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Article de revue

Le Marx hérétique de Michel Henry : fulgurances et écueils d'une lecture philosophique

Pages 132 à 143

Notes

  • [1]
    Henry Michel, Marx, Paris, Gallimard, « TEL », 1991, 2 tomes.
  • [2]
    Sur l’actualité de l’œuvre philosophique de Michel Henry, voir notamment Gély Raphaël, Rôles, action sociale et vie subjective. Recherches à partir de la phénoménologie de Michel Henry, Bruxelles, P.I.E./Peter Lang, « Philosophie & Politique », 2007.
  • [3]
    Henry Michel, Marx, op. cit., tome 1, p. 9.
  • [4]
    Ibidem, p. 17.
  • [5]
    Sur la notion de « logiciel » collectiviste, voir Philippe Corcuff, La Gauche est-elle en état de mort cérébrale ?, Paris, Textuel, « petite Encyclopédie Critique », 2012, pp. 45-48. J’ai moi-même longtemps circulé sur les rails « collectivistes » avec évidence dans la lecture de Marx. Je n’ai découvert le livre de Michel Henry qu’en 1994. Je revenais à Marx, alors que ma formation sociologique avait été principalement marquée par deux courants : d’abord, la sociologie critique développée par Pierre Bourdieu, puis la sociologie pragmatique amorcée par Luc Boltanski et Laurent Thévenot. La lecture du livre de Michel Henry fut un choc, mais un choc qui mit quelques années à incuber et à avoir des effets significatifs sur le déplacement de mes objets de recherche. Ce n’est qu’au début des années 2000 que le statut de l’individualité dans les sociétés capitalistes-individualistes contemporaines deviendra un de mes principaux thèmes de recherche en sociologie et que la question de l’individualité deviendra aussi un thème de questionnement pour ma deuxième casquette universitaire, la philosophie politique. Le contact avec l’œuvre de Michel Henry s’est approfondi après 1995. Tout d’abord, Michel Henry a prononcé le 20 janvier 1996 à la Sorbonne une conférence sur « Marx après le marxisme ? », à l’invitation du Club de réflexions sociales et politiques Maurice Merleau-Ponty, dont j’étais un des animateurs. Ensuite, je réalisai le 24 juin 1996, avec la philosophe phénoménologue Natalie Depraz, un long entretien avec Michel Henry. Des extraits de cet entretien ne furent publiés qu’en avril 2006, dans le n° 16 de la revue ContreTemps, sous le titre « Un Marx méconnu : la subjectivité individuelle au cœur de la critique de l’économie politique ».
  • [6]
    Mes critiques seront donc distinctes de celles avancées par Vincent Houillon, à partir de la démarche philosophique de la « déconstruction » de Jacques Derrida, dans « Restitution de Marx. Lectures croisées de Michel Henry et Jacques Derrida », Actuel Marx, n° 54, 2e semestre 2013, pp. 158-172.
  • [7]
    Henry Michel, Marx, op. cit., tome 1, p. 30.
  • [8]
    Ibidem, p. 479.
  • [9]
    Ibidem, tome 2, p. 70.
  • [10]
    Ibidem, p. 332.
  • [11]
    Ibidem, p. 322.
  • [12]
    Ibidem, p. 361.
  • [13]
    Ibidem, pp. 20-21.
  • [14]
    Ibidem, tome 2, p. 23.
  • [15]
    Ibidem, p. 33.
  • [16]
    Marx Karl, Engels Friedrich, L’Idéologie allemande, Œuvres III, éd. établie par M. Rubel, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1982, p. 1209.
  • [17]
    Ibidem, pp. 1209-1210.
  • [18]
    Henry Michel, Marx, op. cit., tome 2, p. 99.
  • [19]
    Ibidem, p. 286.
  • [20]
    Marx Karl, Le Capital, Livre I, Œuvres I, éd. établie par M. Rubel, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1965, p. 549.
  • [21]
    Henry Michel, Marx, op. cit., tome 2, pp. 220-232.
  • [22]
    Ibidem, p. 291.
  • [23]
    Ibidem, p. 478.
  • [24]
    Ibidem, tome 1, p. 223.
  • [25]
    Ibidem, p. 229 : « L’irréductibilité des conditions personnelles, le fait que le seul rapport susceptible de s’instituer entre elles est un rapport de similitude et non d’identité, qu’il n’y a jamais une condition sociale se retrouvant identique à elle-même chez un grand nombre de personnes. »
  • [26]
    Ibidem, pp. 237-238.
  • [27]
    Sur la notion de « jeu de langage », voir Wittgenstein Ludwig, Recherches philosophiques (manuscrit de 1936-1949), Paris, Gallimard, 2004, partie 1, § 23, p. 39 ; sur la notion dérivée de « jeu de connaissance », voir Atlan Henri, À tort ou à raison. Intercritique de la science et du mythe, Paris, Seuil, 1986, pp. 271-293.
  • [28]
    Voir notamment Corcuff Philippe, « Individualité et contradictions du néocapitalisme », SociologieS (revue en ligne de l’AISLF), 22 octobre 2006, http://sociologies.revues.org/document462.html.
  • [29]
    Boltanski Luc, Chiapello Ève, Le Nouvel esprit du capitalisme, Paris, Gallimard, 1999.
  • [30]
    Henry Michel, Marx, op. cit., tome 1, p. 193.
  • [31]
    Ibidem, p. 272.
  • [32]
    Menger Pierre-Michel, Portrait de l’artiste en travailleur. Métamorphoses du capitalisme, Paris, Seuil, « La République des Idées », 2002, p. 16.
  • [33]
    Idem.
  • [34]
    Henry Michel, Marx, op. cit., tome 1, p. 274.
  • [35]
    Ibidem, p. 278.
  • [36]
    Voir Marcuse Herbert, L’Homme unidimensionnel, Paris, Minuit, « Arguments », 1968.
  • [37]
    Pour des passages entre Wilde et Foucault sur ce plan de « la construction de soi comme œuvre d’art », voir Eribon Didier, Réflexions sur la question gay, Paris, Fayard, 1999.
  • [38]
    Marx Karl, Engels Friedrich, L’Idéologie allemande, op. cit., p. 1182.
  • [39]
    Henry Michel, Marx, op. cit., tome 1, p. 27 : « L’unicité du projet philosophique de Marx est ce qui confère à l’œuvre entière, et pas seulement à l’œuvre philosophique, son extraordinaire unité. »
  • [40]
    Idem.
  • [41]
    Foucault Michel, L’Archéologie du savoir, Paris, Gallimard, 1969.
  • [42]
    Foucault Michel, « Qu’est-ce qu’un auteur ? », Dits et écrits I, 1954-1975, Paris, Gallimard, « Quarto », 2001, pp. 817-849.
  • [43]
    Foucault Michel, L’Archéologie du savoir, op. cit., p. 32.
  • [44]
    Ibidem, p. 36.
  • [45]
    Idem.
  • [46]
    Ibidem, p. 37.
  • [47]
    Dardot Pierre, Laval Christian, Marx, prénom : Karl, Paris, Gallimard, 2012.
  • [48]
    Ibidem, p. 11.
  • [49]
    Ibidem, p. 19.
  • [50]
    Henry Michel, Marx, op. cit., tome 1, p. 10.
  • [51]
    Ibidem, p. 11.
  • [52]
    Ibidem, tome 2, p. 119.
  • [53]
    Ibidem, tome 1, p. 189.
  • [54]
    Ibidem, tome 2, p. 118.
  • [55]
    Ibidem, tome 1, p. 108.
  • [56]
    « Mais l’essence de l’homme n’est pas une abstraction inhérente à l’individu isolé. Dans sa réalité, elle est l’ensemble des rapports sociaux. » Cité dans Corcuff Philippe, Marx xxie siècle. Textes commentés, Paris, Textuel, « Petite Encyclopédie Critique », 2012, p. 64.
  • [57]
    Henry Michel, Marx, op. cit., tome 1, p. 318.
  • [58]
    Voir Corcuff Philippe, Les Nouvelles sociologies. Entre le collectif et l’individuel, Paris, Armand Colin, 3ème éd., 2011.
  • [59]
    Cité dans Corcuff Philippe, Marx xxie siècle, op. cit., p. 65.

1En 1976, paraissait chez Gallimard le Marx de Michel Henry en deux tomes, intitulés respectivement Une philosophie de la réalité pour le premier et Une philosophie de l’économie pour le second [1]. Michel Henry (1922-2002) n’était pas un philosophe se revendiquant du marxisme ; il s’inscrivait dans le cadre de la phénoménologie [2]. Il lance d’ailleurs, de manière provocatrice, dès les premières lignes de son introduction : « Le marxisme est l’ensemble des contresens qui ont été faits sur Marx [3]. » Ce qu’il appelle, quelques pages plus loin, « la chute de la pensée de Marx dans le positivisme scientiste [4] ». Michel Henry a commencé à travailler sur Marx en 1965, pour redéployer l’ensemble de l’œuvre de celui-ci autour de la question de la subjectivité individuelle. À sa sortie, le livre important qui résulte de ce travail n’a presque pas été discuté par les différentes catégories de marxistes encore prépondérantes dans l’université française. Il faut dire que, en dehors de quelques vues plus marginales, ce que l’on peut appeler « le logiciel collectiviste », faisant prédominer le collectif sur l’individuel tant sur le plan de la critique sociale que de l’émancipation, était hégémonique, et l’est encore, parmi les auteurs se réclamant du marxisme comme, plus largement, parmi les gauches dominantes [5].

2Or, le livre de Michel Henry offre un site intéressant de dialogue critique entre les sciences sociales et la philosophie. Deux axes pourraient alors être mis en tension : 1) la contribution du Marx de Michel Henry, encore assez largement méconnu dans les milieux marxistes et plus largement dans les réseaux militants critiques, à une renaissance intellectuelle de Marx ; 2) des vues critiques venant de la sociologie quant à certains présupposés en jeu dans une approche exclusivement philosophique [6]. Le sociologue ne doit pas hésiter à lancer ses pieds mondains dans une série de flaques d’évidences propres à la lecture philosophique menée par Michel Henry. La philosophie a souvent prétendu avec arrogance tenir entre ses mains pures « les conditions de possibilité » des disciplines « bassement » empiriques constituées par les sciences sociales. Dès lors, il n’est pas étonnant que le sociologue, en retour, se comporte en garnement s’efforçant d’éclabousser la blancheur philosophique. Cet article aura donc deux faces : dans la première partie, il admirera les fulgurances du Marx hérétique de Michel Henry, en en tirant des pistes renouvelées pour l’enquête sociologique comme pour une philosophie politique de l’émancipation ; dans la seconde partie, il jouera le jeu d’un garnement sociologique pointant des écueils dans la lecture de Marx par Michel Henry.

Fulgurances de Michel Henry : apports pour la critique sociologique et la philosophie de l’émancipation

3Arrêtons-nous d’abord sur le choc Michel Henry, sous l’angle de la critique sociale comme de l’émancipation. Michel Henry indique dès le départ de son livre que c’est « l’élément subjectif de la praxis individuelle, [qui] seul fonde la valeur et rend compte du système capitaliste [7] ». Et il précise par la suite : « Sur le fond d’une phénoménologie radicale de la vie individuelle et de sa pratique quotidienne, l’économie, la théorie de l’économie, et sa critique, sont possibles [8]. » Selon Henry, « l’interprétation de l’économie comme aliénation de la vie est un thème constant de la pensée de Marx [9] », dans le sens où il y aurait dans la vie une « hétérogénéité radicale à l’économie [10] ».

4Le thème marxien de la praxis dans les Thèses sur Feuerbach (1845) donne à sa conception de l’individualité une tonalité anti-intellectualiste, dans laquelle les familiers du Sens pratique (1980) de Pierre Bourdieu trouveront des résonances convergentes. Henry écrit ainsi : « Agir ce n’est pas intuitionner, ce n’est pas voir, ce n’est pas regarder ». [11] Et d’ajouter : « Il apparaît que le monde offert au regard de la théorie ne procède pas d’elle ». [12]

5Faire de la subjectivité individuelle le cœur de l’œuvre de Marx, contre nombre de marxistes, appelle à revenir au débat Marx/Stirner. Avec L’Unique et sa Propriété (1845), Max Stirner a incarné, pour nombre de ces marxistes, le pôle d’un individualisme faisant l’objet d’une critique sociale radicale par Marx et Engels dans L’Idéologie allemande (1845-1846). À rebours de cette lecture traditionnelle, Henry perçoit bien que ce sont plutôt deux individualismes qui s’opposent là. Il parle ainsi de « la définition de l’individu réel par opposition au concept idéologique de l’individu qu’on trouve chez Stirner [13] ». « Comment l’individualisme stirnerien manque-t-il l’individu pour le remplacer par les abstractions de la philosophie allemande [14] ? », demande-t-il. Et de préciser que « tout l’effort philosophique de Marx a été de substituer au concept idéologique traditionnel de l’individu défini par sa conscience, c’est-à-dire par la façon dont il se représente les choses, le concept de l’individu réel défini par sa praxis [15] ».

6Si on revient alors au texte de L’Idéologie allemande, un passage apparaît particulièrement significatif, qui pourrait échapper à notre attention si Henry ne nous dessillait pas les yeux :

7

C’est parce que la pensée est la pensée de tel individu déterminé qu’elle reste sa pensée à lui, déterminée par son individualité et les circonstances où il vit [16].

8Marx et Engels reprochent ici à Stirner de penser insuffisamment la singularité de chaque individualité au nom de l’unicité trop vide d’une catégorie générale de « moi ». Au moi indéterminé, passe-partout, de Stirner, Marx et Engels opposent en quelque sorte un moi concret, doté de déterminations puisées dans l’expérience singulière de l’individu. Ils pointent alors chez Stirner la pensée d’une « particularité ‘en soi’ » opposée à la particularité de tel individu, « la sienne propre, déterminée de façon particulière » [17].

9La critique du « moi » stirnerien avancée par Marx et Engels a des proximités avec celle que nous pourrions adresser aujourd’hui à la figure de « l’homo œconomicus » du libéralisme économique ou à la conception de « l’individu » propre à l’individualisme méthodologique dans les sciences sociales. D’ailleurs, c’est dans ce sens convergeant avec de telles critiques qu’Henry critique « l’utilitarisme » :

10

La prétention de réduire tous les rapports intersubjectifs au seul rapport d’utilisation, au terme duquel j’utilise chaque fois l’autre en vue de mon intérêt. Réduction illusoire, puisqu’elle substitue à la diversité des relations vivantes s’exprimant dans les actes concrets de la parole, de l’amour, etc., un rapport monotone, général, abstrait et qui prétend les subsumer toutes également [18].

11L’approche subjectiviste privilégiée par Michel Henry fait aussi son miel des catégories critiques de l’économie politique chez Marx. Par exemple, « le capital variable » renverrait au « travail vivant », à « la praxis vivante », à « la subjectivité vivante », alors que « le capital constant » renverrait au « travail mort », à « l’objectivité » qui échapperait à la subjectivité et la dominerait [19]. « Le mort saisit le vif ! », écrit Marx dans la préface à la première édition du Livre I du Capital (1867) [20]. De manière analogue, « la valeur d’usage » renverrait à la praxis individuelle et « la valeur d’échange » à ce qui lui échappe [21]. Et « toute plus-value provient de la subjectivité vivante et d’elle seule [22] ». En ce sens, la critique marxienne est envisagée comme une critique de toute économie politique, y compris une économie politique socialiste [23].

12Cette perspective éclaire également d’une lumière nouvelle la question des classes sociales. Tout d’abord, Michel Henry note :

13

Les classes elles-mêmes, à vrai dire, entre lesquelles joue la contradiction, ne sont rien d’autre que des déterminations particulières de la vie [24].

14L’insertion des classes dans « la vie » est alors individualisée. Comment, partant, penser une condition de classe ? La piste de la similarité remplace les mythologies habituelles de l’identité [25]. Mais que fait Michel Henry, dans ce cadre, de l’existence proprement politique des classes ? Il écrit à propos des textes « historico-politiques » de Marx :

15

Qu’une classe acquière une signification politique veut dire : parmi toutes ces déterminations par essence individuelles on doit reconnaître maintenant l’existence d’une détermination nouvelle, à savoir une visée du général en tant que tel, la conscience d’un intérêt de classe, de telle manière cependant que cette visée du général est chaque fois la visée subjective d’un individu déterminé […], que tous les individus qui composent cette classe – du moins un certain nombre d’entre eux – réalisent cette visée [26].

16Est esquissée ici une politique de la subjectivité individuelle de classe, quelque chose qui approche le slogan mis en forme par le collectif de graphistes Ne pas plier lors du mouvement social sur les retraites de 2010 : « Je lutte des classes ».

17Cette problématisation peut nourrir l’analyse dans le cadre d’un autre « jeu de connaissance » (pour reprendre une notion épistémologique que le biologiste Henri Atlan a dérivée de celle de « jeu de langage » chez Ludwig Wittgenstein [27]) que celui de la philosophie : le « jeu de connaissance » de la sociologie. Passer à la moulinette d’un autre « jeu de connaissance » des éléments produits dans « le jeu de connaissance » de la philosophie conduit à en déplacer le sens en en déplaçant l’usage, si l’on suit le chemin du second Wittgenstein quant au rôle moteur de l’usage vis-à-vis du sens. Certes, dans de tels transferts du « jeu de connaissance » philosophique dans le « jeu de connaissance » sociologique, un phénoménologue pourrait ne pas y retrouver ses petits !

18L’exploration d’une critique sociologique du capitalisme à partir des subjectivités individuelles, dans le cadre de sociétés caractérisées aussi comme individualistes, peut conduire à la formulation d’une nouvelle contradiction du capitalisme, inspirée de Marx et d’Henry, à côté et en interaction avec d’autres contradictions du capitalisme (comme la contradiction capital/travail, la contradiction capital/nature et la contradiction capital/démocratie) : la contradiction capital/individualité [28]. Comment formuler cette contradiction capital/individualité ? Le capitalisme contribuerait à alimenter l’individualisme contemporain, avec d’autres logiques autonomes par rapport au capitalisme (comme les transformations de la famille patriarcale). Pourtant, stimulant les désirs d’épanouissement personnel, le capitalisme limiterait et tronquerait au final les individualités par la marchandisation et la division du travail. Il ferait naître des aspirations à la réalisation de soi et à la reconnaissance personnelle qu’il ne pourrait que très partiellement satisfaire dans le cadre de sa dynamique de profit. Les désirs d’individualité frustrés et les intimités blessées deviendraient (comme les salariés dans la contradiction capital/travail selon la formule du Manifeste communiste) des « fossoyeurs » potentiels du capitalisme. Ces intimités blessées seraient des points d’appui possibles d’une émancipation sociale, dans la mesure où leur situation serait politisée. Cette contradiction capital/individualité se trouverait exacerbée dans le cas du néocapitalisme, tel qu’il a été décrypté par Luc Boltanski et Ève Chiapello dans Le Nouvel esprit du capitalisme, car l’individu est y encore davantage valorisé [29]. On voit bien ainsi comment des ressources philosophiques peuvent alimenter une reproblématisation sociologique, mais aussi tout ce qui sépare ces deux « jeux de connaissance ».

19Sur le plan de l’émancipation, les analyses de Michel Henry peuvent également nourrir une reproblématisation. On ne se situe plus dans le cadre principal du « jeu de connaissance » des sciences sociales – l’analyse de « ce qui est » ou « a été » – mais sur celui de ce qui « devrait être » ou « pourrait être » dans l’organisation de la cité, relevant notamment du « jeu de connaissance » de la philosophie politique. Le plan de l’émancipation n’est pas celui qui est le plus développé chez Michel Henry (pas plus chez Marx d’ailleurs), c’est pourquoi on sera plus bref. C’est notamment la figure marxienne de « l’homme total » ou de « l’individu complet », comme boussole de l’émancipation, qui intéresse Michel Henry, comme d’ailleurs des marxistes avant lui. Mais il le fait en critiquant les ambiguïtés de l’expression « homme », associée à la notion de « genre humain », qui conduirait à l’écrasement de l’individualité sous une catégorie générale. C’est pourquoi il souligne l’importance du passage des Manuscrits de 1844 à L’Idéologie allemande, et « l’abandon par Marx du concept feuerbachien du genre, de l’espèce humaine, de l’universel comme sujet de l’histoire [30] ».

20La figure de « l’individu complet » signifierait pour Henry la « revendication d’un développement intégral de toutes les potentialités de la vie et de toutes les dispositions, de leur actualisation chez un même individu » [31]. Ici, l’objection du sociologue Pierre-Michel Menger vis-à-vis d’« une faiblesse de l’anthropologie philosophique de Marx [32] » apparaît forte. Menger met en cause ce qui relèverait d’un « individualisme indifférencié » pour lequel « les individus ne doivent surtout pas se comparer – s’admirer ou s’envier –, ce qui ferait affleurer des différences et, très vite, des situations d’échange et de transaction fondées sur les avantages comparatifs dont chacun pourrait tirer profit pour faire ce que l’autre ne ferait pas aussi bien ou aussi volontiers [33] ». La fragilité anthropologique de Marx résiderait dans la vision idyllique d’une association des singularités tendant à éliminer les tensions, les conflits et les concurrences, et même les comparaisons, entre elles.

21Mais a-t-on atteint, par cette critique, tout l’apport de la figure marxienne de « l’individu complet » ? On peut ne pas le penser. Un noyau résiste : ce que Michel Henry caractérise justement de manière plus prudente comme « le refus passionné de limiter la vie individuelle à une seule activité, à la satisfaction d’un seul besoin [34] ». Il parle aussi « de développement et d’approfondissement de ses potentialités personnelles [35] ». C’est l’idéal d’un individu pluridimensionnel qui est en jeu ici, en rupture avec L’Homme unidimensionnel du capitalisme mis en cause par Herbert Marcuse en 1964 [36].

22Ce thème de l’individu complet semble rejoindre une autre tradition qui, d’Oscar Wilde au dernier Michel Foucault, a mis l’accent sur l’idéal de « la construction de soi comme œuvre d’art [37] ». Toutefois, en privilégiant le domaine de « l’œuvre d’art », Wilde et Foucault font signe du côté de ce que Pierre Bourdieu appelle le capital culturel, c’est-à-dire les ressources culturelles légitimes que tendent à monopoliser les groupes sociaux dominants dans une hiérarchie culturelle. Or, les tonalités retenues par Marx quant à la construction de soi sont plus variées socialement par rapport au risque d’ethnocentrisme social chez Wilde et Foucault. L’« individu complet » tend à réunir trois figures : celle de l’ouvrier-artisan, celle de l’artiste et celle du philosophe-savant. Et, plus que Wilde et Foucault, Marx est attaché à la praxis pour faire émerger ces nouvelles possibilités, praxis de soi et praxis collective révolutionnaire indissociablement. Marx et Engels écrivent ainsi dans L’Idéologie allemande :

23

Dans l’activité révolutionnaire, la transformation de soi-même coïncide avec la transformation des circonstances extérieures [38].

24Avec le « coïncide » de cette formule, Marx et Engels sous-estiment toutefois, à la différence de Foucault, les décalages entre les deux pôles (la transformation de soi-même/la transformation des circonstances extérieures) dans une vue trop totalisante.

Écueils de Michel Henry : impensés et oublis

25La prise en compte des fulgurances n’interdit pas le regard critique sur des écueils et des impensés. Ces derniers concernent à la fois la méthode et le contenu de l’analyse. Michel Henry s’inscrit dans un rapport traditionnel aux textes philosophiques se manifestant comme une tendance forte dans la vision encore dominante en France de la discipline philosophique comme histoire de la philosophie. Cette tendance part du présupposé de cohérence d’une œuvre et d’un auteur. Le présupposé d’unité de l’œuvre de Marx [39] s’accompagne d’un préjugé téléologique :

26

Le jeu successif des concepts […] ne s’explique qu’à partir de ce projet fondamental et comme le mode de sa réalisation progressive [40].

27Ce type d’approche constitue presque un tic rhétorique et cognitif en histoire de la philosophie, et c’est pourquoi on peut parler de philosophisme. C’est comme une adhérence peu ou pas consciente léguée par l’histoire de la discipline philosophique à ses praticiens actuels. Il est justiciable des mises en garde méthodologiques de Michel Foucault dans deux textes de 1969, le livre L’Archéologie du savoir[41] et la conférence « Qu’est-ce qu’un auteur ? » [42] Foucault parle de « synthèses toutes faites [43] » et de « continuités irréfléchies [44] » à propos notamment des notions d’« auteur » et d’« œuvre ». C’est-à-dire que la continuité et la cohérence des idées postulées dès le départ se trouvent, peu miraculeusement, retrouvées à la fin de l’analyse. Foucault ne refuse pas qu’il puisse y avoir des continuités et des cohérences entre des idées, mais il demande que les contradictions, voire les hétérogénéités, ne soient pas écrasées par avance par le présupposé de cohérence. Dans L’Archéologie du savoir, il parle prudemment de « précaution pour mettre hors circuit les continuités irréfléchies par lesquelles on organise, par avance, le discours qu’on entend analyser [45] ». Et il ajoute :

28

Non point, certes, les récuser définitivement, mais secouer la quiétude avec laquelle on les accepte ; montrer qu’elles ne vont pas de soi [46].

29Nous sommes ainsi invités par Foucault à être plus prudents et plus ouverts aux contradictions et aux hétérogénéités d’une œuvre et d’un auteur comme Marx. Par exemple, plutôt que de reconstituer nécessairement une cohérence des écrits de Marx autour des fils individualistes, opposée à la cohérence de fils marxistes plus classiques, on peut y voir un ensemble où sont tissés des fils variés, parfois contradictoires, parfois juxtaposés, parfois articulés. Ici, on suit la démarche de Pierre Dardot et Christian Laval dans leur récent ouvrage Marx, prénom : Karl[47], quand ils enjoignent les lectures hérétiques de Marx à aussi « voir la part de Marx dans le marxisme [48] ». Car, ils ont raison d’indiquer que « questionner Marx pour en hériter de façon créatrice, ce n’est pas sélectionner le Marx qui nous agrée [49] ».

30Marx peut ainsi nous faire également réfléchir par les hétérogénéités de ses écrits, leurs contradictions, les tensions qui s’y manifestent, les énigmes qu’il nous a léguées. C’est un point aveugle du postulat de cohérence de l’œuvre reconduit par Michel Henry, comme souvent par les marxistes avant lui, mais dans des directions opposées. L’erreur de Dardot et Laval est toutefois de ne pas pousser suffisamment loin la méthodologie foucaldienne, en retrouvant une forme de cohérence dans une tension unique supposée parcourir toute l’œuvre : la tension entre le scientisme économiste et le primat de la lutte des classes. Soyons encore davantage sensibles aux hétérogénéités et à la diversité des tensions dans l’œuvre polyphonique marxienne !

31Par ailleurs, le philosophisme de la méthodologie de Michel Henry est redoublé dans l’arrogance traditionnelle de la philosophie vis-à-vis des disciplines « bassement » empiriques comme les sciences sociales. Il avance dans son introduction :

32

Or les textes politiques – on dirait mieux les textes historico-politiques : le Manifeste du parti communiste, Le 18 brumaire de Louis Bonaparte, La lutte des classes, La guerre civile en France, etc. – ne portent pas leur propre principe d’intelligibilité en eux-mêmes, les concepts qu’ils développent ne sont pas des concepts fondateurs et leur fondation ne s’y trouve ni exposée ni même indiquée [50].

33Les pauvres humains qui se situent au ras du sol, c’est-à-dire dans « le mondain » regardé philosophiquement de haut, attendent avec impatience que la baguette magique du philosophe les sorte de la caverne pour les faire entrer dans la pleine lumière. Et voilà qui est fait avec Michel Henry : « Nous appellerons philosophiques les textes qui contiennent cette théorie dernière et la définissent [51]. » Platon, mais c’est bien sûr ! Il n’est guère étonnant que les esprits étriqués des chercheurs en sciences sociales, qui s’intéressent tant aux « textes historico-politiques » de Marx, n’y aient pas pensé plus tôt. Le « jeu de connaissance » de la philosophie dicterait sa loi aux autres « jeux de connaissance », et c’est lui qui serait l’opérateur de mise en cohérence de l’œuvre. La philosophia perennis comme « jeu de langage des jeux de langage » !

34Le contenu de la lecture de Marx proposée par Michel Henry révèle aussi des impensés. On ne s’arrêtera que sur la question de l’intersubjectivité, souvent problématique dans les écrits de Michel Henry. L’unité de base de l’analyse de Michel Henry dans sa lecture de Marx est l’unité individuelle, mais dans une figure plus riche, on l’a vu, que celle de l’individualisme méthodologique standard. Le pôle dominant de son Marx est en quelque sorte un individualisme méthodologique enrichi. Cependant, il est amené à prendre en compte à plusieurs reprises l’intersubjectivité, c’est-à-dire les relations entre les individus, ce qu’il appelle aussi « l’Être-avec [52] ». Il indique ainsi :

35

Une relation entre l’individu et la société est principiellement impossible, seule existe et peut être problématisée la relation des individus entre eux [53].

36Et d’ajouter :

37

La praxis présente ce caractère que, bien qu’elle soit par essence individuelle, elle n’est jamais le fait d’un individu isolé. L’acte de celui-ci s’accomplit toujours conjointement avec d’autres [54].

38Toutefois un tel constat heurte son individualisme méthodologique enrichi. La crainte que de nouvelles totalités viennent écraser les individualités prend alors souvent le dessus. D’où la condamnation de l’intersubjectivité, comme en quelque sorte un agent infiltré de l’objectivité parmi les individualités :

39

Mais la fondation de l’objectivité sur l’intersubjectivité révèle non moins explicitement la nature de l’intersubjectivité elle-même et la laisse apparaître comme constituée précisément par l’objectivité et comme trouvant en elle son propre fondement [55].

40« La nature de l’intersubjectivité elle-même » la renverrait inéluctablement du côté de l’objectivité. Il n’y aurait pas de troisième voie entre objectivisme et subjectivisme : il faudrait choisir l’un ou l’autre. Comme dans le cas des « réformistes révolutionnaires » (d’Otto Bauer à André Gorz) dans le cadre du débat traditionnel entre « réformistes » et « révolutionnaires » : la troisième voie serait au mieux une illusion, au pire une trahison.

41Michel Henry est bien obligé de considérer la VIe thèse sur Feuerbach (1845) qui propose une approche relationnaliste, et non pas monadique, de l’individualité [56]. Mais il met en cause ce que seraient les ambiguïtés de la formulation :

42

L’expression « l’ensemble des rapports sociaux » ne peut, on l’a vu, qu’hypostasier une nouvelle abstraction en lieu et place de la réalité, à savoir les individus vivants qui ont entre eux de telles relations [57].

43Cette analyse de Michel Henry apparaît hésitante et ambivalente. Car il n’a pas oublié le constat que la praxis « s’accomplit toujours conjointement avec d’autres ». Un résidu qui déborde sa critique du danger de l’intersubjectivité comme masque d’un retour des totalités : « les individus vivants qui ont entre eux de telles relations ».

44Les sciences sociales, en particulier les nouveaux courants de la sociologie, ont renversé l’impensé de l’intersubjectivité en en faisant un axe reconstructeur. Entre le holisme méthodologique, partant du tout de la société, et l’individualisme méthodologique, partant des unités individuelles, il y a place pour un relationnalisme méthodologique, partant des relations sociales [58]. Et entre l’objectivisme et le subjectivisme, il y a place pour une approche relationnaliste des subjectivités individuelles. Certaines indications de Marx sont ici précieuses, comme la VIe thèse sur Feuerbach ou encore ce passage des Grundrisse (1857-1858) :

45

Le prétendu « point de vue de la société » revient à négliger les différences où s’exprime la relation sociale (relation de la société bourgeoise). La société ne consiste pas en individus, mais exprime la somme des interrelations, les relations au sein desquelles ces individus sont insérés [59].

46Dans cet extrait, Marx critique tout à la fois l’écrasement holiste et objectiviste des individualités dans une mise en cause du « prétendu ‘point de vue de la société’ ». Pour autant, il ne donne pas la primauté logique aux individus, mais aux « relations ». Quelque chose comme la troisième voie récusée par Michel Henry.

47Les réflexions présentées dans cet article ont un statut encore exploratoire. Étrangement, bien que Michel Henry m’intéresse depuis le milieu des années 1990 et qu’il ait nourri des réorientations de mon activité intellectuelle, c’est la première fois que je lui consacre complètement un texte. Les références à son travail avaient jusqu’à présent un caractère plus partiel et moins systématique.

48Je me suis efforcé de mettre en évidence comment on pouvait faire son miel de la lecture philosophique de Marx par Michel Henry dans les « jeux de connaissance » de la sociologie et de la philosophie politique. Mais j’ai également essayé de montrer comment on pouvait penser contre certaines tentations de Michel Henry et dans certains de ces impensés. Ce qui domine, dans mon rapport au Marx de Michel Henry, c’est l’admiration, mais une admiration accompagnée de la tendre ironie du garnement sociologue.


Date de mise en ligne : 25/04/2014

https://doi.org/10.3917/amx.055.0132

Notes

  • [1]
    Henry Michel, Marx, Paris, Gallimard, « TEL », 1991, 2 tomes.
  • [2]
    Sur l’actualité de l’œuvre philosophique de Michel Henry, voir notamment Gély Raphaël, Rôles, action sociale et vie subjective. Recherches à partir de la phénoménologie de Michel Henry, Bruxelles, P.I.E./Peter Lang, « Philosophie & Politique », 2007.
  • [3]
    Henry Michel, Marx, op. cit., tome 1, p. 9.
  • [4]
    Ibidem, p. 17.
  • [5]
    Sur la notion de « logiciel » collectiviste, voir Philippe Corcuff, La Gauche est-elle en état de mort cérébrale ?, Paris, Textuel, « petite Encyclopédie Critique », 2012, pp. 45-48. J’ai moi-même longtemps circulé sur les rails « collectivistes » avec évidence dans la lecture de Marx. Je n’ai découvert le livre de Michel Henry qu’en 1994. Je revenais à Marx, alors que ma formation sociologique avait été principalement marquée par deux courants : d’abord, la sociologie critique développée par Pierre Bourdieu, puis la sociologie pragmatique amorcée par Luc Boltanski et Laurent Thévenot. La lecture du livre de Michel Henry fut un choc, mais un choc qui mit quelques années à incuber et à avoir des effets significatifs sur le déplacement de mes objets de recherche. Ce n’est qu’au début des années 2000 que le statut de l’individualité dans les sociétés capitalistes-individualistes contemporaines deviendra un de mes principaux thèmes de recherche en sociologie et que la question de l’individualité deviendra aussi un thème de questionnement pour ma deuxième casquette universitaire, la philosophie politique. Le contact avec l’œuvre de Michel Henry s’est approfondi après 1995. Tout d’abord, Michel Henry a prononcé le 20 janvier 1996 à la Sorbonne une conférence sur « Marx après le marxisme ? », à l’invitation du Club de réflexions sociales et politiques Maurice Merleau-Ponty, dont j’étais un des animateurs. Ensuite, je réalisai le 24 juin 1996, avec la philosophe phénoménologue Natalie Depraz, un long entretien avec Michel Henry. Des extraits de cet entretien ne furent publiés qu’en avril 2006, dans le n° 16 de la revue ContreTemps, sous le titre « Un Marx méconnu : la subjectivité individuelle au cœur de la critique de l’économie politique ».
  • [6]
    Mes critiques seront donc distinctes de celles avancées par Vincent Houillon, à partir de la démarche philosophique de la « déconstruction » de Jacques Derrida, dans « Restitution de Marx. Lectures croisées de Michel Henry et Jacques Derrida », Actuel Marx, n° 54, 2e semestre 2013, pp. 158-172.
  • [7]
    Henry Michel, Marx, op. cit., tome 1, p. 30.
  • [8]
    Ibidem, p. 479.
  • [9]
    Ibidem, tome 2, p. 70.
  • [10]
    Ibidem, p. 332.
  • [11]
    Ibidem, p. 322.
  • [12]
    Ibidem, p. 361.
  • [13]
    Ibidem, pp. 20-21.
  • [14]
    Ibidem, tome 2, p. 23.
  • [15]
    Ibidem, p. 33.
  • [16]
    Marx Karl, Engels Friedrich, L’Idéologie allemande, Œuvres III, éd. établie par M. Rubel, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1982, p. 1209.
  • [17]
    Ibidem, pp. 1209-1210.
  • [18]
    Henry Michel, Marx, op. cit., tome 2, p. 99.
  • [19]
    Ibidem, p. 286.
  • [20]
    Marx Karl, Le Capital, Livre I, Œuvres I, éd. établie par M. Rubel, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1965, p. 549.
  • [21]
    Henry Michel, Marx, op. cit., tome 2, pp. 220-232.
  • [22]
    Ibidem, p. 291.
  • [23]
    Ibidem, p. 478.
  • [24]
    Ibidem, tome 1, p. 223.
  • [25]
    Ibidem, p. 229 : « L’irréductibilité des conditions personnelles, le fait que le seul rapport susceptible de s’instituer entre elles est un rapport de similitude et non d’identité, qu’il n’y a jamais une condition sociale se retrouvant identique à elle-même chez un grand nombre de personnes. »
  • [26]
    Ibidem, pp. 237-238.
  • [27]
    Sur la notion de « jeu de langage », voir Wittgenstein Ludwig, Recherches philosophiques (manuscrit de 1936-1949), Paris, Gallimard, 2004, partie 1, § 23, p. 39 ; sur la notion dérivée de « jeu de connaissance », voir Atlan Henri, À tort ou à raison. Intercritique de la science et du mythe, Paris, Seuil, 1986, pp. 271-293.
  • [28]
    Voir notamment Corcuff Philippe, « Individualité et contradictions du néocapitalisme », SociologieS (revue en ligne de l’AISLF), 22 octobre 2006, http://sociologies.revues.org/document462.html.
  • [29]
    Boltanski Luc, Chiapello Ève, Le Nouvel esprit du capitalisme, Paris, Gallimard, 1999.
  • [30]
    Henry Michel, Marx, op. cit., tome 1, p. 193.
  • [31]
    Ibidem, p. 272.
  • [32]
    Menger Pierre-Michel, Portrait de l’artiste en travailleur. Métamorphoses du capitalisme, Paris, Seuil, « La République des Idées », 2002, p. 16.
  • [33]
    Idem.
  • [34]
    Henry Michel, Marx, op. cit., tome 1, p. 274.
  • [35]
    Ibidem, p. 278.
  • [36]
    Voir Marcuse Herbert, L’Homme unidimensionnel, Paris, Minuit, « Arguments », 1968.
  • [37]
    Pour des passages entre Wilde et Foucault sur ce plan de « la construction de soi comme œuvre d’art », voir Eribon Didier, Réflexions sur la question gay, Paris, Fayard, 1999.
  • [38]
    Marx Karl, Engels Friedrich, L’Idéologie allemande, op. cit., p. 1182.
  • [39]
    Henry Michel, Marx, op. cit., tome 1, p. 27 : « L’unicité du projet philosophique de Marx est ce qui confère à l’œuvre entière, et pas seulement à l’œuvre philosophique, son extraordinaire unité. »
  • [40]
    Idem.
  • [41]
    Foucault Michel, L’Archéologie du savoir, Paris, Gallimard, 1969.
  • [42]
    Foucault Michel, « Qu’est-ce qu’un auteur ? », Dits et écrits I, 1954-1975, Paris, Gallimard, « Quarto », 2001, pp. 817-849.
  • [43]
    Foucault Michel, L’Archéologie du savoir, op. cit., p. 32.
  • [44]
    Ibidem, p. 36.
  • [45]
    Idem.
  • [46]
    Ibidem, p. 37.
  • [47]
    Dardot Pierre, Laval Christian, Marx, prénom : Karl, Paris, Gallimard, 2012.
  • [48]
    Ibidem, p. 11.
  • [49]
    Ibidem, p. 19.
  • [50]
    Henry Michel, Marx, op. cit., tome 1, p. 10.
  • [51]
    Ibidem, p. 11.
  • [52]
    Ibidem, tome 2, p. 119.
  • [53]
    Ibidem, tome 1, p. 189.
  • [54]
    Ibidem, tome 2, p. 118.
  • [55]
    Ibidem, tome 1, p. 108.
  • [56]
    « Mais l’essence de l’homme n’est pas une abstraction inhérente à l’individu isolé. Dans sa réalité, elle est l’ensemble des rapports sociaux. » Cité dans Corcuff Philippe, Marx xxie siècle. Textes commentés, Paris, Textuel, « Petite Encyclopédie Critique », 2012, p. 64.
  • [57]
    Henry Michel, Marx, op. cit., tome 1, p. 318.
  • [58]
    Voir Corcuff Philippe, Les Nouvelles sociologies. Entre le collectif et l’individuel, Paris, Armand Colin, 3ème éd., 2011.
  • [59]
    Cité dans Corcuff Philippe, Marx xxie siècle, op. cit., p. 65.

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