1Allemagne d’Aujourd’hui ne rend pas compte habituellement des élections communales allemandes, elle se concentre plutôt sur les élections régionales, fédérales et européennes. Les élections communales en Rhénanie du Nord - Westphalie, les 13 et 27 septembre, les dernières de l’année 2020, font l’objet d’une exception car elles se déroulent dans le Land le plus peuplé d’Allemagne (17,9 millions d’habitants, soit plus que les 17,1 millions de Néerlandais). Un Land avec pas moins de 29 villes de plus de 100 000 habitants et qui se situe au premier rang en Allemagne et en Europe pour son poids économique. Ces élections bénéficiaient d’une attention particulière car le ministre-président du Land, Armin Laschet, CDU, aspire à devenir le prochain président fédéral de la CDU, au congrès de Stuttgart le 4 décembre 2020, et à prendre la succession d’Angela Merkel à la chancellerie, à la faveur des élections fédérales de septembre 2021. Le fait que les trois candidats à la présidence fédérale du parti habitent en Rhénanie du Nord - Westphalie (Armin Laschet, Friedrich Merz et Norbert Röttgen) illustre l’importance politique de ce Land. Sans confondre élections communales et élections fédérales, l’opinion publique était curieuse de connaître l’évolution des rapports de force entre les partis à la veille des nombreux rendez-vous politiques de l’année 2021.
Des structures administratives complexes
2En réalité le Land a voté pour plusieurs collectivités territoriales le 13 septembre, le 27 étant réservé à l’élection des maires, les Oberbürgermeister, qui n’avaient pas recueilli la majorité absolue au premier tour. Comme dans d’autres Länder, le maire et le conseil municipal procèdent de deux élections différentes. Chacun des cinq districts (Regierungsbezirke) du Land est dirigé par un « préfet » (Regierungspräsident), non pas élu mais désigné par le gouvernement régional à Düsseldorf. Le Land comprend deux « provinces » (Landschaftsverbände), la Rhénanie (avec les districts de Cologne et de Düsseldorf) et la Westphalie - Lippe (avec les districts d’Arnsberg, Detmold et Münster). Chaque district élit aussi son assemblée, laquelle se donne un président. Les assemblées provinciales au niveau des Landschaftsverbände sont élues par les conseils municipaux des Kreise et des kreisfreie Städte. Il y a 31 Kreise (arrondissements ruraux) avec 363 communes (dont 263 villes) et 23 kreisfreie Städte ou villes-arrondissements. Le 13 septembre il fallait élire non seulement les maires et les conseils municipaux des communes et des villes, mais aussi les assemblées des collectivités mentionnées plus haut. Le droit de vote aux élections communales est accordé dès l’âge de 16 ans et à 18 ans pour faire acte de candidature. Le vote par correspondance est très utilisé. Les mandats des élus durent cinq ans.
3Le parlement de la Ruhr, qui prend en charge les intérêts spécifiques de la métropole du même nom, est une institution unique en Allemagne. Il assure une coordination entre les collectivités territoriales, discute des projets, veille au développement et à la planification des investissements financés par le Land, le Bund et l’Union européenne. Il était composé d’élus des assemblées locales et de membres de droit. Depuis le 13 septembre 2020 ses 91 membres sont élus directement, au suffrage universel, dans quatre Kreise et 11 kreisfreie Städte, regroupant ainsi 53 villes et communes. Sur 3,9 millions d’inscrits, il y a 1,8 million de votants (47 %). Les résultats varient peu par rapport aux élections communales, sauf qu’ici le SPD vient en tête : SPD : 29,4 % et 29 sièges, CDU : 27,2 % et 27 s., Verts : 20,3 % et 20 s., AfD : 7,1 % et 7 s., Linke : 4,1 % et 4 s., FDP : 3,7 % et 4 s.
4Les thèmes les plus discutés au cours de la campagne électorale, selon les sondages d’opinion, sont les transports, le logement, la formation (die Bildung) et les infrastructures. La question de l’immigration n’a pas joué un rôle décisif sauf à Duisburg. Selon la radio-télévision WDR, une large majorité de personnes (60 à 80 %) interrogées dans les villes sont satisfaites de la façon dont le coronavirus est combattu dans le Land, le mécontentement étant élevé à Cologne et Duisburg. En raison de la crise sanitaire, le gouvernement régional a assoupli les délais et conditions à remplir pour se présenter aux élections. Le Land a été stupéfait d’apprendre, en juin 2020, que l’abattoir Tönnies, à Gütersloh (le plus grand d’Europe), comptait plus de 1 300 cas de contamination.
Résultats des élections communales
5Pour les élections communales du 13 septembre 2020, on compte 14,2 millions d’inscrits et 7,3 millions de votants (51,9 %, en augmentation de 1,9 % par rapport à l’élection précédente de 2015). Les résultats définitifs seront publiés fin novembre 2020.
Élections communales en RNW le 13.09.2020.
% | +/- % | Nombre d’élus | |
CDU | 34,3 | -3,2 | 6 631 |
SPD | 24,3 | -7,1 | 4 157 |
VERTS | 20,0 | + 8,3 | 3 500 |
FDP | 5,6 | +0,9 | 1 074 |
AfD | 5,0 | +2,4 | |
WG | 4,4 | -0,1 | |
Linke | 3,8 | -0,9 | |
Divers | 2,6 | -0,3 |
Élections communales en RNW le 13.09.2020.
(+ ou - par rapport à 2015)6La CDU sort en tête du scrutin (34,3 %) mais avec un recul de -3,2 % par rapport à 2015, soit son plus mauvais résultat depuis 1946. Le Ministre-Président Laschet retient surtout que son parti dépasse de 10 points le SPD, qui a longtemps dominé le Land. Les chrétiens-démocrates font élire leur maire à Düsseldorf (la capitale politique) contre le maire sortant SPD. Ils emportent également des grandes villes comme Mühlhausen, Münster et Oberhausen. Mais leurs candidats au titre de maire perdent des villes importantes comme Aix-la-Chapelle et Bonn (conquises à leur détriment par les Verts). La CDU perd Hamm qui se donne un maire SPD.
7Avec seulement 24,3 % des voix pour l’élection des conseils municipaux, le SPD est le principal perdant (-7,1 %) dans un Land où il a longtemps régné en maître. Ses maires perdent des villes de premier plan comme Düsseldorf, Mühlheim, Oberhausen et Wuppertal. Il a au moins la satisfaction d’avoir fait mieux qu’aux élections européennes de 2019 et surtout d’avoir conservé son bastion de Dortmund, malgré une coalition CDU-Verts. Il l’emporte aussi à Hamm et Mönchengladbach. Dans cette dernière ville, le SPD fait élire le plus jeune maire du Land. Même amoindri, le SPD dirige encore un nombre élevé de grandes villes.
8Avec 20 % des voix pour les conseils municipaux, les Verts sont les vainqueurs incontestables (+8,3%) du 13 septembre. 36 % des jeunes électeurs (16-24 ans) votent pour eux (21 % pour la CDU et 16 % pour le SPD). Très présente, la crise climatique a mis au premier plan les problèmes de l’environnement – un thème que les Verts maîtrisent tout particulièrement. Les Verts font élire des maires à Aix-la-Chapelle, Bonn et Wuppertal en faisant preuve de souplesse dans leurs alliances. Ils s’entendent avec le SPD pour faire élire leur candidat à Wuppertal, mais à Dortmund l’alliance CDU-Verts ne réussit pas à battre le maire sortant SPD. Le vote du 13 septembre confirme l’élargissement de l’ancrage électoral des Verts qui ne se limite pas aux villes universitaires.
9À côté des trois grands partis (CDU, SPD et Verts) qui recueillent plus de 75 % des voix, les petits partis survivent difficilement. Bien qu’il participe au gouvernement régional avec la CDU, le FDP, avec 5,6 % des voix (+0,9%) se maintient à un niveau assez bas. Il conserve deux postes de maire et en gagne trois nouveaux (Hallenberg, Steinfurt et Sternwedde) le 27 septembre. Partie d’un niveau très faible, l’extrême droite AfD double cependant son pourcentage avec 5 % des voix (+2,4%), loin des 10 à 15 % espérés. L’AfD s’est présentée dans 90 % des villes et des communes. Ses critiques contre la politique régionale et fédérale de lutte contre le coronavirus n’ont pas fait oublier les querelles intestines du Landesverband. Avec seulement 3,8 % des voix (-0,9 %), die Linke ne parvient pas à percer.
Élection des maires des grandes villes.
Villes | Habitants | a) Maire sortant | Maire élu, % septembre 2020 |
b) Nouveau candidat | |||
Aix-la-Chapelle | 248 260 | b) Harald Baal, CDU | Sibylle Keupen, Verts, 67,37 % |
Bonn | 330 000 | a) Ashok-Alexander, Sridharan, CDU | Katja Dörner, Verts, 56,27 % |
Cologne | 1 087 863 | a) Henriette Reker, sans parti | Henriette Reker, 59,27 % |
Dortmund | 603 109 | b) Andreas Hollstein, CDU | Thomas Westphal, SPD, 51,97 % |
Düsseldorf | 621 000 | a) Thomas Geisel, SPD | Stephan Keller, CDU, 55,99 % |
Duisburg | 501 591* | a) Sören Link, SPD | Sören Link, SPD, 56,88 % |
Essen | 582 760 | a) Thomas Kufen, CDU | Thomas Kufen, CDU, 54,27 % (1er tour) |
Mönchengladbach | 261 034 | b) Frank Boss, CDU | Felix Heinrichs, SPD, 74 % |
Wuppertal | 335 100 | a) Andreas Mucke, SPD | Uwe Schneidewind, Verts, 53,5 % |
Élection des maires des grandes villes.
Nombre d’habitants au 31.12.2019, sauf Duisburg* 30.06.2020.10À titre d’exemple, on examinera l’élection des maires dans neuf grandes villes qui ont été particulièrement disputées. Le titre de Oberbürgermeister (OB) revient en principe aux premiers magistrats des villes de plus de 100 000 habitants (avec des exceptions pour Berlin, Brême et Hambourg), mais la pratique est relativement souple. La CDU se réjouit de conserver la ville de Essen dès le premier tour (54,27 %), prise au SPD en 2015. Le maire sortant, Thomas Kufen, avait huit concurrents, le candidat SPD, Oliver Kern, ne dépasse pas 20,6 %. Au conseil municipal, la CDU confirme sa bonne tenue avec 34,5 % des voix, le SPD 24,3 % (-10 %) et les Verts 18,6 % (+7 %). À Düsseldorf, la capitale du Land, 15 candidats se présentent, y compris le maire sortant, Thomas Geisel, SPD, qui brigue un second mandat. Il est largement dépassé par le candidat CDU, Stephan Keller, au premier tour (Keller : 34,2 % et Geisel : 26,3 %) et au second tour (55,99 % contre 44,01 %). Des succès qui ne peuvent faire oublier la perte d’Aix-la-Chapelle et Bonn au profit des Verts.
11Le SPD se réjouit de conserver Dortmund, considérée comme le cœur du parti dans la Ruhr et en Rhénénie-du-Nord-Westphalie. Après un mandat de 11 ans, le maire sortant Ulrich Sierau, SPD, se retire. Douze candidats se présentent, les plus sérieux étant Thomas Westphal, SPD, et Andreas Hollstein, CDU. Au premier tour Westphall passe en tête (35,87 %), loin devant Hollstein (25,87 %) et la candidate des Verts Daniela Schneckenburger (21,84 %). Au second tour, le soutien des Verts en faveur de Hollstein devait permettre à ce dernier de l’emporter. Mais tous les Verts ne se rallient pas à cette candidature. Westphall (51,97 %) l’emporte finalement sur Hollstein (48,03 %). La tragédie de la Love Parade à Duisburg le 24 juillet 2010 (21 morts et 652 blessés) a provoqué la chute du maire CDU, Adolf Sauerland, en 2012, remplacé aux élections de cette même année par Sören Link, SPD, réélu en 2017 avec 57 %. Comme son mandat de cinq ans ne se termine qu’en 2022, il n’est pas soumis à réélection en 2020.
12À Mönchengladbach, ville catholique acquise à la CDU, le maire sortant Wilhelm Reiners, CDU, ne se représente pas pour un second mandat. Au second tour, le 23 septembre, Felix Heinrichs, SPD, s’impose avec un résultat sensationnel (74 %) contre son concurrent CDU, Frank Ross (26 %). À 31 ans, Heinrichs, gérant d’une maison de retraite privée, devient le plus jeune maire du Land. Malgré de lourdes pertes (-7,47 %), la CDU reste le premier groupe au conseil municipal (34 %), contre 25,2 % (-4,26 %) au SPD. On relèvera l’écart impressionnant de 48,8 points entre le vote en faveur du candidat SPD à la mairie et celui pour le groupe SPD au conseil municipal. Le SPD s’affaiblit comme le montre la perte de Düsseldorf à la CDU et de Wuppertal aux Verts.
13Le contraste est frappant avec ces derniers qui fêtent avec enthousiasme trois grandes victoires dans des villes prestigieuses. Le maire sortant d’Aix-la-Chapelle, Marcel Philipp, CDU, au pouvoir de 2009 à 2020, ne se représente pas, bien qu’il n’ait que 49 ans. Pas moins de onze candidats veulent lui succéder. L’enjeu est de taille car il s’agit de la ville natale d’Armin Laschet, où s’est déroulée une partie de sa carrière politique. Quelle débâcle pour le candidat chrétien-démocrate réduit à 32,63 % des voix au second tour. Son adversaire des Verts, Sibylle Keupen, engrange plus que les deux tiers des voix avec 67,37 %. Au conseil municipal, les Verts affirment leur suprématie (34,08 %), devant la CDU (24,81 %) et le SPD (18,33 %).
14Élu à Bonn pour un premier mandat en 2015, Ashok-Alexander Sridharan, CDU (père indien, mère allemande) se représente en septembre 2020. Il obtient 34,46 % au premier tour, contre 27,59 % à sa concurrente la plus sérieuse, Katja Dörner, les Verts. Celle-ci s’impose nettement au second tour avec 56,27 %, contre 43,73 % à Sridharan. Une victoire dans l’ancienne capitale de la République fédérale d’Allemagne ne passe pas inaperçue. À Wuppertal, le candidat des Verts, le professeur Uwe Schneidewind, soutenu par la CDU, gagne nettement le second tour avec 53,5 % des voix, contre 46,5 % au maire sortant Andreas Mucke. Un ordre différent prévaut au conseil municipal : SPD : 28,9 % ; CDU : 24,2 % et Verts : 19,6 %.
15Première ville de Rhénanie-du-Nord-Westphalie par le nombre de ses habitants, Cologne vient en quatrième position en Allemagne après Berlin, Hambourg et Munich. Depuis octobre 2015 son maire, Henriette Reker, est une avocate, née en 1956, une indépendante, sans étiquette politique. La veille de l’élection, le 17 octobre, elle est victime d’un grave attentat sur un marché de la ville. Le lendemain, grâce au soutien de la CDU, du FDP et des Verts, elle est élue dès le premier tour avec 52,64 % des voix. Elle est très critiquée pour sa gestion de la vague d’agressions sexuelles, la nuit de la Saint-Sylvestre 2015-2016, près de la gare centrale de Cologne. Toujours soutenue par la CDU et les Verts en 2020, elle affronte 12 adversaires. Elle l’emporte au deuxième tour, le 27 septembre, avec 59,27 % des voix, contre 40,73 % à Andreas Kossiki, SPD, un dirigeant syndicaliste. La participation ne dépasse pas 36,24 %, contre 51,41 % au premier tour. Au nouveau conseil municipal les Verts (26 sièges) et la CDU (19 sièges) totalisent 45 sièges sur 90 ; les deux partis atteignent la majorité absolue grâce à la voix du maire !
Les tendances de fond
16Il n’est pas inutile de comparer les résultats des élections des conseils municipaux en Rhénanie-du-Nord-Westphalie du 13 septembre 2020 et le sondage de l’Institut de démoscopie d’Allensbach sur les intentions de vote au niveau fédéral, publié dans la FAZ du 23 septembre. Des convergences et des divergences apparaissent.
17La CDU-CSU confirme sa place de premier parti, en dessous de 40 %. Avec moins de 20 %, le SPD perd au niveau fédéral la seconde place acquise en Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Les deux partis reculent, surtout le SPD, dépassé par les Verts. En se situant autour de 20 %, ces derniers confirment leur expansion. Selon Allensbach les deux coalitions auraient la majorité absolue : 54 % pour CDU-CSU-SPD et 56,5 % pour CDU-CSU-Verts. La coalition avec les Verts serait peut-être celle que préférerait la CDU en raison de leur bonne coopération dans les communes et les Länder. La situation des petits partis n’est guère brillante. L’AfD, peu fréquentable, reste en dessous de 10 %. Le FDP n’est jamais loin des 5 % et Die Linke ne parvient pas à faire bouger les foules.
RNW | Allensbach | |
CDU | 34,3 | 37 (CDU-CSU) |
SPD | 24,3 | 17 |
Verts | 20,0 | 19,5 |
FDP | 5,6 | 6 |
AfD | 5,0 | 9 |
Linke | 3,8 | 7 |
Autres | 7,0 | 4,5 |
------ | -------- | |
100 % | 100 % |
18NB. Neuf élections sont prévues en 2021. Six parlements régionaux seront renouvelés : Bade-Wurtemberg et Rhénanie-Palatinat le 14 mars, Thuringe le 25 avril, Saxe-Anhalt le 6 juin, Berlin et Mecklembourg-Poméranie antérieure à l’automne. Des élections communales en Hesse le 14 mars et en Basse-Saxe à l’automne, ainsi que l’élection du Bundestag en septembre compléteront ce programme très chargé. En raison de la crise sanitaire, la CDU reporte à une date ultérieure le congrès initialement prévu à Stuttgart le 4 décembre pour élire le nouveau président du parti.