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Article de revue

Variations sur le territoire

Analyse comparée de projets urbains : Le Havre 1789-1894

Pages 1031 à 1065

Notes

  • [1]
    MAURICE HALBWACHS, « La méthodologie de François Simiand, un empirisme rationaliste », Revue philosophique de la France et de l’étranger, 5/6,1936, pp. 281-319.
  • [2]
    Pour des propositions de définitions d’espace et territoire, on peut se reporter aux introductions de DANIEL NORDMAN et MARIE-VIC OZOUF-MARIGNIER, Atlas de la Révolution française, vol. 4, Le territoire, réalités et représentations, Paris, Éditions de l’EHESS, 1989, et ANDRÉ BURGUIÈRE et JACQUES REVEL (dir.), Histoire de la France, vol. 1, L’espace français, Paris, Le Seuil, 1989. On lira également ISABELLE LABOULAIS-LESAGE, « Les historiens français et les formes spatiales », in J.-C. WAQUET, O. GOERG et R. ROGERS (dir.), Les espaces de l’historien, Strasbourg, PUS, 2000, pp. 33-50.
  • [3]
    Le séminaire tenu à l’EHESS durant plusieurs années (1993-1997), d’abord sous la direction de Bernard Lepetit, puis sous celle de Marie-Vic Ozouf-Marignier et de Paul-André Rosental sur « Espaces et territoires dans les sciences sociales » a montré que, au-delà d’une volonté de discussion, les différences, ne serait-ce qu’au sein d’une même discipline, sont parfois immenses. Dans certains cas, les définitions étaient purement et simplement inversées.
  • [4]
    Les fonds de la série D IVbis ont plus particulièrement été analysés par MARIE-VIC OZOUF-MARIGNIER dans La formation des départements, la représentation du territoire français à la fin du XVIIIe siècle, préface de Marcel Roncayolo, Paris, Éditions de l’EHESS, [1989] 1992, et par TED MARGADANT dans Urban Rivalries in the French Revolution, Princeton, Princeton University Press, 1992.
  • [5]
    Sur ce point, on verra JACQUES REVEL, « La région », in P. NORA (dir.), Les lieux de mémoire, Paris, Gallimard, « Quarto », 1997, pp. 2907-2937. Pour le texte concernant Pont-de-l’Arche : A.N. D IVbis 6/192-4, Adresse à nosseigneurs de l’Assemblée nationale par les habitants en général de la ville de Pont-de-l’Arche, Province de Normandie, Rouen, Imprimerie de la Veuve L. Dumesnil, 1790.
  • [6]
    Précisons d’ores et déjà que cette question est rendue d’autant plus perceptible que Le Havre est un port militaire fortifié, entouré d’une zone non aedificandi jusqu’au milieu du siècle; tout accroissement y est donc difficile.
  • [7]
    Sur les relations entre ville et fonctions : JEAN-CLAUDE PERROT, Genèse d’une ville moderne. Caen au XVIIIe siècle, La Haye-Paris, Mouton & Co/Éditions de l’EHESS, 1975. On notera sur ce point la précision avec laquelle Jean-Claude Perrot définit les mots permettant de décrire la ville.
  • [8]
    ROGER LÉVY, « La rivalité du Havre et de Montivilliers sous la Révolution », Annales révolutionnaires, mars-avril 1911, pp. 214-230.
  • [9]
    A.N. D IVbis 17/282-1, « Adresse de la commune du Havre à l’Assemblée nationale », le 10 août 1790.
  • [10]
    Sur les activités des négociants havrais : PIERRE DARDEL, Navires et marchandises dans les ports de Rouen et du Havre au XVIIIe siècle, Paris, Éditions de l’EPHE/SEVPEN, 1963.
  • [11]
    Ce territoire correspond au département demandé lors de la réforme de 1787 par les représentants de la ville du Havre.
  • [12]
    JEAN-PIERRE HIRSCH, Les deux rêves du commerce, entreprise et institution dans la région lilloise (1780-1860), Paris, Éditions de l’EHESS, 1991.
  • [13]
    Selon le dictionnaire de l’Académie de 1762, correspond à la ville ce qui s’arrête là où les champs commencent; sur ce point, on verra les définitions de « faubourg » et de « champs » (Dictionnaire de l’Académie française, Paris, Brunet, 1762). Sur la question des faubourgs et celle des limites de la ville sous l’Ancien Régime, nous renvoyons à J.-C. PERROT, Genèse d’une ville..., op. cit., pp. 35-48.
  • [14]
    La lettre de Bégouen-Démeaux en date du 29 mars 1790 et une réponse de la municipalité du Havre du 5 avril 1790 nous sont connues par la publication qu’en a fait PHILIPPE BARREY dans « Un projet d’annexion des communes suburbaines en 1790 », Recueil des publications de la Société havraise d’études diverses, 1916, pp. 143-170.
  • [15]
    Le Dictionnaire de l’Académie de 1761 limite sa définition à la seule agrégation à un corps, comme celui des médecins ou des avocats.
  • [16]
    Sur cette question, nous renvoyons à la série A. M. Havre, Anc., Le Havre, DD1, dans laquelle de très nombreux cartons évoquent la question. On verra également DANIEL ROCHE, « Le temps de l’eau rare du Moyen  ge à l’époque moderne », Annales ESC, 39-2,1984, pp. 383-399.
  • [17]
    A. M. Havre, Anc., Le Havre, DD1 9, « Agrandissement de la ville », 1787-1789. De nombreuses plaintes sont ainsi envoyées aux différentes autorités tant normandes que nationales pour critiquer le fait que, depuis qu’une partie des fortifications a été abattue, les rentrées financières liées à l’octroi ont nettement baissé. Soulignons cependant qu’il s’agit également d’une tentative de la ville pour ne pas honorer ses engagements liés à la reconstruction des fortifications et à l’extension du port. Sur cette question, et pour une vision plus précise du contexte, nous renvoyons à A. E. BORÉLY, Histoire de la ville du Havre et de son ancien gouvernement, Le Havre, Lepelletier, 1881, vol. 3, pp. 551-555.
  • [18]
    Article 2 du titre Ier de la loi du 4 mars 1790, Collection générale des Loix, proclamations, et autres actes du pouvoir exécutif, publiés pendant l’Assemblée Nationale constituante & législative, depuis la convocation des États-généraux jusqu’au 31 décembre 1791, t. 1,1re partie, juillet 1788-mars 1790, Paris, Imprimerie royale, 1792.
  • [19]
    JÉRÔ ME MAVIDAL et ÉMILE LAURENT (éds), Archives parlementaires de 1787 à 1860, recueil complet des débats législatifs et politiques des Chambres françaises, Ire série : 1789 à 1799, Paris, Librairie administrative de Paul Dupont, t. 18, p. 9.
  • [20]
    ADSM L 1191, « Lettre des administrateurs du département de la Seine-Inférieure aux administrateurs des districts de ce département », 2 octobre 1790.
  • [21]
    Sur la présence courante de ces « lignes idéales » dans les procès-verbaux de délimitation et d’arpentage, on lira DANIEL FAUVEL, Histoire des circonscriptions territoriales du canton de Goderville (1750-1914), thèse de 3e cycle de l’université de Rouen, 1981, vol. 1, pp. 62-64.
  • [22]
    Ledemandé est à l’époque le propriétaire d’une briqueterie, tuilerie, et faïencerie très importante de la paroisse de Sanvic. Sur ce point on verra PHILIPPE BARREY, « Les débuts de la grande industrie havraise, l’enquête de l’an VI », Recueil des publications de la Société havraise d’études diverses, 1916, pp. 17-45.
  • [23]
    Sur les différentes lois mentionnées, nous renvoyons à une demande de la municipalité d’Ingouville effectuée afin d’obtenir le titre de ville (A. M. Havre, fonds cont., Ingouville, 3 D 1/6, Correspondance 1817-brouillon). Et, sous la même cote, le dossier de 1837. Pour la question des cimetières, on verra A.N. F2 1 123-123. Pour la loi relative aux dessèchements des marais, du 16 septembre 1807, voir MARCEL RONCAYOLO, « Techniques et représentations du territoire », in A. BURGUIÈRE et J. REVEL (dir.), Histoire de la France, vol. 1, L’espace français, Paris, Le Seuil, 1989, pp. 511-558.
  • [24]
    Voir l’article de MARCEL RONCAYOLO, « Population agglomérée, villes et bourgs en France : réflexions sur les enquêtes de 1809-1811 », in Villes et territoires pendant la période napoléonienne (France et Italie), Rome, École française de Rome, 1987, pp. 201-220, dans lequel il précise que le ministère des Finances fixe la règle de la population agglomérée dès 1809-1810 : « La population agglomérée est celle qui est rassemblée dans les maisons contiguës ou réunies entre elles par des parcs, jardins, vergers, chantiers, ateliers ou autre enclos de ce genre, lors même que ces habitations ou enclos seraient séparés l’un de l’autre par une rue, un fossé, un ruisseau, une rivière, une promenade. » On verra également, RENÉ LE MÉE, « Population agglomérée, population éparse au début du XIXe siècle », Annales de démographie historique, 1971, pp. 321-391.
  • [25]
    PAUL MEURIOT critiquera cet usage soixante ans plus tard : « De la mesure des agglomérations urbaines », Bulletin de l’institut international de statistique, XVIII-2,1909, pp. 82-94, et XIX-1,1910, pp. 157-161; ID., « De la valeur du terme de banlieue dans certainesmétropoles », Bulletin de l’institut international de statistique, XX-2,1911, pp. 320-329.
  • [26]
    La commune a 5 666 habitants en 1831 et, en 1841, sa population totale est de 9 880 habitants pour une population agglomérée de 8 852. La demande du maire d’Ingouville, qui date du 21 novembre 1843, existe sous la forme d’un brouillon dans la carte A. M. Havre Cont., Ingouville, 3 D 1/6, Correspondance. Sur l’élargissement de la rue, on lira ANDRÉ CORVISIER (dir.), Histoire du Havre et de l’estuaire de la Seine, Toulouse, Privat, 1983, pp. 156-157.
  • [27]
    Les lois des 27 vendémiaire an VII, 27 frimaire et 5 ventôse an VIII ne se réfèrent pas à la ville. Plus tard, l’article 147 de la loi du 18 avril 1816 permettra d’étendre la limite de l’octroi à celle de la commune en y incluant des zones rurales.
  • [28]
    En 1872, le Littré définit encore le faubourg comme le « quartier d’une ville situé en dehors de son enceinte ».
  • [29]
    A. M. Havre, Cont., Ingouville, 3 D 1/6, Correspondance, « Lettre du ministre de l’Intérieur au maire d’Ingouville », 10 février 1844.
  • [30]
    A. M. Havre, Cont., Ingouville, 3 D 1/2, Réunion du Bas-Sanvic à Ingouville, « Lettre de Bréard, curé d’Ingouville, au maire de la commune », 7 novembre 1843.
  • [31]
    L’expression « accéder » dans le sens de pouvoir atteindre un lieu ne semble pas courante au XIXe siècle. Les dictionnaires se limitent le plus souvent à l’idée de donner son assentiment. Il est probable que le terme ait eu une acception en partie juridique, et qu’il n’ait été utilisé que dans le cadre de servitudes qui grèvent la propriété.
  • [32]
    A. M. Havre, Cont., 1 D 25*, « Registre du conseil municipal de la commune d’Ingouville, 17 juin 1839-25 janvier 1849 », 8 novembre 1843. La liste des questions provient de A. M. Havre, Cont., Ingouville, 3 D 1/2, « Rapport sur la question de l’adjonction à Ingouville d’une partie de Sanvic », 14 novembre 1843.
  • [33]
    Ibid., « Extrait du registre des délibérations du conseil municipal du 3 mars 1830 ».
  • [34]
    Sur ce point, nous renvoyons à La contribution foncière et le cadastre en 1836, Rouen, Legrand, 1836.
  • [35]
    Dans le Littré : « Permission que les commis des douanes accordent pour les marchandises qui doivent traverser quelque ville sans payer d’octroi. »
  • [36]
    Sur les cimetières urbains de cette époque, mais avec une absence de questionnement territorial, voir MADELEINE LASSERE, Villes et cimetières en France de l’Ancien Régime à nos jours, le territoire des morts, Paris, L’Harmattan, 1997.
  • [37]
    Cette question nous semble être dans le droit fil de celle posée par DAVID EDGERTON, dans « De l’innovation aux usages. Dix thèses éclectiques sur l’histoire des techniques », Annales HSS, 53-4/5,1998, pp. 815-837.
  • [38]
    PIERRE-FRANÇOIS FRISSARD, Premiers Mémoires sur les divers projets relatifs à l’extension de la ville et du port du Havre, Le Havre, 1834; Deuxièmes mémoires sur les divers projets relatifs à l’extension de la ville et du Port du Havre, Le Havre, 1836; Histoire du port du Havre, Le Havre, Impr. du commerce Alphonse Lemale, 1837.
  • [39]
    La première citation est extraite de CHARLES-LOUIS LHÉRITIER DE BRUTELLE, L’avenir de Graville par l’auteur du Havre en 1860, Le Havre, Jehenn Libr., 1837, p. 24. La seconde vient de A. D. Seine-Maritime 1 M 81, « Lettre d’un ancien maire de Graville au Préfet », le 2 août 1851. Pour le reste, les informations viennent principalement de A. R, « Notes sur Graville-Sainte-Honorine », Bulletin de la Société des OUSSELIN études locales dans l’enseignement public, groupe de la Seine-Inférieure, 8,1915, pp. 1-62.
  • [40]
    La population d’Ingouville passe de 3 948 habitants en 1806 à 7 766 en 1836 et à 14 378 en 1851.
  • [41]
    Sur la croissance du Havre : JEAN LEGOY, Le peuple du Havre et son histoire, du négoce à l’industrie, 1800-1914, le cadre de vie, Le Havre, Ville du Havre, 1982, pp. 47-55; STENDHAL, Mémoires d’un touriste, Paris, La Découverte, 1993, p. 75.
  • [42]
    Sur ce point, on verra l’article rapportant la visite de Louis-Napoléon Bonaparte au Havre dans La Revue du Havre du 9 août 1849. On verra également JOHN M. MERRIMAN, Aux marges de la ville, faubourgs et banlieues en France 1815-1870, Paris, Le Seuil, 1994. Le cas n’est pas isolé; déjà, le 24 mars 1852, Lyon a annexé ses faubourgs (sur ce point, voir PIERRE-YVES SAUNIER, Lyon au XIXe siècle : les espaces d’une cité, thèse de doctorat, Université de Lyon II, 1992. De même, en 1856, les banlieues de Saint-Étienne lui sont rattachées. À Paris, si la réunion n’intervient que le 24 juin 1859, après les « sept ans de patience du baron Haussmann », selon les termes de BERNARD ROULEAU (Villages et faubourgs de l’ancien Paris, Histoire d’un espace urbain, Paris, Le Seuil, 1985), la procédure commence en fait au même moment.
  • [43]
    Pour les résultats des élections dans l’agglomération havraise, on verra A. D. S.-M., 3 M 1037. Voir PIERRE ARDAILLOU, Les républicains du Havre au XIXe siècle (1815-1889), Rouen, Universités de Rouen et du Havre, 1999.
  • [44]
    A. D. S.-M., 1 M 82, « Registre d’enquête ouvert à la mairie de cette ville du Havre relativement au projet d’adjonction au Havre d’Ingouville, de Graville-l’Eure et de la partie urbaine de Sanvic, clos le 1er décembre 1849 »; HONORÉ DE BALZAC reprend cette description à l’identique in Modeste mignon, La comédie humaine, XVII, Givors, André Martel éd., [1843] 1949, p. 10; STENDHAL, Mémoires d’un touriste, op. cit.
  • [45]
    A. D. S.-M., 1 M 81, « Extrait du registre des délibérations de la Chambre de Commerce de la ville du Havre », le 11 juillet 1850.
  • [46]
    La source employée se trouve dans le carton A. D. S.-M., 1 M 81. Pour ce qui est de la volonté d’institutionnalisation des élites commerciales, nous renvoyons à nouveau à J.-P. HIRSCH, Les deux rêves du commerce..., op. cit. À propos de l’opposition entre la commune du Havre libérale et les communes rurales conservatrices, on lira P. ARDAILLOU, Les républicains du Havre..., op. cit., principalement la 1re partie.
  • [47]
    À lire la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain du ministère de l’Équipement, des transports et du logement, le thème semble récurrent.
  • [48]
    Pour les assemblées de départements : article 2 de la section 2 du décret sur la constitution des assemblées primaires et des assemblées administratives du 22 décembre 1789; pour le corps législatif : paragraphe III de l’instruction de l’Assemblée nationale sur la formation des assemblées représentatives et des corps administratifs du 8 janvier 1790; pour le statut de Paris, Décret concernant l’organisation de la municipalité de Paris, du 21 mai 1790. Sur ces points, SERGE ABERDAM, SERGE BIANCHI et alii, Voter, élire pendant la Révolution française 1789-1799, guide pour la recherche, Paris, Éditions du CTHS, 1999, pp. 120,129 et 146-154.
  • [49]
    ALFRED LEGOYT, Du progrès des agglomérations urbaines et de l’émigration rurale en Europe et plus particulièrement en France, Marseille, Cayer et Cie, 1867, pp. 260-261. PAUL MEURIOT, Des agglomérations urbaines dans l’Europe contemporaine. Essai sur les causes, les conditions et les conséquences de leur développement, Paris, Belin frères, 1897. ID., « De la mesure... », art. cit.; ainsi que « De la valeur... », art. cit. Pour une étude de la question à cette époque, qui concerne exclusivement le monde scientifique de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle, on lira GILLES MONTIGNY, De la ville à l’urbanisation, Paris, L’Harmattan, 1992.
  • [50]
    A. D. S.-M., 5 SP 3026, Délibération de la chambre de commerce du Havre, le 9 août 1895.
  • [51]
    A. D. S.-M., 5 SP 2994, Délibération de la chambre de commerce de Rouen, 1909.
  • [52]
    L’ensemble des délibérations d’avril 1893 se trouve dans le dossier A. D. S.-M., 5 SP 2956, Tramways du Havre, extension du réseau, enquête 1893.
  • [53]
    JACQUES LEVAINVILLE, Rouen. Étude d’une agglomération urbaine, Paris, Armand Colin, 1913; ÉLISÉE RECLUS, Nouvelle géographie universelle. La Terre et les hommes, Paris, Hachette, 1875-1894,19 t.; A. E. BORÉLY, Histoire de la ville du Havre et de son ancien gouvernement, Le Havre, Lepelletier, 1880-1881,3 vols, et Histoire de la ville du Havre, de 1789 à 1815, Le Havre, Lepelletier, 1884-1885,2 vols.
  • [54]
    A. M. Havre, fonds contemporain, Le Havre, O2 19/2, « Modifications de lignes », Cahier des charges des Tramways du Havre, Réseau général, Le Havre, Imprimerie du Commerce, 1894. La délibération de la commune de Graville-Sainte-Honorine du 15 juin 1894 se trouve dans A. D. S.-M., 5 SP 2956.
  • [55]
    A. D. S.-M., 5 SP 2956, Commission d’enquête, « Pétition des habitants de Sainte-Adresse et de Graville-Sainte-Honorine », 15 mai 1894.
  • [56]
    A. D. S.-M., 5 SP 2954, « Délibération de la commune de Sainte-Adresse », 17 juin 1894.
  • [57]
    Ibid., « Délibération de la commune du Havre », 4 juillet 1894.
  • [58]
    Pour ces questions, nous renvoyons à THEODOR M. PORTER, « Les polytechniciens, le calcul économique et la gestion des travaux publics », in B. BELHOSTE, A. DAHAN - DALMEDICO, D. PESTRE et A. PICON (dir.), La France des X. Deux siècles d’histoire, Paris, Economica, 1995, pp. 195-202.
  • [59]
    Sur ce point, on verra NICOLAS DODIER, « Agir dans plusieurs mondes », Critiques, 529/530,1991, pp. 427-458, qui commente les textes suivants : LUC BOLTANSKI et LAURENT THÉVENOT, De la justification, les économies de la grandeur, Paris, Gallimard, 1991; LUC BOLTANSKI, L’amour et la justice comme compétence, Paris, Métaillié, 1990; LAURENT THÉVENOT, « L’action qui convient », in P. PHARO et L. QUÉRÉ (éds), Les formes de l’action, Paris, Éditions de l’EHESS, 1990, pp. 39-69.
  • [60]
    Sur ce débat au tournant des XIXe et XXe siècles : GILLES MONTIGNY, De la ville..., op. cit.
  • [61]
    Sur ces questions, on verra PHILIPPE MANNEVILLE, « Des douaniers dans la ville du Havre au XIXe siècle » et « Les Normands et le fisc », XXIXe Congrès des Sociétés historiques et archéologiques de Normandie des 20-23 octobre 1994 à Elbeuf-sur-Seine, numéro spécial du Bulletin de la Société de l’histoire d’Elbeuf, septembre 1996, pp. 183-190. Voir aussi le mémoire de maîtrise de CLAUDE AFFAGARD, Économie du Havre 1860-1885, Rouen, Université de Rouen/Institut d’Histoire, 1972, pp. 26-29.
  • [62]
    HENRI COLBOC, L’évolution du Havre-de-Grâce, thèse de l’Institut d’urbanisme de l’université de Paris, sous la direction de Pierre Lavedan, Paris, décembre 1943.
  • [63]
    PIERRE FRANCASTEL, « Paris, un héritage culturel et monumental », Notes et études documentaires, no 3483, Paris, La Documentation française, 1968.
  • [64]
    Sur ce point, on lira CHRISTOPHE CHARLE, « Les polytechniciens dans les élites de la République, méritocrates, hommes nouveaux et notables (1880-1914)», in B. BELHOSTE et alii (dir.), La France des X..., op. cit., pp. 87-102 et, dans le même ouvrage, CHRISTIAN LICOPPE, « Physique et chimie à l’École polytechnique (1795-1850)», pp. 273-282, ainsi que AMY DAHAN-DALMEDICO, « Polytechnique et l’école française de mathématiques appliquées », pp. 283-297.
  • [65]
    Sur cette évolution des conseils municipaux, on verra, d’une part, le tableau dressé par J. LEGOY dans Le peuple du Havre et son histoire..., op. cit., p. 312, et, d’autre part, JEAN-LOUIS MAILLARD, La révolution industrielle au Havre 1860-1914, mémoire de DEA, Université de Rouen/Institut d’histoire, 1978, et MARTIN COLLOS, Le commerce du coton au Havre de 1860 à 1914, mémoire de maîtrise, Université de Rouen/Institut d’histoire, 1971. On verra enfin P. ARDAILLOU, Les républicains du Havre au XIXe siècle..., op. cit.
  • [66]
    On retrouve là les idées, hélas souvent laissées de côté, de P. Meuriot et M. Halbwachs à M. Roncayolo, en passant par D. Nordman et M.-V. Ozouf-Marignier. C’est dire que ces questions sont anciennes; pourtant, les résultats à l’extérieur d’un petit groupe de spécialistes restent extrêmement limités.
  • [67]
    On verra sur ce point JEAN-CLAUDE PASSERON, Le raisonnement sociologique. L’espace non-poppérien du raisonnement naturel, Paris, Nathan, 1991, p. 369, cité dans BERNARD LEPETIT, « Une logique du raisonnement historique », Annales ESC, 48-5,1993, pp. 1209-1219.
  • [68]
    MAURIZIO GRIBAUDI, « Les discontinuités du social. Un modèle configurationnel », in B. LEPETIT (dir.), Les formes de l’expérience. Une autre histoire sociale, Paris, Albin Michel, 1995, pp. 187-226.
  • [69]
    FRANÇOIS SIMIAND, « Méthode historique et sciences sociales », in ID., Méthode historique et sciences sociales, choix et présentation de M. Cerdonio, Paris, Éditions des Archives contemporaines. Sur les usages de l’expérimentation, on verra JEAN-YVES GRENIER et BERNARD LEPETIT, « L’expérience historique. À propos de C.-E. Labrousse », Annales ESC, 44-6,1989, pp. 1337-1360. Sur d’autres utilisations, voir CHRISTIAN LICOPPE, « Du singulier au régulier, une nouvelle articulation de la preuve empirique chez les physiciens français (1700-1735) », Raisons pratiques, 4,1993, Les objets dans l’action, pp. 217-239; VINCENT PELOSSE, « Expérimentation et controverse dans les sciences », Naturessciencessociétés, 4-3,1996, pp. 258-263. On verra également le quatrième chapitre de MARCEL DETIENNE, Comparer l’incomparable, Paris, Le Seuil, 2000, pp. 81-104.
  • [70]
    BERNARD LEPETIT, « Le présent de l’histoire », in B. LEPETIT (dir.), Les formes de l’expérience..., op. cit.
  • [71]
    Sur l’idée de pratique sociale, on verra : EDUARDO GRENDI, « Repenser la microhistoire ?», in J. REVEL (dir.), Jeux d’échelles. La micro-analyse à l’expérience, Paris, Gallimard/Le Seuil, « Hautes Études », 1996, pp. 233-243; on verra également : MARIE JAISSON, « Temps et espace chez Maurice Halbwachs », Revue d’histoire des sciences humaines, 1,1999, pp. 163-178 (je remercie Éric Brian de m’avoir signalé cet article).
  • [72]
    DANIEL NORDMAN, Frontières de France. De l’espace au territoire, XVIe - XIXe siècle, Paris, Gallimard, 1998.
  • [73]
    PATRICK GAUTIER-DALCHÉ, « De la liste à la carte : limite et frontière dans la géographie et la cartographie de l’Occident médiéval », Castrum, frontière et peuplement dans le monde méditerranéen au Moyen  ge, Rome-Madrid, École française de Rome/Casa de Velazquez, 1992, pp. 19-31. De Daniel Nordman, il faudrait citer l’ensemble de la bibliographie, tant sur le monde français que sur celui d’outre-mer. Il en est de même pour les travaux de M.-V. Ozouf-Marignier. Pour des exemples à l’extérieur de la discipline historique, on verra DENIS RETAILLÉ, « Afrique, le besoin d’en parler autrement qu’en surfaces », EspacesTemps, 51/52,1993, ou encore CHRISTIAN GROS, « L’Indien est-il soluble dans la modernité ? ou de quelques bonnes raisons de traiter des Amazonies indiennes », Cahiers des Amériques latines, 23,1996, pp. 61-72.
  • [74]
    Sur les allers-retours entre conceptions et territoires, nous renvoyons aux travaux de MAURICE HALBWACHS, La topographie légendaire des évangiles en Terre sainte. Étude de mémoire collective, Paris, PUF, [1941] 1971.
Le savant, dans un cas, intervient au moyen d’opérations matérielles, et isole effectivement, dans la réalité, les divers facteurs. Le statisticien n’intervient pas matériellement : c’est par des opérations non plus physiques, mais intellectuelles, qu’il réussit à analyser un phénomène complexe en ses éléments [1].
MAURICE HALBWACHS

1Il existe de nombreuses définitions du territoire, le plus souvent opposées ou au moins complémentaires à celle de l’espace [2]. Il ne s’agit pas ici de revenir sur les usages de ces mots dans les sciences sociales – ces questions ont été et sont encore discutées aujourd’hui [3] –, mais plutôt de préciser le sens dans lequel nous allons les employer dans les pages qui suivent. Dans ce cadre, le territoire d’un individu est la résultante de son appropriation de l’aspect géographique de ses pratiques. Un marchand itinérant a probablement une conception du territoire différente de celle d’un boutiquier, alors même que ces deux personnes ont en apparence une zone de chalandise plus ou moins similaire. Pour deux activités finalement assez proches, la pratique géographique est différente, l’un est sédentaire, l’autre se déplace et arpente la contrée. On imagine aisément que le premier décrira son territoire commercial en présentant une longue liste de lieux, parfois classés, dont les plus importants seront soit ceux où la concurrence existe, soit ceux tellement éloignés qu’ils témoignent de la valeur de son activité économique. Le second, en revanche, en présentant une succession de lieux et parfois de distances, produira sûrement ses itinéraires, dont les hauts lieux seront, au moins en partie, définis par la pénibilité de ses déplacements. Sur ce point, des différences sont probables entre itinérants des zones montagneuses et des plaines. Ainsi, il n’y a donc pas un territoire, mais une multitude, que l’on se doit de lier à la pluralité des pratiques et des cultures, mais dont il est également nécessaire de connaître les coefficients de variations, voire d’uniformisation. Sans cela, pas – ou peu – d’histoire du territoire, mais une série de recherches ni comparables ni cumulatives.

2Parallèlement, l’espace est le territoire du savant – du spécialiste qui définit sa pratique par son niveau d’abstraction; autrement dit, par sa pratique savante, il dit le territoire avec ses outils et l’appelle l’espace : c’est par exemple le cas de l’espace euclidien. La différence que l’on introduit entre les pratiques des individus est donc à l’origine de celle qui existe entre les deux mots. Pour mieux marquer la profondeur de cette distance, il suffit de renvoyer à l’accueil réservé aux cartes de Cassini; celles-ci sont vivement critiquées, dès les années 1780, et plus encore dans de nombreux textes envoyés au comité de division de l’Assemblée constituante [4] à la suite de la division de la France en départements : cette carte est trop géométrique. Comme l’écrivent les officiers du bailliage de Pont-de-l’Arche au début de l’année 1790 : « Les cartes de Cassini [...] très bonnes en elles-mêmes pour mesurer la distance à vue de clocher, ne peuvent être adoptées dans cette opération [de découpage]; il faut avoir marché & vérifié la position & l’étendue du terrein [sic], apprécié les obstacles & les passages de rivières, pour remplir avec satisfaction les vues de l’Assemblée [5]. » La distance entre l’espace et le territoire peut donc être grande, mais elle est également susceptible de varier dans le temps; les cartes de France actuelles semblent être parfaitement acceptées.

3Pour mettre au jour les possibles variations du territoire, nous proposons de traiter ici des évolutions des conceptions du territoire chez les acteurs locaux de l’agglomération havraise au XIXe siècle à travers une série de cas à l’occasion desquels le territoire de la ville est remis en cause. Mais l’étude d’un objet dans un terrain sous-entend également la prise en compte des spécificités qui leur sont propres, et sans lesquelles le test n’aurait probablement pas de valeur. Dans les cas qui vont être traités, il nous faudra nécessairement prendre en considération non seulement les spécificités havraises, mais encore des questions telles que l’extension progressive de la ville, tant du fait des augmentations de la population que des mutations de l’activité économique qui s’y déroule [6]. Il s’agit donc de confronter une collection de cas, comme on le ferait d’une série d’expérimentations successives, mais menées en des lieux différents, et, par conséquent, en tenant compte des évolutions des contextes de façon à maintenir la comparabilité; en d’autres termes, à réduire les différences à de simples données du problème.

Maintenir la ville malgré la Révolution

4On le sait, la Révolution, par sa remise en cause des privilèges, ouvre aux yeux de nombreux acteurs soit un gouffre insondable soit de nouvelles possibilités. Les représentants de la ville du Havre oscillent entre ces deux conceptions, passant du catastrophisme à l’opportunisme. Les demandes qui suivent relèvent principalement de cette deuxième attitude et visent à améliorer la situation des acteurs locaux en augmentant la surface territoriale de leur ville.

Premier cas : le district de l’agglomération havraise, 5 décembre 1789-10 août 1790

5Entre le 5 décembre 1789 et le 10 août 1790, les représentants de la ville du Havre, en accord avec leur député, Jacques-François Bégouen-Démeaux, effectuent de nombreuses demandes en vue d’obtenir le chef-lieu de district, attribué officiellement le 3 février 1790 à Montivilliers. Ceux qui s’expriment sont, majoritairement – comme leur député –, des négociants, ou se trouvent liés au monde du commerce. Dans leurs discours, ces acteurs vont tout à la fois construire et dire leurs conceptions du territoire pour défendre leurs requêtes.

6Au commencement des discussions, ces Havrais n’hésitent pas à tenter de prouver l’existence de fonctions urbaines associant fortement la ville et les contrées qui en sont proches [7]. Dans ce dessein, ils expliquent que « le négociant n’est pas sans patrie, sans cesse à s’occuper à s’enrichir et jamais rassasié; il a autant de charges que l’agriculteur. L’un tire du sol les productions que l’autre fait circuler; et en se prêtant un secours mutuel ils se procurent les jouissances du nécessaire et de l’agrément... [8] », ce que Condillac n’aurait certainement pas renié. On est là du côté d’une définition de la ville qui, en insistant sur les fonctions, sous-entend l’idée de relation entre celle-ci et les territoires proches, entendons la campagne. Devant l’échec de cet argumentaire, les représentants du Havre finissent par proposer une autre solution :

7

Il reste encore une ressource que la constitution ne défend pas, que la prudence conseille et que l’intérêt public réclame, c’est l’établissement d’un huitième district pour la ville du Havre. Ce district n’aura pas [...] l’étendue territoriale généralement adoptée dans la subdivision du département, mais du côté de la population, du côté de la contribution et surtout du côté du rapprochement des grands objets d’administration, il pourra entrer en parallèle avec beaucoup d’autres districts[9].

8La proposition est, en fait, plus précise, puisque la circonscription demandée inclut les paroisses d’Ingouville, de Graville, de Leure, Sanvic, Bléville et Saint-Denis Chef-de-Caux (future Sainte-Adresse), ce qui est un retour pur et simple au bailliage du Havre tel qu’il existe jusqu’en 1789. L’argument justifiant la requête est que « Le Havre [...] mérite par l’étendue de son commerce dans toutes les mers qu’on s’occupe de son port ». Autrement dit, c’est parce que les navires des négociants havrais font escale dans de nombreux ports étrangers qu’il faut que Le Havre devienne une circonscription administrative supérieure de la France.

figure im1

9L’expérience des Havrais, tant en matière de négoce international [10] que de gestion juridique du bailliage [11], est convoquée ici pour produire le territoire du district – horizon d’attente des acteurs locaux qui souhaitent voir leur position institutionnalisée [12]. On le voit, plus qu’une description opposant les territoires en étendues et en flux, les représentants de la ville réussissent à rassembler les deux conceptions dans un projet unique. À cette fin, ils opèrent un double changement d’échelle et de registre. Par son commerce international, à l’échelle du globe, Le Havre est un point de départ et d’arrivée; par ses circonscriptions administratives, que les députés avaient clairement définies comme des surfaces, le district du Havre est une étendue composée de sept ex-paroisses, devenues communes. Les aspects géographiques de deux pratiques coexistantes sont donc utilisés ici pour dire le territoire pertinent de la ville du Havre au moment du découpage de la France en circonscriptions révolutionnaires. Préciser ce contexte n’a pas pour but de raccrocher une histoire havraise à une grande histoire nationale; au contraire, c’est insister sur la relation possible entre deux échelles qui ont la même valeur explicative. Si on tente de le représenter de façon graphique, on obtient une composition de deux échelles coexistantes dans une même description du territoire (le négoce international est de même valeur que les circonscriptions administratives anciennes pour définir une circonscription révolutionnaire). Ajoutons qu’à chacune de ces appréhensions à une échelle donnée correspond une morphologie du territoire propre. Autrement dit, poser une même question à deux échelles c’est vraisemblablement obtenir deux résultats distincts. Un deuxième cas, dans un contexte légèrement différent, rendra plus palpable la nécessité de tenir compte du contexte pour analyser les conceptions territoriales des acteurs.

Deuxième cas : la tentative de réunion de la commune d’Ingouville au Havre en mars-avril 1790

10Dans une lettre du 29 mars 1790, la municipalité du Havre demande une nouvelle fois l’avis de son député, Bégouen-Démeaux, sur l’éventualité d’une réunion entre Le Havre et l’un de ses faubourgs, Ingouville. Ici, l’opposition entre ville et faubourg est évidente : la ville est à l’intérieur des murs, le faubourg au-delà de ses portes et de son enceinte. Répétons-le : dans le cas présent, l’existence d’une zone non aedificandi accentue la séparation [13].

11

Vous savez, Monsieur, que la ville du Havre est une annexe de la cure d’Ingouville, que c’est le même curé qui est le pasteur des trois paroisses; que nôtre [sic] hôpital et notre chaussée sont sur Ingouville. Vont-ils désormais dépendre de la municipalité d’Ingouville ? Vous comprenez facilement, Monsieur, le grand intérêt de notre ville à l’empêcher.
Les ouvriers qui travaillent à Ingouville sont aggrégés [sic] aux communautés de notre ville, entres [sic] autres les boulangers, les cordonniers, les merciers et autres. Les corderies, les chantiers de construction et les magasins de bois, braise, goudrons, et chanvres du commerce sont sur Ingouville; enfin la population de ce bourg est aujourd’hui de 6 000 âmes; tous ont des rapports plus ou moins grands avec les habitans de notre ville. Ce bourg donne facilement ouverture à la fraude, au détriment de nos octrois; la municipalité de notre ville pourrait prendre des mesures pour s’y opposer si elle en avait la surveillance. Si notre ville se trouvait dans l’heureuse position de mettre en bon état les conduites des sources qui fournissent de l’eau à notre ville, nous pourrions partager cet heureux avantage avec les habitants d’Ingouville [...]. La majeure partie des propriétés d’Ingouville appartient aux habitants de notre ville, et le bourg qui, depuis trois à quatre ans, a acquis un accroissement considérable, doit s’agrandir encore davantage. Lorsqu’il se trouve dans notre ville des suspects que la police en fait chasser, ils se réfugient dans Ingouville, où ils sont à la portée de commettre au préjudice de notre ville tous les désordres qu’on cherche à prévenir. La sûreté publique et la bonne police de notre ville exigent donc que la paroisse d’Ingouville soit administrée par les mêmes chefs que la ville du Havre[14].

12Trois éléments principaux sont mis en avant pour justifier la réunion des deux communes. Le premier concerne les fonctions urbaines du Havre qui sont situées sur le territoire de la commune d’Ingouville : ainsi l’hôpital, la chaussée (ici la promenade ombragée), mais aussi les usines et les entrepôts, voire la propriété des terrains. Le deuxième porte sur la similarité des deux populations : les ouvriers et artisans font partie des mêmes institutions; les habitants des deux communes ont des rapports plus ou moins grands; et les criminels agissants au Havre le font soit de cette ville, soit d’Ingouville. Quant au mot « agrégé », à en croire l’Encyclopédie, il signifie « l’assemblage et union de plusieurs choses qui composent un seul tout sans qu’avant cet assemblage les unes et les autres eussent aucune dépendance ni liaison ensemble [15] ». On comprend dès lors que le rôle des communautés d’artisans de la ville a été de réunir des éléments disparates pour en faire un groupe unique. Selon les représentants de la ville du Havre, la Révolution, en introduisant des limites inadéquates, risque de rompre cette unité, artificielle peut-être, mais existante. Les représentants du Havre demandent donc le maintien d’une relation sociale que l’institution de plusieurs communes risque de briser.

13Enfin, le dernier aspect est celui des flux entre les deux territoires, qui apparaissent dans la fraude à l’octroi et dans les conduites d’eau qui alimentent les populations. Avec cette référence aux canalisations, qui préoccupe les représentants de la ville à la fin del’Ancien Régime, on passedu côté des réseaux techniques et du monde des ingénieurs chargés de maintenir l’adduction d’eau de la ville [16]. Là est sous-entendue une connaissance très différente de celle des communautés d’artisans, puisqu’il s’agit d’une question liée à une culture et à un discours techniques des ingénieurs. Notons simplement que les représentants du Havre montrent ici leur capacité à mobiliser des registres très différents, même s’il ne s’agit en fait que d’évocations allant du social au technique. On pourrait insister également ici sur l’octroi, qui pose bien des problèmes aux administrateurs havrais depuis qu’une partie des fortifications a été abattue en vue de l’agrandissement de l’enceinte, décidé en 1787. Sur ce point, et pour résumer les discussions, les représentants de la ville mettent en évidence la fragilité d’une limite non marquée par un mur [17]. Ces éléments justifient le placement sous une même autorité des deux communes. De même, l’allusion à l’accroissement du bourg depuis trois ou quatre ans, qui renvoie directement à l’extension de la ville après 1787, conformément au projet de l’ingénieur Lamandé, pourrait placer cette requête dans le registre des projets urbains. La demande havraise s’exprime donc dans un registre au moins en partie territorial, articulé avec des approches sociale et technique peut-être en relation avec la science de l’ingénieur. Quoi qu’il en soit, Bégouen-Démeaux demande à la municipalité du Havre d’attendre la formation de l’assemblée du département de la Seine-Inférieure avant d’aller plus loin.

14Dans ce deuxième cas, il n’est plus question du découpage de la France en départements et districts, et les Havrais, s’ils n’acceptent pas aisément que le cheflieu du district ait été attribué à Montivilliers, savent bien que les arguments développés quelque temps plus tôt n’ont pas été reçus : au contraire, c’est une petite ville principalement ecclésiastique à l’époque qui a obtenu le chef-lieu. Le contexte des réformes a lui-même évolué : c’est au tour des territoires des circonscriptions inférieures à être précisés. En effet, l’article 2 du titre 1er de la loi du 4 mars 1790, relative au découpage de la France en départements et districts, définit le territoire des villes comme étant « soumis à l’administration directe des municipalités & [...] les communautés de campagnes comprennent de même tout le territoire, tous les hameaux, toutes les maisons isolées dont les habitants sont cotisés sur les rôles d’imposition du chef-lieu [18] ». Le territoire des villes est défini non seulement par l’inscription sur les registres fiscaux, mais également par l’action du pouvoir municipal. La demande d’expansion territoriale se cale donc sur les textes les plus récents tout en conservant la mention des activités économiques privées. Celles-ci concernent au moins en partie les membres du conseil municipal de la commune, mais ne correspondent pas pour autant aux critères qu’énonce la loi pour dire le territoire pertinent. La requête est donc l’addition d’une pratique sociale, ici d’essence légale, et d’une pratique plus personnelle, professionnelle dans ce cas précis; ces deux éléments sont inextricablement mêlés. Représentée graphiquement, cette conception associe des ressorts d’autorité – ici des surfaces limitées représentant les circonscriptions communales –, une idée d’enclave (petite surface limitée comprise dans une plus grande) – l’hôpital, la chaussée, les usines –, des flux de personnes ou de biens (symbolisés par des lignes).

figure im2

15Contrairement au cas précédent, il ya donc superposition de deux représentations à une seule échelle : d’un côté, des surfaces de ressort – ou d’enclave –, de l’autre, des lignes de flux. La représentation en schémas rend donc très lisible la variation dans les modes de description du territoire. Mais les différences présentées ici sont loin de fournir un aperçu juste du spectre des possibilités; un troisième cas donnera une idée de son extension.

Troisième cas : réunir plusieurs communes en une municipalité conformément à l’instruction du 12 août 1790 et d’octobre 1790

16L’instruction de l’Assemblée nationale du 12 août 1790, reprise dans la proclamation royale du 20 août 1790, confie aux districts le soin d’établir les délimitations et de réduire le nombre des municipalités, car « il peut être à la convenance de plusieurs communes de se réunir en une seule municipalité », ce que l’Assemblée nationale souhaite favoriser [19]. Le 27 septembre 1790, à la suite de ces textes, les administrateurs du département de la Seine-Inférieure invitent chaque commune à nommer un commissaire qui participera à une réunion cantonale afin de déterminer quelles communes doivent être supprimées [20]. Le 18 octobre, c’est Jean-Jacques Christinat, négociant et officier municipal de la commune du Havre, qui, après avoir reçu ses instructions de la municipalité, les présente à la réunion cantonale :

17

Le vœu général de la commune du Havre est [...] que les limites de la municipalité du Havre soient à l’Est une ligne droite qui sera tirée du rivage de la Seine au Pont-Rouge, passant le long des murs de l’Ouest du jardin du presbytère de l’Heure, la rue qui tend du Pont-Rouge, à la grande route vers la partie où coule le ruisseau du Neuf, à l’Ouest de la masure du Sieur Mouchel, et, de ce ruisseau par la rue qui tend entre les possessions Michel et Borel, aboutit à la Côte du Neuf qui monte à tout vent, et joint sur la Côte le chemin qui vient de Graville, et tend à la mer, Lequel chemin (Limite du Nord) tendant à la mer, passe devant les Masures Pimont, la première à l’Est jusqu’à celle Fouquet, la dernière à l’Ouest descend au pied de la Cavée et se rend à la mer passant le long des murs du Nord du Cimetière des non-catholiques.

18Derrière cette description extrêmement précise, la municipalité du Havre demande, sans le dire, l’annexion de toutes les parties circonvoisines du Havre dans Ingouville, Graville, Trigauville, Sainte-Adresse et Leure. La municipalité de Leure, très probablement à la suite de celle du Havre, reprend le même type de description et demande que toutes les portions restantes soient réunies pour former une nouvelle commune de Leure.

19Quelle que soit la circonscription demandée, ce qui est à prendre en compte ici réside dans la nature de la description. Il est difficile de savoir si ce projet a été construit sur le terrain, soit en procédant comme lors d’une opération de bornage, soit en tirant des traits sur une carte. La première hypothèse est envisageable puisque, si l’on se réfère aux usages des terriers non nécessairement cartés, des « lignes idéales » sont évoquées très tôt lors des délimitations de paroisses [21]. Cependant, l’expression « tirer une ligne » laisse plutôt penser que c’est le second terme de l’alternative qui est le bon. Dès lors, la carte serait l’élément majeur du raisonnement. Lors des discussions sur l’extension de la ville sur la paroisse d’Ingouville en 1787, le projet est présenté sous la forme de l’ajout du plan du projet sur le terrier-carté de la ville; la méthode préexiste donc.

figure im3

20La mention des masures et des jardins, avec le nom de leurs propriétaires, ainsi que l’existence des chemins sont des éléments que l’on trouve nécessairement sur ces terriers-cartés. En conséquence, et si notre hypothèse est exacte, le travail des représentants du Havre se serait limité en un tracé de lignes sur une carte-terrier qui couvrirait les paroisses circumvoisines du Havre de façon à délimiter la commune. L’exemple de 1787 et sa présence dans les archives municipales laissent à penser que les représentants havrais connaissaient probablement cette méthode. Cela expliquerait la remarquable description des limites. Cependant, l’usage de la seule carte, pour expliciter l’annexion, aboutit dans ce cas à une concentration spectaculaire de la description territoriale des Havrais, qui se situe plus du côté de l’espace articulant lignes et points que de celui du territoire associant limites et lieux. La représentation graphique de cette conception relève d’un mode de description qui semble directement inspiré soit des plans terriers, soit de la carte de Cassini, ou encore de travaux contemporains rendus similaires par leur usage de la géométrie.

21La différence avec les propositions des communes d’Ingouville ou de Sanvic est considérable. Ainsi, le maire de la commune d’Ingouville, Jean-Jacques Tougard, ne se réfère qu’à la quantité de populations en souhaitant qu’il n’y ait aucun changement « car la population de sa commune est suffisante ». L’absence de critères de situation, de distance, voire d’étendue nous incite à penser qu’il n’y a pas à proprement parler d’élaboration territoriale dans ce cas : c’est donc probablement plus un lien social que territorial qui est mis en avant. Quant au maire de Sanvic, Ledemandé [22], il désire que « comme l’église de Sanvic fait le point milieu avec la paroisse de Sainte-Adresse, cette dernière soit jointe en totalité à la municipalité de Sanvic comme étant la plus forte en citoyens actifs et éligibles ». La représentation graphique que l’on peut faire de ce dernier texte, qui évoque distance et position médiane est, de ce fait, extrêmement éloignée du cas précédent. Notons cependant que cette représentation liant distance et centralité force probablement un peu le trait, puisque l’église en tant que lieu de ralliement peut à la fois être une évocation de lien social et de lien territorial.

figure im4

22Comme on peut le voir, par la comparaison des schémas, plusieurs discours territoriaux coexistent donc lors du premier débat local sur les réunions de communes. Celui des représentants du Havre se borne à la limite, mais le fait avec précision. Celui de Sanvic offre une description liant centralité et population; alors que celui d’Ingouville se réduit à la population.

Statut de ville et territoire

23Entre les tentatives de réunion des communes proches du Havre en 1790 et l’annexion qui réussit en 1849-1853, on ne compte pas moins de neuf tentatives qui avortent (1792,1793, an II, IV, VII, VIII, IX, XI, et 1823); hélas, on ne les connaît que par de rares mentions, ou par de courts extraits de textes. Face au risque constamment rappelé aux Ingouvillais de se voir absorbés par Le Havre, une stratégie d’évitement est mise en place par les représentants de la commune. Celle-ci, d’abord purement formelle, se transforme progressivement en une tentative d’absorption d’autres communes afin de consolider la position d’Ingouville face au Havre.

1843-1845 : obtenir le statut de ville pour Ingouville

24À partir de 1817, et surtout entre 1843 et 1845, on peut suivre la tension entre Ingouville et Le Havre, mais selon une thématique sensiblement différente de celle de la réunion de communes, dans des requêtes émises par des conseillers municipaux d’Ingouville en vue d’obtenir le « titre de ville ». À l’origine de la question se trouve la loi du 10 brumaire an II, dans laquelle la Convention, choquée par ce vestige des privilèges, décide de supprimer les dénominations de ville, bourg et village, pour lui substituer celle de commune. La ville n’existe donc plus officiellement. Les représentants d’Ingouville vont pourtant requérir à trois reprises le titre de ville pour leur commune : en 1817 et 1837 d’abord, les réponses du ministère de l’Intérieur refusent d’accorder ce titre au motif qu’il a été supprimé par la décision de brumaire an II. Il est vrai que, depuis cette loi, les utilisations des mots ville, bourg et village, voire faubourgs et banlieues ne disparaissent ni des usages ni de la législation. Le décret organique du 23 prairial an XII relatif aux cimetières des villes, bourgs et autres communes; l’article 52 de la loi de dessèchement des marais de 1807, relatif aux plans d’alignement dans les villes; la loi d’organisation fiscale de 1816, qui précise dans son article 152 les localisations des perceptions dans les banlieues autour des villes : autant de textes qui rencontrent des difficultés d’application du fait de l’absence officielle de ces catégories [23].

25Mais c’est le cas de 1843-1844, le mieux documenté, qu’il convient à présent d’explorer. En effet, la demande de statut de ville ressurgit en 1843, à l’époque où les ministères des Finances et de l’Intérieur se mettent d’accord sur la délimitation de l’agglomération pour définir la population urbaine, mais après que le recensement de 1836 a présenté, pour la première fois, les informations sur la population agglomérée et sur la population totale [24]. C’est à la suite de cette élaboration que la définition de la commune urbaine, encore en usage aujourd’hui, s’impose : elle existe là où la population agglomérée – c’est-à-dire celle dont les lieux d’habitation sont séparés par moins de cent mètres – dépasse 2 000 habitants au chef-lieu. À l’usage, cette définition confond très vite ville et commune urbaine [25].

26Le 21 novembre 1843, Rousselin, le maire d’Ingouville, écrit au ministre de l’Intérieur afin d’obtenir des informations sur le « titre de ville ». Son raisonnement, s’il s’appuie sur la quantité de population, ne s’y limite pas. Selon lui, l’importance croissante du port du Havre :

27

Ayant forcé les habitans à se porter sur les communes environnantes & notamment sur Ingouville, il en est résulté que cette commune qui, en 1833, comptait moins de 6 000 âmes a aujourd’hui près de 10 000 habitants [...]. Vous comprendrez facilement, M. le ministre, qu’un accroissement aussi considérable en dix années n’ait pu avoir lieu sans amener un changement complet dans l’aspect de la localité, laquelle perdant peu à peu son caractère rural offre maintenant toutes les conditions qui constituent une Ville. Aussi l’administration municipale d’Ingouville, pour parvenir à de sérieuses améliorations, a-t-elle due [sic] faire dresser un plan d’alignement qui a été approuvé par ordonnance royale en date du 21 novembre 1838. Depuis, par suite de la mise à exécution de ce plan, les anciennes voies publiques se sont élargies, de nouvelles rues se sont ouvertes & l’importance d’Ingouville n’a fait que suivre une marche progressive.

28À cet argument, il faut ajouter celui de l’importance des recettes de l’octroi, qui rapporte près de 100 000 francs. « C’est là un résultat que beaucoup de communes portant le titre de ville ne pourraient présenter. » En conséquence,

29

Ingouville n’étant plus une commune rurale , ne pouvant non plus être considéré comme faubourg de la ville du Havre avec laquelle elle n’a rien de commun, malgré son voisinage immédiat, puisque ces deux localités sont régies par des administrations distinctes, & que d’ailleurs, Ingouville est chef-lieu de canton; il est naturel de penser que le titre de ville lui est bien acquis ainsi que les bénéfices qui peuvent résulter de cette qualification principalement en ce qui touche les questions de propriétés, de constructions et de clôtures.

30Le problème posé est celui de la mitoyenneté et de la clôture, réglé par l’article 663 du Code civil. Celui-ci énonce que « chacun peut contraindre son voisin à contribuer aux constructions ou réparation de la clôture faisant séparation des maisons cours & jardins assis dans les villes & faubourgs ». Or, « attendu que la loi n’a point expliqué ce qu’on entend par ville & faubourg; qu’elle a encore moins décidé quand & comment une simplecommune, par suite de l’augmentation & de l’agglomération de la population passera à l’état de ville », la situation est insoluble [26].

31Revenons sur cet argumentaire pour déterminer le mode de raisonnement liant ville et territoire. Tout d’abord, l’augmentation forte de la population est un indice du changement d’aspect de la localité. C’est cet aspect qui donne le caractère rural ou atteste les conditions qui constituent une ville. Celles-ci ont été améliorées par l’usage d’un plan d’alignement, obligatoire dans les villes depuis la loi du 16 septembre 1807. Il a permis l’élargissement des rues et eu pour conséquence l’augmentation de l’importance d’Ingouville. La mention de l’octroi suit la même logique que celle du plan d’alignement. En effet, l’article 26 de l’ordonnance royale du 9 décembre 1814 soumet « les villes seules et leurs faubourgs à la perception du droit d’octroi [et] affranchit complètement les dépendances rurales entièrement détachées du lieu principal » [27]. Et puisque la somme perçue est importante, la commune d’Ingouville devrait obtenir le titre de ville plutôt que celui de faubourg. Ce qui permet aux conseillers municipaux de démontrer qu’Ingouville n’est pas un faubourg – bourg qui est en dehors des murs [28] – et que, malgré un voisinage immédiat, il existe non seulement deux administrations communales séparées, mais, surtout, deux circonscriptions administratives cantonales distinctes. La dépendance d’une circonscription supérieure à celle de la commune permet donc de déterminer la limite de la ville du Havre et, par extension, celle d’Ingouville. Il reste à souligner la dernière difficulté, qui revient sur le caractère dynamique du passage du statut de simple commune à celui de ville. Celle-ci n’est pas réglée, mais devrait l’être par une étude de l’augmentation de la population et de son agglomération, c’est-à-dire la continuité de l’occupation immobilière et humaine. Nous sommes ici au cœur du débat sur les catégories statistiques en cours de formation, et la solution proposée par les représentants d’Ingouville semble être qu’il faut donner le titre de ville aux communes quand la quantité de population, son agglomération, les circonscriptions administratives supérieures à la commune, ainsi que l’existence d’un plan d’alignement le justifient. Faute de quoi, la gestion de ces communes, s’agissant de leur voirie ou des tensions liées au respect de la propriété, est impossible. Malgré les contradictions internes à la jurisprudence, le ministre de l’Intérieur ne cède pas [29].

Quatrième cas : réunir les différentes parties de la ville d’Ingouville

32Les contradictions dans la jurisprudence mettent très probablement dans l’embarras certaines communes, comme dans le cas d’Ingouville. Il ne faut cependant pas en exagérer la portée, et, sans postuler nécessairement la mauvaise foi des conseillers municipaux, on peut imaginer qu’ils ont d’autres objectifs en vue. L’un d’eux est certainement d’empêcher l’annexion de la commune par Le Havre, et un autre d’annexer une partie de celle de Sanvic.

33À Ingouville, la question de l’annexion de la partie basse de la commune de Sanvic est lancée par un courrier que Bréard, curé d’Ingouville, adresse au maire le 7 novembre 1843. Ce document informe que le cardinal prince de Croÿ, archevêque de Rouen, se soucie de la situation du bas de Sanvic et que,

34

considérant l’éloignement du bas de Sanvic, du Perrey et d’une partie des Gobelins de toutes les églises des environs, [il l’a chargé] d’aviser aux moyens de bâtir une église qui réunira au spirituel ces deux portions de communes [...]. L’emplacement projeté n’a pu être choisi que sur le territoire d’Ingouville. Ne serait-il pas urgent, pour éviter tout conflit pour l’avenir, de s’occuper de placer ces deux portions de communes sous la même juridiction civile ?[30]

35Cet élément de description du territoire qui s’appuie sur les circonscriptions religieuses est aussitôt repris par la municipalité d’Ingouville, qui lui en adjoint toute une série d’autres :

36

Une nouvelle délimitation dans l’Ouest de notre territoire présente des avantages notoires, tels, par exemple que d’établir l’unité des juridictions civile et religieuse, d’augmenter notre population & par suite nos recettes d’octroi, en même temps qu’elle nous faciliterait les moyens de répression de fraude, une nouvelle disposition des bureaux nous procurerait une économie. Les améliorations que ces nouvelles ressources nous permettraient d’opérer donneraient des débouchés à certaines de nos usines qui accèdent[31] au territoire de Sanvic & qui y sont pour ainsi dire interrompues; notre cimetière nouveau pourrait ainsi se trouver sur notre propre territoire. Mais à côté de tous ces avantages [...] il y a des inconvénients; nous aurons forcément une augmentation des charges de police [...], de même pour l’éclairage & pour l’entretien des rues.

37Cette réflexion tient compte des questions de juridictions civile et religieuse, de démographie, de recettes fiscales et de répression des fraudes considérables, de la disposition même des bureaux d’octroi, et des avantages qu’il en découlerait pour leur gestion. Elle évoque également les débouchés des usines « accédant » au territoire de Sanvic, le nouveau cimetière qui s’y trouve, le budget communal quant à la police, à l’éclairage et à l’entretien des rues et donc au plan d’alignement. Cette description, comparée à l’argumentaire de la demande du statut de ville, nous incite à penser que les édiles proposent, surtout, la réunion de tout ce qui relève potentiellement de la ville.

38Le résultat direct des discussions du 8 novembre est la nomination d’une commission devant remettre, le 14 novembre, un rapport sur la question de l’adjonction d’une partie de Sanvic à la commune d’Ingouville. La commission précise dans son rapport que

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cette modification de territoire entraînait nécessairement [...] l’examen des questions suivantes :
1o Les limites actuelles des deux communes d’Ingouville & de Sanvic présentent-elles des imperfections qui en rendent la rectification nécessaire ?
2o N’y a-t-il pas lieu à rectification, en se fondant sur l’exercice du culte ?
3o Y a-t-il lieu de procéder à la rectification demandée pour faciliter la perception de l’octroi d’Ingouville ?
4o Cette rectification n’est-elle pas commandée par les besoins de la Voirie ?
5o L’action de la police ne réclame-t-elle pas encore en faveur de cette rectification ?
6o Quelle devrait être l’assignation à donner aux nouvelles limites d’Ingouville & de Sanvic ? 7o Enfin, quels seraient pour la commune d’Ingouville les inconvénients à provenir de cette nouvelle délimitation ?[32]

40Soulignons quelques-unes des questions de ce texte. Tout d’abord, alors que jusqu’ici le sujet n’avait pas clairement été posé sous un angle territorial, cette fois, et dès l’introduction, il est présenté comme une modification du territoire. Et c’est parce que l’annexion relève du registre territorial que le premier point aborde le sujet des limites et de leurs imperfections. Lorsque l’on sait que, le 3 mars 1830, le conseil municipal d’Ingouville avait, au regard du plan, accepté comme bonnes les délimitations cadastrales entre sa commune et celle de Sanvic, on comprend combien cette critique est lourde de sens [33]. Cela doit être mis en parallèle avec un reproche d’ordre plus général qui dénonce la faiblesse du cadastre du fait de son absence d’actualisation [34]. En fait, la référence implicite aux débats cadastraux n’a d’intérêt que parce qu’elle explicite son usage par les acteurs locaux, ce que la dénonciation de ses défauts laisse entendre. Le développement de la première question est évocateur :

41

Une partie du territoire de Sanvic vient se placer en pointe & dans un sens irrégulier le long de la commune d’Ingouville. C’est [...] au milieu des rues de Mer, d’Étretat, des Tuileries & de la Batterie, c’est en traversant des propriétés particulières, la plupart closes & bâties, c’est enfin dans les champs & parmi les pièces de terre labourables, que se trouvent les limites actuelles d’Ingouville et de Sanvic.

42Comme dans le cas du Havre en octobre 1790 (cas 3), on imagine difficilement ce développement sans référence aux plans cadastraux ou terriers. La juxtaposition de cette image de « pointe se plaçant dans un sens irrégulier » est évoquée par les auteurs du texte, et la description des propriétés bâties apparaît très probante. À titre d’indice complémentaire, précisons que les procès-verbaux de rectification de limite, lors de la mise en place du cadastre, utilisent le même registre pour la description en l’accompagnant d’un plan.

43Alors que la première question est exprimée sous une forme territoriale, les autres, tout en renvoyant implicitement à des territoires, restent en dehors de ce registre. Le questionnaire semble donc poser le cadre de la réflexion dans la première question et ne fait plus que décliner les autres sujets dans le même registre. Ce n’est qu’ensuite, au moment du développement, que le territoire réapparaît au moins en partie sous une forme différente. La réponse à la troisième question sur l’octroi en fournit un exemple :

44

Il est permis de soupçonner que des objets traversant en passe-debout[35] le territoire d’Ingouville, y rentrent clandestinement avec toute la facilité qui résulte de l’agglomération des bâtiments au milieu desquels se trouvent, dans le quartier des Tuileries & des Quatre Chemins, les limites de deux communes d’Ingouville & de Sanvic.

45On est cette fois-ci proche du cas 2 (mars-avril 1790) : la complexité de l’urbain s’observe ici clairement au travers de la description des territoires. Celui de la commune est limité, et cependant un autre territoire, rendu spécifique par l’agglomération des bâtiments, s’étend de part et d’autre des limites communales. Au milieu de cette agglomération, la limite qui était communale n’est plus que de quartier, ce qui permet tous les flux. La description est donc rendue possible par la superposition de catégories comme les lieux, les flux et les étendues administrative et urbaine.

46La réponse à la quatrième question, sur la voirie, laisse apparaître la même complexité :

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Tous les chemins de la partie basse de la commune de Sanvic y sont depuis très longtemps dans un état complet de dégradation, ce qui se comprend quand on réfléchit que ces chemins sont accédés à chaque instant par un grand nombre de voitures de toute espèce, soit pour le service particulier des usines & des habitants de ce quartier, soit pour l’exploitation des établissements situés dans le Perrey, qui est un quartier voisin.

48L’étendue située en bas de la commune de Sanvic – et qui est celle de l’agglomération – est desservie par des chemins autorisant les flux entre des lieux (les usines), des personnes (les habitants), ou des étendues (le quartier voisin du Perrey).

49Il faut enfinfaire allusion aucimetière d’Ingouville construit, dufait du manque de place dans cette commune, sur le territoire de Graville. Là, c’est l’enclave qui est décrite au travers des pratiques de la police des cimetières et de la compétence territoriale du commissaire de police, ou du maire, lors de leurs déplacements vers ce cimetière [36]. Sorti de sa circonscription, son pouvoir légal disparaît. Pratique des flux vers un lieu, étendue de territoire rendue spécifique par le pouvoir qui s’y exerce : à nouveau, tout y est.

50Multiplier davantage les citations serait inutile : quelles que soient les pratiques évoquées, la richesse de la description n’y gagnerait pas; il est vrai qu’elle est déjà extrêmement fine. Pourtant, elle ne suffit pas aux conseillers municipaux, et ceux-ci décident de l’améliorer. Aussi concluent-ils :

51

Nous vous apportons, Messieurs, le résultat de nos travaux en y joignant un plan où nos indications, mises en relief vous seront rendues plus perceptibles. Nous avons pensé que les limites [...] de la commune d’Ingouville devaient être, vers l’Ouest, le rivage de la mer & vers le Nord, après avoir traversé le chemin de Sainte-Adresse, la crête du talus d’une pièce de terre portée au plan cadastral sous le no 446, puis un sentier d’accès pour l’exploitation des propriétés particulières...

52Malgré la finesse de la description textuelle, il n’est donc pas de description plus perceptible du territoire de la ville, selon ces conseillers municipaux, que celle du plan.

53L’annexion de la partie basse de Sanvic par la commune d’Ingouville n’eut finalement pas lieu. Mais l’important est ailleurs, dans la façon dont les acteurs locaux sont capables d’argumenter sur le territoire. Sur ce point, au début des années 1840, le plan et la description de la ville apparaissent indissolublement associés dans les textes liés aux projets d’aménagements urbains. Ajoutons que nous avons là, à notre connaissance, l’une des descriptions les plus fines du territoire par des élites locales. Cette relation entre la description du territoire et le plan sous-entend une habitude de ce type d’objet technique; il est à présent nécessaire d’expliciter cette pratique afin de consolider cette explication qui pourrait paraître se limiter à une simple hypothèse. En effet, alors que des plans de la ville existent à la fin du XVIIIe siècle, ceux-ci ne sont employés, en 1790, que dans un cas bien particulier, à la suite de deux échecs successifs; dès lors, la relation entre l’existence des plans et leur utilisation n’est en rien obligatoire [37]. Les années 1840 seraient le moment d’une véritable articulation entre ville, plan et territoire, qui n’existait pas quelques années plus tôt.

54Deux éléments semblent sur ce point devoir être évoqués à ce propos. Le premier est celui de l’érection du plan en tant qu’objet de comparaison des projets par l’ingénieur des Ponts et chaussées du Havre, Pierre Frissard, en 1834 et 1836 (soit un peu avant la deuxième tentative d’obtention du statut de ville par Ingouville). Ce dernier, qui est également conseiller municipal du Havre et spécialiste de l’annexion dans cette assemblée, présente l’ensemble des projets dans un recueil comparatif de cartes [38] qu’il soumet aux édiles havrais. On imagine mal les représentants des communes de banlieue se désintéresser d’un tel ouvrage. Le second est celui de la création de grands lotissements spéculatifs à la périphérie de l’agglomération. Les investisseurs havrais dirigés par Lefebvre aîné, négociant du Havre également maire de Graville, acquièrent un terrain sur cette commune, dans le hameau de Tourneville :

55

La compagnie des terrains et l’administration municipale [de Graville] se sont réunies dans un parfait accord de vues; des concessions réciproques ont eu lieu, et des concessions est sorti le plan de la nouvelle ville, dessinée dans de belles proportions en parfaite harmonie avec le caractère industriel que l’on veut y faire prédominer.

56« Après les avoir nivelées et divisées en parcelles pour être bâties, traversées de belles rues [...] enfin, tout ce qui est nécessaire à la commodité des habitants [...] », le terrain se trouve rapidement occupé. Quatre-vingt-dix rues sont tracées avant fin 1837, et, dès 1838, on compte 83 établissements industriels employant 9 000 ouvriers [39]. Un quartier de ville tracé sur le plan apparaît donc, bien avant qu’il ne soit réellement construit. Le plan semble donc s’imposer, tant dans la présentation que dans la comparaison, aux acteurs de l’agglomération havraise pour penser le projet urbain.

57Ce quatrième cas semble donc pouvoir être décrit comme une articulation des cas 2 et 3 (réunion d’Ingouville et définition de la limite de la ville). En effet, la richesse de la description du deuxième, qui donnait un aperçu de l’épaisseur des activités humaines dans l’agglomération havraise, est déclinée à l’aide du plan, tant en ce qui concerne la limite du Havre (cas 3) que les activités humaines (cas 2) et l’aspect géographique de ces pratiques. On est en revanche très loin du premier cas, puisque le commerce international n’est pas évoqué. On observe donc, cinquante ansaprès 1790, une conception originaleà l’intérieur de communesséparées de la commune centrale de l’agglomération par la zone non aedificandi. La représentation graphique de cette conception découle de cette superposition des conceptions, qui s’expriment relativement aisément sur la carte. Les communes y sont principalement définies par leurs limites, et la ville correspond maintenant à la surface. Pour le reste, les éléments déjà vus en 1790, c’est-à-dire les flux et les lignes du fond de la carte, sont toujours présents. On retrouve bien ici cette idée de l’accumulation des catégories de description soulignée plus haut. Précisons à cette occasion que ce sont les deux cas les moins faciles à représenter sur ce type de support en 1790 qui ont disparu en 1840. Les conceptions du territoire semblent donc s’être en même temps complexifiées sur la carte, et simplifiées du fait de la disparition d’un territoire vécu comme moins facile à exprimer graphiquement à une époque où la cartographie thématique n’a pas encore proposé de solution à ce type de difficulté. Ajoutons enfin qu’un autre facteur doit être pris en compte : entre-temps, Le Havre a considérablement augmenté. Depuis 1835, la zone fortifiée étouffe dans ses murs (comme avant 1787) et les communes suburbaines connaissent une forte croissance [40]. Comme l’écrivait Stendhal, en juillet 1837, Le Havre « s’agrandit avec une rapidité merveilleuse [41] ».

figure im5

Cinquième cas : les négociants lors de l’annexion des communes de sa banlieue par Le Havre (1849-1852)

58Le 9 août 1849, le président de la République, Louis-Napoléon Bonaparte, visite la ville. Une pétition des habitants lui soumet un « projet d’agrandissement de la ville par la suppression des fortifications et le rattachement de toute la commune d’Ingouville, d’une partie de celle de Sanvic et des quartiers de Sainte-Marie et de l’Eure appartenant à Graville ». Ce projet aboutit le 9 juillet 1852 [42].

59La différence principale entre les textes émanant des représentants d’Ingouville, vers 1840, et ceux qui concernent l’annexion des communes de banlieue réside dans le passage de cette annexion du statut de processus inacceptable à celui de projet souhaité par tous les édiles. Plusieurs critères semblent être à prendre en compte. Il faut écarter l’idée d’une arrivée d’hommes nouveaux, puisque, dans leur très grande majorité, les édiles de 1849 sont les mêmes que ceux de 1847 [43]. Mais tout en étant les mêmes hommes, les conseillers municipaux ont changé, puisque la peur du peuple révolutionnaire chez ces conservateurs s’est trouvée accentuée par les événements de 1848. Les idées annexionnistes véhiculées par la très conservatrice Revue du Havre et de l’arrondissement – qui a racheté le Courrier de Graville au début de 1849 – traduisent cette évolution : mieux vaut le rattachement que le désordre. Plus que les différences, c’est maintenant l’unité de l’agglomération définie par sa population, entendons ses élites, qui apparaît dans les textes des conseils municipaux. C’est ce que le maire du Havre et membre de la chambre de commerce Frédéric Perquer affirme à la fin de l’année 1849 :

60

Peut-on dire que les populations du Havre, d’Ingouville, de Graville sont étrangères entre elles lorsque la plupart de nos négociants habitent successivement ces communes suivant les saisons, ou résident dans une d’elles pendant que leurs bureaux, le siège de leur commerce est au Havre, lorsque les ouvriers qui peuplent nos quais habitent indifféremment dans les diverses localités ?

61Et ce n’est là qu’un exemple des très nombreux écrits reprenant cette idée dans les différentes assemblées communales aussi bien que chez des écrivains de l’époque [44].

62Alors que l’on pourrait s’attendre à une intervention en force de la chambre de commerce dans ces débats, celle-ci limite son avis à une simple adhésion au projet tel qu’il est communiqué par le préfet [45]. Il est vrai que la majeure partie de ses membres s’est déjà exprimée dans les différents conseils municipaux dont ils font partie. En outre, les membres de la chambre sont principalement des négociants et non des industriels. On n’en reste pas moins surpris de l’absence de développement justificatif devant une décision qui devait entraîner l’extension de l’octroi havrais aux communes suburbaines dans lesquelles l’industrie se trouve concentrée. C’est donc au sein des discussions et délibérations des conseils municipaux qu’il a fallu chercher à connaître les avis de ces acteurs locaux. Les nombreux textes sont répétitifs; aussi pouvons-nous concentrer l’analyse sur la délibération du conseil municipal et des contribuables les plus imposés d’Ingouville du 24 avril 1850, qui reprend les motivations de la décision – prise à l’unanimité – d’accepter l’annexion.

63Sur les trente et un votants, vingt ont été identifiés sûrement, dont neuf sont armateurs ou négociants et sept propriétaires, ce qui, au Havre, peut vouloir dire beaucoup de choses. Le rapporteur sur la question de l’annexion est l’adjoint au maire et armateur Reydellet. Son texte, s’il reprend tous les éléments évoqués plus haut, en ajoute un :

64

Nous voulons [...], par l’agglomération des populations sous une même et puissante administration donner [au gouvernement] les moyens de développer largement les immenses avantages dont la nature a doté Le Havre. Il est temps, en effet, que la France connaisse toute la grandeur du trésor précieux qu’elle possède dans cet important centre commercial [...]. Placée au milieu de la Manche, à l’embouchure de la Seine, lié avec toute l’Europe centrale par ses chemins de fer, sa position l’emporte de beaucoup sur celles des ports de Liverpool et de Londres même, parce qu’il est plus rapproché des grands foyers de consommation et que les marchandises de ses entrepôts, qu’il reçoit de toutes les parties du monde, n’ont plus à traverser la mer et à courir les chances funestes de ce terrible élément, « parce qu’enfin ces marchandises peuvent être rendues en quelques heures chez les consommateurs ».

65L’annexion doit donc permettre au port du Havre d’étendre son commerce international. Que le rapporteur soit armateur agit fortement, on l’imagine, sur cette description.

66Belle contradiction apparente que celle qui consiste à demander la réunion d’étendues administratives locales afin d’augmenter les flux entre les lieux internationaux. En fait, le mystère est rapidement élucidé par les auteurs des textes, et la contradiction est résolue dans le changement d’échelle. Ce qui est souhaité, c’est l’obtention d’une représentation dans les assemblées législatives qui soit proportionnelle à la population d’une grande ville. L’acuité de cette demande est d’autant plus forte que Le Havre est une commune à dominante libérale au milieu des communes rurales nettement plus conservatrices; or, toutes ces communes forment souvent une seule circonscription électorale : aussi, plus d’une fois, les élections ont permis à un candidat conservateur d’être élu malgré de très faibles résultats au Havre. Les intérêts du commerce, ceux qui permettront au « Havre de devenir la Marseille du Nord et le Liverpool de la France » seront désormais satisfaits. On retrouve ici l’argumentaire que les Havrais avaient développé lors du découpage en district (cas 1). On aurait alors, comme en août 1790, une évocation du territoire des activités pour obtenir une représentation politique qui, ainsi que l’a montré Jean-Pierre Hirsch, permettrait d’institutionnaliser leur situation afin de limiter les hasards de leurs professions. Dès lors, on peut penser soit que l’argument est récurrent chez ce type d’acteur quelle que soit la situation, soit qu’aux yeux de ces mêmes acteurs la situation n’a pas clairement évolué, ce que certains résultats électoraux corroborent [46].

figure im6

67Le premier résultat de ce cinquième cas est celui de la possibilité d’une concentration dans une même description des trois premiers cas évoqués – le fait de participer à un ensemble ne donne aucune indication sur la nature des associations qui s’y accomplissent. Ainsi, le quatrième cas nous a montré qu’il existait une véritable articulation de deux représentations encore nettement séparées cinquante années plus tôt. Comme on peut le voir sur le schéma, ce cinquième cas reprend le quatrième, mais ne fait qu’y additionner le premier; la liaison n’est donc pas la même. La relation entre description des pratiques et des limites ne semble pas toucher le monde du négoce international et de la politique nationale.

68Le second résultat nous permet de revenir sur la différence évoquée lors du troisième cas entre les communes de banlieue et la commune-centre. En effet, alors que le quatrième cas concerne uniquement des communes de banlieue, le cinquième englobe toute l’agglomération, dont la commune-centre. Il existe là une distance qui semble correspondre à un double critère, d’une part celui variant avec la différence entre commune-centre et commune de banlieue et, d’autre part, celui lié au monde politique national. Autrement dit, le débat politique national ne concerne directement que la commune-centre de la ville, les communes de banlieue ne participant qu’au débat local [47].

69Cela invite à se demander en quoi ces critères pouvaient avoir du sens en 1790 et donc à réinterroger les sources en fonction de ce questionnement; autrement dit, en quoi la réunion des communes de 1790 en un seul district aurait pu avoir un résultat – quel qu’il fût – dans l’activité politique. À l’échelle du district, la réponse est claire : il y a là une volonté de créer un district particulier; à celle du département, c’est la garantie d’avoir deux membres au moins dans l’administration départementale, ce qui n’est pourtant d’aucune utilité lors des élections pour le corps législatif – il est regrettable que, sur ce dernier point, l’on ne puisse savoir jusqu’à quel degré le statut spécial de Paris a pu inspirer les Havrais [48].

70En acceptant l’idée que chacune des variables présentées jusqu’ici forme l’un des axes du modèle que nous tentons de construire, alors ce dernier cas nous offre une dimension supplémentaire. Celle-ci n’est pas toujours clairement mobilisée, mais on ne peut comprendre toute la complexité du territoire étudié sans en tenir compte. En cela, chacun des cas successifs est une remise en cause de la liste des critères pertinents.

71Le dernier résultat sur lequel nous souhaitons mettre l’accent ici reprend les deux premiers puisqu’il s’agit d’insister ici sur l’évolution de la définition de la ville entre 1790 et 1850. Le fait que le concept de commune urbaine se trouve rapidement estompé par le maintien du vocable « ville » empêche le plus souvent de comprendre cette somme d’évolutions dans les conceptions territoriales des représentants des agglomérations humaines.

Sixième cas : la modernisation du réseau de tramways en 1894

72Tentons ici une dernière expérience pour mieux saisir l’ensemble et la nature des critères à prendre en compte. Dans ce dessein, nous nous concentrerons maintenant sur les flux dans l’agglomération à la fin du XIXe siècle. Après quelques propositions de création d’un réseau de tramways dans l’agglomération havraise, dont la plus ancienne a lieu deux ans après l’annexion, il faut attendre le début des années 1870 pour que Le Havre obtienne ses premières lignes. À cette époque, et en conformité avec la loi du 12 juillet 1865 sur les chemins de fer d’intérêt local – et plus tard avec celle du 11 juin 1880 sur les tramways –, seules les « villes » ont le droit de demander des concessions à l’effet de desservir des communes sub-urbaines. On le voit, la question de la définition de ce qu’est une ville reste fluctuante. Celle employée dans cette loi est la même que celle qu’Alfred Legoyt, alors chef de division de la Statistique générale de la France, énonce en 1867 lorsqu’il s’interroge sur la question de l’extension des agglomérations au travers de l’équipement en chemin de fer. Cette conception se maintient d’ailleurs chez Paul Meuriot quelques années plus tard, malgré sa critique de la pertinence des découpages statistiques [49]. La question des transports urbains touche tout autant que celle de l’annexion à la définition même de la ville, qui continue à être discutée à cette époque. Elle le sera d’ailleurs de plus en plus avec la nouvelle division du savoir en disciplines qui s’opère dans les années 1890-1920.

73Le premier réseau de tramways se développe dans la commune du Havre entre janvier 1874 et mai 1880, dates des inaugurations des première et troisième lignes. Mais il faut attendre les années 1890 pour que la Compagnie générale française des tramways finisse par accepter d’étendre son réseau aux communes suburbaines. Les enquêtes sur ces nouvelles lignes commencent en 1894, et malgré des dossiers d’archives très incomplets, on réussit à trouver des textes provenant approximativement des mêmes types d’acteurs que dans les années 1840-1850. Sur ce point, une déception doit à nouveau être notée : la chambre de commerce ne semble s’intéresser pas plus à cette question qu’à celle de l’annexion, alors même que la présence de ses membres dans les conseils municipaux est faible à cette époque. Ses avis se limitent à de courtes délibérations, dont celle concernant la ligne du Havre à Montivilliers en août 1895 semble représentative :

74

Considérant que toute amélioration dans les moyens de transport et de communication ne peut qu’être profitable aux populations, qu’à ce point de vue le projet répond à la tendance de plus en plus manifeste vers une extension des relations entre Le Havre et Montivilliers et les points intermédiaires, qu’il a par conséquent un caractère d’utilité générale incontestable[50].

75La ligne de tramway relie des points dont les relations sont en constante augmentation. La représentation du territoire utilisée lors de ces délibérations est donc une articulation de lieux et de flux à l’échelle de l’agglomération. La chambre de commerce de Rouen n’en dira pas plus dans sa délibération de 1909 sur une extension du réseau des tramways vers la commune de Bois-Guillaume [51].

76La municipalité du Havre est d’avis que ce projet « intéressant la Ville du Havre et plusieurs autres communes [devrait] assurer à la population le bénéfice de la réduction des tarifs et relier entre elles, par l’extension du réseau, les différentes parties de la Ville du Havre ». Le tramway doit donc servir à réunir la ville centre des parties de ville séparées. On voit ici la tension entre les idées de commune, de ville et d’agglomération, que la croissance de la population intensifie tout au long du XIXe siècle. Les conseils municipaux des communes de Graville-Sainte-Honorine et de Sainte-Adresse semblent d’accord avec cette description puisqu’ils la recopient dans leurs délibérations [52]. Il est difficile de savoir si ce type de propos sur les agglomérations urbaines est répandu à cette époque. Dix ou vingt ans plus tard, une réponse positive aurait été possible. L’ouvrage de Jacques Levainville sur Rouen, ville proche, en 1913, alors que la géographie vidalienne s’impose, serait là une référence obligée. Mais, en 1894, Meuriot n’a pas encore publié un seul texte sur ces questions et, dans la Nouvelle géographie universelle, d’Élisée Reclus, la définition de la ville du Havre n’aborde pas le sujet sous cet angle. Encore eût-il fallu que ces écrits fussent connus des Havrais, ce qui n’est en rien évident. Pour aller dans ce sens, ajoutons que les textes sur la ville de la première partie du XIXe siècle n’ont, à notre connaissance, pas eu d’écho au Havre. Quant aux ouvrages d’origine locale, celui qui s’impose à l’esprit, du fait de sa diffusion, est le Borély sur l’histoire de la ville, qui paraît entre 1880 et 1885; il ne traite pas clairement la question de l’agglomération [53]. Enfin, pour les débats locaux tels qu’ils apparaissent dans les registres des délibérations de la commune du Havre entre 1885 et 1895, on ne voit surgir ce type de débat qu’à partir de 1894, sur la question bien spécifique du tramway. Pourtant, les autres discussions du conseil municipal ne portent pas sur des équipements à l’échelle de l’agglomération, et il est dès lors assez logique de ne pas rencontrer ces idées dans les registres... Le seul point dont on soit certain est que ce type de description apparaît au moment de l’extension du réseau de tramways aux autres communes de l’agglomération. Ces conceptions viennent-elles du processus de croissance urbaine ou des projets d’équipements déposés devant le conseil municipal ? Rien ne permet de le savoir.

figure im7

77L’idée de reprise des décisions entre les municipalités pour le tramway en général se retrouve dans les descriptions de lignes. Cette fois, c’est le Cahier des charges du réseau général des tramways du Havre qui fixe la description des lignes dans les délibérations des communes concernées. Il n’y a donc pas à proprement parler de réflexion sur le territoire dans cette copie. Ajoutons que ce cahier des charges est un document dont la forme est strictement définie par le décret du 6 août 1881. Pour donner une idée du niveau d’exigence du ministère des Travaux publics en la matière, il suffit de signaler que les articles considérés comme inutiles par le rédacteur doivent cependant conserver leur place dans le document, en précisant, au numéro correspondant, « article supprimé ». Les descriptions dans ce cahier des charges se limitent à une énumération des voies de communication et des lieux. Ainsi, la ligne de la jetée à l’octroi de Rouen et à la mairie de Graville-Sainte-Honorine est décrite, tant dans le cahier des charges que dans la délibération du conseil municipal de Graville, comme « passant par la chaussée des États-Unis, la rue de Paris, la place de l’Hôtel de Ville, les rues Thiers et de Normandie, la route nationale no 14 jusqu’à la rue Ernest Lefebvre [54] ». Cette série de copies successives, tant en ce qui concerne l’idée de ville que la description des lignes, permet d’insister sur la délégation de la description dans laquelle soit la commune centre, soit les ingénieurs des Ponts et Chaussées rédacteurs de la partie technique du cahier des charges sont les seuls à s’exprimer sur le territoire.

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78Un désaccord sur les tarifs nous donne un aperçu peut-être plus juste des conceptions d’autres habitants des communes. Dans le cahier des charges, celui-ci est décrit par commune. À l’intérieur du Havre, un prix unique de 15 centimes est prévu. Pour les lignes desservant Le Havre et les communes suburbaines, le coût du billet est fixé à 15 centimes pour le trajet à l’intérieur du Havre, puis à 15 centimes « de l’octroi de Rouen à la mairie de Graville », le terminus. Ce montant n’est pas le même dans toutes les communes suburbaines : il fait l’objet de négociations au cas par cas. Le 15 mai 1894, une pétition de 150 habitants de Graville et de Sainte-Adresse dénonce ce tarif au motif que, sur Graville, il est « très élevé pour un parcours de moins de mille mètres [alors qu’au Havre il] s’applique à un trajet de quatre kilomètres » – les habitants de Sainte-Adresse renvoient à une distance de quinze cents mètres [55]. Ce qui importe dans cette description n’est pas le territoire communal, c’est le prix de la distance à parcourir. Le flux aisé du tarif se dérobe ici pour laisser apparaître la rugosité, exprimée en monnaie, que le territoire oppose au déplacement. Pour marquer cette différence, il suffit de reprendre la délibération du conseil municipal de Sainte-Adresse, qui tente, le 17 juin 1894, de profiter de la brèche ouverte par cette pétition. L’idée qui y est défendue est que la question du tarif n’a rien à voir avec la distance. Elle repose entièrement sur le principe que la commune est un territoire sur lequel s’exerce le pouvoir du conseil municipal. En conséquence, toute activité économique qui s’y déroule ne peut entraîner de profit pour une autre commune. « En concédant une ligne sur notre territoire, la ville du Havre doit nous faire participer aux profits qu’elle en retire [...]. Parce qu’il n’est pas admissible que la ville du Havre perçoive une redevance quelconque, sur les recettes des lignes de tramway établies dans notre commune, sur des voies dont le sol nous appartient [56]. » La réponse des conseillers municipaux havrais achève de confirmer l’importance du territoire communal pour les édiles. Selon M. Lefebvre, Le Havre favorise les communes suburbaines « en faisant aller les tramways sur leur territoire [57] ». Dans ces descriptions territoriales d’élus municipaux, la forme de la ligne en elle-même n’est pas clairement exposée; ce qui importe, c’est l’étendue sur laquelle leur compétence s’exerce : la commune. La solution de ce conflit fut donnée par les ingénieurs des Ponts et Chaussées membres de la commission d’enquête sur le réseau de tramways instituée par le préfet le 19 mars 1894. Elle consiste à corréler le tarif et la répartition de la population sur le territoire des communes pour effectuer des calculs de rentabilité, autrement dit à faire diminuer le prix de transport dans les communes suburbaines à chaque fois que celles-ci passeront un seuil de population – 3 000 habitants pour Sainte-Adresse [2 490 en 1891] et 9 000 pour Graville [7 489 en 1891] [58]; le raisonnement se trouve donc entre celui des pétitionnaires, qui mettent en avant le rapport d’une population à son territoire, et celui de P. Meuriot, qui remet en cause les découpages des circonscriptions du fait de la croissance démographique.

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Les causes d’une disparition

79La remarquable description territoriale des acteurs locaux en 1850 était non seulement explicable par la prise en compte de tous les avis, mais surtout par l’importance des projets d’ingénieurs dans la culture des acteurs. Or, dans les années 1890, les descriptions se limitent à un seul discours, comme si, en situation, les acteurs n’étaient plus capables de mobiliser que l’un des registres qu’ils maîtrisent [59]. Comment comprendre ce resserrement des descriptions pendant les années 1890 ? On pourrait, d’un côté, mettre en avant l’hypothèse d’une évidence du territoire, qui ne nécessite plus le lourd travail d’explicitation des années 1850. L’apprentissage de la carte aurait rendu la description du territoire inutile et caduque. Mais, la polysémie du concept de territoire, aujourd’hui comme hier, et les incompréhensions qu’elle entraîne fragilisent cette hypothèse et permettent d’insister sur la spécialisation des discours en fonction de la situation locale des acteurs. Pour reprendre la métaphore de la tour de Babel, le langage commun lié à l’activité des ingénieurs et à la définition de la ville semble disparaître au profit de nombreux idiomes qui ne communiquent plus. La mise en place au même moment de disciplines comme l’urbanisme ou la géographie, si elle s’explique par leur institutionnalisation, y trouve peut-être en partie son origine; la ville était, et est probablement encore, un objet scientifique – qui sous-entend une légitimité – à conquérir [60].

80Au-delà de cette hypothèse, il reste à tenter de comprendre comment l’influence des ingénieurs des Ponts et Chaussées s’effondre après 1850. Le laps de temps qui sépare l’annexion de l’extension du réseau de tramways est le moment de la construction de quelques grands équipements, tels que la caserne des douanes ou les nouveaux magasins généraux, souvent comparés à des villes dans la ville [61]. Mais ces grands équipements se font sans les édiles, puisque c’est l’État qui choisit les implantations et l’organisation interne des services. En fait, il semble bien qu’il n’existe aucune tentative d’unification de la ville et des communes suburbaines après l’annexion. Les rues sont percées une à une, sans plan préétabli, parfois même la municipalité est mise devant le fait accompli [62]. Pour reprendre la belle formule de Pierre Francastel à propos de Paris, l’annexion a donc articulé les zones, mais ne les a pas quadrillées [63] : la superposition des surfaces et des réseaux n’a pas eu lieu. Les années 1830-1850 avaient été très différentes, puisque l’on suivait encore en grande partie les plans d’extension de la ville décidés en 1787.

81À ce premier niveau d’explication s’ajoute celui de l’évolution du statut de l’ingénieur. L’appauvrissement marqué de l’enseignement scientifique à l’École polytechnique entre 1795 et 1850 fait perdre au corps des Ponts une partie de son aura; le rêve saint-simonien s’estompe. Du rôle de savants, les ingénieurs deviennent de simples experts techniques. Cette idée est confirmée par le choix de carrières extérieures aux grands corps d’État par les polytechniciens après 1860, et plus nettement encore après 1880. À cela s’ajoute le fait que de plus en plus d’ingénieurs des Ponts deviennent des employés communaux après les années 1850. Tous ces éléments affaiblissent donc fortement leur position face aux édiles. Il faut cependant relativiser ce processus puisque ces ingénieurs maintiennent en partie leur pouvoir au sein du ministère des Travaux publics [64].

82Un dernier niveau d’explication de l’amoindrissement de la référence aux pratiques d’ingénieurs chez les édiles havrais est à rechercher dans le changement profond de la composition des conseils municipaux. Ceux qui possédaient cette culture ont été intégralement remplacés. La mutation économique extrêmement rapide que connaît la ville du Havre à partir des années 1860 entraîne un renouvellement généralisé des élites havraises, qui voient disparaître une bonne partie du monde du négoce au profit de celui de l’industrie – principalement chimique. De là découle un rééquilibrage des pouvoirs entre industriels et négociants dans les années 1860-1870 : alors que les premiers occupent une forte position dans les fonctions administratives, les seconds limitent leur influence à la seule chambre de commerce. L’accession durable des républicains à la mairie du Havre après 1865 se superpose à ce mouvement [65].

83Trois explications donc, pour un même processus de limitation des usages du concept de territoire : l’absence de pratique des plans d’ingénieurs, le changement de statut des ingénieurs des Ponts et Chaussées et le renouvellement des conseils municipaux par l’apparition de nouveaux groupes d’acteurs locaux dont nous savons que leurs pairs ne s’intéressaient que peu à ces questions dans les années 1840-1850.

84Si des critères peuvent être mis au jour par l’analyse d’un cas (cas 5), l’aspect évident des autres critères peut être remis en cause par une étude supplémentaire. La carte, objet de plus en plus utilisé lors de la description du territoire entre la Révolution et le milieu du XIXe siècle, perd de son importance dans les pratiques. En revanche, l’existence d’une pétition, dans le sixième cas, nous permet de mieux qualifier les réactions des représentants de certaines communes suburbaines de 1790, pour qui le déplacement peut avoir été l’un des arguments majeurs dans la construction d’une description. Ainsi, des niveaux de pratiques se superposent, apparaissent et disparaissent dans ces argumentaires, et ce n’est que l’interrogation de l’ensemble des cas qui nous donne un aperçu de plus en plus fin des conceptions des acteurs du passé.

85Sous l’angle de l’histoire du territoire, on observe que, tout d’abord, en 1790, trois interrogations successives entraînent quatre discours différents qui ne semblent pas communiquer entre eux, alors que, dans trois cas sur quatre, ils sont tenus par les mêmes personnes. Chacune des réponses peut être rapprochée d’un contexte particulier et montre une capacité d’adaptation des acteurs locaux aux évolutions contemporaines, probablement accentuée par le fait que chaque échec est vécu par eux comme un déclassement et leur situation est fragilisée autant par la Révolution que par la remise en cause de leur situation d’acteurs économiques. À ce moment donné, la description du territoire apparaît essentiellement calquée sur la nature des décisions nationales.

86Ensuite, dans les années 1843-1852, soit dans un laps de temps plus long, les différences entre les souhaits des différents acteurs n’entraînent qu’une variation dans les discours. En d’autres termes, ceux qui s’expriment semblent tous comprendre et répondre à une même question de la même façon à un point près, et ce, malgré des volontés divergentes dans le temps. Ici, l’adaptation au contexte n’est plus l’élément majeur. Il semble qu’il existe à cette époque chez ces élites un champ d’expérience principalement constitué de pratiques sociales qui sont, nous l’avons vu, en relation directe avec le rôle que les ingénieurs des Ponts et Chaussées s’arrogent, à l’aide de la carte ou du plan, pour dire le territoire local et la ville – une étude sur les chemins de fer montrerait que cette action est également sensible à l’échelle nationale.

87Enfin, en 1894, l’unité décrite quarante ans plus tôt a disparu et, si l’on n’en revient pas à la situation de 1790, on note un même niveau de dispersion des réponses. Il n’est plus de discours sur le territoire qui fasse l’unanimité. Au contraire, chacun se cantonne désormais à une description directement reliée à son activité. Le contexte proche semble perdre de son importance en même temps qu’a disparu la pratique sociale initiée par les ingénieurs.

88Le XIXe siècle semble donc être le moment d’une vaste mutation des conceptions du territoire chez les acteurs locaux ayant à s’exprimer sur des projets relatifs à l’aménagement ou à l’équipement. Le territoire n’y est en rien une constante propre à donner le contexte d’un exposé historique : au contraire, il est en soi un objet historique qu’il est nécessaire de prendre en compte dans son entière complexité [66].

89Ce que nous venons de faire ici sans l’avoir préalablement énoncé, c’est employer une méthode comparative. Ici, trois moments ont été juxtaposés et permettent de conclure à la diversité des conceptions territoriales. Mais en quoi étaient-ils comparables ? En effet, le contexte local, régulièrement évoqué tout au long de ce texte, a beaucoup évolué, ce qui rend hasardeux tout rapprochement terme à terme. Ce constat nous semble pouvoir entraîner quatre comportements :

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  1. Le premier est celui de l’acceptation des résultats au nom de la bonne foi supposée de l’historien. Si les contextes avaient été trop différents, l’auteur n’aurait pas osé présenter la comparaison. En cela, la méthode comparative repose sur la décision non dolosive de traiter comme équivalents deux contextes imparfaitement identiques [67]. Le seul jugement possible du texte réside donc dans l’honnêteté attribuée à son auteur. La bonne foi étant postulée, la limite de la comparaison réside dans l’appréciation que l’on peut avoir de l’auteur.
  2. Le deuxième comportement est la critique de la comparabilité. Il n’y a ni unité de temps ni unité de lieu : entre le début de la Révolution française et la fin du XIXe siècle, la situation a extraordinairement évolué. En conséquence, soit la comparaison est impossible, au nom du principe strict qu’on ne peut comparer que ce qui est comparable; soit une enquête beaucoup plus fouillée est nécessaire pour justifier la comparaison. Dans le premier cas, le projet de connaissance ne peut exister. Dans le second, on a une volonté de connaissance quasi exhaustive qui n’est pas sans rappeler, surtout à cette échelle, les méthodes utilisées par les microhistoriens. La conclusion d’une telle étude sera soit que les contextes sont bien comparables, ce qui est douteux, soit qu’ils ne le sont définitivement pas. On voit ici le cercle vicieux dans lequel il est possible d’entrer : la seule façon d’obtenir une connaissance positive en histoire est de s’intéresser à une toute petite communauté, dans un temps et un lieu les plus restreints possible, et en conséquence d’abandonner toute méthode comparative et, conséquemment, toute conclusion générale.
  3. La troisième possibilité consiste à tenter de mesurer la valeur de la comparaison à l’aune de la question posée et des sacrifices accomplis lors de l’acceptation des différences entre chacun des cas étudiés : soit la recherche d’un espace de validité du résultat obtenu, par la mise en évidence de ces sacrifices. L’une des façons d’opérer serait alors de retrancher à la portée du résultat chaque différence enregistrée. Ainsi, lors d’un questionnement sur le territoire des deux premiers cas, les résultats, strictement urbains, ne sauraient être comparés avec certaines réponses du troisième cas, qui proviennent de communes rurales (que l’on accepte les définitions de la ville et de la campagne pré-révolutionnaire, ou celle de l’urbain et du rural qui s’imposeront plus tard, pendant les années 1830-1840). On obtient alors un résultat qui ne concerne qu’un certain type de ville, ici portuaire et militaire, à une époque donnée, ce qui restreint en partie nos conclusions mais ne fait pas entièrement disparaître la diversité que nous avions remarquée. On reste cependant ici dans la logique du « on ne peut comparer que ce qui est comparable », et il suffit de montrer qu’un ou deux conseillers municipaux ont changé dans l’intervalle pour ébranler un peu plus la tentative de comparaison et donc le résultat de la recherche.
  4. Notre proposition est assez nettement différente puisqu’elle consiste à refuser de rechercher des similitudes de contexte, à refuser de tenter de constituer des objets strictement comparables et à préférer à cette approche celle qui valorise les différences pour composer un espace de variations des conceptions dans lequel la construction du modèle réside plus dans la distance entre les configurations [68] que dans les cas eux-mêmes. La méthode que nous dépeignons ici peut aisément être comparée à la production d’un nuage de points lors du traitement de séries statistiques en analyse de données multivariées.

91Dans le but d’obtenir ce nuage de points, il convenait de construire des cas suffisamment nombreux et différents – et donc dispersés – pour composer un système dont on puisse abstraire les éléments d’un modèle. C’est pourquoi nous avons décidé de procéder par expérimentation raisonnée. Mais que faut-il entendre par expérimentation dans une discipline comme l’histoire où l’objet de connaissance n’est pas répétable ou, comme l’écrivait François Simiand, les « événements passés [...] ne sont pas évocables à nouveau par l’expérimentation factice [69] » ? Il s’est agi pour nous de choisir dans une multitude d’affaires celles qui laissaient prise à la comparaison des critères progressivement dégagés lors de la constitution d’un ensemble de dossiers. Dès lors, chaque cas devenait, à l’égal d’une expérimentation, une réunion d’éléments dont les variations faisaient – ou non – évoluer le résultat, ici la façon de décrire le territoire. Dans cette méthode, la difficulté principale est que, en histoire, contrairement au laboratoire dans lequel le manipulateur ne fait varier qu’un seul élément, de nombreux critères varient en même temps.

92Il est alors nécessaire de comparer un cas à de nombreux autres afin de tenter de mesurer l’influence de chacune des évolutions, ce qui équivaudrait, en mathématique, à la nécessité d’avoir un système d’X équations pour déterminer X inconnues.

93Un tel montage est-il finalement utile ? Pour le tester, reprenons la définition du territoiretelle qu’elle avait été poséeau début de ce texte. Celui-ci est le résultat de l’appropriation par un individu de l’aspect géographique de ses pratiques. Trois conséquences nous semblent s’imposer à qui accepte cette définition. En même temps que « toute la charge temporelle réside dans le présent [70] », toute la charge territoriale s’y inscrit également. Les acteurs du temps – c’est-à-dire les individus qui agissent dans les cas étudiés par le chercheur – disent le territoire en fonction de leur « espace d’expérience » et de leur « horizon d’attente ». En conséquence, la description du territoire est éminemment variable. Cependant, la composition de l’espace d’expérience, tant par les pratiques individuelles que collectives, pose une limite à ses possibilités de variation instantanée : plus les descriptions du territoire font partie des usages sociaux, moins leur possibilité de variation sans heurt est réduite [71]. De là découle un deuxième point qui permet, tout en tenant compte d’autres définitions du territoire, d’affiner la nôtre, car, puisque le territoire est défini par les pratiques, il ne l’est pas nécessairement par des critères comme l’étendue ou la limite. Ainsi le territoire national n’est-il dépeint par sa délimitation, voire par son nom, que parce que la définition des États passe par la démarcation et par l’attribution d’un nom [72]. Mais on peut se référer à d’autres pratiques qui détermineront d’autres territoires à partir de lieux et de flux, ce que démontrent parfaitement de nombreux travaux portant tant sur la France que sur l’Afrique ou encore l’Amérique latine [73]. Enfin, en dehors des conflits et des désaccords issus de ces différences, la mise en évidence des tensions entre territoires permet d’aboutir à une troisième conséquence, qui est celle de l’influence des élaborations territoriales sur les pratiques [74]. Si denombreux pointsmériteraient d’êtresoulignés, comme l’influence des requêtes territoriales lors des processus d’aménagement ou d’équipement, qui à leur tour façonnent les pratiques, nous n’évoquerons que celui des relations entre territoire et espace, dans des groupes n’ayant pas eu à élaborer des descriptions savantes – et donc spatiales – du territoire, telles que la carte ou le plan. Le nœud du problème est de savoir en quoi l’utilisation de ces objets techniques fait évoluer les conceptions territoriales des acteurs. Ici, les usages de la carte nous semblent devoir être particulièrement pris en compte au XIXe siècle. Ajoutons qu’au-delà de cette pluralité des conceptions sur un même territoire, il existe une multitude de territoires à des échelles diverses, qui peuvent coexister sans pour autant être articulés entre eux. La hiérarchie actuelle des circonscriptions administratives emboîtées est une élaboration délibérément simplificatrice des révolutionnaires; elle n’est qu’une image réductrice, qui ne doit surtout pas servir de modèle à notre compréhension.


Date de mise en ligne : 01/08/2002

Notes

  • [1]
    MAURICE HALBWACHS, « La méthodologie de François Simiand, un empirisme rationaliste », Revue philosophique de la France et de l’étranger, 5/6,1936, pp. 281-319.
  • [2]
    Pour des propositions de définitions d’espace et territoire, on peut se reporter aux introductions de DANIEL NORDMAN et MARIE-VIC OZOUF-MARIGNIER, Atlas de la Révolution française, vol. 4, Le territoire, réalités et représentations, Paris, Éditions de l’EHESS, 1989, et ANDRÉ BURGUIÈRE et JACQUES REVEL (dir.), Histoire de la France, vol. 1, L’espace français, Paris, Le Seuil, 1989. On lira également ISABELLE LABOULAIS-LESAGE, « Les historiens français et les formes spatiales », in J.-C. WAQUET, O. GOERG et R. ROGERS (dir.), Les espaces de l’historien, Strasbourg, PUS, 2000, pp. 33-50.
  • [3]
    Le séminaire tenu à l’EHESS durant plusieurs années (1993-1997), d’abord sous la direction de Bernard Lepetit, puis sous celle de Marie-Vic Ozouf-Marignier et de Paul-André Rosental sur « Espaces et territoires dans les sciences sociales » a montré que, au-delà d’une volonté de discussion, les différences, ne serait-ce qu’au sein d’une même discipline, sont parfois immenses. Dans certains cas, les définitions étaient purement et simplement inversées.
  • [4]
    Les fonds de la série D IVbis ont plus particulièrement été analysés par MARIE-VIC OZOUF-MARIGNIER dans La formation des départements, la représentation du territoire français à la fin du XVIIIe siècle, préface de Marcel Roncayolo, Paris, Éditions de l’EHESS, [1989] 1992, et par TED MARGADANT dans Urban Rivalries in the French Revolution, Princeton, Princeton University Press, 1992.
  • [5]
    Sur ce point, on verra JACQUES REVEL, « La région », in P. NORA (dir.), Les lieux de mémoire, Paris, Gallimard, « Quarto », 1997, pp. 2907-2937. Pour le texte concernant Pont-de-l’Arche : A.N. D IVbis 6/192-4, Adresse à nosseigneurs de l’Assemblée nationale par les habitants en général de la ville de Pont-de-l’Arche, Province de Normandie, Rouen, Imprimerie de la Veuve L. Dumesnil, 1790.
  • [6]
    Précisons d’ores et déjà que cette question est rendue d’autant plus perceptible que Le Havre est un port militaire fortifié, entouré d’une zone non aedificandi jusqu’au milieu du siècle; tout accroissement y est donc difficile.
  • [7]
    Sur les relations entre ville et fonctions : JEAN-CLAUDE PERROT, Genèse d’une ville moderne. Caen au XVIIIe siècle, La Haye-Paris, Mouton & Co/Éditions de l’EHESS, 1975. On notera sur ce point la précision avec laquelle Jean-Claude Perrot définit les mots permettant de décrire la ville.
  • [8]
    ROGER LÉVY, « La rivalité du Havre et de Montivilliers sous la Révolution », Annales révolutionnaires, mars-avril 1911, pp. 214-230.
  • [9]
    A.N. D IVbis 17/282-1, « Adresse de la commune du Havre à l’Assemblée nationale », le 10 août 1790.
  • [10]
    Sur les activités des négociants havrais : PIERRE DARDEL, Navires et marchandises dans les ports de Rouen et du Havre au XVIIIe siècle, Paris, Éditions de l’EPHE/SEVPEN, 1963.
  • [11]
    Ce territoire correspond au département demandé lors de la réforme de 1787 par les représentants de la ville du Havre.
  • [12]
    JEAN-PIERRE HIRSCH, Les deux rêves du commerce, entreprise et institution dans la région lilloise (1780-1860), Paris, Éditions de l’EHESS, 1991.
  • [13]
    Selon le dictionnaire de l’Académie de 1762, correspond à la ville ce qui s’arrête là où les champs commencent; sur ce point, on verra les définitions de « faubourg » et de « champs » (Dictionnaire de l’Académie française, Paris, Brunet, 1762). Sur la question des faubourgs et celle des limites de la ville sous l’Ancien Régime, nous renvoyons à J.-C. PERROT, Genèse d’une ville..., op. cit., pp. 35-48.
  • [14]
    La lettre de Bégouen-Démeaux en date du 29 mars 1790 et une réponse de la municipalité du Havre du 5 avril 1790 nous sont connues par la publication qu’en a fait PHILIPPE BARREY dans « Un projet d’annexion des communes suburbaines en 1790 », Recueil des publications de la Société havraise d’études diverses, 1916, pp. 143-170.
  • [15]
    Le Dictionnaire de l’Académie de 1761 limite sa définition à la seule agrégation à un corps, comme celui des médecins ou des avocats.
  • [16]
    Sur cette question, nous renvoyons à la série A. M. Havre, Anc., Le Havre, DD1, dans laquelle de très nombreux cartons évoquent la question. On verra également DANIEL ROCHE, « Le temps de l’eau rare du Moyen  ge à l’époque moderne », Annales ESC, 39-2,1984, pp. 383-399.
  • [17]
    A. M. Havre, Anc., Le Havre, DD1 9, « Agrandissement de la ville », 1787-1789. De nombreuses plaintes sont ainsi envoyées aux différentes autorités tant normandes que nationales pour critiquer le fait que, depuis qu’une partie des fortifications a été abattue, les rentrées financières liées à l’octroi ont nettement baissé. Soulignons cependant qu’il s’agit également d’une tentative de la ville pour ne pas honorer ses engagements liés à la reconstruction des fortifications et à l’extension du port. Sur cette question, et pour une vision plus précise du contexte, nous renvoyons à A. E. BORÉLY, Histoire de la ville du Havre et de son ancien gouvernement, Le Havre, Lepelletier, 1881, vol. 3, pp. 551-555.
  • [18]
    Article 2 du titre Ier de la loi du 4 mars 1790, Collection générale des Loix, proclamations, et autres actes du pouvoir exécutif, publiés pendant l’Assemblée Nationale constituante & législative, depuis la convocation des États-généraux jusqu’au 31 décembre 1791, t. 1,1re partie, juillet 1788-mars 1790, Paris, Imprimerie royale, 1792.
  • [19]
    JÉRÔ ME MAVIDAL et ÉMILE LAURENT (éds), Archives parlementaires de 1787 à 1860, recueil complet des débats législatifs et politiques des Chambres françaises, Ire série : 1789 à 1799, Paris, Librairie administrative de Paul Dupont, t. 18, p. 9.
  • [20]
    ADSM L 1191, « Lettre des administrateurs du département de la Seine-Inférieure aux administrateurs des districts de ce département », 2 octobre 1790.
  • [21]
    Sur la présence courante de ces « lignes idéales » dans les procès-verbaux de délimitation et d’arpentage, on lira DANIEL FAUVEL, Histoire des circonscriptions territoriales du canton de Goderville (1750-1914), thèse de 3e cycle de l’université de Rouen, 1981, vol. 1, pp. 62-64.
  • [22]
    Ledemandé est à l’époque le propriétaire d’une briqueterie, tuilerie, et faïencerie très importante de la paroisse de Sanvic. Sur ce point on verra PHILIPPE BARREY, « Les débuts de la grande industrie havraise, l’enquête de l’an VI », Recueil des publications de la Société havraise d’études diverses, 1916, pp. 17-45.
  • [23]
    Sur les différentes lois mentionnées, nous renvoyons à une demande de la municipalité d’Ingouville effectuée afin d’obtenir le titre de ville (A. M. Havre, fonds cont., Ingouville, 3 D 1/6, Correspondance 1817-brouillon). Et, sous la même cote, le dossier de 1837. Pour la question des cimetières, on verra A.N. F2 1 123-123. Pour la loi relative aux dessèchements des marais, du 16 septembre 1807, voir MARCEL RONCAYOLO, « Techniques et représentations du territoire », in A. BURGUIÈRE et J. REVEL (dir.), Histoire de la France, vol. 1, L’espace français, Paris, Le Seuil, 1989, pp. 511-558.
  • [24]
    Voir l’article de MARCEL RONCAYOLO, « Population agglomérée, villes et bourgs en France : réflexions sur les enquêtes de 1809-1811 », in Villes et territoires pendant la période napoléonienne (France et Italie), Rome, École française de Rome, 1987, pp. 201-220, dans lequel il précise que le ministère des Finances fixe la règle de la population agglomérée dès 1809-1810 : « La population agglomérée est celle qui est rassemblée dans les maisons contiguës ou réunies entre elles par des parcs, jardins, vergers, chantiers, ateliers ou autre enclos de ce genre, lors même que ces habitations ou enclos seraient séparés l’un de l’autre par une rue, un fossé, un ruisseau, une rivière, une promenade. » On verra également, RENÉ LE MÉE, « Population agglomérée, population éparse au début du XIXe siècle », Annales de démographie historique, 1971, pp. 321-391.
  • [25]
    PAUL MEURIOT critiquera cet usage soixante ans plus tard : « De la mesure des agglomérations urbaines », Bulletin de l’institut international de statistique, XVIII-2,1909, pp. 82-94, et XIX-1,1910, pp. 157-161; ID., « De la valeur du terme de banlieue dans certainesmétropoles », Bulletin de l’institut international de statistique, XX-2,1911, pp. 320-329.
  • [26]
    La commune a 5 666 habitants en 1831 et, en 1841, sa population totale est de 9 880 habitants pour une population agglomérée de 8 852. La demande du maire d’Ingouville, qui date du 21 novembre 1843, existe sous la forme d’un brouillon dans la carte A. M. Havre Cont., Ingouville, 3 D 1/6, Correspondance. Sur l’élargissement de la rue, on lira ANDRÉ CORVISIER (dir.), Histoire du Havre et de l’estuaire de la Seine, Toulouse, Privat, 1983, pp. 156-157.
  • [27]
    Les lois des 27 vendémiaire an VII, 27 frimaire et 5 ventôse an VIII ne se réfèrent pas à la ville. Plus tard, l’article 147 de la loi du 18 avril 1816 permettra d’étendre la limite de l’octroi à celle de la commune en y incluant des zones rurales.
  • [28]
    En 1872, le Littré définit encore le faubourg comme le « quartier d’une ville situé en dehors de son enceinte ».
  • [29]
    A. M. Havre, Cont., Ingouville, 3 D 1/6, Correspondance, « Lettre du ministre de l’Intérieur au maire d’Ingouville », 10 février 1844.
  • [30]
    A. M. Havre, Cont., Ingouville, 3 D 1/2, Réunion du Bas-Sanvic à Ingouville, « Lettre de Bréard, curé d’Ingouville, au maire de la commune », 7 novembre 1843.
  • [31]
    L’expression « accéder » dans le sens de pouvoir atteindre un lieu ne semble pas courante au XIXe siècle. Les dictionnaires se limitent le plus souvent à l’idée de donner son assentiment. Il est probable que le terme ait eu une acception en partie juridique, et qu’il n’ait été utilisé que dans le cadre de servitudes qui grèvent la propriété.
  • [32]
    A. M. Havre, Cont., 1 D 25*, « Registre du conseil municipal de la commune d’Ingouville, 17 juin 1839-25 janvier 1849 », 8 novembre 1843. La liste des questions provient de A. M. Havre, Cont., Ingouville, 3 D 1/2, « Rapport sur la question de l’adjonction à Ingouville d’une partie de Sanvic », 14 novembre 1843.
  • [33]
    Ibid., « Extrait du registre des délibérations du conseil municipal du 3 mars 1830 ».
  • [34]
    Sur ce point, nous renvoyons à La contribution foncière et le cadastre en 1836, Rouen, Legrand, 1836.
  • [35]
    Dans le Littré : « Permission que les commis des douanes accordent pour les marchandises qui doivent traverser quelque ville sans payer d’octroi. »
  • [36]
    Sur les cimetières urbains de cette époque, mais avec une absence de questionnement territorial, voir MADELEINE LASSERE, Villes et cimetières en France de l’Ancien Régime à nos jours, le territoire des morts, Paris, L’Harmattan, 1997.
  • [37]
    Cette question nous semble être dans le droit fil de celle posée par DAVID EDGERTON, dans « De l’innovation aux usages. Dix thèses éclectiques sur l’histoire des techniques », Annales HSS, 53-4/5,1998, pp. 815-837.
  • [38]
    PIERRE-FRANÇOIS FRISSARD, Premiers Mémoires sur les divers projets relatifs à l’extension de la ville et du port du Havre, Le Havre, 1834; Deuxièmes mémoires sur les divers projets relatifs à l’extension de la ville et du Port du Havre, Le Havre, 1836; Histoire du port du Havre, Le Havre, Impr. du commerce Alphonse Lemale, 1837.
  • [39]
    La première citation est extraite de CHARLES-LOUIS LHÉRITIER DE BRUTELLE, L’avenir de Graville par l’auteur du Havre en 1860, Le Havre, Jehenn Libr., 1837, p. 24. La seconde vient de A. D. Seine-Maritime 1 M 81, « Lettre d’un ancien maire de Graville au Préfet », le 2 août 1851. Pour le reste, les informations viennent principalement de A. R, « Notes sur Graville-Sainte-Honorine », Bulletin de la Société des OUSSELIN études locales dans l’enseignement public, groupe de la Seine-Inférieure, 8,1915, pp. 1-62.
  • [40]
    La population d’Ingouville passe de 3 948 habitants en 1806 à 7 766 en 1836 et à 14 378 en 1851.
  • [41]
    Sur la croissance du Havre : JEAN LEGOY, Le peuple du Havre et son histoire, du négoce à l’industrie, 1800-1914, le cadre de vie, Le Havre, Ville du Havre, 1982, pp. 47-55; STENDHAL, Mémoires d’un touriste, Paris, La Découverte, 1993, p. 75.
  • [42]
    Sur ce point, on verra l’article rapportant la visite de Louis-Napoléon Bonaparte au Havre dans La Revue du Havre du 9 août 1849. On verra également JOHN M. MERRIMAN, Aux marges de la ville, faubourgs et banlieues en France 1815-1870, Paris, Le Seuil, 1994. Le cas n’est pas isolé; déjà, le 24 mars 1852, Lyon a annexé ses faubourgs (sur ce point, voir PIERRE-YVES SAUNIER, Lyon au XIXe siècle : les espaces d’une cité, thèse de doctorat, Université de Lyon II, 1992. De même, en 1856, les banlieues de Saint-Étienne lui sont rattachées. À Paris, si la réunion n’intervient que le 24 juin 1859, après les « sept ans de patience du baron Haussmann », selon les termes de BERNARD ROULEAU (Villages et faubourgs de l’ancien Paris, Histoire d’un espace urbain, Paris, Le Seuil, 1985), la procédure commence en fait au même moment.
  • [43]
    Pour les résultats des élections dans l’agglomération havraise, on verra A. D. S.-M., 3 M 1037. Voir PIERRE ARDAILLOU, Les républicains du Havre au XIXe siècle (1815-1889), Rouen, Universités de Rouen et du Havre, 1999.
  • [44]
    A. D. S.-M., 1 M 82, « Registre d’enquête ouvert à la mairie de cette ville du Havre relativement au projet d’adjonction au Havre d’Ingouville, de Graville-l’Eure et de la partie urbaine de Sanvic, clos le 1er décembre 1849 »; HONORÉ DE BALZAC reprend cette description à l’identique in Modeste mignon, La comédie humaine, XVII, Givors, André Martel éd., [1843] 1949, p. 10; STENDHAL, Mémoires d’un touriste, op. cit.
  • [45]
    A. D. S.-M., 1 M 81, « Extrait du registre des délibérations de la Chambre de Commerce de la ville du Havre », le 11 juillet 1850.
  • [46]
    La source employée se trouve dans le carton A. D. S.-M., 1 M 81. Pour ce qui est de la volonté d’institutionnalisation des élites commerciales, nous renvoyons à nouveau à J.-P. HIRSCH, Les deux rêves du commerce..., op. cit. À propos de l’opposition entre la commune du Havre libérale et les communes rurales conservatrices, on lira P. ARDAILLOU, Les républicains du Havre..., op. cit., principalement la 1re partie.
  • [47]
    À lire la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain du ministère de l’Équipement, des transports et du logement, le thème semble récurrent.
  • [48]
    Pour les assemblées de départements : article 2 de la section 2 du décret sur la constitution des assemblées primaires et des assemblées administratives du 22 décembre 1789; pour le corps législatif : paragraphe III de l’instruction de l’Assemblée nationale sur la formation des assemblées représentatives et des corps administratifs du 8 janvier 1790; pour le statut de Paris, Décret concernant l’organisation de la municipalité de Paris, du 21 mai 1790. Sur ces points, SERGE ABERDAM, SERGE BIANCHI et alii, Voter, élire pendant la Révolution française 1789-1799, guide pour la recherche, Paris, Éditions du CTHS, 1999, pp. 120,129 et 146-154.
  • [49]
    ALFRED LEGOYT, Du progrès des agglomérations urbaines et de l’émigration rurale en Europe et plus particulièrement en France, Marseille, Cayer et Cie, 1867, pp. 260-261. PAUL MEURIOT, Des agglomérations urbaines dans l’Europe contemporaine. Essai sur les causes, les conditions et les conséquences de leur développement, Paris, Belin frères, 1897. ID., « De la mesure... », art. cit.; ainsi que « De la valeur... », art. cit. Pour une étude de la question à cette époque, qui concerne exclusivement le monde scientifique de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle, on lira GILLES MONTIGNY, De la ville à l’urbanisation, Paris, L’Harmattan, 1992.
  • [50]
    A. D. S.-M., 5 SP 3026, Délibération de la chambre de commerce du Havre, le 9 août 1895.
  • [51]
    A. D. S.-M., 5 SP 2994, Délibération de la chambre de commerce de Rouen, 1909.
  • [52]
    L’ensemble des délibérations d’avril 1893 se trouve dans le dossier A. D. S.-M., 5 SP 2956, Tramways du Havre, extension du réseau, enquête 1893.
  • [53]
    JACQUES LEVAINVILLE, Rouen. Étude d’une agglomération urbaine, Paris, Armand Colin, 1913; ÉLISÉE RECLUS, Nouvelle géographie universelle. La Terre et les hommes, Paris, Hachette, 1875-1894,19 t.; A. E. BORÉLY, Histoire de la ville du Havre et de son ancien gouvernement, Le Havre, Lepelletier, 1880-1881,3 vols, et Histoire de la ville du Havre, de 1789 à 1815, Le Havre, Lepelletier, 1884-1885,2 vols.
  • [54]
    A. M. Havre, fonds contemporain, Le Havre, O2 19/2, « Modifications de lignes », Cahier des charges des Tramways du Havre, Réseau général, Le Havre, Imprimerie du Commerce, 1894. La délibération de la commune de Graville-Sainte-Honorine du 15 juin 1894 se trouve dans A. D. S.-M., 5 SP 2956.
  • [55]
    A. D. S.-M., 5 SP 2956, Commission d’enquête, « Pétition des habitants de Sainte-Adresse et de Graville-Sainte-Honorine », 15 mai 1894.
  • [56]
    A. D. S.-M., 5 SP 2954, « Délibération de la commune de Sainte-Adresse », 17 juin 1894.
  • [57]
    Ibid., « Délibération de la commune du Havre », 4 juillet 1894.
  • [58]
    Pour ces questions, nous renvoyons à THEODOR M. PORTER, « Les polytechniciens, le calcul économique et la gestion des travaux publics », in B. BELHOSTE, A. DAHAN - DALMEDICO, D. PESTRE et A. PICON (dir.), La France des X. Deux siècles d’histoire, Paris, Economica, 1995, pp. 195-202.
  • [59]
    Sur ce point, on verra NICOLAS DODIER, « Agir dans plusieurs mondes », Critiques, 529/530,1991, pp. 427-458, qui commente les textes suivants : LUC BOLTANSKI et LAURENT THÉVENOT, De la justification, les économies de la grandeur, Paris, Gallimard, 1991; LUC BOLTANSKI, L’amour et la justice comme compétence, Paris, Métaillié, 1990; LAURENT THÉVENOT, « L’action qui convient », in P. PHARO et L. QUÉRÉ (éds), Les formes de l’action, Paris, Éditions de l’EHESS, 1990, pp. 39-69.
  • [60]
    Sur ce débat au tournant des XIXe et XXe siècles : GILLES MONTIGNY, De la ville..., op. cit.
  • [61]
    Sur ces questions, on verra PHILIPPE MANNEVILLE, « Des douaniers dans la ville du Havre au XIXe siècle » et « Les Normands et le fisc », XXIXe Congrès des Sociétés historiques et archéologiques de Normandie des 20-23 octobre 1994 à Elbeuf-sur-Seine, numéro spécial du Bulletin de la Société de l’histoire d’Elbeuf, septembre 1996, pp. 183-190. Voir aussi le mémoire de maîtrise de CLAUDE AFFAGARD, Économie du Havre 1860-1885, Rouen, Université de Rouen/Institut d’Histoire, 1972, pp. 26-29.
  • [62]
    HENRI COLBOC, L’évolution du Havre-de-Grâce, thèse de l’Institut d’urbanisme de l’université de Paris, sous la direction de Pierre Lavedan, Paris, décembre 1943.
  • [63]
    PIERRE FRANCASTEL, « Paris, un héritage culturel et monumental », Notes et études documentaires, no 3483, Paris, La Documentation française, 1968.
  • [64]
    Sur ce point, on lira CHRISTOPHE CHARLE, « Les polytechniciens dans les élites de la République, méritocrates, hommes nouveaux et notables (1880-1914)», in B. BELHOSTE et alii (dir.), La France des X..., op. cit., pp. 87-102 et, dans le même ouvrage, CHRISTIAN LICOPPE, « Physique et chimie à l’École polytechnique (1795-1850)», pp. 273-282, ainsi que AMY DAHAN-DALMEDICO, « Polytechnique et l’école française de mathématiques appliquées », pp. 283-297.
  • [65]
    Sur cette évolution des conseils municipaux, on verra, d’une part, le tableau dressé par J. LEGOY dans Le peuple du Havre et son histoire..., op. cit., p. 312, et, d’autre part, JEAN-LOUIS MAILLARD, La révolution industrielle au Havre 1860-1914, mémoire de DEA, Université de Rouen/Institut d’histoire, 1978, et MARTIN COLLOS, Le commerce du coton au Havre de 1860 à 1914, mémoire de maîtrise, Université de Rouen/Institut d’histoire, 1971. On verra enfin P. ARDAILLOU, Les républicains du Havre au XIXe siècle..., op. cit.
  • [66]
    On retrouve là les idées, hélas souvent laissées de côté, de P. Meuriot et M. Halbwachs à M. Roncayolo, en passant par D. Nordman et M.-V. Ozouf-Marignier. C’est dire que ces questions sont anciennes; pourtant, les résultats à l’extérieur d’un petit groupe de spécialistes restent extrêmement limités.
  • [67]
    On verra sur ce point JEAN-CLAUDE PASSERON, Le raisonnement sociologique. L’espace non-poppérien du raisonnement naturel, Paris, Nathan, 1991, p. 369, cité dans BERNARD LEPETIT, « Une logique du raisonnement historique », Annales ESC, 48-5,1993, pp. 1209-1219.
  • [68]
    MAURIZIO GRIBAUDI, « Les discontinuités du social. Un modèle configurationnel », in B. LEPETIT (dir.), Les formes de l’expérience. Une autre histoire sociale, Paris, Albin Michel, 1995, pp. 187-226.
  • [69]
    FRANÇOIS SIMIAND, « Méthode historique et sciences sociales », in ID., Méthode historique et sciences sociales, choix et présentation de M. Cerdonio, Paris, Éditions des Archives contemporaines. Sur les usages de l’expérimentation, on verra JEAN-YVES GRENIER et BERNARD LEPETIT, « L’expérience historique. À propos de C.-E. Labrousse », Annales ESC, 44-6,1989, pp. 1337-1360. Sur d’autres utilisations, voir CHRISTIAN LICOPPE, « Du singulier au régulier, une nouvelle articulation de la preuve empirique chez les physiciens français (1700-1735) », Raisons pratiques, 4,1993, Les objets dans l’action, pp. 217-239; VINCENT PELOSSE, « Expérimentation et controverse dans les sciences », Naturessciencessociétés, 4-3,1996, pp. 258-263. On verra également le quatrième chapitre de MARCEL DETIENNE, Comparer l’incomparable, Paris, Le Seuil, 2000, pp. 81-104.
  • [70]
    BERNARD LEPETIT, « Le présent de l’histoire », in B. LEPETIT (dir.), Les formes de l’expérience..., op. cit.
  • [71]
    Sur l’idée de pratique sociale, on verra : EDUARDO GRENDI, « Repenser la microhistoire ?», in J. REVEL (dir.), Jeux d’échelles. La micro-analyse à l’expérience, Paris, Gallimard/Le Seuil, « Hautes Études », 1996, pp. 233-243; on verra également : MARIE JAISSON, « Temps et espace chez Maurice Halbwachs », Revue d’histoire des sciences humaines, 1,1999, pp. 163-178 (je remercie Éric Brian de m’avoir signalé cet article).
  • [72]
    DANIEL NORDMAN, Frontières de France. De l’espace au territoire, XVIe - XIXe siècle, Paris, Gallimard, 1998.
  • [73]
    PATRICK GAUTIER-DALCHÉ, « De la liste à la carte : limite et frontière dans la géographie et la cartographie de l’Occident médiéval », Castrum, frontière et peuplement dans le monde méditerranéen au Moyen  ge, Rome-Madrid, École française de Rome/Casa de Velazquez, 1992, pp. 19-31. De Daniel Nordman, il faudrait citer l’ensemble de la bibliographie, tant sur le monde français que sur celui d’outre-mer. Il en est de même pour les travaux de M.-V. Ozouf-Marignier. Pour des exemples à l’extérieur de la discipline historique, on verra DENIS RETAILLÉ, « Afrique, le besoin d’en parler autrement qu’en surfaces », EspacesTemps, 51/52,1993, ou encore CHRISTIAN GROS, « L’Indien est-il soluble dans la modernité ? ou de quelques bonnes raisons de traiter des Amazonies indiennes », Cahiers des Amériques latines, 23,1996, pp. 61-72.
  • [74]
    Sur les allers-retours entre conceptions et territoires, nous renvoyons aux travaux de MAURICE HALBWACHS, La topographie légendaire des évangiles en Terre sainte. Étude de mémoire collective, Paris, PUF, [1941] 1971.

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