Notes
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[1]
Conseil européen, Réunion extraordinaire du Conseil européen (17, 18, 19, 20 et 21 juillet 2020) – Conclusions, EUCO 10/20.
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[2]
President of the European Commission and President of the European Council (2020b), Opening remarks by President von der Leyen at the joint press conference with President Michel following the Special European Council meeting of 17-21 July 2020, Bruxelles, 21.07.2020 : https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/de/STATEMENT_20_1388; Nina Belz, « Ein Moment des Triumphs für Macron », in : Neue Zürcher Zeitung, 23.07.2020.
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[3]
Voir à ce sujet le numéro spécial : « Did Europe Just Experience its “Hamiltonian Moment” ? », The International Economy, été 2020.
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[4]
Werner Mussler, « Charles Michel : “Erheblich mehr Geld für Zukunftsinvestitionen als früher” », in : Frankfurter Allgemeine Zeitung, 25.07.2020.
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[5]
Die Bundesregierung, « Auf die Zukunft Europas ausgerichtet », 21.07.2020 : https://www.bundesregierung.de/breg-de/aktuelles/europaeischer-rat-1769398.
-
[6]
Die Bundesregierung, « Deutsch-französische Initiative zur wirtschaftlichen Erholung Europas nach der Coronakrise », Pressemitteilung 173, 18.05.2020.
-
[7]
Sam Fleming, Jim Brunsden, « Merkel and Macron make a bold bid to unlock recovery fund », in : Financial Times, 19.05.2020.
-
[8]
« Bailing out Europe : Not quite Hamiltonian », in : The Economist, 23.05.2020.
-
[9]
Hendrik Kafsack, « Auf dünner Rechtsgrundlage : Was der deutsch-französische Vorstoß für einen Wiederaufbaufonds bedeutet », in : Frankfurter Allgemeine Zeitung, 20.05.2020.
-
[10]
Victor Mallet, Guy Chazan, Sam Flemming, « The chain of events that led to Germany’s change over Europe’s recovery fund », in : Financial Times, 22.05.2020.
-
[11]
« Ein neuer Aufbruch für Europa. Eine neue Dynamik für Deutschland. Ein neuer Zusammenhalt für unser Land », Koalitionsvertrag zwischen CDU/CSU und SPD, Berlin, 07.02.2018.
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[12]
Dans son rapport sur les prévisions économiques publié en mai 2020, la Commission européenne prévoyait au titre de l’année 2020 une baisse de la croissance économique de 7,4 % pour l’UE-27 et de 7,7 % pour la zone euro, et une hausse du chômage de 9 % pour l’UE-27 et de 9,6 % pour la zone euro. Europäische Kommission, European Economic Forecast. Spring 2020, in : Institutional Paper 125, 05.2020.
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[13]
Les images de la ville de Bergame, très durement touchée par la pandémie, et les rumeurs sur les mesures de tri des patients ont provoqué la consternation dans l’opinion publique allemande, au Bundestag et au sein du gouvernement fédéral, ce qui a eu pour effet de faire renoncer à des mesures nationales.
-
[14]
Le premier ministre italien Giuseppe Conte a accordé plusieurs interviews à la télévision allemande pour expliquer la demande de corona bonds formulée par l’Italie. Dans le même temps, les maires des régions italiennes les plus durement touchées par la pandémie de coronavirus ont fait publier des annonces pleine page dans des journaux allemands où ils appelaient à un renforcement de la solidarité allemande sous la forme de corona bonds, tout en rappelant les remises de dettes accordées à la République fédérale après la Seconde Guerre mondiale. Voir à ce sujet : « Lässt Europa Italien im Stich », in : Frankfurter Allgemeine Zeitung, 24.03.2020 ; « Italiens Ministerpräsident will Deutschland von Corona-Bonds überzeugen », in : Euractiv, 01.04.2020 ; Marc Beise, Björn Finke, Cerstin Gammelin, « Berlin ringt um Corona-Bonds », in : Süddeutsche Zeitung, 01.04.2020.
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[15]
Sarantis Michalopoulos, « Neun Mitgliedsstaaten bitten um Eurobonds zur Bewältigung der Coronavirus-Krise », in : Euractiv, 25.03.2020.
-
[16]
« Union der Einzelgänger », in : Der Spiegel, 04.04.2020.
-
[17]
Bundesverfassungsgericht, Beschlüsse der EZB zum Staatsanleihekaufprogramm kompetenzwidrig, Pressemitteilung Nr. 32/2020, 05.05.2020 ; BVerfG, Urteil des Zweiten Senats vom 5. Mai 2020 – 2 BvR 859/15.
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[18]
Ruth Berschens, « Droht die Euro-Krise ? », in : Handelsblatt, 27.03.2020.
-
[19]
« Maas und Scholz sichern EU-Partnern deutsche Solidarität in Corona-Krise zu », in : Euractiv, 06.04.2020.
-
[20]
Ursula von der Leyen, How our Europe will regain its strength : op-ed by Ursula von der Leyen, President of the European Commission Brussels, 04.04.2020 : https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/de/ac_20_602.
-
[21]
President of the European Commission and President of the European Council, A roadmap for recovery. Towards a more resilient, sustainable and fair Europe, Bruxelles, 21.04.2020.
-
[22]
Präsident des Europäischen Rates, Schlussfolgerungen des Präsidenten des Europäischen Rates im Anschluss an die Videokonferenz mit den Mitgliedern des Europäischen Rates, 23.04.2020.
-
[23]
Angela Merkel, Regierungserklärung zur Bewältigung der Covid-19-Pandemie in Deutschland und Europa, in : Deutscher Bundestag, Plenarprotokoll, 1. Wahlperiode, 156. Sitzung, Berlin, 23.04.2020, p. 19296-19300, p. 19300.
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[24]
Voir par exemple les propos du vice-président du groupe parlementaire du SPD au Bundestag, Achim Post, « Noch ist Europa nicht verloren », in : Frankfurter Rundschau, 06.04.2020.
-
[25]
Voir à ce sujet les interventions lors du débat en séance plénière du Bundestag allemand le 23 avril 2020, suite à la déclaration gouvernementale faite par la chancelière : Deutscher Bundestag, Plenarprotokoll, 1. Wahlperiode, 156. Sitzung, Berlin, 23.04.2020, p. 19302-19319.
-
[26]
David Howarth, Joachim Schild, « Nein to “Transfer Union” : the German brake on the construction of a European Union fiscal capacity », in : Journal of European Integration, 2021, 43 : 2, p. 207-224.
-
[27]
Oliver Höing, « Weder Stabilitäts- noch Transferunion : der Europäische Stabilitätsmechanismus in einer reformierten Währungszone », in : Integration, 39 (2016) 1 p. 15-29.
-
[28]
Malte Fischer, « Eine Transferunion à la Macron », in : Wirtschaftswoche, 08.09.2017.
-
[29]
Voir à ce sujet : Sebastian Koos, Dirk Leuffen, Betten oder Bonds ? Konditionale Solidarität in der Corona-Krise, Das Progressive Zentrum, Policy-Paper, 1, 01.07.2020 ; Sabine Kinkartz, « Was haben die Deutschen gegen Eurobonds ? », Deutsche Welle, 22.04.2020 ; « Mehrheit gegen “Corona-Bonds” », Cicero, 31.03.2020 ; Milena Hassenkamp, « Spiegel-Umfrage : Mehrheit der Deutschen für Wiederaufbaufonds », in : Spiegel-online, 21.05.2020.
-
[30]
Document de travail français, The Recovery Fund : features of a EU27-common debt issuance to boost dedicated programmes of the EU budget, 08.05.2020.
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[31]
Peter Dausend, Mark Schieritz, « Jemand muss vorangehen », in : Die Zeit, 20.05.2020.
-
[32]
Angela Merkel, Regierungserklärung zur deutschen Ratspräsidentschaft und zum Europäischen Rat am 19. Juni 2020, in : Deutscher Bundestag, Plenarprotokoll, 19. Wahlperiode, 166. Sitzung, 18.06.2020, p. 20637-20642, p. 20640.
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[33]
Voir les propos tenus par le député de la CDU Andreas Jung : Deutscher Bundestag, Plenarprotokoll, 19. Wahlperiode, 163. Sitzung, 28.05.2020, p. 20308/20309.
-
[34]
Sans devenir formellement membre de ce groupe (ce qui reviendrait à désavouer son partenaire français notamment), l’Allemagne a cherché à se rapprocher du groupe des « quatre États frugaux » sur des questions concrètes lors des négociations du budget européen, par exemple au sujet d’un rabais accordé sur les versements au budget de l’UE.
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[35]
Commission européenne, Le budget de l’Union : moteur du plan de relance pour l’Europe, COM(2020) 442 final, Bruxelles, 27.05.2020 ; Commission européenne, L’heure de l’Europe : réparer les dommages et préparer l’avenir pour la prochaine génération, COM(2020) 456 final, Bruxelles, 27.05.2020.
-
[36]
La Cour fédérale des comptes a récemment publié un rapport spécial très critique sur l’évaluation du fonds de relance européen. Bundesrechnungshof, Bericht nach § 99 BHO zu den möglichen Auswirkungen der gemeinschaftlichen Kreditaufnahme der Mitgliedstaaten der Europäischen Union auf den Bundeshaushalt (Wiederaufbaufonds), Bonn, 11.03.2021.
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[37]
Bundesverfassungsgericht, Hängebeschluss zur Ausfertigung des Eigenmittelbeschluss-Ratifizierungsgesetzes, BVerfG, 2 BvR 547/21, 26.03.2021.
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[38]
Bundesverfassungsgericht, Entscheidung zur Ablehnung des Antrags auf Erlass einer einstweiligen Anordnung, BVerfG, 2 BvR 547/21, 15.04.2021.
-
[39]
Pour reprendre la formulation de Michael Roth, ministre adjoint chargé des Affaires européennes, au début du débat. Deutscher Bundestag, Plenarprotokoll, 19. Wahlperiode, 218. Sitzung, 25.03.2021, p. 27480-27490, p. 27480.
-
[40]
Leo Klimm, « Das böse T-Wort », in : Süddeutsche Zeitung, 19.11.2020.
1Après un premier moment de choc, juste après l’apparition en février 2020 de la pandémie de la Covid-19 en Europe, puis les premiers réflexes nationaux, comme les fermetures de frontières et les interdictions d’exportation, l’Union européenne a réagi avec vigueur face à la pandémie et ses conséquences économiques et sociales. La session extraordinaire du Conseil européen qui a réuni les chefs d’État et de gouvernement du 17 au 21 juillet 2020 a incontestablement constitué un jalon important de cette politique, avec l’accord sur le cadre financier pluriannuel (CFP) pour les sept années à venir et l’accord sur un plan de relance européen supplémentaire d’une durée de trois ans, sous le libellé « Next Generation EU » (NGEU).
Le compromis européen
2Le volume total des fonds que l’Union européenne va mettre à disposition pour le CFP et le plan de relance pour la période 2021-2027 est tout à fait considérable : ce montant s’élève à 1 824 milliards d’euros. Les mesures supplémentaires de relance NGEU sont une « réponse exceptionnelle » de l’UE face à la pandémie, qui « appelle des investissements publics et privés massifs au niveau européen afin d’engager l’Union résolument sur la voie d’une reprise durable et résiliente qui crée des emplois et qui répare les dommages immédiats causés par la pandémie de Covid-19, tout en soutenant les priorités écologiques et numériques de l’Union » [1]. Il a été convenu d’atteindre un volume financier total de 750 milliards d’euros maximum rien que pour ce fonds de relance, pour une durée limitée de trois ans, jusqu’au 31 décembre 2023 – même si les derniers paiements pourront être effectués jusqu’au 31 décembre 2026. Le pilier de ce projet est la nouvelle Facilité pour la reprise et la résilience (recovery and resilience facility, RRF), dotée de 672,5 milliards d’euros au total, dont 312,5 milliards d’euros serviront à financer des subventions directes. Cependant, l’innovation la plus importante de cet accord est incontestablement la nouvelle possibilité donnée à l’UE d’emprunter elle-même des fonds sur les marchés financiers dans des proportions jusqu’ici inédites afin d’alimenter le budget de relance, ainsi que l’introduction de nouvelles sources de financement du budget : les ressources propres de l’UE. Il s’agit donc de mesures de grande envergure, qui semblaient inimaginables et qu’il était presque impossible de mettre en place avant la crise engendrée par la pandémie.
3Le président de la République française Emmanuel Macron et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen ont qualifié cet accord de « moment historique » [2] ; beaucoup ont parlé d’un « moment hamiltonien de l’Union européenne » [3]. Le président du Conseil européen Charles Michel a évoqué une « révolution copernicienne » [4] de l’UE, la chancelière allemande Angela Merkel a déclaré de façon factuelle, comme à son habitude, que le Conseil européen avait apporté une « réponse à la plus grande crise rencontrée par l’Union européenne depuis sa création » [5].
4L’accord trouvé entre la France et l’Allemagne au sujet d’un budget de relance européen, qui a été présenté le 18 mai 2020, à la grande surprise de presque tous les États membres, a constitué une condition préalable essentielle à ces importantes avancées en matière d’intégration [6]. Pour la toute première fois, l’Allemagne a montré qu’elle était prête à accepter un endettement de l’UE afin de financer le fonds de relance. La proposition franco-allemande puis l’accord du Conseil européen marquent à cet égard une nette rupture dans la politique européenne menée par l’Allemagne. Les observateurs allemands et internationaux y ont vu un énorme virage de la part de Berlin (« a huge shift by Berlin » [7]), un colossal changement de principe (« an enormous shift in principle » [8]), un virage à 180 degrés de la part de Merkel (« 180-Grad-Wende von Merkel » [9]), ou encore l’un des plus grands revirements de sa carrière (« one of the biggest U-turns of her career » [10]).
Transformation progressive de la politique allemande
5Malgré le chapitre très favorable à l’intégration européenne contenu dans le traité de coalition [11] du nouveau gouvernement fédéral de février 2018, la politique européenne menée par l’Allemagne est d’abord restée très modérée et prudente au sujet des négociations budgétaires de l’UE. L’irruption de la pandémie de la Covid-19 en Europe a ensuite transformé les conditions générales et le contexte des négociations budgétaires européennes.
6L’ampleur des conséquences socio-économiques de la pandémie est apparue rapidement, sous la forme d’un recul important de la croissance économique et, dans le même temps, d’une forte hausse des chiffres du chômage [12]. Cela a renforcé le danger d’une instabilité croissante dans la zone euro et d’un changement des conditions de concurrence, donc d’un nouvel éloignement des économies européennes au sein du marché unique. Dans le même temps, les attentes et les demandes d’aides financières européennes se sont intensifiées dans les États membres les plus durement touchés par la pandémie, en particulier en Italie et en Espagne. Un profond fossé s’est rapidement creusé entre les États membres du Sud et ceux du Nord, en raison des fortes disparités causées par la pandémie. D’une part, les États de l’espace méditerranéen ont plaidé en faveur de l’émission de « corona bonds », alors que, d’autre part, des États membres du nord de l’UE, en particulier les Pays-Bas et l’Allemagne, se sont opposés avec force à cette proposition.
7En mars-avril 2020, le principe directeur suivi par l’Allemagne était de faciliter une solution commune et rapide pour aider les partenaires européens et soutenir la reprise économique, tout en évitant une communautarisation illimitée de la dette et des solutions sortant du cadre défini par les traités européens. Le gouvernement fédéral a d’abord soutenu des propositions d’assistance médicale en situation de crise et a fourni une aide plutôt symbolique en prenant en charge des patients en soins intensifs de France, de Belgique et d’Italie ; tout en argumentant que des aides financières ne seraient efficaces que s’il était possible de les mettre en place rapidement, et sur une base juridique stable [13]. Cette politique allemande plutôt défensive s’est d’abord concentrée sur les instruments de gestion de crise existants au sein de l’UE, comme par exemple une ligne de financement spéciale par le biais du Mécanisme européen de stabilité (MES) et des redéploiements à l’intérieur du budget de l’UE. Le gouvernement fédéral était seulement prêt à adapter les conditions d’octroi des crédits du MES à la situation particulière liée à la pandémie. Toutefois, les appels à l’aide de plus en plus pressants émis par l’Italie ont révélé très rapidement le danger qu’une telle politique représentait pour la cohésion européenne [14].
8Finalement, le 25 mars 2020, les chefs d’État et de gouvernement de neuf États membres, dont la France, l’Italie et l’Espagne, ont adressé une lettre commune au président du Conseil européen Charles Michel pour lui demander que la « proposition d’un instrument de dette commun » soit discutée au Conseil européen [15]. Berlin n’a pas été la seule à interpréter cette réclamation massive comme une « déclaration de guerre » aux États membres du nord de l’UE. C’est en particulier le soutien public de la France à cette demande qui a été interprété comme un véritable défi auquel le gouvernement fédéral devait réagir.
9Aux yeux du gouvernement allemand, cette proposition semblait être une tentative d’exploiter la pandémie pour relancer la vieille idée des eurobonds, qui avait déjà été réclamée tout aussi massivement par les mêmes États membres dix ans auparavant, lors de la crise de la dette dans la zone euro. L’Allemagne avait toujours rejeté ces propositions et s’en tenait à cette position.
10La visioconférence du Conseil européen du 26 mars 2020 a alors été marquée par un profond conflit et de vifs échanges entre la chancelière allemande Angela Merkel et le premier ministre italien Giuseppe Conte. Merkel a de nouveau rejeté la demande de corona bonds et est restée ferme sur ses positions ; elle aurait tenu les propos suivants : « Si tu attends les corona bonds, tu vas pouvoir attendre longtemps » [16]. L’argument principal du gouvernement allemand contre cette idée consistait à dire que cette demande n’était pas assez spécifique et qu’il n’y avait aucune base juridique solide pour introduire ces obligations dans les traités européens. La véritable crainte était plutôt que l’introduction de corona bonds nécessite obligatoirement une modification des traités européens. Cependant, cela demanderait beaucoup de temps, alors que la crise exigeait de trouver rapidement une solution. En même temps, cette proposition s’accompagnerait du risque de devoir attendre une nouvelle décision de la Cour constitutionnelle fédérale de Karlsruhe, dont l’issue était incertaine. La perspective de devoir de nouveau attendre une décision des juges de Karlsruhe semblait décourageante, d’autant plus que, dans son jugement ultra vires rendu le 5 mai 2020 [17], la Cour constitutionnelle venait de rejeter le programme européen d’achats d’actifs du secteur public (Public Sector Purchase Programme, PSPP) avec des mots très durs et en adressant de lourds reproches aux institutions européennes. Le ministre de l’économie Peter Altmaier aurait qualifié ce débat sur les obligations corona de « débat fantôme » [18].
11Par la suite, la chancelière allemande et ses ministres ont souligné à plusieurs reprises le fait que l’Allemagne était disposée à faire preuve d’une plus grande solidarité financière avec ses partenaires européens et à verser des contributions plus élevées au budget européen. Le gouvernement fédéral était désormais favorable à l’idée de lier une réaction européenne à la crise et les négociations sur le cadre financier pluriannuel (CFP). Les deux ministres fédéraux responsables, Heiko Maas et Olaf Scholz, ont assuré qu’une fois la crise surmontée, il faudrait replacer l’économie européenne sur la voie de la croissance et que l’Allemagne tiendrait compte de cette nécessité « dans le cadre des négociations sur le cadre financier pluriannuel » [19]. La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a également placé le budget européen au premier plan, après les querelles et les blocages mutuels au sein du Conseil européen [20]. Enfin, le président du Conseil européen Charles Michel et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen ont déclaré dans leur feuille de route commune pour une réponse européenne à la crise que le futur cadre financier pluriannuel serait un instrument central pour soutenir une relance durable (« the future MFF will be a key instrument to support a lasting recovery » [21]).
12Dans une visioconférence du 23 avril 2020, le Conseil européen s’est déclaré favorable à cette proposition et a chargé la Commission européenne de préparer dans les meilleurs délais des propositions pour un fonds de relance européen. Il était prévu que ce nouveau fonds soit lié au nouveau CFP, qu’il dispose de volumes financiers suffisants et soit spécifiquement mis en place pour faire face aux conséquences de la crise [22].
13Cette proposition a également été soutenue par la chancelière allemande, lors de son discours devant le Bundestag du 23 avril 2020 : « Dans un esprit de solidarité, nous devrions être prêts à apporter au budget européen des contributions tout à fait différentes, c’est-à-dire beaucoup plus élevées, pendant une durée limitée ». Elle a insisté sur le fait qu’un budget européen supplémentaire pour la relance économique devait être limité dans le temps, et qu’il fallait que « les réflexions sur ce fonds de relance et sur le budget européen soient menées conjointement dès le début, car le budget commun européen est l’instrument de financement solidaire des missions communes de l’Union européenne qui a fait ses preuves depuis des décennies » [23].
14Cela traçait ainsi la voie du compromis : l’Allemagne était désormais prête à augmenter significativement le volume du budget européen et à accepter de surcroît un budget de relance supplémentaire (bien que temporaire et ciblé), si les États méditerranéens cessaient de demander la mise en place de corona bonds. Dans la suite des négociations, le gouvernement fédéral a également accepté la demande de l’Espagne, de l’Italie et de la France, qui souhaitaient que la majeure partie de ce nouveau fonds soit mise à disposition non sous la forme d’emprunts, mais de subventions non remboursables. Il n’a toutefois été possible d’arriver à ce compromis qu’après la réponse sans équivoque et sans ménagement de la chancelière allemande à son homologue italien lors de la session du Conseil européen du 25 mars 2020 ; par la suite, le soutien aux corona bonds a lentement diminué.
15La politique menée par le gouvernement fédéral n’était pas aussi unitaire qu’il y paraissait. Si les conservateurs de la CDU/CSU refusaient le principe même de corona bonds, les sociaux-démocrates rejetaient cette proposition en invoquant des raisons pragmatiques [24]. Pour le SPD, soutenir un budget européen plus important et un fonds de relance limité dans le temps n’était qu’une étape intermédiaire sur la voie d’une union fiscale européenne avec des emprunts communs. Or, c’est précisément cette interprétation que la CDU/CSU a rejetée expressément [25].
16Par la suite, la réorientation de la politique européenne de l’Allemagne a été concrétisée et adaptée, le gouvernement fédéral a défini les lignes rouges à ne pas franchir et a explicité les limites du repositionnement de l’Allemagne. L’objectif fondamental de la politique allemande était de s’opposer à toute forme d’aide financière européenne illimitée et inconditionnelle, c’est-à-dire d’empêcher toute avancée en direction d’une « union de transfert » ou d’une communautarisation européenne permanente de la dette [26]. Dans le débat politique allemand, le concept « union de transfert » est connoté très négativement, car on entend généralement par là un système de redistribution illimitée, inconditionnelle et permanente des fonds publics entre les États membres de l’UE. Il y a dix ans, lors de la crise de la dette dans la zone euro, le concept « union de transfert » a été utilisé dans le débat allemand pour dépeindre une situation dans laquelle quelques États membres du nord de l’Europe, prospères économiquement, devraient verser d’immenses sommes d’argent à des États membres du sud, plus pauvres et réticents à mener des réformes [27]. Ce sont avant tout les propositions du président français Emmanuel Macron visant à réformer la zone euro qui avaient alimenté ces débats – on parlait alors d’une « union de transfert à la Macron » [28]. En outre, ce débat sur cette nécessité de principe et sur les limites de la solidarité européenne était lié en Allemagne à la peur d’une « responsabilité conjointe et solidaire » en rapport avec les corona bonds, c’est-à-dire la crainte que, dans un scénario défavorable, l’Allemagne doive se substituer à tous les corona bonds des autres États membres, dans le cas d’une défaillance ou d’un refus de paiement de certains États débiteurs. C’est pourquoi faire de l’instrument de la dette commune un élément de la solidarité entre États membres, sous la forme d’obligations européennes, a fait émerger de grandes craintes dans le débat en Allemagne. L’opinion publique était certes favorable à toutes les mesures d’assistance médicale d’urgence, notamment après la couverture médiatique de la crise à Bergame, mais la majorité de la population était opposée à la mise en place d’aides financières et en particulier des obligations corona réclamées par d’autres États membres. Différents sondages ont montré qu’une large majorité des personnes interrogées se disaient opposées aux demandes de corona bonds, seulement 26 % y étaient favorables. Par la suite, une courte majorité des personnes interrogées s’est prononcée pour la mise en place d’aides financières globales ou d’un fonds de sauvetage européen [29]. Par conséquent, la politique défensive menée par le gouvernement fédéral au sujet de nouveaux engagements financiers était tout à fait conforme à l’opinion publique en Allemagne.
17Cependant, le changement de politique du gouvernement fédéral n’a été possible que parce que la position de la France avait elle aussi évolué. Après avoir joué un rôle central au sein du groupe des neuf États membres qui réclamaient la mise en place de corona bonds, la France a revu sa position et nuancé sa demande d’obligations corona, à la suite du refus net et implacable opposé par l’Allemagne à cette proposition. Dans un document de travail du 8 mai 2020, le ministère français de l’Économie et des Finances a exposé les nouvelles idées et les nouveaux objectifs du pays pour un fonds de relance européen, renonçant ainsi au concept de corona bonds. Paris insistait sur le fait que les États membres les plus touchés par la pandémie devaient bénéficier de la part la plus importante des aides financières. Il faudrait pourvoir le budget européen de fonds supplémentaires, entre 150 et 300 milliards d’euros par an, pour une durée limitée de trois ans. Ce dispositif pourrait être financé par des emprunts collectifs, qui seraient remboursés sur une durée de quarante ans. Il faudrait utiliser cet argent pour financer des programmes de dépenses européens existants présentant une valeur ajoutée pour l’UE, comme par exemple les mesures européennes de soutien à la recherche et à l’investissement [30].
18Cette proposition française a également servi de point de départ à des négociations de haut niveau et strictement confidentielles menées entre la Chancellerie allemande et la Présidence française, mais aussi entre les ministères des Finances des deux pays. Ce document commun a été présenté par la chancelière Angela Merkel et le président Emmanuel Macron le 18 mai 2020, lors d’une conférence de presse en visioconférence. Le tandem franco-allemand y plaidait pour un fonds ambitieux de 500 milliards d’euros dans le cadre du CFP, limité dans le temps et dans son ampleur, qui serait utilisé pour la relance des économies européennes et pour des investissements dans le Pacte vert européen et le programme pour une Europe numérique.
19Avec cette initiative, le gouvernement fédéral a opéré un changement de position fondamental au sujet des négociations sur le budget et sur un fonds de relance européen. Pour la première fois, l’Allemagne signalait qu’elle était prête à donner la possibilité à l’Union européenne de faire un emprunt commun – même si c’était pour une durée limitée et uniquement pour financer le fonds de relance européen. En même temps, cette initiative était le signe de la relance du moteur d’intégration européenne franco-allemand, mais aussi de la volonté de l’Allemagne d’engager de grosses sommes d’argent pour soutenir une réponse solidaire dans la grave crise économique et sociale traversée par l’Union européenne. Le ministre fédéral des Finances, Olaf Scholz, a parlé d’un « moment hamiltonien » et d’une étape cruciale de l’intégration européenne sur la voie des « États-Unis d’Europe » [31]. Toutefois, ce qui est le plus surprenant, c’est que la chancelière ait reçu le soutien de son parti et du groupe parlementaire CDU/CSU. Lors de sa déclaration gouvernementale du 18 juin 2020 au Bundestag, la chancelière a insisté à plusieurs reprises sur les limites des propositions franco-allemandes : « Le plan de relance de l’Europe fait explicitement référence à la pandémie, son action est ciblée et il est limité dans le temps. Exceptionnellement, la Commission européenne est autorisée à contracter des emprunts sur les marchés au nom de l’Union européenne et à investir cet argent dans des subventions destinées à contrer cette crise » [32]. Les chrétiens-démocrates siégeant au Bundestag ont soutenu ce signal de « solidarité européenne » et la « réponse européenne commune » de l’initiative franco-allemande, mais en ont eux aussi souligné le caractère exceptionnel et la portée limitée : « Ce n’est pas une étape vers l’Union de la dette » [33], car cela aurait permis d’éviter les obligations corona. En outre, ce nouveau fonds serait assorti de conditions supplémentaires et ne pourrait être utilisé que pour de nouveaux investissements, et non pour rembourser des dettes préexistantes. La ligne rouge fixée par l’Allemagne consistant à éviter toute allusion à une évolution vers une « union de transfert » a ainsi été mise en avant et respectée par le gouvernement fédéral dans la suite des négociations. Le fonds de relance européen supplémentaire et l’endettement nécessaire pour financer ce fonds devraient être limités dans le temps et dans leur volume, ce budget conjoncturel européen supplémentaire devrait être et demeurer une exception dans le cadre de la grave crise engendrée par la pandémie. Le couplage du fonds de relance et du budget européen signifiait que chaque État membre ne se porterait garant du financement du plan de sauvetage qu’à hauteur de sa propre participation au financement du budget de l’UE. Du point de vue allemand, cela permettait ainsi de contourner le problème de la très controversée « responsabilité conjointe et solidaire ». Ces aides financières devraient être utilisées pour des investissements destinés à atteindre les objectifs de la politique climatique commune et la transformation numérique du marché intérieur. Dans le même temps, ce nouveau fonds de relance devrait être étroitement lié au Semestre européen de coordination des politiques économiques afin de permettre la mise en œuvre des réformes structurelles de toute façon nécessaires dans le domaine des politiques économiques et financières.
20Cependant, le changement de position de l’Allemagne ne s’est pas effectué subitement, par une seule et unique décision, et il n’était pas du tout prévisible au début des négociations sur une réponse commune à apporter à la crise liée à la pandémie. Ce changement est plutôt le résultat des grands défis et des conséquences socio-économiques causés par l’irruption de la pandémie en UE, des attentes gigantesques des partenaires européens envers le plus grand État membre, ainsi que de la pression politique exercée par son partenaire le plus important, la France. Ces concessions et le rapprochement avec les conceptions françaises étaient également inévitables dans la mesure où, avec le départ de la Grande-Bretagne, l’Allemagne avait perdu un important allié dans les négociations budgétaires européennes, avec lequel il avait auparavant été souvent possible de constituer un grand contrepoids face aux demandes des États membres du sud de l’Europe. Le moteur d’intégration franco-allemand a cependant été relancé au détriment de la coopération et de la coordination avec les autres partenaires européens de la politique menée par l’Allemagne, en particulier avec le groupe des États contributeurs nets et le groupe des « quatre États frugaux », à savoir les Pays-Bas, l’Autriche, le Danemark et la Suède [34].
21Après que la Commission européenne [35] a présenté le 27 mai 2020 un ensemble de mesures, avec une nouvelle proposition pour le prochain CFP et un fonds de relance supplémentaire, le Conseil européen est parvenu à trouver un compromis le 21 juillet 2020, après des négociations très longues, difficiles, et parfois fastidieuses. Même au cours de ces difficiles négociations budgétaires, le couple franco-allemand a maintenu une coopération particulièrement étroite – à tel point que la chancelière Angela Merkel et le président Emmanuel Macron ont présenté les résultats de ce sommet lors d’une conférence de presse conjointe.
Un compromis « historique » – un catalyseur pour un renforcement de l’intégration européenne ?
22L’ensemble des mesures financières allouées au CFP et au plan de relance NGEU ont été interprétées comme la confirmation de la solidarité européenne et comme le signe de la capacité de l’UE à agir rapidement. Ces négociations difficiles, mais finalement couronnées de succès, ont montré qu’il fallait un effort conjoint des présidents du Conseil européen et de la Commission européenne, mais aussi du tandem franco-allemand, afin d’apporter des transformations de grande ampleur à la politique budgétaire européenne.
23L’accord sur un fonds de relance supplémentaire financé par un endettement européen commun équivaut à une profonde rupture. À l’avenir, cette option devrait rester dans la boîte à outils de la politique européenne pour déployer des mesures extraordinaires ou des réponses face aux crises. Ce faisant, l’UE élargit la gamme de ses instruments et de ses possibilités en matière de politique budgétaire et économique. Toutefois, les fonds supplémentaires de l’UE ne seront pas versés sans condition. L’ensemble des outils créés il y a dix ans, pendant la crise de la dette de la zone euro, afin de coordonner les politiques économiques et fiscales des États membres, le Semestre européen et les recommandations par pays, sont en train de devenir la pierre angulaire de la politique économique européenne et le critère d’évaluation des réformes de politique économique nécessaires dans les États membres. Cela va créer une nouvelle forme de conditionnalité, qui permettra à la Commission et aux États membres de contrôler mutuellement l’utilisation efficace des fonds européens.
24La capacité des nouveaux programmes d’aide et de ces nouveaux instruments à donner un élan durable à la politique d’intégration dépendra essentiellement de la mise en œuvre réussie et durable des plans d’application nationaux. On verra alors si les grands efforts financiers de l’UE se transformeront en un catalyseur d’intégration, ou s’ils ne demeureront qu’un simple épisode de réforme. Si ces nouveaux programmes s’avèrent n’être qu’un feu de paille ou bien s’ils se révèlent totalement inefficaces, ils ne déclencheront aucune nouvelle dynamique politique en faveur d’un renforcement de l’intégration. Bien au contraire, si les mesures de solidarité européenne qui ont été lancées ne sont pas utilisées de manière ciblée et durable, cela fera augmenter le risque de voir la déception à l’égard d’un échec extrêmement coûteux se transformer en une remise en question fondamentale de l’Union européenne. Si le résultat est disparate et contrasté, si certains pays utilisent ces aides de façon efficace alors que d’autres mettent en œuvre ces moyens financiers sans succès visible ou s’ils ne parviennent pas à absorber les fonds, il sera difficile de parvenir à un accord pour un futur soutien financier de l’UE ou de nouvelles étapes d’intégration. À l’inverse, s’il y a une vraie valeur ajoutée, visible et durable, et si le soutien financier conduit à une relance économique tangible, cette reprise économique pourrait conduire à un élan favorable à une interaction politique renforcée au sein de l’UE.
25Le gouvernement allemand s’est montré disposé à faire de grandes concessions dans ce processus de réponse à la crise au niveau européen. Il a cependant insisté pour fixer un cadre concernant la forme, l’ampleur, les limites et le caractère exceptionnel du budget de relance supplémentaire. Le débat qui s’ouvre de nouveau et qui consiste à considérer les concessions faites par l’Allemagne, à savoir prendre des mesures exceptionnelles dans une situation extraordinaire, comme le point de départ d’une péréquation financière européenne durable risque de faire émerger de nouveaux antagonismes et des conflits profonds entre les États membres du sud et du nord de l’Europe. Le large rejet des corona bonds est le signe que l’opinion publique allemande continue de s’opposer fortement à une poursuite de transferts européens durables et inconditionnels. De plus, certaines institutions particulièrement respectées par l’opinion publique allemande, comme par exemple la Banque centrale allemande (Deutsche Bundesbank) ou la Cour fédérale des comptes (Bundesrechnungshof) ont entre-temps exprimé leurs doutes au sujet des nouveaux instruments de l’Union européenne [36]. La surprenante ordonnance prise par la Cour constitutionnelle fédérale de Karlsruhe le 26 mars 2021 [37], selon laquelle le président fédéral n’a pas le droit de promulguer la loi allemande ratifiant la décision européenne sur les ressources propres avant que la Cour n’ait émis un jugement sur la constitutionnalité de cette loi, et donc, implicitement, sur l’autorisation d’emprunt de l’UE, illustre également les grandes réserves émises à l’égard de ce changement de cap en matière de politique européenne. Certes, en vertu de la décision du 15 avril 2021 [38], la Cour constitutionnelle fédérale a finalement levé l’ordonnance provisoire interdisant la signature de la loi allemande ratifiant la décision sur les ressources propres de l’UE, mais en même temps, elle a accepté le recours constitutionnel, annonçant ainsi qu’elle allait examiner de manière approfondie la légalité de cette décision. Le 25 mars 2021, lors du débat en séance plénière du Bundestag sur la loi de ratification, les deux partis membres de la coalition se sont de nouveau vivement opposés au sujet de la classification de la solution européenne. Une fois de plus, la CDU/CSU et le SPD se sont affrontés dans un débat animé pour définir si la solution européenne constituait une réponse commune exceptionnelle et limitée dans le temps face à la pandémie, ou bien « une étape nécessaire et trop longtemps ajournée sur la voie d’une Union fiscale européenne » [39]. Ce conflit influencera encore la politique européenne de l’Allemagne à l’avenir et pourrait également réduire la marge de manœuvre politique du prochain gouvernement fédéral. Le « vilain mot » [40] de l’Union de transfert, que l’on a prêté au président français en novembre 2020, et les propositions d’une réduction globale de la dette européenne pourraient, au minimum au sein du plus grand parti au pouvoir, la CDU/CSU, renforcer les réserves et l’opposition politique à l’égard de nouvelles concessions de l’Allemagne en matière de politique européenne. Lors des élections fédérales à venir, ce risque pourrait être d’autant plus dangereux que le changement de cap de la politique européenne de l’Allemagne reposait également sur la confiance accordée à la capacité de discernement de la chancelière Angela Merkel et son expérience des négociations européennes difficiles. Seule la chancelière était en mesure de rassurer les sceptiques au sein du groupe parlementaire CDU/CSU, en indiquant que les concessions faites par le gouvernement fédéral resteraient exceptionnelles et qu’elles ne seraient nécessaires que dans la situation de gestion de la crise liée à la pandémie. Toutefois, Angela Merkel ne compte pas se représenter à l’élection.
Notes
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[1]
Conseil européen, Réunion extraordinaire du Conseil européen (17, 18, 19, 20 et 21 juillet 2020) – Conclusions, EUCO 10/20.
-
[2]
President of the European Commission and President of the European Council (2020b), Opening remarks by President von der Leyen at the joint press conference with President Michel following the Special European Council meeting of 17-21 July 2020, Bruxelles, 21.07.2020 : https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/de/STATEMENT_20_1388; Nina Belz, « Ein Moment des Triumphs für Macron », in : Neue Zürcher Zeitung, 23.07.2020.
-
[3]
Voir à ce sujet le numéro spécial : « Did Europe Just Experience its “Hamiltonian Moment” ? », The International Economy, été 2020.
-
[4]
Werner Mussler, « Charles Michel : “Erheblich mehr Geld für Zukunftsinvestitionen als früher” », in : Frankfurter Allgemeine Zeitung, 25.07.2020.
-
[5]
Die Bundesregierung, « Auf die Zukunft Europas ausgerichtet », 21.07.2020 : https://www.bundesregierung.de/breg-de/aktuelles/europaeischer-rat-1769398.
-
[6]
Die Bundesregierung, « Deutsch-französische Initiative zur wirtschaftlichen Erholung Europas nach der Coronakrise », Pressemitteilung 173, 18.05.2020.
-
[7]
Sam Fleming, Jim Brunsden, « Merkel and Macron make a bold bid to unlock recovery fund », in : Financial Times, 19.05.2020.
-
[8]
« Bailing out Europe : Not quite Hamiltonian », in : The Economist, 23.05.2020.
-
[9]
Hendrik Kafsack, « Auf dünner Rechtsgrundlage : Was der deutsch-französische Vorstoß für einen Wiederaufbaufonds bedeutet », in : Frankfurter Allgemeine Zeitung, 20.05.2020.
-
[10]
Victor Mallet, Guy Chazan, Sam Flemming, « The chain of events that led to Germany’s change over Europe’s recovery fund », in : Financial Times, 22.05.2020.
-
[11]
« Ein neuer Aufbruch für Europa. Eine neue Dynamik für Deutschland. Ein neuer Zusammenhalt für unser Land », Koalitionsvertrag zwischen CDU/CSU und SPD, Berlin, 07.02.2018.
-
[12]
Dans son rapport sur les prévisions économiques publié en mai 2020, la Commission européenne prévoyait au titre de l’année 2020 une baisse de la croissance économique de 7,4 % pour l’UE-27 et de 7,7 % pour la zone euro, et une hausse du chômage de 9 % pour l’UE-27 et de 9,6 % pour la zone euro. Europäische Kommission, European Economic Forecast. Spring 2020, in : Institutional Paper 125, 05.2020.
-
[13]
Les images de la ville de Bergame, très durement touchée par la pandémie, et les rumeurs sur les mesures de tri des patients ont provoqué la consternation dans l’opinion publique allemande, au Bundestag et au sein du gouvernement fédéral, ce qui a eu pour effet de faire renoncer à des mesures nationales.
-
[14]
Le premier ministre italien Giuseppe Conte a accordé plusieurs interviews à la télévision allemande pour expliquer la demande de corona bonds formulée par l’Italie. Dans le même temps, les maires des régions italiennes les plus durement touchées par la pandémie de coronavirus ont fait publier des annonces pleine page dans des journaux allemands où ils appelaient à un renforcement de la solidarité allemande sous la forme de corona bonds, tout en rappelant les remises de dettes accordées à la République fédérale après la Seconde Guerre mondiale. Voir à ce sujet : « Lässt Europa Italien im Stich », in : Frankfurter Allgemeine Zeitung, 24.03.2020 ; « Italiens Ministerpräsident will Deutschland von Corona-Bonds überzeugen », in : Euractiv, 01.04.2020 ; Marc Beise, Björn Finke, Cerstin Gammelin, « Berlin ringt um Corona-Bonds », in : Süddeutsche Zeitung, 01.04.2020.
-
[15]
Sarantis Michalopoulos, « Neun Mitgliedsstaaten bitten um Eurobonds zur Bewältigung der Coronavirus-Krise », in : Euractiv, 25.03.2020.
-
[16]
« Union der Einzelgänger », in : Der Spiegel, 04.04.2020.
-
[17]
Bundesverfassungsgericht, Beschlüsse der EZB zum Staatsanleihekaufprogramm kompetenzwidrig, Pressemitteilung Nr. 32/2020, 05.05.2020 ; BVerfG, Urteil des Zweiten Senats vom 5. Mai 2020 – 2 BvR 859/15.
-
[18]
Ruth Berschens, « Droht die Euro-Krise ? », in : Handelsblatt, 27.03.2020.
-
[19]
« Maas und Scholz sichern EU-Partnern deutsche Solidarität in Corona-Krise zu », in : Euractiv, 06.04.2020.
-
[20]
Ursula von der Leyen, How our Europe will regain its strength : op-ed by Ursula von der Leyen, President of the European Commission Brussels, 04.04.2020 : https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/de/ac_20_602.
-
[21]
President of the European Commission and President of the European Council, A roadmap for recovery. Towards a more resilient, sustainable and fair Europe, Bruxelles, 21.04.2020.
-
[22]
Präsident des Europäischen Rates, Schlussfolgerungen des Präsidenten des Europäischen Rates im Anschluss an die Videokonferenz mit den Mitgliedern des Europäischen Rates, 23.04.2020.
-
[23]
Angela Merkel, Regierungserklärung zur Bewältigung der Covid-19-Pandemie in Deutschland und Europa, in : Deutscher Bundestag, Plenarprotokoll, 1. Wahlperiode, 156. Sitzung, Berlin, 23.04.2020, p. 19296-19300, p. 19300.
-
[24]
Voir par exemple les propos du vice-président du groupe parlementaire du SPD au Bundestag, Achim Post, « Noch ist Europa nicht verloren », in : Frankfurter Rundschau, 06.04.2020.
-
[25]
Voir à ce sujet les interventions lors du débat en séance plénière du Bundestag allemand le 23 avril 2020, suite à la déclaration gouvernementale faite par la chancelière : Deutscher Bundestag, Plenarprotokoll, 1. Wahlperiode, 156. Sitzung, Berlin, 23.04.2020, p. 19302-19319.
-
[26]
David Howarth, Joachim Schild, « Nein to “Transfer Union” : the German brake on the construction of a European Union fiscal capacity », in : Journal of European Integration, 2021, 43 : 2, p. 207-224.
-
[27]
Oliver Höing, « Weder Stabilitäts- noch Transferunion : der Europäische Stabilitätsmechanismus in einer reformierten Währungszone », in : Integration, 39 (2016) 1 p. 15-29.
-
[28]
Malte Fischer, « Eine Transferunion à la Macron », in : Wirtschaftswoche, 08.09.2017.
-
[29]
Voir à ce sujet : Sebastian Koos, Dirk Leuffen, Betten oder Bonds ? Konditionale Solidarität in der Corona-Krise, Das Progressive Zentrum, Policy-Paper, 1, 01.07.2020 ; Sabine Kinkartz, « Was haben die Deutschen gegen Eurobonds ? », Deutsche Welle, 22.04.2020 ; « Mehrheit gegen “Corona-Bonds” », Cicero, 31.03.2020 ; Milena Hassenkamp, « Spiegel-Umfrage : Mehrheit der Deutschen für Wiederaufbaufonds », in : Spiegel-online, 21.05.2020.
-
[30]
Document de travail français, The Recovery Fund : features of a EU27-common debt issuance to boost dedicated programmes of the EU budget, 08.05.2020.
-
[31]
Peter Dausend, Mark Schieritz, « Jemand muss vorangehen », in : Die Zeit, 20.05.2020.
-
[32]
Angela Merkel, Regierungserklärung zur deutschen Ratspräsidentschaft und zum Europäischen Rat am 19. Juni 2020, in : Deutscher Bundestag, Plenarprotokoll, 19. Wahlperiode, 166. Sitzung, 18.06.2020, p. 20637-20642, p. 20640.
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[33]
Voir les propos tenus par le député de la CDU Andreas Jung : Deutscher Bundestag, Plenarprotokoll, 19. Wahlperiode, 163. Sitzung, 28.05.2020, p. 20308/20309.
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[34]
Sans devenir formellement membre de ce groupe (ce qui reviendrait à désavouer son partenaire français notamment), l’Allemagne a cherché à se rapprocher du groupe des « quatre États frugaux » sur des questions concrètes lors des négociations du budget européen, par exemple au sujet d’un rabais accordé sur les versements au budget de l’UE.
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[35]
Commission européenne, Le budget de l’Union : moteur du plan de relance pour l’Europe, COM(2020) 442 final, Bruxelles, 27.05.2020 ; Commission européenne, L’heure de l’Europe : réparer les dommages et préparer l’avenir pour la prochaine génération, COM(2020) 456 final, Bruxelles, 27.05.2020.
-
[36]
La Cour fédérale des comptes a récemment publié un rapport spécial très critique sur l’évaluation du fonds de relance européen. Bundesrechnungshof, Bericht nach § 99 BHO zu den möglichen Auswirkungen der gemeinschaftlichen Kreditaufnahme der Mitgliedstaaten der Europäischen Union auf den Bundeshaushalt (Wiederaufbaufonds), Bonn, 11.03.2021.
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[37]
Bundesverfassungsgericht, Hängebeschluss zur Ausfertigung des Eigenmittelbeschluss-Ratifizierungsgesetzes, BVerfG, 2 BvR 547/21, 26.03.2021.
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[38]
Bundesverfassungsgericht, Entscheidung zur Ablehnung des Antrags auf Erlass einer einstweiligen Anordnung, BVerfG, 2 BvR 547/21, 15.04.2021.
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[39]
Pour reprendre la formulation de Michael Roth, ministre adjoint chargé des Affaires européennes, au début du débat. Deutscher Bundestag, Plenarprotokoll, 19. Wahlperiode, 218. Sitzung, 25.03.2021, p. 27480-27490, p. 27480.
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[40]
Leo Klimm, « Das böse T-Wort », in : Süddeutsche Zeitung, 19.11.2020.