. Ce texte de loi, produit par les autorités coloniales du protectorat, reconnaît la primauté du droit coutumier berbère sur le droit musulman et soustrait donc les tribus berbères du Maroc à la législation musulmane. L’application de ce dahir coïncide avec le développement du nationalisme marocain qui y a vu une volonté de division entre Arabes et Berbères et une volonté de christianiser l’élément berbère du pays. Depuis, il est régulièrement réactivé par les nationalistes marocains, à l’occasion de manifestations identitaires berbères, comme document historique culpabilisant.
  • [8]
    - Archevêque d’Alger de 1867 à 1892, cardinal primat d’Afrique, il fonde sa propre congrégation missionnaire, la Société des missionnaires d’Afrique (société des Pères Blancs) dont le but est d’évangéliser le continent africain.
  • [9]
    - Ordonnance du 28 février 2006 fixant les conditions et règles d’exercice des cultes autres que musulmans. La loi réglemente de façon très stricte les cultes en leur imposant de s’organiser en associations religieuses soumises à des agréments de l’État. La visibilité des Églises et la transparence de leurs pratiques sont imposées par l’identification des lieux de culte, des déclarations préalables à toute manifestation religieuse, etc. Par ailleurs, des dispositions pénales (amendes et peines d’emprisonnement) sont prises à l’encontre du prosélytisme : « [...] est puni d’un emprisonnement de deux ans à cinq ans et d’une amende de 500 000 dinars quiconque : incite, contraint ou utilise des moyens de séduction tendant à convertir un musulman à une autre religion, ou en utilisant à cette fin des établissements d’enseignement, d’éducation, de santé, à caractère social ou culturel, ou institutions de formation, ou tout autre établissement, ou tout moyen financier » (article 11).
  • [10]
    - Les médias algériens et internationaux (surtout français) ont contribué largement à banaliser l’agitation politique et militante de la Kabylie et à en faire un des éléments de son identité régionale.
  • [11]
    - Ferhat M’Henni, président pour le Mouvement de l’autonomie de la Kabylie (MAK), El Watan, 21 février 2008 : « La laïcité kabyle continue d’être la cible du pouvoir. Celui-ci encourage l’envoi d’imams intégristes chez nous tout en jetant la suspicion et l’opprobre sur notre région au prétexte qu’elle serait le fief des évangélistes. La Kabylie n’est pas plus évangélisée que n’importe quelle autre région d’Algérie mais, pour les besoins de la propagande du régime, pointer du doigt cet abcès de fixation est plus commode. »
  • [12]
    - Il y aurait une étude sociologique à mener sur la perception de la Kabylie par les autres régions d’Algérie et sur la correspondance systématique effectuée entre « région », « militantisme identitaire » et « être social ».
  • [13]
    - 42 hommes et 20 femmes qui appartiennent à des catégories socioprofessionnelles très diverses : étudiant, agriculteur, ingénieur, chômeur, femme au foyer, enseignant, retraité...
  • [14]
    - Principaux journaux consultés : Liberté, Le Quotidien d’Oran, Le Jeune Indépendant, Le Soir, L’Expression, El Watan, El Moujahid, El Khabar.
  • [15]
    - Erik NEVEU, Sociologie du journalisme, Paris, La Découverte, [2001] 2004.
  • [16]
    - On parle, pour l’année 2008, d’une recette de 80 milliards de dollars pour les exportations d’hydrocarbures (chiffres du ministère de l’Énergie et des Mines, septembre 2008).
  • [17]
    - Entre 2001 et 2004, on estime à 522 000 emplois perdus dont 78 % enregistrés dans le secteur privé contre 22 % dans le secteur public (chiffres empruntés à l’Office national des statistiques, avril 2005).
  • [18]
    - Terme équivalent au marché noir.
  • [19]
    - Selon les sources, en 2008, les chiffres du chômage oscillent entre 13,8 % (OCDE) et 30 % (Oxford Business Group). Le seul point convergent est le taux du chômage des jeunes qui dépasserait les 40 % (que les estimations soient officieuses ou officielles).
  • [20]
    - Chiffres de la Ligue algérienne des droits de l’homme (LADH).
  • [21]
    - Les élections législatives de 1991 avaient vu la victoire écrasante des islamistes au premier tour du scrutin. Face à ce succès, le gouvernement avait pris la responsabilité de suspendre le processus électoral.
  • [22]
    - Charte de la paix et de la réconciliation nationale, ordonnance du 26 février 2006, article 46 : « [...] est puni d’un emprisonnement de 3 ans à 5 ans et d’une amende de 250 000 à 500 000 dinars, quiconque qui, par ses déclarations écrites ou tout autre acte, utilise ou instrumentalise les blessures de la tragédie nationale, pour porter atteinte aux institutions de la république algérienne, démocratique et populaire, fragiliser l’État, nuire à l’honorabilité de ses agents qui l’ont dignement servie ou ternir l’image de l’Algérie sur le plan international ».
  • [23]
    - La montagne kabyle reste l’un des derniers lieux d’activité du maquis terroriste du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), dissident du GIA.
  • [24]
    - L’émigration reste toujours, auprès des jeunes et moins jeunes, la solution pour changer radicalement de vie. D’ailleurs le terme harragas (ceux qui brûlent leurs papiers d’identité), emprunté aux émigrés clandestins marocains, est utilisé aujourd’hui par les Algériens.
  • [25]
    - L’organisation du référendum autour de la Charte de la paix et la réconciliation nationale, qui s’est tenu le 29 septembre 2005, avait pour objectif politique de tourner la page d’une décennie de violences.
  • [26]
    - Expression reprise lors d’un meeting, en 2001, par le président de la République, Aziz Bouteflika, au sujet de la question des disparus de la guerre civile. En 2003, on dénombrait 7 200 disparus imputés aux services de sécurité et 10 000 aux terroristes islamiques (chiffres avancés par la commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme).
  • [27]
    - Contrairement au sacrifice consenti pour la guerre d’indépendance qui a fait des Algériens des héros et/ou des martyrs.
  • [28]
    - Des partis politiques et des associations réclament la mise en place d’une commission vérité-justice à l’instar de certains pays qui ont connu des guerres civiles comme la Sierra Leone, le Rwanda ou l’Afrique du Sud.
  • [29]
    - Appelé également Mouvement des citoyens. Voir Karima DIRÈCHE-SLIMANI, « Le Mouvement des âarch en Algérie : pour une alternative démocratique autonome ? » Revue des Mondes musulmans et de la Méditerranée, 111-112, 2006, p. 183-196.
  • [30]
    - Avril 2001 est appelé également Printemps noir. La mort d’un adolescent de 17 ans dans les locaux de la gendarmerie d’une petite ville de Kabylie a provoqué des émeutes violemment réprimées par les forces de l’ordre et qui se sont soldées par la mort de 126 personnes et des milliers de blessés.
  • [31]
    - La Tribune du 12 décembre 2002 évoque ainsi le marasme économique de la Kabylie : « Fuite des investisseurs de la région, faillite des commerçants, abandon des projets de développement. Le budget de la wilaya de Tizi-Ouzou a perdu plus de 8 milliards de centimes rien que dans le chapitre relatif à la taxe sur l’activité professionnelle en 2001, c’est-à-dire le paiement des impôts par les commerces et les entreprises. » On peut également se demander si ces facteurs ne sont pas la conséquence du Printemps noir qui a freiné les investisseurs.
  • [32]
    - Bien que très rapidement des personnalités comme Belaid Abrika deviennent les interlocuteurs privilégiés et incontournables du mouvement.
  • [33]
    - Représentations de la période coloniale qui ont accentué les particularismes des sociétés berbères en y soulignant des « républiques berbères », un statut émancipé de la femme kabyle... Si la génération des insurgés est trop jeune pour exprimer explicitement ces références, celles-ci n’en imprègnent pas moins l’inconscient collectif.
  • [34]
    - « Ce retour aux sources » a fait l’objet de critiques mais également d’interprétations plus nuancées comme celle du Quotidien d’Oran du 19 juillet 2001 : « L’Algérien se recroqueville sur des structures lesquelles pour surannées qu’elles soient, n’en constituent pas moins un puissant pôle identificatoire, une solide chaîne de solidarité en ces temps de disette et un riche réseau de clientélisme. »
  • [35]
    - Autre exemple d’archaïsme : pour la représentation des délégués des comités, le mouvement insiste sur un critère uniquement basé sur la résidence et la localité. Cela renvoie à l’unité villageoise qui serait le seul critère identifiant d’un individu.
  • [36]
    - Parmi les 15 points répertoriés dans le texte de la plate-forme d’El-Kseur (texte de revendication politique rendu publique dans un lieu historique où s’est tenu en 1954 le congrès de la Soummam avec tous les leaders de la lutte indépendantiste) : le statut de langue officielle pour le tamazight, langue berbère ; le jugement des gendarmes et des commanditaires coupables d’homicides et de tentatives d’homicides par des tribunaux civils non militaires ; les investissements d’ordre économique et la prise en charge socio-économique de la Kabylie.
  • [37]
    - Thèse empruntée à Hugh ROBERTS, « Kabylie, un déficit de représentation politique », Algérie interface, 8 décembre 2003.
  • [38]
    - M. A. TEMMAR, « Les événements du Printemps noir ou la citoyenneté en construction. Des sacrifices et des acquis », La Dépêche de Kabylie, 20 avril 2006 : « Les événements d’avril 2001 ont eu, par ailleurs, des répercussions économiques très dangereuses sur le processus du développement en Kabylie. Durant au moins trois ans, la machine économique, productrice, commerciale et de service a failli être réduite au plus bas niveau de la courbe. Au moment où la région enregistre le plus haut taux de chômage à l’échelle nationale (1/3 de la population locale de Tizi-Ouzou contre 30% dans l’ensemble du pays) et un sous-emploi de 75 % de la population active, des opérateurs privés qui s’y sont à peine installés délocalisent leurs entités économiques vers des cieux moins agités qu’en Kabylie. »
  • [39]
    - Un des indicateurs de la crise et du mal-être est certainement le taux de suicides qui devient un grave problème de santé publique. À l’échelle nationale, les wilayas kabyles de Tizi-Ouzou et de Bejaia (avant Tiaret et Oran) détiennent les chiffres les plus élevés. Voir M. BOUDARENE et A. ZIRI « Le suicide en Algérie, mystification et réalité », in Le suicide : de la culture aux neurosciences, 3e congrès franco-algérien de psychiatrie, Montpellier, 8-9 juin 2007.
  • [40]
    - Sous les projecteurs des télévisions nationales et (surtout) internationales, la Kabylie est toujours soumise à un traitement médiatique spécifique : terre irrédentiste, luttes démocratiques autour de la défense de la langue et de la culture berbères, région où s’applique la répression du pouvoir d’État, etc.
  • [41]
    - Esther BENBASSA, La souffrance comme identité, Paris, Fayard, 2007, p. 15.
  • [42]
    -Déclenchement de la guerre de Libération nationale, en 1954 ; Congrès de La Soummam suivi de l’assassinat d’Abane Ramdane en 1956 ; création du Front des forces socialistes (FFS) d’Aït Ahmed en 1963 ; révolution culturelle en 1973 (Idir, Aït Menguellat, Ferhat, Matoub...) ; 1er printemps berbère en 1980 et création du Mouvement culturel berbère (MCB) ; repli identitaire en 1992 après l’annulation des élections ; 2e printemps berbère en 2001 (le Printemps noir).
  • [43]
    - « Non au pardon pour les criminels : ulac smah ulac ! Au déni identitaire, À la dictature, à la répression, au pouvoir assassin ; À une Algérie monolithique et totalitaire ; Oui à la sanction des criminels, au respect de la dignité ; À tamazight (langue berbère) langue nationale et officielle, à la liberté, à la démocratie ; À une Algérie algérienne et plurielle ; Stop à la hogra (terme qui traduit à la fois le mépris et l’injustice). »
  • [44]
    - Espace qui correspondait au IIe siècle av. J.-C à la côte orientale de l’Algérie. Terme utilisé pour évoquer un espace géohistorique spécifiquement autochtone. Un État indépendant et puissant dirigé par deux rois berbères célèbres : Massinissa (allié de Rome) et Jugurtha (en guerre contre la puissance romaine et vaincu par elle).
  • [45]
    - Les sièges épiscopaux, recensés au début du Ve siècle, étaient puissants dans les régions fortement urbanisées même avant la conquête romaine, dans le nord-est de la Tunisie actuelle. Ils étaient également importants dans les régions correspondant à l’Est de l’Algérie d’aujourd’hui, là où les pôles urbains numides et puniques ou de colonisation romaine ancienne rayonnent encore (régions de Constantine, Guelma, Annaba, Timgad...). L’Église d’Afrique antique était dirigée par l’évêque de Carthage, primat d’Afrique, et organisée autour de six provinces ecclésiastiques.
  • [46]
    - Alain BESANÇON, « Au seuil d’un pontificat. Essai sur le cardinal Joseph Ratzinger, élu pape sous le nom de Benoît XVI le mardi 12 avril 2005 », http:// www. asmp. fr/ fiches_academiciens/besancon_alire.htm : « Le fondamentaliste lit la Bible comme les musulmans lisent le Coran : deux textes infaillibles tombés du ciel. Le christianisme, sous cette forme, manifeste une structure analogique à celle de l’islam, et cela favorise le passage. C’est pourquoi la mission évangélique, pour la première fois dans l’histoire des missions chrétiennes en terre musulmane, remporte des succès appréciables. »
  • [47]
    - Cité par Paul LESOURD, Les pères blancs du Cardinal Lavigerie, Paris, Grasset, 1935, p. 167.
  • [48]
    -Présentation d’une association franco-kabyle, Tafat Umasihi (Lumière des chrétiens) : « Notre association consiste à valoriser la culture kabyle qui nous a été transmise par nos aïeux et défendre nos origines en matière de religion premièrement à savoir le christianisme avec des pionniers comme saint Augustin ou saint Cyprien ; revendiquer notre identité si souvent bafouée au niveau linguistique : la langue amazighe, héritage de nos pères mais aussi nos valeurs, le folklore qui font la richesse de notre culture » : http:// evangelique-kabyle. blog. mongenie. com.
  • [49]
    - Karima DIRÈCHE-SLIMANI, Chrétiens de Kabylie, 1873-1954. Une action missionnaire dans l’Algérie coloniale, Saint-Denis, Éditions Bouchène, 2004.
  • [50]
    - Le ministère des Affaires religieuses et la direction des Affaires religieuses de la wilaya de Tizi-Ouzou lancent, par ailleurs, une contre-offensive et avancent des chiffres relatifs à la pratique de l’islam en Kabylie : 500 mosquées, 400 associations religieuses, 18 zaouïas, chiffres censés démontrer l’attachement des Kabyles à leur religion.
  • [51]
    - Les premiers missionnaires étaient arrivés en Kabylie en 1873, soit peu de temps après l’écrasement de la dernière grande insurrection de 1871, au moment où la Kabylie rendait les armes et se soumettait définitivement à l’armée coloniale. La situation sociale et psychologique de la société kabyle était celle d’une société défaite qui avait capitulé sans conditions. Pertes humaines, humiliations, répressions, séquestres... Le dénuement de la population était profond et généralisé, et le lien social détérioré. Cette situation politique renforça le sens de l’apostolat catholique : venir en aide aux plus démunis, prodiguer des soins, entrer dans l’intimité des groupes sociaux ... et enfin convertir. Les premières conversions furent celles des groupes les plus malmenés (veuves, orphelins, personnes âgées, malades).
  • [52]
    - On estime, aujourd’hui, les évangéliques (pentecôtistes, méthodistes, adventistes, baptistes...) à 500 millions sur 2 milliards de chrétiens. Voir le numéro spécial « Les évangéliques à l’assaut du monde », Hérodote, 119, 2005.
  • [53]
    - Ibid. Un tiers des Coréens sont chrétiens et appartiennent, pour la grande majorité d’entre eux, aux nouvelles Églises évangéliques. La mission coréenne est la deuxième mission du monde après la mission américaine.
  • [54]
    - Eugène Casalis et Thomas Arbousset, missionnaires du Lesotho, ont passé quelque temps en Algérie dans les années 1840. Janus Hocart et Émile Brès, pasteurs méthodistes, s’étaient installés à Ilmaten en Kabylie dans les années 1880. Voir Zohra AÏT ABDELMALEK, Protestants en Algérie. Le protestantisme et son action missionnaire en Algérie aux XIXe et XXe siècles, Lyon, Éditions Olivetan, 2004. La mission Rolland a été créée à Tizi-Ouzou, en 1908, par un laïc de Montbéliard.
  • [55]
    - Nommé à Alger quelques mois avant le déclenchement de la révolution algérienne (novembre 1954), Mgr Duval dénonça très tôt l’usage de la torture et les violations des droits de l’homme par l’armée française. Il fut surnommé avec dérision, par ses détracteurs et par les partisans de l’Algérie française, Mohamed ben Duval.
  • [56]
    - Propos de Mgr Alphonse Geroger, évêque d’Oran, interrogé pour un dossier intitulé « Évangélisation : un phénomène rampant », El Watan, 21 février 2008 : « Je dirais donc que nous, catholiques, sommes en dehors de ce débat sur l’évangélisation en Algérie. Concernant la loi régissant les cultes non musulmans, je pense que c’est une bonne chose qu’il y ait une loi mais il y a des aspects qui ne sont pas positifs. Il ne faut pas, en l’occurrence, que n’importe qui fasse n’importe quoi. »
  • [57]
    - L’assassinat des sept moines de Tibéhrine (près de Médéa à 100 km d’Alger) est l’objet d’une autre lecture plus complexe. Dans un long article, le père Armand Veilleux, procureur général de l’ordre des Cisterciens et chargé de suivre l’affaire, montre les implications des autorités militaires algériennes dans l’enlèvement des moines : Armand VEILLEUX, « Hypothèses de la mort des moines de Tibéhirine », Le Monde, 24 janvier 2003. Il explique que leur présence dans la montagne se révélait encombrante pour l’armée algérienne chargée du ratissage du maquis islamiste. Attribuer leur enlèvement par un islamiste (qui serait un agent des services secrets de l’armée algérienne infiltré dans le GIA) entrerait dans la stratégie d’éloignement des moines. Leur exécution serait due à un dérapage tragique de l’opération, à une bavure monumentale de l’armée algérienne. « Le but de ce ‘vrai faux enlèvement’ était purement médiatique : il s’agissait de convaincre les hommes politiques et le peuple français des dangers de l’islamisme. » Il faut souligner que la mort des moines entraîne la fin de la présence de la dernière communauté catholique contemplative d’Algérie. Cette lecture des faits vient d’être relancée, début juillet 2009, à Paris, par le témoignage inédit d’un général français recueilli par le juge d’instruction antiterroriste qui confirme la thèse d’une bavure de l’armée algérienne. Une bavure que Paris aurait couverte pour préserver ses relations avec Alger. Voir « Les moines de Tibéhirine auraient été victimes d’une méprise de l’armée algérienne », Jeune Afrique, 6 juillet 2009.
  • [58]
    - Mgr Henri TESSIER, Église en islam. Méditation sur l’existence chrétienne en Algérie, Paris, Centurion, 1984 ; Henri SANSON, Christianisme au miroir de l’islam. Essai sur la rencontre des cultures en Algérie, Paris, Éd. du Cerf, 1984.
  • [59]
    - Saad LOUNÈS, « Les acteurs de l’évangélisation de la Kabylie », El Watan, 22 juillet 2004.
  • [60]
    - Fédération qui est la branche française d’Arab World Ministries, organisation missionnaire internationale qui agit sur le monde arabe et musulman, Maghreb et Moyen-Orient et sur les populations immigrées musulmanes en Europe.
  • [61]
    - Accueil du site web de la MENA : http:// www. awm. org/ fr/ .
  • [62]
    - Selon le directeur de l’Observatoire d’études politiques, Charles SAINT-PROT, « L’évangélisation s’appuie sur des réseaux », El Watan, 21 février 2008 : « Cette évangélisation vise en particulier certaines communautés musulmanes dont les origines ethniques pourraient être utilisées pour des projets sécessionnistes et anti-arabes : c’est le cas avec les minorités kurdes d’Irak et de Syrie, mais aussi avec les Kabyles et les Berbères au Maghreb. »
  • [63]
    - Comme par exemple la Joshua’s Project : voir Nadège MÉZIÉ, « Les évangéliques cartographient le monde. Le spiritual mapping », Archives des Sciences Sociales des Religions, 142, 2008, p. 63-85.
  • [64]
    - Élisabeth DORIER-APPRILL et Robert ZIAVOULA, « La diffusion de la culture évangélique en Afrique centrale », Hérodote, op. cit., p. 129-156 : « Le flou de l’appartenance ecclésiale, qui résulte de la conception du rapport direct de l’individu au divin, peut être considéré comme caractéristique du ‘néo-pentecôtisme’ que l’on rencontre dans beaucoup de villes africaines. La confusion d’interprétation est donc fréquente à propos de la ‘mouvance pentecôtiste’, qui est par définition hétérogène. »
  • [65]
    - Djmaledine BENCHENOUF, « La face cachée du prosélytisme évangélique en Algérie », Algeria Watch, 2 septembre 2007 : http:// www. algeria-watch. org/ fr/ article/ analyse/ proselytisme_evangelique.htm, montrait de façon réactive et surtout peu convaincante les interactions entre réseaux financiers et politiques de l’ultra-droite conservatrice américaine, de la CIA, du Congrès américain, du mouvement des sionistes chrétiens et des groupes évangélisés algériens. La démonstration cherche surtout à montrer l’importance des intérêts et les positions acquises par les États-Unis dans l’économie algérienne et les protections dont bénéficieraient les convertis algériens acquis à leurs bienfaiteurs américains.
  • [66]
    - André MARY, « Les pentecôtismes : cultures globales et christianismes du Sud », in Actes du colloque. Le fait religieux. Connaître et comprendre, 14 mars 2005, hhttp:// dafip. ac-aix-marseille. fr/ actes_colloque/ actes_2004_11. htm :« Cette religion d’inspiration protestante, très attachée à la Bible, est vraiment très peu préoccupée de théologie et ne s’embarrasse pas beaucoup d’exégèse de textes, ni d’ailleurs de guides liturgiques. » Voir également Harvey COX, Retour de Dieu. Voyage en pays pentecôtiste, Paris, Desclée de Brouwer, 1995, et Christine HENRY, « Le discours de la conversion », Journal des Africanistes, 68/1-2, 1998, p. 155-172.
  • [67]
    - Femme, 31 ans, profession libérale.
  • [68]
    - Homme, 29 ans, ingénieur.
  • [69]
    - Cela n’empêche pas les mariages arrangés entre chrétiens qui répondent très souvent à deux critères exclusifs : kabyle et chrétien.
  • [70]
    - Homme retraité, 66 ans.
  • [71]
    - Homme, 56 ans, agriculteur.
  • [72]
    - De la même façon d’ailleurs que dans la tradition musulmane inspirée par un hadith (tradition coranique) : « Le musulman est le frère du musulman. Il ne lui fait pas d’injustices, ne le méprise pas et ne lui refuse pas son secours », et par le texte coranique : « Les croyants ne sont que des frères » (sourate 49, verset 10). Fraternité accentuée par la suite par les groupes salafistes et wahhâbites. Tous les groupes islamistes modernes s’inspirent des frères musulmans (ikhwân al-muslimûn), organisation matrice créée en 1928 par Hassan el-Banna.
  • [73]
    - A. MARY, « Les pentecôtismes... », art. cit. : « Cette culture (pentecôtiste) se caractérise enfin par un pragmatisme manifeste dans les réponses apportées aux problèmes des gens et de la souffrance (‘arrêtez de souffrir ! ’), et dans la mobilisation des ressources. »
  • [74]
    - Littéralement, ce qui est écrit. Dans l’usage courant, terme qui désigne le destin.
  • [75]
    - M., 30 ans, technicien supérieur.
  • [76]
    - Homme, 42 ans, fonctionnaire.
  • [77]
    - Homme, 37 ans, chômeur.
  • [78]
    - C’est une lecture de l’islam qu’on peut retrouver sur certains sites néo-évangéliques qui dans une démonstration scientifique, ici une analyse sémiologique du texte coranique, tendent à prouver l’absence d’amour et de compassion dans la religion musulmane. Exemple de commentaires d’un article intitulé L’amour de Dieu dans le Coran et résumé ainsi « Dans le Nouveau Testament, l’amour inconditionnel de Dieu est placé au centre de la Bonne Nouvelle de Jésus. L’étude du Coran révèle-t-elle un enseignement similaire ? », hhttp:// www. awm. org :« En étudiant le concept islamique de Dieu, il y a un siècle, Samuel Zwemer a noté que le Coran ne contenait que de très rares expressions d’amour humain envers Allah (quatre versets utilisent des dérivés du verbe ‘habba’ dont aucun n’est un commandement). Il n’a pu s’empêcher de remarquer le contraste entre cet état de fait et ‘les enseignements nombreux et clairs du Nouveau Testament concernant l’amour que Dieu demande de l’homme et qui coule du cœur de Dieu vers l’homme ! ’ Néanmoins la preuve doit être révélée par la lecture. Une lecture des versets contenant les verbes ‘habba’ et ‘wadda’ montre clairement que l’amour d’Allah dans le Coran est réservé à ceux qui obéissent à ses commandements. »
  • [79]
    - Homme retraité, 66 ans.
  • [80]
    - Tribus arabes (de la région du Nejd en Arabie) qui envahirent le Maghreb en 1051, les Banu-Hillal sont arrivés avec femmes et enfants (entre 200 000 à 250 000 personnes dont 50 000 guerriers) et se sont intégrés au substrat berbère d’Afrique du Nord.
  • [81]
    - Les sites évangéliques livrent régulièrement des informations sur les persécutions au Pakistan, en Iran, au Nigeria... Voir, sur cet aspect de la question, le site de l’Alliance évangélique française.
  • [82]
    - On a constaté très souvent, au fil des entretiens, des discours expansionnistes sur l’évangélisme dans le monde. Il faut rappeler que le sionisme chrétien, un courant politique et théologique né dans le milieu évangélique, a développé la théorie de la double alliance. Celle-ci se réalisera après le retour du Messie en Terre promise et après avoir rassemblé l’ensemble du peuple juif qui garde toujours le bénéfice (de l’alliance et de l’élection) que Dieu a établi avec ses prophètes. Pour cela, il faut garantir la sécurité d’Israël qui permettra, par la suite, la conversion de tous les Juifs.
  • [83]
    - À propos du positionnement des convertis après la promulgation de la loi de 2006 : « La loi des hommes ne nous intéresse pas. Seule la loi du Christ nous guide. »
  • [84]
    - Homme, 29 ans, ingénieur.
  • [85]
    - Femme, 31 ans, profession libérale.
  • [86]
    - « Les chrétiens d’Algérie sous pression », La Croix, 6 avril 2008. Par ailleurs, cinq chrétiens sont arrêtés pour possession de littérature chrétienne en février 2008 et un prêtre catholique d’Oran condamné à un an de prison avec sursis pour avoir célébré la messe de Noël pour des migrants catholiques subsahariens et clandestins.
  • [87]
    - Affirmation proclamée par le ministre des Affaires religieuses, Bouabdallah Ghlamallah.
  • [88]
    - En référence à l’Évangile selon Saint Matthieu, 28, verset 19-20 : « Allez, faites de toutes les nations des disciples les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit et enseignez-leur à observer tout ce que j’ai prescrit. »
  • [89]
    - Olivier ROY, L’islam mondialisé, Paris, Le Seuil, 2002.
  • [90]
    - Le mouvement tablighi (jama’a at-tablighi), créé à la fin des années 1920 dans la péninsule indienne, et le mouvement salafiste né d’un courant wahhâbbite en Arabie saoudite.
  • [91]
    - Moussa KHEDIMALLAH, « Jeunes prédicateurs du mouvement tablighi. La dignité identitaire retrouvée par le puritanisme religieux ? », Socio-anthropologie, 10-1, 2001 : hhttp:// socio-anthropologie. revues. org/ document155. html ;Samir AMGHAR, « Le salafisme au Maghreb : menace pour la sécurité ou facteur de stabilité politique ? », Revue internationale et stratégique, 67, 2007, p. 41-52.
  • [92]
    - Le ministre des Affaires religieuses a même prononcé, en décembre 2006, un avis juridique (une fatwa) contre ces pratiques.
  • [93]
    - Femme au foyer, 65 ans.

Domaines

Sciences Humaines et Sociales

Sciences, techniques et médecine

Droit et Administration

bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Retrouvez Cairn.info sur

Avec le soutien de

18.97.9.168

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions