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Article de revue

Retour sur une tradition méconnue : austro-marxisme et économie politique (I)

Pages 121 à 138

Notes

  • [1]
    Bauer Otto, « Austromarxismus », Arbeiter-Zeitung, Vienne, 3 novembre 1927 ; rééd. in Bauer Otto, Werksausgabe, vol. 8, Vienne, Europa-Verlag, 1980, pp. 11-14 (citations ici pp. 11-12). Ci-après, Werkausgabe sera cité ainsi : OBW, numéro du volume, numéro de page.
  • [2]
    Marxistische Probleme. Beiträge zur Theorie der materialistischen Geschichtsauffassung und Dialektik : sous ce titre Max Adler a publié en 1913 un recueil d’essais (Stuttgart, J. H. Dietz Nachf, 1913).
  • [3]
    Adler Max, Die Anfänge der merkantilistischen Gewerbepolitik in Österreich, Vienne et Leipzig, Franz Deuticke, 1903.
  • [4]
    Cf. Hilferding Rudolf, Das Finanzkapital. Eine Studie über die jüngste Entwicklung des Kapitalismus, Vienne, Verlag der Wiener Volksbuchhandlung, 1910 (publié simultanément dans le volume III des Marx-Studien).
  • [5]
    C’est ainsi que John E. King caractérise l’essai de Bauer de 1913 sur l’accumulation du capital (cf. King John E., « Otto Bauer. The Accumulation of Capital », History of Political Economy, Vol. 18, 1986, n° 1, pp. 87-110).
  • [6]
    Cf. Eckstein Gustav, « Zur Methode der politischen Ökonomie », Die Neue Zeit. Wochenschrift der deutschen Sozialdemokratie, 28. J.-G. (1909-10), volume I (1910), pp. 324-332, 367-375, 489-497. Au sujet du Japon, cf. la série d’articles sur le mouvement ouvrier dans le Japon moderne dans Die Neue Zeit. Wochenschrift der deutschen Sozialdemokratie, 22. J.-G. (1903-04), volume I (1904), Cahier 16, pp. 494-501, Cahier 17, pp. 532-540, Cahier 18, pp. 577-581, Cahier 19, pp. 598-603, Cahier 21, pp. 665-673. Enfin son étude sur l’histoire du droit familial japonais, qui est aussi une analyse de l’histoire de l’État et de la société au Japon depuis les réformes des Meiji : Eckstein Gustav, Die Entwicklung des japanischen Familienrechts, Stuttgart, Verlag Paul Singer, 1908.
  • [7]
    Sa thèse sur la théorie de la valeur chez Marx et Lassalle, fut publiée une seconde fois en 1910 dans les Marx-Studien.
  • [8]
    Landau Helene, Die Entwicklung des Warenhandels in Österreich, Vienne et Leipzig, Braumüller, 1906.
  • [9]
    La littérature traitant de l’austro-marxisme et de la théorie économique n’est guère abondante. Dans son livre sur « l’environnement de l’austro-marxisme », Ernst Glaser fut le premier à tenter de rendre compte, au regard de l’économie politique, des relations qui existaient entre le noyau du groupe et son environnement élargi. Cf. Glaser Ernst, Im Umfeld des Austromarxismus. Ein Beitrag zur Geistesgeschichte des österreichischen Sozialismus, Vienne – Munich - Zurich, Europa Verlag, 1981, pp. 209-258.
  • [10]
    Seul Friedrich Adler, qui faisait partie du noyau des austro-marxistes, fit des études de mathématiques et de physique, du reste à Zurich, non à Vienne.
  • [11]
    Sur Carl Grünberg, considéré, aux côtés de Viktor Adler, comme le père fondateur le plus important aux yeux des austro-marxistes, voir Nenning Günter, « Biographie C. Grünberg », Archiv für Geschichte des Sozialismus und der Arbeiterbewegung, 1973, pp. 1-214 (introduction à la réimpression de la collection de la revue).
  • [12]
    Von Mises Ludwig, Erinnerungen, Stuttgart/New York, Gustav Fischer Verlag, 1978, p. 11 et p. 24.
  • [13]
    Bauer Otto, Die Geschichte eines Buches (OBW, 7) ; publié une première fois en 1907.
  • [14]
    Ibidem, p. 927.
  • [15]
    Ibidem, p. 931 et 932.
  • [16]
    Ibidem, pp. 936-937.
  • [17]
    Hilferding Rudolf, « Brief an Karl Kautsky vom 23. April 1902 », Karl Kautsky Archives, IISG (Amsterdam), KDXII 580.
  • [18]
    Hilferding Rudolf, « Zur Problemstellung der theoretischen Ökonomie bei Karl Marx », Die Neue Zeit. Wochenzeitschrift der deutschen Sozialdemokratie, 23 Jg. (1904/05), volume I (1905), Cahier 4, p. 103.
  • [19]
    Ibidem, pp. 107-109.
  • [20]
    Ibidem pp. 110-111.
  • [21]
    Bauer Otto, « Marx und Darwin » (1908), OBW, 8, pp. 198-200.
  • [22]
    Bauer Otto, « Theorien über den Mehrwert » (1910), OBW, 8, p. 365.
  • [23]
    Ibidem, pp. 373-374.
  • [24]
    Au sujet de David Rjazanov voir Külow Volker et Jarolawski André (dir.), David Rjazanov. Marx-Engels-Forscher, Humanist, Dissident, Berlin, Dietz Verlag, 1993.
  • [25]
    Voir à ce sujet Langkau Götz, « Marx-Engels-Gesamtausgabe - dringendes Parteiinteresse oder dekorativer Zweck ? Ein Wiener Editionsplan zum 30. Todestag, Briefe und Briefauszüge », International Review of Social History, vol. 28, 1983, pp. 105-142.
  • [26]
    Adler Max et Hilferding Rudolf, « Vorwort », Marx-Studien, I, 1904, p. V.
  • [27]
    Le travail de Karl Renner, aujourd’hui et depuis longtemps un classique de la théorie du droit et de la sociologie du droit, parut en 1929 dans une deuxième édition augmentée.
  • [28]
    Cf. Renner Karl, Marxismus, Krieg und Internationale, Stuttgart, J.H.W. Dietz Nachf., 1917.
  • [29]
    S’exprimant sur ce sujet, les lettres de Carl Grünberg et d’Otto Bauer à Karl Kautsky, écrites entre septembre 1919 et fin janvier 1920, se trouvent dans les archives de Kautsky à l’IISG (Amsterdam).
  • [30]
    Cf. Lukács Georg, Geschichte und Klassenbewusstsein. Studien über revolutionäre Dialektik, Berlin, Malik Verlag, 1923, p. 13.
  • [31]
    Adler Max, « Zur Revision des Parteiprogramms », Arbeiter-Zeitung, 22 octobre 1901, p. 7.
  • [32]
    Adler Max, « Sombart, Historische Sozialtheorie », Die Neue Zeit. Wochenzeitschrift der deutschen Sozialdemokratie, 21. J.-G. (1902-1903), I. Band (1903), Cahier 18, pp. 557-560.
  • [33]
    Adler Max, « Kausalität und Teleologie im Streite um die Wissenschaft », Marx-Studien, 1904, I, p. 229.
  • [34]
    Bauer Otto, « Sozialismus und Wirtschaft », OBW, 6, pp. 602-603 (1924).
  • [35]
    Ibidem, p. 603.
  • [36]
    Bauer Otto, « Die Geschichte eines Buches », op. cit., p. 934.
  • [37]
    Adler Max, Marxistische Probleme. Beiträge zur Theorie der materialistischen Geschichtsauffassung und Dialektik, Berlin – Bonn, J.H.W. Dietz, 1974, p. 36, 39 et 77 (1922).
  • [38]
    Bauer Otto, « Marx-Literatur », Der Kampf. Sozialdemokratische Monatsschrift, 1912-1913, IV, p. 334.
  • [39]
    Karl Marx, dans l’ultime décennie de sa vie, lorsqu’il s’intéressa aux progrès des sciences naturelles de son époque, avait lui aussi pris connaissance du livre de Ernst Mach L’histoire et la racine du principe de conservation du travail (cf. Marx Karl, cahier II, janvier-octobre 1875, RC, Signatur f.1, d. 3601, IISG).
  • [40]
    Cf. Kautsky Karl, « Ein Brief über Marx und Mach », Der Kampf. Sozialdemokratische Monatsschrift, 1908-1909, II, pp. 451-452.
  • [41]
    Cf. Chaloupek Günter, « Marxistische Kritik an der Österreichischen Schule » in Leser Norbert (dir.), Die Wiener Schule der Nationalökonomie, Wien – Köln – Gratz, Böhlau, 1986, pp. 195-221.
  • [42]
    Eckstein Gustav, « Die vierfache Wurzel des Satzes vom unzureichenden Grunde der Grenznutzentheorie. Eine Robinsonade », Die Neue Zeit. Wochenzeitschrift der deutschen Sozialdemokratie, 20. J.-G. (1901-02), 2. Band (1902), pp. 810-816.
  • [43]
    Cf. Bauer Helene, « Bankrott der Grenzwerttheorie », Der Kampf. Sozialdemokratische Monatsschrift, 17, 1924, pp. 105-113.
  • [44]
    Cf. Bauer Otto, Einführung in die Nationalökonomie, OBW, 4, pp. 892-897. Dans la seule parution contemporaine portant sur la critique marxiste de la théorie de l’utilité marginale, les austro-marxistes ne sont pratiquement pas mentionnés. C‘est Nikolaï Boukharine, dont L’économie politique du rentier voit le jour pendant l’émigration de son auteur à Vienne, qui y apparait comme le principal représentant de la critique marxiste (cf. Leo Köppel, Grenznutzentheorie und Marxismus, Leipzig und Wien, Franz Deuticke, 1930).
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1 La longue histoire du marxisme a connu quelques périodes lumineuses. Oublié depuis longtemps, le bref été austro-marxiste en fait partie. En quelques années seulement, une école autrichienne, petite au regard du nombre de ses représentant(e)s, mais grande au regard des travaux qu’elle a produits, a surmonté la « crise du marxisme » de ces années. Ses représentant(e)s furent les premiers à promouvoir le marxisme comme une science sociale critique, comme une discipline de recherche sociale à la fois empirique et théorique, et à le pratiquer à la hauteur des enjeux de leur époque. Ce qui reliait ses représentant(e)s n’était pas tant un projet politique commun. Ils étaient tous membres actifs du parti social-démocrate d’Autriche, alors Empire austro-hongrois. Ils révéraient le dirigeant du parti, Viktor Adler. Ils étaient des socialistes et démocrates radicaux. Mais ce qui les rassemblait en une communauté de travail intellectuelle, une « école marxiste » particulière, à savoir l’école austro-marxiste (au même titre qu’ailleurs l’école russe ou l’école hollandaise), c’était, selon la description rétrospective d’Otto Bauer, en 1927, « la spécificité de leur travail scientifique ». Ce qu’ils partageaient était un débat ouvert avec les principaux courants de la philosophie et des sciences sociales de leur époque : avec le positivisme d’Ernst Mach, avec le néokantisme, avec l’école autrichienne d’économie politique et avec la critique portant sur Marx, tant à l’université qu’en dehors de l’université. Conjointement, ils voulaient prouver que la nouvelle conception marxiste de l’Histoire et de la société elle aussi pouvait s’appliquer à des « phénomènes complexes ne pouvant être appréhendés de façon superficielle et schématique ». Non contents d’invoquer la « méthode marxienne », ils partageaient la volonté de la mettre à l’épreuve et de la faire progresser [1]. Les évolutions du droit moderne, les diverses formes de l’État moderne, les nations, les nationalités, l’histoire des mouvements nationaux et des mouvements sociaux, les mutations structurelles les plus récentes du capitalisme depuis le début de la première grande dépression de son histoire, la politique et l’économie, la politique mondiale et l’économie mondiale à l’époque de l’« impérialisme », l’histoire de la grande entreprise, l’émergence du capital financier et son déploiement, les progrès les plus récents des sciences naturelles et de la technologie, les modifications des structures sociales dans les principaux pays capitalistes : dans tous ces domaines, l’apport des austro-marxistes a été significatif et conserve aujourd’hui encore en partie sa validité.

Pourquoi l’économie politique ?

2 Leur doyen et maître était Karl Kautsky, qui lança souvent des débats bienvenus. Grâce à Eduard Bernstein et au « révisionnisme », ils relevèrent le défi d’en faire des débats féconds. À la recherche d’explications théoriques qui soient en cohérence avec la réalité empirique, et loin de s’en tenir à des réfutations, à des apologies ou à des polémiques, ils entreprirent l’étude des phénomènes nouveaux voire de phénomènes qui jusqu’ici n’avaient pas été suffisamment étudiés par les pères du marxisme qu’étaient Marx, Engels, Kautsky et les autres. En raison de cette « spécificité de leur travail scientifique », les austro-marxistes occupent une place centrale dans le « marxisme classique » postérieur à Marx. Ils visaient non pas un système, non pas une orthodoxie, mais un programme de recherche ouvert sur une profusion de « problèmes marxistes » non encore résolus en attente d’être traités [2]. Kautsky parvint à convaincre cette jeunesse très prometteuse de collaborer à sa revue, la Neue Zeit. Deux d’entre eux, Rudolf Hilferding et Gustav Eckstein, quittèrent Vienne pour Berlin : Hilferding pour enseigner l’économie politique à l’école du parti nouvellement ouverte par le parti social-démocrate d’Allemagne, Eckstein pour collaborer en tant que journaliste à la Neue Zeit.

3 Les jeunes austro-marxistes s’intéressaient tous avec ferveur à l’économie politique. Ils voyaient dans cette discipline la science sociale qui avait émergé en même temps que le capitalisme moderne et qui évoluait en même temps que celui-ci. Avec sa Critique de l’économie politique, Marx avait réinventé et refondé cette science sociale. Il s’agissait à présent de la consolider, de la tester et avant tout de continuer à la renouveler. Il s’agissait donc d’examiner et, dans la mesure du possible, de résoudre les problèmes non résolus que Marx et Engels avaient laissés en héritage. Max Adler lui-même, le philosophe des austro-marxistes, n’a cessé sa vie durant de s’intéresser à l’économie politique, ne serait-ce que dans sa thèse de doctorat, qui portait sur les débuts de la politique industrielle mercantiliste en Autriche [3]. Rudolf Hilferding, considéré par les austro-marxistes comme l’« économiste » du groupe, faisait autorité sur les questions monétaires et financières. Il a analysé les mutations à l’œuvre dans le système monétaire et le crédit, au sein des sociétés par actions, des bourses, dans le secteur bancaire et sur les marchés financiers. Il a publié des travaux sur la politique monétaire, la politique commerciale et la politique douanière, a commenté et expliqué les crises et les conjonctures économiques du monde capitaliste antérieur à la Première Guerre mondiale. Durant la République de Weimar, il fut le premier à endosser, ouvertement comme marxiste, et par deux fois, la charge de ministre des finances du Reich. Avec un livre à juste titre célèbre, Le Capital financier, paru tout d’abord en 1910, souvent cité mais peu lu [4], qui avait atteint le niveau d’un « classique » de la littérature économique, Hilferding s’était fait une véritable réputation d’économiste marxiste original qu’on se devait de prendre au sérieux.

4 Hilferding et son Capital financier ne constituait aucunement un cas isolé. Otto Bauer, en particulier, était un économiste tout aussi compétent et inventif. De même que Hilferding, Bauer était bien plus qu’un simple interprète des écrits de Marx. Bauer était un théoricien autonome, qui avait recours aux concepts et à la théorie de Marx mais qui n’hésitait pas à les critiquer, à les modifier ou à les compléter, et même à les améliorer par le biais de nouvelles catégories et / ou de nouvelles théories partielles. Selon Bauer, la lecture critique de Marx, telle que la pratiquait par exemple Rosa Luxemburg dans son livre sur l’accumulation du capital, était légitime et bienvenue. Dans ses nombreux essais et divers livres, Bauer a analysé certains problèmes non résolus, restés en suspens, posés par la lecture critique de l’économie marxienne. Il a proposé des solutions, qu’il a portées au débat. Quelques-uns de ses travaux sont considérés aujourd’hui encore comme le meilleur de ce que la tradition marxiste peut proposer en matière d’analyse (macro)économique des méthodes de production et d’accumulation spécifiquement capitalistes et des mutations que ces méthodes ont subies au cours de l’histoire [5]. À la différence de Hilferding, Bauer était par ailleurs un pionnier du traitement mathématique des problèmes d’économie politique posés par le marxisme. Nous lui devons les premières tentatives pour construire des modèles dynamiques du processus d’accumulation capitaliste. Nous lui devons aussi les premières réflexions sur la théorie des prix qui se soient appuyées sur les progrès effectués par la théorie « bourgeoise » de l’économie. À cette époque, seul un petit nombre de ses contemporains marxistes purent accompagner la pensée de Bauer : les économistes étaient alors insuffisamment formés, et très peu parmi eux disposaient de connaissances en statistiques.

5 Ce qui rassemblait en outre les austro-marxistes était la commune volonté de populariser la théorie économique marxienne. Ils rédigèrent des textes vulgarisateurs et enseignèrent l’économie dans les écoles du parti de la social-démocratie allemande et de la social-démocratie autrichienne. Spécialiste des théories du droit et de l’État, et en tant que tel porte-parole du groupe (quand bien même il dut dans un premier temps publier ses travaux les plus importants sous un pseudonyme), Karl Renner bénéficiait en outre d’une aura de professeur hors-pair. Nous lui devons à ce jour l’une des meilleures introductions au deuxième et troisième volume du Capital de Marx et l’une de ses meilleures diffusions populaires.

6 Gustav Eckstein, qui disparut prématurément, a participé lui aussi, avec de nombreux essais aux débats portant sur l’économie. Il fut le premier socialiste et marxiste européen à analyser le déploiement d’une société bourgeoise et d’un capitalisme industriel moderne au Japon. C’est Eckstein qui perçut l’importance de Schumpeter et de la théorie néoclassique qui, à cette époque, loin d’être la doctrine économique dominante, commençait tout juste à émerger. Eckstein examina la démarche de Schumpeter dans un long article sur « La méthode de l’économie politique » paru dans la revue Die Neue Zeit. À l’époque, Schumpeter tentait de rassembler les idées encore tout à fait éparses des différentes écoles marginalistes pour les synthétiser en une nouvelle théorie économique néoclassique logiquement cohérente [6]. Bauer, Hilferding, Renner, Gustav Eckstein et d’autres encore participèrent dès 1902 aux débats menés dans Die Neue Zeit sous la direction de Karl Kautsky. Kautsky impulsait fréquemment ces débats. C’est à ces tables rondes (on dirait aujourd’hui groupes de débat), élargies à quelques autres tels Eugen Varga ou Jan van Gelderen, que nous devons le premier débat en profondeur portant sur la théorie des crises économiques cycliques dans le capitalisme, ainsi qu’un débat qui se poursuivit pendant plusieurs années, qui n’a jamais été clos, portant sur l’impérialisme contemporain. Nous devons aux austro-marxistes en outre le premier débat de fond entre économistes marxistes sur les problèmes de l’économie monétaire chez Marx, ainsi qu’un débat qui s’est longtemps maintenu, malgré quelques interruptions, sur les fondements de la théorie de la valeur chez Marx et divers problèmes spécifiques à cette théorie. Nous leur devons enfin et surtout un long débat sur les problèmes méthodologiques de l’économie politique. Ces débats, menés sans attaques politiques, sans attaques personnelles, sur le ton de l’objectivité, par des protagonistes qui visaient à se comprendre eux-mêmes plutôt qu’à emporter l’adhésion, sont des joyaux de la période du « marxisme classique ».

7 Le groupe des austro-marxistes comprenait aussi quelques femmes : la Roumaine Tatjana Grigorivici, qui avait poursuivi ses études à l’université de Vienne aux côtés de Bauer, Hilferding et Renner, et qui rédigea sa thèse de doctorat sur la théorie de la valeur chez Marx [7] ; Helene Bauer qui, comme Rosa Luxemburg, était d’origine polonaise, et qui aussi comme cette dernière avait poursuivi des études de sciences politiques (c’est-à-dire d’économie politique) à Zurich, avait fait sa thèse d’économie politique en 1905 sur la politique économique absolutiste en Autriche [8]. Natalie Moszkowska, elle aussi Polonaise juive, qui à l’instar de Rosa Luxemburg avait poursuivi des études d’économie politique à Zurich et y avait défendu sa thèse, faisait partie également, au sens large du terme, même si elle vivait à Zurich et non à Vienne, du cercle des austro-marxistes. On peut compter parmi les membres de ce cercle élargi également Alfred Braunthal, qui avait suivi les cours de Max Adler à Vienne et avait conduit sous sa direction une thèse sur la philosophie de l’Histoire de Marx. Directeur de l’université populaire Tinz, Braunthal deviendra le professeur le plus important en matière d’économie politique au sein de la social-démocratie de Weimar. Parmi les plus jeunes austro-marxistes notons Otto Leichter, son épouse Käthe Leichter, Albert Lauterbach, Benedikt Kautsky (qui deviendra en 1918 la secrétaire de Bauer), Hans Deutsch. Faisait partie également de ce cercle Otto Neurath, doté de talents multiples, philosophe, économiste et sociologue, statisticien. Vivante passerelle entre les austro-marxistes et l’illustre « Cercle de Vienne », il participa souvent, avec des contributions à haute teneur contestataire, aux débats des austro-marxistes portant sur l’économie. Parmi les membres de ce cercle élargi des austro-marxistes mentionnons enfin Emil Lederer qui, à l’instar d’Otto Bauer et de Rudolf Hilferding avait poursuivi des études d’économie politique à Vienne [9].

8 C’est à l’époque de leurs études à l’université de Vienne que ces jeunes gens s’étaient rencontrés et trouvés. Ils poursuivaient ces études dans l’objectif de gagner leur vie. Ces études ne les intéressant que partiellement, ils se précipitèrent de toute leur énergie sur l’économie politique et sur l’histoire [10]. À l’université de Vienne, ils rencontrèrent les principaux représentants de l’école autrichienne d’économie politique, Carl Menger et Eugen von Böhm-Bawerk. Ils eurent la chance d’y rencontrer également Carl Grünberg. À l’époque, il n’y avait en Europe que deux « marxistes de chaire » occupant un poste de professeur d’université : Antonio Labriola et Carl Grünberg. Ce dernier, qui en 1924 partira à Francfort-sur-le-Main pour y occuper le poste de premier directeur du nouvel Institut de Recherches Sociales qui venait d’y être fondé, était depuis 1894 chargé de cours à titre privé et depuis 1900 professeur d’économie politique à l’université de Vienne. C’est une leçon que les jeunes gens prirent à cœur lorsqu’ils assistèrent aux cours de Grünberg sur l’histoire de l’économie et sur l’histoire de la théorie. N’ayant aucun goût pour l’enseignement de type scholastique, Grünberg fonda les Archives pour l’histoire du socialisme et du mouvement ouvrier, qui fonctionnaient sous son égide comme un forum de discussion ouvert à tous les socialistes ayant une activité scientifique. C’est grâce à cette initiative de Grünberg que, plus tard, ces étudiants pourront nouer d’excellents contacts avec l’Institut de Francfort. Le programme de recherche de Grünberg, avec lequel l’Institut de Francfort inaugura son activité en 1924, était de conception « austro-marxiste » : ouvert, critique, pluridisciplinaire voire transdisciplinaire, ce programme avait comme fil conducteur la théorie de Marx, ce fil étant toutefois susceptible d’évoluer et d’être soumis à un travail d’élaboration. Ni plus, ni moins non plus. Ce n’est pas sans raison que Grünberg est considéré comme le « père de l’austro-marxisme [11] ».

9 Les austro-marxistes qui suivaient conjointement quelques cours magistraux et séminaires à l’université de Vienne étaient donc davantage que de simples camarades d’études. Leurs autres camarades d’études étaient politiquement plus ou moins proches et partageaient peu ou prou leur enthousiasme pour Marx et pour Le Capital. Dans le séminaire du professeur Eugen von Böhm-Bawerk, le commentateur le plus résolument critique de la théorie de la valeur marxienne, cofondateur, avec Carl Menger, de l’école autrichienne de la théorie de l’utilité marginale, Rudolf Hilferding, Gustav Eckstein et Karl Renner se retrouvèrent sur les mêmes bancs que Joseph Schumpeter, Ludwig von Mises, Felix Somary, Emil Lederer ou encore Hans Mayer. Bien des années plus tard, Ludwig von Mises a évoqué les débats sur la théorie de la valeur qui s’étaient déroulés dans ce séminaire : face au professeur von Böhm-Bawerk, le commentateur critique de Marx, qui tenait la théorie de la valeur pour un échec, pour une hypothèse indéfendable, le jeune Otto Bauer prenait la défense de la théorie marxienne et simultanément tentait de démonter et de réfuter la théorie de l’utilité marginale. Dans son témoignage, Mises ne tarit pas d’éloges à l’endroit d’Otto Bauer. Toute sa vie, Mises a tenu Bauer pour le seul intellectuel et scientifique sortant du lot parmi tous les marxistes européens qu’il eût jamais rencontrés. Mises vantait les connaissances historiques et théoriques de Bauer ainsi que son talent d’orateur. Il était impressionné en particulier par les capacités d’analyse de Bauer, digne adversaire à ses yeux du vénérable professeur :

10

Le débat qui opposait Bauer à Böhm (le reste de l’auditoire étant à l’arrière-plan) occupa tout ce semestre d’hiver. Les dons du brillant étudiant éclataient en pleine lumière. En portant le coup de grâce à la critique que Böhm avait dirigée contre l’économie politique de Marx, Bauer montra qu’il se posait en digne contradicteur du grand maître [12].

11 On peut douter des propos de Mises lorsqu’il affirme que Bauer, finalement, s’était avoué à lui-même que « la théorie de la valeur du travail était indéfendable ». Mais on peut croire Mises lorsqu’il écrit que Bauer, jeune étudiant, avait déjà pris conscience des problèmes que posait la théorie de la valeur chez Marx. Bauer travaillait assidûment à pallier les faiblesses de la théorie marxienne voire à combler ses lacunes, qu’il percevait fort bien. C’est probablement pourquoi cette anti-critique, qui contestait la lecture critique de Marx par Böhm-Bawerk, fut rédigée non pas, comme cela était initialement prévu, par Bauer lui-même, mais par Rudolf Hilferding.

La nouvelle lecture de Marx par les austro-marxistes

12 La petite communauté de travail des austro-marxistes préconisait une « nouvelle lecture de Marx ». À l’université de Vienne, la lecture critique de Marx, impulsée par la première publication du troisième et jusque-là ultime volume du Capital, battait son plein, de même que le débat portant sur le révisionnisme au sein du parti frère allemand et de l’Internationale. Mais les jeunes marxistes de Vienne étaient intellectuellement autonomes, et le demeurèrent. Ils ne se rallièrent à aucune des écoles engagées dans les polémiques. Ils gardèrent leurs distances tant envers les orthodoxes qu’envers les révisionnistes. Il ne leur vint jamais à l’idée d’attaquer Eduard Bernstein, ni sur le plan personnel, ni sur le plan politique, ni de le qualifier de renégat ou de traitre. Car Bernstein avait sur le principe raison. Il s’agissait pour eux de prendre acte des mutations du capitalisme depuis la mort de Marx et de les expliquer de façon cohérente. Plutôt que de polémiquer contre les supposées hérésies de Bernstein, ils voulaient trouver de meilleures explications que les siennes, qui soient en cohérence avec la théorie de Marx, pour élucider les nouveaux phénomènes. La critique portant sur Bernstein, confuse, mi-figue mi-raisin, leur semblait aussi hâtive que par ailleurs légitiment motivée. Depuis la première publication du premier volume du Capital, quarante années s’étaient écoulées. Depuis lors,

13

le capitalisme, dont ce livre dévoile les lois, (…) [avait] créé un monde nouveau et s’était lui-même complètement transformé. Que sont les filatures de Lancashire, que Marx décrivait dans le premier volume du Capital, face aux entreprises gigantesques de notre industrie sidérurgique, qui combine mines de charbon et hauts-fourneaux, aciéries et laminoirs en un énorme agrégat parfaitement structuré ? Que sont les capitalistes de Marx, qui étendaient leur règne sur quelques centaines d’ouvriers, face aux potentats des cartels et des trusts modernes, qui exercent leur domination sur des secteurs entiers de l’industrie et sur des centaines de milliers d’ouvriers, mais face aussi aux grandes banques modernes auxquelles est assujettie l’industrie de pays tout entiers [13] ?

14 C’est ainsi qu’Otto Bauer, en 1908, formulait la question que s’étaient posée les austro-marxistes. La réponse des austro-marxistes était différente et devait être différente de celles qu’avaient apportées Bernstein et Kautsky (et Rosa Luxemburg). Car les austro-marxistes ne lisaient plus le Capital comme les contemporains de Marx, ni comme Kautsky, Bernstein ou Mehring, toute cette ancienne génération marxiste qui l’avait lu comme un « ouvrage historique ». Certes, Bauer le concéda, c’est ainsi, que les jeunes étudiants eux aussi avaient commencé à le lire : « ce n’était pas une science qu’à l’époque nous découvrions dans le Capital, c’était un pittoresque tableau historique », le récit de « l’histoire sanglante du capitalisme [14] ». Mais les mutations historiques, la déferlante des lectures critiques de Marx à l’université, le marxisme vulgarisateur et sa contrepartie révisionniste ont modifié « la méthode de travail de la jeune génération de l’école marxiste » et complètement renouvelé son approche. Ces jeunes gens se trouvaient dans la nécessité de lire l’œuvre intégrale de Marx. Ils furent les premiers à avoir cette chance de pouvoir, au-delà du seul premier volume, lire d’emblée l’œuvre intégrale de bout en bout, de pouvoir l’étudier dans son intégralité et porter leur travail sur l’ensemble des trois volumes du Capital. Par suite, non seulement ils cessèrent de lire Marx comme une « œuvre historique », mais ils firent par ailleurs une tout autre lecture de l’œuvre complète, y compris du premier volume du Capital. Ils l’appréhendèrent dorénavant comme l’expression d’une nouvelle science sociale qui, « dans l’œuvre de Marx, leur avait fait pour la première fois prendre conscience d’eux-mêmes ». Il s’agissait d’une « science de la société », au sens d’une « science exacte », qu’on ne pouvait concevoir que dans cette acception [15]. Le concept central de cette nouvelle science sociale, qui renvoyait à un système, était le travail socialement nécessaire. Avec cette nouvelle science sociale, l’Histoire serait pour la première fois traitée sur un plan conceptuel, à la manière d’une science exacte, selon les procédés des sciences naturelles mathématiques modernes. En quête de lois, cette science mettrait en rapport les déterminations et modifications qualitatives avec des mutations quantitatives. Le credo des austro-marxistes était le suivant : la théorie de Marx, qui avait trouvé sa forme la plus aboutie dans l’exercice consistant à critiquer l’économie politique, n’est pas une philosophie mais une science sociale, et plus précisément une science exacte soumise à des lois. Marx nous a apporté les première(s) « loi(s) mathématique(s) des mouvements de l’histoire [16] ».

15 Sans nul doute, ce qui occupait une place centrale dans cette lecture était une interprétation de la théorie de la valeur de Marx, que les austromarxistes furent les premiers à développer. Ainsi, dans son anti-critique de la lecture critique de Marx par Böhm-Bawerk, et dans d’autres travaux encore, Rudolf Hilferding en est venu au point crucial : ainsi qu’il l’exprima en 1902 dans une lettre personnelle à Karl Kautsky ce point, « le plus important de l’enseignement de Marx, [était] le fétichisme », dont il voulait rendre compte dans l’intégrité de sa signification [17]. Dans le compte-rendu du livre de Rosenberg sur « Ricardo et Marx comme théoriciens de la valeur », qu’il rédigea peu après, Hilferding se saisissait de cette idée fondamentale chez Marx avec bien davantage d’acuité encore que dans son anti-critique. Selon lui, le questionnement de Marx dans Le Capital est le suivant : « Quelle est la forme de la richesse [18] ? » Au départ, Marx examine le produit du travail sous sa « forme sociale », ce qu’il fait non pas dans une perspective « historico-génétique », au regard des origines et de l’apparition de cette « forme sociale », mais selon une approche théorique. Marx sépare l’économie théorique de l’histoire de l’économie en analysant les formes du rapport social à l’œuvre dans « l’acte social le plus simple, l’échange » et son « substrat matériel, la marchandise (et non le « bien ») [19]. C’est seulement avec l’analyse de cette forme, analyse qui érige alors les valeurs d’usage en marchandise, que Marx en vient à découvrir les faits sociaux à l’œuvre dans le rapport d’échange et qu’il peut alors énoncer la loi du rapport de production qui régit l’ensemble [20]. Otto Bauer argumentait de façon presque similaire : le travail social est la « notion centrale » de la théorie de Marx. Avec l’ « analyse de la marchandise », tout d’abord dans sa Critique de l’économie politique, puis dans Le Capital, Marx a fondé l’économie politique comme une « science sociale détachée de la psychologie et de la biologie [21] ».

16 Bauer mais aussi Hilferding, Renner, Adler et Eckstein, lecteurs minutieux et assidus de Marx, connaisseurs avertis de son œuvre, étaient très conscients du fait que Marx et Engels leur avaient légué non pas un système figé, non pas un « marxisme » qu’il fallait apprendre par cœur et appliquer en l’état, mais un programme de recherche assorti de quelques résultats provisoires. Certes, ils avaient légué une méthode. Mais il était nécessaire au préalable de s’entendre rigoureusement sur cette méthode. Même l’œuvre principale de Marx, Le Capital, était resté à l’état de projet inachevé. Les austro-marxistes savaient par Kautsky, l’un de ceux qui avaient conservé et remanié les manuscrits de Marx et d’Engels, que parmi les volumineux manuscrits de Marx portant sur l’économie nombreux sommeillaient encore quelque part des trésors non publiés. L’enthousiasme emporta les austro-marxistes lorsque Kautsky publia, sous le titre de Théories sur la plus-value, une bonne partie des manuscrits de Marx datant des années 1861-63 et ayant pour thème l’économie. Gustav Eckstein, Rudolf Hilferding et Otto Bauer y décelèrent, à tort, la « dernière partie de l’œuvre », si longtemps attendue, annoncée, le projet de Marx lui-même : « le quatrième volume du Capital[22] ». Mais ils réalisèrent aussi que, malgré les remaniements de Kautsky, il s’agissait seulement de « notes pour mémento », d’un simple travail préalable à cette rédaction, et donc en aucun cas de l’histoire de l’économie politique que Marx avait projeté d’écrire. Certes la publication de ces manuscrits permettait de jeter un regard en profondeur sur l’atelier de Marx. Dorénavant, il était possible et nécessaire de comprendre que la façon dont Marx pratiquait la recherche était complètement différente de la façon dont il exposait ses idées. Dorénavant, de nombreux détails attestaient l’ampleur des emprunts de Marx à ses prédécesseurs. C’est ainsi qu’ont pu être décelées les forces mais aussi les faiblesses de la théorie économique de Marx. Otto Bauer considérait que « la plus grande faiblesse » de cette théorie résidait dans la théorie de la rente foncière, qui renvoyait elle-même à une autre faiblesse : Marx récidivait quelquefois dans des tentatives pour établir entre « valeur et prix un rapport immédiat [23] ». Dans différents comptes rendus critiques, Bauer reconnaissait que dans la version connue à ce jour de la théorie marxienne des problèmes demeuraient en suspens voire avaient été insuffisamment traités par Marx lui-même.

17 Dans ce cadre, ce n’est pas par hasard si les austro-marxistes furent les premiers à prendre l’initiative de publier les œuvres complètes de Marx et d’Engels. Ils réalisèrent ce dessein dans une édition historico-critique destinée à rendre accessible à la recherche, pour la première fois, les nombreux manuscrits non encore publiés des deux auteurs. Les têtes de file du groupe, Max Adler, Otto Bauer, Adolf Braun, Gustav Eckstein, Rudolf Hilferding et Karl Renner, se rencontrèrent à Vienne en janvier 1911 pour discuter du projet d’une édition complète assortie d’un appareil critique et répondant à tous les critères scientifiques. David Rjazanov, futur directeur de l’Institut Marx-Engels de Moscou et directeur scientifique de la première MEGA (édition des œuvres complète des œuvres de Marx et Engels), les avait rejoints [24]. Le projet éditorial de Vienne ouvrit des perspectives à toutes les éditions ultérieures mais ce ne fut qu’un épisode sans suite. Car ni la social-démocratie allemande ni la social-démocratie autrichienne n’étaient en mesure de financer un projet d’une telle ampleur [25].

18 A l’époque où ce projet était en discussion, le groupe de travail des austro-marxistes s’était déjà solidement imposé dans le monde extra-universitaire de la social-démocratie européenne. Avec les Marx-Studien, la revue annuelle éditée par Max Adler et Rudolf Hilferding, qui parut à Vienne à partir de 1904, et avec Der Kampf, la nouvelle revue théorique mensuelle de la social-démocratie autrichienne éditée par Adolf Braun, Otto Bauer et Karl Renner, publiée à partir de 1908, le groupe disposa d’emblée de deux organes de publication remarquables, beaucoup lus et influents. Dans l’éditorial du premier volume des Marx-Studien, fut présenté pour la première fois le programme scientifique du groupe de Max Adler et de Rudolf Hilferding. Ceux-ci ne voulaient mener à bien leur entreprise ni dans une perspective « révisionniste » ni dans une démarche obstinément orthodoxe, qui eût été illusoire eu égard au caractère inachevé, souvent fragmentaire de l’œuvre de Marx. Certes, il s’agissait d’une interprétation. Mais, compte tenu des nombreux textes non encore publiés, des abondantes questions en suspens et des lacunes inhérentes à la théorie de Marx, il s’agissait d’emblée de « recenser et d’étudier à fond, méthodiquement, les enseignements de Karl Marx et de Friedrich Engels, et de mettre à jour leur contenu intégral tout en étant conscient de faire œuvre a posteriori dans le contexte de l’ensemble de leur pensée ». Il s’agissait davantage encore de « poursuivre la constitution » de cet enseignement, de poursuivre le programme de recherche de Marx et d’Engels « en ne cessant de relier les résultats obtenus à l’ensemble du travail philosophique et scientifique déjà réalisé et de les y intégrer [26] ». Aux yeux des austro-marxistes, le marxisme signifiait expressément non pas un « système » achevé mais un programme de recherche, une science sociale qui en grande partie était encore à constituer.

19 C’est dans l’esprit de ce programme qu’ont paru les premiers grands travaux des austro-marxistes dans les Marx-Studien. Dans le premier volume furent publiées la réponse de Hilferding à la lecture critique de Marx par Böhm-Bawerk, ainsi que la grande étude de Karl Renner sur « la fonction sociale des instituts de droit », avec laquelle Renner inaugura une sorte de sociologie du droit. Parut également dans ce premier volume la grande étude de Max Adler portant sur la méthodologie Causalité et téléologie dans la controverse sur la science[27]. Dans le deuxième volume parut, en 1907, La question des nationalités et la social-démocratie d’Otto Bauer. Dans le troisième volume parut, en 1910, Le capital financier de Rudolf Hilferding. L’étude de Gustav Eckstein portant sur la théorie politique, Le marxisme dans la praxis, parut à titre posthume seulement en 1918, dans le quatrième volume. Dans ce quatrième volume parut également « Marxisme et guerre », de Karl Kautsky, une critique circonstanciée du livre de Karl Renner, Marxisme, guerre et Internationale, dans lequel Renner en 1917 avait tenté de développer l’idée d’une émergence de mutations du capitalisme pendant et du fait de la Première Guerre mondiale. Selon Renner, la guerre mondiale et l’économie de guerre pilotée par l’État avaient considérablement accéléré, dans tous les États belligérants, les tendances à la « capitalisation » du monde, inévitablement suivie d’une « étatisation » du capitalisme. Kautsky conteste cette thèse. De même qu’à l’époque de la controverse autour du révisionnisme, il s’agissait là encore de l’interprétation des évolutions les plus récentes du capitalisme en Europe et dans le monde [28]. L’argumentation de Renner est en parfaite concordance avec le programme initial des austro-marxistes. Quant à Hilferding et Bauer, ils livrent souvent une interprétation différente des nouveaux phénomènes enregistrés par Renner. Mais ce n’est pas un hasard si tous les trois abandonnent au vieux père du marxisme qu’était Kautsky le soin de défendre le point de vue « orthodoxe ».

20 Après la révolution autrichienne, puis l’instauration de la première république autrichienne, les austro-marxistes tentèrent à nouveau de réaliser leur projet d’une communauté de chercheurs marxistes indépendante, réceptive à toutes les avancées scientifiques et désireuse d’apprendre tant au plan théorique qu’au plan de la réalité empirique. Ils projetaient de fonder à Vienne un institut d’études et de recherche sur le modèle du Musée social parisien. Il était prévu à cet effet de réunir plusieurs bibliothèques en un seul lieu. Karl Kautsky était pressenti pour diriger cet institut. Carl Grünberg et Otto Bauer lui proposèrent ce poste dans l’espoir tacite que si Kautsky en était le directeur ils auraient un accès direct aux œuvres posthumes de Marx et d’Engels que renfermaient les archives du parti conservées par le parti social-démocrate d’Allemagne. À l’instar du projet de publication viennois, le projet d’un « Institut de recherches sur l’histoire du socialisme et du mouvement ouvrier » échoua faute d’argent : ni la social-démocratie autrichienne ni la ville de Vienne n’étaient en mesure de le financer [29].

Questions de méthode

21 Rien de plus éloigné de leur démarche que la fameuse formule de Rosa Luxemburg (qui a valu à celle-ci quelque notoriété grâce à Georg Lukács), selon laquelle la méthode de Marx demeurait juste et valide en toute circonstance, y compris si tous les résultats déduits de cette méthode devaient s’avérer indéfendables. De telles idées ne viennent à l’esprit qu’à des philosophes [30].

22 Bien entendu, les austro-marxistes connaissaient bien la querelle des méthodes qui avait opposé Gustav von Schmoller, tête de file de l’École historique allemande, à Carl Menger, porte-parole de l’école autrichienne. Étant donné qu’ils ne considéraient pas le marxisme comme une philosophie, mais comme une science, une science sociale rigoureuse, et même exacte, sur le modèle des sciences naturelles mathématiques, le rapport entre la « pure théorie » et l’expérience, voire l’histoire, devait nécessairement leur poser un problème. Max Adler (lors du débat autour de l’adoption d’un nouveau programme pour le parti) avait donné le ton : selon lui, la théorie de Marx se caractérisait par le fait que celui-ci s’était donné pour mission « une pure exploration des lois de la production capitaliste. Ainsi, ce qu’il avait découvert dans cette direction n’avait de valeur que pour le seul et pur capitalisme en soi et donc, à l’instar de celui-ci, n’existait naturellement que dans l’abstraction ». Mais, soulignait Adler, « ceci est la voie générale et unique que prend toute science qui cherche à se constituer comme science exacte. Cette science ne peut parvenir aux lois de son objet que si elle isole celui-ci dans la pensée abstraite, c’est-à-dire si elle l’appréhende purement [31] ». Mais dans la mesure où, pour les austro-marxistes, il s’agissait justement de définir conceptuellement le capitalisme en évolution avec ses mutations et les formes qu’il avait pu prendre au cours de ce processus, il était inéluctable que le rapport entre la pure théorie et l’explication historique de phénomènes historiques leur posât un problème. Comment une théorie générale de l’Histoire peut-elle être possible ? Comment sont possibles les théories générales, donc des lois générales concernant les phénomènes d’une époque historique donnée, celle par exemple du capitalisme ? Max Adler se montrait critique vis-àvis de la tentative de Sombart qui pensait « ‘réconcilier théorie abstraite et expérience concrète’ en pensant le déploiement historique du capitalisme moderne comme une genèse causale ». Selon Adler, le Capitalisme moderne de Sombart, malgré toutes les révérences tirées à Marx, n’était pas une théorie du capitalisme mais une histoire économique parfaitement tributaire de l’historisme allemand [32]. C’était une régression dans l’économie politique classique qui, certes, avait été la première, « dans un des domaines les plus embrouillés de l’événementiel social, à montrer qu’une méthode susceptible de dégager de vraies lois était possible [33] ». Les austro-marxistes voyaient dans la théorie économique de Marx, qui avait vu le jour comme critique de l’économie politique classique, et qui avait donc dépassé l’horizon de l’approche classique, la première tentative réussie d’une science sociale exacte ayant dégagé des lois générales reposant sur des fondements mathématiques.

23 Mais le problème du lien entre la théorie générale marxienne, qui portait sur le « pur » capitalisme, et l’étude de tendances historiques en évolution, donc l’appréhension théorique de l’histoire du capitalisme au moyen de « lois du mouvement de l’Histoire », demeura insuffisamment clarifié. C’est pourquoi les austro-marxistes en vinrent à s’affronter dans une sorte de querelle des méthodes, dont Adler et Bauer furent les protagonistes.

24 Selon Otto Bauer, qui rendait hommage rétrospectivement à son professeur Carl Grünberg, celui-ci avait « associé la méthode de l’école historique allemande à la conception de l’Histoire marxienne ». D’après Bauer, c’est ainsi que Grünberg avait fait contrepoids au règne absolu de la « pure » théorie telle qu’elle était prêchée par l’école autrichienne de Carl Menger. Grünberg avait donc conjuré le « danger d’un intérêt exclusif pour ces concepts abstraits : ceux-ci pouvaient tout au plus servir d’outils pour traiter les données factuelles mais ne pouvaient en aucun cas remplacer l’étude de ces données elles-mêmes [34] ». L’apport majeur du scientifique qu’était Grünberg avait été, selon Bauer, de « tisser le lien intellectuel » entre les faits historiques en recourant à la « grande conception de l’histoire de Marx ». C’est ce que, dixit Bauer, Grünberg avait enseigné à ses élèves [35].

25 Pour trouver le lien entre la théorie générale, « pure », du capitalisme et une « théorie du capitalisme en évolution » susceptible d’être exploitée par des études historiques, les austro-marxistes durent se lancer dans l’étude de la dialectique telle que l’entendait Marx (et Engels). Otto Bauer donna le ton en se référant à la critique de la dialectique hégélienne souvent formulée dans le Capital. Selon Bauer, Marx avait effectivement « imité » la méthode hégélienne et s’était « servi de la terminologie de Hegel pour décrire sa propre façon de travailler ». Ce faisant, il avait élagué cette méthode de « son caractère ontologique ». Selon Bauer, il était possible de s’entendre sur les particularités de la méthode dialectique de Marx. En faire « une description détaillée » en s’appuyant sur le Capital « serait une attrayante mission ». Mais cette méthode n’était pas une ontologie [36]. Max Adler suivait Bauer assez loin dans cette direction. Dans sa réflexion sur la dialectique, il souligne le caractère purement « méthodologique » de celle-ci et s’oppose à toute « ontologisation ». Selon lui, il faut comprendre la dialectique de Marx uniquement comme une démarche méthodologique, sans créer de confusions avec la réalité concrète des antagonismes sociaux. La dialectique concerne uniquement la pensée, non pas la nature, et non pas la société [37]. Karl Renner et Otto Bauer étaient en désaccord avec lui. Selon eux, Adler n’avait pas tiré au clair la spécificité de la méthode marxienne. De leur point de vue, ce n’était justement pas en passant par des considérations philosophiques qu’on trouverait la solution, mais seulement par l’étude de la théorie économique de Marx : « La clé du problème réside dans l’examen approfondi et détaillé de la méthode à l’œuvre dans Le Capital[38] ». Toutefois, Otto Bauer lui non plus n’a pas réalisé le travail qu’il préconisait : ni une philologie de Marx ni l’interprétation méthodologique d’un texte n’étaient son affaire.

26 Pour s’assurer de faire une lecture correcte de la méthode marxienne, les austro-marxistes pensaient qu’il leur fallait étudier les sciences naturelles mathématiques de leur époque et la philosophie des sciences s’appuyant sur ces dernières. Ils étudièrent assidûment les écrits méthodologiques de Mach [39]. Max Adler, surtout, à partir de 1904, dans de nombreux écrits, défendit résolument la conception d’un marxisme comme science sociale n’ayant rien à voir avec un quelconque « matérialisme », quel qu’il fut. À ses yeux, cette science n’avait aucunement besoin d’un fondement philosophique, elle n’avait besoin tout au plus que d’une théorie de la science et de la connaissance qui fût au fait des sciences sociales et de l’Histoire. La plus grande réussite des austro-marxistes fut l’approbation en personne du vieux maître Karl Kautsky : pour celui-ci aussi, le « marxisme » n’était pas une philosophie mais bien une science sociale historique [40].

27 Toujours sur le plan méthodologique, les austro-marxistes croyaient qu’étudier l’économie marxienne ne suffisait pas : il était nécessaire d’étudier aussi l’économie universitaire, « bourgeoise ». Ils s’intéressèrent tout d’abord à l’école autrichienne [41]. Au lieu de s’attacher à une critique de la méthode et de plaider pour la seule et unique bonne « méthode de l’économie politique », celle de Marx, ils développèrent une critique théorique immanente.

28 Gustav Eckstein avait proposé dès 1902 une critique de la théorie de l’utilité marginale. Mais d’un point de vue strictement immanent, cette critique, émise sur le ton de la satire, n’avait pas montré l’existence de contradictions et de problèmes susceptibles d’être résolus. Par ailleurs, la démonstration d’Eckstein indiquait que cette théorie n’était pas pertinente pour des études portant sur les économies de marché voire sur le capitalisme moderne [42]. Helene Bauer poursuivit ce travail critique des austro-marxistes lorsque les penseurs de la théorie de l’utilité marginale se furent eux-mêmes heurtés aux limites logiques immanentes à leur propre théorie. Le « problème d’imputation », connu depuis longtemps mais non résolu dans le cadre de cette théorie, constituait à ses yeux la raison de la « faillite » de cette théorie [43]. Otto Bauer faisait partie (aux côtés d’Eduard Bernstein et de Conrad Schmidt) des rares économistes marxistes qui entendaient n’accorder à la théorie de l’utilité marginale qu’une valeur limitée dans l’approche de la connaissance. Toutefois, Bauer la considérait non pas comme une théorie alternative à la théorie de la valeur de Marx, mais plutôt comme une théorie pouvant éventuellement compléter la théorie des prix. Selon Otto Bauer, cette théorie pouvait être bien utile dans l’analyse des modifications de la demande, pour expliquer par exemple les courbes de la demande. Mais en tant que théorie de la valeur, selon Bauer, elle n’avait aucune utilité : sur ce point, « l’utilité marginale de la théorie de l’utilité marginale » n’avait qu’une valeur minime. Et elle n’avait pas davantage d’utilité comme critique de la théorie de la valeur marxienne [44].


Date de mise en ligne : 05/10/2016

https://doi.org/10.3917/amx.060.0121

Notes

  • [1]
    Bauer Otto, « Austromarxismus », Arbeiter-Zeitung, Vienne, 3 novembre 1927 ; rééd. in Bauer Otto, Werksausgabe, vol. 8, Vienne, Europa-Verlag, 1980, pp. 11-14 (citations ici pp. 11-12). Ci-après, Werkausgabe sera cité ainsi : OBW, numéro du volume, numéro de page.
  • [2]
    Marxistische Probleme. Beiträge zur Theorie der materialistischen Geschichtsauffassung und Dialektik : sous ce titre Max Adler a publié en 1913 un recueil d’essais (Stuttgart, J. H. Dietz Nachf, 1913).
  • [3]
    Adler Max, Die Anfänge der merkantilistischen Gewerbepolitik in Österreich, Vienne et Leipzig, Franz Deuticke, 1903.
  • [4]
    Cf. Hilferding Rudolf, Das Finanzkapital. Eine Studie über die jüngste Entwicklung des Kapitalismus, Vienne, Verlag der Wiener Volksbuchhandlung, 1910 (publié simultanément dans le volume III des Marx-Studien).
  • [5]
    C’est ainsi que John E. King caractérise l’essai de Bauer de 1913 sur l’accumulation du capital (cf. King John E., « Otto Bauer. The Accumulation of Capital », History of Political Economy, Vol. 18, 1986, n° 1, pp. 87-110).
  • [6]
    Cf. Eckstein Gustav, « Zur Methode der politischen Ökonomie », Die Neue Zeit. Wochenschrift der deutschen Sozialdemokratie, 28. J.-G. (1909-10), volume I (1910), pp. 324-332, 367-375, 489-497. Au sujet du Japon, cf. la série d’articles sur le mouvement ouvrier dans le Japon moderne dans Die Neue Zeit. Wochenschrift der deutschen Sozialdemokratie, 22. J.-G. (1903-04), volume I (1904), Cahier 16, pp. 494-501, Cahier 17, pp. 532-540, Cahier 18, pp. 577-581, Cahier 19, pp. 598-603, Cahier 21, pp. 665-673. Enfin son étude sur l’histoire du droit familial japonais, qui est aussi une analyse de l’histoire de l’État et de la société au Japon depuis les réformes des Meiji : Eckstein Gustav, Die Entwicklung des japanischen Familienrechts, Stuttgart, Verlag Paul Singer, 1908.
  • [7]
    Sa thèse sur la théorie de la valeur chez Marx et Lassalle, fut publiée une seconde fois en 1910 dans les Marx-Studien.
  • [8]
    Landau Helene, Die Entwicklung des Warenhandels in Österreich, Vienne et Leipzig, Braumüller, 1906.
  • [9]
    La littérature traitant de l’austro-marxisme et de la théorie économique n’est guère abondante. Dans son livre sur « l’environnement de l’austro-marxisme », Ernst Glaser fut le premier à tenter de rendre compte, au regard de l’économie politique, des relations qui existaient entre le noyau du groupe et son environnement élargi. Cf. Glaser Ernst, Im Umfeld des Austromarxismus. Ein Beitrag zur Geistesgeschichte des österreichischen Sozialismus, Vienne – Munich - Zurich, Europa Verlag, 1981, pp. 209-258.
  • [10]
    Seul Friedrich Adler, qui faisait partie du noyau des austro-marxistes, fit des études de mathématiques et de physique, du reste à Zurich, non à Vienne.
  • [11]
    Sur Carl Grünberg, considéré, aux côtés de Viktor Adler, comme le père fondateur le plus important aux yeux des austro-marxistes, voir Nenning Günter, « Biographie C. Grünberg », Archiv für Geschichte des Sozialismus und der Arbeiterbewegung, 1973, pp. 1-214 (introduction à la réimpression de la collection de la revue).
  • [12]
    Von Mises Ludwig, Erinnerungen, Stuttgart/New York, Gustav Fischer Verlag, 1978, p. 11 et p. 24.
  • [13]
    Bauer Otto, Die Geschichte eines Buches (OBW, 7) ; publié une première fois en 1907.
  • [14]
    Ibidem, p. 927.
  • [15]
    Ibidem, p. 931 et 932.
  • [16]
    Ibidem, pp. 936-937.
  • [17]
    Hilferding Rudolf, « Brief an Karl Kautsky vom 23. April 1902 », Karl Kautsky Archives, IISG (Amsterdam), KDXII 580.
  • [18]
    Hilferding Rudolf, « Zur Problemstellung der theoretischen Ökonomie bei Karl Marx », Die Neue Zeit. Wochenzeitschrift der deutschen Sozialdemokratie, 23 Jg. (1904/05), volume I (1905), Cahier 4, p. 103.
  • [19]
    Ibidem, pp. 107-109.
  • [20]
    Ibidem pp. 110-111.
  • [21]
    Bauer Otto, « Marx und Darwin » (1908), OBW, 8, pp. 198-200.
  • [22]
    Bauer Otto, « Theorien über den Mehrwert » (1910), OBW, 8, p. 365.
  • [23]
    Ibidem, pp. 373-374.
  • [24]
    Au sujet de David Rjazanov voir Külow Volker et Jarolawski André (dir.), David Rjazanov. Marx-Engels-Forscher, Humanist, Dissident, Berlin, Dietz Verlag, 1993.
  • [25]
    Voir à ce sujet Langkau Götz, « Marx-Engels-Gesamtausgabe - dringendes Parteiinteresse oder dekorativer Zweck ? Ein Wiener Editionsplan zum 30. Todestag, Briefe und Briefauszüge », International Review of Social History, vol. 28, 1983, pp. 105-142.
  • [26]
    Adler Max et Hilferding Rudolf, « Vorwort », Marx-Studien, I, 1904, p. V.
  • [27]
    Le travail de Karl Renner, aujourd’hui et depuis longtemps un classique de la théorie du droit et de la sociologie du droit, parut en 1929 dans une deuxième édition augmentée.
  • [28]
    Cf. Renner Karl, Marxismus, Krieg und Internationale, Stuttgart, J.H.W. Dietz Nachf., 1917.
  • [29]
    S’exprimant sur ce sujet, les lettres de Carl Grünberg et d’Otto Bauer à Karl Kautsky, écrites entre septembre 1919 et fin janvier 1920, se trouvent dans les archives de Kautsky à l’IISG (Amsterdam).
  • [30]
    Cf. Lukács Georg, Geschichte und Klassenbewusstsein. Studien über revolutionäre Dialektik, Berlin, Malik Verlag, 1923, p. 13.
  • [31]
    Adler Max, « Zur Revision des Parteiprogramms », Arbeiter-Zeitung, 22 octobre 1901, p. 7.
  • [32]
    Adler Max, « Sombart, Historische Sozialtheorie », Die Neue Zeit. Wochenzeitschrift der deutschen Sozialdemokratie, 21. J.-G. (1902-1903), I. Band (1903), Cahier 18, pp. 557-560.
  • [33]
    Adler Max, « Kausalität und Teleologie im Streite um die Wissenschaft », Marx-Studien, 1904, I, p. 229.
  • [34]
    Bauer Otto, « Sozialismus und Wirtschaft », OBW, 6, pp. 602-603 (1924).
  • [35]
    Ibidem, p. 603.
  • [36]
    Bauer Otto, « Die Geschichte eines Buches », op. cit., p. 934.
  • [37]
    Adler Max, Marxistische Probleme. Beiträge zur Theorie der materialistischen Geschichtsauffassung und Dialektik, Berlin – Bonn, J.H.W. Dietz, 1974, p. 36, 39 et 77 (1922).
  • [38]
    Bauer Otto, « Marx-Literatur », Der Kampf. Sozialdemokratische Monatsschrift, 1912-1913, IV, p. 334.
  • [39]
    Karl Marx, dans l’ultime décennie de sa vie, lorsqu’il s’intéressa aux progrès des sciences naturelles de son époque, avait lui aussi pris connaissance du livre de Ernst Mach L’histoire et la racine du principe de conservation du travail (cf. Marx Karl, cahier II, janvier-octobre 1875, RC, Signatur f.1, d. 3601, IISG).
  • [40]
    Cf. Kautsky Karl, « Ein Brief über Marx und Mach », Der Kampf. Sozialdemokratische Monatsschrift, 1908-1909, II, pp. 451-452.
  • [41]
    Cf. Chaloupek Günter, « Marxistische Kritik an der Österreichischen Schule » in Leser Norbert (dir.), Die Wiener Schule der Nationalökonomie, Wien – Köln – Gratz, Böhlau, 1986, pp. 195-221.
  • [42]
    Eckstein Gustav, « Die vierfache Wurzel des Satzes vom unzureichenden Grunde der Grenznutzentheorie. Eine Robinsonade », Die Neue Zeit. Wochenzeitschrift der deutschen Sozialdemokratie, 20. J.-G. (1901-02), 2. Band (1902), pp. 810-816.
  • [43]
    Cf. Bauer Helene, « Bankrott der Grenzwerttheorie », Der Kampf. Sozialdemokratische Monatsschrift, 17, 1924, pp. 105-113.
  • [44]
    Cf. Bauer Otto, Einführung in die Nationalökonomie, OBW, 4, pp. 892-897. Dans la seule parution contemporaine portant sur la critique marxiste de la théorie de l’utilité marginale, les austro-marxistes ne sont pratiquement pas mentionnés. C‘est Nikolaï Boukharine, dont L’économie politique du rentier voit le jour pendant l’émigration de son auteur à Vienne, qui y apparait comme le principal représentant de la critique marxiste (cf. Leo Köppel, Grenznutzentheorie und Marxismus, Leipzig und Wien, Franz Deuticke, 1930).

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