Couverture de ANNA_583

Article de revue

Juifs de Livourne, Italiens de Lisbonne, hindous de Goa

Réseaux marchands et échanges interculturels à l'époque moderne

Pages 581 à 603

Notes

  • [1]
    GERARD DE MALYNES, Consuetudo : vel, Lex Mercatoria, Londres, Adam Islip, 1622 (réimprimé à Amsterdam-Norwood, Theatrum Orbis Terrarum/Walter J. Johnson, 1979), p. 6.
  • [2]
    On trouve des exemples classiques dans NIELS STEENSGAARD, The Asian Trade Revolution of the Seventeenth Century : The East India Companies and the Decline of the Caravan Trade, Chicago, University of Chicago Press, 1974, et KIRTI N. CHAUDHURI, The Trading World of Asia and the English East India Company, 1660-1760, Cambridge, Cambridge University Press, 1978. Des interprétations plus récentes dans ANN M. CARLOS et STEPHEN NICHOLAS, « “Giants of an Earlier Capitalism”: The Chartered Trading Companies as Modern Multinationals », Business History Review, 62-3,1988, pp. 398-419, et ID., « Agency Problems in Early Chartered Companies : The Case of the Hudson’s Bay Company », Journal of Economic History, 50-4,1990, pp. 853-875. L’approche néo-institutionnaliste du commerce à longue distance est résumée dans DOUGLASS C. NORTH, « Institutions », Journal of Economic Perspectives, 5-1,1991, pp. 97-112.
  • [3]
    Sur le rôle de la réputation comme stimulant économique, voir DANIEL B. KLEIN (éd.), Reputation : Studies in the Voluntary Elicitation of Good Conduct, Ann Arbor, University of Michigan Press, 1997. Sur les institutions hors marché qui permettent à l’échange économique d’être auto-exécutoire, voir AVNER GREIF, « Théorie des jeux et analyse historique des institutions. Les institutions économiques du Moyen  ge », Annales HSS, 53-3,1998, pp. 597-633; ID., « Historical and Comparative Institutional Analysis », American Economic Review, 88-2,1998, pp. 80-84; ID., « The Fundamental Problem of Exchange : A Research Agenda in Historical Institutional Analysis », European Review of Economic History, 4,2000, pp. 251-284.
  • [4]
    Je privilégie l’expression « approche réticulaire » plutôt que « analyse de réseaux », m’inspirant cependant de celle-ci, tout en laissant de côté sa dimension mathématique. J’entends donc le terme de « réseau » au sens analytique : examiner les relations entre des individus et des groupes, en faisant mienne cette définition minimale : un réseau est « un rassemblement d’acteurs qui entretiennent des relations suivies et durables entre eux et qui, dans le même temps, ne peuvent se référer, au sein de la structure qu’ils composent, à une autorité légitime pour arbitrer et résoudre les conflits qui peuvent survenir au cours de leurs échanges » (JOEL M. PODOLNY et KAREN L. PAGE, « Network Forms of Organization », Annual Review of Sociology, 24,1998, pp. 57-76, ici p. 59).
  • [5]
    Le risque est manifeste, par exemple chez les promoteurs de la World History; voir JERRY H. BENTLEY, Old World Encounters : Cross-Cultural Contacts and Exchanges in Pre-Modern Times, New York, Oxford University Press, 1993.
  • [6]
    Dans une approche réticulaire, la rationalité individuelle est considérée comme limitée par la rareté et le caractère incertain des informations, les possibilités offertes par le réseau lui-même et la structure plus vaste dans laquelle il fonctionne.
  • [7]
    Cette étude peut aussi être lue comme une contribution à l’appel lancé dans « Une histoire à l’échelle globale », Annales HSS, 56-1,200l, pour dépasser l’opposition entre World History et micro-histoire. Elle s’inspire de certaines contributions de la microstoria qui visent à rendre compte des contextes multiples dans lesquels évolue un même individu : voir GIOVANNI LEVI, « On Microhistory », in P. BURKE (éd.), New Perspectives on Historical Writing, University Park, Pennsylvania State University Press, 1991, pp. 93-113, et JACQUES REVEL, « Micro-analyse et construction du social », in ID. (éd.), Jeux d’échelles. La micro-analyse à l’expérience, Paris, Gallimard/Le Seuil, « Hautes Études », 1996, pp. 15-36.
  • [8]
    Les expressions « diaspora d’affaires » et « réseau marchand » sont parfois employées de façon indifférenciée : « L’expression diaspora d’affaires est utilisée pour décrire des réseaux de marchands qui transportent, achètent et vendent leurs produits sur de longues distances » (ROBIN COHEN, Global Diasporas : An Introduction, Seattle, University of Washington Press, 1997, p. XII ).
  • [9]
    Voir FRÉDÉRIC MAURO, « Merchant Communities, 1350-1750 », in J. TRACY (éd.), The Rise of Merchant Empires : Long-Distance Trade in the Early Modern World, 1350-1750, Cambridge, Cambridge University Press, 1990, pp. 255-286.
  • [10]
    ABNER COHEN, « Cultural Strategies in the Organization of Trading Diasporas », in C. MEILLASSOUX (éd.), The Development of Indigenous Trade and Markets in West Africa, Oxford, Oxford University Press, 1971, pp. 266-281, ici p. 267, n. 1.
  • [11]
    PHILIP D. CURTIN, Cross-Cultural Trade in World History, Cambridge, Cambridge University Press, 1984. Il emprunte également à Karl Polanyi la notion de embeddedness et le rôle des cités portuaires dans les marchés de l’époque moderne. Voir KARL POLANYI, The Great Transformation : The Political and Economic Origins of our Time, Boston, Beacon Hill Press, 1944; CONRAD M. ARENSBERG et HARRY W. PEARSON (éds), Trade and Market in the Early Empires : Economies in History and Theory, Glencoe, Free Press, 1957. Dans une certaine mesure, il participe également du débat récurrent sur le rôle des minorités dans le développement du capitalisme occidental (voir WERNER SOMBART, Les Juifs et la vie économique, Paris, Payot, [1911] 1926, et GEORG SIMMEL, « The Stranger », in The Sociology of Georg Simmel, éd. par K. H. Wolff, Glencoe, Free Press, 1950, pp. 402-408).
  • [12]
    P. D. CURTIN, Cross-Cultural Trade..., op. cit., p. 3, examine à la fois les réseaux informels qui étaient « liés par un peu plus que les solidarités générées par l’appartenance à une même culture » et les communautés formées par les employés des grandes compagnies européennes qui recevaient un monopole sur les opérations commerciales, militaires et administratives qu’elles conduisaient. L’essentiel de son analyse ne concerne toutefois que la première forme de diaspora.
  • [13]
    Ibid., p. 3.
  • [14]
    Voir, par exemple, JANET TAI LANDA, Trust, Ethnicity, and Identity. Beyond the New Institutional Economics of Ethnic Trading Networks, Contract Law, and Gift Exchange, Ann Arbor, University of Michigan Press, 1994, particulièrement pp. 101-114.
  • [15]
    KIRTI N. CHAUDHURI, Trade and Civilization in the Indian Ocean : An Economic History from the Rise of Islam to 1750, Cambridge, Cambridge University Press, 1985, pp. 224-226.
  • [16]
    A. GREIF, « Théorie des jeux... », art. cit., p. 597. Sur l’influence des règles informelles sur les mécanismes du marché, voir aussi VICTOR NEE, « Norms and Networks in Economic and Organizational Performance », American Economic Review, 88-2,1998, pp. 85-89, et ALESSANDRA CASELLA et JAMES E. RAUCH (éds), Networks and Markets, New York, Russell Sage, 2001.
  • [17]
    S. D. GOITEN, A Mediterranean Society : The Jewish Communities of the Arab World as Portrayed in the Documents of the Cairo Geniza, Berkeley, University of California Press, 1967-1993,6 vols; ID., « Formal Friendship in the Medieval Near East », Proceedings of the American Philosophical Society, 115-6,1971, pp. 484-489; AVROM L. UDOVITCH, « Formalism and Informalism in the Social and Economic Institutions of the Medieval Islamic World », in A. BANANI et S. VRYONIS Jr. (éds), Individualism and Conformity in Classical Islam, Wiesbaden, Otto Harrassowitz, 1977, pp. 61-81.
  • [18]
    AVNER GREIF, « Reputation and Coalition in Medieval Trade : Evidence on the Maghribi Traders », Journal of Economic History, 49-4,1989, pp. 857-882; ID., « Contract Enforceability and Economic Institutions in Early Trade : The Maghribi Traders’Coalition », American Economic Review, 83-3,1992, pp. 525-548. Dans la définition de A. Greif, les institutions sont « des contraintes non déterminées techniquement qui influencent les interactions sociales et assurent la régularité des comportements »; ID., « Historical and Comparative... », art. cit., p. 80.
  • [19]
    Voir, par exemple, S. D. GOITEN, « Letters and Documents on the India Trade in Medieval Times », in ID., Studies in Islamic History and Institutions, Leyde, E. J. Brill, 1966, pp. 329-350, ici p. 350.
  • [20]
    Dans le modèle de A. Greif, les sociétés « communautaires » du passé peuvent être comparées aux actuels pays en voie de développement, tandis que les sociétés « individualistes » ont leur origine dans le monde médiéval latin et ont donné naissance à la civilisation occidentale. Un tel modèle est idéologiquement marqué, car il ignore l’importance des relations personnelles et les discriminations existantes au sein du système juridique des sociétés occidentales contemporaines. AVNER GREIF, « Cultural Beliefs and the Organization of Society : A Historical and Theoretical Reflection on Collectivist and Individualist Societies », Journal of Political Economy, 102-5,1994, pp. 912-950; ID., « Impersonal Exchange and the Origins of Markets : From the Community Responsibility System to Individual Legal Responsibility in Pre-Modern Europe », in M. AOKI et Y. HAYAMI (éds), Communities and Markets in Economic Development, Oxford, Oxford University Press, 2001, pp. 3-41.
  • [21]
    Voir SANJAY SUBRAHMANYAM (éd.), Merchant Networks in the Early Modern Worls, Brookfiels, Variorum, 1996. Sur l’Asie continentale et maritime : DENYS LOMBARD et JEAN AUBIN (éds), Marchands et hommes d’affaires asiatiques dans l’océan Indien et la mer de Chine, XIIIe - XXe siècles, Paris, Éditions de l’EHESS, 1988; STEPHEN FREDERIC DALE, Indian Merchants and Eurasian Trade, 1600-1750, Cambridge, Cambridge University Press, 1994; INA BAGHDIANTZ MC CABE, The Shah’s Silk for Europe’s Silver : The Eurasian Trade of the Julfa Armenians in Safavid Iran and India (1530-1750), Atlanta, Scholars Press, 1999; CLAUDE MARKOVITS, The Global World of Indian Merchants, 1750-1947 : Traders of Sind from Bukhara to Panama, Cambridge, Cambridge University Press, 2000; SCOTT C. LEVI, The Indian Diaspora in Central Asia and its Trade, 1550-1900, Leyde-Boston-Cologne, Brill, 2001.
  • [22]
    Voir J. CLYDE MITCHELL (éd.), Social Networks in Urban Situations : Analyses of Personal Relationships in Central African Towns, Manchester, Manchester University Press, 1969; JEREMY BOISSEVAIN et J. CLYDE MITCHELL (éds), Network Analysis : Studies in Human Interaction, La Haye-Paris, Mouton & Co., 1973; JEREMY BOISSEVAIN, Friends of Friends : Networks, Manipulators and Coalitions, Oxford, Basil Blackwell, 1974; J. CLYDE MITCHELL, « Social Networks », Annual Review of Anthropoplogy, 3,1974, pp. 279-299.
  • [23]
    Un aperçu sur l’approche réticulaire est donné par GUNNAR DAHL, Trade, Trust, and Networks : Commercial Culture in Late Medieval Europe, Lund, Nordic Academic Press, 1998. Pour un usage plus systématique de la Network analysis dans l’étude du rôle des liens personnels et des clientèles politiques dans l’organisation des marchés, de la contrebande et des affaires, voir ZACAR?AS MOUTOUKIAS, « Réseaux personnels et autorité coloniale : les négociants de Buenos Aires au XVIIIe siècle », Annales ESC, 47-4/5, 1992, pp. 889-915; ID., « Negocios y redes socials : modelo interpretativo a partir de un caso rioplatense », Caravelle, 67,1997, pp. 37-55.
  • [24]
    Sur l’utilisation de la Network analysis comme outil pour sortir de l’opposition stérile entre relations communautaires et relations contractuelles, voir BARRY WELLMAN et CHARLES WETHERELL, « Social Network Analysis of Historical Communities : Some Questions from the Past for the Present », The History of the Family, 1-1,1996, pp. 97-121.
  • [25]
    FREDRIK BARTH, « Ecological Relationship of Ethnic Groups in Swat, North Pakistan », American Anthropologist, 58-6,1956, pp. 1079-1089; ID. (éd.), Ethnic Groups and Boundaries : The Social Organization of Cultural Différences, Bergen-Oslo-Londres, Universitets Forlagets/George Allen & Unwin, 1969; ID., Cosmologies in the Making : A Generative Approach to Cultural Variation in Inner New Guinea, Cambridge, Cambridge University Press, 1997.
  • [26]
    Sur les diamants importés des Indes portugaises au XVIe siècle, voir NUNO VASSALLO E SILVA, « The Portuguese Gem Trade in the Sixteenth Century », Jewellery Studies, 6, 1993, pp. 19-28. À cette date, les Portugais achetaient de grandes quantités de corail à des Génois, les Lomellini, seigneurs de Tabarka (Tunisie); JOSÉ GENTIL DA SILVA, « L’appel aux capitaux étrangers et le processus de la formation du capital marchand au Portugal du XIVe au XVIIe siècle », in M. MOLLAT et P. ADAM (éds), Les aspects internationaux de la découverte océanique aux XVe et XVIe siècles, Paris, SEVPEN, 1966, pp. 341-363, ici p. 357. Comme les pierres précieuses étaient faciles à passer en contrebande, aucune statistique officielle n’est fiable. Cependant, on a pu calculer que, entre 1580 et 1640, les diamants et les pierres précieuses en général (pedrarias) représentaient en moyenne 14 % de la valeur des navires de la carreira da ? ndia de retour vers l’Europe : JAMES C. BOYAJIAN, The Portuguese Trade in Asia under the Habsburgs, 1580-1640, Baltimore, The Johns Hopkins University Press, 1993, p. 44. Voir aussi GODEHARD LENZEN, The History of Diamond Production and the Diamond Trade, New York, Praeger, [1966] 1970.
  • [27]
    La Compagnie hollandaise des Indes orientales n’autorisa officiellement le commerce inter-asiatique privé qu’à partir de 1742 (pour tous les biens à l’exception des épices, du cuivre, de l’étain et de l’opium). À Surat, cependant, le corail était également inclus dans les biens réservés à la Compagnie; OM PRAKASH, European Commercial Enterprise in Pre-Colonial India, Cambridge, Cambridge University Press, 1998, pp. 232-233. Sur l’importance du commerce du corail et des diamants réalisé sous l’égide de la Compagnie anglaise des Indes orientales, voir HOLDEN FURBER, Rival Empires of Trade in the Orient, 1600-1800, Minneapolis, University of Minnesota Press, 1976, pp. 133-134,260-262; GEDALIA YOGEV, Diamonds and Coral : Anglo-Dutch Jews and Eighteenth-Century Trade, Leicester, Leicester University Press, 1978; SØREN MENTZ, « English Private Trade on the Coromandel Coast, 1660-1690 : Diamonds and Country Trade », Indian Economic and Social History Review, 33-2,1996, pp. 155-173.
  • [28]
    G. YOGEV, Diamonds..., op. cit., pp. 68,71,83,91,96-97,100-102,104-107,133. Selon les données officielles de la East India Company, pendant les soixante premières années du XVIIIe siècle, les diamants comptaient en moyenne pour 21 % de la valeur des importations anglaises en provenance d’Asie. Ce pourcentage est calculé sur la base des données de G. YOGEV (ibid., pp. 337-339) et de K. N. CHAUDHURI, The Trading World..., op. cit., pp. 509-511. Il est, toutefois, impossible d’estimer le poids de la contrebande.
  • [29]
    Sur le rôle des nouveaux-chrétiens portugais dans le commerce du diamant à Anvers au XVIe et au début du XVIIe siècle, voir HANS POHLS, Die Portugiesen in Antwerpen, 1567-1648, Wiesbaden, Franz Steiner, 1948, pp. 121-130,197-218, et JOHN EVERAERT, « Antwerp, Turning Table of the International Circuit in Precious Stones and Jewels (16th and 17th Centuries) », in S. CAVACIOCCHI (éd.), Economia e arte, secc. XIII-XVIII, Florence, Le Monnier, 2002, pp. 403-406. À Venise, des joailliers d’origine séfarade sont attestés dès le XVe siècle; DAVID JACOBY, « Les Juifs à Venise du XIVe au milieu du XVIe siècle », in H. G. BECK, M. MANOUSSACAS et A. PERTUSI (éds), Venezia centro di mediazione tra oriente e occidente (secoli XV-XVI ). Aspetti e problemi, Florence, Olschki, 1977, pp. 163-216, ici pp. 184 et 199.
  • [30]
    Des Arméniens et des employés de la Compagnie anglaise des Indes orientales étaient également très engagés dans ce négoce. Au début du XVIIIe siècle, cependant, les Séfarades assuraient la majorité des échanges hors de Perse.
  • [31]
    Sur l’implication locale des Juifs dans la manufacture du corail, voir RENZO TOAFF, La nazione ebrea a Livorno e Pisa (1591-1700), Florence, Olschki, 1990, pp. 319,389,397. Sur la collecte du corail en Méditerranée, voir, entre autres, GIOVANNI TESCIONE, Italiani alla pesca del corallo ed egemonie marittime nel Mediterraneo, Naples, Industrie Tipografiche Editoriali Assimilate, 1968.
  • [32]
    HERBERT I. BLOOM, The Economic Activities of the Jews of Amsterdam in the Seventeenth and Eighteenth Centuries, Williamsport, The Bayard Press, 1937, pp. 40-44; LU?S CRESPO FABIÃ O, « Subsídio para a histó ria dos chamados “judeus-portugueses” na indú stria dos diamantes em Amsterdão no séculos XVII e XVIII, » Revista da Faculdade de Letras, Lisbonne, IIIe série, no 15,1973, pp. 455-519; EDGAR SAMUEL, « Manuel Levy Duarte (1631-1714): An Amsterdam Merchant Jeweller and His Trade with London », Transactions of the Jewish Historical Society of England, 27,1978-1980, pp. 11-31; JONATHAN I. ISRAEL, « The Jews of Venice and their Links with Holland and with Dutch Jewry (1600-1710) », in G. COZZI (éd.), Gli Ebrei e Venezia secoli XIV-XVIII, Milan, Edizioni di Comunità, 1987, pp. 95-116.
  • [33]
    L’Angleterre admit à nouveau les Juifs en 1656. L’expansion du pouvoir économique anglais attirait les marchands séfarades; certains s’établirent comme marchands et financiers de la Couronne. CECIL ROTH, A History of the Jews in England, Oxford, Clarendon Press, [1941] 1964, pp. 192-196; G. YOGEV, Diamonds..., op. cit.; HAROLD POLLINS, Economic History of the Jews in England, Londres-Toronto, Associated University Press, 1982, pp. 42-60.
  • [34]
    Goa fut le centre du commerce du diamant de 1650 à 1730; voir CHARLES R. BOXER, The Portuguese Seaborn Empire, 1415-1825, Londres, Hutchinson, 1969, pp. 148-149. Dans les années 1730, l’afflux, en Europe, du diamant brésilien, récemment découvert, entraîna une chute du prix des pierres précieuses, mais, vers 1740, les importations de diamants depuis l’Inde reprirent et progressèrent durant les quatre décennies suivantes : G. YOGEV, Diamonds..., op. cit., pp. 120-123. À cette date, Madras/Fort Saint George, où les marchands juifs de Londres s’étaient installés depuis les années 1680, remplaça Goa comme source principale du diamant (ibid., p. 69).
  • [35]
    C. ROTH, A History..., op. cit., p. 188; YOSEF KAPLAN, An Alternative Path to Modernity : The Sephardi diaspora in Western Europe, Leyde-Boston-Cologne, Brill, 2000, pp. 108-195.
  • [36]
    Les registres saisis par le tribunal toscan au moment de la banqueroute de la maison Ergas & Silveira de Livourne en 1746 sont une source essentielle pour connaître ses activités. Ils comprennent 13 658 copies de lettres d’affaires (1704-1746), plusieurs livres de comptes (1705-1746), et pièces de procès. Archivio di Stato, Florence [ASF], Libri di commercio e famiglia [LCF], 1615-1644; Archivio di Stato, Livourne [ASL], Capitano, poi Governatore, poi Auditore vicario [CGA]. Atti civili spezzati, 2245/953; 2249/953; 2234/ 190,953; ASL, CGA. Cause delegate, 2500.
  • [37]
    En 1594, Abraham, fils de Isaac Israel Ergas, loua une maison à Pise où il s’intégra à l’élite séfarade; LUCIA FRATTARELLI FISCHER, « Ebrei a Pisa fra Cinquecento e Settecento », in M. LUZZATI (éd.), Gli ebrei di Pisa (secoli IX-XX ), Ospitaletto-Pise, Pacini Editore, 1998, pp. 89-115, ici p. 111. Vers 1626, il s’installa à Livourne où il assuma de nombreuses fonctions au sein de la communauté juive; R. TOAFF, La nazione ebrea..., op. cit., pp. 336,455.
  • [38]
    ATTILIO MILANO, Storia degli ebrei in Italia, Turin, Einaudi, 1963, pp. 322-328.
  • [39]
    Sur le commerce et les marchands de Livourne à l’époque moderne, voir FERNAND BRAUDEL et RUGGIERO ROMANO, Navires et marchandises à l’entrée du port de Livourne (1547-1611), Paris, Armand Colin, 1951; GIGLIOLA PAGANO DE DIVITIIS, Mercanti inglesi nell’Italia del Seicento. Navi, traffici, egemonie, Venise, Marsilio, 1990; JEAN-PIERRE FILIPPINI, Il porto di Livorno e la Toscana (1676-1814), Naples, Edizioni Scientifiche Italiane, 1998,3 vols.
  • [40]
    Dans les années 1640 et 1650, les Ergas de Livourne se distinguaient par leurs activités commerciales et financières en Méditerrannée : voir MICHELE CASSANDRO, Aspetti della storia economica e sociale degli ebrei di Livorno nel Seicento, Milan, Giuffrè editore, 1983, pp. 88-89,95-96,106-167,173-125. Joseph Ergas (1688-1730) et son père Manuel étaient deux des rabbins les plus influents de leur temps (R. TOAFF, La nazione ebrea..., op. cit., p. 236).
  • [41]
    ASL, CGA. Atti civili, 365/462; CGA, Atti civili spezzati, 2193/164.
  • [42]
    Dans les premières décennies du XVIIIe siècle, les Silveira comptaient parmi les principales familles juives européennes installées et commerçant à Alep sous protection française : SIMON SCHWARZFUCHS, « La “Nazione Ebrea” livournaise au Levant », Rassegna mensile di Israel, 50,1984, pp. 707-724, ici pp. 709-710. Sur les Silveira de Lisbonne, voir JAMES C. BOYAJIAN, Portuguese Bankers at the Court of Spain, 1626-1650, New Brunswick, Rutgers University Press, 1983, pp. 30-32,117,129, Appendice A-7, et ID., The Portuguese Trade..., op. cit., pp. 14,37-38,117,134,143,215-217 et 256.
  • [43]
    Les deux cent quarante-deux lettres envoyées par les Ergas & Silveira à des marchands chrétiens à Lisbonne sont écrites en italien, tandis que quatre-vingt-six autres, adressées à des marchands hindous de Goa, sont rédigées en portugais.
  • [44]
    Lettres en date du 20 janvier 1713 (ASF, LCF, 1628).
  • [45]
    Sur l’attribution d’un plein statut juridique aux lettres marchandes dans l’Italie médiévale, voir MAURA FORTUNATI, Scrittura e prova. I libri di commercio nel diritto medievale e moderno, Rome, Fondazione Sergio Mochi Onory per la storia del diritto italiano, 1996.
  • [46]
    JOHN J. MC CUSKER et CORA GRAVESTEIJN, The Beginning of Commercial and Financial Journalism : The Commodity Price Currents, Exchange Rate Currents, and Money Currents of Early Modern Europe, Amsterdam, NEHA, 1991. Pour une vue d’ensemble sur le transfert de l’information économique à l’époque moderne, voir PIERRE JEANNIN, « La diffusion de l’information », in S. CAVACIOCCHI (éd.), Fiere e mercati nella integrazione delle economie europee, secc. XIII-XVIII, Florence, Le Monnier, 2001, pp. 231-262.
  • [47]
    La correspondance de la maison Ergas & Silveira ne fait pas mention explicite d’expulsions, mais elle permet d’observer la disparition de certains agents parmi les correspondants; étant donné l’efficacité de ce réseau informel, les cas sont cependant peu nombreux. Sur la confiance dans les pratiques et les discours économiques en Angleterre à l’époque moderne, voir CRAIG MULDREW, The Economy of Obligation : The Culture of Credit and Social Relations in Early Modern England, New York, St. Martin’s Press, 1998, pp. 186-188.
  • [48]
    YOSEF KAPLAN, « The Travels of Portuguese Jews from Amsterdam to the “Lands of Idolatry” (1644-1724) », in ID. (éd.), Jews and Conversos : Studies in Society and the Inquisition, Jérusalem, The Magnes Press, 1985, pp. 197-224.
  • [49]
    CHARLES VERLINDEN, « La colonie italienne de Lisbonne et le développement de l’économie métropolitaine et coloniale portugaise », in Studi in onore di Armando Sapori, Milan, Istituto Editoriale Cisalpino, 1957,2 vols, vol. I, pp. 617-628; VIRG?NIA RAU, « A Family of Italian Merchants in Portugal in the XV th century : The Lomellini », ibid., pp. 717-26, et ID., « Les marchands-banquiers étrangers au Portugal sous le règne de João III (1521-1557) », in M. MOLLAT et P. ADAM (éds), Les aspects internationaux..., op. cit., pp. 295-307.
  • [50]
    Le terme « italien » provient de sources contemporaines. Tous les marchands italiens résidant à Lisbonne étaient priés de rejoindre la confrérie et de lui verser une faible taxe sur leurs importations et leurs exportations; GIULIANA ALBINI, « Per una storia degli italiani in Portogallo : l’archivio “Nossa Senhora do Loreto” », Nuova Rivista Storica, 1982, pp. 142-148. En 1672,97 hommes étaient affiliés à une congrégation italienne; la moitié (49) venaient de Gênes et presque un quart (21) de Florence; Arquivo Paroquial da Igreja de Nossa Senhora do Loreto, Lisbonne [ANSL], Caixa VII, 42.1. En 1719,145 hommes signèrent les nouveaux statuts de la congrégation; ANSL, Caixa XI, 14.
  • [51]
    JACQUES HEERS, « Portugais et Génois au XVe siècle : la rivalité Atlantique-Méditerranée », in Actas do III có loquio internacional de estudos luso-brasileros (Lisboa, 1957), Lisbonne, Imprensa de Coimbra, II, 1960, pp. 138-147 (réimprimé dans ID., Société et économie à Gênes ( XVIe - XVe siècles), Londres, Variorum, 1979).
  • [52]
    Des liens étroits avec Gênes sont mentionnés dans les testaments rédigés à Lisbonne par Bento Ravara (1685), par le marquis Pedro Francisco Ravara (1717), Joseph Ravara (1721) et par Anna Maria Guido, marquise de Ravara (1753) : respectivement dans Arquivos Nacionais Torre do Tombo, Lisbonne [ANTT], Registro Geral de Testamentos, livre 99, ff. 118v-119v; livre 150, ff. 187v-190v; livre 166, ff. 106v-109v; livre 258, ff. 74r-77r.
  • [53]
    Medici & Beroardi furent associés à Lisbonne de 1722 à 1737 dans une affaire commerciale qui, après 1737, passa aux mains de ce dernier. Medici était le frère d’un sénateur florentin et le représentant toscan à Lisbonne où, depuis 1738, il était l’associé de Niccolini : FABRIZIO GHILARDI, « Un diplomatico fiorentino alla corte dei Braganza (1737-1742) », in Toscana e Portogallo. Miscellanea storica nel 650 anniversario dello Studio Generale di Pisa, Pise, Edizioni ETS, 1994, pp. 245-253. Beroardi accumula une grande fortune grâce à ses affaires (ANTT, Registro Geral de Testamentos, livre 244, ff. 1r-15v), ses relations commerciales s’étendant jusqu’au Brésil : voir LU?S LISANTI, Negó cios coloniais : uma correspondência comercial do século XVII, São Paulo, Ministério da Fazenda, 1973, p. CXXXI.
  • [54]
    ANTT, Registro Geral de Testamentos, livre 109, ff. 167r-171r.
  • [55]
    Sur les Saraswat, voir FRANK CONLON, A Caste in a Changing World : The Chitrapur Saraswat Brahmans, 1700-1935, Berkeley, University of California Press, 1977, et MICHAEL N. PEARSON, « Banyas and Brahmins. Their Role in the Portuguese Indian Economy », in ID., Coastal Western India : Studies from the Portuguese Records, New Delhi, Concept Publishing Company, 1981, pp. 93-115. Je remercie Sanjay Subrahmanyam qui m’a aidée à me familiariser avec les noms hindous et la bibliographie en la matière.
  • [56]
    En 1739, durant l’invasion maratha de Goa, Phondu Kamat [Fondu Camotim] était décrit comme le marchand le plus riche de la ville : voir PANDURONGA S. S. PISSURLENCAR, The Portuguese and the Marathas, Bombay, State Board for Literature and Culture, 1975, pp. 277-281, et TEOTONIO R. DE SOUZA, « Mhamai House Records : Indigenous Sources for Indo-Portuguese Historiography », in II Seminá rio Internacional de Histó ria Indo-Portuguesa, Lisbonne, Instituto de Investigação Científica Tropical, 1985, pp. 933-941, surtout pp. 935-936.
  • [57]
    SANJAY SUBRAHMANYAM et CHRISTOPHER ALAN BAYLY, « Portfolio Capitalists and the Political Economy of Early Modern India », in S. SUBRAHMANYAM (éd.), Merchants, Markets and the State in Early Modern India, Delhi-New York, Oxford University Press, 1990, pp. 242-265; IFRAN HABIB, « Merchant Communities in Precolonial India », in J. TRACY (éd.), The Rise of Merchant Empires..., op. cit., pp. 371-399; ASHIN DAS GUPTA, The World of the Indian Ocean Merchant, 1500-1800, New Delhi, Oxford University Press, 2001.
  • [58]
    La législation portugaise instaurant une discrimination à l’encontre des non-chrétiens dans le domaine économique ne fut jamais mise en œuvre. Sur l’activité économique des Camotim/Kamat, voir MICHAEL N. PEARSON, « Indigenous Dominance in a Colonial Economy : The Goa Rendas, 1600-1670 », Mare Luso-Indicum, 2,1972, pp. 61-73; TEOTONIO R. DE SOUZA, « French Slave-Trading in Portuguese Goa (1773-1791) », in ID. (éd.), Essays in Goan History, New Delhi, Concept Publishing Company, 1989, pp. 119-131; CELSA PINTO, Trade and Finance in Portuguese India. A Study of the Portuguese Country Trade, 1770-1840, New Delhi, Concept Publishing Company, 1994, pp. 53-56. Sur leur rôle de traducteurs officiels de l’Estado da ?ndia, voir PANDURONGA S. S. PISSURLENCAR, Agentes de diplomacia portuguesa na ? ndia (Hindus, muçulmanos, judeus e parses), Bastorá-Goa, Tipografia Rangel, 1952, pp. XLIII, LV, LVII; ID. (éd.), Arquivos do Conselho do Estado, Bastorá-Goa, Tipografia Rangel, 1953-1957,5 vols, vol. V, pp. 62,528,536-537,555-557. À la fin du XVIIIe siècle, les Kamat continuèrent le commerce du corail, mais avec un succès mitigé : ERNESTINE CARREIRA, « Marselha e o Oriente Português, o capitão Pierre Blanchard », Revista de cultura (Instituto Cultural de Macau), 14,1991, pp. 181-191.
  • [59]
    En écrivant à Gopala et Fondu Camotim en janvier 1727, la maison Ergas & Silveira se plaignait de ne recevoir de Nillea Camotim, le père de Fondu, ni lettres ni cargaisons. Parallèlement, la maison écrivait à Lazzaro Maria Cambiaso et à Medici & Beroardi, à Lisbonne, pour s’informer de l’opinion que ses amis, récemment revenus de Goa, avaient dudit Nillea (ASF, LCF, 1632).
  • [60]
    À Livourne, entre 1719 et 1721, Abraham Sulema alias Francesco Vais donna procuration à des marchands italiens de Lisbonne (parmi lesquels Tommaso Gaetano Medici, Enea Beroardi et Giambattista Ravara) afin qu’ils pussent recouvrer auprès de la Casa da ? ndia des diamants et d’autres biens envoyés de Goa par les Camotins (ASF, Notarile Moderno. Protocolli, Agostino Frugoni, 24732, ff. 15v-16r, 90v-91r, 141v-143r; 24733, ff. 43v-46v).
  • [61]
    Lorsque, en 1722, le bateau portugais Nossa Senhora do Cabo fut capturé durant son trajet entre Goa et Lisbonne et que les diamants chargés à bord semblèrent perdus, la maison Ergas & Silveira se plaignit de la perte que cela causerait aux Séfarades de Livourne et d’Amsterdam (ASF, LCF, 1631, Lettre à Abraham Lusena de Gênes, 22 avril 1722).
  • [62]
    Amsterdam, Gemeentelijke Archiefdienst, Notariële Archieven, 11291, f. 34; ibid., 2943, f. 34. En 1707, Rachel Mocata, veuve de David Franco Mendes, disposa des diamants qu’elle avait reçus des Camotins de Goa; ibid., 6036, f. 58.
  • [63]
    Ibid., 2943, f. 13.
  • [64]
    En 1728, les associés Medici & Beroardi apparaissent parmi les agents de Benjamin Mendes da Costa, chef de la communauté séfarade de Londres (STEPHEN H. E. FISHER, The Portugal Trade : A Study of Anglo-Portuguese Commerce, 1700-1770, Londres, Methuen, 1971, pp. 55 et 57).
  • [65]
    En 1623, Francesco Morelli et Jacomo Tati, tous deux marchands de Lisbonne, étaient les agents de Felipe Henriques d’Amsterdam (Studia Rosenthaliana, 25-2,1991, pp. 180,184). Dans son testament de 1629, F. Morelli incluait des instructions pour un chargement de corail qu’il avait expédié à Goa et pour quelques échantillons de diamants envoyés à Venise pour y être vendus (ANSL, Caixa, IX, 37).
  • [66]
    En 1757, Saul Bonfil de Livourne chargea Niccolini de Lisbonne de recouvrer des marchandises détenues à Goa par les Camotins (ASF, Notarile moderno. Protocolli, Filippo Gonnella, 27193, ff. 1v-2r).
  • [67]
    FRANCISCO BETHENCOURT, « O Estado da ?ndia », in ID. et K. N. CHAUDHURI (éds), Histó ria da expansã o portuguesa, Lisbonne, Círculo de Leitores, 1998,5 vols, vol. III, pp. 250-269, ici pp. 253-256). Pour plus de détails, voir P. S. S. PISSURLENCAR, The Portuguese and the Marathas..., op. cit.
  • [68]
    ANTT, Chancelaria D. Joã o V, livre 18, ff. 269r-270r; livre 22, ff. 123r-125r; livre 22, ff. 143r-144v.
  • [69]
    MARK GRANOVETTER, « Economic Action and Social Structure : The Problem of Embeddedness », The American Journal of Sociology, 91-3,1985, pp. 481-510.
  • [70]
    Ce sous-groupe de marchands séfarades peut être ajouté à ceux identifiés par JONATHAN I. ISRAEL, Diasporas within a Diaspora : Jews, Crypto-Jews and the World Maritime Empires (1540-1740), Leyde, Brill, 2002.
  • [71]
    En 1729, par exemple, les marchands toscans de Lisbonne refusèrent de payer la taxe que le consul de Gênes voulait lever afin de régler les célébrations en l’honneur du mariage entre l’infante d’Espagne et le prince du Brésil. Ils soutenaient que la taxe servait à financer un événement dans lequel toute la communauté italienne était représentée sous une entité collective et que, à ce titre, elle devait être levée par l’Église et non par un consul (ANSL, Caixa, I, 16).

1Dans un manuel de marchands anglais publié en 1622, Gerard de Malynes se demandait « si un négociant pouvait faire commerce avec les Turcs, les païens, les barbares et les infidèles et accorder foi à leurs promesses [1] ». L’interrogation était purement rhétorique à en juger par l’impressionnante expansion du commerce européen dans le monde au cours du XVIe siècle. En fait, la question n’est pas de savoir si les marchands chrétiens avaient le droit de passer des accords commerciaux avec les membres de communautés perçues comme radicalement autres et, à ce titre, considérées comme indignes de confiance, mais plutôt de comprendre pourquoi et comment tous ces marchands tenaient leurs engagements.

2Durant ces trente dernières années, les anthropologues et les historiens économistes traitant du commerce à longue distance ont de plus en plus exploré cet aspect. Comment des marchands pouvaient-ils bâtir leur réputation, contrôler la loyauté de leurs agents et partenaires dispersés dans des aires géographiques et culturelles très différentes en l’absence de toute contrainte juridique ? La réponse à ces questions fait appel à deux grands types d’approches. Les anthropologues ont généralement insisté sur les éléments socio-culturels (souvent considérés comme naturels et homogènes) assurant la coopération et le contrôle de la réputation entre les membres d’une même communauté marchande, surtout lorsqu’elle était dispersée à travers le monde. En revanche, les historiens de l’économie se sont intéressés à la maîtrise des opérations commerciales à longue distance, considérant qu’elles obéissaient à des comportements rationnels, bien que leur opinion divergeât sur l’importance qu’il convenait d’attribuer aux organisations formelles. Au cours des années 1970, la New Institutional Economic History prétendit que les institutions émanant de l’État jouaient un rôle central dans la réduction de l’incertitude, contribuant au renforcement des droits de propriété et à l’abaissement des coûts de transaction. Les études inspirées par ces idées ont porté sur l’organisation du commerce européen au Moyen  ge et, plus encore, au début des Temps modernes, en retraçant un processus évolutionniste au cours duquel l’expansion européenne contribua à la disparition des colporteurs et des associations marchandes à petite échelle – le plus souvent familiales – pour favoriser, au contraire, le développement d’institutions plus actives telles que les compagnies de commerce anglaises et hollandaises des XVIIe et XVIIIe siècles [2]. Plus récemment est apparue une autre approche qui cherche à comprendre comment les échanges économiques se déroulaient en l’absence de coercition institutionnelle ou militaire et de système de règles communes. En utilisant la théorie des jeux, ses défenseurs ont expliqué que la bonne conduite en affaires résultait d’éléments informels, comme l’amitié, la réputation, le flux d’informations ou les croyances partagées, qui incitaient des individus soucieux de leurs intérêts à se comporter honnêtement [3]. Mais ils soulignent aussi les limites structurelles imposées à ce type de relations qui ne peuvent pas dépasser les frontières communautaires.

3Le présent article porte sur un aspect particulier des relations d’affaires dans le commerce à longue distance, à savoir la création d’échanges commerciaux durables et volontaires entre des communautés marchandes qui ne partageaient pas les mêmes valeurs culturelles ni les mêmes normes sociales et manquaient d’instruments exogènes, qu’ils fussent légaux ou militaires, pour garantir leurs contrats. Ce thème n’a pas reçu, jusqu’ici, une grande attention car il défie nombre de présupposés théoriques et oblige à analyser les relations nouées entre les groupes plutôt que celles établies à l’intérieur d’une même communauté. Les chercheurs en sciences sociales, en effet, qu’ils examinent les déterminants socio-culturels ou économiques des formes de coopération, tendent à se concentrer sur les solidarités internes d’une communauté particulière. En dépit d’un intérêt grandissant pour les diasporas commerçantes et les réseaux marchands, les historiens ont peu contribué à enrichir notre connaissance sur la coopération entre groupes hétérogènes de négociants. L’objectif est, ici, de montrer comment l’approche réticulaire peut contribuer à préciser l’histoire des échanges interculturels au début de l’époque moderne [4].

4« Interculturel ». L’adjectif pose un problème parce qu’il sous-entend l’existence de frontières plus ou moins nettes entre « cultures », au risque d’occulter les différences et les conflits internes et d’imposer une permanence dans le temps [5]. À défaut d’un meilleur terme, l’expression « échange interculturel » recouvre les transactions entre des communautés marchandes d’ethnie, de religion, de nationalité et d’origine géographique diverses, en particulier lorsqu’elles apparaissent en dehors de cadres institutionnels communs. Elles peuvent être qualifiées d’« échanges interculturels horizontaux », dans la mesure où cette expression ne désigne pas la relation établie entre un groupe minoritaire et la société dominante, mais bien l’existence de réseaux informels entre différentes communautés. Envisager les échanges interculturels à la lumière du concept de réseau présente au moins trois avantages qu’il importe de souligner.

5Tout d’abord, il permet d’appréhender les relations entre groupes comme un processus dynamique. Si les sociétés modernes étaient fortement hiérarchisées, les définitions des statuts n’étaient pas pour autant rigides. De surcroît, l’éloignement géographique aussi bien que culturel rendait nécessaire le recours à des médiateurs spécialisés. L’approche réticulaire entend partir de ce processus d’interaction pour définir les groupes et le rôle des agents qui les mettent en relation. Elle n’envisage donc les identités collectives ni comme des représentations en mouvement perpétuel ni comme des données invariables. La distance exigeait que les partenaires commerciaux établissent une forme commune d’accord – même réduite aux termes de la transaction –, sans entraîner nécessairement de colonisation ou d’assimilation. Dès lors que ces échanges interculturels horizontaux sont interprétés comme le fruit d’un réseau de communautés, il devient possible de montrer comment la confiance et la réputation fonctionnent à travers ce que nous percevons comme des « groupes naturels » et de saisir la tension entre des spécificités culturelles et des processus d’interaction. Une approche réticulaire permet ensuite de contourner l’opposition admise entre l’individu et le groupe, ou entre une conception néoclassique de l’intérêt individuel, qui agit en fonction seulement de ce qui lui est économiquement avantageux, et une notion essentialiste des groupes ethniques et culturels, que présupposent souvent les études sur les diasporas commerçantes. Un réseau est, en réalité, constitué d’individus, mais il est aussi davantage que la somme de ceux qui le composent. De ce simple constat découle une conception qui doit faire place à des mécanismes sociaux pour expliquer les comportements individuels et collectifs [6]. L’analyse des différents éléments qui entrent en ligne de compte dans les stratégies des acteurs rend plus complexe notre compréhension de l’interaction entre culture et économie. Enfin, l’approche réticulaire relève nécessairement d’une analyse micro. Appliquée à l’étude du commerce entre l’Europe et l’Asie, elle revient à examiner le fonctionnement de réseaux marchands qui assuraient les transactions et les circuits de crédit. La microanalyse des échanges interculturels, qui allaient au-delà des distinctions communément admises entre aires périphériques, semi-périphériques et centrales, porte sur des secteurs du négoce à la fois exceptionnels et ordinaires sans avoir à tenir compte des frontières géographiques et politiques [7].

6Cet article cherche à évaluer la validité d’une approche réticulaire sur une étude de cas, le commerce du corail méditerranéen et des diamants indiens, en plein essor aux XVIIe et XVIIIe siècles, tout particulièrement à travers la branche indo-portugaise. Ce trafic intercontinental s’est en effet organisé sans l’aide d’aucune autorité centrale, mais grâce à un réseau informel de communautés de marchands d’origines ethniques et religieuses diverses. L’enjeu est de montrer comment les Juifs séfarades de Livourne ont mené ce commerce grâce aux relations qu’ils entretenaient, d’une part, avec les Italiens de Lisbonne, qui jouèrent le rôle d’intermédiaires au Portugal où les Juifs n’avaient le droit ni de résider ni de commercer, et, d’autre part, avec les marchands hindous de Goa, qui leur procuraient les diamants bruts destinés au marché européen. Les relations entre les différents groupes étaient limitées à l’échange de ces produits, sans autre interaction sociale directe. Ces échanges économiques étaient toutefois rendus possibles grâce à un système commun de réciprocité et de contrôle. C’est pourquoi il convient de qualifier ces relations d’affaires d’« interculturelles », puisque la recherche du profit était indissociable du développement d’une logique marchande commune.

Diasporas d’affaires et réseaux marchands : un regard critique

7Faut-il distinguer diasporas et réseaux marchands, alors qu’il n’existe pas de frontière précise entre les deux termes et qu’il est difficile de classer les phénomènes observés sous une seule rubrique ? On observe que les anthropologues, les socio-logues et les chercheurs en théorie socio-culturelle ont une préférence pour le terme diaspora, tandis que les historiens économistes emploient généralement le mot réseau. L’expression « diaspora marchande » postule implicitement que l’action économique est enchâssée dans des normes sociales et culturelles. À l’inverse, les réseaux commerciaux ou marchands présupposent généralement une rationalité économique [8]. Les historiens ont longtemps préféré parler de « communautés marchandes », pour être fidèles à la notion ancienne d’entité collective. C’est par exemple le cas dans les travaux traitant de la présence de « nations » étrangères dans les villes marchandes de l’Europe médiévale et moderne [9]. Les historiens portent, aujourd’hui, un intérêt croissant aux questions relatives au commerce à longue distance qui ont été formulées par d’autres disciplines et dont ils s’inspirent pour définir leurs propres concepts.

8La notion de « diaspora commerçante » fut placée au rang de catégorie analytique par l’anthropologue Abner Cohen à la fin des années 1960. Il suggéra de l’utiliser à la place de « réseau », qui renvoie à des phénomènes sociologiques différents. A. Cohen voyait dans la diaspora un groupe ethnique formé par des communautés vivant dans des lieux dispersés, mais fortement interdépendantes, et définissait leur appartenance et leur sphère d’opérations en termes d’exclusivité [10]. Cette approche fut reprise, au début des années 1980, par Philip D. Curtin, qui entreprit l’étude la plus systématique jamais réalisée sur les diasporas d’affaires, rassemblant une impressionnante variété d’exemples à travers tous les continents et de l’Antiquité au milieu du XVIIIe siècle [11].

9Les protagonistes du livre de Curtin sont définis comme des « communautés de marchands vivant dispersées parmi des étrangers et associées en réseaux alliés » [12]. L’objet de son enquête est d’étudier les relations établies par ces communautés de marchands étrangers avec leur société d’accueil. Leur installation favorisait les échanges interculturels dans la mesure où ils pouvaient servir d’intermédiaires et d’agents de médiation sociale et économique. Toutefois, sa définition des échanges interculturels en termes de jeu de relations entre une minorité formée par la diaspora et la majorité autochtone est réductrice. Elle repose sur l’idée d’une délimitation stricte entre cultures et d’une inévitable assimilation. L’auteur soutient que le processus d’adaptation, d’apprentissage, de médiation et de négociation dans lequel ces diasporas commerçantes étaient engagées menait plus ou moins vite à leur assimilation et à leur disparition [13].

10Ce modèle est-il universel ? Est-il parfaitement adapté à un monde dans lequel les hiérarchies et les identités collectives étaient en grande partie définies par des cadres normatifs ? Même un lecteur bienveillant serait surpris de découvrir que les Juifs – l’une des diasporas d’affaires les plus dynamiques de l’époque médiévale et des Temps modernes, et aussi l’une des plus étudiées – ne sont pas inclus dans la vaste synthèse de Curtin. Les prendre en compte aurait compliqué son modèle pour la seule raison que, dans l’Europe chrétienne et le monde musulman, ils restèrent pendant des siècles une minorité étrangère, vivant à part. À la place, il consacre un chapitre d’un grand intérêt à la diaspora arménienne au XVIIe siècle. Les similitudes entre Juifs et Arméniens sont, de fait, aussi frappantes que les différences. Au XVIIe siècle, les marchands arméniens étaient présents dans les mêmes zones géographiques et les mêmes branches d’activités que les marchands séfarades, mais ces derniers formaient des communautés (souvent importantes) dont les conditions d’existence étaient définies par un ensemble d’obligations et de privilèges. La diaspora arménienne en Europe, au contraire, était composée, pour l’essentiel, de chrétiens, ce qui explique leur plus grande propension à s’assimiler et leur position particulière par rapport aux autorités politiques. Une comparaison aussi sommaire entre les diasporas arménienne et séfarade suffit à mettre en lumière les limites de la position de Curtin sur les échanges interculturels, appréhendés comme une relation entre une diaspora minoritaire et une société dominante. De cette façon, ces échanges pouvaient aussi se développer de manière horizontale, favorisant les relations économiques entre des communautés marchandes distinctes sur le plan culturel, ethnique et national sans pour autant entraîner un processus d’assimilation.

11Pointant les solidarités internes au groupe, P. D. Curtin laisse peu de place aux mécanismes qui permettent aux échanges interculturels de fonctionner. Son analyse suppose que les membres d’un groupe ethnique et religieux homogène, vivant de manière dispersée, ont naturellement tendance à coopérer entre eux. Cette hypothèse, bien que fondée empiriquement, est impropre à expliquer les réseaux interculturels constitués de communautés hétérogènes. Ce présupposé est commun à toutes les sciences sociales, y compris aux récents courants de la théorie économique, qui accordent de l’importance aux éléments informels (l’engagement, la confiance, la réputation, l’échange d’informations) mais limitent l’analyse à la coopération existant à l’intérieur du groupe [14].

12Les historiens économistes ont, pour leur part, porté une attention grandissante aux réseaux marchands, en particulier à l’importance des relations contractuelles dans le commerce à longue distance pour les époques caractérisées par de médiocres moyens de communication et une grande insécurité. Kirti N. Chaudhuri, qui refuse toute valeur épistémologique au concept de « diaspora d’affaires », soutient que « les caractères généraux du comportement des hommes » (c’est-à-dire la rationalité économique), plus que leur dispersion spatiale, leur interdépendance sociale et leur organisation informelle, rendent compte des réseaux commerciaux des Juifs, des Arméniens et d’autres groupes actifs dans l’océan Indien à l’époque moderne [15]. Cette position, selon laquelle les intérêts individuels ne sont pas influencés par leur environnement social, a été nuancée par des historiens économistes intéressés par le rapport existant entre les réseaux personnels et le mode d’organisation des affaires. Une littérature économique de plus en plus abondante attire l’attention non sur l’effet des systèmes juridiques et de la construction de l’État dans le développement économique, mais sur les « institutions hors-marché qui permettent à l’échange politique ou économique d’être auto-exécutoire sans s’appuyer sur l’État » [16].

13Les Juifs maghrébins des XIe et XIIe siècles étaient très actifs dans les trafics méditerranéens, et leurs relations d’affaires étaient gouvernées par différents types d’accords contractuels : associations, agences, prêts ou contrats similaires à la commenda italienne. Mais, le plus souvent, ils pratiquaient le commerce à longue distance hors de toute association commerciale structurée : il s’agissait d’un échange de services entre coreligionnaires à l’exclusion de toute rémunération monétaire [17]. Pour Avner Greif, recourant à la théorie des jeux pour analyser l’organisation des Juifs du Maghreb au Moyen  ge, la confiance qui régnait entre ces marchands n’était pas motivée par un système de sanctions sociales ou morales, mais était la conséquence de mécanismes de contrôle de la réputation établis entre des individus mus par leur intérêt propre et la perspective de gains matériels [18].

14L’armature théorique bâtie par A. Greif favorise un rapprochement entre les concepts de communauté et de marché, mais ne les assimile pas. Elle s’intéresse seulement aux relations internes au groupe et retrace l’évolution historique au terme de laquelle les institutions de marché formelles (donc modernes) se seraient substituées à d’autres, informelles (c’est-à-dire traditionnelles). Alors que S. D. Goiten fait état d’un exceptionnel degré de coopération entre des groupes appartenant à des religions différentes [19], A. Greif observe que les marchands maghrébins ne s’associaient pas à d’autres Juifs ou à des musulmans exerçant dans la même zone, pour en conclure que les frontières des coalitions marchandes étaient fermées. Dans ce modèle, des coalitions fermées ne peuvent être supplantées que par l’émergence d’institutions formelles. En fait, A. Greif oppose deux types de sociétés : l’une communautaire, l’autre individualiste. La première est marquée par la ségrégation, ce qui signifie que les échanges internes au groupe sont le fait de mécanismes informels, alors que ceux établis entre des groupes différents ne reposent pas sur la coopération; la seconde est, au contraire, caractérisée par une forte intégration dans le sens où les institutions formelles (telles que les tribunaux) permettent aux membres des différents groupes de conclure des transactions. Dans cette perspective, les sociétés individualistes (et contractuelles) représentent la modernité [20].

15La complexité historique échappe à des dichotomies aussi rigides. L’existence de réseaux informels et durables où s’entrelacent plusieurs groupes en apporte la preuve. En effet, ces réseaux étaient fermés dans la mesure où ils étaient limités à des communautés fort actives, mais, dans le même temps, les mécanismes qui fondaient la réputation traversaient les barrières culturelles. Par exemple, le rôle économique des Juifs dans l’Europe moderne dépendait largement de leur possibilité d’établir des échanges informels d’une culture à l’autre. Leurs activités ne résultaient ni des seules pratiques de coopération interne au groupe ni uniquement de l’accord des institutions formelles qui leur imposaient des interdits.

16Les historiens, plus influencés par l’œuvre de Curtin que par les travaux récents d’économistes, ont porté une attention de plus en plus grande aux diasporas d’affaires et aux réseaux commerciaux. De nombreuses recherches ont mis en relief le rôle de communautés locales de marchands dans l’économie internationale et l’entrelacement de facteurs culturels, religieux, politiques et économiques dans la construction de leur identité. Toutefois, comme les anthropologues et les économistes, ils se sont surtout préoccupés de l’organisation interne de groupes homogènes et de leurs relations avec la société environnante [21]. Les historiens, cependant, sont enclins à employer le terme de réseau, à cause de sa capacité d’inscrire tout phénomène à l’intérieur d’une pluralité de liens. L’objectif est plutôt, ici, de montrer le gain que l’on peut tirer de l’emploi de la Network analysis pour l’étude des échanges interculturels [22]. Les historiens ont appliqué ses propositions aux travaux portant sur les relations de parenté et sur la répartition des rôles sociaux entre les sexes, sur les systèmes de patronage et de clientèle politiques, sur l’accès au marché du travail, sur la stratification sociale et professionnelle et sur les flux d’informations, mais pas suffisamment sur l’organisation des affaires [23].

17Pour les historiens de la société et de l’économie, l’approche réticulaire peut réduire l’écart entre le concept de diaspora, qui privilégie les aspects culturels et normatifs, et les modèles économiques, qui présupposent l’existence d’individus isolés guidés par l’intérêt personnel [24]. Elle permet, de plus, d’envisager la construction des identités individuelles et collectives. Cet aspect a été mis en œuvre par Fredrik Barth qui s’inspire en partie des analyses de réseaux et insiste non pas sur la constitution interne des groupes ethniques mais sur leurs frontières, sur les contacts culturels et sur les variations, dessinant ainsi un « modèle génératif » des cultures et des identités collectives. F. Barth montre aussi que des rapports étroits entre différents groupes ethniques n’entament pas les frontières qui les séparent, ce qui expliquerait pourquoi des relations stables et durables ont pu s’établir audelà des barrières sociales et pourquoi elles sont souvent fondées sur des identités ethniques très clairement différenciées d’un groupe à l’autre [25]. Ses travaux aident à repenser les réseaux interculturels à l’époque moderne, quand les identités collectives étaient moins sujettes à l’assimilation et au métissage qu’elles ne le sont aujourd’hui. Elles permettent d’observer le lien entre séparation ethnique et interdépendance économique dans le commerce à longue distance et les espaces que les différents groupes façonnent en contrôlant les flux d’informations (à la fois ressources économiques et formes de contrôle social).

18L’étude de cas qui suit traite de la constitution des mécanismes de réciprocité et des formes de contrôle de la réputation qui pénètrent les frontières ethniques et religieuses même en l’absence d’une commune autorité souveraine de tutelle. Le commerce du corail et des diamants entre l’Europe et l’Inde échappait au monopole des grandes compagnies européennes pour rester entre les mains de marchands privés et de diasporas d’affaires. Certes, ces négociants n’étaient plus en mesure d’organiser leurs transactions sans l’armature institutionnelle et les infrastructures navales des puissances européennes. Pourtant, les supports institutionnels ne jouaient aucun rôle dans la consolidation des liens entre Séfarades de Livourne, Italiens de Lisbonne et hindous de Goa. Dans la mesure où leurs pratiques frauduleuses n’étaient pas poursuivies en justice, seule une approche réticulaire peut éclairer les mécanismes informels de coopération entre ces différents groupes.

Un réseau interculturel : le commerce du corail et des diamants

19À l’époque moderne, le trafic du corail méditerranéen et des diamants indiens comptait pour beaucoup dans le commerce entre l’Europe et l’Asie du Sud. Jusqu’en 1728 – date à laquelle la première cargaison de diamants brésiliens fut débarquée à Lisbonne –, le royaume de Golconda, en Inde méridionale, constituait la plus grande réserve de diamants bruts au monde. En retour, le corail rouge méditerranéen était très prisé dans le sous-continent indien. C’était un des rares produits européens exportés en Inde, généralement échangé contre des diamants et autres pierres précieuses.

20Après avoir passé le cap de Bonne-Espérance, les Portugais, au XVIe siècle, furent les maîtres de ce trafic [26]. Puis, à l’heure de leur déclin dans l’océan Indien, les Anglais s’investirent de plus en plus dans le commerce du corail et des diamants, car ils accordaient une plus grande place aux échanges privés que les Hollandais [27]. Grâce à une série de décrets pris par la East India Company et le Parlement entre 1664 et 1732, ils libéralisèrent progressivement cette activité : d’abord par le système des « privilèges », qui autorisait les officiers de marine à acheter, hors du monopole de la compagnie, une part limitée des biens destinés à l’Europe (excepté le poivre et le calicot) et à les transporter à bord; ensuite, en abaissant les droits de douane sur le corail et les diamants; et, finalement, en levant toutes les limitations mises à leurs importations et exportations [28]. Ces mesures avaient été inspirées par l’impossibilité de veiller au respect du monopole tant il était facile de dissimuler les pierres précieuses. Ces dispositions permirent aux marchands particuliers de prendre l’avantage sur la Compagnie anglaise des Indes orientales.

21Les Juifs d’Europe jouaient, depuis le Moyen  ge, un rôle actif dans le commerce et le travail des pierres précieuses. Les Portugais qui avaient fui la péninsule Ibérique au XVIe siècle exportèrent la tradition de la taille du diamant à Anvers, Venise et, plus tard, à Amsterdam [29]. Au cours du siècle suivant, ces Juifs furent de plus en plus présents dans le commerce du corail et du diamant avec l’Inde [30]. Si la dispersion géographique leur conférait un avantage sur leurs concurrents, cette branche d’activité favorisa aussi leur migration. Ainsi, aux XVIIe et XVIIIe siècles, les grands foyers séfarades de l’Europe chrétienne coïncidaient avec les places où se négociaient ces marchandises : Livourne était le centre du commerce et du travail du corail [31]; Amsterdam demeura durant toute cette période la place principale de la taille et du polissage des diamants [32]; et, lorsque le marché mondial du diamant brut se déplaça à Londres, à la fin du XVIIe siècle, la capitale anglaise attira un nombre croissant d’hommes d’affaires séfarades [33]. Le renforcement de la prépondérance anglaise sur le commerce eurasiatique eut également des effets sur le commerce du corail et du diamant : le corail rouge était toujours exporté depuis Livourne, tandis que Madras, tenue par les Anglais, supplantait lentement Goa en tant que principal fournisseur indien de diamant brut [34]. Néanmoins, tout au long du XVIIIe siècle et particulièrement jusqu’aux années 1730 (quand les Anglais levèrent toutes les restrictions sur le commerce du diamant), les Séfarades de Livourne poursuivirent les échanges grâce au soutien de la filière indo-portugaise, expédiant le corail à Goa en passant par Lisbonne; ainsi est attestée la persistance d’un réseau pluri-religieux, multi-ethnique et intercontinental. Leurs correspondants à Lisbonne étaient membres de la communauté italienne (c’est-à-dire catholiques) et leurs agents à Goa des brahmanes issus d’une importante caste hindoue de la région, les Saraswat.

22La remarquable étendue géographique et la diversité des communautés marchandes impliquées dans ces échanges soulèvent de nombreuses questions : comment une association aussi informelle parvenait-elle à fonctionner ? Comment les acteurs pouvaient-ils sélectionner leurs correspondants, s’assurer de la bonne exécution de leurs ordres et sanctionner, le cas échant, la conduite malhonnête d’un agent en terre lointaine ? Pour qu’un tel réseau se révélât efficace, il fallait que les liens qui unissaient ses membres fussent intenses et durables. Malgré l’absence d’instruments juridiques pour garantir leurs contrats, des formes de solidarité et de contrôle de la réputation pouvaient se développer entre des aires géographiques et des communautés différentes, et l’information concernant l’inconduite d’un membre se propageait facilement dans tout le réseau. La cohésion interne de chaque communauté marchande impliquée dans le réseau prévenait les manquements individuels, qui auraient entraîné des conséquences négatives pour le groupe dans son ensemble. La communauté juive de la diaspora semble avoir été particulièrement attentive à la conduite de ses membres : partout où elles avaient atteint une organisation formelle, les cours rabbiniques et laïques étaient capables d’imposer des sanctions administratives, juridiques et religieuses, et les confraternités pouvaient exercer des pressions – telle l’excommunication (herem) – non seulement sur les dissidents religieux, mais aussi sur des membres accusés d’autres transgressions, par exemple, la spéculation sur le cours des changes ou la hausse des polices d’assurance en fonction du climat politique [35]. Pour un groupe minoritaire, la cohésion interne et la crédibilité constituaient un capital indispensable. Une grande part du succès des Séfarades venait de leur capacité à assurer, d’une région à l’autre, des comportements conformes aux règlements qu’ils avaient édictés.

23La maison Ergas & Silveira comptait parmi les marchands les plus importants de Livourne dans la première partie du XVIIIe siècle [36]. Les Ergas faisaient partie des familles séfarades qui s’étaient exilées à Pise à la fin du XVIe siècle; comme beaucoup d’autres émigrants ibériques, ils gagnèrent rapidement Livourne afin de profiter des opportunités commerciales plus grandes offertes par cette ville [37]. Dans l’Italie de la Contre-Réforme, Livourne était une oasis offrant aux Juifs des droits sans précédent [38]. Le port devint non seulement le refuge d’une communauté juive florissante, mais aussi la base des opérations anglaises et hollandaises en Méditerranée [39]. Au milieu du XVIIe siècle, la famille Ergas comptait en son sein les marchands et les financiers les plus prospères de la cité toscane, ainsi que des rabbins et des intellectuels éminents [40]. Après la banqueroute de Abraham, Isaac et Abraham Ergas en 1684 [41], une branche de la famille s’associa avec les Silveira, qui descendaient d’un important clan marchand de Lisbonne installé à Madrid dans les années 1630, puis à Amsterdam et au Levant. Ces deux familles scellèrent de nombreux mariages et fondèrent une maison commerciale, basée à la fois à Livourne et à Alep, dont les activités allaient des échanges régionaux au commerce à longue distance (expéditions du Levant vers le nord de l’Europe, importation de produits coloniaux des Amériques et exportation de textiles toscans), de l’assurance maritime au courtage et au change [42]. Ergas & Silveira occupait une position de premier plan dans le commerce du corail et du diamant, assuré principalement via Lisbonne et Goa. À partir de leurs registres, il est possible de reconstituer un vaste réseau interculturel.

24La correspondance de la maison Ergas & Silveira montre que pendant plus de trente ans, de 1710 à 1741, elle s’appuya sur un réseau préexistant de marchands italiens à Lisbonne et d’agents hindous à Goa [43]. Ainsi, vers la fin de la guerre de Succession d’Espagne, la société expédiait cinq colis de corail manufacturé à Barducci, Giudici et Perini, marchands italiens de Lisbonne. Cette association leur avait été recommandée par leurs cousins Abraham, Manuel de Mora, alias Bonaventura, et Lopes de Morales, eux aussi Séfarades de Livourne. Dans la lettre qui accompagnait les colis, Ergas & Silveira leur demandaient de les placer à bord d’un navire en partance de la carreira da ?ndia afin qu’ils fussent livrés à Gopala et Nillea Camotim, à Goa. Dans une seconde lettre, ils invitaient ces derniers à renvoyer, en retour, à Lisbonne des diamants ou, à défaut, des tissus de la meilleure qualité possible; Barducci, Giudici et Perini s’assureraient de l’arrivée des diamants et autres marchandises à Livourne [44]. Ces deux courriers démontrent toute l’efficacité d’un système fondé sur la réputation. Dans celui adressé à Barducci, Giudici et Perini, Ergas & Silveira se recommandaient de proches parents, connus dans le commerce portugais et qui acceptaient de garantir l’honnêteté de leur conduite et leur compétence en affaires. Les marchands italiens, en échange, garantissaient à Ergas & Silveira de bonnes relations avec les Camotins (forme portugaise de Kamat) de Goa. L’entrée dans un réseau interculturel était donc rendue possible par le tissu de contrôle réciproque entre relations, amis et agents, où les lettres d’affaires jouaient le rôle de véritables procurations dans les transactions à très longues distances et sans possibilité d’accès aux notaires locaux [45].

25Malgré l’apparition, à partir de la fin du XVIe siècle, de publications économiques périodiques, allant du simple feuillet (listes de prix locaux, des taux de change, du cours des valeurs des actions) aux gazettes et almanachs [46], les lettres d’affaires ne furent pas remplacées par un autre support. Elles apportaient aux marchands des informations sur les conditions économiques et la situation politique locales et, plus encore, remplissaient des fonctions que les sources publiques n’étaient pas en mesure de satisfaire. Si les gazettes et les feuilles volantes pouvaient se faire l’écho de la faillite d’une grande maison, seule la correspondance marchande était susceptible de diffuser des informations sur l’activité de petits négociants. Elle permettait à de nouveaux agents d’être introduits dans le cercle des affaires, mais contribuait aussi à en exclure ceux que l’on jugeait indignes d’y figurer en raison de leur réputation douteuse [47]. Dans le cas présent, elle garantissait le secret indispensable au négoce des pierres précieuses. Enfin et surtout, pour une diaspora d’affaires comme celles des Séfarades, elle présentait le grand avantage de maintenir en contact des membres dispersés, tout en élargissant le réseau dans lequel ils évoluaient et en offrant une large gamme de services à des tiers.

26Après l’instauration de l’Inquisition portugaise en 1536, il devint très dangereux pour les Juifs exilés de s’appuyer sur des nouveaux-chrétiens, parents ou agents, dans leur négoce avec le Portugal. Le seul fait de se rendre dans la péninsule Ibérique, « terre d’idolâtrie », était regardé avec suspicion par certaines communautés juives de la diaspora [48]. Aussi les marchands séfarades durent-ils souvent avoir recours à des intermédiaires pour continuer de commercer avec le monde ibérique. Ils s’assurèrent les services de marchands et de financiers italiens résidant à Lisbonne, en particulier pour ce qui concernait leurs affaires en Méditerranée. Ceux-ci, après avoir contribué à l’expansion maritime portugaise, au début du XVIe siècle, furent rapidement remplacés par leurs concurrents flamands et allemands [49]. Néanmoins, des familles marchandes italiennes, pour l’essentiel génoises et florentines, continuaient de jouir d’une certaine position dans la capitale portugaise où elles s’étaient regroupées autour de l’église et de la confrérie de Nossa Senhora do Loreto. Quoique bien intégrées à la société locale, les Italiens de Lisbonne conservèrent leur identité propre même après le déclin de leur prospérité [50]. Certains d’entre eux, au même titre que d’autres étrangers, avaient obtenu leur naturalisation grâce à leur mariage avec des Portugais ou par privilège royal; quelques-uns avaient pu gagner les rangs de la noblesse locale en entrant dans les ordres religieux. Les plus influents d’entre eux investirent dans la dette publique portugaise et dans des compagnies marchandes (comme la Compania Geral do Grã o Pará e Maranhao). Dans la plupart des cas, les liens avec leur nation d’origine ne s’étaient pas pour autant distendus, même si d’aucuns affirment que, vers le XVe siècle, les Italiens de Lisbonne s’étaient déjà assimilés à la société autochtone [51]. Ils assurèrent, bien au contraire, leur prospérité en jouant le rôle d’intermédiaires entre le Portugal et la péninsule italienne.

27Au Moyen  ge, Génois, Florentins et Vénitiens installés à Lisbonne étaient essentiellement les partenaires et les agents de maisons italiennes. Dès le début du XVIIe siècle, les marchands italiens de Lisbonne comptaient parmi leurs correspondants des Juifs séfarades installés dans des cités portuaires italiennes, en particulier à Livourne et Venise. L’arrivée de cette nouvelle génération d’agents est intéressante à double titre : elle témoigne, d’abord, de l’habileté des marchands italiens à s’adapter aux changements intervenus dans l’économie méditerranéenne; elle permet de démontrer, ensuite, l’existence et la fonction de réseaux commerciaux tissés entre milieux culturels différents. Dans ses échanges commerciaux avec Goa, la maison Ergas & Silveira était en relation avec ces marchands d’origine génoise et florentine, voire, plus rarement, avec les résidents hollandais ou français de Lisbonne. La famille génoise Ravara, implantée au Portugal dans la première moitié du XVIIIe siècle, commerçait de Lisbonne à Gênes, tout en offrant ses services aux Juifs sépharades de Livourne [52]. Les Florentins Girolamo Paolo Medici et Enea Beroardi [53], ainsi que les frères Antonio et Bartolomeo Manzoni [54], faisaient de même avec leur terre d’origine, Milan.

28Dans la capitale de l’Estado da ? ndia, les correspondants de Ergas & Silveira étaient membres de la caste Saraswat [55], économiquement influente en Inde occidentale, surtout après la fuite des nouveaux-chrétiens, victimes de persécutions dans les années 1620. Au début du XVIIIe siècle, on comptait parmi les Saraswat les Camotins, sans doute la plus riche famille de Goa [56]. Bien que les marchands hindous aient laissé peu d’archives, on sait qu’ils intervenaient dans toutes sortes d’affaires car leur compétence professionnelle était hautement appréciée des souverains locaux et des correspondants étrangers [57]. Les Camotins se rendirent indispensables aux souverains de Goa et aux marchands européens en qualité de traducteurs, de fournisseurs, de collecteurs d’impôts, d’armateurs et de courtiers [58]. Ils formaient, comme en témoignent les lettres de la maison Ergas & Silveira, un clan uni, soucieux de la situation de chacun de ses membres et attentif à la bonne exécution des ordres [59]. Ils approvisionnaient les Ergas & Silveira, ainsi que de nombreux autres Juifs portugais de Livourne en diamants indiens, rubis, coton et, occasionnellement, en marchandises locales diverses (indigo, laque, poivre et autres épices) [60].

29Ce commerce était continuellement menacé par la concurrence et par les risques inhérents au grand nombre d’intermédiaires. De surcroît, il reposait entièrement sur la confiance réciproque et non sur des règles établies. Le prix du corail méditerranéen expédié par les Juifs de Livourne à Goa était soumis aux conditions du marché local et à l’évaluation des Camotins. À plusieurs reprises, Ergas & Silveira menaçèrent leurs correspondants d’interrompre les envois afin de faire pression sur eux. Le déclin de la position de Goa dans le commerce entre l’Europe et l’Asie ainsi que l’émergence de Madras comme fournisseur de diamants indiens ont assurément affaibli le réseau tissé entre Livourne et Lisbonne. Mais le glissement du trafic de la route Lisbonne/Goa au profit de celle reliant Londres à Madras s’opéra sur plusieurs décennies, entre la fin du XVIIe siècle et les années 1740, et les Séfarades engagés dans ce commerce considéraient qu’ils appartenaient à un réseau aux multiples connexions. Ceci est particulièrement visible en ce qui concerne l’axe Livourne-Amsterdam.

30Les Juifs d’Amsterdam recouraient eux aussi aux agents des Juifs de Livourne à Lisbonne et Goa [61]. En 1706, les Camotins envoyèrent, de Goa à Amsterdam, des diamants destinés à Antonio Gabriel Nunes; puis en 1727, d’autres à Jacob, le fils de Moses Pereira [62]. Pour obtenir les diamants de Goa, les Juifs hollandais employaient également des intermédiaires italiens. En 1704, Gaspar et Manuel Mendes d’Amsterdam donnèrent procuration à Antonio Manzoni de Lisbonne, le chargeant de réclamer les pierres à la Casa da ? ndia pour les expédier à Amsterdam [63]. Les Italiens de Lisbonne servaient également, de façon occasionnelle, d’intermédiaires aux Juifs de Londres [64]. Dans ce réseau interculturel qui incluait Italiens et hindous, les liens au sein de la diaspora séfarade étaient un facteur de cohésion essentiel. De plus, le temps jouait en faveur de la consolidation du réseau. Les registres notariés d’Amsterdam attestent que les Séfarades de cette ville avaient établi des relations avec des Italiens de Lisbonne au moins depuis les années 1620 [65], et les archives notariales de Livourne prouvent que ce réseau existait encore en 1750 [66].

31Fondé sur une forte et pérenne interdépendance, un tel réseau pouvait également réaliser d’autres transactions. Après la conquête par les Marathes des provinces septentrionales de ses possessions indiennes (1736-1740) [67], la monarchie portugaise sollicita auprès des banquiers séfarades un prêt d’environ 90 millions de reis (l’équivalent de 450 000 livres tournois) pour financer sa contre-offensive militaire. Les bons d’État qui furent émis se référaient à « l’argent qui a été emprunté aux marchands du Royaume du Portugal, de Livourne et d’Amsterdam », ce qui fait clairement allusion aux nouveaux-chrétiens portugais et aux Juifs. Mais l’identité de ces banquiers devait demeurer secrète pour les protéger de l’Inquisition et l’argent être mis à disposition à Goa. Une nouvelle fois, les Italiens de Lisbonne et les Camotins de Goa servaient de relais à la diaspora séfarade. En 1742, des marchands italiens, tels que Giovanni Battista Ravara, Enea Beroardi, Lazzaro et Gianandrea Cambiaso – tous membres éminents de la communauté italienne de Lisbonne et correspondants des Ergas & Silveira – achetèrent les bons d’État, agissant ainsi comme intermédiaires pour le remboursement de la dette à Lisbonne [68].

32Dans les années 1740, le réseau constitué de Séfarades européens, d’Italiens de Lisbonne et d’hindous de Goa, engagés dans le commerce du corail et du diamant, reposait sur des relations assez stables et anciennes pour servir de support à une grande variété de transactions. Tous ces éléments autorisent à le définir comme un « réseau marchand interculturel ». En retour, ce réseau informel, qui se déployait sur plusieurs continents et embrassait des communautés marchandes d’origines ethnique et religieuse très différentes, incite à remettre en cause plusieurs hypothèses formulées au sujet des diasporas commerçantes. Les échanges du corail méditerranéen et du diamant indien durant les XVIIe et XVIIIe siècles montrent que la solidarité mutuelle fonctionnait par delà les frontières « naturelles » entre groupes religieux et ethniques, dès lors que chaque groupe surveillait ses membres et que les relations étaient assez étroites et durables pour instaurer des obligations réciproques et un contrôle de la réputation. Afin de saisir ces mécanismes informels d’échanges interculturels, l’analyse de réseau présente le grand avantage de dépasser l’opposition entre une approche qui prête trop d’importance aux déterminants sociaux des comportements individuels, et une autre qui n’en accorde pas assez [69]. Au lieu d’invoquer la moralité, l’opportunisme ou les arrangements institutionnels, elle permet d’expliquer en quoi un comportement loyal en affaires résultait à la fois de l’intérêt personnel et de mécanismes collectifs qui fonctionnaient car ils étaient mis en œuvre dans des « réseaux communautaires » plutôt qu’individuels et parce qu’ils faisaient reposer la coercition sur l’interaction sociale elle-même. En l’absence d’une autorité centrale, l’enjeu est de comprendre comment chaque groupe se définissait par rapport aux autres et comment leur coopération transcendait les frontières entre des communautés fermées mais non autarciques.

33À l’époque moderne, l’identité collective était largement déterminée par un cadre normatif, mais elle était également le produit du processus d’interaction sociale et pouvait être mobilisée et adaptée selon les circonstances. Si l’on considère les groupes ethniques et religieux sur lesquels a porté cette recherche, on comprend pourquoi des catégories telles que Séfarades, Italiens ou hindous ne permettent pas de rendre compte des représentations de soi de leurs membres respectifs, même si elles peuvent leur servir de référence identitaire. Les Juifs portugais de Livourne, engagés dans le commerce du corail et du diamant, se percevaient à la fois comme partie de la diaspora juive et comme entité aux limites définies par les activités économiques auxquelles ils participaient, les centres où ils étaient installés et le milieu social dans lequel ils évoluaient [70]. À Lisbonne, une identité « italienne » n’existait pas d’un point de vue juridique, bien qu’elle pût alors s’exprimer dans l’église et la confrérie de Nossa Senhora do Loreto. Les « Italiens » de Lisbonne étaient soit des Portugais naturalisés, soit des sujets de l’un des États régionaux de la péninsule, et, dans ce cas, ils dépendaient de leurs représentants consulaires. Les tensions qui naissaient d’une identité collective « italienne » et de l’appartenance, par exemple, à la nation génoise ou florentine (reflétées par la terminologie officielle qui comprenait à la fois un terme général – naçã o italiana – et des appellations spécifiques – naçã o genovesa, florentina), pouvaient être le jeu d’habiles stratégies [71]. Enfin, l’influente famille Camotim et les autres membres de la caste Saraswat, principaux correspondants des Séfarades et des Italiens à Goa, conservaient leur identité ethnique et religieuse tout en servant dans la région d’intermédiaires indispensables à la couronne portugaise et aux marchands européens. C’est pourquoi les définitions de ces groupes, bien qu’imposées de l’extérieur, peuvent être mieux comprises grâce à une méthode soucieuse de rendre compte de la dynamique des interactions.

34L’approche réticulaire que cette étude a voulu expérimenter ne débouche pas sur un modèle explicatif. Elle se veut, cependant, une tentative pour restaurer la valeur heuristique du « réseau », entendu non pas comme un vague substitut pour désigner toute forme de relations commerciales, mais comme un outil analytique apte à examiner des phénomènes historiques où des échanges interculturels sont à l’œuvre. Ces échanges sont trop souvent négligés par les historiens et les spécialistes des sciences sociales, notamment parce qu’ils échappent aux catégories qui leur sont familières. Contrairement aux affirmations répandues, même dans un monde aussi segmenté que celui de la période moderne, les diasporas d’affaires n’agissaient pas seulement comme des médiateurs au sein de la société dominante, mais développaient aussi des liens commerciaux durables avec d’autres groupes marchands en dehors de tout arrangement institutionnel. Ces réseaux communautaires doivent par conséquent être étudiés à un double niveau : à une échelle micro et au sein d’un système commercial global dont ils sont partie prenante. C’est à ce prix seulement que l’on peut démontrer le rôle central joué par des mécanismes informels au sein de réseaux commerciaux très sophistiqués et apporter une nouvelle confirmation de l’extraordinaire complexité des échanges à l’époque moderne.

35Traduit par Jean-François Chauvard


Date de mise en ligne : 01/06/2003

Notes

  • [1]
    GERARD DE MALYNES, Consuetudo : vel, Lex Mercatoria, Londres, Adam Islip, 1622 (réimprimé à Amsterdam-Norwood, Theatrum Orbis Terrarum/Walter J. Johnson, 1979), p. 6.
  • [2]
    On trouve des exemples classiques dans NIELS STEENSGAARD, The Asian Trade Revolution of the Seventeenth Century : The East India Companies and the Decline of the Caravan Trade, Chicago, University of Chicago Press, 1974, et KIRTI N. CHAUDHURI, The Trading World of Asia and the English East India Company, 1660-1760, Cambridge, Cambridge University Press, 1978. Des interprétations plus récentes dans ANN M. CARLOS et STEPHEN NICHOLAS, « “Giants of an Earlier Capitalism”: The Chartered Trading Companies as Modern Multinationals », Business History Review, 62-3,1988, pp. 398-419, et ID., « Agency Problems in Early Chartered Companies : The Case of the Hudson’s Bay Company », Journal of Economic History, 50-4,1990, pp. 853-875. L’approche néo-institutionnaliste du commerce à longue distance est résumée dans DOUGLASS C. NORTH, « Institutions », Journal of Economic Perspectives, 5-1,1991, pp. 97-112.
  • [3]
    Sur le rôle de la réputation comme stimulant économique, voir DANIEL B. KLEIN (éd.), Reputation : Studies in the Voluntary Elicitation of Good Conduct, Ann Arbor, University of Michigan Press, 1997. Sur les institutions hors marché qui permettent à l’échange économique d’être auto-exécutoire, voir AVNER GREIF, « Théorie des jeux et analyse historique des institutions. Les institutions économiques du Moyen  ge », Annales HSS, 53-3,1998, pp. 597-633; ID., « Historical and Comparative Institutional Analysis », American Economic Review, 88-2,1998, pp. 80-84; ID., « The Fundamental Problem of Exchange : A Research Agenda in Historical Institutional Analysis », European Review of Economic History, 4,2000, pp. 251-284.
  • [4]
    Je privilégie l’expression « approche réticulaire » plutôt que « analyse de réseaux », m’inspirant cependant de celle-ci, tout en laissant de côté sa dimension mathématique. J’entends donc le terme de « réseau » au sens analytique : examiner les relations entre des individus et des groupes, en faisant mienne cette définition minimale : un réseau est « un rassemblement d’acteurs qui entretiennent des relations suivies et durables entre eux et qui, dans le même temps, ne peuvent se référer, au sein de la structure qu’ils composent, à une autorité légitime pour arbitrer et résoudre les conflits qui peuvent survenir au cours de leurs échanges » (JOEL M. PODOLNY et KAREN L. PAGE, « Network Forms of Organization », Annual Review of Sociology, 24,1998, pp. 57-76, ici p. 59).
  • [5]
    Le risque est manifeste, par exemple chez les promoteurs de la World History; voir JERRY H. BENTLEY, Old World Encounters : Cross-Cultural Contacts and Exchanges in Pre-Modern Times, New York, Oxford University Press, 1993.
  • [6]
    Dans une approche réticulaire, la rationalité individuelle est considérée comme limitée par la rareté et le caractère incertain des informations, les possibilités offertes par le réseau lui-même et la structure plus vaste dans laquelle il fonctionne.
  • [7]
    Cette étude peut aussi être lue comme une contribution à l’appel lancé dans « Une histoire à l’échelle globale », Annales HSS, 56-1,200l, pour dépasser l’opposition entre World History et micro-histoire. Elle s’inspire de certaines contributions de la microstoria qui visent à rendre compte des contextes multiples dans lesquels évolue un même individu : voir GIOVANNI LEVI, « On Microhistory », in P. BURKE (éd.), New Perspectives on Historical Writing, University Park, Pennsylvania State University Press, 1991, pp. 93-113, et JACQUES REVEL, « Micro-analyse et construction du social », in ID. (éd.), Jeux d’échelles. La micro-analyse à l’expérience, Paris, Gallimard/Le Seuil, « Hautes Études », 1996, pp. 15-36.
  • [8]
    Les expressions « diaspora d’affaires » et « réseau marchand » sont parfois employées de façon indifférenciée : « L’expression diaspora d’affaires est utilisée pour décrire des réseaux de marchands qui transportent, achètent et vendent leurs produits sur de longues distances » (ROBIN COHEN, Global Diasporas : An Introduction, Seattle, University of Washington Press, 1997, p. XII ).
  • [9]
    Voir FRÉDÉRIC MAURO, « Merchant Communities, 1350-1750 », in J. TRACY (éd.), The Rise of Merchant Empires : Long-Distance Trade in the Early Modern World, 1350-1750, Cambridge, Cambridge University Press, 1990, pp. 255-286.
  • [10]
    ABNER COHEN, « Cultural Strategies in the Organization of Trading Diasporas », in C. MEILLASSOUX (éd.), The Development of Indigenous Trade and Markets in West Africa, Oxford, Oxford University Press, 1971, pp. 266-281, ici p. 267, n. 1.
  • [11]
    PHILIP D. CURTIN, Cross-Cultural Trade in World History, Cambridge, Cambridge University Press, 1984. Il emprunte également à Karl Polanyi la notion de embeddedness et le rôle des cités portuaires dans les marchés de l’époque moderne. Voir KARL POLANYI, The Great Transformation : The Political and Economic Origins of our Time, Boston, Beacon Hill Press, 1944; CONRAD M. ARENSBERG et HARRY W. PEARSON (éds), Trade and Market in the Early Empires : Economies in History and Theory, Glencoe, Free Press, 1957. Dans une certaine mesure, il participe également du débat récurrent sur le rôle des minorités dans le développement du capitalisme occidental (voir WERNER SOMBART, Les Juifs et la vie économique, Paris, Payot, [1911] 1926, et GEORG SIMMEL, « The Stranger », in The Sociology of Georg Simmel, éd. par K. H. Wolff, Glencoe, Free Press, 1950, pp. 402-408).
  • [12]
    P. D. CURTIN, Cross-Cultural Trade..., op. cit., p. 3, examine à la fois les réseaux informels qui étaient « liés par un peu plus que les solidarités générées par l’appartenance à une même culture » et les communautés formées par les employés des grandes compagnies européennes qui recevaient un monopole sur les opérations commerciales, militaires et administratives qu’elles conduisaient. L’essentiel de son analyse ne concerne toutefois que la première forme de diaspora.
  • [13]
    Ibid., p. 3.
  • [14]
    Voir, par exemple, JANET TAI LANDA, Trust, Ethnicity, and Identity. Beyond the New Institutional Economics of Ethnic Trading Networks, Contract Law, and Gift Exchange, Ann Arbor, University of Michigan Press, 1994, particulièrement pp. 101-114.
  • [15]
    KIRTI N. CHAUDHURI, Trade and Civilization in the Indian Ocean : An Economic History from the Rise of Islam to 1750, Cambridge, Cambridge University Press, 1985, pp. 224-226.
  • [16]
    A. GREIF, « Théorie des jeux... », art. cit., p. 597. Sur l’influence des règles informelles sur les mécanismes du marché, voir aussi VICTOR NEE, « Norms and Networks in Economic and Organizational Performance », American Economic Review, 88-2,1998, pp. 85-89, et ALESSANDRA CASELLA et JAMES E. RAUCH (éds), Networks and Markets, New York, Russell Sage, 2001.
  • [17]
    S. D. GOITEN, A Mediterranean Society : The Jewish Communities of the Arab World as Portrayed in the Documents of the Cairo Geniza, Berkeley, University of California Press, 1967-1993,6 vols; ID., « Formal Friendship in the Medieval Near East », Proceedings of the American Philosophical Society, 115-6,1971, pp. 484-489; AVROM L. UDOVITCH, « Formalism and Informalism in the Social and Economic Institutions of the Medieval Islamic World », in A. BANANI et S. VRYONIS Jr. (éds), Individualism and Conformity in Classical Islam, Wiesbaden, Otto Harrassowitz, 1977, pp. 61-81.
  • [18]
    AVNER GREIF, « Reputation and Coalition in Medieval Trade : Evidence on the Maghribi Traders », Journal of Economic History, 49-4,1989, pp. 857-882; ID., « Contract Enforceability and Economic Institutions in Early Trade : The Maghribi Traders’Coalition », American Economic Review, 83-3,1992, pp. 525-548. Dans la définition de A. Greif, les institutions sont « des contraintes non déterminées techniquement qui influencent les interactions sociales et assurent la régularité des comportements »; ID., « Historical and Comparative... », art. cit., p. 80.
  • [19]
    Voir, par exemple, S. D. GOITEN, « Letters and Documents on the India Trade in Medieval Times », in ID., Studies in Islamic History and Institutions, Leyde, E. J. Brill, 1966, pp. 329-350, ici p. 350.
  • [20]
    Dans le modèle de A. Greif, les sociétés « communautaires » du passé peuvent être comparées aux actuels pays en voie de développement, tandis que les sociétés « individualistes » ont leur origine dans le monde médiéval latin et ont donné naissance à la civilisation occidentale. Un tel modèle est idéologiquement marqué, car il ignore l’importance des relations personnelles et les discriminations existantes au sein du système juridique des sociétés occidentales contemporaines. AVNER GREIF, « Cultural Beliefs and the Organization of Society : A Historical and Theoretical Reflection on Collectivist and Individualist Societies », Journal of Political Economy, 102-5,1994, pp. 912-950; ID., « Impersonal Exchange and the Origins of Markets : From the Community Responsibility System to Individual Legal Responsibility in Pre-Modern Europe », in M. AOKI et Y. HAYAMI (éds), Communities and Markets in Economic Development, Oxford, Oxford University Press, 2001, pp. 3-41.
  • [21]
    Voir SANJAY SUBRAHMANYAM (éd.), Merchant Networks in the Early Modern Worls, Brookfiels, Variorum, 1996. Sur l’Asie continentale et maritime : DENYS LOMBARD et JEAN AUBIN (éds), Marchands et hommes d’affaires asiatiques dans l’océan Indien et la mer de Chine, XIIIe - XXe siècles, Paris, Éditions de l’EHESS, 1988; STEPHEN FREDERIC DALE, Indian Merchants and Eurasian Trade, 1600-1750, Cambridge, Cambridge University Press, 1994; INA BAGHDIANTZ MC CABE, The Shah’s Silk for Europe’s Silver : The Eurasian Trade of the Julfa Armenians in Safavid Iran and India (1530-1750), Atlanta, Scholars Press, 1999; CLAUDE MARKOVITS, The Global World of Indian Merchants, 1750-1947 : Traders of Sind from Bukhara to Panama, Cambridge, Cambridge University Press, 2000; SCOTT C. LEVI, The Indian Diaspora in Central Asia and its Trade, 1550-1900, Leyde-Boston-Cologne, Brill, 2001.
  • [22]
    Voir J. CLYDE MITCHELL (éd.), Social Networks in Urban Situations : Analyses of Personal Relationships in Central African Towns, Manchester, Manchester University Press, 1969; JEREMY BOISSEVAIN et J. CLYDE MITCHELL (éds), Network Analysis : Studies in Human Interaction, La Haye-Paris, Mouton & Co., 1973; JEREMY BOISSEVAIN, Friends of Friends : Networks, Manipulators and Coalitions, Oxford, Basil Blackwell, 1974; J. CLYDE MITCHELL, « Social Networks », Annual Review of Anthropoplogy, 3,1974, pp. 279-299.
  • [23]
    Un aperçu sur l’approche réticulaire est donné par GUNNAR DAHL, Trade, Trust, and Networks : Commercial Culture in Late Medieval Europe, Lund, Nordic Academic Press, 1998. Pour un usage plus systématique de la Network analysis dans l’étude du rôle des liens personnels et des clientèles politiques dans l’organisation des marchés, de la contrebande et des affaires, voir ZACAR?AS MOUTOUKIAS, « Réseaux personnels et autorité coloniale : les négociants de Buenos Aires au XVIIIe siècle », Annales ESC, 47-4/5, 1992, pp. 889-915; ID., « Negocios y redes socials : modelo interpretativo a partir de un caso rioplatense », Caravelle, 67,1997, pp. 37-55.
  • [24]
    Sur l’utilisation de la Network analysis comme outil pour sortir de l’opposition stérile entre relations communautaires et relations contractuelles, voir BARRY WELLMAN et CHARLES WETHERELL, « Social Network Analysis of Historical Communities : Some Questions from the Past for the Present », The History of the Family, 1-1,1996, pp. 97-121.
  • [25]
    FREDRIK BARTH, « Ecological Relationship of Ethnic Groups in Swat, North Pakistan », American Anthropologist, 58-6,1956, pp. 1079-1089; ID. (éd.), Ethnic Groups and Boundaries : The Social Organization of Cultural Différences, Bergen-Oslo-Londres, Universitets Forlagets/George Allen & Unwin, 1969; ID., Cosmologies in the Making : A Generative Approach to Cultural Variation in Inner New Guinea, Cambridge, Cambridge University Press, 1997.
  • [26]
    Sur les diamants importés des Indes portugaises au XVIe siècle, voir NUNO VASSALLO E SILVA, « The Portuguese Gem Trade in the Sixteenth Century », Jewellery Studies, 6, 1993, pp. 19-28. À cette date, les Portugais achetaient de grandes quantités de corail à des Génois, les Lomellini, seigneurs de Tabarka (Tunisie); JOSÉ GENTIL DA SILVA, « L’appel aux capitaux étrangers et le processus de la formation du capital marchand au Portugal du XIVe au XVIIe siècle », in M. MOLLAT et P. ADAM (éds), Les aspects internationaux de la découverte océanique aux XVe et XVIe siècles, Paris, SEVPEN, 1966, pp. 341-363, ici p. 357. Comme les pierres précieuses étaient faciles à passer en contrebande, aucune statistique officielle n’est fiable. Cependant, on a pu calculer que, entre 1580 et 1640, les diamants et les pierres précieuses en général (pedrarias) représentaient en moyenne 14 % de la valeur des navires de la carreira da ? ndia de retour vers l’Europe : JAMES C. BOYAJIAN, The Portuguese Trade in Asia under the Habsburgs, 1580-1640, Baltimore, The Johns Hopkins University Press, 1993, p. 44. Voir aussi GODEHARD LENZEN, The History of Diamond Production and the Diamond Trade, New York, Praeger, [1966] 1970.
  • [27]
    La Compagnie hollandaise des Indes orientales n’autorisa officiellement le commerce inter-asiatique privé qu’à partir de 1742 (pour tous les biens à l’exception des épices, du cuivre, de l’étain et de l’opium). À Surat, cependant, le corail était également inclus dans les biens réservés à la Compagnie; OM PRAKASH, European Commercial Enterprise in Pre-Colonial India, Cambridge, Cambridge University Press, 1998, pp. 232-233. Sur l’importance du commerce du corail et des diamants réalisé sous l’égide de la Compagnie anglaise des Indes orientales, voir HOLDEN FURBER, Rival Empires of Trade in the Orient, 1600-1800, Minneapolis, University of Minnesota Press, 1976, pp. 133-134,260-262; GEDALIA YOGEV, Diamonds and Coral : Anglo-Dutch Jews and Eighteenth-Century Trade, Leicester, Leicester University Press, 1978; SØREN MENTZ, « English Private Trade on the Coromandel Coast, 1660-1690 : Diamonds and Country Trade », Indian Economic and Social History Review, 33-2,1996, pp. 155-173.
  • [28]
    G. YOGEV, Diamonds..., op. cit., pp. 68,71,83,91,96-97,100-102,104-107,133. Selon les données officielles de la East India Company, pendant les soixante premières années du XVIIIe siècle, les diamants comptaient en moyenne pour 21 % de la valeur des importations anglaises en provenance d’Asie. Ce pourcentage est calculé sur la base des données de G. YOGEV (ibid., pp. 337-339) et de K. N. CHAUDHURI, The Trading World..., op. cit., pp. 509-511. Il est, toutefois, impossible d’estimer le poids de la contrebande.
  • [29]
    Sur le rôle des nouveaux-chrétiens portugais dans le commerce du diamant à Anvers au XVIe et au début du XVIIe siècle, voir HANS POHLS, Die Portugiesen in Antwerpen, 1567-1648, Wiesbaden, Franz Steiner, 1948, pp. 121-130,197-218, et JOHN EVERAERT, « Antwerp, Turning Table of the International Circuit in Precious Stones and Jewels (16th and 17th Centuries) », in S. CAVACIOCCHI (éd.), Economia e arte, secc. XIII-XVIII, Florence, Le Monnier, 2002, pp. 403-406. À Venise, des joailliers d’origine séfarade sont attestés dès le XVe siècle; DAVID JACOBY, « Les Juifs à Venise du XIVe au milieu du XVIe siècle », in H. G. BECK, M. MANOUSSACAS et A. PERTUSI (éds), Venezia centro di mediazione tra oriente e occidente (secoli XV-XVI ). Aspetti e problemi, Florence, Olschki, 1977, pp. 163-216, ici pp. 184 et 199.
  • [30]
    Des Arméniens et des employés de la Compagnie anglaise des Indes orientales étaient également très engagés dans ce négoce. Au début du XVIIIe siècle, cependant, les Séfarades assuraient la majorité des échanges hors de Perse.
  • [31]
    Sur l’implication locale des Juifs dans la manufacture du corail, voir RENZO TOAFF, La nazione ebrea a Livorno e Pisa (1591-1700), Florence, Olschki, 1990, pp. 319,389,397. Sur la collecte du corail en Méditerranée, voir, entre autres, GIOVANNI TESCIONE, Italiani alla pesca del corallo ed egemonie marittime nel Mediterraneo, Naples, Industrie Tipografiche Editoriali Assimilate, 1968.
  • [32]
    HERBERT I. BLOOM, The Economic Activities of the Jews of Amsterdam in the Seventeenth and Eighteenth Centuries, Williamsport, The Bayard Press, 1937, pp. 40-44; LU?S CRESPO FABIÃ O, « Subsídio para a histó ria dos chamados “judeus-portugueses” na indú stria dos diamantes em Amsterdão no séculos XVII e XVIII, » Revista da Faculdade de Letras, Lisbonne, IIIe série, no 15,1973, pp. 455-519; EDGAR SAMUEL, « Manuel Levy Duarte (1631-1714): An Amsterdam Merchant Jeweller and His Trade with London », Transactions of the Jewish Historical Society of England, 27,1978-1980, pp. 11-31; JONATHAN I. ISRAEL, « The Jews of Venice and their Links with Holland and with Dutch Jewry (1600-1710) », in G. COZZI (éd.), Gli Ebrei e Venezia secoli XIV-XVIII, Milan, Edizioni di Comunità, 1987, pp. 95-116.
  • [33]
    L’Angleterre admit à nouveau les Juifs en 1656. L’expansion du pouvoir économique anglais attirait les marchands séfarades; certains s’établirent comme marchands et financiers de la Couronne. CECIL ROTH, A History of the Jews in England, Oxford, Clarendon Press, [1941] 1964, pp. 192-196; G. YOGEV, Diamonds..., op. cit.; HAROLD POLLINS, Economic History of the Jews in England, Londres-Toronto, Associated University Press, 1982, pp. 42-60.
  • [34]
    Goa fut le centre du commerce du diamant de 1650 à 1730; voir CHARLES R. BOXER, The Portuguese Seaborn Empire, 1415-1825, Londres, Hutchinson, 1969, pp. 148-149. Dans les années 1730, l’afflux, en Europe, du diamant brésilien, récemment découvert, entraîna une chute du prix des pierres précieuses, mais, vers 1740, les importations de diamants depuis l’Inde reprirent et progressèrent durant les quatre décennies suivantes : G. YOGEV, Diamonds..., op. cit., pp. 120-123. À cette date, Madras/Fort Saint George, où les marchands juifs de Londres s’étaient installés depuis les années 1680, remplaça Goa comme source principale du diamant (ibid., p. 69).
  • [35]
    C. ROTH, A History..., op. cit., p. 188; YOSEF KAPLAN, An Alternative Path to Modernity : The Sephardi diaspora in Western Europe, Leyde-Boston-Cologne, Brill, 2000, pp. 108-195.
  • [36]
    Les registres saisis par le tribunal toscan au moment de la banqueroute de la maison Ergas & Silveira de Livourne en 1746 sont une source essentielle pour connaître ses activités. Ils comprennent 13 658 copies de lettres d’affaires (1704-1746), plusieurs livres de comptes (1705-1746), et pièces de procès. Archivio di Stato, Florence [ASF], Libri di commercio e famiglia [LCF], 1615-1644; Archivio di Stato, Livourne [ASL], Capitano, poi Governatore, poi Auditore vicario [CGA]. Atti civili spezzati, 2245/953; 2249/953; 2234/ 190,953; ASL, CGA. Cause delegate, 2500.
  • [37]
    En 1594, Abraham, fils de Isaac Israel Ergas, loua une maison à Pise où il s’intégra à l’élite séfarade; LUCIA FRATTARELLI FISCHER, « Ebrei a Pisa fra Cinquecento e Settecento », in M. LUZZATI (éd.), Gli ebrei di Pisa (secoli IX-XX ), Ospitaletto-Pise, Pacini Editore, 1998, pp. 89-115, ici p. 111. Vers 1626, il s’installa à Livourne où il assuma de nombreuses fonctions au sein de la communauté juive; R. TOAFF, La nazione ebrea..., op. cit., pp. 336,455.
  • [38]
    ATTILIO MILANO, Storia degli ebrei in Italia, Turin, Einaudi, 1963, pp. 322-328.
  • [39]
    Sur le commerce et les marchands de Livourne à l’époque moderne, voir FERNAND BRAUDEL et RUGGIERO ROMANO, Navires et marchandises à l’entrée du port de Livourne (1547-1611), Paris, Armand Colin, 1951; GIGLIOLA PAGANO DE DIVITIIS, Mercanti inglesi nell’Italia del Seicento. Navi, traffici, egemonie, Venise, Marsilio, 1990; JEAN-PIERRE FILIPPINI, Il porto di Livorno e la Toscana (1676-1814), Naples, Edizioni Scientifiche Italiane, 1998,3 vols.
  • [40]
    Dans les années 1640 et 1650, les Ergas de Livourne se distinguaient par leurs activités commerciales et financières en Méditerrannée : voir MICHELE CASSANDRO, Aspetti della storia economica e sociale degli ebrei di Livorno nel Seicento, Milan, Giuffrè editore, 1983, pp. 88-89,95-96,106-167,173-125. Joseph Ergas (1688-1730) et son père Manuel étaient deux des rabbins les plus influents de leur temps (R. TOAFF, La nazione ebrea..., op. cit., p. 236).
  • [41]
    ASL, CGA. Atti civili, 365/462; CGA, Atti civili spezzati, 2193/164.
  • [42]
    Dans les premières décennies du XVIIIe siècle, les Silveira comptaient parmi les principales familles juives européennes installées et commerçant à Alep sous protection française : SIMON SCHWARZFUCHS, « La “Nazione Ebrea” livournaise au Levant », Rassegna mensile di Israel, 50,1984, pp. 707-724, ici pp. 709-710. Sur les Silveira de Lisbonne, voir JAMES C. BOYAJIAN, Portuguese Bankers at the Court of Spain, 1626-1650, New Brunswick, Rutgers University Press, 1983, pp. 30-32,117,129, Appendice A-7, et ID., The Portuguese Trade..., op. cit., pp. 14,37-38,117,134,143,215-217 et 256.
  • [43]
    Les deux cent quarante-deux lettres envoyées par les Ergas & Silveira à des marchands chrétiens à Lisbonne sont écrites en italien, tandis que quatre-vingt-six autres, adressées à des marchands hindous de Goa, sont rédigées en portugais.
  • [44]
    Lettres en date du 20 janvier 1713 (ASF, LCF, 1628).
  • [45]
    Sur l’attribution d’un plein statut juridique aux lettres marchandes dans l’Italie médiévale, voir MAURA FORTUNATI, Scrittura e prova. I libri di commercio nel diritto medievale e moderno, Rome, Fondazione Sergio Mochi Onory per la storia del diritto italiano, 1996.
  • [46]
    JOHN J. MC CUSKER et CORA GRAVESTEIJN, The Beginning of Commercial and Financial Journalism : The Commodity Price Currents, Exchange Rate Currents, and Money Currents of Early Modern Europe, Amsterdam, NEHA, 1991. Pour une vue d’ensemble sur le transfert de l’information économique à l’époque moderne, voir PIERRE JEANNIN, « La diffusion de l’information », in S. CAVACIOCCHI (éd.), Fiere e mercati nella integrazione delle economie europee, secc. XIII-XVIII, Florence, Le Monnier, 2001, pp. 231-262.
  • [47]
    La correspondance de la maison Ergas & Silveira ne fait pas mention explicite d’expulsions, mais elle permet d’observer la disparition de certains agents parmi les correspondants; étant donné l’efficacité de ce réseau informel, les cas sont cependant peu nombreux. Sur la confiance dans les pratiques et les discours économiques en Angleterre à l’époque moderne, voir CRAIG MULDREW, The Economy of Obligation : The Culture of Credit and Social Relations in Early Modern England, New York, St. Martin’s Press, 1998, pp. 186-188.
  • [48]
    YOSEF KAPLAN, « The Travels of Portuguese Jews from Amsterdam to the “Lands of Idolatry” (1644-1724) », in ID. (éd.), Jews and Conversos : Studies in Society and the Inquisition, Jérusalem, The Magnes Press, 1985, pp. 197-224.
  • [49]
    CHARLES VERLINDEN, « La colonie italienne de Lisbonne et le développement de l’économie métropolitaine et coloniale portugaise », in Studi in onore di Armando Sapori, Milan, Istituto Editoriale Cisalpino, 1957,2 vols, vol. I, pp. 617-628; VIRG?NIA RAU, « A Family of Italian Merchants in Portugal in the XV th century : The Lomellini », ibid., pp. 717-26, et ID., « Les marchands-banquiers étrangers au Portugal sous le règne de João III (1521-1557) », in M. MOLLAT et P. ADAM (éds), Les aspects internationaux..., op. cit., pp. 295-307.
  • [50]
    Le terme « italien » provient de sources contemporaines. Tous les marchands italiens résidant à Lisbonne étaient priés de rejoindre la confrérie et de lui verser une faible taxe sur leurs importations et leurs exportations; GIULIANA ALBINI, « Per una storia degli italiani in Portogallo : l’archivio “Nossa Senhora do Loreto” », Nuova Rivista Storica, 1982, pp. 142-148. En 1672,97 hommes étaient affiliés à une congrégation italienne; la moitié (49) venaient de Gênes et presque un quart (21) de Florence; Arquivo Paroquial da Igreja de Nossa Senhora do Loreto, Lisbonne [ANSL], Caixa VII, 42.1. En 1719,145 hommes signèrent les nouveaux statuts de la congrégation; ANSL, Caixa XI, 14.
  • [51]
    JACQUES HEERS, « Portugais et Génois au XVe siècle : la rivalité Atlantique-Méditerranée », in Actas do III có loquio internacional de estudos luso-brasileros (Lisboa, 1957), Lisbonne, Imprensa de Coimbra, II, 1960, pp. 138-147 (réimprimé dans ID., Société et économie à Gênes ( XVIe - XVe siècles), Londres, Variorum, 1979).
  • [52]
    Des liens étroits avec Gênes sont mentionnés dans les testaments rédigés à Lisbonne par Bento Ravara (1685), par le marquis Pedro Francisco Ravara (1717), Joseph Ravara (1721) et par Anna Maria Guido, marquise de Ravara (1753) : respectivement dans Arquivos Nacionais Torre do Tombo, Lisbonne [ANTT], Registro Geral de Testamentos, livre 99, ff. 118v-119v; livre 150, ff. 187v-190v; livre 166, ff. 106v-109v; livre 258, ff. 74r-77r.
  • [53]
    Medici & Beroardi furent associés à Lisbonne de 1722 à 1737 dans une affaire commerciale qui, après 1737, passa aux mains de ce dernier. Medici était le frère d’un sénateur florentin et le représentant toscan à Lisbonne où, depuis 1738, il était l’associé de Niccolini : FABRIZIO GHILARDI, « Un diplomatico fiorentino alla corte dei Braganza (1737-1742) », in Toscana e Portogallo. Miscellanea storica nel 650 anniversario dello Studio Generale di Pisa, Pise, Edizioni ETS, 1994, pp. 245-253. Beroardi accumula une grande fortune grâce à ses affaires (ANTT, Registro Geral de Testamentos, livre 244, ff. 1r-15v), ses relations commerciales s’étendant jusqu’au Brésil : voir LU?S LISANTI, Negó cios coloniais : uma correspondência comercial do século XVII, São Paulo, Ministério da Fazenda, 1973, p. CXXXI.
  • [54]
    ANTT, Registro Geral de Testamentos, livre 109, ff. 167r-171r.
  • [55]
    Sur les Saraswat, voir FRANK CONLON, A Caste in a Changing World : The Chitrapur Saraswat Brahmans, 1700-1935, Berkeley, University of California Press, 1977, et MICHAEL N. PEARSON, « Banyas and Brahmins. Their Role in the Portuguese Indian Economy », in ID., Coastal Western India : Studies from the Portuguese Records, New Delhi, Concept Publishing Company, 1981, pp. 93-115. Je remercie Sanjay Subrahmanyam qui m’a aidée à me familiariser avec les noms hindous et la bibliographie en la matière.
  • [56]
    En 1739, durant l’invasion maratha de Goa, Phondu Kamat [Fondu Camotim] était décrit comme le marchand le plus riche de la ville : voir PANDURONGA S. S. PISSURLENCAR, The Portuguese and the Marathas, Bombay, State Board for Literature and Culture, 1975, pp. 277-281, et TEOTONIO R. DE SOUZA, « Mhamai House Records : Indigenous Sources for Indo-Portuguese Historiography », in II Seminá rio Internacional de Histó ria Indo-Portuguesa, Lisbonne, Instituto de Investigação Científica Tropical, 1985, pp. 933-941, surtout pp. 935-936.
  • [57]
    SANJAY SUBRAHMANYAM et CHRISTOPHER ALAN BAYLY, « Portfolio Capitalists and the Political Economy of Early Modern India », in S. SUBRAHMANYAM (éd.), Merchants, Markets and the State in Early Modern India, Delhi-New York, Oxford University Press, 1990, pp. 242-265; IFRAN HABIB, « Merchant Communities in Precolonial India », in J. TRACY (éd.), The Rise of Merchant Empires..., op. cit., pp. 371-399; ASHIN DAS GUPTA, The World of the Indian Ocean Merchant, 1500-1800, New Delhi, Oxford University Press, 2001.
  • [58]
    La législation portugaise instaurant une discrimination à l’encontre des non-chrétiens dans le domaine économique ne fut jamais mise en œuvre. Sur l’activité économique des Camotim/Kamat, voir MICHAEL N. PEARSON, « Indigenous Dominance in a Colonial Economy : The Goa Rendas, 1600-1670 », Mare Luso-Indicum, 2,1972, pp. 61-73; TEOTONIO R. DE SOUZA, « French Slave-Trading in Portuguese Goa (1773-1791) », in ID. (éd.), Essays in Goan History, New Delhi, Concept Publishing Company, 1989, pp. 119-131; CELSA PINTO, Trade and Finance in Portuguese India. A Study of the Portuguese Country Trade, 1770-1840, New Delhi, Concept Publishing Company, 1994, pp. 53-56. Sur leur rôle de traducteurs officiels de l’Estado da ?ndia, voir PANDURONGA S. S. PISSURLENCAR, Agentes de diplomacia portuguesa na ? ndia (Hindus, muçulmanos, judeus e parses), Bastorá-Goa, Tipografia Rangel, 1952, pp. XLIII, LV, LVII; ID. (éd.), Arquivos do Conselho do Estado, Bastorá-Goa, Tipografia Rangel, 1953-1957,5 vols, vol. V, pp. 62,528,536-537,555-557. À la fin du XVIIIe siècle, les Kamat continuèrent le commerce du corail, mais avec un succès mitigé : ERNESTINE CARREIRA, « Marselha e o Oriente Português, o capitão Pierre Blanchard », Revista de cultura (Instituto Cultural de Macau), 14,1991, pp. 181-191.
  • [59]
    En écrivant à Gopala et Fondu Camotim en janvier 1727, la maison Ergas & Silveira se plaignait de ne recevoir de Nillea Camotim, le père de Fondu, ni lettres ni cargaisons. Parallèlement, la maison écrivait à Lazzaro Maria Cambiaso et à Medici & Beroardi, à Lisbonne, pour s’informer de l’opinion que ses amis, récemment revenus de Goa, avaient dudit Nillea (ASF, LCF, 1632).
  • [60]
    À Livourne, entre 1719 et 1721, Abraham Sulema alias Francesco Vais donna procuration à des marchands italiens de Lisbonne (parmi lesquels Tommaso Gaetano Medici, Enea Beroardi et Giambattista Ravara) afin qu’ils pussent recouvrer auprès de la Casa da ? ndia des diamants et d’autres biens envoyés de Goa par les Camotins (ASF, Notarile Moderno. Protocolli, Agostino Frugoni, 24732, ff. 15v-16r, 90v-91r, 141v-143r; 24733, ff. 43v-46v).
  • [61]
    Lorsque, en 1722, le bateau portugais Nossa Senhora do Cabo fut capturé durant son trajet entre Goa et Lisbonne et que les diamants chargés à bord semblèrent perdus, la maison Ergas & Silveira se plaignit de la perte que cela causerait aux Séfarades de Livourne et d’Amsterdam (ASF, LCF, 1631, Lettre à Abraham Lusena de Gênes, 22 avril 1722).
  • [62]
    Amsterdam, Gemeentelijke Archiefdienst, Notariële Archieven, 11291, f. 34; ibid., 2943, f. 34. En 1707, Rachel Mocata, veuve de David Franco Mendes, disposa des diamants qu’elle avait reçus des Camotins de Goa; ibid., 6036, f. 58.
  • [63]
    Ibid., 2943, f. 13.
  • [64]
    En 1728, les associés Medici & Beroardi apparaissent parmi les agents de Benjamin Mendes da Costa, chef de la communauté séfarade de Londres (STEPHEN H. E. FISHER, The Portugal Trade : A Study of Anglo-Portuguese Commerce, 1700-1770, Londres, Methuen, 1971, pp. 55 et 57).
  • [65]
    En 1623, Francesco Morelli et Jacomo Tati, tous deux marchands de Lisbonne, étaient les agents de Felipe Henriques d’Amsterdam (Studia Rosenthaliana, 25-2,1991, pp. 180,184). Dans son testament de 1629, F. Morelli incluait des instructions pour un chargement de corail qu’il avait expédié à Goa et pour quelques échantillons de diamants envoyés à Venise pour y être vendus (ANSL, Caixa, IX, 37).
  • [66]
    En 1757, Saul Bonfil de Livourne chargea Niccolini de Lisbonne de recouvrer des marchandises détenues à Goa par les Camotins (ASF, Notarile moderno. Protocolli, Filippo Gonnella, 27193, ff. 1v-2r).
  • [67]
    FRANCISCO BETHENCOURT, « O Estado da ?ndia », in ID. et K. N. CHAUDHURI (éds), Histó ria da expansã o portuguesa, Lisbonne, Círculo de Leitores, 1998,5 vols, vol. III, pp. 250-269, ici pp. 253-256). Pour plus de détails, voir P. S. S. PISSURLENCAR, The Portuguese and the Marathas..., op. cit.
  • [68]
    ANTT, Chancelaria D. Joã o V, livre 18, ff. 269r-270r; livre 22, ff. 123r-125r; livre 22, ff. 143r-144v.
  • [69]
    MARK GRANOVETTER, « Economic Action and Social Structure : The Problem of Embeddedness », The American Journal of Sociology, 91-3,1985, pp. 481-510.
  • [70]
    Ce sous-groupe de marchands séfarades peut être ajouté à ceux identifiés par JONATHAN I. ISRAEL, Diasporas within a Diaspora : Jews, Crypto-Jews and the World Maritime Empires (1540-1740), Leyde, Brill, 2002.
  • [71]
    En 1729, par exemple, les marchands toscans de Lisbonne refusèrent de payer la taxe que le consul de Gênes voulait lever afin de régler les célébrations en l’honneur du mariage entre l’infante d’Espagne et le prince du Brésil. Ils soutenaient que la taxe servait à financer un événement dans lequel toute la communauté italienne était représentée sous une entité collective et que, à ce titre, elle devait être levée par l’Église et non par un consul (ANSL, Caixa, I, 16).

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