Notes
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[*]
Je remercie Étienne François, Michael Heinemann, Hans-Joachim Hinrichsen, Denis Laborde, Jacques Revel et Michael Werner pour leur lecture critique et leurs encouragements amicaux. Je dédie ce texte à Rudolf Vierhaus.
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[1]
Voir ARNO FORCHERT, « Adolf Bernhard Marx und seine Berliner Allgemeine Musikalische Zeitung », in C. DAHLHAUS (dir.), Studien zur Musikgeschichte Berlins im frühen 19. Jahrhundert, Regensburg, Gustav Bosse Verlag, 1980, p. 381-404.
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[2]
Berliner Allgemeine Musikalische Zeitung, 6,1829, p. 6, cité in MARTIN GECK, Die Wiederentdeckung der Matthäuspassion im 19. Jahrhundert. Die zeitgenössischen Dokumente und ihre ideengeschichtliche Deutung, Regensburg, Gustav Bosse Verlag, 1967, p. 25.
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[3]
« Bekanntmachung », Berliner Allgemeine Musikalische Zeitung, 6,28 février 1829, p. 65 sq., ibid., p. 131-133, ici p. 131.
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[4]
« Erster Bericht über die ‘Passionsmusik nach dem Evangelisten Matthäus’ von Johann Sebastian Bach », Berliner Allgemeine Musikalische Zeitung, 7 mars 1829, p. 133-137, ici p. 133.
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[5]
Berliner Allgemeine Musikalische Zeitung, 5,1828, p. 131 sq., cité in M. GECK, Die Wiederentdeckung..., op. cit., p. 23.
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[6]
HANS-JOACHIM HINRICHSEN, « ‘Urvater der Harmonie’? Die Bach-Rezeption », in K. KÜ STER (dir.), Bach-Handbuch, Kassel/Stuttgart, Bärenreiter/Metzler, 1999, p. 32-65, p. 41.
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[7]
Vossische Zeitung du 13 mars 1829 cité in M. GECK, Die Wiederentdeckung..., op. cit., p. 52.
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[8]
Spenersche Zeitung du 13 mars 1829, ibid., p. 139.
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[9]
Berliner Conversations-Blatt du 14 mars 1829, ibid., p. 59.
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[10]
Berliner Allgemeine Musikalische Zeitung du 21 mars 1829, ibid., p. 142.
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[11]
Lettre à Ludwig Tieck du 22 mars 1829, ibid., p. 46.
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[12]
Lettre de Goethe à C. F. Zelter du 28 mars 1829 en réponse aux lettres de C. F. Zelter des 12 et 22 mars 1829, ibid., p. 46.
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[13]
H.-J. HINRICHSEN, « Urvater... », op. cit., p. 37-38; JOHANN NIKOLAUS FORKEL, Ueber Johann Sebastian Bachs Leben, Kunst und Kunstwerke, éd. par A. Fischer, Kassel, Bärenreiter, [1802] 1999 (version française reproduite dans GILLES CANTAGREL (éd.), Bach en son temps : documents de J.-S. Bach, de ses contemporains et de divers témoins du XVIIIe siècle, suivis de la première biographie sur le compositeur publiée par J.-N. Forkel en 1802, Paris, Hachette, 1982, p. 357-447). Voir aussi HANS-JOACHIM HINRICHSEN, « Johann Nikolaus Forkel und die Anfänge der Bachforschung », in M. HEINEMANN et H.-J. HINRICHSEN (dir.), Bach und die Nachwelt, t. 1, 1750-1850, Laaber, Laaber, 1997, p. 193-253.
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[14]
À côté de différents articles publiés depuis la fin du XIXe siècle, l’ouvrage de M. GECK, Die Wiederentdeckung..., op. cit. constitue la première étude d’ampleur sur le sujet. Il livre, en outre, une importante documentation, largement inédite, rendant compte de l’événement et à laquelle je me réfère en grande partie dans cette étude.
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[15]
En particulier la série aujourd’hui de référence de MICHAEL HEINEMANN et HANS - JOACHIM HINRICHSEN (dir.), Bach und die Nachwelt, t. 1, 1750-1850, t. 2, 1850-1900, t. 3, 1900-1950, Laaber, Laaber, 1997-2000 ainsi que Id. (dir.), Johann Sebastian Bach und die Gegenwart. Beiträge zur Bach-Rezeption 1945-2005, Cologne, Dohr, 2007. Épousant cette même chronologie longue, voir mon étude des constructions, des réceptions et des appropriations de Jean-Sébastien Bach en Allemagne : PATRICE VEIT, « Johann Sebastian Bach », in É. FRANÇOIS et H. SCHULZE (dir.), Mémoires allemandes, Paris, Gallimard, 2007, p. 481-504.
-
[16]
Pour l’étude du processus de construction historique et de monumentalisation de Bach en France au XIXe siècle, voir JOË L-MARIE FAUQUET et ANTOINE HENNION, La grandeur de Bach. L’amour de la musique en France au XIXe siècle, Paris, Fayard, 2000.
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[17]
Voir, en particulier, les travaux de DIETMAR KLENKE, Der singende ‘deutsche Mann’. Gesangvereine und deutsches Nationalbewusstsein von Napoleon bis Hitler, Münster, Waxmann, 1998, et de DIDIER FRANCFORT, Le chant des nations. Musiques et cultures en Europe, 1870-1914, Paris, Hachette, 2004; sur le retour aux musiques du passé, à côté des travaux musicologiques de Philippe Vendrix ou de Katharine Ellis, voir l’étude de SOPHIE-ANNE LETERRIER, Le mélomane et l’historien, Paris, Armand Colin, 2005; concernant l’opéra notamment en Europe centrale et en Italie, voir les recherches de PHILIPP THER, In der Mitte der Gesellschaft. Operntheater in Zentraleuropa 1815-1914, Munich, Oldenbourg, 2006 et Id., « Geschichte und Nation im Musiktheater Deutschlands und Ostmitteleuropas », Zeitschrift für Geschichtswissenschaft, 50,2002, p. 119-140, ainsi que celles de CARLOTTA SORBA, Teatri. L’Italia del melodrama nell’età del risorgimento, Bologne, Il Mulino, 2001 et de MÉLANIE TRAVERSIER, « Gouverner l’opéra. Le pouvoir royal et les théâtres lyriques napolitains, 1767-1815 », thèse de doctorat, Université Pierre Mendès France Grenoble, 2005, et tout récemment le numéro thématique « Demarcation and Exchange. ‘National’Music in 19th Century Europe » de la revue Journal of Modern European History, 5,2007.
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[18]
CELIA APPLEGATE, Bach in Berlin : Nation and culture in Mendelssohn’s revival of the St. Matthew Passion, Ithaca/Londres, Cornell University Press, 2005.
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[19]
Concernant la discussion de la notion et le phénomène de capitale, voir les travaux de CHRISTOPHE CHARLE et DANIEL ROCHE (dir.), Capitales culturelles, capitales symboliques. Paris et les expériences européennes, Paris, Publications de la Sorbonne, 2002.
-
[20]
ILIA MIECK, « Von der Reformzeit zur Revolution (1806-1847) », in W. RIBBE (dir.), Geschichte Berlins, t. 1, Von der Frühgeschichte bis zur Industrialisierung, Munich, Beck, 1987, p. 407-602.
-
[21]
Depuis 1793, elle était abritée dans les locaux de la Königliche Akademie der Künste – d’où le nom de Sing-Akademie –, des locaux qui se trouvaient au premier étage des écuries royales.
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[22]
BORIS GRÉSILLON, Berlin, métropole culturelle, Paris, Belin, 2002, p. 81.
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[23]
Voir INGEBORG ALLIHN, Musikstädte der Welt : Berlin, Laaber, Laaber, 1991, p. 45 sq.; CHRISTOPH-HELLMUTH MAHLING, « Zum ‘Musikbetrieb’ Berlins und seine Institutionen in der ersten Hälfte des 19. Jahrhunderts », in C. DAHLHAUS (dir.), Studien zur Musikgeschichte Berlins..., op. cit., p. 27-284.
-
[24]
Satuts de 1816, paragraphe 1. Ces statuts sont reproduits in WERNER BOLLERT, Sing-Akademie zu Berlin. Festschrift zum 175jährigen Bestehen, Berlin, Rembrandt Verlag, 1966, p. 61-68.
-
[25]
Voir WALTER SALMEN, Johann Friedrich Reichardt. Komponist, Schriftsteller, Kapellmeister und Verwaltungsbeamter der Goethezeit, Fribourg/Brisgau, Atlantis Verlag, 1983, p. 207 sq.; également JÜ RGEN HEIDRICH, Protestantische Kirchenmusik in der zweiten Hälfte des 18. Jahrhunderts, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2001, p. 55 sq.
-
[26]
La messe de O. Benevoli incita C. F. C. Fasch à composer également une messe à seize voix dont la mise en œuvre pratique engendrera la création de la Sing-Akademie. Compositeur essentiellement d’œuvres profanes pour le compte du roi à l’époque de Frédéric II et d’ouvrages théoriques, c’est uniquement en tant que compositeur de répertoire religieux et avant tout de messes que C. F. C. Fasch voulut passer à la postérité, une image que J. F. Reichardt, puis C. F. Zelter, son successeur à la direction de la Sing-Akademie, s’employèrent à consolider : J. HEIDRICH, Protestantische Kirchenmusik..., op. cit., p. 86 sq.
-
[27]
Magazin der Musik, II-1, p. 149, cité in J. HEIDRICH, Protestantische Kirchen Musik..., op. cit., p. 59.
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[28]
Ce concert fut en outre le premier concert public de la Sing-Akademie avec orchestre (ici la Königliche Hofkapelle) : GOTTFRIED EBERLE, 200 Jahre Sing-Akademie zu Berlin. « Ein Kunstverein für die heilige Musik », Berlin, Nicolaische Verlagsbuchhandlung, 1991, p. 42.
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[29]
THOMAS NIPPERDEY, Deutsche Geschichte 1800-1866. Bürgerwelt und starker Staat, Munich, Beck, 1983, p. 536.
-
[30]
Voir HANNS-WERNER HEISTER, Das Konzert – Theorie einer Kulturform, Wilhelmshaven, Heinrichshofen, 1983, p. 82
-
[31]
Second memorandum adressé au baron von Hardenberg (1803), cité in CORNELIA SCHRÖ DER (éd.), Carl Friedrich Zelter und die Akademie. Dokumente und Briefe zur Entstehung der Musik-Sektion in der preussischen Akademie der Künste, Berlin, Akademie der Künste, 1959, p. 82.
-
[32]
CARL DAHLHAUS, Die Musik des 19. Jahrhunderts, Laaber, Laaber, 1996, p. 142 sq.
-
[33]
C. APPLEGATE, Bach in Berlin..., op. cit., p. 145.
-
[34]
Voir notamment RALF ROTH, « Von Wilhelm Meister zu Hans Castorp. Der Bildungsgedanke und das bürgerliche Assoziationswesen im 18. und 19. Jahrhundert », in D. HEIN et A. SCHULZ (dir.), Bürgerkultur im 19. Jahrhundert. Bildung, Kunst und Lebenswelt, Munich, Beck, 1996, p. 121-139.
-
[35]
PETRA WILHELMY, Der Berliner Salon im 19. Jahrhundert (1780-1914), Berlin, De Gruyter, 1989, p. 140-150; voir également BARBARA HAHN, « Häuser für die Musik », in B. BORCHARD et M. SCHWARZ-DANUSER (dir.), Fanny Hensel geb. Mendelssohn Bartholdy. Komponieren zwischen Geselligkeitsideal und romantischer Musikästhetik, Kassel, Furore Verlag, 2002, p. 3-26.
-
[36]
JEAN-LUC LE CAM, « Les chorales liturgiques scolaires en Allemagne luthérienne entre tradition et Réforme ( XVIe - XVIIIe siècles) », in B. DOMPNIER (dir.), Maîtrises et chapelles aux XVIIe et XVIIIe siècles. Des institutions musicales au service de Dieu, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise-Pascal, 2003, p. 541-563, ici p. 559 sq.
-
[37]
JOHANN CARL FRIEDRICH RELLSTAB, Ü ber die Bemerkungen eines Reisenden, Berlin, 1788, p. 3, cité in Habakuke TABER, Stimmen der Großstadt. Chöre zwischen Kunst, Geselligkeit und Politik, Berlin, Parthas, 2001, p. 31.
-
[38]
G. EBERLE, 200 Jahre Sing-Akademie..., op. cit., p. 27.
-
[39]
GUNILLA-FRIEDERIKE BUDDE, « Musik in Bürgerhäusern », in H. E. BÖ DEKER, P. VEIT et M. WERNER (dir.), Le concert et son public. Mutations de la vie musicale en Europe de 1780 à 1914 (France, Allemagne, Angleterre), Paris, Éditions de la MSH, 2002, p. 427-457, ici p. 436.
-
[40]
Cette question de la place des femmes est abordée pour la France notamment par GEORGES ESCOFFIER, « De la tentation à la civilisation. La place des femmes au Concert en France au XVIIIe siècle », in H. E. BÖ DEKER et P. VEIT (dir.), Les sociétés de musique en Europe 1700-1920. Structures, pratiques musicales, sociabilités, Berlin, Berliner Wissenschafts-Verlag, 2007, p. 101-128.
-
[41]
UTE BÜ CHTER-RÖ MER, Fanny Mendelssohn-Hensel, Reinbeck bei Hamburg, Rowolt, [2001] 2006, p. 93.
-
[42]
NICOLAI PETRAT, Hausmusik des Biedermeier im Blickpunkt der zeitgenössischen musikalischen Fachpresse (1815-1848), Hamburg, Verlag der Musikalienhandlung Wagner, 1986, p. 158 sq.
-
[43]
Répondant à un idéal de simplicité permettant de chanter facilement en petits groupes, le Lied de cette école berlinoise remplit, en outre, à une époque de sécularisation croissante, une fonction morale et de dévotion religieuse qui était auparavant le propre du choral luthérien, comme le remarque MICHAEL HEINEMANN, Kleine Geschichte der Musik, Stuttgart, Reclam, 2004, p. 176 sq.
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[44]
PETER SCHLEUNING, Das 18. Jahrhundert : Der Bürger erhebt sich, Reinbeck bei Hamburg, Rowohlt, 1984, p. 225.
-
[45]
ECKART KLEßMANN, « Prinz Louis Ferdinand – ein preußischer Mythos », in H. KÜ HN (dir.), Preußen Dein Spree-Athen. Beiträge zu Literatur, Theater und Musik in Berlin, Reinbeck bei Hamburg, Rowohlt, 1981, p. 53-63.
-
[46]
G. EBERLE, 200 Jahre Sing-Akademie..., op. cit., p. 80.
-
[47]
Ibid., p. 35.
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[48]
Ibid., p. 65,68.
-
[49]
MARTIN BLUMNER, Geschichte der Sing-Akademie zu Berlin, Berlin, Horn & Raasch, 1891, p. 32. Martin Blumner fut directeur de la Sing-Akademie de 1876 à 1900.
-
[50]
C. F. Zelter a essentiellement composé de la musique vocale : Lieder pour une ou plusieurs voix, cantates, chorals, etc. Il a mis environ 90 textes de Goethe en musique : DIETRICH FISCHER-DIESKAU, Carl Friedrich Zelter und das Berliner Musikleben seiner Zeit, Berlin, Nicolaische Verlagsbuchhandlung, 1997, p. 77-86. Voir également le catalogue de ses œuvres, ibid., p. 196-209.
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[51]
Deuxième memorandum (1803), reproduit in C. SCHRÖ DER, Carl Friedrich Zelter..., op. cit., p. 88.
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[52]
KARL REHBERG, « Austrahlungen der Sing-Akademie auf die Musikerziehung », in W. BOLLERT, Sing-Akademie..., op. cit., p. 108.
-
[53]
Ces textes sont reproduits en partie dans C. SCHRÖ DER, Carl Friedrich Zelter..., op. cit.
-
[54]
C. DAHLHAUS, « Vorwort », in Id. (dir.), Studien zur Musikgeschichte Berlins..., op. cit., p. 7.
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[55]
T. NIPPERDEY, Deutsche Geschichte..., op. cit., p. 62. Sur le plan musical, voir MATTHIAS TISCHER, « ‘Musikalische Bildung’. Aspekte einer Idee im deutschsprachigen Raum um 1800 », in M. FENDT et M. NOIRAY (dir.), Musical Education in Europe (1770-1914): Compositional, institutional, and political challenges, Berlin, Berliner Wissenschafts-Verlag, 2005, t. 2, p. 375-398.
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[56]
Voir HANS-JOACHIM SCHULZE (éd.), Dokumente zum Nachwirken Johann Sebastian Bachs 1750-1800, Kassel, Bärenreiter, [1972] 1984.
-
[57]
Concernant l’Allgemeine Musikalische Zeitung (Leipzig, Breitkopf & Härtel), voir ULRICH TADDAY, Die Anfänge des Musikfeuilletons. Der kommunikative Gebrauchswert musikalischer Bildung in Deutschland um 1800, Stuttgart/Weimar, J. B. Metzler Verlag, 1993 ainsi que IMOGEN FELLINGER, « Zeitschriften », in F. BLUME et L. FINSCHER (éd.), Die Musik in Geschichte und Gegenwart : allgemeine Enzyklopädie der Musik (ci-après MGG), Kassel/ Bâle/Londres, Bärenreiter/J. B. Metzler, 1998, ici Sachteil 9, col. 2252-2275.
-
[58]
Komponistensonne, gravure d’après un dessin d’August Friedrich Christoph Kollmann, publié in Allgemeine Musikalische Zeitung, 1-5,30 octobre 1799 et reproduit in H.-J. SCHULZE (éd.), Dokumente..., op. cit., p. 586, no 1023 et également in G. CANTAGREL (éd.), Bach en son temps..., op. cit., p. 334. Bach est immédiatement entouré des noms de Haendel, Joseph Haydn et de Carl Heinrich Graun. Dans les cercles suivants, on trouve, entre autres, les noms de Mozart, Kozeluch, Gluck, Carl Philipp Emanuel Bach, Telemann, Reichardt, Pleyel, Hiller ou de Benda.
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[59]
« Sebastian Bach fut un génie au plus haut degré... Ce que Newton a été comme savant universel, Bach l’a été comme musicien » : H.-J. SCHULZE (éd.), Dokumente..., op. cit., p. 408-409, no 903; G. CANTAGREL (éd.), Bach en son temps..., op. cit., p. 326.
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[60]
H.-J. SCHULZE (éd.), Dokumente..., op. cit., p. 335, no 842.
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[61]
JOHANN FRIEDRICH REICHARDT, Musikalisches Kunstmagazin, Hildesheim, Olms, [1782] 1969, p. 51. Cité aussi in H.-J. SCHULZE (éd.), Dokumente..., op. cit., p. 343, no 853.
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[62]
J.-M. FAUQUET et A. HENNION, La grandeur de Bach..., op. cit., p. 53.
-
[63]
Des projets de publication du Clavier bien tempéré voient déjà le jour à la fin du XVIIIe siècle comme celui de l’éditeur berlinois Johann Carl Friedrich Rellstab en 1790, projet qui achoppe finalement en raison du nombre trop réduit de « prénumérants » : voir KAREN LEHMANN, « Die Idee einer Gesamtausgabe : Projekte und Probleme », in M. HEINEMANN et H.-J. HINRICHSEN (dir.), Bach und die Nachwelt I..., op. cit., p. 255-303, ici p. 256. À la même époque (1801), les 48 préludes et fugues sont aussi publiés à Paris, chez Imbault : voir J.-M. FAUQUET et A. HENNION, La grandeur de Bach..., op. cit., p. 211.
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[64]
PETER WOLLNY, « Abschriften und Autographe, Sammler und Kopisten », in M. HEINEMANN et H.-J. HINRICHSEN (dir.), Bach und die Nachwelt I..., op. cit., p. 27-62, ici p. 29-35.
-
[65]
Ibid., p. 42-47.
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[66]
Les enregistrements de deux Passion selon saint Matthieu de Carl Philipp Emanuel Bach (1769, la première composée suite à son installation à Hambourg, et 1785, l’une des toutes dernières), retrouvées récemment dans les fonds de la Sing-Akademie de Berlin à Kiev, permettent d’entendre la manière dont certains éléments de la Passion du père (chorals et chœurs de la Turba) sont intégrés à une trame musicale par ailleurs représentative de l’esthétique de la fin du XVIIIe siècle, plus lyrique que dramatique, se fondant, en outre, non plus sur le récit évangélique mais sur une paraphrase poétique comme dans l’oratorio. CARL PHILIPP EMANUEL BACH, Matthäus-Passion 1769, Amsterdam Baroque Orchestra & Choir, direction Tom Koopman, Vienne, ORF Alte Musik, 2002 (CD 316); Id., Matthäus-Passion 1785, Sing-Akademie zu Berlin, Zelter-Ensemble, direction Joshard Daus, Frechen, Capriccio, 2005 (60 113).
-
[67]
De la même façon, la réserve qu’exprime J. N. Forkel, nourri de l’esprit de l’Aufklärung, à l’encontre des compositions de musique sacrée des siècles passés, témoigne de nouvelles attitudes religieuses : en raison de leurs textes, il les juge aussi peu utilisables pour le présent que les « anciens recueils de sermons [protestants] » : « Les temps ont changé et, avec eux, nos connaissances, nos concepts et notre goût » (JOHANN NIKOLAUS FORKEL, Allgemeine Geschichte der Musik, t. 2, Leipzig, 1801, p. 30, cité in H.-J. HINRICHSEN, « Johann Niholaus Forkel... », op. cit., p. 220). Pour les mêmes raisons, à la différence des œuvres de Carl Philipp Emanuel Bach et de Haendel, la musique vocale de Jean-Sébastien est, pour J. N. Forkel, un phénomène historique appartement au passé et que l’on ne peut faire revivre dans le présent.
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[68]
P. WOLLNY, « Abschriften... », op. cit., p. 42-47.
-
[69]
La Thomasschule dispose encore d’un certain nombre de partitions, en particulier le cycle des Choralkantaten légué par la veuve de Bach, Anna Magdalena, en 1750. Certaines de ces cantates sont encore jouées sous les cantorats du successeur direct de Bach, Gottlob Harrer (1750-1756), et de son successeur, Johann Friedrich Doles (1756-1789).
-
[70]
Longtemps considérée comme une tradition ininterrompue depuis Bach, il semblerait, d’après les sources conservées et les recherches récentes, que l’exécution des motets à Saint-Thomas durant la deuxième moitié du XVIIIe siècle ait été limitée pour l’essentiel à deux motets : Singet dem Herrn ein neues Lied (BWV 250) et Jauchzet dem Herrn, alle Welt (BWV Anh. 160), UWE WOLFF, « Zur Leipziger Aufführungstradition der Motetten Bachs im 18. Jahrhundert », Bach-Jahrbuch, 91,2005, p. 301-309. Sur les motets, voir KLAUS HOFMANN, Johann Sebastian Bach – DieMotetten, Kassel, Bärenreiter, [2003] 2006.
-
[71]
K. LEHMANN, « Die Idee einer Gesamtausgabe... », op. cit., p. 259.
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[72]
Ces collections sont fondées en particulier sur les copies d’œuvres de Bach effectuées par ses élèves pour leurs besoins propres avant de les mettre ensuite à la disposition de tiers.
-
[73]
Voir REINHARD SCHÄ FERTÖ NS, « Paradigma Bach : Konventionen komponierender Organisten », in M. HEINEMANN et H.-J. HINRICHSEN (dir.), Bach und die Nachwelt I..., op. cit., p. 65-104; également, ULRICH LEISINGER, « Johann Christian Kittel und die Anfänge der sogenannten späteren thüringischen Bach-Ü berlieferung », in R. KAISER (dir.), Bach und seine mitteldeutschen Zeitgenossen. Bericht über das internationale musikwissenschaftliche Kolloquium Erfurt und Arnstadt 13. bis 16. Januar 2000, Eisenach, Karl Dieter Wagner, 2001, p. 235-251.
-
[74]
H.-J. HINRICHSEN, « Johann Niholaus Forkel... », op. cit., p. 197.
-
[75]
Lettre à Goethe du 6 avril 1829, cité in G. SCHÜ NEMANN, « Die Bachpflege der Berliner Singakademie », Bach-Jahrbuch, 25,1928, p. 143.
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[76]
Ainsi F. W. Marpurg dans son Abhandlung der Fuge (1753/1754) s’appuie en grande partie sur des compositions de Bach. J. P. Kirnberger est encore plus extrême dans son traité Kunst des reinen Satzes (1771-1774), et C. Nichelmann cite de nombreux exemples tirés de l’œuvre vocale dans son ouvrage Die Melodie nach ihrem Wesen sowohl als nach ihren Eigenschaften (1755) : P. WOLLNY, « Abschriften... », op. cit., p. 5.
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[77]
Gottfried Bernhard van Swieten (1733-1803) séjourna à Berlin comme ambassadeur de la Cour de Vienne entre 1770 et 1777. Il y fréquenta assidûment les cercles musicaux liés à la musique ancienne et y acquit un certain nombre de manuscrits de Bach. De retour à Vienne, il joua un rôle important pour faire connaître la musique de Bach et des compositeurs du passé. Sous son impulsion, Mozart orchestra en 1782 quelques fugues du Clavier bien tempéré pour quatuor à cordes et adapta certains oratorios de Haendel (dont le Messie). Carl Philipp Emanuel Bach lui dédia la troisième partie de ses sonates pour clavier « für Kenner und Liebhaber » et J. N. Forkel sa monographie sur Bach.
-
[78]
À savoir : les quatre parties de la Clavier-Ü bung, les chorals Schübler, les variations sur le choral Vom Himmel hoch da komm ich her, les cantates composées à l’occasion du changement du Conseil de la ville de Mühlhausen, l’Offrande musicale et, de façon posthume, l’Art de la fugue.
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[79]
G. EBERLE, 200 Jahre Sing-Akademie..., op. cit., p. 32.
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[80]
G. SCHÜ NEMANN, « Die Bachpflege... », op. cit., p. 152. Voir la remarque de C. F. Zelter à la fin d’une répétition du 7 janvier 1823 : « Le fait que depuis 30 ans les motets de Bach soient de plus en plus joués, voire proposés malgré leurs difficultés, est un triomphe de la Sing-Akademie et montre que la pratique des chefs-d’œuvre, qu’ils plaisent ou non, est d’un profit indiscutable » (ibid., p. 151).
-
[81]
Il s’agit de l’œuvre dans sa version d’origine de 1727 dont la bibliothèque de la princesse Anna Amalie possédait une copie manuscrite, bibliothèque dont C. F. Zelter dressa l’inventaire entre 1800 et 1802. Considérée comme perdue depuis la Deuxième Guerre mondiale, cette copie fait partie des fonds musicaux de la Sing-Akademie en provenance de Kiev et déposés depuis 2001 à la Staatsbibliothek de Berlin : ANDREAS GLÖ CKNER, « Zelter und Mendelssohn – Zur ‘Wiederentdeckung’der Matthäus-Passion im Jahre 1829 », Bach-Jahrbuch, 90,2004, p. 133-157, ici p. 134 sq.
-
[82]
G. SCHÜ NEMANN, « Die Bachpflege... », op. cit., p. 146 sq.
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[83]
La Création de Haydn est jouée par la Sing-Akademie pour la première fois en 1815.
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[84]
L’oratorio de Graun sera joué presque sans exception jusqu’en 1858, date à laquelle on tentera de remplacer l’œuvre par la Passion selon saint Matthieu de Bach. Pour obéir aux vœux de Guillaume Ier, l’oratorio de la Passion de Graun sera réintroduit à partir de 1866 et jusqu’en 1884, date à laquelle il sera définitivement remplacé par la Passion de Bach : G. EBERLE, 200 Jahre Sing-Akademie..., op. cit., p. 51.
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[85]
KLAUS KROPFINGER, « Klassik-Rezeption in Berlin (1800-1830) », in C. DAHLHAUS (dir.), Studien zur Musikgeschichte Berlins..., op. cit., p. 362.
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[86]
G. J. D. Poelchau (1773-1836) constitue la figure la plus remarquable de ces collectionneurs particuliers (J. N. Forkel, le Hambourgeois Christian Friedrich Gottlieb Schwenke, les comtes von Voß-Buch) qui, à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle, jouent un rôle très important pour la préservation puis pour la diffusion ultérieure des manuscrits des œuvres de Bach. Séjournant à Hambourg dans les années 1790 avant de déménager à Berlin en 1813, il possède sans doute la plus importante collection de manuscrits de Bach (les partitions autographes aussi importantes que celles de la Passion selon saint Matthieu, de la Passion selon saint Jean, de l’Oratorio de Noël, du Magnificat, ou de l’Orgelbüchlein et de l’Art de la fugue) constituée à partir de collections dissoutes et mises en vente au début du XIXe siècle – celles de Carl Philipp Emanuel Bach (à la mort de sa fille en 1805), de C. F. G. Schwenke, de J. N. Forkel notamment. Par l’intermédiaire d’A. Mendelssohn, une partie des œuvres de Bach de la collection de Poelchau intègre en 1811 la bibliothèque de la Sing-Akademie (qui vendra ses manuscrits des œuvres de Bach en 1854 à la Königliche Bibliothek de Berlin, où l’autre partie de la collection Poelchau a déjà été versée par les héritiers en 1841). M. HEINEMANN (dir.), Das Bach-Lexikon, Laaber, Laaber, 2000, p. 427 sq. (Poelchau) ainsi que p. 456-460 (Sammlungen).
-
[87]
D. FISCHER-DIESKAU, Carl Friedrich Zelter..., op. cit., p. 123-124; P. WOLLNY, « Abschriften... », op. cit., p. 51 sq.
-
[88]
Dès 1818, Fanny, âgée de 13 ans, joue par cœur les 24 préludes et fugues de la première partie du Clavier bien tempéré, une œuvre qui, suite à son édition en 1801, est fréquemment utilisée pour l’enseignement de la musique.
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[89]
PETER WOLLNY, « ‘Ein förmlicher Sebastian und Philipp Emanuel Bach-Kultus’. Sara Lévy, geb. Itzig und ihr musikalisch-literarischer Salon », in A. GERHARD (dir.), Musik und Ä sthetik im Berlin Moses Mendelssohns, Tübingen, Niemeyer, 1999, p. 216-239.
-
[90]
La Gartensaal, dans laquelle se déroulaient les Sonntagsmusiken depuis 1825, pouvait accueillir jusqu’à 300 personnes : BEATRIX BORCHARD, « Opferaltäre der Musik », in B. BORCHARD et M. SCHWARZ-DANUSER (dir.), Fanny Hensel..., op. cit., p. 27-44, ici p. 28 sq. Voir aussi HANS-GÜ NTER KLEIN, Das verborgene Band. Félix Mendelssohn Bartholdy und seine Schwester Fanny Hensel. Katalog der Ausstellung der Musikabteilung der Staatsbibliothek zu Berlin – Preußischer Kulturbesitz zum 150. Todestag der beiden Geschwister, Wiesbaden, Ludwig Reichert Verlag, 1997, p. 136 sq.
-
[91]
P. WILHELMY, Der Berliner Salon..., op. cit., p. 147.
-
[92]
ARND RICHTER, Mendelssohn. Leben – Werk – Dokumente, Mainz, Piper/Schott, 1994, p. 40. Voir aussi H.-G. KLEIN, Das verborgene Band..., op. cit., p. 56 sq. En français, on se reportera à BRIGITTE FRANÇOIS-SAPPEY, Félix Mendelssohn, Paris, Fayard/Mirare, 2003.
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[93]
E. Devrient et sa femme Thérèse furent même un temps locataires dans la demeure de la Leipziger Strasse : B. BORCHARD, « Opferaltäre... », op. cit., p. 28.
-
[94]
WOLFGANG DINGLINGER, « Bach und die Familie Mendelssohn », in H. TRAMER, Bach. Thema und Variationen, Göttingen, Wallstein, 1999, p. 75-97, ici p. 84 sq. Voir aussi JULIUS H. SCHOEPS, « Christliches Bekenntnis oder modernes Marranentum ? Der Ü bergang vom Judentum zum Christentum : Das Beispiel Abraham und Félix Mendelssohn », in B. BORCHARD et M. SCHWARZ-DANUSER (dir.), Fanny Hensel..., op. cit., p. 265-279 ainsi que WOLFGANG DINGLINGER, « ‘Die Glaubensform der meisten gesitteten Menschen’. Aspekte der christlichen Erziehung der Geschwister Mendelssohn », ibid., p. 288-304.
-
[95]
Ainsi le linguiste et plus tard professeur de philosophie à l’université de Berlin, Karl Wilhelm Ludwig Heyse (1797-1855) qui est le précepteur des enfants Mendelssohn entre 1819 et 1827 – il est également le précepteur du dernier fils de W. von Humboldt depuis 1815 – auquel succédera à partir de 1827 l’historien Johann Gustav Droysen (1808-1884) auquel Félix restera lié jusqu’à sa mort; ou encore Johann Gottlob Samuel Rösel (1768-1843), professeur de dessin à la Bauakademie, pour le dessin à partir de 1820. A. RICHTER, Mendelssohn..., op. cit., p. 44 sq.
-
[96]
Autorité musicale des salons berlinois et pédagogue réputé, Ludwig Berger (1777-1839) était par ailleurs un admirateur de Beethoven et un adepte du piano « romantique ». Par l’intermédiaire de L. Berger, F. Mendelssohn prend connaissance notamment des œuvres de Dussek, Hummel et John Field; de là, un enseignement qui contraste aussi avec celui de C. F. Zelter. A. RICHTER, Mendelssohn..., op. cit., p. 74.
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[97]
W. DINGLINGER, « Bach und die Famillie Mendelssohn », op. cit., p. 87 sq. La collection de chorals de Bach éditée par Carl Philipp Emanuel devient rapidement un ouvrage majeur pour l’enseignement de l’harmonie. La maîtrise du choral à quatre voix constitue, par ailleurs, un pilier essentiel dans l’art de composer de F. Mendelssohn.
-
[98]
Sans lien de parenté avec la famille Bach, élève de C. F. Zelter, puis professeur d’orgue au Königliches Institut für Kirchenmusik de Berlin (1822) dont il prend la direction à la mort de C. F. Zelter (1832). L’importance qui lui est reconnue dans la formation des organistes et pour la musique d’orgue en Prusse le fit surnommer dès son vivant le « faiseur d’organistes de Prusse » : M. HEINEMANN (dir.), Bach-Lexikon, op. cit., p. 78 sq.
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[99]
Selon Andreas Glöckner, il s’agit de la version autographe de 1736 que possédait la Sing-Akademie : A. GLÖ CKNER, « Zelter und Mendelssohn... », op. cit, p. 143 sq.
-
[100]
G. SCHÜ NEMANN, « Die Bachpflege... », op. cit., p. 158.
-
[101]
A. GLÖ CKNER, « Zelter und Mendelssohn... », op. cit., p. 148 sq..
-
[102]
C. APPLEGATE, Bach in Berlin..., op. cit., p. 239 sq. E. Devrient a 28 ans tout comme E. Rietz, le chef d’orchestre; Fanny Mendelssohn en a 23, G. Droysen 21, le violoniste F. David 19, et le violoncelliste J. Rietz tout juste 16.
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[103]
Le déroulement des préparatifs a pu être reconstruit pour les dates des répétitions à partir des annotations laissées par C. F. Zelter dans les Tagebücher de la Sing-Akademie, ainsi que plus généralement d’après la description d’E. Devrient dans ses Mémoires. Cité in G. SCHÜ NEMANN, « Die Bachpflege... », op. cit., p. 160 sq.
-
[104]
A. GLÖ CKNER, « Zelter und Mendelssohn... », op. cit., p. 148.
-
[105]
On a longtemps daté la première exécution de la Passion selon saint Matthieu à Saint-Thomas de Leipzig le jour du Vendredi saint 1729, mais il semble en fait qu’une première version de l’œuvre ait déjà été jouée lors du Vendredi saint 1727. Du vivant de Bach, l’œuvre fut rejouée à Leipzig le Vendredi saint 1736 (pour lequel Bach retravailla l’œuvre et en établit une partition nouvelle), puis redonnée vers 1742 dans cette version. Voir EMIL PLATEN, Johann Sebastian Bach. Die Matthäus-Passion. Entstehung, Werkbeschreibung, Rezeption, Kassel, Bärenreiter, 2006, p. 21-34; KONRAD KÜ STER (dir.), Bach Handbuch, Kassel/Stuttgart, Bärenreiter/Metzler, 1999, p. 452-467; PETER WOLLNY, « Eine apokryphe Bachsche Passionsmusik in der Handschrift Johann Christoph Altnickols », in Leipziger Beiträge zur Bach-Forschung, 1,1995, p. 55-70. En français, voir la contribution de référence de DENIS LABORDE, « Bach à Leipzig, Vendredi saint, 1729 », in P. ROUSSIN et al. (éd.), Critique et affaires de blasphème à l’époque des Lumières, Paris, Honoré Champion, 1998, p. 129-184, ici p. 131, note 4.
-
[106]
Anna Milder est admirée par Beethoven, Cherubini, Spontini ou Schubert qui composent pour elle, et suscitent des enthousiasmes nombreux. Hegel, par exemple, est un de ses plus fervents admirateurs : ALAIN PATRICK OLIVIER, Hegel et la musique. De l’expérience esthétique à la spéculation philosophique, Paris, Honoré Champion, 2003, p. 73-75; voir aussi MGG, op. cit., Personenteil 12, 2004, col. 201-202.
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[107]
Il chante aussi différents rôles de ténor dans les opéras de Gluck (Orphée dans l’Orpheus), de Rossini et de Spontini : A. P. OLIVIER, Hegel et la musique..., op. cit., p. 268-274.
-
[108]
MGG, op. cit., Personenteil 5, 2001, col. 955-956.
-
[109]
SUSANNE OSCHMANN, « Die Bach-Pflege der Singakademien », in M. HEINEMANN et H.-J. HINRICHSEN (dir.), Bach und die Nachwelt I..., op. cit., p. 306-347, ici p. 334.
-
[110]
Une reconstitution de la version de F. Mendelssohn de la Passion selon saint Matthieu a été enregistrée, reconstitution qui s’appuie non sur la reprise berlinoise de 1829, mais sur celle de Leipzig en 1841 qui connaît des variantes (exposées ci-dessous) par rapport à 1829 : Bach, Matthäus-Passion. Version Leipzig 1841, solistes, Chorus musicus, Das neue Orchester, direction Christoph Spering, Paris, Opus 111,1992 (OPS30-72/73), 2 CD.
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[111]
M. GECK, Die Wiederentdeckung..., op. cit., p. 36 sq. Les coupures concernant les chorals s’expliquent par la difficulté à transmettre au public berlinois leur contenu théologico-musical. Cela concerne en particulier les chorals qui constituent un commentaire du déroulement de la Passion (notamment les chorals no 17,40 et 46) : CHRISTIAN AHRENS, « Bearbeitung oder Einrichtung ? Félix Mendelssohn Bartholdys Fassung der Bachschen Matthäus-Passion und deren Aufführung in Berlin 1829 », Bach-Jahrbuch, 87, 2001, p. 71-97, ici p. 80 sq. La numérotation des différentes parties de la Passion renvoie à celle en vigueur dans Die Neue Bach-Ausgabe 1954-2007, eine Dokumentation : vorgelegt zum Abschluss von Johann Sebastian Bach neue Ausgabe sämtlicher Werke, Kassel/Bâle, Bärenreiter, 2007.
-
[112]
Le texte biblique ne subit guère de modifications. Quelques légers changements sont apportés au récit de l’Évangéliste et aux paroles de Pierre, tandis que les paroles du Christ demeurent inchangées, ibid., p. 83 sq.
-
[113]
M. GECK, Die Wiederentdeckung..., op. cit., p. 41.
-
[114]
FRIEDRICH SMEND, « Bachs Matthäus-Passion. Untersuchungen zur Geschichte des Werkes bis 1750 », Bach-Jahrbuch, 25,1928, p. 1-95, repris in Id., Bach-Studien. Gesammelte Reden und Aufsätze, éd. par Ch. Wolff, Kassel, Bärenreiter, 1969, p. 24-83, en particulier p. 44 et 61, et ELKE AXMACHER, « Aus Liebe will mein Heyland sterben ». Untersuchungen zum Wandel des Passionsverständnisses im frühen 18. Jahrhundert, Stuttgart, Carus, [1984] 2005 ont mis l’accent sur le rôle central, théologique et musical, de cette aria. Se situant au centre du récit de la condamnation à mort de Jésus, elle fait contraste avec la violence des deux chœurs de la foule qui l’entourent (no 45b et 50b), réclamant la mort de Jésus. Elle prolonge l’arioso qui la précède immédiatement (no 48, « Er hat uns allen wohlgetan » [À nous tous il a fait le bien]), réponse à la question de Pilate dans l’Évangile de saint Matthieu (no 47 : « Was hat er denn Ü bels getan ? » [Mais quel mal a-t-il donc fait ?]), en résumant l’essence même de la Passion : « Par amour, mon Sauveur veut mourir, lui qui ne connaît rien du péché » (E. AXMACHER, Aus Liebe..., op. cit., p. 176 sq.). La place particulière de cette aria dans la Passion est soulignée également par son traitement musical qui la distingue des autres arias et en accentue le caractère méditatif : le choix de la voix de soprano (qui ne chante nulle part ailleurs dans la deuxième partie de la Passion) et l’instrumentation spécifique – flûte dans la tessiture du soprano et deux oboe da caccia dans un registre d’alto, sans basse continue – confèrent, à côté de la transparence, un climat de profonde ferveur : E. PLATTEN, Die Matthäus-Passion..., op. cit., p. 186 sq.
-
[115]
Elle retrouvera d’ailleurs sa place dans la représentation que F. Mendelssohn donnera à Leipzig en 1841, ainsi que par exemple l’aria no 65 « Mache dich, mein Herze, rein » (Purifie-toi, mon cœur) ou le choral no 37 « Wer hat dich so geschlagen » (Qui t’a ainsi frappé).
-
[116]
Voir HANS ERICH BÖ DEKER, « Die Religiosität der Gebildeten », in K. GRÜ NDER et K. H. RENGSTORF (dir.), Religionskritik und Religiosität in der deutschen Aufklärung, Heidelberg, 1989, p. 145-195, et plus généralement LUCIAN HÖ LSCHER, Geschichte der protestantischen Frömmigkeit in Deutschland, Munich, Beck, 2005.
-
[117]
Ceci concerne les ariosi no 48 (« Er hat uns allen wohlgetan ») et no 59 (« Ach Golgatha »), l’arioso avec choral no 19 (« O Schmerz ») et le grand choral no 29 (« O Mensch bewein deine Sünde gross »), ainsi que les arias supprimées dans la version de 1829 mais replacées dans l’interprétation de F. Mendelssohn à Leipzig en 1841 : no 49 (« Aus Liebe will mein Heiland sterben ») et no 65 (« Mache dich, mein Herze, rein »).
-
[118]
F. Mendelssohn adopte une pratique liturgique conforme aux habitudes du temps (depuis les réformes liturgiques de Frédéric-Guillaume III à partir de 1817) qui voulait que les chorals fussent chantés a cappella. Ce fut le cas notamment au Dom de Berlin.
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[119]
C. AHRENS, « Bearbeitung... », op. cit., p. 84. À Königsberg en 1834, trois trombones s’ajoutent même aux cordes dans ce récitatif pour rendre le tremblement de terre, tradition que continue Robert Franz, directeur de la Sing-Akademie de Halle de 1842 à 1867, dans sa publication de la partition (Leipzig, 1873) : les cordes et les trombones sont complétés par des bois, des timbales et un orgue, S. OSCHMANN, « Die Bach-Pflege... », op. cit., p. 334-335.
-
[120]
C. AHRENS, « Bearbeitung... », op. cit., p. 82. Dans la suite de cette pratique, d’autres adopteront diverses solutions pour faire ressortir le cantus firmus de ce chœur initial, comme l’emploi de 240 écoliers chantant également les chorals à Königsberg en 1834, effectifs qui oscillent entre 400 et 500 en 1840 : S. OSCHMANN, « Die Bach-Pflege... », op. cit., p. 334.
-
[121]
M. GECK, Die Wiederentdeckung..., op. cit., p. 40; S. OSCHMANN, « Die Bach-Pflege... », op. cit., p. 336 sq.
-
[122]
Selon les recherches récentes, F. Mendelssohn a joué, pour le concert de 1829, sur un clavecin, instrument que possédait la Sing-Akademie et dont l’utilisation fut sans doute préconisée par C. F. Zelter. Lors de l’exécution de la Passion selon saint Matthieu à Leipzig en 1841, F. Mendelssohnaura recours à l’orgue : C. AHRENS, « Bearbeitung... », op. cit., p. 92 sq.
-
[123]
HANS-JOACHIM HINRICHSEN, « Die Bach-Gesamtausgabe und die Kontroversen um die Ausführungspraxis der Vokalwerke », in M. HEINEMANN et H.-J. HINRICHSEN (dir.), Bach und die Nachwelt II..., op. cit., p. 227-297, ici p. 274.
-
[124]
FRIEDHELM KRUMMACHER, « Bach und Händel-Traditionen », in C. DAHLHAUS (dir.), Die Musik des 18. Jahrhunderts, Laaber, Laaber, 1985, p. 383 sq.
-
[125]
Voir HANS-JOACHIM MARX, Händels Oratorium, Oden und Serenaten. Ein Kompendium, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1998, p. 32.
-
[126]
Ibid., p. 157.
-
[127]
Il deviendra Thomaskantor à Leipzig en 1789.
-
[128]
L’exécution berlinoise du Messie, dans laquelle C. F. C. Fasch tient la partie de clavecin, rassemble 250 chanteurs et instrumentistes, ibid., p. 157.
-
[129]
Le Messie fut donné dans la version de Mozart (1789) – se fondant sur la traduction allemande de référence de Klopstock et Ebeling – éditée chez Breitkopf & Härtel à Leipzig en 1803. C. F. Zelter utilisa cette édition dès 1804 : WERNER BOLLERT, « Die Händelpflege der Berliner Sing-Akademie unter Zelter und Rungenhagen », in Id., Sing-Akademie..., op. cit., p. 69-77; G. EBERLE, 200 Jahre Sing-Akademie..., op. cit., p. 124-132.
-
[130]
K. KROPFINGER, « Klassik-Rezeption... », op. cit., p. 321 sq.
-
[131]
Sa critique de la Cinquième symphonie, qui paraît d’abord anonymement en 1810 dans l’Allgemeine Musikalische Zeitung de Leipzig, constitue au-delà de l’hommage à Beethoven un manifeste pour la musique instrumentale.
-
[132]
ÉLISABETH ÉLEONORE BAUER, Wie Beethoven auf den Sockel kam : die Entstehung eines musikalischen Mythos, Stuttgart, Metzler, 1992, p. 14. Voir plus généralement A. P. OLIVIER, Hegel et la musique..., op. cit., p. 82-92.
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[133]
À ce succès, il faut ajouter, dans le même contexte, celui de La victoire de Wellington ou La bataille de Vittoria, opus 91 (1813) en 1816 : K. KROPFINGER, « Klassik-Rezeption... », op. cit., p. 348 sq. Dès la fin du XVIIIe siècle, les œuvres de Beethoven pénètrent la capitale prussienne, mais de manière encore isolée. L. Berger, professeur de piano de Félix Mendelssohn, et le prince Louis-Ferdinand de Prusse (dédicataire du troisième concerto pour piano) comptent parmi les plus ardents propagateurs de la musique de Beethoven à Berlin au début du XIXe siècle : ibid., p. 335 sq.
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[134]
C. Möser, qui organise depuis la saison 1813/1814 des soirées de musique de chambre au cours desquelles sont joués entre autres les quatuors de Beethoven, dirige les premières berlinoises de la Symphonie héroïque et de la Cinquième. G. Spontini dirige quant à lui les créations de la Septième symphonie et de la « Pastorale ».
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[135]
La symphonie est créée à Vienne en mai 1824.
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[136]
Une répétition publique a lieu deux semaines avant le concert, avec F. Mendelssohn et C. Möser : E. E. BAUER, Wie Beethoven..., op. cit., p. 298. On rappellera par ailleurs que la Neuvième symphonie est dédiée au roi de Prusse Frédéric-Guillaume III. Pour une histoire culturelle et politique de cette symphonie, voir ESTEBAN BUCH, La neuvième de Beethoven, une histoire politique, Paris, Gallimard, 1999.
-
[137]
K. KROPFINGER, « Klassik-Rezeption... », op. cit., p. 362.
-
[138]
Lettre à Karl Klingemann du 4 avril 1828, cité in M. GECK, Die Wiederentdeckung..., op. cit., p. 23.
-
[139]
Ibid., p. 73.
-
[140]
Berliner Allgemeine Musikalische Zeitung, 3,1826, cité in E. E. BAUER, Wie Beethoven..., op. cit., p. 298. Par ailleurs, dans le cadre de cette « lecture » que A. B. Marx fait de Bach à travers Beethoven, et à propos de l’analyse des derniers quatuors à cordes de Beethoven, le critique retrouve dans le quatuor opus 132 une densité dans la polyphonie qui constitue pour lui l’essence même de l’écriture musicale de Bach : Berliner Allgemeine Musikalische Zeitung, 5,1828, p. 467, cité in K. KROPFINGER, « Klassik-Rezeption... », op. cit., p. 363 sq.
-
[141]
Ibid.
-
[142]
A. FORCHERT, « Adolf Bernhard Marx... », op. cit., p. 390. Cette idée de « Ideenkunstwerk », qui se développe à partir de la musique de Beethoven, est défendue par E. T. A. Hoffmann et B. von Arnim. Avant eux, G. Herder et W. H. Wackenroder l’avaient appliquée, l’un au Messie de Haendel, l’autre aux symphonies de Haydn et de Mozart : M. GECK, Die Wiederentdeckung..., op. cit., p. 71.
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[143]
Ibid., p. 72.
-
[144]
Le bâtiment de la Sing-Akademie (aujourd’hui Maxim-Gorki Theater) a été réalisé entre 1824 et 1826 par l’architecte de la cour de Brunswick Carl Theodor Ottmer sur des plans conçus par K. F. Schinkel : MICHAEL FORSYTH, Architecture et musique. L’architecte, le musicien et l’auditeur du 17e siècle à nos jours, Liège, Mardaga, [1985] 1987, p. 142 sq.
-
[145]
Cette connotation religieuse est particulièrement frappante dans le cas de la salle de concert du Gewandhaus de Leipzig (1781), où la disposition des sièges réservés aux spectateurs va jusqu’à reproduire fidèlement la disposition intérieure de l’église Saint-Thomas de Leipzig : ISABEL MATTHES, « Der Raum des Paradieses. Gesellige Erfahrung und musikalische Wahrheit im 18. und 19. Jahrhundert », in H. E. BÖ DEKER, P. VEIT et M. WERNER (dir.), Le concert et son public..., op. cit., p. 273-301, ici p. 289 sq.
-
[146]
Voir ALEIDA ASSMANN, Construction de la mémoire nationale : une brève histoire de l’idée allemande de Bildung, Paris, Édition de la MSH, 1994, p. 40. Friedrich Wilhelm Graf montre pour sa part que la notion de Bildung est fortement investie des valeurs du protestantisme et qu’en outre de nombreux écrivains, artistes et hommes de science de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle, autrement dit ceux qui théorisent et incarnent cette notion, proviennent de familles de pasteurs : FRIEDRICH WILHELM GRAF, « Le politique dans la sphère intime. Protestantisme et culture en Allemagne au XIXe siècle », Annales HSS, 57-3,2002, p. 773-787, ici p. 783 sq. Sur les rapports entre religion et Bildung à la fin du XVIIIe siècle, voir également H. E. BÖ DEKER, « Die Religiosität... », op. cit., p. 181 sq.
-
[147]
À propos de l’attitude du musicien Joseph Berglinger à l’écoute d’un concert, voir WILHELM HEINRICH WACKENRODER, « Das merkwürdige musikalische Leben des Tonkünstlers Joseph Berglinger », in W. H. WACKENRODER et L. TIECK (dir.), Herzensergießungen eines kunstliebenden Klosterbruders, éd. par M. Bollacher, Stuttgart, Reclam, [1797] 2005, p. 101, et C. DAHLHAUS, Die Musik im 19. Jahrhundert, op. cit., p. 151 sq. Tout à fait caractéristiques de cette connotation religieuse, les termes de la lettre écrite le lendemain du concert, dans laquelle Fanny Mendelssohn rend compte de la représentation : « La salle comble offrait un spectacle comme dans une église, le silence le plus profond, le recueillement le plus solennel régnaient dans cette assemblée [...] », lettre à K. Klingemann du 22 mars 1829, cité in H.-G. KLEIN, Das verborgene Band..., op. cit., p. 124. Ces images religieuses pour décrire les concerts seront couramment employées tout au long du XIXe siècle, en particulier pour caractériser ceux qui se déroulaient dans la salle de la Sing-Akademie. Pour preuve, les célèbres soirées de quatuors à cordes données durant près de 40 ans par le violoniste Joseph Joachim à la fin du XIXe siècle, dont on disait qu’elles transformaient la salle en temple, Joachim en prêtre et le public en une assemblée de fidèles : voir BEATRIX BORCHARD, Stimme und Geige. Amalie und Joseph Joachim. Biographie und Interpretationsgeschichte, Vienne/Cologne, Böhlau, [2005] 2007, p. 521 sq. Sur la religion de l’art, voir dernièrement BERND AUEROCHS, Die Entstehung der Kunstreligion, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2006, en particulier le chapitre « Kunst als Ersatzreligion – ein Versuch der Klärung », p. 72-118.
-
[148]
G. AHRENS, « Bearbeitung... », op. cit., p. 74.
-
[149]
Sur cette notion de traducteur, voir ERIC DÖ FLEIN, « Historismus in der Musik », in W. WIORA (dir.), Die Ausbreitung des Historismus über die Musik. Aufsätze und Diskussionen, Regensburg, Gustav Bosse Verlag, 1969, p. 9-39, ici p. 21. Pour sa part, J. G. Droysen écrit en 1842 à propos de F. Mendelssohn : « de même que le traducteur rend la pièce accessible à notre compréhension,... de même [Mendelssohn] a rendu la musique accessible à notre sensibilité », cité in E. E. BAUER, Wie Beethoven..., op. cit., p. 187.
-
[150]
E. DÖ FLEIN, « Historismus in der Musik... », op. cit., p. 13 sq.
-
[151]
Sur la question de l’historisme en Allemagne du milieu du XVIIIe au milieu du XIXe siècle, voir ALEXANDRE ESCUDIER, « De Chladenius à Droysen. Théorie et méthodologie de l’histoire de langue allemande (1750-1860) », Annales HSS, 58-4,2003, p. 743-777.
1À Berlin, le mercredi 11 mars 1829, à 6 heures du soir, par un temps printanier, la salle de la Sing-Akademie résonne des premières notes d’une œuvre qui n’a plus été jouée depuis la mort de son auteur en 1750 : la Passion selon saint Matthieu de Johann Sebastian Bach. La salle, pouvant accueillir entre 800 et 900 spectateurs, est pleine à craquer au point qu’on a dû ouvrir les vestibules et une pièce derrière l’orchestre. Cela n’a pas suffi; il a fallu refuser plus de mille personnes. La famille royale, le roi de Prusse Frédéric-Guillaume III en tête, et de nombreux membres de la cour sont présents. Le tout-Berlin intellectuel et artistique est également là : Schleiermacher, Hegel, Droysen, Heine, Rahel Varnhagen...
2Sur la scène, les choristes de la Sing-Akademie et un orchestre double composé pour l’essentiel d’amateurs, provenant en majorité de la Philharmonische Gesellschaft, renforcés pour les premiers pupitres et pour les instruments à vent par des musiciens de la Chapelle royale. Le directeur-fondateur et Konzertmeister de la Philharmonische Gesellschaft (1826), le violoniste Eduard Rietz (1802-1832), se trouve à la tête du premier orchestre tandis que le second est emmené par l’archet du jeune virtuose Ferdinand David (19 ans), du Königstädtischer Theater. Les étoiles de l’Opéra royal, qui sont aussi membres de la Sing-Akadamie, chantent à titre gracieux les parties solistes : Anna Milder-Hauptmann et Pauline von Schätzel (17 ans), sopranos; Auguste Türrschmidt, alto; Heinrich Stümer (l’Évangéliste) et Carl Adam Bader (Pierre et Pilate), ténors; Eduard Devrient (le Christ), baryton. Un jeune homme de vingt ans, Félix Mendelssohn Bartholdy, dirige l’ensemble, assis au clavier tourné vers le public et placé entre les deux orchestres. La plupart des musiciens ont renoncé à tout cachet et la recette dégagée du prix des billets, fixé à deux tiers de thaler, est destinée presque entièrement à une œuvre charitable : aux enfants abandonnés.
3Devant le succès, et pour satisfaire ceux qui n’ont pu assister à la première, la Passion est redonnée le 21 mars, jour anniversaire de la naissance de Bach, dans une salle également comble. Le 17 avril, jour du Vendredi saint, elle est jouée une troisième fois en présence à nouveau du roi et des membres de la famille royale et sous la direction non plus de F. Mendelssohn, parti entre-temps pour l’Angleterre, mais de Carl Friedrich Zelter, le directeur de la Sing-Akademie. Elle remplace pour l’occasion l’oratorio traditionnel du Vendredi saint à Berlin, figurant depuis des décennies au répertoire de la Sing-Akademie : Der Tod Jesu, œuvre créée en 1755 et composée par le premier Hofkapellmeister de Frédéric II, Carl Heinrich Graun (1704-1759).
4Cette audition a été préparée par une campagne de presse d’une ampleur sans précédent, due au critique Adolf Bernhard Marx, ami de F. Mendelssohn et rédacteur du Berliner Allgemeine Musikalische Zeitung (1824-1830), devenu l’un des organes les plus influents de la vie musicale berlinoise [1]. Entre le 21 février et le 28 mars 1829, le concert à venir est annoncé à six reprises dans le journal. Le ton solennel de la première annonce, publiée en première page, se veut à la hauteur de l’événement qui se prépare :
Avis. Un événement important et heureux est sur le point d’arriver pour le monde musical, mais d’abord pour Berlin. Dans les premiers jours de mars la « Musique de la Passion selon l’Évangéliste Matthieu » de Johann Sebastian Bach sera donnée sous la direction de Monsieur Félix Mendelssohn Bartholdy. L’œuvre la plus importante et la plus sacrée du plus grand musicien voit ainsi le jour après avoir été dissimulée pendant près d’un siècle, une grande fête de la religion et de l’art [2].
6Cette annonce est suivie huit jours plus tard d’une deuxième, véritable manifeste esthétique pour l’œuvre comme pour la musique de Bach en général :
Cent ans plus tard, ce que l’art musical a produit de plus grand et de plus sacré ressuscite, et comme le premier lever de soleil après les brumes du déluge il annonce un jour nouveau, plus rayonnant [3].
8Le 7 mars, A. B. Marx poursuit dans la même veine en commentant l’œuvre à partir d’extraits du livret :
Avec cette exécution s’ouvrent les portes d’un temple qui fut longtemps fermé; et nous serons conviés non à une fête de l’art, mais à une grande cérémonie religieuse [4].
10Cette campagne, qui manifeste le rôle grandissant de la presse et de la critique musicales dans la formation du goût, visait à créer des conditions optimales pour la représentation de l’œuvre et à garantir son succès. Car A. B. Marx avait aussi un intérêt personnel à la réussite de cette entreprise : il préparait l’édition de la partition de la Passion selon saint Matthieu. Sa parution chez Adolph Martin Schlesinger, le grand éditeur berlinois qui avait également en charge les destinées du Berliner Allgemeine Musikalische Zeitung, avait été annoncée dès avril 1828 [5]. L’œuvre ne sera publiée qu’en 1830, en partition d’orchestre et en réduction pour piano. La même année, A. B. Marx éditait en outre deux volumes de cantates (BWV 101-106) chez Nicolaus Simrock [6]. Si l’on ajoute qu’en 1828 l’éditeur suisse Hans Georg Nägeli avait publié la Messe en si mineur, on peut voir dans l’investissement journalistique de A. B. Marx une action concertée non seulement en faveur de la Passion selon saint Matthieu, mais aussi, au prétexte de son exécution, pour la musique de Bach en général.
11Cette audition connaît un retentissement extraordinaire, objet de commentaires enflammés qui élèvent cette « redécouverte » au rang d’événement politicoculturel et soulignent l’importance nationale de la Passion selon saint Matthieu. Pour le critique Ludwig Rellstab, il s’agit de « l’œuvre la plus considérable produite par l’art allemand » et d’une des créations musicales les plus accomplies [7]. L’historien Friedrich von Raumer y voit une « œuvre d’art patriotique » et une « véritable incarnation du sublime en musique » [8]. Pour Johann Gustav Droysen, précepteur de Mendelssohn depuis 1827, elle est le symbole même de la foi protestante dont la Prusse est la patrie [9], tandis qu’A. B. Marx la compare à la cathédrale de Strasbourg [10]. L’audition de la Passion est pour l’historien Johann Wilhelm Loebell la révélation d’un univers musical totalement insoupçonné jusqu’alors et fait de Bach ce pendant musical de Shakespeare qui était recherché depuis si longtemps [11]. Jusqu’à Goethe pour qui cette exécution, que lui relate C. F. Zelter, évoque « les mugissements de la mer qu’on entend au loin [12] ». En fait, on retrouve dans ces appréciations les différentes opinions qui animent alors la bourgeoisie prussienne, que ce soit l’appel à la tradition nationale et l’enthousiasme pour l’art allemand, une distance critique par rapport au goût musical dominant, la passion romantique pour ce qui est ancien, l’engagement pour ce qui est historique ou l’exaltation de la religiosité protestante. En usant de superlatifs pour marquer leur admiration à l’égard de la Passion – « La plus grande œuvre de notre plus grand maître », « l’œuvre la plus grande et la plus sacrée de l’art musical de tous les peuples » –, A. B. Marx et les autres commentateurs ne font que s’insérer dans un discours sur Bach et sur son œuvre déjà présent autour de 1800. Johann Nikolaus Forkel (1749-1818), le premier biographe de Bach (1802), en fournit le modèle : le directeur de la musique à l’université de Göttingen met l’accent sur la défense du patrimoine musical que constitue la musique de Bach, reflétant en cela la prise de conscience naissante d’une identité culturelle nationale [13].
12Si cette exécution berlinoise constitue un événement, celui-ci a pour particularité d’être lié non point à la création d’une composition contemporaine (comme l’autre événement musical berlinois de ce premier quart de siècle qu’est la première du Freischütz de Weber en 1821 au Schauspielhaus), mais à la reprise d’une œuvre du passé. En outre, il acquiert une dimension historique, considéré dès cette époque comme l’acte de naissance de la « redécouverte » de Bach et de sa musique et contribuant ainsi à établir la légende du génie méconnu, sorti enfin d’un oubli quasi séculaire.
13Légende d’autant plus confortée que les concerts berlinois sont suivis à un rythme rapproché de représentations de la Passion dans d’autres villes allemandes : la même année et de manière indépendante, à Francfort-sur-le-Main, puis à Breslau (1830), Stettin (1831), Königsberg (1832), Dresde et Kassel (1833).
14Si l’événement est moins isolé qu’on ne l’a longtemps prétendu, le concert berlinois n’en constitue pas moins un événement fondateur qui fait entrer d’un coup la capitale prussienne dans l’histoire de la musique occidentale. Pourquoi donc Berlin, où, de son vivant, Bach n’a fait que de brefs séjours, et non point Leipzig, ville où il a exercé pendant plus de vingt-cinq ans ? Bach est-il vraiment l’oublié dont la tradition historiographique et, à sa suite, la littérature de vulgarisation se sont plu à répandre l’image ? Et s’il y a « redécouverte », quelle est en fait la nature de celle-ci ? Selon quelles modalités et sous quelle forme la Passion selon saint Matthieu est-elle donnée à entendre au public berlinois en 1829 ? Poser ces questions, c’est aussi interroger les différents facteurs – politiques, esthétiques, musicaux – tout comme les institutions et celles et ceux qui s’en éprouvent responsables et contribuent à faire de Berlin en 1829 la « capitale de Bach ».
15Différents travaux ont cherché à mettre en lumière cet événement mythique. Études d’abord et surtout musicologiques, le replaçant dans son contexte musical et esthétique [14]; ou l’intégrant dans une perspective plus large – la « réception » de Bach et de sa musique du milieu du XVIIIe siècle à la fin du XXe siècle [15] – qui permet de suivre la « Bach-Bewegung » dans son développement comme dans ses discontinuités et son internationalisation et de dégager, dans la longue durée, les divers modes de réception et les multiples appropriations de la musique de Bach qui sont autant d’indicateurs, par ailleurs, de la « monumentalisation » du musicien de Leipzig [16]. Mais aussi, plus récemment encore, travaux d’historiens qui, en s’intéressant à la question des rapports entre musique et constructions nationales au XIXe siècle [17], interrogent le rôle de la référence aux œuvres musicales du passé dans la construction d’une culture nationale et la formation d’une identité nationale en Allemagne dont la « redécouverte » de 1829 constitue un moment essentiel [18]. Le présent article se propose de réexaminer le dossier de la Passion berlinoise en l’insérant dans une approche plus spécifiquement d’histoire urbaine et culturelle. Aborder la Passion de 1829 dans cette perspective, c’est d’abord reconstruire les sociabilités musicales et les cercles qui incarnent la référence à Bach ainsi que suivre les différents acteurs qui ont rendu possible cette audition – à commencer par le plus important d’entre eux : l’interprète. C’est également interroger le caractère de la référence au musicien de Leipzig, autrement dit les phénomènes de transmission, les traditions mais aussi les ruptures qui conditionnent, au début du XIXe siècle, l’accès aux œuvres de Bach et leur connaissance. C’est, en outre, tenter de saisir la place de la musique de Bach dans les constructions de Berlin comme « capitale musicale » [19] et le rôle d’un patriotisme d’ordre avant tout culturel en voie d’affirmation. C’est enfin examiner les conditions de l’œuvre et de son exécution cent ans après sa première représentation, la nature de la musique qui est alors donnée à entendre par rapport à l’époque de sa composition tout comme son interprétation et les critères qui régissent celle-ci.
« Un institut pour la musique sérieuse »
16La représentation de la Passion se trouvait intégrée dans différents courants qui influencent massivement et transforment la vie intellectuelle et culturelle, et que je ne ferai que mentionner pour mémoire : l’enthousiasme porté aux témoignages du passé; un mouvement qui cherchait à donner une place plus grande au sentiment et à se démarquer du rationalisme qui avait régné jusqu’alors; l’essor massif dans le sillage des guerres napoléoniennes d’une conscience nationale qui s’exprimait surtout à travers la langue et la culture; enfin, après 1800, le début d’une vague nouvelle de ferveur religieuse qui se nourrissait au mouvement du « revival » protestant. On n’oubliera pas non plus que Berlin, qui connaît une des plus fortes croissances démographiques en Europe, se transformait progressivement de centre régional en ville européenne : avec plus de 235 000 habitants en 1828, elle était la deuxième ville de l’espace germanophone après Vienne. Sa vie artistique et intellectuelle se développait, renforcée par la création de l’université en 1810 qui fait bientôt de Berlin un centre intellectuel et culturel de premier plan. Mais, après les réformes du début du siècle, Berlin connaissait en même temps, depuis le Congrès de Vienne (1814), un mouvement de restauration marqué notamment par une mise en sommeil des réformes et par des mesures limitant la liberté d’expression [20].
17La Sing-Akademie est partie intégrante de ce contexte culturel et politique. Cette institution, qui existe encore de nos jours, est l’ensemble vocal sur lequel repose la Passion de 1829 : près de la moitié de ses membres actifs (quelque 436 membres en 1827) forme alors les chœurs. Elle est un des fleurons de la vie musicale et culturelle berlinoise et jouit d’une position centrale, à l’image du bâtiment construit à son intention qu’elle occupe depuis 1827 [21] derrière la Neue Wache, à proximité donc de l’artère principale Unter den Linden. Non seulement cette construction, de forme parallélépipédique, frappe par la sobriété et la noblesse du style néoclassique de sa façade, mais aussi par l’excellence de l’acoustique de sa salle qui en fait rapidement un lieu privilégié pour les concerts berlinois et le restera jusqu’au début du XXe siècle [22]. Le renom de la Sing-Akademie s’étend rapidement bien au-delà des limites de la capitale prussienne, constituant dès son origine un modèle pour les nombreux chœurs mixtes qui voient le jour tout au long de la première moitié du XIXe siècle.
18La Sing-Akademie est caractéristique des institutions indépendantes de la cour qui se mettent en place dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, contribuant à l’essor d’une culture musicale bourgeoise fondée sur la libre association. Elle est aussi typique de ces sociétés à caractère privé sur lesquelles repose la majeure partie de la vie musicale berlinoise à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle, Königliche Hofkapelle mise à part. Comme beaucoup de celles-ci, elle doit également son origine à l’initiative d’un musicien de la cour [23] : Carl Friedrich Christian Fasch (1736-1800), claveciniste de Frédéric II (1756). C’est lui qui, en sous-emploi à la cour depuis la guerre de Sept Ans, fonde en 1791 la Sing-Akademie après avoir réuni régulièrement quelques choristes élèves et amis, l’année précédente. Le succès de celle-ci est rapide et continu : de vingt-deux à ses débuts, ses membres sont déjà quarante, deux ans plus tard. À sa mort en 1800, ils sont une centaine, puis plus du double en 1806 et près de 500 en 1829.
19« La Sing-Akademie est une société artistique en faveur de la musique sainte et sérieuse, c’est-à-dire la musique de style polyphonique; son but réside dans l’exercice pratique des œuvres de cette musique en vue de l’édification (Erbauung) de ses membres » [24]. Selon les statuts de 1816, la Sing-Akademie était donc un Kunstverein (le terme est employé à dessein, non celui de Singverein) qui visait à promouvoir l’art en privilégiant la « musique sérieuse », autrement dit religieuse, et la pratique des œuvres chorales. Former au chant à travers ce répertoire devait contribuer à l’éducation esthétique et morale de l’homme. La Sing-Akademie constituait une initiative pour un art « alternatif » face à l’emprise jugée trop envahissante des genres en vogue, à savoir l’opéra, mais avant tout la musique instrumentale et plus particulièrement ces petites pièces qui abondaient avec l’entrée du piano dans les intérieurs de la bourgeoisie. Et cela en favorisant cette « sainte musique » d’un genre nouveau à l’époque que célébrait l’élite intellectuelle, Goethe en tête, autrement dit le chant choral sans accompagnement instrumental selon un idéal stylistique que l’on pensait être celui de Palestrina et que l’on redécouvrait à travers les œuvres des maîtres italiens des XVIIe et XVIIIe siècles – les Romains Gregorio Allegri et Orazio Benevoli ou les Napolitains Léonardo Léo et Francesco Durante. Johann Friedrich Reichardt (1752-1814), maître de chapelle de Frédéric II puis de Frédéric-Guillaume II, personnalité influente de la vie musicale et culturelle, est la figure clé de cette renaissance palestrinienne [25]. Les œuvres religieuses des maîtres du « stile antico », qu’il rapporte d’Italie en 1783 et qu’il introduit auprès de Wilhelm Heinrich Wackenroder, Ludwig Tieck, E. T. A. Hoffmann et d’autres jeunes artistes, font sensation en Allemagne. La découverte de celles-ci, et en particulier de la Messe à seize voix du maître de chapelle romain O. Benevoli (1605-1672), marque un tournant dans l’art de C. F. C. Fasch qui se consacre désormais exclusivement à la composition de messes latines, de chorals et de psaumes allemands a cappella. Ces œuvres sont à l’origine de la Sing-Akademie et en constituent le premier répertoire [26]. La Sing-Akademie était ainsi, dès ses débuts, partie prenante d’un mouvement qui voyait dans le style a cappella palestrinien l’idéal de pureté et de simplicité de ce qu’il considérait comme étant la véritable musique d’église. Ce mouvement regardait en même temps sa propre époque comme une période de déclin religieux, moral et de la musique sacrée. Il lui opposait un contre-modèle idéalisé qui reflétait par ailleurs un courant esthétique essentiel au tournant des XVIIIe - XIXe siècles où la musique, en devenant le premier des arts, retrouvait une dimension sacrée et une fonction quasi religieuse. Ceux qui plaidaient en faveur de la musique des anciens maîtres italiens avaient en outre un objectif commun : aboutir, par l’éducation de la voix et par la pratique de la musique a cappella, à une reconstruction morale et contribuer ainsi à une restauration spirituelle. Si donc la stricte polyphonie vocale est à l’origine de l’acte fondateur de C. F. C. Fasch et tient une place déterminante dans le répertoire de la Sing-Akademie, celle-ci se trouvait en revanche détachée de tout lien fonctionnel avec l’Église. Sa pratique était à présent d’ordre avant tout esthétique. La formule lapidaire de J. F. Reichardt est un parfait témoignage de cette conception nouvelle de la musique d’église : « Wahre Kirchenmusik ist Kunst » [27] (La vraie musique d’église est art).
20Attachée à encourager un répertoire vocal essentiellement ancré dans le passé, la Sing-Akademie présentait en outre un caractère exclusif. Une exclusivité qui, au-delà de son mode de recrutement – tout nouvel entrant devait, après s’être présenté au directeur, justifier de connaissances musicales suffisantes et être parrainé par un membre –, touchait plus encore son fonctionnement : son activité se déroulait pour l’essentiel à huis clos, sous la forme de répétitions hebdomadaires, internes à la société. Le public n’y était pas admis, sauf dans le cadre d’« auditions » devant une assemblée restreinte et choisie, soumise au préalable à l’autorisation du directeur. Non seulement les concerts publics étaient donc exceptionnels, s’intensifiant toutefois à partir de 1827 lorsque la société disposa de sa propre salle, mais ceux-ci, de surcroît, étaient principalement des concerts de bienfaisance. Le concert donné à la mémoire de C. F. C. Fasch en 1800 dans la Garnisonkirche inaugurait une longue série : au programme, le Requiem de Mozart dont ce fut la création berlinoise [28].
21La Sing-Akademie reflète également le rôle grandissant des amateurs dans la vie musicale depuis la fin du XVIIIe siècle. Cette montée de l’amateurisme va de pair avec l’apparition de nouvelles aspirations culturelles et de nouvelles formes de sociabilité dans la bourgeoisie. Cette culture amateur est marquée notamment par l’accent mis sur la pratique de la musique et plus généralement des arts et sur le sérieux qui est associé à celle-ci, dans une conception héritée de l’Aufklärung [29]. Dans la musique, on ne recherche plus simplement le divertissement, la mondanité ou le besoin de représentation, mais désormais la Bildung qui se mêle au loisir et à la distraction. On reconnaît en outre dans la pratique de la musique la vertu d’épanouir et d’ennoblir moralement l’individu, d’où l’insistance répétée sur l’exercice concret du chant et de la musique et de son caractère pédagogique. Dans sa proximité intellectuelle avec Goethe, C. F. Zelter, le directeur de la Sing-Akademie à partir de 1800, partage pleinement cette idée, par ailleurs largement répandue à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle [30] :
Vu que la musique a un but qui est commun avec les autres arts, elle peut aussi agir en commun avec eux. Ce but commun est : la Bildung; et cette Bildung consiste en une activité de l’intérieur ou des forces de l’âme, activité par laquelle l’homme par lui-même s’accomplit et s’ennoblit en conséquence [31].
23Ainsi, comme le souligne justement Carl Dahlhaus, représentation bourgeoise, envie de culture et sociabilité se trouvaient étroitement imbriquées dans la pratique musicale de la Sing-Akademie [32]. Mais, comme beaucoup d’autres sociétés de musique à la fin du XVIIIe siècle, la Sing-Akademie ne se réduit toutefois pas à la seule participation des amateurs. Dès les débuts, des musiciens professionnels – J. F. Reichardt, les chanteuses Charlotte Wilhelmine Bachmann, femme de l’altiste de la cour, et Juliane Pappritz (qui deviendra la seconde femme de C. F. Zelter) – se joignent au groupe des chanteurs. Ce brassage était d’ailleurs fondamental aux yeux de C. F. Zelter et pour la façon dont il envisageait le renouveau musical : les musiciens professionnels apportaient leurs compétences et leur expérience, les amateurs leur sens de l’organisation, leurs réseaux et leur soutien financier [33]. Dans les années 1820, ce sont les membres de l’Opéra royal qui prêtent régulièrement leur concours en se mêlant au chœur ou pour chanter les parties solistes : A. Milder, E. Devrient, H. Stümer, par exemple, figurent parmi les solistes de la Passion selon saint Matthieu. De même, Henriette Sontag (la soprano, soliste dans la Neuvième symphonie de Beethoven lors de sa création à Vienne en 1824) se produit à différentes reprises avec la Sing-Akademie au cours de ses séjours berlinois entre 1825 et 1830.
24Les membres de la Sing-Akademie se recrutaient ainsi naturellement avant tout dans les couches sociales liées à la Bildung [34]. Ce sont d’abord les milieux artistiques et intellectuels avec, par exemple, les familles du libraire Friedrich Nicolai (l’éditeur notamment de Lessing et de Moses Mendelssohn), des sculpteurs Johann Gottfried Schadow et Christian Daniel Rauch, la fille du graveur Daniel Nikolaus Chodowiecki, la femme de l’architecte Karl Friedrich Schinkel, sans compter des écrivains (Goethe, sans en faire partie, lui apporte son soutien). De nombreux musiciens y participent, la Sing-Akademie étant en outre une pépinière de jeunes talents, comme le souhaitait C. F. Zelter. La société des salons, si caractéristiques du Berlin de cette époque et dans lesquels la musique joue pour certains un rôle éminent [35], compte aussi au nombre des membres actifs. Avec la création de l’université en 1810, le monde académique et étudiant vient grossir les rangs de la société : on y retrouve entre autres Friedrich Daniel Ernst Schleiermacher – en compagnie de sa femme et de sa sœur –, Marie Hegel – la femme du philosophe – entre 1826 et 1830, l’historien F. von Raumer, fidèle jusqu’à sa mort en 1873, l’historien d’art Franz Theodor Kugler, les femmes des juristes Carl Friedrich von Savigny (la sœur de Bettina von Arnim et de Clemens Brentano) et Moritz August von Bethmann-Hollweg, le jeune J. G. Droysen. À ces milieux intellectuels et artistiques, il faut ajouter la bourgeoisie d’affaires et industrielle et les milieux juifs assimilés de Berlin (les Mendelssohn et les Beer, par exemple), mais aussi des représentants de l’aristocratie prussienne – le prince Radziwill ou, plus tard, le futur chancelier Bismarck –, des membres de la haute administration, comme l’intendant général des théâtres royaux, le comte Karl von Brühl et sa femme, et, dans une ville traditionnellement marquée par une forte présence militaire, les officiers supérieurs de l’armée et leurs familles. La Sing-Akademie rassemble en fait l’élite cultivée de Berlin dans la diversité de ses expressions.
25La Sing-Akademie se distingue plus encore par la place réservée aux femmes dans cette culture musicale amateur. En confiant également à des femmes un répertoire de musique liturgique réservé jusqu’alors aux voix masculines en 1791, C. F. C. Fasch ne faisait que traduire en actes des suggestions qui découlaient de critiques de plus en plus nombreuses visant les chœurs d’enfants [36]. On leur reprochait en particulier un monopole multiséculaire, notamment dans les régions protestantes, sur la pratique de la musique d’église et une médiocrité croissante. « Lorsque les garçons commencent vraiment à pouvoir être utilisés, ils perdent leur voix... [Prenez] douze femmes qui ont une voix et disposent d’un peu de talent, auxquelles on apprend le piano à partir de leur dixième année et le chant quand elles en ont quatorze, et vous avez là des sopranos et des altos pour toujours » [37], écrivait en 1788 l’éditeur et critique berlinois Johann Carl Friedrich Rellstab en écho à ces critiques. Lors de la première apparition publique de la Sing-Akademie en 1791 dans la Marienkirche de Berlin, les chorals et autres pièces polyphoniques qui furent chantés à cette occasion par hommes et femmes réunis ont dû probablement surprendre plus d’un auditeur par la couleur vocale inhabituelle qui provenait de cette mixité chorale, largement inédite [38].
26La place attribuée aux femmes, importante dès la création de la Sing-Akademie, coïncide avec leur rôle nouveau dans la vie musicale et dans la culture bourgeoise à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle. La féminisation croissante de la pratique musicale est non seulement liée à une spécification et une répartition de plus en plus nettes des rôles et des tâches auxquels se trouvent assignés hommes et femmes, mais correspond également au schéma des représentations que la bourgeoisie se fait du caractère féminin auquel étaient associées entre autres sensibilité et vie de famille [39]. La pratique musicale domestique devient un élément important du statut de la femme bourgeoise. Elle contribue également au prestige familial, et cela plus encore lorsque les femmes de la bonne société ouvrent leur salon pour y recevoir. Cette activité musicale se déroule le plus souvent en famille ou au milieu d’amis et de connaissances. Autrement dit, en restant entre soi, sans déroger aux règles de la bienséance à une époque où, pour une femme de la haute bourgeoisie, jouer en public n’est pas honorable, et moins encore l’exercice rémunéré de la musique, synonyme d’indépendance et d’activité professionnelle, que pratiquaient notamment les cantatrices à l’opéra ou en concert [40]. Brillante pianiste et compositrice, Fanny Mendelssohn-Hensel, par exemple, ne put suivre l’exemple de son frère Félix et poursuivre une carrière professionnelle que son père lui refusait. Elle n’exerça ses talents que bénévolement et dans le cadre privé de ses « soirées ». Ses rarissimes apparitions publiques eurent lieu, comme en février 1838, lors de concerts de bienfaisance [41].
27On relèvera que le chant, plus encore que les instruments à clavier, occupe une place centrale dans la pratique musicale domestique de cette époque. Il est « le cœur de la Hausmusik » [42], véritable institution dans l’institution « famille » dans la première moitié du XIXe siècle. Cela est d’autant plus vrai à Berlin où non seulement se multiplient les Singethees, ces fameux « thés chantants », mais où se développe aussi un répertoire de Lieder, de motets, de cantates, voire d’oratorios et d’extraits d’opéras, spécialement conçu pour la pratique domestique. Les salons de J. F. Reichardt et de l’éditeur F. Nicolai à Berlin, de Goethe à Weimar, sont les exemples illustres de cette pratique vocale où l’on chante notamment ballades, duos, trios et quatuors de cette école du Lied, dite de Berlin, dont font partie J. F. Reichardt et C. F. Zelter [43].
28Pour les femmes de la bourgeoisie, la façon la plus élégante de pratiquer la musique était de le faire sous le manteau protecteur de l’amateurisme. Le chant choral leur donnait la possibilité de sortir du cadre étroit de la pratique domestique et de participer à la vie musicale publique sans déroger aux convenances [44]. La Sing-Akademie constitue de ce point de vue un modèle. Elle prolongeait à sa manière le cadre privé et domestique : on s’y retrouvait entre connaissances, et C. F. Zelter lui-même aimait comparer son institution à une grande famille dans laquelle voisinaient parents et enfants. Plusieurs générations s’y côtoyaient du reste : pas moins de dix-neuf membres de la famille Mendelssohn, par exemple, en font partie entre sa fondation et les années 1820. La rareté des concerts publics, le fait que ceux-ci fussent en outre liés pour l’essentiel à des œuvres de bienfaisance, le répertoire de « musique sérieuse » mais aussi le zèle quasi religieux avec lequel les œuvres étaient abordées et étudiées, tout cela était autant de facteurs qui garantissaient une pratique et des apparitions publiques convenables. L’essor si important des chœurs mixtes au XIXe siècle et, avec eux, le développement de la musique ancienne et de l’oratorio sont en grande partie redevables de la participation active des femmes au chant choral inaugurée, en Allemagne, à travers la Sing-Akademie.
29Par ailleurs, la présence du roi et de membres de la cour au concert de 1829 reflète, au-delà de l’événement, l’intérêt que la cour manifeste depuis ses débuts à la Sing-Akademie. Quelques membres de la famille royale, le prince Louis-Ferdinand de Prusse [45] en tête, assistent par exemple à la première « audition » en 1794. Signe également de cette attention particulière, le roi Frédéric-Guillaume III offre à la Sing-Akademie en 1806 une importante collection de partitions héritée de son père dans laquelle figurent, entre autres, des œuvres de Haendel et d’anciens maîtres italiens, don qui est suivi un peu plus tard par celui d’une précieuse édition d’œuvres de Palestrina, mais aussi de la Messe en ré de Cherubini [46]. En retour, la Sing-Akademie ne manquait pas de marquer sa fidélité au roi, comme en 1797 à l’occasion de la mort de Frédéric-Guillaume II à la mémoire duquel C. F. C. Fasch compose et fait chanter son Requiem [47]. Bientôt, la société participe régulièrement aux solennités et aux commémorations officielles. Ce sont en premier lieu les funérailles de membres de la famille royale (à commencer par celles de la reine Louise, la femme de Frédéric-Guillaume III, en 1810). Ce sont également les célébrations de certains grands événements, comme la victoire sur les troupes napoléoniennes à Leipzig (1813) pour laquelle la Sing-Akademie chante en 1814 l’oratorio Judas Maccabaeus de Haendel dans la Garnisonkirche; ou bien le retour du roi à Berlin en 1810, puis en 1814 qu’elle salue aux sons du Te Deum de Dettingen [48]. Ainsi, avec le temps, la Sing-Akademie acquiert une place quasi officielle que renforce sans doute sa tendance conservatrice consistant davantage « à conserver ce qui existe dans l’art plutôt qu’à ouvrir de nouvelles voies [49] ». Celle-ci s’accordait avec le traditionalisme et le mouvement de restauration qui marquaient de plus en plus la vie politique et culturelle en Prusse après les guerres de libération et surtout après 1817. Le soutien manifesté à la Sing-Akademie et à C. F. Zelter par Frédéric-Guillaume III n’était pas non plus exempt de toute arrière-pensée politique, en particulier si l’on songe à la réforme du culte protestant que le roi cherchait à imposer dans son Église de Prusse et dans laquelle il rêvait d’un chant liturgique à l’idéal de simplicité et de dépouillement.
Au cœur de la politique musicale en Prusse : Carl Friedrich Zelter
30Le prestige dont jouit la Sing-Akademie à l’époque de la reprise de la Passion selon saint Matthieu doit beaucoup à l’activité de son directeur C. F. Zelter (1758-1832), assistant de C. F. C. Fasch avant de lui succéder à sa mort en 1800. Â gé de 70 ans en 1829, il est sans conteste la personnalité la plus influente de la vie musicale berlinoise du premier tiers du XIXe siècle. Conseiller musical et ami intime de Goethe depuis le début du siècle, professeur de musique auprès de l’Akademie der Künste depuis 1809 et directeur depuis 1823 de l’Institut de musique sacrée créé en 1822 à son initiative, cet homme pragmatique et possédé par sa mission est le réformateur et l’architecte des institutions musicales prussiennes. Personnage reconnu et respecté, il bénéficie de la bienveillance et du soutien du roi Frédéric-Guillaume III et entretient des relations d’estime ou d’amitié avec de nombreuses personnalités de la haute administration et du monde intellectuel parmi lesquels Karl August von Hardenberg, Wilhelm von Humboldt, Hegel et F. D. E. Schleiermacher qui prononcera son éloge funèbre en 1832. Fils d’un entrepreneur en bâtiment qui a fait fortune et lui-même maître maçon, il dirigera l’entreprise familiale parallèlement à ses activités musicales au moins jusqu’en 1809. Brillant violoniste et élève de C. F. C. Fasch pour la théorie musicale, compositeur d’œuvres principalement vocales [50], il est en outre un professeur recherché de la bonne société berlinoise : les compositeurs Félix Mendelssohn, Otto Nicolai, Giacomo Meyerbeer, Carl Loewe, le critique A. B. Marx figurent au nombre de ses élèves tout comme les chanteurs E. Devrient et H. Stümer. Ils font tous bien entendu partie de la Sing-Akademie.
31C. F. Zelter est convaincu du caractère pionnier et original de la Sing-Akademie qu’il a rejointe dès 1791. Il voit en elle l’idéal de ce que doivent être le but de la musique et sa vraie pratique : « C’est une des activités principales de la Sing-Akademie que d’exploiter à nouveau le style sérieux en musique et de conserver dans toute sa dignité le peu qui reste de cette musique [51] ». Aussi, lorsqu’il en devient le directeur, déploie-t-il tous ses efforts pour accroître sa notoriété en cherchant à lui donner un fondement institutionnel solide et pour en faire un modèle concernant la pratique du chant choral et de la musique religieuse des siècles passés. D’abord, il n’a de cesse d’intégrer la Sing-Akademie à l’Akademie der Künste de manière véritablement institutionnelle et non plus de façon purement formelle – à travers un simple hébergement – comme c’était le cas depuis 1793. Il prône par ailleurs un travail régulier et rigoureux et en appelle à la discipline et à l’engagement personnel de chacun des membres. Devant des effectifs qui ne cessent de croître, il adopte également différentes mesures visant à améliorer ou au moins à préserver la qualité musicale. Aux « exercices » habituels du mardi soir, C. F. Zelter ajoute d’abord des séances de répétition obligatoires le lundi, véritables cours de chant en vue d’équilibrer le niveau musical et vocal entre les membres. Puis, trois matinées par semaine, il dispense des leçons individuelles ou collectives au cours desquelles il fait travailler la respiration et la technique vocale. Enfin, lorsque la Sing-Akademie s’installe en 1827 dans ses propres locaux, il institue à l’intention des nombreux aspirants des exercices appropriés, les « Mittwochsakademien », placés sous la responsabilité de ses adjoints et initiant au style spécifique développé par la Sing-Akademie [52].
32En outre, C. F. Zelter complète le dispositif musical dont la Sing-Akademie est le noyau, par la création en 1807-1809 – à l’époque de l’occupation de Berlin par les armées napoléoniennes – de deux institutions. D’abord, une école orchestrale, la Ripienschule, dans le but de jouer plus aisément et à moindres frais les œuvres vocales nécessitant un accompagnement instrumental. Composée à l’origine de dix amateurs qui se réunissent tous les vendredis pour parfaire leur jeu dans l’exécution de la musique ancienne, cette école se transforme peu à peu en un orchestre complet. Puis, C. F. Zelter crée en 1809 le Liedertafel, un chœur restreint composé uniquement d’hommes, alliant pratique du chant et sociabilité de la table et dont les membres devaient obligatoirement faire partie de la Sing-Akademie. Le Liedertafel fait rapidement école sous la forme de l’ample mouvement des chœurs d’hommes qui se développent en Allemagne dans la première moitié du XIXe siècle.
33Au-delà, la Sing-Akademie constitue aussi un terrain d’expériences et un laboratoire d’idées à partir desquels C. F. Zelter conçoit et développe un programme de réformes concernant l’organisation de la musique. Celles-ci s’inscrivent dans l’ensemble des projets élaborés au cours des années de guerres, d’occupation et de libération et visant à moderniser l’État, l’administration et la société en Prusse. Convaincu de la mission civilisatrice de la musique, C. F. Zelter partage les idées esthétiques de Goethe, celles éducatives de W. von Humboldt, et rejoint celles de Johann Heinrich Pestalozzi en matière de pédagogie musicale. Fort de sa position de directeur de la Sing-Akademie, il rédige entre 1803 et 1812 une série de memoranda (sept au total), destinés d’abord au baron von Hardenberg, curateur de l’Akademie der Künste et ministre d’État, puis à W. von Humboldt, directeur à partir de 1809 de la section « culture et enseignement public » au ministère de l’Intérieur, ainsi qu’au roi de Prusse [53]. Ces textes représentent différents états d’une même conception qui vise à améliorer et à consolider la vie musicale à Berlin et plus généralement en Prusse pour contribuer de cette manière à la sauvegarde et à la promotion d’une culture nationale.
34Le programme de C. F. Zelter comprend une réorganisation de la musique sacrée passant par l’examen et le contrôle des cantors et des organistes; un enseignement généralisé du chant dans les écoles pour relever le niveau du chant choral qui ne cesse de péricliter; la formation de bons instrumentistes pour remplacer les Stadtpfeifer, une forme d’organisation musicale qui a fait son temps; la mise en place de séminaires pour former au chant les maîtres d’école; enfin, la création d’un poste de professeur de musique auprès de l’Akademie der Künste. Si C. F. Zelter n’est pas le seul à avoir ébauché des propositions de ce genre, il est en revanche celui qui a su tirer les conséquences pratiques d’un constat, à savoir que le mode d’organisation artisanal et corporatif sur lequel reposaient jusqu’alors la vie et l’éducation musicales était condamné à disparaître et devait être remplacé par des institutions nouvelles : des institutions prestigieuses sous tutelle de l’État fonctionnant à côté de sociétés de musique régies par un principe de libre entreprise.
35Les réformes projetées par C. F. Zelter ont marqué sur le long terme l’organisation de la musique en Prusse, même si elles n’ont été qu’en partie et lentement suivies d’effets. Nommé d’abord assesseur et membre d’honneur de l’Akademie der Künste, il devra en effet attendre jusqu’en 1809 pour obtenir le poste de professeur de musique auprès de l’Académie dont il réclamait la création. De même, l’idée d’un institut pour la musique d’église, approuvée par le roi en 1811, ne sera vraiment réalisée qu’en 1822 avec la création d’un institut de musique servant à promouvoir la musique d’église et chargé de la formation des organistes, des professeurs dans les gymnases et des instituteurs, institut rattaché non pas à l’Académie mais directement à l’Université. Quant à la section « Musique » de l’Académie, réclamée par C. F. Zelter dès 1803, celle-ci ne sera réellement instituée qu’en 1834 – après sa mort – avec l’ouverture d’une classe de composition.
36Les créations de C. F. Zelter, du Liedertafel jusqu’à la section « Musique » de l’Académie, représentent pour C. Dahlhaus un système cohérent qui « institutionnalise » la participation de la musique à l’idée de Bildung de l’époque classicoromantique [54]. Les réformes du directeur de la Sing-Akademie, qui ont pour objet essentiel la pratique du chant, sont en effet fortement influencées par le concept de Bildung néohumaniste de W. von Humboldt visant à développer la liberté individuelle ainsi que l’activité et l’épanouissement personnels (la Selbstbildung) [55]. Ce concept concernait pour l’essentiel les couches sociales de la haute bourgeoisie et de l’aristocratie éclairée, celles-là mêmes qui formaient aussi la Sing-Akademie.
Bach : un inconnu ?
37Le cliché le plus répandu circulant à propos de Bach est certainement celui qui fait du Cantor de Leipzig un musicien déconsidéré à la fin de sa vie et totalement oublié après sa mort, représentation d’autant plus tenace qu’elle a servi à mieux accréditer la « redécouverte » de Bach à partir du premier tiers du XIXe siècle. Certes, pour la vie musicale de la fin du XVIIIe siècle, le nom de Bach évoque avant tout les fils de Jean-Sébastien : Carl Philipp Emanuel (en Allemagne et dans l’Europe du Nord) et Johann Christian (Angleterre et en France). Mais celui de leur père n’est pas pour autant tombé complètement dans l’oubli, comme en témoignent de nombreux écrits de la deuxième moitié du XVIIIe siècle [56].
38Le fait que l’effigie de Bach soit la première à figurer sur la couverture de l’Allgemeine Musikalische Zeitung à sa création en 1798 [57] et que, dans la livraison suivante, son nom constitue le centre d’un « soleil de compositeurs » dont les rayons représentent autant de musiciens allemands de la deuxième moitié du XVIIIe siècle [58], est significatif de la considération portée alors au Cantor de Leipzig. Tout comme, quelques années auparavant, les propos de l’écrivain souabe Christian Friedrich Daniel Schubart (1784) qui n’hésite pas à rapprocher les génies de Bach et de Newton [59], ou ceux de J. N. Forkel (1779) [60] et de J. F. Reichardt (1782) [61], pour lesquels le Cantor de Leipzig est « le plus grand maître de l’harmonie de tous les temps », une expression qui, sentiment patriotique aidant, devient d’usage courant dans la presse musicale allemande autour de 1800 et que Beethoven paraphrase dans la formule : « Urvater der Harmonie » (1801).
39Dès la fin du XVIIIe siècle, « Bach est célèbre sans être connu [62] ». Cette renommée repose sur une vision sélective de son activité et de sa musique – un trait qu’il partage au demeurant avec Haendel en qui l’on ne verra longtemps que le maître de l’oratorio. Son nom, comme compositeur et comme interprète, est, en effet, associé à sa musique pour clavier et à son art du contrepoint et de la fugue. La manière dont J. N. Forkel décrit dans sa biographie (1802) la carrière et l’œuvre du musicien est significative de cette approche, ne prenant en considération que sa musique instrumentale et ses œuvres didactiques. Les compositions pour clavier de Bach sont aussi les premières à être éditées, et tout d’abord Le clavier bien tempéré que trois éditeurs – N. Simrock à Bonn, H. G. Nägeli à Zurich et le tout récent Bureau de musique de Hoffmeister & Kühnel à Leipzig – impriment simultanément en 1801 [63]. La même année, comme l’avaient fait avant eux Breitkopf & Härtel pour Mozart (1798) et pour Haydn (1799), Hoffmeister & Kühnel lancent le projet d’une édition des Œuvres complettes de Jean Sebastien Bach : seize volumes (supervisés par J. N. Forkel) paraissent jusqu’en 1804, qui se limitent en fait aux seules grandes œuvres pour clavier.
40À l’inverse, la musique vocale est encore très largement ignorée, celle-ci n’étant pratiquement pas disponible. Non publiée du vivant de Bach et demeurant donc à l’état de manuscrits ou de copies réalisées par les élèves du Cantor, elle a été en outre dispersée entre les différents héritiers au moment de la succession en 1750 [64]. Dès lors, l’accès public aux œuvres vocales n’était possible que dans la mesure où ceux qui les détenaient étaient aussi en situation de les jouer. Cela concerne surtout les deux fils aînés de Bach, Wilhelm Friedemann et Carl Philipp Emanuel qui ont hérité d’importantes parties de la musique vocale de leur père – Carl Philipp Emanuel a reçu en particulier le matériel complet (partition autographe de 1736 et parties séparées) de la Passion selon saint Matthieu. Dans l’exercice de leurs fonctions, ils font entendre occasionnellement des œuvres de leur père, notamment Wilhelm Friedemann qui joue régulièrement lors des fêtes liturgiques des cantates dont il détient les manuscrits à l’époque où il est organiste à Halle (1746-1764) [65]. Carl Philipp Emanuel fait de même lorsqu’il succède à Telemann au poste de Kirchenmusikdirektor à Hambourg (1768-1788), mais sa pratique de l’héritage paternel se cantonne principalement à insérer dans ses propres compositions religieuses des extraits de cantates ou des Passions (dans ce cas surtout les chorals et les chœurs de la Turba) en en modifiant les textes [66]. À la fin du XVIIIe siècle à Hambourg, il était inconcevable de pouvoir donner dans son intégralité une cantate de l’ancien Cantor en raison de textes souvent incompatibles avec les canons esthétiques et les goûts de l’Aufklärung [67]. La seule pièce vocale de Jean-Sébastien jouée à cette époque l’est lors d’un concert public au printemps 1786 : Carl Philipp Emanuel y fait entendre le Credo (latin) de la Messe en si mineur, accompagné d’une aria et de l’Alléluia du Messie de Haendel et de trois de ses œuvres [68].
41À Leipzig, d’où les manuscrits des grandes œuvres vocales et de la plupart des cantates ont disparu au moment du partage des biens en 1750 [69], le répertoire des œuvres du Cantor se réduit de plus en plus sous ses successeurs à Saint-Thomas à quelques motets – Mozart entend ainsi le motet Singet dem Herren ein neues Lied (BWV 225) lors de son passage à Leipzig en 1789 [70]. Ces œuvres de circonstance, relativement secondaires dans la production religieuse de Bach, sont les premières pièces vocales à être publiées, en 1802-1803 (chez Breitkopf & Härtel à Leipzig) [71]. La raison de leur succès tient sans doute à la nature de leurs textes, composés de psaumes et autres passages bibliques et de strophes de chorals et résistant mieux ainsi aux transformations du goût, à la différence de beaucoup de cantates et des Passions.
42En réalité, partout où il n’existe pas de tradition personnelle ou locale entretenue par ses fils, par ses élèves ou par ses successeurs directs, les œuvres vocales de Bach restent inconnues. Cet ancrage régional est caractéristique également pour la musique d’orgue dont la diffusion particulièrement active et en majeure partie concentrée à la Thuringe, berceau familial et région où Bach a exercé comme organiste, s’effectue déjà du vivant du Cantor par l’intermédiaire de ses élèves [72]. Celle-ci se prolonge jusqu’au XIXe siècle grâce à l’un des tout derniers disciples de Bach à Leipzig, Johann Christian Kittel (1732-1809), organiste à Erfurt à partir de 1762, grand collectionneur d’œuvres de son maître et pédagogue réputé qui forme à son tour de nombreux organistes [73].
43Même si un premier « mouvement » se dessine autour de 1800, marqué par des projets éditoriaux et des publications entraînant avec eux annonces et comptes rendus dans la presse musicale, la connaissance de Bach et de sa musique reste donc circonscrite et fragmentaire. Elle ne dépasse guère, non plus, le cercle privilégié d’une élite qui se passionne pour l’art : les « connaisseurs », ceux-là même auxquels J. N. Forkel adresse sa monographie [74].
Berlin, « capitale de Bach »
Depuis 50 ans, je suis habitué à honorer le génie de Bach. Friedemann est mort ici, Emanuel Bach fut ici musicien de la chambre royale, Kirnberger, Agricola furent des élèves du vieux Bach, Ring, Bertuch, Schmalz et d’autres ne font entendre presque rien d’autre que des morceaux du vieux Bach; moi-même, j’enseigne sa musique depuis trente ans et j’ai des élèves qui tous jouent bien les choses de Bach [75].
45Si la thèse de la redécouverte de la musique de Bach dans l’événement de 1829 mérite d’être nuancée, cette lettre que C. F. Zelter adresse à Goethe quelques jours après la représentation de la Passion signale de son côté qu’il existe à Berlin également un terrain propice à la musique du Cantor de Leipzig depuis un certain temps déjà. Elle laisse ainsi entendre que la reprise de la Passion selon saint Matthieu s’ancre dans une tradition de l’œuvre de Bach à Berlin. Celle-ci se manifeste par une pratique des œuvres du Cantor, par la présence d’importantes collections ainsi que par une manière de composer qui porte trace de l’héritage du « vieux maître » de Leipzig.
46Cette tradition remonte aux années du règne de Frédéric II et de l’activité musicale qui marque alors la cour à travers les musiciens qui forment la Chapelle royale. Elle tient aux fils et aux élèves du « vieux » Bach en poste ou séjournant à Berlin dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Les fils : Carl Philipp Emanuel, premier claveciniste de Frédéric II jusqu’à son départ pour Hambourg en 1768, et son frère Wilhelm Friedemann, qui vit à Berlin de 1774 à sa mort en 1784. Les anciens élèves : Johann Agricola, successeur de C. H. Graun en 1759 au poste de Hofkapellmeister, Christoph Nichelmann, deuxième claveciniste de Frédéric II de 1744 à 1756, Johann Philipp Kirnberger, de 1758 à sa mort en 1783 conseiller et maître de musique de la princesse Anna Amalie, la sœur de Frédéric II, auxquels il convient d’ajouter le théoricien Friedrich Wilhelm Marpurg, qui fut en contact personnel avec Bach dans les dernières années de sa vie. Tous possèdent de riches collections de manuscrits ou de copies d’œuvres du Cantor, à commencer par les deux fils aînés comme nous l’avons déjà vu. La plupart font en outre œuvre de théoriciens et se réfèrent fréquemment dans leurs écrits à l’art de la composition du maître de Leipzig [76]. La présence massive de musiciens formés à « l’école de Bach », associée aux goûts musicaux personnels de Frédéric II, contribue au développement d’un style musical assez strict dans lequel, à côté d’éléments plus « galants », prédominent la fugue et le contrepoint. L’image musicale qui en ressort est marquée par un certain conservatisme et dénote un goût pour la théorie.
47Mais bien plus encore que la Cour, ce sont les cercles privés, aristocratiques et bourgeois, de Berlin qui jouent un rôle déterminant pour cette tradition de la musique de Bach. En premier lieu, les soirées que la princesse Anna Amalie (1723-1787) organise dans ses palais – Unter den Linden et Wilhelmstrasse – et qui regroupent, autour de la sœur cadette de Frédéric II, les fils, les élèves et autres admirateurs de Bach pour jouer ou écouter notamment des œuvres du Cantor ou de Haendel. Ces soirées, où se retrouvent également les étrangers de passage (le baron van Swieten, par exemple [77] ) et l’élite intellectuelle, cristallisent d’autant plus la vie musicale que déclinent les activités artistiques à la cour à partir de la guerre de Sept Ans, puis avec le retrait volontaire du roi. En outre, alors que très peu d’œuvres de Bach ont été éditées de son vivant [78], Anna Amalie constitue sous la responsabilité de J. P. Kirnberger, une bibliothèque (la fameuse Amalienbibliothek) qui se distingue par une impressionnante collection de manuscrits du Cantor de Leipzig et dont C. F. Zelter dressera le catalogue entre 1800 et 1802. Y figurent entre autres les manuscrits de la Messe en si mineur, de la Passion selon saint Matthieu, les Motets, des parties de la musique de chambre, le Clavier bien tempéré ou encore la partition autographe des Concertos brandebourgeois.
48Fondateur de la Sing-Akademie, C. F. C. Fasch appartient lui aussi à cette tradition « bachienne », d’abord par l’éducation musicale reçue de son père, élève de la Thomasschule à Leipzig avant de devenir Kapellmeister à la cour de Zerbst, puis à travers les musiciens qu’il côtoie à la cour de Berlin à partir de 1756, en particulier Carl Philipp Emanuel Bach. Dès janvier 1794, C. F. C. Fasch met au programme des « répétitions » de la Sing-Akademie un motet de Bach : Komm, Jesu, komm – la première œuvre inscrite en dehors de ses propres compositions –, suivi par les motets Fürchte dich nicht et Singet dem Herrn ein neues Lied [79]. Après Leipzig et la Thomasschule, la tradition des motets s’implante ainsi désormais à Berlin.
49Formé par C. F. C. Fasch mais aussi par J. P. Kirnberger à l’école de Bach, C. F. Zelter reprend et intensifie encore l’étude de la musique du Cantor. Ce sont d’abord, à partir de 1804, les motets dont la série est complétée au fil des ans (Jesu, meine Freude, par exemple, à partir de 1812). Ceux-ci constituent même bientôt le fonds du répertoire de la Sing-Akademie : ainsi, le motet Ich lasse dich nicht, du segnest mich denn (BWV Anh. 159) figure pas moins de dix-neuf fois sur le plan des répétitions entre 1824 et 1828 [80]. Puis, à partir de l’automne 1811, c’est au tour de l’étude de la Messe en si mineur, en commençant par le Kyrie et poursuivie en 1813 par les autres parties. En 1815, C. F. Zelter inscrit au programme des extraits de la Passion selon saint Jean, puis de la Passion selon saint Matthieu dont il s’est fait établir une copie d’après l’exemplaire qui faisait partie du fonds musical de la bibliothèque de la princesse Anna Amalie [81].
50Toutefois, à la différence des motets purement vocaux chantés par le chœur au complet, ces œuvres sont répétées en formation réduite lors des « exercices » où se produit également la Ripienschule. Dès les débuts d’ailleurs de l’école orchestrale (1807), la musique de Bach fait aussi partie du programme des répétitions : fugue en mi majeur de la deuxième partie du Clavier bien tempéré, arrangé pour quatuor à cordes, Concerto pour clavier en ré mineur, Cinquième concerto brandebourgeois... Ces morceaux sont complétés au fil du temps par d’autres pièces instrumentales, mais aussi par des extraits de cantates et d’autres œuvres vocales [82].
51Si aucun autre chœur, ni aucun autre ensemble à cette époque n’interprète autant d’œuvres de Bach, la part de la musique du Cantor de Leipzig reste toutefois modeste dans le répertoire de la Sing-Akademie par rapport aux œuvres de Léo, Durante, Lotti, Palestrina, mais aussi à celles de Haendel, Reichardt, Mozart, Haydn [83] ou encore des deux directeurs, C. F. C. Fasch et C. F. Zelter. Il en va de même pour celui de la Ripienschule qui comprend entre autres des concertos et des symphonies des « Berlinois » Carl Philipp Emanuel Bach, Quantz, Benda, Graun, comme, plus largement, des pièces instrumentales de Haendel, Frescobaldi, Pergolèse, Geminiani ou encore Hasse. Par ailleurs, jusqu’au concert de 1829, la musique de Bach n’est pas destinée à être jouée en public, mais son apprentissage et sa pratique restent confinés aux « exercices » internes de la société dont le but est de familiariser ses membres avec une musique exigeante. Pendant des années, l’oratorio de la Passion de Graun Der Tod Jesu, donné chaque Vendredi saint à partir de 1801, constitue la seule apparition publique de la Sing-Akademie [84] en dehors de quelques manifestations officielles. La Sing-Akademie n’est d’ailleurs pas le premier ensemble à chanter Bach en public à Berlin. Elle est précédée en 1827 par l’organiste August Wilhelm Bach qui fait entendre dans la Marienkirche le motet Fürchte dich nicht et le Et incarnatus est de la Messe en si mineur, puis en avril 1828 par Spontini et la Königliche Kapelle qui jouent des parties de la Messe en si mineur à l’occasion du Buss- und Bettag. Le succès fut d’ailleurs médiocre tant de la part du public que de la critique [85].
52En outre, la Sing-Akademie se dote d’une bibliothèque qui atteint rapidement une qualité exceptionnelle, surtout pour une société de musique privée. Elle joue un rôle important dans le soin apporté à préserver l’héritage musical de Bach et à en encourager sa pratique. La Sing-Akademie constitue en effet bientôt un des fonds les plus riches de musique ancienne et en particulier d’œuvres du Cantor de Leipzig grâce notamment à des legs (Sara Lévy entre autres) ou à la générosité de ses membres : Abraham Mendelssohn et le collectionneur Georg Johann Daniel Pœlchau, qui sera le bibliothécaire de la Sing-Akademie (1833), assurent, par exemple, l’acquisition d’une grande partie des manuscrits et partitions détenus par Carl Philipp Emanuel Bach dont les parties séparées des Passions selon saint Jean et selon saint Matthieu [86]. C. F. Zelter, lui-même collectionneur passionné, déborde aussi d’activité en ce domaine : il réussit notamment à acquérir pour le compte de la Sing-Akademie les importantes collections d’œuvres de Bach détenues par J. N. Forkel et par la princesse Anna Amalie [87].
53Et voici qui nous conduit vers l’événement fondateur du 11 mars 1829 : la famille Mendelssohn est elle aussi étroitement liée à la Sing-Akademie depuis ses origines. À travers ses générations successives et ses ramifications (Itzig, Lévy, Salomon, Mendelssohn), elle constitue un des autres « lieux » berlinois où la musique de Bach et de ses fils est particulièrement vénérée depuis la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Daniel Itzig, le financier (Münz-Entrepreneur) de Frédéric II, est à l’origine de cet intérêt, le nom de sa famille figurant dans la liste des « prémunérants » aux œuvres de Carl Philipp Emanuel. Cette ferveur continue avec ses filles Bella Salomon (la fameuse grand-mère qui offrira pour Noël à son petit-fils de quatorze ans une copie manuscrite de la partition de la Passion selon saint Matthieu) et surtout Sara Lévy, pour atteindre la génération de Léa (la fille de Bella) et Abraham Mendelssohn, les parents de Félix. C’est dire combien le jeune Félix, mais aussi sa sœur aînée Fanny sont baignés dans un univers familial qui prédispose non seulement à l’étude de la musique, mais aussi à la pratique des œuvres anciennes et en particulier de celles de Bach. D’ailleurs, à la naissance de Fanny en 1805, Abraham n’écrit-il pas à sa belle-mère, Bella, que le bébé a déjà, aux dires de sa femme, tout ce qu’il faut pour jouer la musique du Cantor en évoquant ses « Bachsche Fugenfinger », ses petits doigts parfaits pour s’exercer aux fugues de Bach [88] ?
54Le salon de Sara Lévy (1761-1854) joue un rôle majeur sur le plan musical à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle. Il est une institution que fréquentent, entre autres, E. T. A. Hoffmann, F. D. E. Schleiermacher, J. G. Droysen, C. F. Zelter ainsi que son petit-neveu, Félix. Il reflète la vitalité des salons de la bourgeoisie juive aisée pour la sociabilité intellectuelle et la vie culturelle de la capitale prussienne. Élève de Wilhelm Friedemann Bach et de J. P. Kirnberger, membre de la Sing-Akademie, il n’est pas étonnant que la musique de la famille Bach tienne une place prépondérante dans son salon. Elle jouait en outre régulièrement avec la Ripienschule depuis ses débuts les parties solistes notamment des concertos de Jean-Sébastien. Cet engouement pour la musique de Bach se retrouve aussi dans l’importante collection de partitions dont elle fait progressivement l’acquisition, composée pour l’essentiel d’œuvres pour clavier de Wilhelm Friedemann, de Carl Philipp Emanuel, mais aussi de leur père, en particulier les deux parties du Clavier bien tempéré à une époque où celui-ci, non édité encore (1801), circule sous forme manuscrite [89].
55Dans les années 1820, les « dimanches musicaux » (Sonntagsmusiken) du banquier A. Mendelssohn, le cinquième fils de Moses Mendelssohn, et de sa femme Léa (1777-1842), organisés dans leur imposante demeure de la Leipziger Strasse (no 3) où ils emménagent en 1825 [90], sont très courus par la bonne société berlinoise, au même titre que les brillantes soirées d’Amélia Behr (mère du compositeur Giacomo Meyerbeer). Ces réunions dominicales où l’on rencontre « tout ce qui se distingue à Berlin par l’esprit, le talent et la culture [91] » sont avant tout l’occasion d’entendre les deux « génies musicaux » de la maison, Fanny et surtout Félix [92], soit comme interprètes soit dans leurs propres compositions. Pour cela, Abraham n’hésite pas à faire appel aux musiciens de la Hofkapelle et aux chanteurs de la Cour. C’est ainsi qu’E. Devrient fréquente régulièrement depuis 1822 la maison des Mendelssohn et se lie d’amitié avec Félix, de huit ans son cadet [93].
56À l’image de Sara Lévy, Abraham et Léa Mendelssohn, il conviendrait de s’interroger de manière plus approfondie sur l’engagement musical de ces grandes familles juives de Berlin et sur les raisons de cet intérêt pour la musique de Bach. En ce qui concerne A. Mendelssohn, qui fait baptiser ses enfants en 1816 avant de se convertir, lui et sa femme, en 1822 – la conversion au christianisme était en fin de compte, semble-t-il, la clé pour parvenir à une véritable égalité de droits et au prestige social désiré – l’engagement pour la musique de Bach ne réside-t-il pas aussi en ce que le Cantor de Leipzig incarnait musicalement cette confession protestante épousée par raison, comme le fait remarquer Wolfgang Dinglinger [94] ? Par ailleurs, aux yeux des Mendelssohn, les compositions de Bach témoignaient de façon exemplaire du lien entre religion, culture et Bildung qui correspondait à l’idéal éducatif des parents pour leurs enfants.
57Abraham et Léa Mendelssohn étaient très soucieux d’un haut niveau de culture, et la plus étendue possible, comme cela allait de soi dans une famille de la grande bourgeoisie cultivée. Aussi portaient-ils une attention scrupuleuse à l’éducation de leurs enfants et firent appel aux meilleurs précepteurs [95]. Pour Léa, notamment, qui avait encore pris des leçons de clavecin avec J. P. Kirnberger, les études musicales qui débutent en 1815 – Fanny est alors âgée de 10 ans, Félix de 6 – étaient bien entendu une partie importante du programme éducatif, d’où le soin particulier dans le choix des professeurs. Une des raisons qui fait retenir Ludwig Berger, élève de Clementi [96], comme professeur de piano des enfants Mendelssohn tient en particulier à ce qu’il faisait reposer une grande partie de son enseignement sur les préludes et fugues du Clavier bien tempéré dont il jouait aussi des extraits en concert. De même, le choix de C. F. Zelter comme professeur de composition à partir de 1819 est redevable non seulement de l’amitié qui le liait à Abraham depuis longtemps et de sa renommée de pédagogue, mais de ce qu’il était aussi un expert dans la musique de Bach. Son enseignement s’appuyait encore sur les règles consignées par J. P. Kirnberger dans son traité Die Kunst des reinens Satzes (1771-1779) ainsi que sur la collection de chorals à quatre voix de Bach édités par Carl Philipp Emanuel en 1784-1787 [97]. De la même façon, Félix apprend l’orgue auprès d’August Wilhelm Bach (1796-1869), organiste à la Marienkirche de Berlin et connu pour ses interprétations de la musique d’orgue du Cantor de Leipzig [98].
58Une familiarisation avec l’art de Bach puisée donc aux meilleures sources familiales et pédagogiques. Sa participation aux répétitions et aux concerts de la Sing-Akademie, que Félix intègre avec sa sœur en 1820, est l’occasion d’intensifier sa connaissance de l’œuvre de Bach. Il prend régulièrement part aux « exercices » du vendredi avec la Ripienschule, au cours desquels C. F. Zelter fait répéter concertos et grandes œuvres vocales de Bach. En particulier, l’étude de la Passion selon saint Matthieu éveille le goût pour cette œuvre au point de pousser Félix à vouloir en posséder une copie complète, copie qui est réalisée spécialement à son intention et que sa grand-mère B. Salomon lui offre à Noël en 1823 [99].
59Lorsqu’il dirige la Passion en 1829, Félix a donc une connaissance approfondie de la partition qu’il a pu à la fois étudier à fond et pratiquer à diverses reprises sous la conduite et l’enseignement de C. F. Zelter. Par ailleurs, il n’est plus un débutant dans l’art de la composition dont les premiers essais remontent à 1820. Il aligne une série déjà impressionnante d’œuvres parmi lesquelles l’Octuor pour cordes, opus 20 (1825), l’ouverture du Songe d’une nuit d’été dans une version d’abord pour piano à quatre mains (1826), l’ouverture Meeresstille und glückliche Fahrt pour orchestre (1828), toutes données dans la Gartensaal de la Leipziger Strasse. Son opéra Die Hochzeit des Camacho, composé en 1825, a été en outre donné au Schauspielhaus en 1827 avec un honnête succès d’estime. Les dimanches musicaux lui ont permis, de surcroît, d’acquérir une bonne expérience dans la direction d’orchestre et de chœur; il a lui-même constitué un petit chœur qu’il fait répéter régulièrement Leipziger Strasse et avec lequel il commence à étudier les premiers passages de la Passion selon saint Matthieu [100].
60Il semble que l’idée d’une exécution de la Passion selon saint Matthieu ait germé dès 1827, mais celle-ci se heurte vite à C. F. Zelter qui se refusait à diriger les grandes œuvres de Bach en public. Sans doute faut-il voir dans l’attitude du directeur de la Sing-Akademie une marque du respect qu’il éprouvait pour la musique de Bach et la crainte de ne pouvoir donner une exécution qui soit capable de rendre justice de l’œuvre auprès du public en raison de sa difficulté. Les expériences retirées des répétitions entre 1815 et 1823, où des extraits de la Passion furent régulièrement au programme, ont sans doute ajouté au scepticisme de C. F. Zelter concernant une représentation générale de l’œuvre et finalement l’ont fait reculer [101]. Faut-il y voir aussi, avec C. Applegate, une question de génération ? Plus expérimentés, C. F. Zelter et son directeur-adjoint, Carl Friedrich Rungenhagen – qui deviendra son successeur en 1832, élu contre F. Mendelssohn– sont en 1829 âgés respectivement de 70 et 51 ans, tandis que F. Mendelssohn (20 ans) et les amis qui l’entourent ont entre 19 et 28 ans – le plus âgé, A. B. Marx en a 34 – et ont ainsi l’avantage de la jeunesse et de l’audace [102].
61Félix et E. Devrient, associés depuis le début à l’entreprise, obtiennent finalement l’accord de C. F. Zelter de donner la Passion en public. Mi-décembre 1828, ils reçoivent du bureau de la Sing-Akademie l’autorisation de répéter et de jouer dans la salle, mais en s’acquittant du prix habituel de location de 50 thalers. À eux également de recruter les choristes parmi les membres. Ceux-ci afflueront au point qu’il sera nécessaire de déménager dans la grande salle après la cinquième répétition. Félix et E. Devrient doivent s’occuper également de recruter les solistes et rendent leurs visites, habillés tous deux à l’identique – redingote bleue, veste blanche, foulard et pantalons noirs, gants de daim jaune clair.
62Tant que l’orchestre est absent des répétitions, Félix dirige du clavier, le bâton de direction dans la main droite tandis qu’il accompagne de l’autre. Puis, à partir du moment où l’orchestre est également présent, pour obéir aux usages de l’époque qui voulaient que le chef ne tournât pas le dos au public (à l’inverse de l’opéra), Félix installe le clavecin en diagonale entre les deux chœurs, tournant le dos à l’un mais en ayant le second et l’orchestre sous son regard. Les répétitions ont lieu au cours du mois de février 1829 – les 2,9,16,17,23 et 24 – au cours desquelles sont répétés les chœurs et les chorals, puis à nouveau le 2 mars. Une nouvelle se déroule le lendemain, avant la répétition générale qui a lieu le 10 mars, la veille du premier concert [103].
63F. Mendelssohn a donc pris sur lui le risque de cette première exécution publique de la Passion selon saint Matthieu et l’a conduite au succès que l’on connaît. Mais, sans amoindrir de quelque façon que ce soit le rôle et le talent propre de F. Mendelssohn, celle-ci eut été toutefois difficilement possible sans les réalisations en amont de la Sing-Akademie sous la direction de C. F. Zelter qui fit travailler l’œuvre après s’être procuré les sources, avoir réalisé le matériel d’orchestre et en avoir livré une première adaptation [104].
Quel Bach ? La Passion selon saint Matthieu entre le Messie et la Neuvième symphonie
64Si l’enthousiasme et l’ardeur de F. Mendelssohn ont abouti au concert de mars 1829, de quelle Passion selon saint Matthieu, de quel Bach s’agit-il vraiment ? L’œuvre est rejouée après un silence de près de cent ans, mais la vie musicale ainsi que les conditions d’exécution ont aussi changé dans cet intervalle. Quelle est donc cette œuvre présentée au public berlinois ? Qu’est-ce qui la différencie de l’exécution initiale à Leipzig en 1727-1729 [105] ?
65Tout d’abord, les changements touchent le lieu et le cadre. La Passion n’est plus jouée dans une église, comme à Saint-Thomas de Leipzig, mais dans une salle de concert, celle de la Sing-Akademie. Elle ne fait plus partie non plus d’un office religieux pour lequel elle avait été composée, les vêpres du Vendredi saint dans la liturgie luthérienne, mais son cadre est désormais celui d’un concert. Par ce transfert de l’église à la salle, l’œuvre devient ainsi musique de concert.
66Les modifications concernent aussi les musiciens : la Passion n’est plus dirigée par un Cantor aux fonctions liturgiques et scolaires, comme l’était Bach à Leipzig, mais par un compositeur et pianiste n’exerçant aucune charge qui le rattache directement à une église. Les chœurs réduits à quelques voix masculines – celles des écoliers de Saint-Thomas –, qui chantaient aussi les parties solistes, font place à un chœur mixte de bien plus grande ampleur. Et s’il est composé pour l’essentiel d’amateurs, des chanteurs professionnels provenant de l’Opéra prêtent aussi leur concours. Ainsi, A. Milder (1785-1838), l’une des deux sopranos solistes, est la primadonna de l’Opéra de Berlin où elle a été engagée en 1816, et l’une des cantatrices les plus célèbres de l’époque [106]. Interprétant Léonore lors de la première berlinoise de Fidelio en 1815, elle contribue à faire de l’opéra de Beethoven l’une des œuvres les plus jouées du répertoire de la capitale prussienne, de même qu’elle participe au succès des opéras de Gluck. Le ténor H. Stümer, l’Évangéliste de la Passion, fait aussi partie de la troupe de l’Opéra royal où il a été notamment Florestan lors de la première de Fidelio et Max lors de celle du Freischütz en 1821 [107]. E. Devrient (1801-1877), le Christ de la Passion et la cheville ouvrière de cette reprise avec son ami F. Mendelssohn, appartient à une famille d’acteurs célèbres. Ayant intégré à 17 ans la Sing-Akademie avec laquelle il a fait ses débuts publics en 1819 dans l’oratorio Der Tod Jesu, E. Devrient est membre de l’Opéra royal depuis 1820 après s’être fait remarquer dans Alceste de Gluck et dans Don Juan de Mozart. Son expérience musicale forgée à travers une grande variété de rôles et sa large culture théâtrale tout autant que le caractère expressif de sa voix et son talent dramatique contribueront au succès de la Passion berlinoise [108].
67Mais à côté des lieux d’exécution et des musiciens, les changements concernent aussi l’aspect musical de l’œuvre qui est donnée en public, modifications qui influenceront fortement les interprétations ultérieures de la Passion et de la musique vocale de Bach en général. Elles sont de différentes natures.
68D’abord, cela a déjà été évoqué, les effectifs vocaux se trouvent considérablement développés par rapport à ce qu’ils étaient à l’époque de Bach. F. Mendelssohn dispose d’un chœur de 158 choristes, ouvrant ainsi la voie aux masses chorales qui marqueront par la suite les interprétations de la Passion. Les effectifs pourront atteindre, en effet, jusqu’à 300 chanteursà la fin du XIXe siècle. En ce qui concerne l’orchestre, si on ne dispose d’aucune indication précise mis à part le doublement des instruments à vent, on sait en revanche qu’à Königsberg, l’orchestre était composé en 1834 de 50 musiciens, et qu’à Dresde en 1833, celui-ci était deux fois plus important (112 musiciens pour 220 choristes) atteignant même en 1840 126 instrumentistes (pour 228 choristes) [109].
69La Passion selon saint Matthieu est ensuite amputée d’un certain nombre de numéros, vingt-deux au total. Cette pratique, qui est déjà celle de C. F. Zelter auparavant, fait elle aussi école : elle se maintient tout au long du siècle. La Passion selon saint Matthieu ne connaît, en effet, pas d’exécution intégrale avant le début du XXe siècle [110].
70Ces coupes concernent avant tout les arias (onze sur les quinze que compte la partition, dont quatre avec les ariosi qui les précèdent) et, dans une moindre mesure, les chorals (six, soit de près la moitié) [111]. L’œuvre était ainsi sensiblement plus courte. Mais les coupures, dont le but était aussi pratique en raison de l’extrême difficulté de certaines arias, entraînaient plus encore une modification de la structure de la Passion en déplaçant les proportions des parties solistes et des parties chorales au profit de ces dernières. L’œuvre se trouvait recentrée autour du texte biblique [112] et des chœurs. Le caractère dramatique l’emportait à présent sur les accents plus contemplatifs qui émanaient pour l’essentiel des arias [113]. La suppression en 1829 de l’aria « Aus Liebe will mein Heiland sterben » (no 49 : Par amour, mon Sauveur veut mourir), que l’on considère comme le centre théologico-musical de la Passion selon saint Matthieu [114], est significative de ce déplacement [115]. De même, à l’intérieur du récit évangélique, l’accent mis sur les paroles du Christ et sur les interventions de Pierre et des autres personnages de l’action est caractéristique de l’intention dramatique de cette version, tout comme les indications dynamiques mentionnées précisément concernant les chœurs de la Turba et plus encore les paroles du Christ alors que celles-ci sont totalement absentes dans les chorals et les arias. Tandis que la Passion selon saint Matthieu dans sa version d’origine confrontait sans cesse le spectateur à la condition pécheresse de l’homme, celle de 1829 insistait en revanche sur la personne de Jésus et sur son humanité souffrante. On comprend dès lors l’émotion soulevée lors de la représentation berlinoise par la « performance » d’E. Devrient, sur laquelle, malheureusement, aucun autre détail ne nous est parvenu.
71Une comparaison approfondie entre les versions d’origine de la Passion selon saint Matthieu (1727-1736) et celle de F. Mendelssohn, en incluant également l’oratorio de Graun Der Tod Jesu, qui est un relais si important entre la seconde moitié du XVIIIe siècle et le début du XIXe siècle, permettrait très certainement de mieux cerner les évolutions de la sensibilité religieuse dans le protestantisme à l’époque de l’Aufklärung et dans la première moitié du XIXe siècle, dont ces œuvres sont l’expression tout autant que le révélateur [116].
72Enfin, F. Mendelssohn intervient dans la partition dont il modifie notamment l’image sonore. Certaines interventions sont d’ordre purement technique comme le remplacement des oboe da caccia, instruments tombés en désuétude, par des clarinettes, à la sonorité plus souple correspondant mieux au goût de l’époque [117]. D’autres sont de type esthétique et feront école par la suite, comme le chant a cappella du choral « Wenn ich einmal soll scheiden » (no 62 : Quand je devrai partir) [118] ou bien, cas unique dans toute la Passion, l’instrumentation du récitatif « Und siehe da, der Vorhang des Tempels zerrissen » (no 63a : Et voici que le voile du temple se déchira en deux), marquée par le renforcement des cordes. Dans ce passage où les deux morceaux se suivent immédiatement, non seulement le contraste entre le chant du choral – le seul dans la partition où les instruments se taisent complètement – et l’accompagnement des cordes dans le récitatif produit un effet saisissant, mais aussi le caractère dramatique de toute la scène de la mort du Christ se trouve ainsi accentué, scène à l’intérieur de laquelle le récitatif occupe désormais une place centrale [119]. On notera également que dans le grand chœur introductif de la Passion, F. Mendelssohn, lors de la deuxième représentation berlinoise, met en valeur le cantus firmus (le choral « O Lamm Gottes unschuldig ») chanté par le quatuor de solistes en lui adjoignant deux flûtes, deux hautbois et deux clarinettes. Ce procédé contribue à donner à l’ensemble une sonorité proche de celle de l’orgue, mais aussi à faire ressortir davantage le cantus firmus du doublechœur [120]. Enfin, pour rendre la basse continue qui soutient les arias et les récitatifs [121], F. Mendelssohn utilise un clavecin [122] à la place de l’orgue, habituel à l’époque de Bach mais dont ne dispose pas la Sing-Akademie. L’accompagnement au clavier (pianoforte ou piano) restera une caractéristique de la Sing-Akademie dans l’interprétation de la Passion selon saint Matthieu jusqu’en 1876, date à laquelle un orgue sera installé et utilisé pour la première fois lors d’une représentation du Messie de Haendel [123].
73L’importance donnée aux masses chorales et la primauté accordée aux chœurs dans la reprise de la Passion en 1829 tiennent sans doute en partie à la nature d’une société chorale dont la vocation était de faire chanter un grand nombre de ses membres et de les faire intervenir aussi fréquemment que possible. Mais, plus fondamentalement, elles trouvent leur origine dans un idéal sonore qui prend sa source à une tradition esthétique et interprétative implantée en Allemagne via l’Angleterre depuis la fin du XVIIIe siècle : celle des oratorios de Haendel. Ceux-ci constituent en effet un répertoire essentiel pour les sociétés chorales qui se sont développées sur le modèle de la Sing-Akademie. À la différence de la musique de Bach, celle de Haendel et plus spécifiquement les oratorios ne connaissent pas de rupture. On peut voir dans leur succès au-delà de la mort de leur auteur en 1759 au moins trois facteurs : d’abord, l’absence de lien avec une tradition liturgique; également, les thèmes bibliques retenus qui pouvaient, à une époque de sécularisation et hors de toute fonction religieuse, être encore compris comme autant d’appels moraux; enfin, d’un point de vue musical, l’importance et la qualité des grands chœurs qui structuraient les compositions [124].
74Plusieurs oratorios de Haendel sont déjà joués en Allemagne dans les années 1770, notamment à Berlin – grâce en particulier à l’initiative de la princesse Anna Amalie [125] – et à Hambourg – où est donnée la première allemande du Messie en 1772 [126]. Mais cette réception reste circonscrite à des cadres encore restreints. Il faut attendre 1786 et l’exécution monumentale du Messie dans le Dom de Berlin, organisée par Johann Adam Hiller, Kapellmeister du Gewandhaus de Leipzig [127], pour que la musique de Haendel connaisse un large retentissement, à l’image de ce qu’avait été deux ans plus tôt la représentation du Messie dans l’abbaye de Westminster pour le centenaire de la naissance de Haendel. Ce concert londonien de 1784 est le point de départ de la vénération pour le musicien, mais aussi de la gigantomanie qui va accompagner dès lors l’interprétation haendelienne : plus de 500 exécutants sont réunis à Westminster [128].
75Les oratorios de Haendel acquièrent une place importante dans le programme des répétitions et des concerts de la Sing-Akademie, une place qui ne cesse d’augmenter sous la direction de C. F. Zelter et surtout à partir de 1827, lorsque la société dispose de sa propre salle de concert. Judas Maccabaeus est le premier oratorio inscrit aux répétitions en 1795 et fait partie régulièrement par la suite du répertoire interprété, tout comme Alexander’s Feast, le premier oratorio de Haendel avec lequel C. F. Zelter et la Sing-Akademie se produisent en 1807, et le Messie dont C. F. Zelter fait répéter les chœurs à partir de 1804. Mais c’est seulement en 1817 que la Sing-Akademie joue pour la première fois en public cette composition phare. Le cadre est solennel et témoigne de l’aura autant que de la valeur symbolique de l’œuvre : son exécution a lieu dans la Garnisonkirche le 30 octobre pour commémorer le tricentenaire de la Réforme, et ceci conformément aux vœux du roi [129].
76C’est en fait entre 1827 et 1841, à l’époque où la Passion selon saint Matthieu, puis les autres grandes œuvres vocales de Bach sont données en public, que les oratorios de Haendel connaissent leur pratique la plus importante : ils sont affichés à 39 reprises au programme des concerts de la Sing-Akademie. Haendel fait alors figure de « classique » dans la vie musicale berlinoise. Des concerts sont même organisés, composés quasi exclusivement d’extraits d’oratorios, en particulier du Messie [130]. Il n’est pas étonnant dès lors que les habitudes interprétatives propres aux oratorios de Haendel se transmettent aux grandes œuvres vocales de Bach dont l’exécution se caractérise tout au long du XIXe siècle par un appareil choral et instrumental abondant, bien éloigné de la pratique du XVIIIe siècle. Ainsi Haendel fait figure de pont sonore qui relie deux époques distinctes : le milieu du XVIIIe et la première moitié du XIXe siècle.
77Par ailleurs, la reprise de la Passion selon saint Matthieu s’effectue également dans un contexte musical et esthétique marqué par un intérêt croissant pour la musique de Beethoven, mort deux ans auparavant (1827). Berlin joue un rôle clé dans la réception du musicien. Si ses œuvres sont composées et créées à Vienne, c’est à Berlin que se développe le mythe beethovénien qui trouve dans la vie culturelle des bords de la Spree un terrain particulièrement favorable : B. von Arnim, Rahel Levin-Varnhagen, le prince Radziwill (dédicataire de l’ouverture en Ut majeur, opus 115), mais surtout E. T. A. Hoffmann [131] et le critique A. B. Marx [132] sont autant de relais influents pour la musique de Beethoven dans la capitale prussienne auxquels il faut ajouter des interprètes comme Carl Möser, premier violon et chef d’orchestre de la Hofkapelle, ou Gaspare Spontini, Generalmusikdirektor à partir de 1820.
78Si le succès de Fidelio en 1815, auquel le contexte politique n’est pas étranger, constitue une étape décisive pour établir la musique de Beethoven auprès du public berlinois [133], les années 1820 sont marquées par de nombreuses créations, en particulier de symphonies : l’« Héroïque » en 1822, la Cinquième et la Septième en 1824, la « Pastorale » en 1825 [134]. On trouve d’ailleurs le jeune F. Mendelssohn parmi les musiciens qui contribuent dans ces années à faire connaître les œuvres du « maître de Bonn ». Lors de la première en 1825 de la Fantaisie pour piano, chœur et orchestre, c’est lui qui tient la partie de piano. De même c’est lui aussi qui, lors d’une audition privée le 13 novembre 1826, présente pour la première fois à Berlin la Neuvième symphonie [135], jouée dans une réduction pour piano, avant que l’œuvre ne soit créée en concert dans sa version originale sous la direction de C. Möser deux semaines plus tard (27 novembre) [136], puis reprise sous celle de G. Spontini le 18 décembre.
79C’est d’ailleurs dans « ce climat beethovénien » que se déroulent les premières tentatives pour faire entendre en public des œuvres vocales de Bach. Le programme d’un concert donné à l’occasion du Buss- und Bettag le 30 avril 1828 sous la direction de G. Spontini, dans lequel des extraits de la Messe si mineur (Bach) côtoient le Kyrie et le Gloria de la Missa solemnis (Beethoven) [137], témoigne du rapprochement ainsi opéré entre les deux musiciens et que l’on trouve également exprimé dans une lettre de Fanny Mendelssohn de la même époque : « Cet hiver, nous avons entendu chez Möser la plupart des symphonies de Beethoven, bien que de manière très incomplète. Toujours est-il que cela est un premier pas. [...] La Passion paraît à coup sûr chez Schlesinger au cours de cette année, Schelble à Francfort a joué avec succès une partie de la Messe, cela bouge dans tous les coins [...] [138]. » Autre témoignage de cette proximité : Shakespeare que l’on invoque à propos de la musique de Bach suite au concert de la Passion de 1829, est auparavant la référence à laquelle on a déjà recours pour caractériser l’art beethovénien, référence qu’utilisent souvent les contemporains mais aussi le compositeur lui-même [139].
80A. B. Marx, le critique qui œuvre de manière si importante à la promotion de la Passion selon saint Matthieu, est également celui qui contribue d’abord à fournir au public berlinois des clés d’interprétation pour mieux comprendre la musique de Beethoven, en particulier ses œuvres tardives jugées difficiles. L’exécution de la Neuvième symphonie en 1826 est précédée d’une campagne dans le Berliner Allgemeine Musikalische Zeitung chargée de préparer l’auditeur à une réception adéquate de l’œuvre. Elle préfigure, mais à une bien moins grande échelle, celle que A. B. Marx mènera trois ans plus tard pour accompagner la représentation de la Passion selon saint Matthieu. Le parallèle entre les deux actions est frappant, jusque dans les expressions et les superlatifs employés – « la plus grande œuvre du plus grand maître encore vivant », « l’œuvre instrumentale la plus profonde et la plus accomplie du plus génial et du plus profond des compositeurs encore vivants », « fête de l’art sacrée » [140] – que l’on retrouvera par la suite appliqués à une œuvre et à un musicien du passé. De même, la description du public berlinois et de ses mérites, que le critique tente de caractériser à l’occasion de la création de la Neuvième, à savoir un auditoire apte à distinguer « le simple chatouillement superficiel des sens » du « véritable Kunstgenuss » et par conséquent capable d’une concentration intellectuelle lui permettant d’entrer dans une « musique difficile et vraiment compliquée » [141], peut également s’appliquer terme à terme au public qui sera celui de l’audition de la Passion selon saint Matthieu en 1829.
81A. B. Marx voyait réalisée dans la Neuvième symphonie l’idée d’œuvre d’art totale, l’« Ideenkunstwerk » par excellence dont la musique de Beethoven représentait à ses yeux l’expression la plus caractéristique, à savoir un art mis avant tout au service d’une idée et non pas du simple plaisir auditif [142]. Le regard porté sur la musique de Beethoven joue sur la manière d’envisager la Passion selon saint Matthieu et de comprendre l’art de Bach. La lecture que fait A. B. Marx de l’œuvre de Beethoven, il la reporte ensuite sur celle du musicien de Leipzig et en particulier sur la Passion. Son article sur Bach de 1835 en offre un parfait témoignage : « Nous pouvons en effet interroger chaque artiste sur son idée, sur la tendance spirituelle et le contenu intellectuel de son acte de création... Chaque idée est le produit immédiat sortant de l’esprit de l’artiste; oui, elle est identique avec lui [143]. »
82La redécouverte de la Passion s’effectue dans l’esprit de la musique absolue mise en valeur par le romantisme et qu’incarnent les symphonies de Beethoven. La Passion selon saint Matthieu se trouvait ainsi intégrée dans un nouveau contexte religieux, celui de la « religion de l’art » et était assimilée à un monumental « Ideenkunstwerk » au même titre que la Neuvième symphonie ou la Missa solemnis. En même temps, l’œuvre d’art transformait la salle de concert en espace sacré, à l’image de la salle de la Sing-Akademie au moment où est redonnée la Passion selon saint Matthieu. Du reste, dans son architecture comme dans ses éléments décoratifs néo-classiques, le bâtiment de la Sing-Akademie, la première salle de concert construite à Berlin, ne présentait-t-il pas l’apparence d’un temple que rehaussait, au fond de la salle, la scène en amphithéâtre prévue pour le chœur et pour l’orchestre [144] ? Ce recours à des motifs religieux, antiques ou chrétiens, qui caractérise l’architecture des salles de concert en Allemagne à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle [145], s’accordait avec la visée morale et civilisatrice du concert public mais plus encore avec la tendance à la sacralisation de l’art, et tout particulièrement de la musique, élément essentiel de la Bildung. Et alors que la Bildung prenait la relève de la religion [146], l’expérience musicale – principalement sous sa forme instrumentale et chorale – était assimilée à l’expérience religieuse; et le public, formé des « Gebildeten », était convié à une célébration dans une salle de concert où il pouvait se sentir « comme à l’église » [147]. En 1829, par la nature des interprètes, par le lieu d’exécution autant que par le climat esthétique, la Passion selon saint Matthieu participe de ce double processus de sécularisation du religieux et de sacralisation du profane : d’œuvre sacrée, elle est passée au statut d’œuvre d’art.
83Quant à l’interprétation de l’œuvre, F. Mendelssohn, tout se montrant le plus fidèle possible, ne visait pas à une reconstitution, mais à une reproduction qui fût aussi efficace que possible, c’est-à-dire correspondant aux moyens musicaux du temps et attentive à l’horizon d’attente d’un public qui ne venait pas écouter l’œuvre pour les mêmes raisons ni avec les mêmes habitudes que celui de Leipzig dans la première moitié du XVIIIe siècle [148]. Il se faisait ainsi « traducteur [149] ». La « redécouverte » de la Passion selon saint Matthieu, qui était aussi une double découverte – découverte de la possibilité de la donner à entendre dans la forme que je viens de décrire, découverte aussi de son importance artistique –, était d’abord une « transplantation [150] », tout comme à la même époque la renaissance palestrinienne déconnectée d’avec le XVIe siècle. L’œuvre, en effet, se trouvait implantée dans un contexte nouveau et recevait une fonction nouvelle. En même temps qu’il conviendrait de s’interroger sur les caractères de l’historisme en musique au sein d’une tendance historiciste si forte à l’époque et en particulier dans la capitale prussienne [151], on peut se demander aussi si la Passion selon saint Matthieu, telle qu’elle est donnée à Berlin en 1829 et aussitôt promue au rang de chef-d’œuvre de la musique, n’inaugurait pas également une nouvelle ère musicale : l’ère de l’interprétation.
84La Passion selon saint Matthieu à Berlin en 1829 montre en effet combien nos critères d’analyse concernant l’interprétation demandent à être historicisés : les notions de fidélité et d’adaptation en usage au début du XIXe siècle, et les pratiques qui en découlent, ne ressemblent guère aux nôtres aujourd’hui mais n’en sont pas moins l’expression d’un profond respect à l’égard des œuvres du passé. Toujours est-il que la Passion jouée par F. Mendelssohn inaugure un style d’interprétation qui fera référence durant au moins la première moitié du XIXe siècle non seulement pour l’exécution de cette œuvre, mais aussi de toutes les autres grandes compositions vocales du Cantor qui seront révélées à sa suite. À l’exemple de la Sing-Akademie, elle est aussi révélatrice de l’essor des chœurs laïques, si représentatifs de la culture bourgeoise, qui deviennent dorénavant les piliers de la réception des œuvres vocales de Bach au XIXe siècle en même temps que s’effectue leur transfert de l’église à la salle de concert. La Passion berlinoise fait ressortir, en outre, le rôle essentiel de ces nouveaux collectionneurs œuvrant à sauvegarder et à transmettre les manuscrits de Bach sans lesquels l’œuvre n’aurait pu être jouée, tout comme celui, inédit jusqu’alors, de la presse et de la critique musicales qui mettent en scène cette « redécouverte ». Dans la défense marquant cette époque d’une culture nationale fondée sur un retour aux traditions du passé, l’exaltation patriotique qui accompagne cette exécution élève d’un coup la Passion selon saint Matthieu au rang de monument national dont l’importance sur le plan musical est comparée à la cathédrale de Cologne que l’on redécouvre à la même époque. Si, enfin, le concert de mars 1829, marque le point de départ de l’intérêt public pour l’œuvre vocale de Bach, celui-ci ne touche toutefois qu’une élite encore très restreinte et sera loin d’être continu, malgré le premier élan issu de cette exécution et en dépit des efforts de F. Mendelssohnou d’un Robert Schumann par la suite. C’est seulement dans la seconde moitié du XIXe siècle et, plus encore, à partir du début du XXe siècle qu’interviendra une diffusion élargie de l’œuvre vocale de Bach dont l’événement de 1829 est à l’origine.
Notes
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[*]
Je remercie Étienne François, Michael Heinemann, Hans-Joachim Hinrichsen, Denis Laborde, Jacques Revel et Michael Werner pour leur lecture critique et leurs encouragements amicaux. Je dédie ce texte à Rudolf Vierhaus.
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[1]
Voir ARNO FORCHERT, « Adolf Bernhard Marx und seine Berliner Allgemeine Musikalische Zeitung », in C. DAHLHAUS (dir.), Studien zur Musikgeschichte Berlins im frühen 19. Jahrhundert, Regensburg, Gustav Bosse Verlag, 1980, p. 381-404.
-
[2]
Berliner Allgemeine Musikalische Zeitung, 6,1829, p. 6, cité in MARTIN GECK, Die Wiederentdeckung der Matthäuspassion im 19. Jahrhundert. Die zeitgenössischen Dokumente und ihre ideengeschichtliche Deutung, Regensburg, Gustav Bosse Verlag, 1967, p. 25.
-
[3]
« Bekanntmachung », Berliner Allgemeine Musikalische Zeitung, 6,28 février 1829, p. 65 sq., ibid., p. 131-133, ici p. 131.
-
[4]
« Erster Bericht über die ‘Passionsmusik nach dem Evangelisten Matthäus’ von Johann Sebastian Bach », Berliner Allgemeine Musikalische Zeitung, 7 mars 1829, p. 133-137, ici p. 133.
-
[5]
Berliner Allgemeine Musikalische Zeitung, 5,1828, p. 131 sq., cité in M. GECK, Die Wiederentdeckung..., op. cit., p. 23.
-
[6]
HANS-JOACHIM HINRICHSEN, « ‘Urvater der Harmonie’? Die Bach-Rezeption », in K. KÜ STER (dir.), Bach-Handbuch, Kassel/Stuttgart, Bärenreiter/Metzler, 1999, p. 32-65, p. 41.
-
[7]
Vossische Zeitung du 13 mars 1829 cité in M. GECK, Die Wiederentdeckung..., op. cit., p. 52.
-
[8]
Spenersche Zeitung du 13 mars 1829, ibid., p. 139.
-
[9]
Berliner Conversations-Blatt du 14 mars 1829, ibid., p. 59.
-
[10]
Berliner Allgemeine Musikalische Zeitung du 21 mars 1829, ibid., p. 142.
-
[11]
Lettre à Ludwig Tieck du 22 mars 1829, ibid., p. 46.
-
[12]
Lettre de Goethe à C. F. Zelter du 28 mars 1829 en réponse aux lettres de C. F. Zelter des 12 et 22 mars 1829, ibid., p. 46.
-
[13]
H.-J. HINRICHSEN, « Urvater... », op. cit., p. 37-38; JOHANN NIKOLAUS FORKEL, Ueber Johann Sebastian Bachs Leben, Kunst und Kunstwerke, éd. par A. Fischer, Kassel, Bärenreiter, [1802] 1999 (version française reproduite dans GILLES CANTAGREL (éd.), Bach en son temps : documents de J.-S. Bach, de ses contemporains et de divers témoins du XVIIIe siècle, suivis de la première biographie sur le compositeur publiée par J.-N. Forkel en 1802, Paris, Hachette, 1982, p. 357-447). Voir aussi HANS-JOACHIM HINRICHSEN, « Johann Nikolaus Forkel und die Anfänge der Bachforschung », in M. HEINEMANN et H.-J. HINRICHSEN (dir.), Bach und die Nachwelt, t. 1, 1750-1850, Laaber, Laaber, 1997, p. 193-253.
-
[14]
À côté de différents articles publiés depuis la fin du XIXe siècle, l’ouvrage de M. GECK, Die Wiederentdeckung..., op. cit. constitue la première étude d’ampleur sur le sujet. Il livre, en outre, une importante documentation, largement inédite, rendant compte de l’événement et à laquelle je me réfère en grande partie dans cette étude.
-
[15]
En particulier la série aujourd’hui de référence de MICHAEL HEINEMANN et HANS - JOACHIM HINRICHSEN (dir.), Bach und die Nachwelt, t. 1, 1750-1850, t. 2, 1850-1900, t. 3, 1900-1950, Laaber, Laaber, 1997-2000 ainsi que Id. (dir.), Johann Sebastian Bach und die Gegenwart. Beiträge zur Bach-Rezeption 1945-2005, Cologne, Dohr, 2007. Épousant cette même chronologie longue, voir mon étude des constructions, des réceptions et des appropriations de Jean-Sébastien Bach en Allemagne : PATRICE VEIT, « Johann Sebastian Bach », in É. FRANÇOIS et H. SCHULZE (dir.), Mémoires allemandes, Paris, Gallimard, 2007, p. 481-504.
-
[16]
Pour l’étude du processus de construction historique et de monumentalisation de Bach en France au XIXe siècle, voir JOË L-MARIE FAUQUET et ANTOINE HENNION, La grandeur de Bach. L’amour de la musique en France au XIXe siècle, Paris, Fayard, 2000.
-
[17]
Voir, en particulier, les travaux de DIETMAR KLENKE, Der singende ‘deutsche Mann’. Gesangvereine und deutsches Nationalbewusstsein von Napoleon bis Hitler, Münster, Waxmann, 1998, et de DIDIER FRANCFORT, Le chant des nations. Musiques et cultures en Europe, 1870-1914, Paris, Hachette, 2004; sur le retour aux musiques du passé, à côté des travaux musicologiques de Philippe Vendrix ou de Katharine Ellis, voir l’étude de SOPHIE-ANNE LETERRIER, Le mélomane et l’historien, Paris, Armand Colin, 2005; concernant l’opéra notamment en Europe centrale et en Italie, voir les recherches de PHILIPP THER, In der Mitte der Gesellschaft. Operntheater in Zentraleuropa 1815-1914, Munich, Oldenbourg, 2006 et Id., « Geschichte und Nation im Musiktheater Deutschlands und Ostmitteleuropas », Zeitschrift für Geschichtswissenschaft, 50,2002, p. 119-140, ainsi que celles de CARLOTTA SORBA, Teatri. L’Italia del melodrama nell’età del risorgimento, Bologne, Il Mulino, 2001 et de MÉLANIE TRAVERSIER, « Gouverner l’opéra. Le pouvoir royal et les théâtres lyriques napolitains, 1767-1815 », thèse de doctorat, Université Pierre Mendès France Grenoble, 2005, et tout récemment le numéro thématique « Demarcation and Exchange. ‘National’Music in 19th Century Europe » de la revue Journal of Modern European History, 5,2007.
-
[18]
CELIA APPLEGATE, Bach in Berlin : Nation and culture in Mendelssohn’s revival of the St. Matthew Passion, Ithaca/Londres, Cornell University Press, 2005.
-
[19]
Concernant la discussion de la notion et le phénomène de capitale, voir les travaux de CHRISTOPHE CHARLE et DANIEL ROCHE (dir.), Capitales culturelles, capitales symboliques. Paris et les expériences européennes, Paris, Publications de la Sorbonne, 2002.
-
[20]
ILIA MIECK, « Von der Reformzeit zur Revolution (1806-1847) », in W. RIBBE (dir.), Geschichte Berlins, t. 1, Von der Frühgeschichte bis zur Industrialisierung, Munich, Beck, 1987, p. 407-602.
-
[21]
Depuis 1793, elle était abritée dans les locaux de la Königliche Akademie der Künste – d’où le nom de Sing-Akademie –, des locaux qui se trouvaient au premier étage des écuries royales.
-
[22]
BORIS GRÉSILLON, Berlin, métropole culturelle, Paris, Belin, 2002, p. 81.
-
[23]
Voir INGEBORG ALLIHN, Musikstädte der Welt : Berlin, Laaber, Laaber, 1991, p. 45 sq.; CHRISTOPH-HELLMUTH MAHLING, « Zum ‘Musikbetrieb’ Berlins und seine Institutionen in der ersten Hälfte des 19. Jahrhunderts », in C. DAHLHAUS (dir.), Studien zur Musikgeschichte Berlins..., op. cit., p. 27-284.
-
[24]
Satuts de 1816, paragraphe 1. Ces statuts sont reproduits in WERNER BOLLERT, Sing-Akademie zu Berlin. Festschrift zum 175jährigen Bestehen, Berlin, Rembrandt Verlag, 1966, p. 61-68.
-
[25]
Voir WALTER SALMEN, Johann Friedrich Reichardt. Komponist, Schriftsteller, Kapellmeister und Verwaltungsbeamter der Goethezeit, Fribourg/Brisgau, Atlantis Verlag, 1983, p. 207 sq.; également JÜ RGEN HEIDRICH, Protestantische Kirchenmusik in der zweiten Hälfte des 18. Jahrhunderts, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2001, p. 55 sq.
-
[26]
La messe de O. Benevoli incita C. F. C. Fasch à composer également une messe à seize voix dont la mise en œuvre pratique engendrera la création de la Sing-Akademie. Compositeur essentiellement d’œuvres profanes pour le compte du roi à l’époque de Frédéric II et d’ouvrages théoriques, c’est uniquement en tant que compositeur de répertoire religieux et avant tout de messes que C. F. C. Fasch voulut passer à la postérité, une image que J. F. Reichardt, puis C. F. Zelter, son successeur à la direction de la Sing-Akademie, s’employèrent à consolider : J. HEIDRICH, Protestantische Kirchenmusik..., op. cit., p. 86 sq.
-
[27]
Magazin der Musik, II-1, p. 149, cité in J. HEIDRICH, Protestantische Kirchen Musik..., op. cit., p. 59.
-
[28]
Ce concert fut en outre le premier concert public de la Sing-Akademie avec orchestre (ici la Königliche Hofkapelle) : GOTTFRIED EBERLE, 200 Jahre Sing-Akademie zu Berlin. « Ein Kunstverein für die heilige Musik », Berlin, Nicolaische Verlagsbuchhandlung, 1991, p. 42.
-
[29]
THOMAS NIPPERDEY, Deutsche Geschichte 1800-1866. Bürgerwelt und starker Staat, Munich, Beck, 1983, p. 536.
-
[30]
Voir HANNS-WERNER HEISTER, Das Konzert – Theorie einer Kulturform, Wilhelmshaven, Heinrichshofen, 1983, p. 82
-
[31]
Second memorandum adressé au baron von Hardenberg (1803), cité in CORNELIA SCHRÖ DER (éd.), Carl Friedrich Zelter und die Akademie. Dokumente und Briefe zur Entstehung der Musik-Sektion in der preussischen Akademie der Künste, Berlin, Akademie der Künste, 1959, p. 82.
-
[32]
CARL DAHLHAUS, Die Musik des 19. Jahrhunderts, Laaber, Laaber, 1996, p. 142 sq.
-
[33]
C. APPLEGATE, Bach in Berlin..., op. cit., p. 145.
-
[34]
Voir notamment RALF ROTH, « Von Wilhelm Meister zu Hans Castorp. Der Bildungsgedanke und das bürgerliche Assoziationswesen im 18. und 19. Jahrhundert », in D. HEIN et A. SCHULZ (dir.), Bürgerkultur im 19. Jahrhundert. Bildung, Kunst und Lebenswelt, Munich, Beck, 1996, p. 121-139.
-
[35]
PETRA WILHELMY, Der Berliner Salon im 19. Jahrhundert (1780-1914), Berlin, De Gruyter, 1989, p. 140-150; voir également BARBARA HAHN, « Häuser für die Musik », in B. BORCHARD et M. SCHWARZ-DANUSER (dir.), Fanny Hensel geb. Mendelssohn Bartholdy. Komponieren zwischen Geselligkeitsideal und romantischer Musikästhetik, Kassel, Furore Verlag, 2002, p. 3-26.
-
[36]
JEAN-LUC LE CAM, « Les chorales liturgiques scolaires en Allemagne luthérienne entre tradition et Réforme ( XVIe - XVIIIe siècles) », in B. DOMPNIER (dir.), Maîtrises et chapelles aux XVIIe et XVIIIe siècles. Des institutions musicales au service de Dieu, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise-Pascal, 2003, p. 541-563, ici p. 559 sq.
-
[37]
JOHANN CARL FRIEDRICH RELLSTAB, Ü ber die Bemerkungen eines Reisenden, Berlin, 1788, p. 3, cité in Habakuke TABER, Stimmen der Großstadt. Chöre zwischen Kunst, Geselligkeit und Politik, Berlin, Parthas, 2001, p. 31.
-
[38]
G. EBERLE, 200 Jahre Sing-Akademie..., op. cit., p. 27.
-
[39]
GUNILLA-FRIEDERIKE BUDDE, « Musik in Bürgerhäusern », in H. E. BÖ DEKER, P. VEIT et M. WERNER (dir.), Le concert et son public. Mutations de la vie musicale en Europe de 1780 à 1914 (France, Allemagne, Angleterre), Paris, Éditions de la MSH, 2002, p. 427-457, ici p. 436.
-
[40]
Cette question de la place des femmes est abordée pour la France notamment par GEORGES ESCOFFIER, « De la tentation à la civilisation. La place des femmes au Concert en France au XVIIIe siècle », in H. E. BÖ DEKER et P. VEIT (dir.), Les sociétés de musique en Europe 1700-1920. Structures, pratiques musicales, sociabilités, Berlin, Berliner Wissenschafts-Verlag, 2007, p. 101-128.
-
[41]
UTE BÜ CHTER-RÖ MER, Fanny Mendelssohn-Hensel, Reinbeck bei Hamburg, Rowolt, [2001] 2006, p. 93.
-
[42]
NICOLAI PETRAT, Hausmusik des Biedermeier im Blickpunkt der zeitgenössischen musikalischen Fachpresse (1815-1848), Hamburg, Verlag der Musikalienhandlung Wagner, 1986, p. 158 sq.
-
[43]
Répondant à un idéal de simplicité permettant de chanter facilement en petits groupes, le Lied de cette école berlinoise remplit, en outre, à une époque de sécularisation croissante, une fonction morale et de dévotion religieuse qui était auparavant le propre du choral luthérien, comme le remarque MICHAEL HEINEMANN, Kleine Geschichte der Musik, Stuttgart, Reclam, 2004, p. 176 sq.
-
[44]
PETER SCHLEUNING, Das 18. Jahrhundert : Der Bürger erhebt sich, Reinbeck bei Hamburg, Rowohlt, 1984, p. 225.
-
[45]
ECKART KLEßMANN, « Prinz Louis Ferdinand – ein preußischer Mythos », in H. KÜ HN (dir.), Preußen Dein Spree-Athen. Beiträge zu Literatur, Theater und Musik in Berlin, Reinbeck bei Hamburg, Rowohlt, 1981, p. 53-63.
-
[46]
G. EBERLE, 200 Jahre Sing-Akademie..., op. cit., p. 80.
-
[47]
Ibid., p. 35.
-
[48]
Ibid., p. 65,68.
-
[49]
MARTIN BLUMNER, Geschichte der Sing-Akademie zu Berlin, Berlin, Horn & Raasch, 1891, p. 32. Martin Blumner fut directeur de la Sing-Akademie de 1876 à 1900.
-
[50]
C. F. Zelter a essentiellement composé de la musique vocale : Lieder pour une ou plusieurs voix, cantates, chorals, etc. Il a mis environ 90 textes de Goethe en musique : DIETRICH FISCHER-DIESKAU, Carl Friedrich Zelter und das Berliner Musikleben seiner Zeit, Berlin, Nicolaische Verlagsbuchhandlung, 1997, p. 77-86. Voir également le catalogue de ses œuvres, ibid., p. 196-209.
-
[51]
Deuxième memorandum (1803), reproduit in C. SCHRÖ DER, Carl Friedrich Zelter..., op. cit., p. 88.
-
[52]
KARL REHBERG, « Austrahlungen der Sing-Akademie auf die Musikerziehung », in W. BOLLERT, Sing-Akademie..., op. cit., p. 108.
-
[53]
Ces textes sont reproduits en partie dans C. SCHRÖ DER, Carl Friedrich Zelter..., op. cit.
-
[54]
C. DAHLHAUS, « Vorwort », in Id. (dir.), Studien zur Musikgeschichte Berlins..., op. cit., p. 7.
-
[55]
T. NIPPERDEY, Deutsche Geschichte..., op. cit., p. 62. Sur le plan musical, voir MATTHIAS TISCHER, « ‘Musikalische Bildung’. Aspekte einer Idee im deutschsprachigen Raum um 1800 », in M. FENDT et M. NOIRAY (dir.), Musical Education in Europe (1770-1914): Compositional, institutional, and political challenges, Berlin, Berliner Wissenschafts-Verlag, 2005, t. 2, p. 375-398.
-
[56]
Voir HANS-JOACHIM SCHULZE (éd.), Dokumente zum Nachwirken Johann Sebastian Bachs 1750-1800, Kassel, Bärenreiter, [1972] 1984.
-
[57]
Concernant l’Allgemeine Musikalische Zeitung (Leipzig, Breitkopf & Härtel), voir ULRICH TADDAY, Die Anfänge des Musikfeuilletons. Der kommunikative Gebrauchswert musikalischer Bildung in Deutschland um 1800, Stuttgart/Weimar, J. B. Metzler Verlag, 1993 ainsi que IMOGEN FELLINGER, « Zeitschriften », in F. BLUME et L. FINSCHER (éd.), Die Musik in Geschichte und Gegenwart : allgemeine Enzyklopädie der Musik (ci-après MGG), Kassel/ Bâle/Londres, Bärenreiter/J. B. Metzler, 1998, ici Sachteil 9, col. 2252-2275.
-
[58]
Komponistensonne, gravure d’après un dessin d’August Friedrich Christoph Kollmann, publié in Allgemeine Musikalische Zeitung, 1-5,30 octobre 1799 et reproduit in H.-J. SCHULZE (éd.), Dokumente..., op. cit., p. 586, no 1023 et également in G. CANTAGREL (éd.), Bach en son temps..., op. cit., p. 334. Bach est immédiatement entouré des noms de Haendel, Joseph Haydn et de Carl Heinrich Graun. Dans les cercles suivants, on trouve, entre autres, les noms de Mozart, Kozeluch, Gluck, Carl Philipp Emanuel Bach, Telemann, Reichardt, Pleyel, Hiller ou de Benda.
-
[59]
« Sebastian Bach fut un génie au plus haut degré... Ce que Newton a été comme savant universel, Bach l’a été comme musicien » : H.-J. SCHULZE (éd.), Dokumente..., op. cit., p. 408-409, no 903; G. CANTAGREL (éd.), Bach en son temps..., op. cit., p. 326.
-
[60]
H.-J. SCHULZE (éd.), Dokumente..., op. cit., p. 335, no 842.
-
[61]
JOHANN FRIEDRICH REICHARDT, Musikalisches Kunstmagazin, Hildesheim, Olms, [1782] 1969, p. 51. Cité aussi in H.-J. SCHULZE (éd.), Dokumente..., op. cit., p. 343, no 853.
-
[62]
J.-M. FAUQUET et A. HENNION, La grandeur de Bach..., op. cit., p. 53.
-
[63]
Des projets de publication du Clavier bien tempéré voient déjà le jour à la fin du XVIIIe siècle comme celui de l’éditeur berlinois Johann Carl Friedrich Rellstab en 1790, projet qui achoppe finalement en raison du nombre trop réduit de « prénumérants » : voir KAREN LEHMANN, « Die Idee einer Gesamtausgabe : Projekte und Probleme », in M. HEINEMANN et H.-J. HINRICHSEN (dir.), Bach und die Nachwelt I..., op. cit., p. 255-303, ici p. 256. À la même époque (1801), les 48 préludes et fugues sont aussi publiés à Paris, chez Imbault : voir J.-M. FAUQUET et A. HENNION, La grandeur de Bach..., op. cit., p. 211.
-
[64]
PETER WOLLNY, « Abschriften und Autographe, Sammler und Kopisten », in M. HEINEMANN et H.-J. HINRICHSEN (dir.), Bach und die Nachwelt I..., op. cit., p. 27-62, ici p. 29-35.
-
[65]
Ibid., p. 42-47.
-
[66]
Les enregistrements de deux Passion selon saint Matthieu de Carl Philipp Emanuel Bach (1769, la première composée suite à son installation à Hambourg, et 1785, l’une des toutes dernières), retrouvées récemment dans les fonds de la Sing-Akademie de Berlin à Kiev, permettent d’entendre la manière dont certains éléments de la Passion du père (chorals et chœurs de la Turba) sont intégrés à une trame musicale par ailleurs représentative de l’esthétique de la fin du XVIIIe siècle, plus lyrique que dramatique, se fondant, en outre, non plus sur le récit évangélique mais sur une paraphrase poétique comme dans l’oratorio. CARL PHILIPP EMANUEL BACH, Matthäus-Passion 1769, Amsterdam Baroque Orchestra & Choir, direction Tom Koopman, Vienne, ORF Alte Musik, 2002 (CD 316); Id., Matthäus-Passion 1785, Sing-Akademie zu Berlin, Zelter-Ensemble, direction Joshard Daus, Frechen, Capriccio, 2005 (60 113).
-
[67]
De la même façon, la réserve qu’exprime J. N. Forkel, nourri de l’esprit de l’Aufklärung, à l’encontre des compositions de musique sacrée des siècles passés, témoigne de nouvelles attitudes religieuses : en raison de leurs textes, il les juge aussi peu utilisables pour le présent que les « anciens recueils de sermons [protestants] » : « Les temps ont changé et, avec eux, nos connaissances, nos concepts et notre goût » (JOHANN NIKOLAUS FORKEL, Allgemeine Geschichte der Musik, t. 2, Leipzig, 1801, p. 30, cité in H.-J. HINRICHSEN, « Johann Niholaus Forkel... », op. cit., p. 220). Pour les mêmes raisons, à la différence des œuvres de Carl Philipp Emanuel Bach et de Haendel, la musique vocale de Jean-Sébastien est, pour J. N. Forkel, un phénomène historique appartement au passé et que l’on ne peut faire revivre dans le présent.
-
[68]
P. WOLLNY, « Abschriften... », op. cit., p. 42-47.
-
[69]
La Thomasschule dispose encore d’un certain nombre de partitions, en particulier le cycle des Choralkantaten légué par la veuve de Bach, Anna Magdalena, en 1750. Certaines de ces cantates sont encore jouées sous les cantorats du successeur direct de Bach, Gottlob Harrer (1750-1756), et de son successeur, Johann Friedrich Doles (1756-1789).
-
[70]
Longtemps considérée comme une tradition ininterrompue depuis Bach, il semblerait, d’après les sources conservées et les recherches récentes, que l’exécution des motets à Saint-Thomas durant la deuxième moitié du XVIIIe siècle ait été limitée pour l’essentiel à deux motets : Singet dem Herrn ein neues Lied (BWV 250) et Jauchzet dem Herrn, alle Welt (BWV Anh. 160), UWE WOLFF, « Zur Leipziger Aufführungstradition der Motetten Bachs im 18. Jahrhundert », Bach-Jahrbuch, 91,2005, p. 301-309. Sur les motets, voir KLAUS HOFMANN, Johann Sebastian Bach – DieMotetten, Kassel, Bärenreiter, [2003] 2006.
-
[71]
K. LEHMANN, « Die Idee einer Gesamtausgabe... », op. cit., p. 259.
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[72]
Ces collections sont fondées en particulier sur les copies d’œuvres de Bach effectuées par ses élèves pour leurs besoins propres avant de les mettre ensuite à la disposition de tiers.
-
[73]
Voir REINHARD SCHÄ FERTÖ NS, « Paradigma Bach : Konventionen komponierender Organisten », in M. HEINEMANN et H.-J. HINRICHSEN (dir.), Bach und die Nachwelt I..., op. cit., p. 65-104; également, ULRICH LEISINGER, « Johann Christian Kittel und die Anfänge der sogenannten späteren thüringischen Bach-Ü berlieferung », in R. KAISER (dir.), Bach und seine mitteldeutschen Zeitgenossen. Bericht über das internationale musikwissenschaftliche Kolloquium Erfurt und Arnstadt 13. bis 16. Januar 2000, Eisenach, Karl Dieter Wagner, 2001, p. 235-251.
-
[74]
H.-J. HINRICHSEN, « Johann Niholaus Forkel... », op. cit., p. 197.
-
[75]
Lettre à Goethe du 6 avril 1829, cité in G. SCHÜ NEMANN, « Die Bachpflege der Berliner Singakademie », Bach-Jahrbuch, 25,1928, p. 143.
-
[76]
Ainsi F. W. Marpurg dans son Abhandlung der Fuge (1753/1754) s’appuie en grande partie sur des compositions de Bach. J. P. Kirnberger est encore plus extrême dans son traité Kunst des reinen Satzes (1771-1774), et C. Nichelmann cite de nombreux exemples tirés de l’œuvre vocale dans son ouvrage Die Melodie nach ihrem Wesen sowohl als nach ihren Eigenschaften (1755) : P. WOLLNY, « Abschriften... », op. cit., p. 5.
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[77]
Gottfried Bernhard van Swieten (1733-1803) séjourna à Berlin comme ambassadeur de la Cour de Vienne entre 1770 et 1777. Il y fréquenta assidûment les cercles musicaux liés à la musique ancienne et y acquit un certain nombre de manuscrits de Bach. De retour à Vienne, il joua un rôle important pour faire connaître la musique de Bach et des compositeurs du passé. Sous son impulsion, Mozart orchestra en 1782 quelques fugues du Clavier bien tempéré pour quatuor à cordes et adapta certains oratorios de Haendel (dont le Messie). Carl Philipp Emanuel Bach lui dédia la troisième partie de ses sonates pour clavier « für Kenner und Liebhaber » et J. N. Forkel sa monographie sur Bach.
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[78]
À savoir : les quatre parties de la Clavier-Ü bung, les chorals Schübler, les variations sur le choral Vom Himmel hoch da komm ich her, les cantates composées à l’occasion du changement du Conseil de la ville de Mühlhausen, l’Offrande musicale et, de façon posthume, l’Art de la fugue.
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[79]
G. EBERLE, 200 Jahre Sing-Akademie..., op. cit., p. 32.
-
[80]
G. SCHÜ NEMANN, « Die Bachpflege... », op. cit., p. 152. Voir la remarque de C. F. Zelter à la fin d’une répétition du 7 janvier 1823 : « Le fait que depuis 30 ans les motets de Bach soient de plus en plus joués, voire proposés malgré leurs difficultés, est un triomphe de la Sing-Akademie et montre que la pratique des chefs-d’œuvre, qu’ils plaisent ou non, est d’un profit indiscutable » (ibid., p. 151).
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[81]
Il s’agit de l’œuvre dans sa version d’origine de 1727 dont la bibliothèque de la princesse Anna Amalie possédait une copie manuscrite, bibliothèque dont C. F. Zelter dressa l’inventaire entre 1800 et 1802. Considérée comme perdue depuis la Deuxième Guerre mondiale, cette copie fait partie des fonds musicaux de la Sing-Akademie en provenance de Kiev et déposés depuis 2001 à la Staatsbibliothek de Berlin : ANDREAS GLÖ CKNER, « Zelter und Mendelssohn – Zur ‘Wiederentdeckung’der Matthäus-Passion im Jahre 1829 », Bach-Jahrbuch, 90,2004, p. 133-157, ici p. 134 sq.
-
[82]
G. SCHÜ NEMANN, « Die Bachpflege... », op. cit., p. 146 sq.
-
[83]
La Création de Haydn est jouée par la Sing-Akademie pour la première fois en 1815.
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[84]
L’oratorio de Graun sera joué presque sans exception jusqu’en 1858, date à laquelle on tentera de remplacer l’œuvre par la Passion selon saint Matthieu de Bach. Pour obéir aux vœux de Guillaume Ier, l’oratorio de la Passion de Graun sera réintroduit à partir de 1866 et jusqu’en 1884, date à laquelle il sera définitivement remplacé par la Passion de Bach : G. EBERLE, 200 Jahre Sing-Akademie..., op. cit., p. 51.
-
[85]
KLAUS KROPFINGER, « Klassik-Rezeption in Berlin (1800-1830) », in C. DAHLHAUS (dir.), Studien zur Musikgeschichte Berlins..., op. cit., p. 362.
-
[86]
G. J. D. Poelchau (1773-1836) constitue la figure la plus remarquable de ces collectionneurs particuliers (J. N. Forkel, le Hambourgeois Christian Friedrich Gottlieb Schwenke, les comtes von Voß-Buch) qui, à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle, jouent un rôle très important pour la préservation puis pour la diffusion ultérieure des manuscrits des œuvres de Bach. Séjournant à Hambourg dans les années 1790 avant de déménager à Berlin en 1813, il possède sans doute la plus importante collection de manuscrits de Bach (les partitions autographes aussi importantes que celles de la Passion selon saint Matthieu, de la Passion selon saint Jean, de l’Oratorio de Noël, du Magnificat, ou de l’Orgelbüchlein et de l’Art de la fugue) constituée à partir de collections dissoutes et mises en vente au début du XIXe siècle – celles de Carl Philipp Emanuel Bach (à la mort de sa fille en 1805), de C. F. G. Schwenke, de J. N. Forkel notamment. Par l’intermédiaire d’A. Mendelssohn, une partie des œuvres de Bach de la collection de Poelchau intègre en 1811 la bibliothèque de la Sing-Akademie (qui vendra ses manuscrits des œuvres de Bach en 1854 à la Königliche Bibliothek de Berlin, où l’autre partie de la collection Poelchau a déjà été versée par les héritiers en 1841). M. HEINEMANN (dir.), Das Bach-Lexikon, Laaber, Laaber, 2000, p. 427 sq. (Poelchau) ainsi que p. 456-460 (Sammlungen).
-
[87]
D. FISCHER-DIESKAU, Carl Friedrich Zelter..., op. cit., p. 123-124; P. WOLLNY, « Abschriften... », op. cit., p. 51 sq.
-
[88]
Dès 1818, Fanny, âgée de 13 ans, joue par cœur les 24 préludes et fugues de la première partie du Clavier bien tempéré, une œuvre qui, suite à son édition en 1801, est fréquemment utilisée pour l’enseignement de la musique.
-
[89]
PETER WOLLNY, « ‘Ein förmlicher Sebastian und Philipp Emanuel Bach-Kultus’. Sara Lévy, geb. Itzig und ihr musikalisch-literarischer Salon », in A. GERHARD (dir.), Musik und Ä sthetik im Berlin Moses Mendelssohns, Tübingen, Niemeyer, 1999, p. 216-239.
-
[90]
La Gartensaal, dans laquelle se déroulaient les Sonntagsmusiken depuis 1825, pouvait accueillir jusqu’à 300 personnes : BEATRIX BORCHARD, « Opferaltäre der Musik », in B. BORCHARD et M. SCHWARZ-DANUSER (dir.), Fanny Hensel..., op. cit., p. 27-44, ici p. 28 sq. Voir aussi HANS-GÜ NTER KLEIN, Das verborgene Band. Félix Mendelssohn Bartholdy und seine Schwester Fanny Hensel. Katalog der Ausstellung der Musikabteilung der Staatsbibliothek zu Berlin – Preußischer Kulturbesitz zum 150. Todestag der beiden Geschwister, Wiesbaden, Ludwig Reichert Verlag, 1997, p. 136 sq.
-
[91]
P. WILHELMY, Der Berliner Salon..., op. cit., p. 147.
-
[92]
ARND RICHTER, Mendelssohn. Leben – Werk – Dokumente, Mainz, Piper/Schott, 1994, p. 40. Voir aussi H.-G. KLEIN, Das verborgene Band..., op. cit., p. 56 sq. En français, on se reportera à BRIGITTE FRANÇOIS-SAPPEY, Félix Mendelssohn, Paris, Fayard/Mirare, 2003.
-
[93]
E. Devrient et sa femme Thérèse furent même un temps locataires dans la demeure de la Leipziger Strasse : B. BORCHARD, « Opferaltäre... », op. cit., p. 28.
-
[94]
WOLFGANG DINGLINGER, « Bach und die Familie Mendelssohn », in H. TRAMER, Bach. Thema und Variationen, Göttingen, Wallstein, 1999, p. 75-97, ici p. 84 sq. Voir aussi JULIUS H. SCHOEPS, « Christliches Bekenntnis oder modernes Marranentum ? Der Ü bergang vom Judentum zum Christentum : Das Beispiel Abraham und Félix Mendelssohn », in B. BORCHARD et M. SCHWARZ-DANUSER (dir.), Fanny Hensel..., op. cit., p. 265-279 ainsi que WOLFGANG DINGLINGER, « ‘Die Glaubensform der meisten gesitteten Menschen’. Aspekte der christlichen Erziehung der Geschwister Mendelssohn », ibid., p. 288-304.
-
[95]
Ainsi le linguiste et plus tard professeur de philosophie à l’université de Berlin, Karl Wilhelm Ludwig Heyse (1797-1855) qui est le précepteur des enfants Mendelssohn entre 1819 et 1827 – il est également le précepteur du dernier fils de W. von Humboldt depuis 1815 – auquel succédera à partir de 1827 l’historien Johann Gustav Droysen (1808-1884) auquel Félix restera lié jusqu’à sa mort; ou encore Johann Gottlob Samuel Rösel (1768-1843), professeur de dessin à la Bauakademie, pour le dessin à partir de 1820. A. RICHTER, Mendelssohn..., op. cit., p. 44 sq.
-
[96]
Autorité musicale des salons berlinois et pédagogue réputé, Ludwig Berger (1777-1839) était par ailleurs un admirateur de Beethoven et un adepte du piano « romantique ». Par l’intermédiaire de L. Berger, F. Mendelssohn prend connaissance notamment des œuvres de Dussek, Hummel et John Field; de là, un enseignement qui contraste aussi avec celui de C. F. Zelter. A. RICHTER, Mendelssohn..., op. cit., p. 74.
-
[97]
W. DINGLINGER, « Bach und die Famillie Mendelssohn », op. cit., p. 87 sq. La collection de chorals de Bach éditée par Carl Philipp Emanuel devient rapidement un ouvrage majeur pour l’enseignement de l’harmonie. La maîtrise du choral à quatre voix constitue, par ailleurs, un pilier essentiel dans l’art de composer de F. Mendelssohn.
-
[98]
Sans lien de parenté avec la famille Bach, élève de C. F. Zelter, puis professeur d’orgue au Königliches Institut für Kirchenmusik de Berlin (1822) dont il prend la direction à la mort de C. F. Zelter (1832). L’importance qui lui est reconnue dans la formation des organistes et pour la musique d’orgue en Prusse le fit surnommer dès son vivant le « faiseur d’organistes de Prusse » : M. HEINEMANN (dir.), Bach-Lexikon, op. cit., p. 78 sq.
-
[99]
Selon Andreas Glöckner, il s’agit de la version autographe de 1736 que possédait la Sing-Akademie : A. GLÖ CKNER, « Zelter und Mendelssohn... », op. cit, p. 143 sq.
-
[100]
G. SCHÜ NEMANN, « Die Bachpflege... », op. cit., p. 158.
-
[101]
A. GLÖ CKNER, « Zelter und Mendelssohn... », op. cit., p. 148 sq..
-
[102]
C. APPLEGATE, Bach in Berlin..., op. cit., p. 239 sq. E. Devrient a 28 ans tout comme E. Rietz, le chef d’orchestre; Fanny Mendelssohn en a 23, G. Droysen 21, le violoniste F. David 19, et le violoncelliste J. Rietz tout juste 16.
-
[103]
Le déroulement des préparatifs a pu être reconstruit pour les dates des répétitions à partir des annotations laissées par C. F. Zelter dans les Tagebücher de la Sing-Akademie, ainsi que plus généralement d’après la description d’E. Devrient dans ses Mémoires. Cité in G. SCHÜ NEMANN, « Die Bachpflege... », op. cit., p. 160 sq.
-
[104]
A. GLÖ CKNER, « Zelter und Mendelssohn... », op. cit., p. 148.
-
[105]
On a longtemps daté la première exécution de la Passion selon saint Matthieu à Saint-Thomas de Leipzig le jour du Vendredi saint 1729, mais il semble en fait qu’une première version de l’œuvre ait déjà été jouée lors du Vendredi saint 1727. Du vivant de Bach, l’œuvre fut rejouée à Leipzig le Vendredi saint 1736 (pour lequel Bach retravailla l’œuvre et en établit une partition nouvelle), puis redonnée vers 1742 dans cette version. Voir EMIL PLATEN, Johann Sebastian Bach. Die Matthäus-Passion. Entstehung, Werkbeschreibung, Rezeption, Kassel, Bärenreiter, 2006, p. 21-34; KONRAD KÜ STER (dir.), Bach Handbuch, Kassel/Stuttgart, Bärenreiter/Metzler, 1999, p. 452-467; PETER WOLLNY, « Eine apokryphe Bachsche Passionsmusik in der Handschrift Johann Christoph Altnickols », in Leipziger Beiträge zur Bach-Forschung, 1,1995, p. 55-70. En français, voir la contribution de référence de DENIS LABORDE, « Bach à Leipzig, Vendredi saint, 1729 », in P. ROUSSIN et al. (éd.), Critique et affaires de blasphème à l’époque des Lumières, Paris, Honoré Champion, 1998, p. 129-184, ici p. 131, note 4.
-
[106]
Anna Milder est admirée par Beethoven, Cherubini, Spontini ou Schubert qui composent pour elle, et suscitent des enthousiasmes nombreux. Hegel, par exemple, est un de ses plus fervents admirateurs : ALAIN PATRICK OLIVIER, Hegel et la musique. De l’expérience esthétique à la spéculation philosophique, Paris, Honoré Champion, 2003, p. 73-75; voir aussi MGG, op. cit., Personenteil 12, 2004, col. 201-202.
-
[107]
Il chante aussi différents rôles de ténor dans les opéras de Gluck (Orphée dans l’Orpheus), de Rossini et de Spontini : A. P. OLIVIER, Hegel et la musique..., op. cit., p. 268-274.
-
[108]
MGG, op. cit., Personenteil 5, 2001, col. 955-956.
-
[109]
SUSANNE OSCHMANN, « Die Bach-Pflege der Singakademien », in M. HEINEMANN et H.-J. HINRICHSEN (dir.), Bach und die Nachwelt I..., op. cit., p. 306-347, ici p. 334.
-
[110]
Une reconstitution de la version de F. Mendelssohn de la Passion selon saint Matthieu a été enregistrée, reconstitution qui s’appuie non sur la reprise berlinoise de 1829, mais sur celle de Leipzig en 1841 qui connaît des variantes (exposées ci-dessous) par rapport à 1829 : Bach, Matthäus-Passion. Version Leipzig 1841, solistes, Chorus musicus, Das neue Orchester, direction Christoph Spering, Paris, Opus 111,1992 (OPS30-72/73), 2 CD.
-
[111]
M. GECK, Die Wiederentdeckung..., op. cit., p. 36 sq. Les coupures concernant les chorals s’expliquent par la difficulté à transmettre au public berlinois leur contenu théologico-musical. Cela concerne en particulier les chorals qui constituent un commentaire du déroulement de la Passion (notamment les chorals no 17,40 et 46) : CHRISTIAN AHRENS, « Bearbeitung oder Einrichtung ? Félix Mendelssohn Bartholdys Fassung der Bachschen Matthäus-Passion und deren Aufführung in Berlin 1829 », Bach-Jahrbuch, 87, 2001, p. 71-97, ici p. 80 sq. La numérotation des différentes parties de la Passion renvoie à celle en vigueur dans Die Neue Bach-Ausgabe 1954-2007, eine Dokumentation : vorgelegt zum Abschluss von Johann Sebastian Bach neue Ausgabe sämtlicher Werke, Kassel/Bâle, Bärenreiter, 2007.
-
[112]
Le texte biblique ne subit guère de modifications. Quelques légers changements sont apportés au récit de l’Évangéliste et aux paroles de Pierre, tandis que les paroles du Christ demeurent inchangées, ibid., p. 83 sq.
-
[113]
M. GECK, Die Wiederentdeckung..., op. cit., p. 41.
-
[114]
FRIEDRICH SMEND, « Bachs Matthäus-Passion. Untersuchungen zur Geschichte des Werkes bis 1750 », Bach-Jahrbuch, 25,1928, p. 1-95, repris in Id., Bach-Studien. Gesammelte Reden und Aufsätze, éd. par Ch. Wolff, Kassel, Bärenreiter, 1969, p. 24-83, en particulier p. 44 et 61, et ELKE AXMACHER, « Aus Liebe will mein Heyland sterben ». Untersuchungen zum Wandel des Passionsverständnisses im frühen 18. Jahrhundert, Stuttgart, Carus, [1984] 2005 ont mis l’accent sur le rôle central, théologique et musical, de cette aria. Se situant au centre du récit de la condamnation à mort de Jésus, elle fait contraste avec la violence des deux chœurs de la foule qui l’entourent (no 45b et 50b), réclamant la mort de Jésus. Elle prolonge l’arioso qui la précède immédiatement (no 48, « Er hat uns allen wohlgetan » [À nous tous il a fait le bien]), réponse à la question de Pilate dans l’Évangile de saint Matthieu (no 47 : « Was hat er denn Ü bels getan ? » [Mais quel mal a-t-il donc fait ?]), en résumant l’essence même de la Passion : « Par amour, mon Sauveur veut mourir, lui qui ne connaît rien du péché » (E. AXMACHER, Aus Liebe..., op. cit., p. 176 sq.). La place particulière de cette aria dans la Passion est soulignée également par son traitement musical qui la distingue des autres arias et en accentue le caractère méditatif : le choix de la voix de soprano (qui ne chante nulle part ailleurs dans la deuxième partie de la Passion) et l’instrumentation spécifique – flûte dans la tessiture du soprano et deux oboe da caccia dans un registre d’alto, sans basse continue – confèrent, à côté de la transparence, un climat de profonde ferveur : E. PLATTEN, Die Matthäus-Passion..., op. cit., p. 186 sq.
-
[115]
Elle retrouvera d’ailleurs sa place dans la représentation que F. Mendelssohn donnera à Leipzig en 1841, ainsi que par exemple l’aria no 65 « Mache dich, mein Herze, rein » (Purifie-toi, mon cœur) ou le choral no 37 « Wer hat dich so geschlagen » (Qui t’a ainsi frappé).
-
[116]
Voir HANS ERICH BÖ DEKER, « Die Religiosität der Gebildeten », in K. GRÜ NDER et K. H. RENGSTORF (dir.), Religionskritik und Religiosität in der deutschen Aufklärung, Heidelberg, 1989, p. 145-195, et plus généralement LUCIAN HÖ LSCHER, Geschichte der protestantischen Frömmigkeit in Deutschland, Munich, Beck, 2005.
-
[117]
Ceci concerne les ariosi no 48 (« Er hat uns allen wohlgetan ») et no 59 (« Ach Golgatha »), l’arioso avec choral no 19 (« O Schmerz ») et le grand choral no 29 (« O Mensch bewein deine Sünde gross »), ainsi que les arias supprimées dans la version de 1829 mais replacées dans l’interprétation de F. Mendelssohn à Leipzig en 1841 : no 49 (« Aus Liebe will mein Heiland sterben ») et no 65 (« Mache dich, mein Herze, rein »).
-
[118]
F. Mendelssohn adopte une pratique liturgique conforme aux habitudes du temps (depuis les réformes liturgiques de Frédéric-Guillaume III à partir de 1817) qui voulait que les chorals fussent chantés a cappella. Ce fut le cas notamment au Dom de Berlin.
-
[119]
C. AHRENS, « Bearbeitung... », op. cit., p. 84. À Königsberg en 1834, trois trombones s’ajoutent même aux cordes dans ce récitatif pour rendre le tremblement de terre, tradition que continue Robert Franz, directeur de la Sing-Akademie de Halle de 1842 à 1867, dans sa publication de la partition (Leipzig, 1873) : les cordes et les trombones sont complétés par des bois, des timbales et un orgue, S. OSCHMANN, « Die Bach-Pflege... », op. cit., p. 334-335.
-
[120]
C. AHRENS, « Bearbeitung... », op. cit., p. 82. Dans la suite de cette pratique, d’autres adopteront diverses solutions pour faire ressortir le cantus firmus de ce chœur initial, comme l’emploi de 240 écoliers chantant également les chorals à Königsberg en 1834, effectifs qui oscillent entre 400 et 500 en 1840 : S. OSCHMANN, « Die Bach-Pflege... », op. cit., p. 334.
-
[121]
M. GECK, Die Wiederentdeckung..., op. cit., p. 40; S. OSCHMANN, « Die Bach-Pflege... », op. cit., p. 336 sq.
-
[122]
Selon les recherches récentes, F. Mendelssohn a joué, pour le concert de 1829, sur un clavecin, instrument que possédait la Sing-Akademie et dont l’utilisation fut sans doute préconisée par C. F. Zelter. Lors de l’exécution de la Passion selon saint Matthieu à Leipzig en 1841, F. Mendelssohnaura recours à l’orgue : C. AHRENS, « Bearbeitung... », op. cit., p. 92 sq.
-
[123]
HANS-JOACHIM HINRICHSEN, « Die Bach-Gesamtausgabe und die Kontroversen um die Ausführungspraxis der Vokalwerke », in M. HEINEMANN et H.-J. HINRICHSEN (dir.), Bach und die Nachwelt II..., op. cit., p. 227-297, ici p. 274.
-
[124]
FRIEDHELM KRUMMACHER, « Bach und Händel-Traditionen », in C. DAHLHAUS (dir.), Die Musik des 18. Jahrhunderts, Laaber, Laaber, 1985, p. 383 sq.
-
[125]
Voir HANS-JOACHIM MARX, Händels Oratorium, Oden und Serenaten. Ein Kompendium, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1998, p. 32.
-
[126]
Ibid., p. 157.
-
[127]
Il deviendra Thomaskantor à Leipzig en 1789.
-
[128]
L’exécution berlinoise du Messie, dans laquelle C. F. C. Fasch tient la partie de clavecin, rassemble 250 chanteurs et instrumentistes, ibid., p. 157.
-
[129]
Le Messie fut donné dans la version de Mozart (1789) – se fondant sur la traduction allemande de référence de Klopstock et Ebeling – éditée chez Breitkopf & Härtel à Leipzig en 1803. C. F. Zelter utilisa cette édition dès 1804 : WERNER BOLLERT, « Die Händelpflege der Berliner Sing-Akademie unter Zelter und Rungenhagen », in Id., Sing-Akademie..., op. cit., p. 69-77; G. EBERLE, 200 Jahre Sing-Akademie..., op. cit., p. 124-132.
-
[130]
K. KROPFINGER, « Klassik-Rezeption... », op. cit., p. 321 sq.
-
[131]
Sa critique de la Cinquième symphonie, qui paraît d’abord anonymement en 1810 dans l’Allgemeine Musikalische Zeitung de Leipzig, constitue au-delà de l’hommage à Beethoven un manifeste pour la musique instrumentale.
-
[132]
ÉLISABETH ÉLEONORE BAUER, Wie Beethoven auf den Sockel kam : die Entstehung eines musikalischen Mythos, Stuttgart, Metzler, 1992, p. 14. Voir plus généralement A. P. OLIVIER, Hegel et la musique..., op. cit., p. 82-92.
-
[133]
À ce succès, il faut ajouter, dans le même contexte, celui de La victoire de Wellington ou La bataille de Vittoria, opus 91 (1813) en 1816 : K. KROPFINGER, « Klassik-Rezeption... », op. cit., p. 348 sq. Dès la fin du XVIIIe siècle, les œuvres de Beethoven pénètrent la capitale prussienne, mais de manière encore isolée. L. Berger, professeur de piano de Félix Mendelssohn, et le prince Louis-Ferdinand de Prusse (dédicataire du troisième concerto pour piano) comptent parmi les plus ardents propagateurs de la musique de Beethoven à Berlin au début du XIXe siècle : ibid., p. 335 sq.
-
[134]
C. Möser, qui organise depuis la saison 1813/1814 des soirées de musique de chambre au cours desquelles sont joués entre autres les quatuors de Beethoven, dirige les premières berlinoises de la Symphonie héroïque et de la Cinquième. G. Spontini dirige quant à lui les créations de la Septième symphonie et de la « Pastorale ».
-
[135]
La symphonie est créée à Vienne en mai 1824.
-
[136]
Une répétition publique a lieu deux semaines avant le concert, avec F. Mendelssohn et C. Möser : E. E. BAUER, Wie Beethoven..., op. cit., p. 298. On rappellera par ailleurs que la Neuvième symphonie est dédiée au roi de Prusse Frédéric-Guillaume III. Pour une histoire culturelle et politique de cette symphonie, voir ESTEBAN BUCH, La neuvième de Beethoven, une histoire politique, Paris, Gallimard, 1999.
-
[137]
K. KROPFINGER, « Klassik-Rezeption... », op. cit., p. 362.
-
[138]
Lettre à Karl Klingemann du 4 avril 1828, cité in M. GECK, Die Wiederentdeckung..., op. cit., p. 23.
-
[139]
Ibid., p. 73.
-
[140]
Berliner Allgemeine Musikalische Zeitung, 3,1826, cité in E. E. BAUER, Wie Beethoven..., op. cit., p. 298. Par ailleurs, dans le cadre de cette « lecture » que A. B. Marx fait de Bach à travers Beethoven, et à propos de l’analyse des derniers quatuors à cordes de Beethoven, le critique retrouve dans le quatuor opus 132 une densité dans la polyphonie qui constitue pour lui l’essence même de l’écriture musicale de Bach : Berliner Allgemeine Musikalische Zeitung, 5,1828, p. 467, cité in K. KROPFINGER, « Klassik-Rezeption... », op. cit., p. 363 sq.
-
[141]
Ibid.
-
[142]
A. FORCHERT, « Adolf Bernhard Marx... », op. cit., p. 390. Cette idée de « Ideenkunstwerk », qui se développe à partir de la musique de Beethoven, est défendue par E. T. A. Hoffmann et B. von Arnim. Avant eux, G. Herder et W. H. Wackenroder l’avaient appliquée, l’un au Messie de Haendel, l’autre aux symphonies de Haydn et de Mozart : M. GECK, Die Wiederentdeckung..., op. cit., p. 71.
-
[143]
Ibid., p. 72.
-
[144]
Le bâtiment de la Sing-Akademie (aujourd’hui Maxim-Gorki Theater) a été réalisé entre 1824 et 1826 par l’architecte de la cour de Brunswick Carl Theodor Ottmer sur des plans conçus par K. F. Schinkel : MICHAEL FORSYTH, Architecture et musique. L’architecte, le musicien et l’auditeur du 17e siècle à nos jours, Liège, Mardaga, [1985] 1987, p. 142 sq.
-
[145]
Cette connotation religieuse est particulièrement frappante dans le cas de la salle de concert du Gewandhaus de Leipzig (1781), où la disposition des sièges réservés aux spectateurs va jusqu’à reproduire fidèlement la disposition intérieure de l’église Saint-Thomas de Leipzig : ISABEL MATTHES, « Der Raum des Paradieses. Gesellige Erfahrung und musikalische Wahrheit im 18. und 19. Jahrhundert », in H. E. BÖ DEKER, P. VEIT et M. WERNER (dir.), Le concert et son public..., op. cit., p. 273-301, ici p. 289 sq.
-
[146]
Voir ALEIDA ASSMANN, Construction de la mémoire nationale : une brève histoire de l’idée allemande de Bildung, Paris, Édition de la MSH, 1994, p. 40. Friedrich Wilhelm Graf montre pour sa part que la notion de Bildung est fortement investie des valeurs du protestantisme et qu’en outre de nombreux écrivains, artistes et hommes de science de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle, autrement dit ceux qui théorisent et incarnent cette notion, proviennent de familles de pasteurs : FRIEDRICH WILHELM GRAF, « Le politique dans la sphère intime. Protestantisme et culture en Allemagne au XIXe siècle », Annales HSS, 57-3,2002, p. 773-787, ici p. 783 sq. Sur les rapports entre religion et Bildung à la fin du XVIIIe siècle, voir également H. E. BÖ DEKER, « Die Religiosität... », op. cit., p. 181 sq.
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[147]
À propos de l’attitude du musicien Joseph Berglinger à l’écoute d’un concert, voir WILHELM HEINRICH WACKENRODER, « Das merkwürdige musikalische Leben des Tonkünstlers Joseph Berglinger », in W. H. WACKENRODER et L. TIECK (dir.), Herzensergießungen eines kunstliebenden Klosterbruders, éd. par M. Bollacher, Stuttgart, Reclam, [1797] 2005, p. 101, et C. DAHLHAUS, Die Musik im 19. Jahrhundert, op. cit., p. 151 sq. Tout à fait caractéristiques de cette connotation religieuse, les termes de la lettre écrite le lendemain du concert, dans laquelle Fanny Mendelssohn rend compte de la représentation : « La salle comble offrait un spectacle comme dans une église, le silence le plus profond, le recueillement le plus solennel régnaient dans cette assemblée [...] », lettre à K. Klingemann du 22 mars 1829, cité in H.-G. KLEIN, Das verborgene Band..., op. cit., p. 124. Ces images religieuses pour décrire les concerts seront couramment employées tout au long du XIXe siècle, en particulier pour caractériser ceux qui se déroulaient dans la salle de la Sing-Akademie. Pour preuve, les célèbres soirées de quatuors à cordes données durant près de 40 ans par le violoniste Joseph Joachim à la fin du XIXe siècle, dont on disait qu’elles transformaient la salle en temple, Joachim en prêtre et le public en une assemblée de fidèles : voir BEATRIX BORCHARD, Stimme und Geige. Amalie und Joseph Joachim. Biographie und Interpretationsgeschichte, Vienne/Cologne, Böhlau, [2005] 2007, p. 521 sq. Sur la religion de l’art, voir dernièrement BERND AUEROCHS, Die Entstehung der Kunstreligion, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2006, en particulier le chapitre « Kunst als Ersatzreligion – ein Versuch der Klärung », p. 72-118.
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[148]
G. AHRENS, « Bearbeitung... », op. cit., p. 74.
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[149]
Sur cette notion de traducteur, voir ERIC DÖ FLEIN, « Historismus in der Musik », in W. WIORA (dir.), Die Ausbreitung des Historismus über die Musik. Aufsätze und Diskussionen, Regensburg, Gustav Bosse Verlag, 1969, p. 9-39, ici p. 21. Pour sa part, J. G. Droysen écrit en 1842 à propos de F. Mendelssohn : « de même que le traducteur rend la pièce accessible à notre compréhension,... de même [Mendelssohn] a rendu la musique accessible à notre sensibilité », cité in E. E. BAUER, Wie Beethoven..., op. cit., p. 187.
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[150]
E. DÖ FLEIN, « Historismus in der Musik... », op. cit., p. 13 sq.
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[151]
Sur la question de l’historisme en Allemagne du milieu du XVIIIe au milieu du XIXe siècle, voir ALEXANDRE ESCUDIER, « De Chladenius à Droysen. Théorie et méthodologie de l’histoire de langue allemande (1750-1860) », Annales HSS, 58-4,2003, p. 743-777.