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Article de revue

De la mémoire communicative à la mémoire culturelle

Le passé dans les témoignages d'Arezzo et de Sienne (1177-1180)

Pages 563 à 589

Notes

  • [1]
    Jacques LE GOFF (dir.), La Nouvelle Histoire, Paris, Retz, 1978, pp. 446-448. Je remercie Jean-Claude Schmitt de m’avoir donné l’occasion de présenter ces réflexions sur la mémoire dans son séminaire et d’avoir pu les approfondir durant un séjour à l’EHESS en février 1999.
  • [2]
    À l’encontre des thèses de Jack GOODY (dir.), Literacy in Traditional Societies, Cambridge, Cambridge University Press, 1968, et The Interface between the Written and the Oral, Cambridge, Cambridge University Press, 1993 (Entre l’oralité et l’écriture, Paris, PUF, 1993), on tend à réduire de plus en plus la différence entre les cultures orale et écrite : Mary CARRUTHERS, The Book of Memory. A Study of Memory in Medieval Culture, Cambridge, Cambridge University Press, 1990 ; Horst WENZEL, Hören und Sehen, Schrift und Bild. Kultur und Gedächtnis im Mittelalter, Munich, C. H. Beck, 1995 ; Gadi ALGAZI, « Ein gelehrter Blick ins lebendige Archiv. Umgangsweisen mit der Vergangenheit im fünfzehnten Jahrhundert », Historische Zeitschrift (HZ), 266,1998, pp. 317-357, surtout pp. 326-332, qui, au sujet de la mémoire, attribue beaucoup plus d’importance aux relations de force, de soumission et de domination qu’à la différence entre culture orale et écrite.
  • [3]
    Helga HAJDU, Das mnemotechnische Schrifttum des Mittelalters, Francfort-sur-le-Main, Minerva, [1936] 1992 ; Bruno ROY et Paul ZUMTHOR (dir.), Jeux de mémoire, Paris-Montréal, Vrin/Université de Montréal, 1985 ; M. CARRUTHERS, The Book..., op. cit.
  • [4]
    Michael RICHTER, The Oral Tradition in the Early Middle Ages, Turnhout, Brepols, « Typologie des sources du Moyen Âge occidental-71 », 1994.
  • [5]
    Arnold ESCH, « Die Zeugenaussagen im Heiligsprechungsverfahren für S. Francesca Romana als Quelle zur Sozialgeschichte Roms im frühen Quattrocento », Quellen und Forschungen aus Italienischen Archiven und Bibliotheken (QFIAB), 53,1973, pp. 93-151 ; id., « Zeitalter und Menschenalter. Die Perspektiven historischer Periodisierung », HZ, 239, 1984, pp. 309-351 ; Bernard GUENÉE, « Temps de l’histoire et temps de la mémoire au Moyen Âge », Annuaire-Bulletin philologique de l’Histoire de France, 1976-1977, pp. 25-35 ; Jean-Marc ROGER, « L’enquête sur l’â ge de Jean II d’Estouteville (21-22 août 1397) », Comité des travaux historiques et scientifiques, Bulletin philologique et historique, 1975, pp. 103-128 ; Monique GRAMAIN, « Mémoires paysannes. Des exemples bas-languedociens aux XIIIe et XIVe siècles », Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest (Anjou, Maine, Touraine), 83,1976, pp. 315-324 ; Temps, mémoire, tradition au Moyen Âge. Actes du XIIIe congrès de la Société des historiens médiévistes de l’enseignement supérieur public, Aix-en-Provence, 4-5 juin 1982, Aix-en-Provence, Université de Provence, 1983 ; Guy P. MARCHAL, « Das Meisterli von Emmenbrücke oder : Vom Aussagewert mündlicher Ü berlieferung. Eine Fallstudie zum Problem Wilhelm Tell », Revue suisse d’histoire (RSH), 34,1984, pp. 521-539 ; Kathrine TREMP-UTZ, « Gedächtnis und Stand. Die Zeugenaussagen im Prozess um die Kirche von Hilterfingen (um 1312) », RSH, 36,1986, pp. 157-203 ; Jürgen von UNGERN-STERNBERG et Hansjörg REINAU (dir.), Vergangenheit in mündlicher Ueberlieferung (Coloquium Rauricum 1), Stuttgart, B. G. Teubner, 1988 ; G. ALGAZI, « Ein gelehrter Blick... », art. cit. ; Helmut MAURER, « Bäuerliches Gedächtnis und Landesherrschaft im 15. Jh. Zu einer oberschwäbischen ‘Kundschaft’ von 1484 », in C. ROLL (dir.), Recht und Reich im Zeitalter der Reformation. Festschrift für Horst Rabe, Francfort-sur-le-Main, Peter Lang, 1996, pp. 179-198 ; John BEDELL, « Memory and Proof of Age in England 1272-1327 », Past and Present, 162,1999, pp. 3-27. Tous ces travaux se distinguent par le fait qu’ils analysent les modalités de la mémorisation par les témoins à partir d’enquêtes qui proviennent d’une procédure de canonisation ou qui cherchent à éclaircir des droits en l’absence d’actes ou d’autres écrits.
  • [6]
    André VAUCHEZ, La sainteté en Occident aux derniers siècles du Moyen Âge d’après les procès de canonisation et les documents hagiographiques, Rome, École française de Rome, 1981, p. 45 ; Michael RICHTER, Sprache und Gesellschaft im Mittelalter. Untersuchungen zur mündlichen Kommunikation in England von der Mitte des 11. bis zu Beginn des 14. Jh., Stuttgart, H. Hiersemann, « Monographien zur Geschichte des Mittelalter-18 », 1979, pp. 172-217, surtout p. 177 sqq.
  • [7]
    Voir par exemple Jean-Claude BOUVIER et alii, Tradition orale. Problèmes et méthodes, Paris, CNRS Éditions, 1980 ; Lutz NIETHAMMER (dir.), Lebenserfahrung und kollektives Gedächtnis. Die Praxis der « Oral History », Francfort, Syndikat, 1984 ; Ken HOWARTH et Philippe JOUTARD, « L’histoire orale : bilan d’un quart de siècle de réflexion méthodologique et de travaux », in XVIIIe Congrès international des sciences historiques, Montréal, Bibliothèque nationale du Québec, 1995, pp. 205-221 ; Ken HOWARTH, Oral History. A Handbook, Stroud, Sutton Publ., 1998.
  • [8]
    Un exemple révélateur dans Paul FREDERICQ, Corpus documentorum Inquisitionis haereticae pravitatis Neerlandicae, Gand, Gravenhage, 2, no 106,1896, p. 155. En général, la liste des questions à poser n’est pas donnée dans les protocoles d’enquête.
  • [9]
    G. ALGAZI, « Ein gelehrter Blick... », art. cit., p. 327.
  • [10]
    Pour M. GRAMAIN, « Mémoires paysannes... », art. cit., p. 317, la « mémoire médiévale » ne serait ni anecdotique ni personnelle, et les affaires personnelles ne seraient mentionnées que très rarement — dans une enquête sur le droit d’exploitation des champs ; selon J. BEDELL, « Memory... », art. cit., pp. 5,16,20 sqq., 65 % des dépositions ont trait à des souvenirs familiaux — à propos des preuves d’âge de maturité (p. 22 : « The markers in these men’s pasts were overwhelmingly personal and family events »). Voir les remarques de G. ALGAZI, « Ein gelehrter Blick... », art. cit., pp. 318,352. D’autres exemples dans Guy P. MARCHAL, « Memoria, Fama, Mos Maiorum. Vergangenheit in mündlicher Ü berlieferung im Mittelalter, unter besonderer Berücksichtigung der Zeugenaussagen in Arezzo von 1170/80 », in J. von UNGERN-STERNBERG et H. REINAU, Vergangenheit..., op. cit., p. 292, n. 6.
  • [11]
    Voir Arno BORST, Der Turmbau zu Babel. Geschichte der Meinungen über Ursprung und Vielfalt der Sprachen und Völker, Stuttgart, H. Hiersemann, 1957-1963 ; Frantisek GRAUS, Lebendige Geschichte. Ü berlieferung im Mittelalter und in den Vorstellungen vom Mittelalter, Cologne-Vienne, Böhlau, 1975.
  • [12]
    Documenti per la storia della Città di Arezzo, t. 1, Ubaldo PASQUI (éd.), Florence, Vieusseux, « Documenti di storia Italiana », vol. 11,1899, no 389, pp. 520-573 (dorénavant PASQUI ). Jean-Pierre DELUMEAU, « La mémoire des gens d’Arezzo et de Sienne à travers des dépositions de témoins ( VIIIe - XIIe siècles) », in Temps, mémoire, tradition..., op. cit., pp. 43-66 ; G. P. MARCHAL, « Memoria, Fama... », art. cit., pp. 289-320.
  • [13]
    Jean-Pierre DELUMEAU, Arezzo — Espace et société, 715-1230. Recherches sur Arezzo et son contado du VIIIe au début du XIIIe siècle, Rome, École française de Rome, 1996, t. 1, pp. 475-487, t. 2, pp. 855-857.
  • [14]
    Archivio Capitolare di Arezzo : Carte della Canonica, no 435 et 436. Les deux manuscrits, écrits dans une minuscule livresque sur deux colonnes par page, sont lacunaires, mais, grâce aux hasards de la conservation, ils se complètent assez bien (cf. PASQUI, p. 519 sqq.).
  • [15]
    Maurice HALBWACHS, La mémoire collective, édition critique établie par Gérard NAMER, Paris, Albin Michel, 1997.
  • [16]
    M. HALBWACHS, La mémoire..., op. cit., p. 130.
  • [17]
    Aleida ASSMANN et Jan ASSMANN, « Schrift, Tradition und Kultur », in W. RAIBLE (dir.), Zwischen Festtag und Alltag. Zehn Beiträge zum Thema, « Mündlichkeit und Schriftlichkeit », Tübingen, Narr, 1988, pp. 25-50, surtout p. 28 sq.; Jan ASSMANN, « Kollektives Gedächtnis und kulturelle Identität », in J. ASSMANN et T. HÖ LSCHER (dir.), Kultur und Gedächtnis, Francfort-sur-le-Main, Surkamp, 1988 ; Jan ASSMANN, Das kulturelle Gedächtnis. Schrift, Erinnerung und politische Identität in frühen Hochkulturen, Munich, C. H. Beck, 1992.
  • [18]
    J.-P. DELUMEAU, « La mémoire... », art. cit., p. 49.
  • [19]
    A. ESCH, « Die Zeugenaussagen... », art. cit., p. 101 sqq.; id., « Zeitalter... », art. cit., pp. 337,345. Une observation similaire peut être faite quand les témoins doivent se rappeler une date particulière et y parviennent ; voir dans J.-P. DELUMEAU, « La mémoire... », art. cit., pp. 47-50.
  • [20]
    Cette constatation est confirmée par le fait que les âges indiqués correspondent systématiquement à la durée de la mémoire, objet de l’enquête ; pour Arezzo, durée de la mémoire demandée : 54 ans, 2 % des témoins sont à peine plus jeunes, 81 % ont plus de 54 ans et 7 % sans indication d’â ge. Jean d’Estouteville ayant 21 ans (J.-M. ROGER, « L’enquête... », art. cit.), 67 % des témoins ont entre 35 et 50 ans.
  • [21]
    M. GRAMAIN, « Mémoires paysannes... », art. cit., p. 321 ; Jacques PAUL, « Expression et perception du temps d’après l’enquête sur les miracles de Louis d’Anjou », in Temps, mémoire, tradition..., op. cit., p. 38 ; Yves GRAVA, « La mémoire, une base d’organisation politique des communautés provençales au XIIIe siècle », in Temps, mémoire, tradition..., op. cit., p. 73 sqq. et 78. Pour les actes du XIIe siècle, voir Michael T. CLANCHY, From Memory to Written Record, England 1066-1307, Cambridge, Blackwell, 1977, pp. 237-241. Voir aussi, Anna-Dorothea von den BRINCKEN, « Beobachtungen zum Aufkommen der retrospektiven Inkarnationsära », Archiv für Diplomatik, 25,1979, pp. 1-20, surtout p. 18 sq.
  • [22]
    Témoins, cités d’après les numéros de PASQUI : 19,31,37.
  • [23]
    J.-P. DELUMEAU, « La mémoire... », art. cit., p. 49.
  • [24]
    PASQUI, témoins 1,3,5,7,11,36.
  • [25]
    En 1493, à Lyon, on a procédé pour une fois au calcul exact : « etatis quinquaginta et memorie quadraginta annorum », âgé de cinquante ans et capable de se souvenir de quarante années (A. ESCH, « Zeilalter... », art. cit., p. 339, n. 69) ; voir aussi J.-M. ROGER, « L’enquête... », art. cit., pp. 116-127.
  • [26]
    J.-M. ROGER, « L’enquête... », art. cit., p. 108. Une observation analogue chez Eckhard FREISE, « Kalendarische und annalistische Grundformen der Memoria », in K. SCHMIDT et J. WOLLASCH (dir.), Memoria. Der geschichtliche Zeugniswert des liturgischen Gedenkens im Mittelalter, Munich, W. Fink, 1984, pp. 471-481 : dans les notices mémorielles, on complète les indications de comput par des indications annalistiques pour caractériser la qualitas temporum.
  • [27]
    Viktor HOBI, « Kurze Einführung in die Grundlagen der Gedächtnispsychologie », in J. UNGERN VON STERNBERG et H. REINAU, Vergangenheit..., op. cit., p. 27.
  • [28]
    A. ESCH, « Zeitalter... », art. cit., p. 349 ; Charles DE LA RONCIÈRE, « De la mémoire vécue à la tradition, perception et enregistrement du passé », in Temps, mémoire, tradition, op. cit., pp. 267-279 ; J. BEDELL, « Memory... », art. cit., p. 19.
  • [29]
    Voir, par exemple, J.-M. ROGER, « L’enquête... », art. cit., pp. 116-127, au sujet de la naissance, et A. ESCH, « Zeitalter... », art. cit., p. 341, à propos de la peste.
  • [30]
    J. BEDELL, « Memory... » , art. cit., p. 20.
  • [31]
    J. PAUL, « Expression... », art. cit., p. 28 ; M. GRAMAIN, « Mémoires paysannes... », art. cit., p. 321, relève la précision des indications d’années avec la « mémoire chiffrée » des marchands et administrateurs.
  • [32]
    PASQUI, témoins 19,25,32,34,40,45,49,82 (cf. J.-P. DELUMEAU, « La mémoire... », art. cit., p. 65 sqq.).
  • [33]
    PASQUI, témoins 80,87,83.
  • [34]
    PASQUI, témoins 79 et 70.
  • [35]
    PASQUI, témoin 1.
  • [36]
    PASQUI, témoins 1 et 6, puis 51.
  • [37]
    PASQUI, témoins 1,2,4,5,8,56, etc.
  • [38]
    PASQUI, témoin 51.
  • [39]
    Le mode de mémorisation, que nous venons de décrire chez ces hommes du XIIe siècle, ne diffère pas tellement de celui qu’a si clairement démontré M. HALBWACHS, La mémoire..., op. cit., pp. 63 sqq. et 101 sqq.
  • [40]
    Prétentions arétines : de modico tempore (PASQUI, témoin 23) à fere per annum (témoin 1); prétention siennoise : per IIII annos aut tres (PASQUI, témoin 82), fere VI annis (témoin 85). Ces mémorisations de durées variables montrent combien les indications dépendent des intérêts divergents des parties.
  • [41]
    PASQUI, témoins 78,79,80,81,82,83 (cf. J.-P. DELUMEAU, Arezzo..., op. cit., 1, pp. 480,483).
  • [42]
    PASQUI, actes no 317 et 318.
  • [43]
    PASQUI, acte no 322.
  • [44]
    Marlene POLLOCK et Herbert SCHNEIDER, « Die gefälschte Synodalurkunde von Rom 850 (?) », in Monumenta Germaniae Historica, Concilia (MGH Conc.), Hanovre, Hahn, III, 1984, pp. 495-502, surtout p. 500.
  • [45]
    Voir aussi J.-P. DELUMEAU, « La mémoire... », art. cit., p. 48.
  • [46]
    PASQUI, témoins 62,63,65,66,67,68,74.
  • [47]
    PASQUI, témoin 7.
  • [48]
    PASQUI, témoin 13.
  • [49]
    Les témoins évoquent différents lieux de séjour : Camalduli, Monte Fatukium, Galiada, Romania, Montanis (PASQUI, témoins 1,2,3,46 et 48).
  • [50]
    PASQUI, témoin 48.
  • [51]
    PASQUI, témoins 6 et 4.
  • [52]
    PASQUI, témoins 13,25,7,36 et 43.
  • [53]
    PASQUI, témoin 4.
  • [54]
    PASQUI, témoin 3.
  • [55]
    PASQUI, témoin 24.
  • [56]
    PASQUI, témoin 30.
  • [57]
    PASQUI, témoins 25 et 55.
  • [58]
    PASQUI, témoin 13.
  • [59]
    PASQUI, témoin 18.
  • [60]
    PASQUI, acte no 186, pp. 264-266 ; MGH Conc. III, 1984, p. 499.
  • [61]
    Cinthia J. BROWN, « Mémoire et histoire : la déformation de la réalité chez les rhétoriqueurs à la fin du Moyen Âge », in B. ROY et P. ZUMTHOR, Jeux..., op. cit., pp. 43-53,52 ; G. P. MARCHAL, « Das Meisterli... », art. cit.
  • [62]
    Michèle SIMONSEN, Le conte populaire, Paris, PUF, 1984, p. 40 ; Lutz RÖ HRICH, Sage und Märchen. Erzählforschung heute, Fribourg-Bâle-Vienne, Herder, 1967, p. 298 sqq.; Ronald F. HOCK et Edward N. O’NEIL, The Chreia in Ancient Rhetoric, vol. 1 : The Progymnasmata, Atlanta, Scholars Press, 1986, p. 85 sqq.
  • [63]
    J. GOODY, Entre l’oralité..., op. cit., p. 299 ; Jacques BERLIOZ et Marie Anne POLO DE BEAULIEU (dir.), Les exempla médiévaux : nouvelles perspectives, Paris, Honoré Champion, 1998.
  • [64]
    G. P. MARCHAL, « Memoria, Fama... », art. cit., p. 306. Cette interprétation est soutenue par le fait que le même dialogue mémorisable apparaît dans des situations différentes de dialogue et qu’il est attribué à divers acteurs : PASQUI, témoins 1,8 et 54.
  • [65]
    Hans Ü lrich GUMBRECHT, « Ü ber den Ort der Narration in narrativen Gattungen », in E. LÄ MMERT (dir.), Erzählforschung. Ein Symposion, Stuttgart, Metzler, 1982, « Germanistische Symposien, Berichtbände-IV », pp. 207 et 210.
  • [66]
    Apophtegmata patrum, Weisungen der Väter, trad. par Bonifaz MILLER, Fribourg, Lambertus, « Sophia. Quellen östlicher Theologie-6 », 1965.
  • [67]
    PASQUI, témoin 55.
  • [68]
    M. HALBWACHS, La mémoire..., op. cit., p. 104.
  • [69]
    Au sujet de la Conduit Theory développée par Linda DEGH, se reporter à Enzyklopädie des Märchens, 3,1981, col. 124-126 ; voir aussi la note suivante.
  • [70]
    Linda DEGH, « The Legend Conduit », in S. J. BRONNER (dir.), Creativity and Tradition in Folklore. New Directions, Logan, Utah University Press, 1992, pp. 105-126. La conduit theory correspond assez bien à ce que Maurice Halbwachs a développé sur la « mémoire historique » (La mémoire..., op. cit., pp. 130-132) et concrétise les modalités dans le domaine de la transmission des contes et des légendes.
  • [71]
    G. ALGAZI, « Ein gelehrter Blick... », art. cit., pp. 317-357, et « Tradition als Gespräch der Ungleichen. Bauern und Herren in der spätmittelalterlichen Dorfversammlung », in S. ESDERS et T. SCHARFF (dir.), Eid und Wahrheitssuche. Studien zu rechtlichen Befragungspraktiken in Mittelalter und früher Neuzeit, Francfort-sur-le-Main, Peter Lang, 1999, pp. 191-210. Le jeu des pouvoirs s’exprime, par exemple, dans la remarque d’un seigneur de Souabe qui, alors que l’enquête auprès de ses sujets sur la délimitation de son territoire arrivait à d’autres résultats que ceux qu’il souhaitait, dit à son adversaire, mais aussi son égal : « Ne laissons pas le pouvoir aux paysans, accordons-nous entre nous » (H. MAURER, « Bäuerliches Gedächtnis... », art. cit., p. 179).
  • [72]
    J. BEDELL, « Memory... », art. cit., p. 19.
  • [73]
    Les témoins ne parlent jamais d’un monastère, comme le laisse entendre J.-P. DELU-MEAU, « La mémoire... », art. cit., p. 55 sq. Il existe, certes, un monastère sur le mont Soratte, qui aurait pu accueillir des registres pontificaux, mais la recherche n’a pu le confirmer (Uta-Renate BLUMENTHAL, « Forschungen zum Register Papst Paschalis’ II », QFIAB, 66,1986, pp. 1-19). En fait, nous n’avons pas réussi à identifier ce type de légende dans les répertoires disponibles. Les recherches aimablement effectuées par Pascal Collomb, du Centre de recherches historiques (EHESS/CNRS), n’ont pas non plus, pour le moment, abouti à un résultat ; qu’il soit remercié pour son aide.
  • [74]
    On pourrait concevoir, comme point de départ de la chaîne associative, l’argumentation de Guido selon laquelle la possession des paroisses remontait au temps de saint Donat (MGH Conc. III, p. 502, n. 33 ; PASQUI, actes no 318,322).
  • [75]
    Pour ne citer que Heinrich FICHTENAU, Das Urkundenwesen in Ö sterreich vom 8. Bis 13. Jh., Vienne-Cologne-Graz, Böhlau, « Mitteiliungen des österreichischen Instituts für Geschichtsforschung, Erg.-Bd. 23 », 1971, p. 63 sqq. PASQUI, témoin 42, rend la réserve « salvo iure ecclesie aretine » par « salvo iure S. Donati ».
  • [76]
    PASQUI, témoins 1,2,8,20,53 et 57.
  • [77]
    Pour des parallèles avec la vie de saint Thomas de Cantilupe, voir A. VAUCHEZ, La sainteté..., op. cit., p. 339, n. 37 et p. 350.
  • [78]
    A. VAUCHEZ, La sainteté..., op. cit., p. 222, explique la forte baisse de saints évêques aux XIIIe - XIVe siècles en Italie par le contexte social et politique, c’est-à-dire l’émancipation de la commune vis-à-vis du pouvoir épiscopal. Sur l’é mergence de la commune d’Arezzo, le rôle de Guido et la nouvelle société, voir J.-P. DELUMEAU, Arezzo..., op. cit., t. 2, pp. 846-861.
  • [79]
    M. HALBWACHS, La mémoire..., op. cit., p. 231 sqq.
  • [80]
    K. TREMP-UTZ, « Gedächtnis und Stand... », art. cit., p. 169 sqq. et p. 188. Le fait cependant que les témoins se réfèrent aux « seniores » sans pouvoir le plus souvent indiquer un nom particulier rapproche cette référence de la fama.
  • [81]
    Selon cette interprétation, la memoria n’est compétente que pour ce qu’on a vu ou entendu (procès de Hilterfingen : « Quia [...] antiqua tempora de illis, quod non potest esse in memoria hominum », Fontes rerum Bernensium (FRB), Bern’s Geschichtsquellen, vol. 5, Berne, Stämpflische Buchdruckerei, 1890, p. 51, et ibid., p. 45 : « Audivit a senioribus suis ita esse, et credit pro certo, nec potest esse in memoria hominum quia per multa et longa tempora fuit »). Les « antiqua tempora » sont en dehors du temps de la mémoire. Walter Map situe la limite du temps de la mémoire à cent ans « cum adhuc aliqui supersint centennes et filii ex patrum et avorum relacionibus certissime teneant que non viderunt » (B. GUENÉE, « Temps de l’histoire... », art. cit., p. 35, n. 43), une explication qui ne correspond pas seulement à la compréhension des témoins de Hilterfingen mais aussi au concept moderne des trois générations (A. ESCH, « Zeitalter... », art. cit., p. 325 sqq.).
  • [82]
    A. VAUCHEZ, La sainteté..., op. cit., pp. 40,564, et 575, constate aux XIIIe et XIVe siècles une nette augmentation de saints « modernes », morts soixante ans au plus avant le dépôt du dossier de canonisation, ce qui permet de recueillir le témoignage de témoins oculaires. De même, les enquêtes sur les coutumes exigent des témoins oculaires : John GILISSEN, La coutume, Turnhout, Brépols, « Typologie des sources du Moyen Âge occidental-fasc. 41 », 1982, p. 66. Voir aussi n. 4.
  • [83]
    A. VAUCHEZ, La sainteté..., op. cit., p. 63, n. 77, pp. 81 et 84, n. 30.
  • [84]
    L’enquête sur la prise de la Pomérélie par l’ordre teutonique en 1320, où les témoins, qui n’ont pas vécu les événements, doivent préciser « an de hoc sit publica vox et fama, an hoc sit notorium » (t. II-X), est éclairante à ce sujet. Un témoin précise : « Quod non solum vox et fama est, sed adeo notorium, quod potest nulla tergiversacione celari », Scriptores rerum Prussicarum, 1, Leipzig, Hirzel, 1861, pp. 778-787, surtout p. 781. La double question sur la fama et la notorietas (p. 778, n. 1) démontre que la fama corrobore et que la notorietas renforce, sans quoi la question sur la fama n’aurait pas de sens.
  • [85]
    J GILISSEN, La coutume, op. cit., p. 65.
  • [86]
    A. VAUCHEZ, La sainteté..., op. cit., p. 142, n. 40 et pp. 258,268.
  • [87]
    K. TREMP-UTZ, « Gedächtnis und Stand... », art. cit., p. 180.
  • [88]
    Hanna VOLLRATH, « Das Mittelalter in der Topik oraler Gesellschaften », HZ, 233,1981, pp. 571-594 ; Patrick J. GEARY, La mémoire et l’oubli à la fin du premier millénaire, Paris, Aubier, 1996. Il ne faut d’ailleurs pas surestimer l’effet de ces actes et de l’écrit dans la vie quotidienne. Souvent ils n’é taient pas disponibles parce que, tout simplement, on ne les trouvait pas. En témoignent justement les enquêtes, dont le contenu peut aujourd’hui être vérifié par les documents alors manquants, comme celles d’Arezzo, de Hilterfingen (K. TREMP-UTZ, « Gedächtnis und Stand... », art. cit.) ou d’Emmen (G. P. MARCHAL, « Meisterli... », art. cit.). Voir aussi M. T. CLANCHY, From Memory..., op. cit., pp. 138-147,202-220. Herbert WOLF, « Erzähltraditionen in homiletischen Quellen », in W. BRÜ CKNER (dir.), Volkserzählung und Reformation. Ein Handbuch zur Tradierung und Funktion von Erzählstoffen und Erzählliteratur im Protestantismus, Berlin, E. Schmidt, 1974, pp. 704-757, surtout p. 729. Au sujet des « pauvres femmes de Weinsberg », localisées en de nombreux endroits, voir Lutz RÖ HRICH, « Orale Traditionen als historische Quelle. Einige Gedanken zur deutschsprachigen mündlichen Volkserzählung », in J. von UNGERN-STERNBERG et H. REINAU, Vergangenheit..., op. cit., pp. 79-99 , ici p. 96 sq.
  • [89]
    Otto Gerhard OEXLE, « Liturgische Memoria und historische Erinnerung. Zur Frage nach dem Gruppenbewusstsein und dem Wissen der eigenen Geschichte in den mittelalterlichen Gilden », in N. KAMP et J. WOLLASCH (dir.), Tradition als historische Kraft : Interdisziplinäre Forschungen zur Geschichte des frühen Mittelalters, Berlin-New York, Festschrift K. Hauck, 1982, pp. 323-340 ; Franz Josef JAKOBI, « Geschichtsbewusstsein in mittelalterlichen Geden-kaufzeichnungen », Archiv für Kulturgeschichte, 68,1986, pp. 1-23 ; Dieter GEUENICH et Otto Gerhard OEXLE, Memoria in der Gesellschaft des Mittelalters, Göttingen, Vandenhoek & Ruprecht, « Veröffentlichungen des Max-Planck-Instituts für Geschichte (VMPIG)-111 », 1994 ; Otto Gerhard OEXLE, « Memoria in der Gesellschaft und Kultur des Mittelalters », in J. HEINZLE, Modernes Mittelalter, Francfort-sur-le-Main, Insel, 1994, pp. 297-323; Otto Gerhard OEXLE (dir.), Memoria als Kultur, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, « VMPIG-121 », 1995.
  • [90]
    Sur la lecture du récit des batailles commémorées en chaire et sur l’« historia pauperum », Bernhard STETTLER (éd.), Aegidius Tschudi Chronicon Helveticum, Berne, Stadt- und Universitätsbibliothek, Allgemeine Geschichtsforschende Gesellschaft der Schweiz, « Quellen zur Schweizer Geschichte NS I, Section VII/2 ») 1974, p. 65 ; Klaus GRAF, « Schlachtgedenken in der Stadt », in B. KIRCHGÄ SSNER et G. SCHOLZ (dir.), Stadt und Krieg, Sigmaringen, Thorbecke, 1989, pp. 83-104, id., « Schlachtengedenken im Spätmittelalter. Riten und Medien der Präsentation kollektiver Identität », in Feste und Feiern im Mittelalter. Paderborner Symposium des Mediävistenverbands, D. ALTENBURG, J. JARNUT et H.-H. STEINHOFF (éds), Sigmaringen, Thorbecke, 1991, pp. 63-69.
  • [91]
    O. G. OEXLE, « Memoria als Kultur », in O. G. OEXLE (dir.), Memoria als Kultur, op. cit., pp. 9-78, ici p. 31 (fondamental pour les questions traitées dans ce texte).
  • [92]
    FRB, 5, pp. 45 et 51.
  • [93]
    Jan ASSMANN, « Die Katastrophe des Vergessens. Das Deuteronomium als Paradigma kultureller Mnemotechnik », in A. ASSMANN et D. HARTH (dir.), Mnemosyne. Formen und Funktionen der kulturellen Erinnerung, Francfort-sur-le-Main, Fischer-Tachenbuch Verlag, 1991, pp. 337-355, ici p. 339.
  • [94]
    K. TREMP-UTZ, « Gedächtnis und Stand... », art. cit., p. 178 ; Y. GRAVA, « La mémoire... » art. cit., pp. 78 et 90, n. 51 sqq.; MGH Conc. III, p. 500 ; Paul OURLIAC, « Coutume et mémoire : les coutumes françaises au XIIIe siècle », in B. ROY et P. ZUMTHOR, Jeux..., op. cit., pp. 111-122, ici p. 117.
  • [95]
    P. OURLIAC, « Coutume... », art. cit., pp. 116 et 111.
  • [96]
    J. ASSMANN, Das kulturelle Gedächtnis..., op. cit., p. 21. Si Assmann confère à l’é crit une fonction primordiale comme moyen de transmission, nous suivons plutôt Peter BURKE, « Geschichte als soziales Gedächtnis », in J. ASSMANN et D. HARTH (dir.), Mnemosyne..., op. cit., pp. 289-304, ici p. 292 sq., qui conçoit toute une gamme de transmissions possibles.
  • [97]
    Y. GRAVA, « La mémoire... », art. cit., p. 79 ; P. OURLIAC, « Coutume... », art. cit. ; J. GILISSEN, La coutume, op. cit., p. 29.
  • [98]
    G. ALGAZI, « Ein gelehrter Blick... », art. cit., et « Tradition... », art. cit. ; Thomas MICHEL, « Geschichtsüberlieferung bei den Nalumin (Star Mountains, Papua-Neuguinea) », in B. HAUSER-SCHÄ UBLIN (dir.), Geschichte und mündliche Ü berlieferung in Ozeanien, Basel, Wepf, « Bâle Beiträge zur Ethnologie-37 », 1994, pp. 129-159 ; H. VOLLRATH, « Das Mittelalter... », art. cit. ; G. P. MARCHAL, « Meisterli... », art. cit. (motif Aarne/Thompson no 1645 dans la mémoire locale de Emmenbrücke).
  • [99]
    P. OURLIAC, « Coutume... », art. cit., p. 117.
  • [100]
    M. HALBWACHS, La mémoire..., op. cit., p. 132, tandis que, pour la mémoire individuelle, il décline cette possibilité : « On n’oublie rien ». Roger BASTIDE, « Problèmes de l’entrecroisement des civilisations et de leurs œuvres », in G. GURVITCH, Traité de sociologie, t. 2, chap. V, Paris, PUF, 1960, p. 325 sq.; J. ASSMANN, « Die Katastrophe... », art. cit., pp. 344-347, « Rahmenwechsel ».
  • [101]
    J. ASSMANN, « Die Katastrophe... », art. cit., p. 346.
  • [102]
    P. BURKE, « Geschichte... », art. cit., pp. 289-304, p. 298.
  • [103]
    Memoria, Communitas, Civitas. Mémoire et conscience urbaines en Occident à la fin du Moyen Âge, Colloque international organisé par l’Institut allemand de Paris, Max-Planck-Institut de Göttingen et la Mission historique française en Allemagne de Göttingen (Paris 31 mars-1er avril 2000), à paraître.
  • [104]
    G. ALGAZI, « Tradition... », art. cit. ; G. ALGAZI, « Ein gelehrter Blick... », art. cit., p. 328 sq.
  • [105]
    Philippe CONTAMINE, « Mécanismes du pouvoir, information, sociétés politiques », in P. CONTAMINE (dir.), Des pouvoirs en France, 1300-1500, Paris, Presses de l’ENS, 1992, pp. 11-36.
  • [106]
    Jean-Claude SCHMITT, Les revenants. Les vivants et les morts dans la société médiévale, Paris, Gallimard, 1994, pp. 17-19. Heinz D. KITTSTEINER, « Vom Nutzen und Nachteil des Vergessens für die Geschichte », in G. SMITH et H. M. EMRICH (dir.), Vom Nutzen des Vergessens, Berlin, Akademie Verlag, 1996, pp. 133-174, ici p. 153, confère une fonction analogue au repentir. Dans ce cas, le souvenir d’un acte mauvais n’est pas oublié ou refoulé mais extirpé par une instance supérieure.
  • [107]
    O. G. OEXLE, « Liturgische Memoria... », art. cit., pp. 323-340.
  • [108]
    A. et J. ASSMANN, « Schrift und Kultur », in A. ASSMANN, J. ASSMANN, et C. HARDMEIER (dir.), Schrift und Gedächtnis. Beiträge zur Archäologie der literarischen Kommunikation, Munich, Fink, « Beiträge zur Archäologie der Literarische Kommunikation-1 », 1983, pp. 277-279 ; J. ASSMANN, « Die Katastrophe... », art. cit., pp. 337-355, ici p. 340 sqq.
  • [109]
    Juliane KÜ MMEL, « Erinnern und Vergessen in der Stadt. Ü berlegungen zu Formen spätmittelalterlicher Wahrnehmung anhand von Ansätzen volkssprachlicher Geschichtsschreibung im nördlichen Frankreich », Saeculum, 35,1984, pp. 228-245.
  • [110]
    P. BURKE, « Geschichte... », art. cit., p. 296 sqq.
  • [111]
    J. ASSMANN, Das kulturelle Gedächtnis..., op. cit., pp. 70-73.
  • [112]
    Qu’il nous soit permis de nous référer à l’exemple de l’imaginaire historique suisse : Guy P. MARCHAL, « Nouvelles approches des mythes fondateurs : l’imaginaire historique des Confédérés à la fin du XVe siècle », in M. COMINA (dir.), Histoire et belles histoires de la Suisse. Guillaume Tell, Nicolas de Flüe et les autres, des chroniques au cinéma, Bâle, Schwabe, « Itinera-9 », 1989, pp. 1-24 ; id., « La naissance du mythe de Saint-Gothard ou la longue découverte de l’homo alpinus et de l’Helvetia mater fluviorum », in J.-F. BERGIER et S. GUZZI (dir.), La découverte des Alpes, Bâle, Schwabe, « Itinera-12 », 1992, pp. 35-53, et « “ Dans les traces des aïeuls” : les usages de l’Histoire dans une société sans Prince ( XVe - XVIIIe siècles) », in C. GRELL, W. PARAVICINI et J. VOSS (dir.), Les princes et l’histoire du XIVe au XVIIIe siècle, Bonn, Bouvier, « Pariser Historische Studien-47 », 1998, pp. 109-122.
  • [113]
    Au niveau de la fonction identificatrice, il peut y avoir une répression institutionnalisée de certains souvenirs : Henriette DIABATÉ, Le sannvin. Sources orales et histoire. Essai de méthodologie, Abidjan, Nouvelles Éditions Africaines, « Tradition orale », 1986, p. 70 sq.
  • [114]
    Philippe JOUTARD, La légende des Camisards, Paris, Gallimard, 1977, pp. 296-299. À propos des légendes et mythes d’origine, l’ethnologue Jan Vansina a même constaté un floating gap, c’est-à-dire un télescopage permanent de l’« histoire » des origines avec le passé incluant trois générations, qui fait sombrer les souvenirs devenus intermédiaires dans les ténèbres de l’oubli (Jan VANSINA, Oral Tradition as History, Londres, Currex, 1985, pp. 23 et 168).
  • [115]
    J. VANSINA, Oral Tradition..., op. cit., p. 23 sqq. et p. 168 sqq.
  • [116]
    Ernest RENAN, Qu’est-ce qu’une nation ?, Paris, Hellen, [1882] 1934, p. 25.
  • [117]
    J. ASSMANN, Das Kulturelle Gedächtnis..., op. cit. ; P. J. GEARY, Mémoire..., op. cit.; H. VOLLRATH, « Das Mittelalter... », art. cit.

1En 1978, la Nouvelle Histoire situait encore l’histoire orale en marge de la discipline, constatant qu’elle n’était appliquée que « dans certains secteurs avancés ou marginaux » [1]. Aujourd’hui, elle est l’un des outils des sciences historiques, et l’on voit non seulement l’histoire contemporaine exploiter avec profit les archives vivantes de notre temps, mais aussi les recherches sur les temps médiévaux et modernes aborder la question de l’oralité. Ces travaux s’inscrivent dans le cadre des réflexions sur la mémoire, tant individuelle que collective, ainsi que sur la culture et les traditions orales. Nous ne souhaitons pas ici rouvrir le débat sur la relation entre les cultures orale et écrite [2] ni celui, tout aussi amplement traité, des moyens mnémotechniques et de l’art du souvenir [3]; nous ne nous attacherons pas non plus à démontrer l’existence ou non de traditions orales [4]. Notre but, plus modeste, consiste à nous interroger, au plus près des sources, sur les modalités concrètes du souvenir individuel, source de récits partagés ; il consiste aussi à nous demander comment ces récits ont pu donner naissance à des traditions historiques jusqu’à devenir l’histoire elle-même.

Sources et méthode

2Peut-on encore trouver des traces d’une culture orale depuis longtemps disparue ? Tout ce qui passe de l’oral à l’écrit n’est-il pas falsifié par la contrainte de la formulation écrite, même s’il n’y a nulle ambition littéraire ? Ce problème semble exclure d’emblée la quasi-totalité de la documentation médiévale. Seules pourront être prises en compte les sources dans lesquelles le souci de l’oralité est exprimé de manière manifeste et consciente. Les procès-verbaux inquisitoriaux, d’enquêtes et de dépositions de témoins offrent cette ressource.

3Publiées ça et là, ces sources ont surtout été mobilisées pour les faits dont elles témoignent. Depuis peu, des médiévistes, sensibles à la dimension anthropologique et stimulés par l’histoire orale et les problèmes de méthode que celle-ci pose, les ont placées au centre de leurs recherches [5]. Ces documents soulèvent également le problème de l’altération de l’oralité spontanée, dans la mesure où ils sont rédigés le plus souvent en latin et non dans l’idiome des témoins. Cette observation n’est cependant pas neuve et, déjà au Moyen Âge, elle a préoccupé les instances juridiques qui eurent à s’appuyer sur de telles dépositions. Les tribunaux ecclésiastiques, depuis Innocent III au plus tard, vers 1200, ont formellement exigé la restitution la plus fidèle possible des témoignages et refusé les simples résumés rédigés [6]. En effet, pour qui a lu un grand nombre de ces procès-verbaux, il est évident que les clercs, tout en se débattant avec la syntaxe et la spontanéité du flot des paroles, se sont efforcés de rendre les déclarations avec fidélité.

4Une autre restriction nous paraît plus importante encore. La mémoire du témoin était en effet sollicitée dans un tout autre but que celui que nous poursuivons dans nos recherches sur l’oralité, ce dont il faut tenir compte. Il ne s’agit pas dans ces textes de cette mémoire spontanée, aussi peu influencée que possible par le questionnaire, qui importe tant à l’histoire orale [7]. Les témoins répondaient à un interrogatoire, établi selon un protocole déterminé [8] et en fonction des objectifs très précis de la procédure. De surcroît, ils subissaient la pression des parties, de leur seigneur [9] ou du tribunal lui-même — que l’on songe à l’Inquisition. Enfin, les témoins cherchaient aussi à préserver leurs propres intérêts, d’autant que l’obligation de vérité sous serment, jadis comme aujourd’hui, n’avait que peu de conséquences. Pour nous qui ne cherchons pas à vérifier les faits mais la manière de se les remémorer, ces sources révèlent les moyens mnémotechniques et les systèmes de références utilisés par les témoins pour raviver leurs souvenirs. Cependant, il nous faut toujours replacer les informations que procure le procès-verbal dans le contexte précis de la procédure, et ne pas extrapoler trop vite. Les contradictions entre les différentes études déjà parues, qu’il s’agisse d’appréciations de fond ou d’observations de détails, sont facilement imputables à la procédure d’enquête analysée par les auteurs [10]; c’est la raison pour laquelle nous concentrerons notre attention sur un seul dossier, considéré comme particulièrement exemplaire.

5Cette démarche convient d’autant mieux que nous poursuivons un double questionnement : celui de l’histoire orale et celui de la tradition orale. Jusqu’à présent, les médiévistes se sont davantage intéressés à la première, à la façon dont les témoins se souviennent du passé qu’ils ont vécu, c’est-à-dire à la mémoire, terme par lequel nous pouvons traduire le latin memoria. La question de la traditio, à savoir la transmission des contenus et les modifications dont elle a souffert, a été envisagée pour l’é crit [11], mais ne l’a guère été pour ce qui est de l’oralité. Un dossier est susceptible de nous apporter un éclairage précieux sur la memoria et sur la traditio : il s’agit du procès-verbal détaillé, établi par une délégation pontificale, dirigée par le cardinal Laborante, au cours de six sessions entre 1177 et 1180, et contenant les dépositions d’une centaine de témoins des diocèses d’Arezzo et de Sienne [12].

6L’enquête porte sur l’ancestrale querelle des deux diocèses d’Arezzo et de Sienne à propos de dix-huit églises paroissiales qui dépendaient de l’é vêché d’Arezzo mais étaient situées dans le territoire de Sienne [13]. Les dépositions des témoins évoquent des événements qui remontent au premier concile du Latran, en 1123, au cours des épiscopats de Gualfred de Sienne et de Guido Boccatorta d’Arezzo, et qui ont abouti à la promulgation de deux bulles pontificales en 1124 et 1125. Les témoignages correspondent à la reprise de la querelle dans les années 1170. Il semble qu’à la fin de cette enquête, en 1180, plusieurs copies ont été établies, dont deux nous sont parvenues [14]. L’enquête mobilise donc le souvenir de témoins sur des faits qui se sont produits quelque cinquante ans auparavant. Or, disons-le d’emblée, c’est un conflit qui les réanime et les précise, conduisant à en consigner la mémoire par écrit pour la postérité.

7Nous examinerons ces dépositions en trois étapes successives. Tout d’abord, nous traiterons de la memoria, des moyens mnémotechniques mis en œuvre, ce qui revient à se demander comment les individus se remémoraient. Ensuite, nous reprendrons certains contenus de cette memoria pour envisager la formation de traditions, parties intégrantes de la mémoire collective. Enfin, nous discuterons comment ces traditions ont pu finalement devenir « l’histoire ».

8L’analyse s’inscrit dans le droit fil des théories de Maurice Halbwachs sur « la mémoire collective » [15], œuvre fondamentale pour qui traite de ce problème. Halbwachs a démontré que la mémoire individuelle, si intime soit-elle, est un phénomène social. Elle est imprégnée dès la première enfance par la mémoire collective du groupe — de la famille jusqu’à la nation — au sein duquel un être humain naît, grandit et vit. Sans ces rapports multiples avec les traditions collectives des différents groupes auxquels il participe, aucun individu n’est en mesure de développer une mémoire. Halbwachs a ensuite démontré comment la mémoire collective peut faire revivre le passé, même lointain : c’est ce qu’il appelle la « mémoire historique », sans être totalement satisfait par l’expression [16]. Par la suite, les anthropologues Aleida et Jan Assmann ont différencié la « mémoire collective » à l’aide des notions de « mémoire communicative » et de « mémoire culturelle » [17]. Par l’épithète « communicative », est désignée une mémoire au quotidien, qui guide et oriente le groupe et ses membres à l’aide de modèles d’action communs et exemplaires au cours du temps. Le qualificatif « culturelle » veut évoquer une mémoire longue qui conserve des lignes directrices collectives et des images identitaires du groupe, et qui garantit leur actualisation à l’aide des moyens les plus divers, du rituel au symbole, des images/tableaux aux chants et histoires. Cette notion est bien plus large que celle d’« historique », qui semblait déjà trop étroite à Halbwachs, et saisit d’une façon particulièrement satisfaisante la dimension diachronique de la mémoire collective.

La mémoire communicative

9Une simple question, pour commencer : de quelle manière les individus ont-ils ordonné et daté leurs souvenirs ? Nous constatons tout de suite qu’ils n’ont pas été capables de répondre avec exactitude à la première interrogation de l’enquêteur, relative à leur âge. La plupart des témoins ont donné un chiffre rond, trois d’entre eux ont avoué ignorer leur âge et trois seulement ont donné un chiffre exact, bien que manifestement l’un d’eux se soit trompé [18]. Ce phénomène est bien connu, et Arnold Esch a bien montré, dans son étude du procès en canonisation de sainte Françoise Romaine, que les affirmations d’une même personne peuvent varier d’un jour à l’autre, au cours d’un même procès, les femmes ayant tendance à minorer leur âge et les hommes à le gonfler généreusement [19]. Il est évident que les enquêteurs n’ont pas exigé plus de précision. Ils ont plutôt cherché à établir si le témoin était suffisamment âgé pour être capable de se remémorer [20]. Que les instances juridiques comme les témoins se soient contentés de telles approximations est aisé à comprendre, dans la mesure où l’on ne disposait pas encore, dans l’usage quotidien, d’une chronologie générale permettant de mettre en relation sa propre date de naissance avec l’è re chrétienne et de calculer son âge [21]. On situait les dates de manière relative dans le temps, en se référant à des événements connus ou aux règnes des dignitaires locaux. À Arezzo par exemple, la date de référence était celle de la destruction de la ville par Henri Ier, qui eut lieu en 1111. Beaucoup de témoins, utilisant des références personnelles, affirment avoir vécu cet événement : « Alors que le roi Henri Ier brûlait la ville, j’avais déjà trois ans » ; ou, « quand le roi Henri s’est emparé de la ville, j’é tais déjà si grand que je mangeais un pain par jour », ce qui est encore moins précis, mais était tout à fait clair dans les propos. Ce témoin, en tout cas, avait déjà des dents, tandis qu’un autre se rappelle que, au moment où Henri prenait la cité, il avait déjà perdu ses dents de lait [22]. D’autres nomment les évêques qu’ils avaient connus [23]. Le but de tous ces souvenirs relatés est de prouver que le témoin, au moment de l’événement objet de l’enquête, donc dans les années 1120, était assez âgé pour être capable de se souvenir. Cela est confirmé lorsque les individus précisent leur âge au moment des faits eux-mêmes : « J’avais quatorze ans et j’avais déjà été fait sous-diacre par l’é vêque Gualterius » ; « j’avais alors dix ans et je pouvais déjà lire et chanter sur l’antiphonaire » ; ou bien encore, « j’avais bien douze ans et à ce moment-là, j’étais écuyer dans la suite de l’évêque à Rome [24] ». Nous avons donc toute une génération de témoins, adolescents en 1124, et dont les représentants les plus âgés ont vécu l’incendie d’Arezzo en 1111. Les tribunaux médiévaux semblent aussi fixer à dix ans l’âge limite de la capacité de mémoire ; c’est elle que l’on retrouve dans d’autres procèsverbaux [25].

10L’â ge et la datation des événements ne sont pas organisés alors en une série de chiffres abstraits. L’indication — exceptionnelle — d’une année particulière ne suffit de toute évidence ni aux inquisiteurs ni aux témoins, mais, pour l’étayer par une datation relative, on fait appel à d’autres points de repères [26], ou, selon la psychologie de la mémoire, « points d’ancrage » (Ankerreize)[27]. Ce sont des événements qui bénéficient, à l’intérieur de la communauté, d’une connaissance largement partagée, faute de quoi ils ne sauraient être de bons repères. Grâce à eux, les souvenirs individuels sont « greffés » sur la mémoire collective et confiés, dans une certaine mesure, au contrôle social de la communauté. Tous ceux qui participent à cette mémoire collective peuvent ainsi confirmer ou falsifier la datation de leurs souvenirs personnels. De la sorte, le plus intime souvenir personnel se trouve intégré dans le cadre d’une mémoire que nous aimerions appeler communicative. Car, ainsi que nous venons de le voir, ce « milieu de la mémoire » repose fondamentalement sur la communication.

11Ces datations relatives offrent des aperçus ponctuels et fort éloquents sur la mémoire collective d’une société. Si, parfois, nous avons le sentiment que la grande histoire est passée inaperçue aux yeux des contemporains [28], n’ayons garde d’oublier que leurs appréciations historiques, de perspective toute différente, ne peuvent en tous points correspondre aux nôtres. À la lumière de ces déclarations, nous percevons le champ de l’expérience individuelle au Moyen Âge, enchâssée dans celle de la communauté, certes bien différent et plus étroit que ne l’est notre regard par-delà les siècles [29]. Quand des événements extérieurs à la procédure sont cités comme repères chronologiques — tel l’incendie d’Arezzo — ou que la « grande histoire » fait irruption (comme dans les proofs of age anglais, où l’on se réfère à la captivité de Saint Louis en Égypte [30] ), ces citations témoignent de l’impact que ces événements ont eu sur des communautés, parfois très éloignées du lieu où ils se sont produits.

12En s’appuyant sur la seule mnémotechnique numérique, les souvenirs perdent vite de leur précision. Sept ou huit années après l’é vénement, la conscience du laps de temps écoulé n’est plus aussi sûre [31], et à cinquante ans de distance, on peut parfois, comme certains de nos témoins, se tromper d’une dizaine ou d’une vingtaine d’années [32]. En revanche, le souvenir visuel paraît plus performant et plus précis, si bien qu’il a pu fixer des indications de durée. Les Siennois affirment ainsi que les paroisses revendiquées ont appartenu pendant au moins deux ans à Sienne, car ils ont vu s’y dérouler deux fois les processions annuelles (letanias)[33]. En visualisant ainsi le temps écoulé, on n’attestait pas seulement le droit de propriété de l’évêque de Sienne, on rendait concrètes les relations abstraites du droit. Une multitude de souvenirs imagés viennent corroborer cette observation. L’un des témoins se rappelle comment, à l’occasion de ces processions (alors qu’il était un petit garçon), il avait reçu du blé des offrandes paroissiales, qu’il avait ensuite échangé contre des pommes chez un commerçant. Les processions revivent dans les dépositions des Siennois et, cinquante ans plus tard, on se souvient encore de ce prêtre qui, à cheval et un drapeau blanc dans les mains, gravit les marches du palais épiscopal [34]. Chez les Arétins, l’imposante figure du nonce qui avait investi l’é vêque dans les paroisses contestées laissa une forte empreinte. Il était « grossus et crassus et raucus », et le témoin confirme : « Hoc enim oculus meus vidit et audivit auris mea [35]. » En revanche, on ne se rappelle plus très bien son nom, « peut-être qu’il s’appelait Divizus ou Davizus », et un témoin le nomme tout simplement Petrus Latus, « car vraiment il était très large et “plenus pectore” [36] ». Généralement, on raconte l’investiture de l’évêque d’Arezzo avec force détails. Les récits rapportent la joie des paroissiens, tel ce témoin qui, alors âgé d’environ dix ans, se projette lui-même au centre de la scène et raconte les cérémonies [37]. L’affable évêque Guido est toujours mentionné dans le tableau, soit sur la place du village, soit sur la route, et on peut le voir une fois discuter du charisme de Petrus Leonis avec le nonce, à la lueur vacillante d’un feu de camp, entouré par les paroissiens du lieu [38]. Les dialogues ainsi mis en scène, on observe, ça et là, des propos singulièrement identiques rapportés par différents témoins. Ces scènes et ces histoires, comme les descriptions des processions à Sienne, visent uniquement à donner des preuves du droit de l’évêque sur les paroisses ; voilà pourquoi elles ont été non seulement racontées, mais aussi soigneusement notées [39].

13On ne peut qu’être saisi par l’é tonnante mémoire visuelle et anecdotique des hommes du Moyen Âge, en raison de l’atmosphère qui se dégage de ces scènes et de la fraîcheur de ces conversations vieilles de cinquante ans, qui rendent la lecture de ces protocoles si fascinante. Cependant, les Arétins prétendent que les paroisses concernées n’ont appartenu que quelques mois à l’é vêque de Sienne ; les Siennois, eux, affirment au moins deux ans, si ce n’est quatre ou six, d’après les processions auxquelles ils ont assisté [40]. Le voyage d’investiture festif et populaire de l’évêque arétin avec le nonce, dont se souviennent les Arétins, s’assombrit dans la mémoire siennoise et se transforme en une chevauchée menaçante du même évêque avec les Scialenghi, comtes d’Assiano, et les Berardenghi, appuyés par une armée nombreuse sur le territoire siennois secoué par l’insurrection des contadini[41]. C’est là que celui qui, avec une admiration naïve, a suivi le souvenir des Siennois et des Arétins du XIIe siècle finissant, perçoit un hiatus dans cette précision. Il faut donc examiner le contenu des dépositions et analyser de manière plus précise les souvenirs qui y sont relatés.

La mémoire collective

14Pour apprécier le contenu des témoignages, il est indispensable de présenter l’événement lui-même. Au cours du premier concile du Latran, Gualfred, évêque de Sienne, s’est plaint au pape Calixte II d’avoir été évincé de dix-huit paroisses par Guido Boccatorta, évêque d’Arezzo. Il en est résulté une procédure qui s’est déroulée en deux sessions, au cours de laquelle Gualfred a d’abord fait valoir une sentence du pape Nicolas II en faveur de ses prédécesseurs et présenté un nombre important de témoins. Pour sa défense, Guido soutint que ces paroisses dépendaient de l’évêché d’Arezzo depuis saint Donat, ce que confirmaient, selon lui, de nombreux privilèges pontificaux qu’il n’était pourtant pas en mesure de produire devant le tribunal. Gualfred l’emporta donc. Dans deux documents des 30 mars et 1er avril 1124, Calixte attribua les paroisses à Sienne, mais avec la réserve suivante : « Salvo nimirum iure ecclesie aretine [42] ». Un an plus tard, le 5 mai 1125, le pape Honorius II, successeur de Calixte, fit paraître une sentence dans laquelle le jugement était pleinement inversé en faveur d’Arezzo [43]. Que s’é tait-il passé entre-temps ? La sentence pontificale en rend compte de façon détaillée. La querelle était manifestement toujours en souffrance lorsque Calixte mourut, avant Noël 1124, et son successeur ajourna la décision jusqu’à la mi-carême 1125. Dans le nouveau procès, Guido reprit l’argument d’un droit remontant à saint Donat, tandis que Gualfred fit à nouveau valoir la sentence de Nicolas II et prétendit être en possession d’un écrit de Léon VI et de l’empereur Louis le Pieux, document qui s’avère être aujourd’hui un faux [44]. À ce stade du procès, Guido fit la preuve de son bon droit, grâce à un dossier justificatif tout à fait impressionnant, qui allait de la confirmation par le roi Luidbrand en 714/715, puis les actes établis par les papes Étienne II, Victor II, Léon III, Adrien II, Pascal Ier, Étienne IX, Alexandre II et Pascal II, jusqu’aux diplômes conférés par les empereurs et rois Charlemagne, Louis, Lothaire, Otton, Bérenger, Conrad et Henri, qui tous avaient adjugé les paroisses à Arezzo. Aussi digne d’intérêt qu’ait été l’audience suivante du tribunal, restituée de manière détaillée, nous devons nous attacher aux arguments qui importent pour la suite. Le contenu de la sentence de Nicolas II en 1059 fut expliqué par les Siennois. Si leur évêque n’avait reçu les paroisses que « salva querela episcopi aretini », l’é vêque d’Arezzo, Arnaldus, avait perdu ses droits pour n’avoir pas donné suite à l’assignation du pape. Guido, lui, n’avait pas conquis les paroisses par le droit, mais par la force. Ces arguments ne parvinrent pas à inverser la décision du tribunal, qui donna la victoire à Guido, mais avec, une nouvelle fois, cette réserve : « Salva Senesis ecclesie proprietatis questione ».

15Ainsi, en 1177-1180, s’est-on trouvé face à deux sentences diamétralement opposées qui attribuaient dans les deux cas les paroisses salvo iure de la partie adverse. La mission du cardinal Laborante consistait à expliquer cette contradiction. Il chercha à reconstituer les événements survenus en 1123-1125, à travers les souvenirs des témoins. Il voulut aussi savoir ce qui s’é tait passé à Rome, comment les évêques étaient entrés en possession des paroisses et quelles conséquences entraîna cette appropriation [45].

16Les témoins siennois sont unanimes pour dire qu’un seul procès eut lieu sous Calixte et qu’il fut incontestablement favorable à Sienne. Gualfred, alors, fut investi par deux nonces dans les paroisses qu’il avait occupées sans conteste pendant au moins deux ans ; nous avons vu comment les témoins définissaient cette période. L’évêque Guido a ensuite pénétré dans la région avec des hommes d’armes pour chasser les prêtres de Gualfred. À San Quiricio d’Orcia, on s’était même battu ouvertement et la plupart des témoins se souviennent qu’un Arétin avait eu la main coupée [46].

17À Arezzo, en revanche, tous sans exception se remémoraient deux procès, et le mode de ce souvenir est ici hautement instructif. Le juge de Montecercone, dont le témoignage semble retracer avec vraisemblance le déroulement de l’affaire, avait assisté au premier procès en tant que témoin oculaire de la dispute entre les deux évêques devant le pape et avait appris la sentence du second par ouï-dire [47]. Un autre témoin, qui connaissait les événements grâce au récit de son père présent au procès, n’est déjà plus si sûr que les deux évêques eussent comparu devant Calixte [48]. Tous les autres témoins s’accordent à dire en effet que seul Gualfred était au premier procès ; Guido, qui avait reçu l’ordre de se rendre à Rome, n’avait pu répondre à l’injonction du pape car il se trouvait alors loin d’Arezzo pour des tâches inhérentes à sa charge [49]. Quelqu’un raconte même à quel point le nonce s’était montré scélérat en retournant à Rome sans avoir cherché Guido, inventant les fausses excuses qu’il lui avait prêtées : c’est ainsi que Calixte promit les paroisses à Gualfred [50]. Certains témoins laissent entendre que l’évêque de Sienne et le pape étaient de connivence, lorsqu’ils font dire à Calixte s’adressant à Gualfred : « Je te donne maintenant les paroisses. Si toutefois l’é vêque arétin réclame son droit, tu viendras et tu lui rendras justice [51]. » Les témoins ajoutent, unanimes, que Guido vint sans tarder voir Calixte pour ce faire. Si les Siennois n’ont parlé que du premier procès, favorable à leur évêque, et ont délibérément passé sous silence la suite des événements, les Arétins ont, quant à eux, présenté les vices de la procédure, la première sentence devant être révisée à leurs yeux. Si la poursuite du litige leur paraît légitime, elle est envisagée par deux témoins comme le fruit d’un accord entre Gualfred et Calixte, tandis que d’autres semblent invoquer des intrigues qui se seraient déroulées dans les milieux de la Curie [52]. Ayant ainsi expliqué l’ouverture du second procès, les Arétins ont, par la suite, trouvé dans leur souvenir l’explication au retournement de la sentence. Certains témoins se rappelèrent un événement qui, au-delà d’un jeu d’intrigues, ressortit du miraculeux.

18Un vieux prêtre se souvint qu’on avait parlé alors d’un livre trouvé sur le mont Soratte. L’é vêque Guido lui confia plus tard que, sans l’aide de ce volume, le diocèse eût probablement perdu son procès [53]. De cet ouvrage, beaucoup de témoins se souviennent, et la manière dont ils en parlent mérite d’être examinée attentivement. Un autre prêtre se rappelle que quelqu’un avait donné ce conseil à l’évêque : « Si tu veux gagner ce procès, envoie quelqu’un sur le mont Soratte. Là, dans l’é glise, derrière l’autel, il y a un registre qui te conduira à la victoire définitive. » Plus tard, Guido rapporta à ce clerc qu’il s’était rendu lui-même sur le mont Soratte et avait trouvé le registre [54]. Un témoin de Civitella, un laïc semble-t-il, disait avoir entendu l’é vêque raconter comment un massarius avait abordé celui-ci aux pieds des marches du Latran : « É vêque d’Arezzo, que dirais-tu à celui qui t’aiderait à gagner ton procès ? » Guido répondit : « Je lui dirais tout ce qu’il aimerait entendre ». Le massarius reprit alors : « Va sur le mont Soratte où se trouve le livre dans lequel est écrit tout ton droit. » Guido partit immédiatement à cheval, trouva le registre qu’il montra au pape et obtint gain de cause [55]. Un autre témoin évoque les récits des serviteurs de l’évêque, sur la place du village de Teguletto. Ce sont eux que le massarius avait abordés par ces propos : « Allez sur le mont Soratte. Là se trouve un livre qui contient la preuve du bon droit de l’évêque d’Arezzo dans le procès contre les Siennois. » Les familiers montèrent sur la montagne et trouvèrent le livre qui, parvenu entre les mains du pape, permit d’obtenir le succès [56]. D’une façon indirecte, à partir du récit d’un familier de l’é vêque, un témoin décrit l’apparition, aux pieds des marches du Latran, d’un vieillard aux cheveux blanc comme neige, qui interpella l’évêque en ces termes : « É vêque, fais en sorte de recevoir le livre du mont Soratte dans lequel sont inscrits le droit et la circonscription de ton église. » Guido, soucieux d’en savoir plus, envoya son familier à la recherche du vieillard qui demeura introuvable [57].

19À Arezzo même, on développa l’histoire davantage. Baccalarinus, un bourgeois de la ville qui tenait ses informations de son père, raconte que celui-ci était présent lorsqu’un beau clerc, inconnu au Latran, le visage auréolé de cheveux blancs dans un habit immaculé, s’é tait adressé à Guido : « É vêque d’Arezzo ! Qu’as-tu fait de ton procès ? » — « Que devrais-je faire ?, répondit-il, la Curie m’a traité injustement et m’a débouté, j’ai déjà donné tout ce que j’ai pu. Que faire ? Je ne sais pas. » Sur ce, le clerc lui dit : « Fais chercher sur le mont Soratte le registre du pape Alexandre qui contient le jugement d’un procès antérieur. » Guido voulut le questionner davantage, mais le clerc disparut. Le père du témoin, envoyé à sa recherche, ne put le retrouver. Beaucoup crurent alors qu’il s’agissait de saint Donat en personne. C’est bien sûr le père de ce témoin qui avait rapporté le livre alors que débutait la session décisive du tribunal, et qui, car il était lettré, sut l’ouvrir juste à la bonne page [58]. Le dernier témoin à qui nous voulons encore laisser la parole est un bourgeois d’Arezzo, orfèvre de son état, qui tenait ses informations « de quatrième main ». Cette version ressort finalement des dires d’un familier de l’é vêque à qui s’adressa un vénérable vieillard : « Clerc, va chez l’é vêque d’Arezzo et dis-lui qu’il doit demander au neveu du pape un livre qui se trouve au mont Soratte, entre les chaires, à droite, sur une étagère. » De nouveau, lorsque Guido voulut parler lui-même au vieillard, le familier ne le retrouva pas. « Et ainsi, conclut le témoin, nombreux étaient ceux qui croyaient que le vieillard était saint Donat en personne [59]. »

20Il est important d’insister sur le fait que ces récits ne cherchent pas à distraire. Les témoins, qui déposent sous serment, veulent rendre compte de ce qui s’est vraiment passé cinquante ans auparavant. Pourtant, aussi précis et concordants qu’apparaissent ces souvenirs, jusque dans le détail des réparties des dialogues, nous serions mal avisés de vouloir leur accorder crédit. Ce n’est pas, bien sûr, le récit merveilleux du mont Soratte qui pose ici problème, et il serait tout à fait inutile de le soumettre à la question du « vrai » ou du « faux ». Bien plus, nous reconnaissons en lui un témoignage vivant qui montre combien le merveilleux faisait partie, à cette époque, des « cadres sociaux de la mémoire », tandis que les « faits » évoqués par les témoins sont, eux, contrôlables. Nous savons, par exemple, que les souvenirs des Arétins sur le premier procès sous Calixte II sont indiscutablement faux, bien qu’il s’agisse d’un point de vue largement répandu. Nous pouvons même constater ici la contamination d’un procès antérieur de soixante-cinq ans, qui s’é tait déroulé sous le règne de Nicolas II en 1059, au cours duquel, effectivement, l’é vêque Arnaldus d’Arezzo ne s’était pas présenté à Rome [60]. C’est d’ailleurs à cette procédure que s’est toujours référé l’évêque de Sienne.

21Ces histoires ne peuvent manifestement pas apporter de réponse à la question de savoir « ce qui s’est réellement passé cinquante années plus tôt ». L’interrogation ne peut être que celle-ci : comment a-t-on évoqué un événement a posteriori, et pourquoi les Arétins s’en souviennent-ils de cette façon-là ? Pour commencer par le facteur le plus humain, les témoins ont le souci de se mettre en scène eux-mêmes, et tous ces comptes rendus sont indéniablement teintés de subjectivité. Parallèlement, les mises en scène sont extraordinairement constantes, et les témoins tiennent des discours très similaires. Il serait pourtant fort hasardeux de vouloir considérer ces propos comme avérés et de conclure à la quasi-authenticité de ces dépositions. L’étonnante histoire du mont Soratte l’interdit.

22Le discours direct n’est en aucune manière une preuve de la proximité du témoin à l’égard de l’événement [61]. Ces anecdotes peuvent être mieux comprises si nous les considérons comme des moyens mnémotechniques [62]. Il s’agit en fait de structures narratives serrées — mises en évidence par l’ethnologie [63] — qui, dans le domaine de l’oralité, facilitent et soutiennent la mémorisation. Ce procédé narratif consisterait, ici, en « dialogues mémorisables [64] », qui forment à chaque fois un noyau facile à retenir, auquel peut se raccrocher la mémoire et autour duquel se reconstruisent les mises en scènes — les marches du Latran, le palais, les participants. Ce procédé a une longue tradition et on a déjà parlé d’une « constante anthropologique [65] ». On peut le reconnaître au sein du monachisme égyptien, dans les Apophtegmata patrum[66], ces sentences rapportées sous forme de dialogues. Il a été utilisé largement dans le conte populaire, pensons à l’inoubliable scène du Petit Chaperon Rouge avec le loup camouflé en Mère-Grand. Ces dialogues semblent ainsi appartenir à ces éléments stables de la tradition orale du conte, et ceci d’une façon telle qu’ils appartiennent finalement à l’essence même du genre : lorsque l’histoire du mont Soratte n’est mémorisée que de manière incomplète, comme chez ce témoin qui, sans transition, laisse le vieillard ajouter : « nihil aliud dico tibi », elle devient incompréhensible d’un point de vue psychologique, mais elle fait référence, pour qui connaît l’histoire complète, à la question de Guido et sa recherche infructueuse de l’inconnu, deux éléments décisifs pour l’élévation du mystérieux vieillard en saint Donat [67].

23Pourtant, s’il ne s’agit pas de la réalité, comment se fait-il que les témoins de Sienne et d’Arezzo, chacun de leur côté, déforment aussi unanimement tous ces événements qui datent d’une cinquantaine d’années seulement ? Nous devons revenir, ici, sur le caractère communicatif de la mémoire collective. La communication ne sert pas seulement à confirmer des dates et des événements remémorés. L’individu qui se souvient se joint au « milieu » de la mémoire collective, marquée par le cadre social auquel il est lui-même relié [68]. Ce milieu est formé par la communauté des personnes qui partagent des intérêts communs et ont vécu sensiblement les mêmes expériences. C’est ici qu’intervient la conduit theory — la théorie de la conduction — développée par la recherche ethnologique sur le conte populaire (Erzählforschung), selon laquelle des contenus sont transmis sous la forme de récits spécifiques au groupe qui les raconte [69]. Car la conduction s’établit dans une communauté ayant les mêmes affinités, qui restreignent les associations possibles, et, par là, elle garantit une continuité et une certaine constance du récit. La créativité de l’individu qui raconte est ainsi bridée par le contrôle de la communauté, ce qui confère au contenu et surtout au noyau d’une tradition sa continuité, tandis que les détails peuvent varier selon les situations conjoncturelles et les contextes où s’effectue la performance. Ceci vaut pour toutes les formes de transmission observées par les ethnologues, de la performance individuelle par la reconstruction en commun d’une histoire, jusqu’à l’allusion simple d’un motif, qui n’est compréhensible que si les récepteurs participent au cadre de référence de l’ensemble du groupe. Créativité et contrôle social, individu et communauté, créent ensemble cette fluctuation vivante et cette constance du contenu qui permettent à la tradition de durer [70]. Mais ce milieu de la mémoire n’est pas neutre. Il est conditionné par de nombreuses dépendances et ascendances, comme il s’en crée dans n’importe quel système social. On a insisté, au sujet des coutumes (weistümer), sur le fait que le jeu des pouvoirs a beaucoup plus influencé leur mémorisation que l’avènement de la culture écrite [71]. Dans les dépositions contradictoires — mais largement homogènes pour chacune des deux parties — de l’enquête du cardinal Laborante, s’opposent deux milieux spécifiques de mémoire collective. Les intérêts contradictoires, suscités par les pouvoirs épiscopaux, mais aussi socialement intériorisés par le biais des dépendances, ont eu des conséquences directes sur la mémoire. Une telle conception peut expliquer ces déformations homogènes, bien mieux que l’hypothèse d’un arrangement préalable entre témoins [72], lorsque l’on constate qu’ils provenaient de localités fort distantes les unes des autres et que leurs dépositions furent enregistrées lors de séances différentes du procès. Tout au long de la dispute entre Sienne et Arezzo, le souvenir a subi une orientation qui est elle-même l’interprétation des événements passés de la querelle épiscopale. Cette interprétation en évacue certains, en fusionne d’autres dans la chronologie, et réduit l’affaire à un noyau très simplifié. Celui-ci, au moins en ce qui concerne les événements contrôlables à Rome, n’est pourtant pas totalement erroné pour ce qui est de l’indication principale. Que tout ceci soit parvenu jusqu’à la deuxième génération, dans les récits des descendants, doit éveiller notre attention. Si cette évolution apparaît de manière presque tangible, c’est qu’en voulant expliquer la contradiction des sentences pontificales, la procédure inquisitoriale a justement encouragé les témoignages dans cette direction.

24Mais revenons à l’histoire du mont Soratte, qui est un élément central de la mémoire des Arétins. Ici se noue l’information selon laquelle Guido, après s’ê tre trouvé en position de faiblesse lors du premier procès, faute d’arguments juridiques, apparaît dans le second en possession d’une fabuleuse documentation. Nous ignorons comment cette dernière a été constituée, et l’épisode du mont Soratte racontée par les Arétins ne nous fournit certainement pas la réponse. Au centre de cette histoire se trouve un thème qui pourrait ressortir des récits de chasses au trésor ou d’une légende de saint, celui de l’inconnu qui révèle l’existence d’une cachette avec une précision mystérieuse, cachette qui semble elle-même une mystification : « derrière l’autel », sur un mont, « sous la chaire, à droite » d’une église non localisée dans la montagne [73]. Dans l’histoire complète, ce thème est inséré dans toute une chaîne de motifs : l’inconnu disparaît après l’annonce, Guido le fait chercher mais il reste introuvable, le message se concrétise. Le résultat de cette chaîne est la transfiguration de l’inconnu qui, de simple quidam et massarius, se mue en un vieillard vénérable, en un aimable clerc vêtu de blanc et, puisqu’il a disparu, en une créature surnaturelle, avant d’être enfin identifié à saint Donat, patron d’Arezzo. Pourquoi une telle sublimation ?

25Rappelons que ces paroisses arétines, enclavées dans le territoire siennois, étaient l’enjeu d’une querelle séculaire que les Siennois étaient loin de considérer, en 1177, comme définitivement réglée. Dans un tel contexte, la fonction de cette mystification peut se comprendre. La situation légale des Arétins restant aussi indécise et fragile, les témoins attribuant à une aide mystérieuse et surnaturelle (leur saint patron lui-même [74], le livre caché dans un endroit sacré) le récent verdict qui leur était favorable, le droit a gagné dans le sentiment populaire une force bien plus grande que celle que pouvaient posséder des parchemins, même en nombre impressionnant. La transfiguration, en effet, a davantage été développée par les laïcs, en particulier les bourgeois d’Arezzo, alors que les clercs, s’ils ont eux aussi rapporté cette histoire, se sont montrés plus réservés. L’idée selon laquelle la propriété revient au saint patron plutôt qu’à l’institution semble avoir rencontré un large écho dans l’imagination populaire [75].

26Nous pourrions, de même, reconnaître une fonctionnalité précise dans toutes les autres anecdotes se référant à l’affaire traitée, racontées d’une façon si vivante et, semble-t-il, si réaliste. L’évêque Guido apparaît ainsi, dans de nombreuses scènes, comme un seigneur aimé et proche du peuple, mais aussi comme quelqu’un qui préfère la paix. Lors des événements de San Quiricio d’Orcia, on insiste surtout sur le caractère pacifique de l’évêque Guido, qui pleure et soupire amèrement, une fois la lutte engagée contre sa volonté, sur la main coupée [76]. Le but de cette histoire détaillée et soigneusement notée est de rendre indéniable la victoire obtenue sans violence de Guido et non pas, comme le rapportent les Siennois, grâce aux exactions d’un seigneur belliqueux.

27Cette enquête, avec ses objectifs particuliers, a saisi une tradition orale en devenir et l’a fixée en un instantané, où nous retrouvons la capacité créative de cette tradition et, en même temps, quelques noyaux déjà consolidés. Évoqués d’une autre manière, les contenus de cette tradition orale auraient pu avoir une tout autre fonction. Faisons abstraction du côté légal de l’interrogatoire et imprégnons-nous des anecdotes qui s’attachent à l’évêque Guido Boccatorta, sans tenir compte du contexte : apparaît alors l’image d’un homme d’É glise loyal, se battant pour les droits de son diocèse, qui rencontre le saint patron de son église et en reçoit une aide miraculeuse ; seigneur ecclésiastique proche de son peuple et habitué à appeler ses sujets « fratres », il est un homme épris de paix qui préfère renoncer à son droit plutôt que de provoquer une guerre, et finalement pleure amèrement sur la souffrance infligée par le recours aux armes. Ces motifs reviennent fréquemment dans l’hagiographie et, sans forcer le trait, nous pourrions établir des analogies avec la Vita de saint Thomas de Cantilupe, par exemple [77]. Au terme d’une tradition orale vieille de seulement cinquante-trois ans, nous décelons les premiers éléments d’une possible vie de saint. Si les circonstances, aux XIIe et XIIIe siècles, avaient été différentes à Arezzo, si l’é vêque avait joué un rôle de premier plan dans la naissance de l’autonomie politique de la commune, ces éléments auraient alors pu s’organiser en un récit hagiographique dédié à la mémoire de cet évêque bien-aimé. Dans cette perspective, les récits n’auraient pas eu à subir de grands changements. Ils auraient pu acquérir, tels qu’ils sont formulés, une fonction édifiante dans le contexte hagiographique. Guido Boccatorta serait entré dans la mémoire culturelle comme l’un des saints protecteurs de son diocèse ; il n’a pas reçu cette grâce. À l’instar de toutes les communes italiennes, Arezzo s’est affranchie à cette époque de la tutelle de son évêque, et celui-ci n’a plus occupé qu’un rôle insignifiant dans la nouvelle prise de conscience communale [78]. Les intérêts, les rapports de force et le groupe porteur de la mémoire collective avaient changé [79]. Guido Boccatorta restait un beau souvenir qui, lui-même, allait se dissiper peu à peu.

La mémoire culturelle

28Cette dernière remarque conduit à s’interroger sur les processus par lesquels les mémoires communicative et collective, avec les amorces de traditions qu’elles véhiculent, débouchent sur une mémoire culturelle et une conscience historique. Il convient de préciser que les témoins, dans leurs dépositions comme dans les procédures sophistiquées du cardinal Laborante, distinguent toujours et soigneusement leur expérience personnelle — vidi, interfui — de ce qu’ils ont appris d’autrui — audivi; on précise habituellement dans ce cas la source d’information. Pour des événements éloignés dans le temps, on se réfère volontiers aux seniores[80] ou bien à la vox ou fama publica. Il existe manifestement une compréhension critique de ce que peut rendre la memoria[81]. La justice ecclésiastique, pionnière en ce domaine puisqu’elle s’appuie sur l’histoire orale, s’engagea de manière ponctuelle au XIIe siècle, puis générale au XIIIe siècle, vers une reconnaissance restrictive de l’authenticité des témoignages. Lors des procès de canonisation, la sentence ne pouvait s’appuyer que sur les seuls témoignages directs : « non probat quia non deposuit se fuisse presentem [82] ». À côté des témoignages directs, la fama publica, c’est-à-dire la connaissance générale d’un fait, conserva toujours plus de crédit. Grégoire IX, en 1233, exigeait la preuve de la sainteté « non solum per testes, sed per famam etiam et scripturas authenticas ». En 1250, Innocent IV opposait la « privata credulitas testium » à la « publica notio », qui devait lui être préférée [83]. Car la notorietas est garante de la fama, dans le sens où elle devient inattaquable. On constate ainsi qu’elle ne peut être « nulla tergiversacione celari » [84].

29Lorsqu’on ne peut s’appuyer sur le vécu comme dans le témoignage oculaire, c’est la concordance de la « fama publica » et des « scripturis authenticis », les écrits authentiques, qui accrédite un fait. De ce point de vue, le fréquent appel des témoins à la « fama » ne représente pas une restriction à une déclaration de garantie limitée. Au contraire, il s’agit d’une déclaration positive qui doit permettre au juge de mesurer la portée juridique d’un témoignage indirect. C’est la raison pour laquelle il interrompt souvent le flot continu du récit pour demander des précisions. Ainsi s’explique le fait que, dans le protocole du cardinal Laborante, cette indication figure pour chaque déclaration. La fama, contrairement à ce qu’elle évoque aujourd’hui, jouit d’une valeur confirmative. Il en allait de même pour le droit coutumier, qui disposait que « ce qui est notoire ne doit pas être prouvé [85] ».

30Tous les souvenirs n’ont pas cependant ce degré de notoriété publique. On peut se demander alors comment s’effectue le passage du souvenir privé (la « privata credulitas testium ») à la fama publica. Soit le rapport entre mémoire individuelle et mémoire collective, où s’exprime l’expérience commune d’une population. La valorisation de cette expérience ne fut pas spontanée ; elle a le plus souvent été stimulée — voire suscitée — par des cercles intéressés. Le souvenir de certains faits précis est intentionnellement constitué en fait social. Dans le domaine de la « fama sanctitatis », des confrères zélés ou des évêques entreprenants se sont engagés dans sa promotion, en octroyant, par exemple, des indulgences afin d’encourager des pèlerinages sur la tombe d’un défunt de sainte réputation [86]. Ailleurs aussi, on a œuvré consciemment à la diffusion de la fama. À Arezzo, la sentence du pape Honorius II a été lue à la cathédrale, devant le synode diocésain, et d’autres actes furent promulgués depuis la chaire [87]. Si on interprète l’augmentation rapide du nombre des actes depuis le XIIIe siècle comme le seul indice d’un essor de la culture écrite, on risque de ne pas voir la relation qu’elle entretient avec la culture orale de la mémoire et l’importance continue de celle-ci. Tous ces actes ne s’adressent pas aux seuls lecteurs, mais bien « à tous ceux qui voient ou entendent lire cette lettre ». Cette lecture et cette publicité des actes visent à diffuser une décision jusque dans la fama publica, et la formule de promulgation n’est rien d’autre que le lien entre la culture écrite élitaire et la culture de la mémoire. La nouveauté, c’est qu’à travers l’écrit un contenu juridique a été fixé de manière durable et consultable. Ainsi s’opère la fixation des contenus à l’intérieur d’une culture de la mémoire fluctuante. Celle-ci, toutefois, a réagi par cette entreprise florissante de « falsification » ou, mieux encore, d’« adaptation », d’« actualisation » des actes, que l’on peut sans aucun doute imputer au conflit entre le raidissement de l’é crit et la culture vivante de la mémoire et de la coutume [88]. Les liturgies célébrant certains hauts faits ont réanimé au sein de la fama publica l’histoire au sens propre [89]. Les commémorations de batailles, dont on avait pris l’habitude de lire le récit pendant le service religieux, sont devenues le noyau d’une historia pauperum, créatrice d’identité [90]. Il existe ainsi un commerce délibéré avec la fama, dans lequel s’exprime aussi le jeu des ascendances sur les plans social, culturel et politique. La différenciation entre memoria, entendue comme « mémoire rétrospective », et fama, entendue comme « mémoire prospective », nous semble être particulièrement heureuse [91].

31Nous abordons maintenant la dimension historique de la fama publica. Beaucoup de ce qui est admis de multiples façons dans la fama publica ne saurait accéder à cette dimension, qui dépasse l’horizon de l’expérience personnelle et, comme le disent les témoins du Moyen Âge, ne peut faire partie de la « memoria hominum » [92]. Si une chose est admise de manière générale, alors elle peut être préservée de la memoria contrarii qui perd son pouvoir juridique après quarante ans. Le seuil des quarante ans semble être, pour la mémoire collective, le moment de transition où la mémoire communicative et biographique doit être reprise par les générations suivantes [93]. Selon les canonistes, ce délai correspond à la durée de la longissima prescriptio[94]. Nous pouvons nous référer aussi aux coutumes qui, par leur nature, sont liées à la mémoire. Selon Philippe de Beaumanoir, elles s’imposent quand elles sont « maintenues par le souvenir » ; il y a coutume quand elle subsiste « de si long tans — é valué lui aussi entre trente et quarante ans — comme il peut souvenir a homme sans débat [95] ». Ceci correspond, dans certaines enquêtes, à cet argument que précise parfois le témoin, qu’une fama est tellement notoire que « nulla tergiversacione celari potest ». La fama publica confère la durée. Dans le domaine de l’oralité, c’est elle qui, par-delà les générations, rend possible une situation de communication étirée sur l’axe du temps, à savoir la temporalité de la mémoire culturelle [96]. Une coutume ou une tradition orale sont alors conçues comme un mos maiorum[97], existant depuis les temps ancestraux, bien que, entre-temps, et de manière subreptice, des contenus plus récents, voire étrangers, aient pu s’y agglomérer [98]. Ce mos maiorum, ou cette historia, obéit en effet à la loi de la culture de la mémoire et de sa fluidité inhérente, bien qu’il se situe au-delà de l’horizon de la memoria et qu’il soit ressenti comme un passé « ancestral » ne souffrant aucune remise en question. Ce que les praticiens du Moyen Âge savaient des coutumes — « coutume se remue [99] » — vaut aussi pour la mémoire culturelle. Le changement est dû à l’expérience actuelle et à l’image de soi d’une communauté pénétrée de cette expérience. Par quelque moyen que ce soit, il importe peu que des institutions ou des rites influencent ou activent des souvenirs, puisqu’ils sont eux-mêmes conditionnés par cette image de soi. Ce que nous venons de décrire, c’est la mémoire culturelle d’un groupe, d’une communauté voire d’une société, et seules la disparition du groupe ou sa transformation fondamentale peuvent effacer cette mémoire. Maurice Halbwachs constate que « ce n’est pas un même groupe qui oublie une partie de son passé ; il y a en réalité deux groupes qui se succèdent » ; ce que Roger Bastide a repris sous une autre forme : « Les phénomènes de déstructuration ou structuration de la mémoire collective ne sont que le verso des phénomènes de déstructuration et structuration sociale [100]. »

De l’oubli collectif

32Le fait que les mémoires collectives aient subi chez les Siennois et les Arétins des déformations spécifiques, les premiers ayant oublié le deuxième procès au désavantage de leur évêque et les seconds les confrontations armées, conduit à réfléchir sur l’oubli collectif. Traiter de la mémoire implique aussi de traiter de l’oubli. Maurice Halbwachs, « théoricien de l’oubli collectif [101] », a montré la voie : il insistait sur le changement du cadre social comme cause de l’oubli. Les sources historiques permettent d’aborder ce problème, de déceler les trous noirs de la mémoire collective, avant de présenter deux modalités de l’oubli.

33Peter Burke a souligné le fait que Maurice Halbwachs concevait la mémoire collective d’une manière trop consensuelle, et qu’à l’intérieur d’une société donnée des groupes peuvent juger différemment de ce qui est important et digne d’être mémorisé [102]. Il distingue ainsi à l’intérieur de l’espace social de la mémoire collective des « communautés de mémoire » divergentes et propose, pour mieux les cerner, de s’intéresser surtout aux répressions ou aux refoulements informels de certaines mémoires. Qui demande, et à qui, de se souvenir de quoi ? Quelle mémoire s’impose finalement ? Bien que formulée au sujet de l’histoire entendue comme « mémoire sociale », cette précision peut s’adapter à notre propos. Pour localiser et identifier les oublis d’une mémoire collective, il ne faut donc pas la concevoir comme monolithique, mais chercher les mémoires complémentaires ou concurrentes, oppositionnelles et conflictuelles, que la mémoire « officielle » a occultées et éliminées. La mémoire des Arétins, symétrique inverse de celle des Siennois, offre la possibilité de saisir l’opération d’oubli chez ces derniers. Récemment, on a suivi le jeu des mémoires dans l’espace social urbain, avec ses conflits entre l’oligarchie, la ville et les différentes communautés de mémoire, qui dévoilaient bien des éliminations et suppressions, créatrices d’oublis « officiels » [103]. Qui dit jeux de mémoires dit aussi jeux de puissances et rapports de forces. Comme les mémoires, les oublis sont rarement innocents ; ils sont intéressés et tendancieux, et pas seulement en raison de la procédure dans laquelle s’insèrent les enquêtes.

34Cette remarque nous permet d’aborder un autre point, les modalités de l’oubli. Deux peuvent être envisagées : l’oubli « organisé » ou simplement tendancieux, en rapport avec la mémoire collective, et l’amnésie structurelle, en rapport avec la mémoire culturelle.

35Tout comme la mémoire collective, l’oubli est conditionné par le cadre social. Celui-ci renvoie à l’expérience quotidienne des inégalités, des pouvoirs séculiers et ecclésiastiques concurrents, du phénomène culturel consistant en la capacité de définition des normes. C’est plutôt cette expérience commune qui semble avoir oblitéré le souvenir du second procès chez les Siennois. Mais dans le cas où un conflit d’intérêts opposant les parties en présence, comme dans les Weistümer (coutumiers) les seigneurs et leurs sujets, on peut parler d’un oubli organisé. On a constaté que ces coutumiers n’étaient pas l’aboutissement d’une quête de la vérité, mais celui d’un rituel symbolique en forme d’interaction verbale (Sprechakt) visant la reconnaissance formelle de la seigneurie. La tradition du droit local se crée par un dialogue inégal où le seul moyen de résistance des sujets est de ne pas dire ce que le seigneur veut entendre, soit un oubli organisé [104]. Entre l’expérience commune, qui conduit à l’omission de faits gênants, et l’oubli organisé, toute une gamme d’influences peuvent être envisagées, qui vont de la propagation d’une fama, plus ou moins soumise à une censure aux formes les plus diverses [105], jusqu’aux pressions plus directes. L’oubli peut être organisé de manière plus subtile. Si, considérant la commémoration des morts, on met généralement l’accent sur la mémoire comme institution du souvenir, Jean-Claude Schmitt a montré comment la mémoire liturgique est une manière de pousser doucement les morts vers l’oubli. Après avoir confié leur commémoration à l’Église par la fondation d’un anniversaire ou d’une memoria, on peut oublier. Seuls les revenants s’y refusent et suscitent par leur intervention une forme de « mémoire communicative » inquiétante [106]. Cette communication par-delà la mort interrompue, la memoria, se détachant de la mort individuelle, confère au groupe qui l’encadre et la gère une dimension historique. Comme Otto Gerhard Oexle l’a montré à propos des guildes, la mémoire liturgique devient le support d’un savoir historique et de l’auto-conscience du groupe et, par là, un facteur de la formation de groupes constitués dans la durée [107]. Ce paradoxe de la memoria, à la fois source d’oubli et source de mémoire, s’explique par le fait que, chemin faisant, la mémoire a changé de modalité ; elle est devenue une mémoire culturelle.

36Le phénomène de l’amnésie structurelle a bien plus d’importance encore. On l’explique par le fait que la tradition orale est en quelque sorte un processus homéostatique, qui ne reprend et n’actualise que ce qui est approuvé par la société et sert sa cohésion. Il s’agit d’une harmonisation permanente du passé et du présent, qui adapte la tradition aux exigences de l’actualité en cours, en éliminant les discordances, les inconsistances et les mémoires conflictuelles [108]. Tout ce qui ne peut être intégré sous une forme ou sous une autre au sens profond d’une tradition fondatrice d’identité, tout ce à quoi ne peut être attribuée une fonction à l’intérieur de cette tradition, n’est plus retenu [109]. Il existe des différences structurelles dans l’attitude des sociétés à l’égard de la mémoire et de l’oubli. Peter Burke a remarqué que des sociétés stables ou victorieuses connaissent une « amnésie sociale » — terme qui remplace chez lui celui d’amnésie structurelle — , puisqu’elles n’ont pas à se remettre en question ou ont atteint leurs buts, tandis que des sociétés déracinées, vaincues ou menacées n’ont d’autre recours que d’entretenir la mémoire comme seul moyen pour sauvegarder l’identité [110]. Jan Assmann a constaté l’é troite relation entre pouvoir et mémoire : le pouvoir a besoin, rétrospectivement, d’une ascendance et, prospectivement, veut être remémoré, ce qui l’amène à une alliance avec la mémoire. Mais quand la société est traversée par des inégalités culturelles, par des différences de classes où les non-privilégiés aspirent à des changements et se forgent une histoire linéaire rendant possible une interprétation de la mémoire dont la logique attribue au changement et aux ruptures une valeur progressiste, le pouvoir s’allie à l’oubli et cherche désespérément, par le contrôle de la communication au sens large, à empêcher par l’amnésie structurelle l’intrusion de l’histoire [111].

37L’amnésie structurelle opère dans la mémoire culturelle, par une réduction du contenu de l’histoire du groupe, un tri de quelques motifs d’identification qui sont considérés presque atemporels et persistants [112]. Ainsi la mémoire culturelle fait-elle preuve d’une énorme capacité d’oublier les développements fondamentaux mais complexes et les données importantes mais équivoques. Les critères de cette sélection s’effectuent en fonction du rapport des données historiques avec la prise de conscience identitaire ou, tout simplement, avec les intérêts du groupe. Tout ce qui menace ou dérange la construction de l’identité du groupe est refoulé et oublié [113]. L’exemple du pacifique évêque Guido a ainsi été victime d’une telle amnésie structurelle. Ce n’est pas à lui que se réfèrent les traditions de l’Église et moins encore de la municipalité arétines, mais au fondateur directement, saint Donat, qui est aujourd’hui encore proposé aux fidèles comme modèle lors des prédications, le jour de sa fête.

38L’amnésie structurelle opère dans la mémoire culturelle une concentration chronologique sur des événements centraux tenus pour décisifs par la société soucieuse de se remémorer. Philippe Joutard a montré de manière saisissante comment, à travers une tradition orale toujours vivante dans les Cévennes, les événements — les plus anciens comme les plus récents — qui imprègnent la mémoire de cette population sont rapportés au soulèvement des Camisards au début du XVIIIe siècle, thème central de la conscience de soi des Cévenols [114]. On fait combattre les bonapartistes contre les Camisards qui ont planté les arbres de la liberté de la Révolution, et les châteaux forts médiévaux deviennent les retraites des Camisards. Cet incroyable télescopage temporel réduit une longue diachronie à un moment décisif pour la communauté concernée. Le temps des Camisards est ainsi un véritable souvenir clé pour la population cévenole, dans une conscience de soi régionale en réaction contre le centralisme. Cette image historique collective est elle-même un témoignage inestimable pour le régionalisme cévenol. Nous avons repéré un tel télescopage avec les Arétins, pour qui le souvenir de l’évêque Arnaldus — â gé de cent vingt ans — refusant de se rendre à Rome a pu s’agréger d’autant plus facilement qu’il offrait une explication simple et claire à l’é volution du procès que l’on essayait de se remémorer [115].

39La fonction, inconsciente et inaperçue, de cette réduction de l’histoire et de cette intrusion du passé est de créer rétrospectivement des causalités directes et simples. Ces procédés peuvent ainsi être appréciés comme des oublis suscités par la prise de conscience identitaire d’une communauté — « l’oubli, facteur essentiel de la création d’une nation », disait Ernest Renan [116] — ou par des intérêts particuliers en quête de légitimation.

40À l’aide des acquis de la sociologie de la mémoire et de la recherche ethnologique sur les modes de transmission des contes et récits oraux, nous avons pu approcher d’assez près des bribes de traditions et d’histoire orale que laisse affleurer le dossier sur le conflit entre les évêques d’Arezzo et de Sienne. Tout un monde de mémoires restreint mais riche de variations créatives et de constantes fidèles à une vision donnée de la réalité nous est apparu. Nous n’avons garde, cependant, de tirer des conclusions trop générales de l’enquête de la délégation pontificale, compte tenu de la spécificité de la source. Mais l’analyse de cette enquête aura révélé qu’au lieu de supposer une stabilité presque inerte de la tradition orale et de poursuivre le fantôme d’un noyau historique, on tirerait un meilleur profit de cette mémoire si on la prenait pour ce qu’elle est. C’est là, dans le hic et nunc de l’actualité elle-même, que se trouve la mine d’or. Car c’est toujours à partir des hommes vivant dans leur présent que se fixe la mémoire communicative, et toujours à partir de la communauté qui s’identifie à son présent que se construit la mémoire culturelle [117]. Dans le domaine de l’oralité, la mémoire et la tradition sont constamment formées ou déformées par l’expérience vécue de ceux qui se souviennent et la racontent. Le passé n’est pas ressenti comme un simple objet de connaissance ; il est un moyen pour doter de sens un présent toujours nouveau face à un futur toujours énigmatique.

41Traduit par Véronique Rivière


Date de mise en ligne : 01/06/2001

Notes

  • [1]
    Jacques LE GOFF (dir.), La Nouvelle Histoire, Paris, Retz, 1978, pp. 446-448. Je remercie Jean-Claude Schmitt de m’avoir donné l’occasion de présenter ces réflexions sur la mémoire dans son séminaire et d’avoir pu les approfondir durant un séjour à l’EHESS en février 1999.
  • [2]
    À l’encontre des thèses de Jack GOODY (dir.), Literacy in Traditional Societies, Cambridge, Cambridge University Press, 1968, et The Interface between the Written and the Oral, Cambridge, Cambridge University Press, 1993 (Entre l’oralité et l’écriture, Paris, PUF, 1993), on tend à réduire de plus en plus la différence entre les cultures orale et écrite : Mary CARRUTHERS, The Book of Memory. A Study of Memory in Medieval Culture, Cambridge, Cambridge University Press, 1990 ; Horst WENZEL, Hören und Sehen, Schrift und Bild. Kultur und Gedächtnis im Mittelalter, Munich, C. H. Beck, 1995 ; Gadi ALGAZI, « Ein gelehrter Blick ins lebendige Archiv. Umgangsweisen mit der Vergangenheit im fünfzehnten Jahrhundert », Historische Zeitschrift (HZ), 266,1998, pp. 317-357, surtout pp. 326-332, qui, au sujet de la mémoire, attribue beaucoup plus d’importance aux relations de force, de soumission et de domination qu’à la différence entre culture orale et écrite.
  • [3]
    Helga HAJDU, Das mnemotechnische Schrifttum des Mittelalters, Francfort-sur-le-Main, Minerva, [1936] 1992 ; Bruno ROY et Paul ZUMTHOR (dir.), Jeux de mémoire, Paris-Montréal, Vrin/Université de Montréal, 1985 ; M. CARRUTHERS, The Book..., op. cit.
  • [4]
    Michael RICHTER, The Oral Tradition in the Early Middle Ages, Turnhout, Brepols, « Typologie des sources du Moyen Âge occidental-71 », 1994.
  • [5]
    Arnold ESCH, « Die Zeugenaussagen im Heiligsprechungsverfahren für S. Francesca Romana als Quelle zur Sozialgeschichte Roms im frühen Quattrocento », Quellen und Forschungen aus Italienischen Archiven und Bibliotheken (QFIAB), 53,1973, pp. 93-151 ; id., « Zeitalter und Menschenalter. Die Perspektiven historischer Periodisierung », HZ, 239, 1984, pp. 309-351 ; Bernard GUENÉE, « Temps de l’histoire et temps de la mémoire au Moyen Âge », Annuaire-Bulletin philologique de l’Histoire de France, 1976-1977, pp. 25-35 ; Jean-Marc ROGER, « L’enquête sur l’â ge de Jean II d’Estouteville (21-22 août 1397) », Comité des travaux historiques et scientifiques, Bulletin philologique et historique, 1975, pp. 103-128 ; Monique GRAMAIN, « Mémoires paysannes. Des exemples bas-languedociens aux XIIIe et XIVe siècles », Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest (Anjou, Maine, Touraine), 83,1976, pp. 315-324 ; Temps, mémoire, tradition au Moyen Âge. Actes du XIIIe congrès de la Société des historiens médiévistes de l’enseignement supérieur public, Aix-en-Provence, 4-5 juin 1982, Aix-en-Provence, Université de Provence, 1983 ; Guy P. MARCHAL, « Das Meisterli von Emmenbrücke oder : Vom Aussagewert mündlicher Ü berlieferung. Eine Fallstudie zum Problem Wilhelm Tell », Revue suisse d’histoire (RSH), 34,1984, pp. 521-539 ; Kathrine TREMP-UTZ, « Gedächtnis und Stand. Die Zeugenaussagen im Prozess um die Kirche von Hilterfingen (um 1312) », RSH, 36,1986, pp. 157-203 ; Jürgen von UNGERN-STERNBERG et Hansjörg REINAU (dir.), Vergangenheit in mündlicher Ueberlieferung (Coloquium Rauricum 1), Stuttgart, B. G. Teubner, 1988 ; G. ALGAZI, « Ein gelehrter Blick... », art. cit. ; Helmut MAURER, « Bäuerliches Gedächtnis und Landesherrschaft im 15. Jh. Zu einer oberschwäbischen ‘Kundschaft’ von 1484 », in C. ROLL (dir.), Recht und Reich im Zeitalter der Reformation. Festschrift für Horst Rabe, Francfort-sur-le-Main, Peter Lang, 1996, pp. 179-198 ; John BEDELL, « Memory and Proof of Age in England 1272-1327 », Past and Present, 162,1999, pp. 3-27. Tous ces travaux se distinguent par le fait qu’ils analysent les modalités de la mémorisation par les témoins à partir d’enquêtes qui proviennent d’une procédure de canonisation ou qui cherchent à éclaircir des droits en l’absence d’actes ou d’autres écrits.
  • [6]
    André VAUCHEZ, La sainteté en Occident aux derniers siècles du Moyen Âge d’après les procès de canonisation et les documents hagiographiques, Rome, École française de Rome, 1981, p. 45 ; Michael RICHTER, Sprache und Gesellschaft im Mittelalter. Untersuchungen zur mündlichen Kommunikation in England von der Mitte des 11. bis zu Beginn des 14. Jh., Stuttgart, H. Hiersemann, « Monographien zur Geschichte des Mittelalter-18 », 1979, pp. 172-217, surtout p. 177 sqq.
  • [7]
    Voir par exemple Jean-Claude BOUVIER et alii, Tradition orale. Problèmes et méthodes, Paris, CNRS Éditions, 1980 ; Lutz NIETHAMMER (dir.), Lebenserfahrung und kollektives Gedächtnis. Die Praxis der « Oral History », Francfort, Syndikat, 1984 ; Ken HOWARTH et Philippe JOUTARD, « L’histoire orale : bilan d’un quart de siècle de réflexion méthodologique et de travaux », in XVIIIe Congrès international des sciences historiques, Montréal, Bibliothèque nationale du Québec, 1995, pp. 205-221 ; Ken HOWARTH, Oral History. A Handbook, Stroud, Sutton Publ., 1998.
  • [8]
    Un exemple révélateur dans Paul FREDERICQ, Corpus documentorum Inquisitionis haereticae pravitatis Neerlandicae, Gand, Gravenhage, 2, no 106,1896, p. 155. En général, la liste des questions à poser n’est pas donnée dans les protocoles d’enquête.
  • [9]
    G. ALGAZI, « Ein gelehrter Blick... », art. cit., p. 327.
  • [10]
    Pour M. GRAMAIN, « Mémoires paysannes... », art. cit., p. 317, la « mémoire médiévale » ne serait ni anecdotique ni personnelle, et les affaires personnelles ne seraient mentionnées que très rarement — dans une enquête sur le droit d’exploitation des champs ; selon J. BEDELL, « Memory... », art. cit., pp. 5,16,20 sqq., 65 % des dépositions ont trait à des souvenirs familiaux — à propos des preuves d’âge de maturité (p. 22 : « The markers in these men’s pasts were overwhelmingly personal and family events »). Voir les remarques de G. ALGAZI, « Ein gelehrter Blick... », art. cit., pp. 318,352. D’autres exemples dans Guy P. MARCHAL, « Memoria, Fama, Mos Maiorum. Vergangenheit in mündlicher Ü berlieferung im Mittelalter, unter besonderer Berücksichtigung der Zeugenaussagen in Arezzo von 1170/80 », in J. von UNGERN-STERNBERG et H. REINAU, Vergangenheit..., op. cit., p. 292, n. 6.
  • [11]
    Voir Arno BORST, Der Turmbau zu Babel. Geschichte der Meinungen über Ursprung und Vielfalt der Sprachen und Völker, Stuttgart, H. Hiersemann, 1957-1963 ; Frantisek GRAUS, Lebendige Geschichte. Ü berlieferung im Mittelalter und in den Vorstellungen vom Mittelalter, Cologne-Vienne, Böhlau, 1975.
  • [12]
    Documenti per la storia della Città di Arezzo, t. 1, Ubaldo PASQUI (éd.), Florence, Vieusseux, « Documenti di storia Italiana », vol. 11,1899, no 389, pp. 520-573 (dorénavant PASQUI ). Jean-Pierre DELUMEAU, « La mémoire des gens d’Arezzo et de Sienne à travers des dépositions de témoins ( VIIIe - XIIe siècles) », in Temps, mémoire, tradition..., op. cit., pp. 43-66 ; G. P. MARCHAL, « Memoria, Fama... », art. cit., pp. 289-320.
  • [13]
    Jean-Pierre DELUMEAU, Arezzo — Espace et société, 715-1230. Recherches sur Arezzo et son contado du VIIIe au début du XIIIe siècle, Rome, École française de Rome, 1996, t. 1, pp. 475-487, t. 2, pp. 855-857.
  • [14]
    Archivio Capitolare di Arezzo : Carte della Canonica, no 435 et 436. Les deux manuscrits, écrits dans une minuscule livresque sur deux colonnes par page, sont lacunaires, mais, grâce aux hasards de la conservation, ils se complètent assez bien (cf. PASQUI, p. 519 sqq.).
  • [15]
    Maurice HALBWACHS, La mémoire collective, édition critique établie par Gérard NAMER, Paris, Albin Michel, 1997.
  • [16]
    M. HALBWACHS, La mémoire..., op. cit., p. 130.
  • [17]
    Aleida ASSMANN et Jan ASSMANN, « Schrift, Tradition und Kultur », in W. RAIBLE (dir.), Zwischen Festtag und Alltag. Zehn Beiträge zum Thema, « Mündlichkeit und Schriftlichkeit », Tübingen, Narr, 1988, pp. 25-50, surtout p. 28 sq.; Jan ASSMANN, « Kollektives Gedächtnis und kulturelle Identität », in J. ASSMANN et T. HÖ LSCHER (dir.), Kultur und Gedächtnis, Francfort-sur-le-Main, Surkamp, 1988 ; Jan ASSMANN, Das kulturelle Gedächtnis. Schrift, Erinnerung und politische Identität in frühen Hochkulturen, Munich, C. H. Beck, 1992.
  • [18]
    J.-P. DELUMEAU, « La mémoire... », art. cit., p. 49.
  • [19]
    A. ESCH, « Die Zeugenaussagen... », art. cit., p. 101 sqq.; id., « Zeitalter... », art. cit., pp. 337,345. Une observation similaire peut être faite quand les témoins doivent se rappeler une date particulière et y parviennent ; voir dans J.-P. DELUMEAU, « La mémoire... », art. cit., pp. 47-50.
  • [20]
    Cette constatation est confirmée par le fait que les âges indiqués correspondent systématiquement à la durée de la mémoire, objet de l’enquête ; pour Arezzo, durée de la mémoire demandée : 54 ans, 2 % des témoins sont à peine plus jeunes, 81 % ont plus de 54 ans et 7 % sans indication d’â ge. Jean d’Estouteville ayant 21 ans (J.-M. ROGER, « L’enquête... », art. cit.), 67 % des témoins ont entre 35 et 50 ans.
  • [21]
    M. GRAMAIN, « Mémoires paysannes... », art. cit., p. 321 ; Jacques PAUL, « Expression et perception du temps d’après l’enquête sur les miracles de Louis d’Anjou », in Temps, mémoire, tradition..., op. cit., p. 38 ; Yves GRAVA, « La mémoire, une base d’organisation politique des communautés provençales au XIIIe siècle », in Temps, mémoire, tradition..., op. cit., p. 73 sqq. et 78. Pour les actes du XIIe siècle, voir Michael T. CLANCHY, From Memory to Written Record, England 1066-1307, Cambridge, Blackwell, 1977, pp. 237-241. Voir aussi, Anna-Dorothea von den BRINCKEN, « Beobachtungen zum Aufkommen der retrospektiven Inkarnationsära », Archiv für Diplomatik, 25,1979, pp. 1-20, surtout p. 18 sq.
  • [22]
    Témoins, cités d’après les numéros de PASQUI : 19,31,37.
  • [23]
    J.-P. DELUMEAU, « La mémoire... », art. cit., p. 49.
  • [24]
    PASQUI, témoins 1,3,5,7,11,36.
  • [25]
    En 1493, à Lyon, on a procédé pour une fois au calcul exact : « etatis quinquaginta et memorie quadraginta annorum », âgé de cinquante ans et capable de se souvenir de quarante années (A. ESCH, « Zeilalter... », art. cit., p. 339, n. 69) ; voir aussi J.-M. ROGER, « L’enquête... », art. cit., pp. 116-127.
  • [26]
    J.-M. ROGER, « L’enquête... », art. cit., p. 108. Une observation analogue chez Eckhard FREISE, « Kalendarische und annalistische Grundformen der Memoria », in K. SCHMIDT et J. WOLLASCH (dir.), Memoria. Der geschichtliche Zeugniswert des liturgischen Gedenkens im Mittelalter, Munich, W. Fink, 1984, pp. 471-481 : dans les notices mémorielles, on complète les indications de comput par des indications annalistiques pour caractériser la qualitas temporum.
  • [27]
    Viktor HOBI, « Kurze Einführung in die Grundlagen der Gedächtnispsychologie », in J. UNGERN VON STERNBERG et H. REINAU, Vergangenheit..., op. cit., p. 27.
  • [28]
    A. ESCH, « Zeitalter... », art. cit., p. 349 ; Charles DE LA RONCIÈRE, « De la mémoire vécue à la tradition, perception et enregistrement du passé », in Temps, mémoire, tradition, op. cit., pp. 267-279 ; J. BEDELL, « Memory... », art. cit., p. 19.
  • [29]
    Voir, par exemple, J.-M. ROGER, « L’enquête... », art. cit., pp. 116-127, au sujet de la naissance, et A. ESCH, « Zeitalter... », art. cit., p. 341, à propos de la peste.
  • [30]
    J. BEDELL, « Memory... » , art. cit., p. 20.
  • [31]
    J. PAUL, « Expression... », art. cit., p. 28 ; M. GRAMAIN, « Mémoires paysannes... », art. cit., p. 321, relève la précision des indications d’années avec la « mémoire chiffrée » des marchands et administrateurs.
  • [32]
    PASQUI, témoins 19,25,32,34,40,45,49,82 (cf. J.-P. DELUMEAU, « La mémoire... », art. cit., p. 65 sqq.).
  • [33]
    PASQUI, témoins 80,87,83.
  • [34]
    PASQUI, témoins 79 et 70.
  • [35]
    PASQUI, témoin 1.
  • [36]
    PASQUI, témoins 1 et 6, puis 51.
  • [37]
    PASQUI, témoins 1,2,4,5,8,56, etc.
  • [38]
    PASQUI, témoin 51.
  • [39]
    Le mode de mémorisation, que nous venons de décrire chez ces hommes du XIIe siècle, ne diffère pas tellement de celui qu’a si clairement démontré M. HALBWACHS, La mémoire..., op. cit., pp. 63 sqq. et 101 sqq.
  • [40]
    Prétentions arétines : de modico tempore (PASQUI, témoin 23) à fere per annum (témoin 1); prétention siennoise : per IIII annos aut tres (PASQUI, témoin 82), fere VI annis (témoin 85). Ces mémorisations de durées variables montrent combien les indications dépendent des intérêts divergents des parties.
  • [41]
    PASQUI, témoins 78,79,80,81,82,83 (cf. J.-P. DELUMEAU, Arezzo..., op. cit., 1, pp. 480,483).
  • [42]
    PASQUI, actes no 317 et 318.
  • [43]
    PASQUI, acte no 322.
  • [44]
    Marlene POLLOCK et Herbert SCHNEIDER, « Die gefälschte Synodalurkunde von Rom 850 (?) », in Monumenta Germaniae Historica, Concilia (MGH Conc.), Hanovre, Hahn, III, 1984, pp. 495-502, surtout p. 500.
  • [45]
    Voir aussi J.-P. DELUMEAU, « La mémoire... », art. cit., p. 48.
  • [46]
    PASQUI, témoins 62,63,65,66,67,68,74.
  • [47]
    PASQUI, témoin 7.
  • [48]
    PASQUI, témoin 13.
  • [49]
    Les témoins évoquent différents lieux de séjour : Camalduli, Monte Fatukium, Galiada, Romania, Montanis (PASQUI, témoins 1,2,3,46 et 48).
  • [50]
    PASQUI, témoin 48.
  • [51]
    PASQUI, témoins 6 et 4.
  • [52]
    PASQUI, témoins 13,25,7,36 et 43.
  • [53]
    PASQUI, témoin 4.
  • [54]
    PASQUI, témoin 3.
  • [55]
    PASQUI, témoin 24.
  • [56]
    PASQUI, témoin 30.
  • [57]
    PASQUI, témoins 25 et 55.
  • [58]
    PASQUI, témoin 13.
  • [59]
    PASQUI, témoin 18.
  • [60]
    PASQUI, acte no 186, pp. 264-266 ; MGH Conc. III, 1984, p. 499.
  • [61]
    Cinthia J. BROWN, « Mémoire et histoire : la déformation de la réalité chez les rhétoriqueurs à la fin du Moyen Âge », in B. ROY et P. ZUMTHOR, Jeux..., op. cit., pp. 43-53,52 ; G. P. MARCHAL, « Das Meisterli... », art. cit.
  • [62]
    Michèle SIMONSEN, Le conte populaire, Paris, PUF, 1984, p. 40 ; Lutz RÖ HRICH, Sage und Märchen. Erzählforschung heute, Fribourg-Bâle-Vienne, Herder, 1967, p. 298 sqq.; Ronald F. HOCK et Edward N. O’NEIL, The Chreia in Ancient Rhetoric, vol. 1 : The Progymnasmata, Atlanta, Scholars Press, 1986, p. 85 sqq.
  • [63]
    J. GOODY, Entre l’oralité..., op. cit., p. 299 ; Jacques BERLIOZ et Marie Anne POLO DE BEAULIEU (dir.), Les exempla médiévaux : nouvelles perspectives, Paris, Honoré Champion, 1998.
  • [64]
    G. P. MARCHAL, « Memoria, Fama... », art. cit., p. 306. Cette interprétation est soutenue par le fait que le même dialogue mémorisable apparaît dans des situations différentes de dialogue et qu’il est attribué à divers acteurs : PASQUI, témoins 1,8 et 54.
  • [65]
    Hans Ü lrich GUMBRECHT, « Ü ber den Ort der Narration in narrativen Gattungen », in E. LÄ MMERT (dir.), Erzählforschung. Ein Symposion, Stuttgart, Metzler, 1982, « Germanistische Symposien, Berichtbände-IV », pp. 207 et 210.
  • [66]
    Apophtegmata patrum, Weisungen der Väter, trad. par Bonifaz MILLER, Fribourg, Lambertus, « Sophia. Quellen östlicher Theologie-6 », 1965.
  • [67]
    PASQUI, témoin 55.
  • [68]
    M. HALBWACHS, La mémoire..., op. cit., p. 104.
  • [69]
    Au sujet de la Conduit Theory développée par Linda DEGH, se reporter à Enzyklopädie des Märchens, 3,1981, col. 124-126 ; voir aussi la note suivante.
  • [70]
    Linda DEGH, « The Legend Conduit », in S. J. BRONNER (dir.), Creativity and Tradition in Folklore. New Directions, Logan, Utah University Press, 1992, pp. 105-126. La conduit theory correspond assez bien à ce que Maurice Halbwachs a développé sur la « mémoire historique » (La mémoire..., op. cit., pp. 130-132) et concrétise les modalités dans le domaine de la transmission des contes et des légendes.
  • [71]
    G. ALGAZI, « Ein gelehrter Blick... », art. cit., pp. 317-357, et « Tradition als Gespräch der Ungleichen. Bauern und Herren in der spätmittelalterlichen Dorfversammlung », in S. ESDERS et T. SCHARFF (dir.), Eid und Wahrheitssuche. Studien zu rechtlichen Befragungspraktiken in Mittelalter und früher Neuzeit, Francfort-sur-le-Main, Peter Lang, 1999, pp. 191-210. Le jeu des pouvoirs s’exprime, par exemple, dans la remarque d’un seigneur de Souabe qui, alors que l’enquête auprès de ses sujets sur la délimitation de son territoire arrivait à d’autres résultats que ceux qu’il souhaitait, dit à son adversaire, mais aussi son égal : « Ne laissons pas le pouvoir aux paysans, accordons-nous entre nous » (H. MAURER, « Bäuerliches Gedächtnis... », art. cit., p. 179).
  • [72]
    J. BEDELL, « Memory... », art. cit., p. 19.
  • [73]
    Les témoins ne parlent jamais d’un monastère, comme le laisse entendre J.-P. DELU-MEAU, « La mémoire... », art. cit., p. 55 sq. Il existe, certes, un monastère sur le mont Soratte, qui aurait pu accueillir des registres pontificaux, mais la recherche n’a pu le confirmer (Uta-Renate BLUMENTHAL, « Forschungen zum Register Papst Paschalis’ II », QFIAB, 66,1986, pp. 1-19). En fait, nous n’avons pas réussi à identifier ce type de légende dans les répertoires disponibles. Les recherches aimablement effectuées par Pascal Collomb, du Centre de recherches historiques (EHESS/CNRS), n’ont pas non plus, pour le moment, abouti à un résultat ; qu’il soit remercié pour son aide.
  • [74]
    On pourrait concevoir, comme point de départ de la chaîne associative, l’argumentation de Guido selon laquelle la possession des paroisses remontait au temps de saint Donat (MGH Conc. III, p. 502, n. 33 ; PASQUI, actes no 318,322).
  • [75]
    Pour ne citer que Heinrich FICHTENAU, Das Urkundenwesen in Ö sterreich vom 8. Bis 13. Jh., Vienne-Cologne-Graz, Böhlau, « Mitteiliungen des österreichischen Instituts für Geschichtsforschung, Erg.-Bd. 23 », 1971, p. 63 sqq. PASQUI, témoin 42, rend la réserve « salvo iure ecclesie aretine » par « salvo iure S. Donati ».
  • [76]
    PASQUI, témoins 1,2,8,20,53 et 57.
  • [77]
    Pour des parallèles avec la vie de saint Thomas de Cantilupe, voir A. VAUCHEZ, La sainteté..., op. cit., p. 339, n. 37 et p. 350.
  • [78]
    A. VAUCHEZ, La sainteté..., op. cit., p. 222, explique la forte baisse de saints évêques aux XIIIe - XIVe siècles en Italie par le contexte social et politique, c’est-à-dire l’émancipation de la commune vis-à-vis du pouvoir épiscopal. Sur l’é mergence de la commune d’Arezzo, le rôle de Guido et la nouvelle société, voir J.-P. DELUMEAU, Arezzo..., op. cit., t. 2, pp. 846-861.
  • [79]
    M. HALBWACHS, La mémoire..., op. cit., p. 231 sqq.
  • [80]
    K. TREMP-UTZ, « Gedächtnis und Stand... », art. cit., p. 169 sqq. et p. 188. Le fait cependant que les témoins se réfèrent aux « seniores » sans pouvoir le plus souvent indiquer un nom particulier rapproche cette référence de la fama.
  • [81]
    Selon cette interprétation, la memoria n’est compétente que pour ce qu’on a vu ou entendu (procès de Hilterfingen : « Quia [...] antiqua tempora de illis, quod non potest esse in memoria hominum », Fontes rerum Bernensium (FRB), Bern’s Geschichtsquellen, vol. 5, Berne, Stämpflische Buchdruckerei, 1890, p. 51, et ibid., p. 45 : « Audivit a senioribus suis ita esse, et credit pro certo, nec potest esse in memoria hominum quia per multa et longa tempora fuit »). Les « antiqua tempora » sont en dehors du temps de la mémoire. Walter Map situe la limite du temps de la mémoire à cent ans « cum adhuc aliqui supersint centennes et filii ex patrum et avorum relacionibus certissime teneant que non viderunt » (B. GUENÉE, « Temps de l’histoire... », art. cit., p. 35, n. 43), une explication qui ne correspond pas seulement à la compréhension des témoins de Hilterfingen mais aussi au concept moderne des trois générations (A. ESCH, « Zeitalter... », art. cit., p. 325 sqq.).
  • [82]
    A. VAUCHEZ, La sainteté..., op. cit., pp. 40,564, et 575, constate aux XIIIe et XIVe siècles une nette augmentation de saints « modernes », morts soixante ans au plus avant le dépôt du dossier de canonisation, ce qui permet de recueillir le témoignage de témoins oculaires. De même, les enquêtes sur les coutumes exigent des témoins oculaires : John GILISSEN, La coutume, Turnhout, Brépols, « Typologie des sources du Moyen Âge occidental-fasc. 41 », 1982, p. 66. Voir aussi n. 4.
  • [83]
    A. VAUCHEZ, La sainteté..., op. cit., p. 63, n. 77, pp. 81 et 84, n. 30.
  • [84]
    L’enquête sur la prise de la Pomérélie par l’ordre teutonique en 1320, où les témoins, qui n’ont pas vécu les événements, doivent préciser « an de hoc sit publica vox et fama, an hoc sit notorium » (t. II-X), est éclairante à ce sujet. Un témoin précise : « Quod non solum vox et fama est, sed adeo notorium, quod potest nulla tergiversacione celari », Scriptores rerum Prussicarum, 1, Leipzig, Hirzel, 1861, pp. 778-787, surtout p. 781. La double question sur la fama et la notorietas (p. 778, n. 1) démontre que la fama corrobore et que la notorietas renforce, sans quoi la question sur la fama n’aurait pas de sens.
  • [85]
    J GILISSEN, La coutume, op. cit., p. 65.
  • [86]
    A. VAUCHEZ, La sainteté..., op. cit., p. 142, n. 40 et pp. 258,268.
  • [87]
    K. TREMP-UTZ, « Gedächtnis und Stand... », art. cit., p. 180.
  • [88]
    Hanna VOLLRATH, « Das Mittelalter in der Topik oraler Gesellschaften », HZ, 233,1981, pp. 571-594 ; Patrick J. GEARY, La mémoire et l’oubli à la fin du premier millénaire, Paris, Aubier, 1996. Il ne faut d’ailleurs pas surestimer l’effet de ces actes et de l’écrit dans la vie quotidienne. Souvent ils n’é taient pas disponibles parce que, tout simplement, on ne les trouvait pas. En témoignent justement les enquêtes, dont le contenu peut aujourd’hui être vérifié par les documents alors manquants, comme celles d’Arezzo, de Hilterfingen (K. TREMP-UTZ, « Gedächtnis und Stand... », art. cit.) ou d’Emmen (G. P. MARCHAL, « Meisterli... », art. cit.). Voir aussi M. T. CLANCHY, From Memory..., op. cit., pp. 138-147,202-220. Herbert WOLF, « Erzähltraditionen in homiletischen Quellen », in W. BRÜ CKNER (dir.), Volkserzählung und Reformation. Ein Handbuch zur Tradierung und Funktion von Erzählstoffen und Erzählliteratur im Protestantismus, Berlin, E. Schmidt, 1974, pp. 704-757, surtout p. 729. Au sujet des « pauvres femmes de Weinsberg », localisées en de nombreux endroits, voir Lutz RÖ HRICH, « Orale Traditionen als historische Quelle. Einige Gedanken zur deutschsprachigen mündlichen Volkserzählung », in J. von UNGERN-STERNBERG et H. REINAU, Vergangenheit..., op. cit., pp. 79-99 , ici p. 96 sq.
  • [89]
    Otto Gerhard OEXLE, « Liturgische Memoria und historische Erinnerung. Zur Frage nach dem Gruppenbewusstsein und dem Wissen der eigenen Geschichte in den mittelalterlichen Gilden », in N. KAMP et J. WOLLASCH (dir.), Tradition als historische Kraft : Interdisziplinäre Forschungen zur Geschichte des frühen Mittelalters, Berlin-New York, Festschrift K. Hauck, 1982, pp. 323-340 ; Franz Josef JAKOBI, « Geschichtsbewusstsein in mittelalterlichen Geden-kaufzeichnungen », Archiv für Kulturgeschichte, 68,1986, pp. 1-23 ; Dieter GEUENICH et Otto Gerhard OEXLE, Memoria in der Gesellschaft des Mittelalters, Göttingen, Vandenhoek & Ruprecht, « Veröffentlichungen des Max-Planck-Instituts für Geschichte (VMPIG)-111 », 1994 ; Otto Gerhard OEXLE, « Memoria in der Gesellschaft und Kultur des Mittelalters », in J. HEINZLE, Modernes Mittelalter, Francfort-sur-le-Main, Insel, 1994, pp. 297-323; Otto Gerhard OEXLE (dir.), Memoria als Kultur, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, « VMPIG-121 », 1995.
  • [90]
    Sur la lecture du récit des batailles commémorées en chaire et sur l’« historia pauperum », Bernhard STETTLER (éd.), Aegidius Tschudi Chronicon Helveticum, Berne, Stadt- und Universitätsbibliothek, Allgemeine Geschichtsforschende Gesellschaft der Schweiz, « Quellen zur Schweizer Geschichte NS I, Section VII/2 ») 1974, p. 65 ; Klaus GRAF, « Schlachtgedenken in der Stadt », in B. KIRCHGÄ SSNER et G. SCHOLZ (dir.), Stadt und Krieg, Sigmaringen, Thorbecke, 1989, pp. 83-104, id., « Schlachtengedenken im Spätmittelalter. Riten und Medien der Präsentation kollektiver Identität », in Feste und Feiern im Mittelalter. Paderborner Symposium des Mediävistenverbands, D. ALTENBURG, J. JARNUT et H.-H. STEINHOFF (éds), Sigmaringen, Thorbecke, 1991, pp. 63-69.
  • [91]
    O. G. OEXLE, « Memoria als Kultur », in O. G. OEXLE (dir.), Memoria als Kultur, op. cit., pp. 9-78, ici p. 31 (fondamental pour les questions traitées dans ce texte).
  • [92]
    FRB, 5, pp. 45 et 51.
  • [93]
    Jan ASSMANN, « Die Katastrophe des Vergessens. Das Deuteronomium als Paradigma kultureller Mnemotechnik », in A. ASSMANN et D. HARTH (dir.), Mnemosyne. Formen und Funktionen der kulturellen Erinnerung, Francfort-sur-le-Main, Fischer-Tachenbuch Verlag, 1991, pp. 337-355, ici p. 339.
  • [94]
    K. TREMP-UTZ, « Gedächtnis und Stand... », art. cit., p. 178 ; Y. GRAVA, « La mémoire... » art. cit., pp. 78 et 90, n. 51 sqq.; MGH Conc. III, p. 500 ; Paul OURLIAC, « Coutume et mémoire : les coutumes françaises au XIIIe siècle », in B. ROY et P. ZUMTHOR, Jeux..., op. cit., pp. 111-122, ici p. 117.
  • [95]
    P. OURLIAC, « Coutume... », art. cit., pp. 116 et 111.
  • [96]
    J. ASSMANN, Das kulturelle Gedächtnis..., op. cit., p. 21. Si Assmann confère à l’é crit une fonction primordiale comme moyen de transmission, nous suivons plutôt Peter BURKE, « Geschichte als soziales Gedächtnis », in J. ASSMANN et D. HARTH (dir.), Mnemosyne..., op. cit., pp. 289-304, ici p. 292 sq., qui conçoit toute une gamme de transmissions possibles.
  • [97]
    Y. GRAVA, « La mémoire... », art. cit., p. 79 ; P. OURLIAC, « Coutume... », art. cit. ; J. GILISSEN, La coutume, op. cit., p. 29.
  • [98]
    G. ALGAZI, « Ein gelehrter Blick... », art. cit., et « Tradition... », art. cit. ; Thomas MICHEL, « Geschichtsüberlieferung bei den Nalumin (Star Mountains, Papua-Neuguinea) », in B. HAUSER-SCHÄ UBLIN (dir.), Geschichte und mündliche Ü berlieferung in Ozeanien, Basel, Wepf, « Bâle Beiträge zur Ethnologie-37 », 1994, pp. 129-159 ; H. VOLLRATH, « Das Mittelalter... », art. cit. ; G. P. MARCHAL, « Meisterli... », art. cit. (motif Aarne/Thompson no 1645 dans la mémoire locale de Emmenbrücke).
  • [99]
    P. OURLIAC, « Coutume... », art. cit., p. 117.
  • [100]
    M. HALBWACHS, La mémoire..., op. cit., p. 132, tandis que, pour la mémoire individuelle, il décline cette possibilité : « On n’oublie rien ». Roger BASTIDE, « Problèmes de l’entrecroisement des civilisations et de leurs œuvres », in G. GURVITCH, Traité de sociologie, t. 2, chap. V, Paris, PUF, 1960, p. 325 sq.; J. ASSMANN, « Die Katastrophe... », art. cit., pp. 344-347, « Rahmenwechsel ».
  • [101]
    J. ASSMANN, « Die Katastrophe... », art. cit., p. 346.
  • [102]
    P. BURKE, « Geschichte... », art. cit., pp. 289-304, p. 298.
  • [103]
    Memoria, Communitas, Civitas. Mémoire et conscience urbaines en Occident à la fin du Moyen Âge, Colloque international organisé par l’Institut allemand de Paris, Max-Planck-Institut de Göttingen et la Mission historique française en Allemagne de Göttingen (Paris 31 mars-1er avril 2000), à paraître.
  • [104]
    G. ALGAZI, « Tradition... », art. cit. ; G. ALGAZI, « Ein gelehrter Blick... », art. cit., p. 328 sq.
  • [105]
    Philippe CONTAMINE, « Mécanismes du pouvoir, information, sociétés politiques », in P. CONTAMINE (dir.), Des pouvoirs en France, 1300-1500, Paris, Presses de l’ENS, 1992, pp. 11-36.
  • [106]
    Jean-Claude SCHMITT, Les revenants. Les vivants et les morts dans la société médiévale, Paris, Gallimard, 1994, pp. 17-19. Heinz D. KITTSTEINER, « Vom Nutzen und Nachteil des Vergessens für die Geschichte », in G. SMITH et H. M. EMRICH (dir.), Vom Nutzen des Vergessens, Berlin, Akademie Verlag, 1996, pp. 133-174, ici p. 153, confère une fonction analogue au repentir. Dans ce cas, le souvenir d’un acte mauvais n’est pas oublié ou refoulé mais extirpé par une instance supérieure.
  • [107]
    O. G. OEXLE, « Liturgische Memoria... », art. cit., pp. 323-340.
  • [108]
    A. et J. ASSMANN, « Schrift und Kultur », in A. ASSMANN, J. ASSMANN, et C. HARDMEIER (dir.), Schrift und Gedächtnis. Beiträge zur Archäologie der literarischen Kommunikation, Munich, Fink, « Beiträge zur Archäologie der Literarische Kommunikation-1 », 1983, pp. 277-279 ; J. ASSMANN, « Die Katastrophe... », art. cit., pp. 337-355, ici p. 340 sqq.
  • [109]
    Juliane KÜ MMEL, « Erinnern und Vergessen in der Stadt. Ü berlegungen zu Formen spätmittelalterlicher Wahrnehmung anhand von Ansätzen volkssprachlicher Geschichtsschreibung im nördlichen Frankreich », Saeculum, 35,1984, pp. 228-245.
  • [110]
    P. BURKE, « Geschichte... », art. cit., p. 296 sqq.
  • [111]
    J. ASSMANN, Das kulturelle Gedächtnis..., op. cit., pp. 70-73.
  • [112]
    Qu’il nous soit permis de nous référer à l’exemple de l’imaginaire historique suisse : Guy P. MARCHAL, « Nouvelles approches des mythes fondateurs : l’imaginaire historique des Confédérés à la fin du XVe siècle », in M. COMINA (dir.), Histoire et belles histoires de la Suisse. Guillaume Tell, Nicolas de Flüe et les autres, des chroniques au cinéma, Bâle, Schwabe, « Itinera-9 », 1989, pp. 1-24 ; id., « La naissance du mythe de Saint-Gothard ou la longue découverte de l’homo alpinus et de l’Helvetia mater fluviorum », in J.-F. BERGIER et S. GUZZI (dir.), La découverte des Alpes, Bâle, Schwabe, « Itinera-12 », 1992, pp. 35-53, et « “ Dans les traces des aïeuls” : les usages de l’Histoire dans une société sans Prince ( XVe - XVIIIe siècles) », in C. GRELL, W. PARAVICINI et J. VOSS (dir.), Les princes et l’histoire du XIVe au XVIIIe siècle, Bonn, Bouvier, « Pariser Historische Studien-47 », 1998, pp. 109-122.
  • [113]
    Au niveau de la fonction identificatrice, il peut y avoir une répression institutionnalisée de certains souvenirs : Henriette DIABATÉ, Le sannvin. Sources orales et histoire. Essai de méthodologie, Abidjan, Nouvelles Éditions Africaines, « Tradition orale », 1986, p. 70 sq.
  • [114]
    Philippe JOUTARD, La légende des Camisards, Paris, Gallimard, 1977, pp. 296-299. À propos des légendes et mythes d’origine, l’ethnologue Jan Vansina a même constaté un floating gap, c’est-à-dire un télescopage permanent de l’« histoire » des origines avec le passé incluant trois générations, qui fait sombrer les souvenirs devenus intermédiaires dans les ténèbres de l’oubli (Jan VANSINA, Oral Tradition as History, Londres, Currex, 1985, pp. 23 et 168).
  • [115]
    J. VANSINA, Oral Tradition..., op. cit., p. 23 sqq. et p. 168 sqq.
  • [116]
    Ernest RENAN, Qu’est-ce qu’une nation ?, Paris, Hellen, [1882] 1934, p. 25.
  • [117]
    J. ASSMANN, Das Kulturelle Gedächtnis..., op. cit. ; P. J. GEARY, Mémoire..., op. cit.; H. VOLLRATH, « Das Mittelalter... », art. cit.

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