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Article de revue

La question épineuse de la sortie du nucléaire en Bavière

Pages 96 à 104

Notes

Une sortie du nucléaire engagée dès 2011

1Toujours soucieuse de cultiver l’image d’une Bavière force d’entraînement à l’échelle fédérale, le gouvernement emmené par Horst Seehofer a été parmi les premiers à emboîter le pas du gouvernement fédéral, à la suite de la catastrophe de Fukushima, et à envisager une sortie progressive du nucléaire en Bavière. Alors qu’il était ministre de l’Environnement du gouvernement Seehofer, le nouveau patron des chrétiens-sociaux [1], Markus Söder, en surprit plus d’un lorsqu’il présenta en novembre 2010 le « Pacte pour l’environnement en Bavière », dans lequel il fixait l’objectif de parvenir à l’horizon 2020 à une production d’électricité résultant à parts égales de l’exploitation d’énergies fossiles et renouvelables.

2Jusque-là, la CSU répétait que la Bavière, pauvre en matières premières, était tributaire de l’exploitation de l’énergie nucléaire, qui fournissait, encore en 2006, 60 % de l’électricité consommée par la Bavière. D’ailleurs, le programme de la CSU sur la politique énergétique adopté trois ans plus tôt, en septembre 2007, précisait également que sans l’énergie nucléaire, il ne serait pas possible d’assurer une production d’électricité répondant à la demande dans des conditions économiquement et politiquement justifiables sur le plan climatique [2].

3La coalition gouvernementale issue des élections régionales du 14 octobre 2018, entre chrétiens-sociaux et électeurs indépendants, s’est fixée des objectifs ambitieux : augmenter à 70 % la part d’énergies renouvelables dans la production brute d’énergie [3] d’ici 2025 alors que celles-ci ne représentaient encore que 44,1 % en 2017 (soit 37,3 milliards de kWh) – contre 36,8 % pour l’énergie nucléaire [4]. Avec la fermeture programmée des derniers sites nucléaires d’ici 2022, la recherche de solutions alternatives est urgente.

La crainte prédominante d’un approvisionnement énergétique insuffisant

4Si la ministre de l’Économie bavaroise de la législature 2013-2018, Ilse Aigner, se targue de « la position de leader des énergies renouvelables dans la production d’électricité » et du « rôle précurseur de la Bavière » témoignant du « succès du redressement énergétique en Bavière », cet enthousiasme est loin de faire l’unanimité. Les objectifs ambitieux fixés par la coalition gouvernementale issue des élections du 14 octobre 2018 sont l’objet de nombreuses critiques, pas seulement dans les rangs de l’opposition ou encore des groupes d’intérêts écologistes.

5On compte parmi les détracteurs de la politique énergétique menée par la CSU la puissante chambre de commerce et d’industrie bavaroise, qui craint que la production intérieure d’électricité ne soit plus en mesure de répondre à la demande au cours de la prochaine décennie après la fermeture de la dernière centrale nucléaire, prévue en 2022, et redoute de facto une hausse inévitable des prix ainsi que la fragilité du réseau électrique.

6Dans une prise de position commune au début du mois d’octobre 2018 [5], les branches bavaroises de la Fédération des syndicats allemands (DGB) et de la Fédération pour la protection de la nature (Bund Naturschutz, BN) demandaient un programme d’action bavarois pour la transformation du système énergétique : « Nous appelons le gouvernement bavarois à poursuivre la révolution énergétique de manière plus conséquente », déclarait Matthias Jena, directeur du DGB de Bavière. « La Bavière a besoin d’un approvisionnement énergétique sûr et abordable en énergie renouvelable pour maintenir son statut de site technologique et innovant. » Avec Richard Mergner, le patron du BN, M. Jena plaide par conséquent en faveur de « l’expansion de l’énergie éolienne et solaire et de technologies de stockage durable » [6], arguant de ce qu’« un approvisionnement en énergie respectueux de l’environnement, fiable, abordable et compétitif est une condition préalable à la poursuite du succès de la Bavière en tant que site industriel » [7]. Par conséquent, les deux responsables préconisent l’accélération du cycle de production d’énergie. Les deux parties revendiquent une loi bavaroise sur la protection du climat avec des objectifs contraignants en matière de protection du climat et des concepts de mise en œuvre. Les deux organisations préconisent un réseau national de consultants en économie d’énergie, la création d’un fonds pour accélérer la rénovation énergétique des bâtiments anciens et le renforcement des entreprises énergétiques régionales, municipales et citoyennes.

« La Bavière doit être le berceau de l’approvisionnement énergétique innovant de demain »

7Les revendications formulées par le BN et le DGB semblent avoir été entendues par la nouvelle coalition gouvernementale en Bavière, qui tient également compte du nouveau contexte politique marqué par l’ascension fulgurante des Verts en Bavière lors des dernières élections régionales. « Pour une énergie durable » [8] : c’est ainsi qu’est intitulée la partie de l’accord gouvernemental entre chrétiens-sociaux et électeurs indépendants du 2 novembre 2018 relative à la transition énergétique, dont le fil conducteur est précisé en son titre : « L’énergie est le carburant de notre économie. » [9]

8Conscients de la nécessité de s’appuyer sur « un mix énergétique fiable, de plus en plus durable, qui réponde à nos obligations en matière de préservation des ressources et de protection du climat », les deux partenaires de coalition (CSU et Freie Wähler) souhaitent en effet « une électricité respectueuse de l’environnement et dont la production est en harmonie avec les intérêts de la population et de l’économie. » Autrement dit, il s’agit de veiller à ce qu’un approvisionnement suffisant garantisse la stabilité des prix sans augmenter les contributions fiscales. Les deux partis de coalition s’engagent ainsi à favoriser un « approvisionnement énergétique le plus régional et décentralisé possible » pour « produire autant d’énergie que possible en Bavière » [10]. À cette fin, ils misent sur le « développement des technologies de pointe de protection du climat en Bavière, pour leur utilisation dans tous les secteurs et pour leur exportation ». Si les chrétiens-sociaux et les Électeurs libres s’accordent sur le fait que le remplacement des combustibles fossiles participe d’une politique énergétique réaliste, ils concèdent toutefois que « le développement des énergies renouvelables ne peut se faire que de manière synchronisée avec l’extension du réseau » [11].

9Le processus de sortie du nucléaire est engagé, mais la fermeture de centrales nucléaires se heurte aux difficultés majeures récurrentes : il faut résoudre la quadrature du cercle consistant à mener une politique responsable de respect des engagements environnementaux découlant des engagements nationaux et internationaux de l’Allemagne tout en assurant l’approvisionnement énergétique, que le passage progressif aux énergies renouvelables n’est pas encore en mesure de compenser, afin de veiller au maintien de la compétitivité du site industriel bavarois, afin de maintenir les emplois directement et indirectement liés au secteur de l’électricité.

De nouveaux objectifs servis par de nouveaux instruments

10Au sein du gouvernement conduit par Markus Söder, ce sont les Électeurs libres qui seront les architectes de la transition énergétique dans les cinq années à venir. Leur chef de file, Hubert Aiwanger, est en charge du ministère de l’Économie, tandis que Thorsten Glauber est à la tête du ministère de l’Environnement. Les innovations les plus marquantes ne portent cependant pas uniquement la signature du parti minoritaire du gouvernement bavarois, mais se lisent comme une réaction au succès électoral des Verts. Le nouveau ministre bavarois de l’Économie préconise une politique énergétique fondée dans les années à venir sur le développement des énergies renouvelables, une conception intelligente de l’architecture du réseau électrique, le développement des installations de stockage et une utilisation accrue des potentiels d’économie d’énergie. Les objectifs environnementaux sont de diviser par trois les émissions de gaz à effet de serre à moins de deux tonnes par habitant et par an d’ici 2050 à l’échelle de la Bavière.

11Quelques semaines seulement après leur prise de fonction, H. Aiwanger et T. Glauber ont convoqué un « Sommet bavarois de l’énergie » [12] réunissant des représentants d’associations, de l’industrie énergétique, des autorités locales, des milieux scientifiques et politiques, à la suite duquel ont été mis en place quatre groupes de travail – les résultats n’en sont pas encore perceptibles à l’heure où nous livrons cette contribution – de même qu’une Agence bavaroise de l’énergie et de la protection du climat, conformément à l’accord de coalition du 5 novembre 2018 qui prévoit d’y consacrer 20 millions d’euros.

12Si dans le domaine de l’énergie éolienne et de l’hydroélectricité, des évolutions substantielles de la capacité de production semblent aujourd’hui limitées en raison des dispositions législatives pour la première [13] et environnementales [14] pour la seconde, l’exploitation de l’énergie solaire doit être développée au moyen d’incitations fiscales sans pour autant augmenter la surface au sol de panneaux solaires en poursuivant le « programme de 10 000 maisons », qui consiste à encourager la construction ou la rénovation de bâtiments écoénergétiques [15]. Dans le même esprit, le gouvernement CSU-FW souhaite abolir le plafond de 52 GW relatif à la limitation de la production d’électricité par installation photovoltaïque – qui est remis en question par de nombreux experts allemands [16] – fixé par la Loi sur les énergies renouvelables (EEG – Erneuerbare-Energie-Gesetz [17]). Par ailleurs, le gouvernement bavarois souhaite développer la technologie de stockage, notamment en créant le Centre bavarois de technologie des batteries à l’Université de Bayreuth, élaborer une stratégie bavaroise sur l’hydrogène ou encore prolonger la Loi sur la production combinée de chaleur et d’électricité au-delà de 2021.

L’importance cruciale de l’énergie nucléaire

13

Production brute d’électricité en Bavière en 2017 par vecteurs d’énergie.

Production brute d’électricité en Bavière en 2017 par vecteurs d’énergie.

Production brute d’électricité en Bavière en 2017 par vecteurs d’énergie.

En pourcentages.
Source : Office régional bavarois pour les statistiques, Fürth, 2018.

14La production d’électricité bavaroise a baissé d’environ 20 % sur la période 2013-2018. Une diminution de moitié est particulièrement remarquable au niveau de la production d’électricité nucléaire, qui s’explique par la fermeture de plusieurs réacteurs. Sur la seule année 2016, les centrales électriques bavaroises ont produit 81 500 gigawatts heures d’électricité, soit près de 5 000 gigawatts heures de moins que l’année précédente, d’après les chiffres publiés par l’Office régional de la statistique de Fürth en novembre 2017. Cette perte est essentiellement imputable à la fermeture de la centrale nucléaire de Grafenrheinfeld (Basse-Franconie, près de Schweinfurt) [18] en 2015. La part de l’énergie nucléaire dans la production d’électricité bavaroise continuera à diminuer, d’autant plus que le premier des deux réacteurs de Gundremminger (près de Wurzbourg) a été retiré du réseau le 31 décembre 2017, amputant encore d’un huitième la production d’électricité en Bavière [19]. D’après la fédération bavaroise de l’économie énergétique et hydraulique VBEW, à l’horizon 2023-2025, la production d’électricité chutera de moitié après la fermeture des derniers réacteurs nucléaires. La recherche d’alternatives pour produire les 83 TWh nécessaires à l’approvisionnement total est donc un enjeu crucial pour les autorités publiques.

15À l’aune de cette problématique, on comprend d’autant mieux le report de la fermeture de la centrale Isar 2. Selon une décision du gouvernement fédéral, elle n’interviendra qu’en 2022 lorsque la centrale nucléaire Isar 2 de Landshut (Haute-Bavière) [20], qui sera alors la dernière en activité en Allemagne, sera fermée. La centrale d’Isar 2, qui devait être retirée du réseau d’ici la mi-2020, devrait maintenant continuer à fonctionner jusqu’à la fin 2022. Elle produit environ 11 milliards de kWh d’électricité à faible teneur en carbone – et permet ainsi de réduire les émissions de CO2 d’environ 10 millions de tonnes par an – soit environ 12 % de l’électricité bavaroise totale, alimentant environ 3,5 millions de foyers par an.

16L’exemple de Munich est un cas d’application qui permet de bien comprendre la problématique de la fermeture des centrales nucléaires, au-delà de la nécessité d’approvisionnement. Les autorités municipales souhaitaient initialement se retirer du nucléaire dès la mi-2020. Mais la complexité des lois, des décisions de justice et des négociations entre le gouvernement fédéral et les entreprises énergétiques ont contribué à reculer cette échéance. Par la première loi sur l’abandon progressif du nucléaire adoptée en 2002, le gouvernement fédéral a fixé les quantités d’électricité dites résiduelles pour chaque réacteur nucléaire en Allemagne, imposant sa fermeture une fois la production maximale autorisée atteinte. Après la catastrophe du réacteur de Fukushima, le Bundestag a en outre défini en 2011 une date d’arrêt fixe pour chaque réacteur.

17Le gouvernement fédéral a pris l’initiative en mai 2018 d’indemniser les compagnies d’énergie RWE et Vattenfall pour l’élimination progressive du nucléaire décidée en 2011 par le gouvernement CDU/CSU-FDP, alors que quelques mois plus tôt, ils avaient prolongé de plusieurs années la sortie progressive du nucléaire décidée par le gouvernement rouge-vert en 2002 et accordé aux entreprises des quantités résiduelles d’électricité plus importantes. Le gouvernement fédéral met ainsi en œuvre un arrêt de la Cour constitutionnelle fédérale, qui impose à l’État de verser aux entreprises une compensation pour les quantités d’électricité qui leur avaient été promises à l’origine, mais qui leur ont été refusées par l’arrêt anticipé de certaines centrales électriques : les juges de Karlsruhe avaient accordé à RWE et à Vattenfall des compensations pour des investissements devenus inutiles et des droits de production d’électricité perdus.

18En conséquence, les autorités – et de facto le contribuable – auront d’autant moins à supporter le coût financier de la sortie du nucléaire que les exploitants pourront écouler l’énergie produite à partir des centrales. C’est cet argument financier qui a permis au président des services publics de la ville de Munich (Stadtwerke München – SMW), Florian Bieberbach, d’emporter l’adhésion du conseil municipal de Munich : outre les pertes subies par la ville en raison de ses coûts d’exploitation et de ses pertes de bénéfices, le contribuable serait également en mauvaise posture si Munich devait abandonner l’énergie nucléaire dès 2020 [21]. Ainsi, Eon et les SWM, qui exploitent conjointement la centrale, ont l’intention d’acquérir les droits de production d’autres centrales nucléaires qui ont déjà été déclassées. Les SWM, qui possèdent le quart de la centrale nucléaire [22], ont été autorisés à acheter des droits de production d’énergie nucléaire leur permettant d’exploiter la centrale Isar 2 pendant deux ans et demi de plus. Si Eon et les Stadtwerke achètent des droits de production à d’autres centrales nucléaires qui ont déjà été déclassées, ils pourront exploiter Isar 2 jusqu’à la fin 2022. Les SWM se joindront aux négociations d’Eon avec les groupes Vattenfall et RWE pour acheter les 7,25 térawattheures nécessaires au fonctionnement de la ville : les ménages privés, les entreprises, les pouvoirs publics et les entreprises de transport de Munich consomment environ sept térawattheures par an.

19Pourtant, de nombreuses plaintes avaient été déposées par écrit devant le tribunal administratif bavarois par la Fédération de protection de la nature (Bund Naturschutz) dans le but d’assurer le démantèlement des centrales nucléaires, dans lequel des risques radioactifs massifs existent toujours : à titre d’exemple, 1 000 éléments combustibles hautement radioactifs subsistent dans l’installation de stockage provisoire du bassin de désintégration de la centrale nucléaire Isar 1 [23], un bassin qui n’est pas intégré dans l’enceinte de confinement et donc vulnérable aux accidents d’avion, par exemple [24]. Il va sans dire que les intérêts économiques ont raison des risques dénoncés par les mouvements écologistes, qui préconisent une sortie immédiate du nucléaire alors que la Fédération des syndicats allemands est beaucoup plus pondérée sur le sujet.

Un mix énergétique fragile ?

20Aujourd’hui, l’expansion des énergies renouvelables ne suffit toujours pas à combler le différentiel bien que depuis le début de la dernière décennie, dans le sillage des mesures mises en place par Markus Söder alors qu´il était ministre de l´Environnement, des progrès aient été réalisés pour développer les différents secteurs des énergies renouvelables. Tandis que l’objectif du programme bavarois pour l’énergie est d’augmenter la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie [25] à 20 % d’ici 2025 – alors qu’elle n’était que de 15,1 % en 2010 –, la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie au niveau fédéral devrait atteindre 18 % d’ici 2020 – d’ici à 2050, cette part devrait atteindre 60 %. Les centrales hydrauliques, éoliennes, solaires et à biomasse ont produit 35 000 gigawatt/heures, soit 3,5 % de plus que l’année précédente. Pour la première fois en 2016, les énergies renouvelables ont représenté la plus grande part de la production bavaroise d’électricité, soit 43 %. L´objectif affiché de produire 70 % d’électricité à partir des énergies renouvelables à l’horizon 2025 pour compenser le déficit résultant de la fermeture des centrales bavaroises est ambitieux et paraît même illusoire au rythme de croissance annuel actuel. Notons toutefois que depuis 2006, la production d’électricité à partir de l’énergie nucléaire a été pratiquement divisée par deux, passant de 60,1 % à 36,8 %.

21L’énergie hydraulique en Bavière est la source d’énergie renouvelable la plus importante pour la production d’électricité (12,2 milliards de kWh en 2017), soit environ un tiers de la production totale. La deuxième source d’énergie renouvelable dans la production d’électricité est le soleil avec 11,2 milliards de kWh, devant la biomasse avec 8,9 milliards de kWh. L’énergie éolienne a fourni quant à elle environ 4,5 milliards de kWh d’électricité en 2017, soit environ huit fois plus qu’en 2009. L’hydroélectricité et le photovoltaïque (11,25 GWh en 2017, soit + 4,5 % par rapport à 2016), dont la production est en hausse, continueront à jouer un rôle décisif, chacun représentant respectivement 14,4 % et 13,3 % de la production brute d’électricité.

22La part de la bioénergie devrait atteindre environ 10,6 %, celle de l’énergie éolienne environ 5 % et celle de la géothermie environ 1 % [26].

23Lors du sommet sur l’énergie, Hubert Aiwanger et Thorsten Glauber se sont prononcés en faveur d’une fermeture rapide des centrales à charbon en Allemagne – avant même que la commission sur le charbon ne rende ses conclusions. La production d’électricité à partir de la houille a diminué de 4,7 % en 2017 pour s’établir à 3 819 GWh. Cela correspond à une part de 4,5 % du mix électrique bavarois. Le lignite n’a pas été utilisé dans le parc de centrales électriques bavarois, même si le lignite est la source d’énergie la plus importante pour la production d’électricité en Allemagne. La production d’électricité à partir du gaz naturel a augmenté de 17,9 %, passant de 9 326 GWh à 10 993 GWh en 2017 [27].

24À l’occasion du Sommet sur l’Énergie du 10 décembre 2018, H. Aiwanger a de nouveau remis en question la nécessité d’une liaison par câbles enterrés de Magdebourg à Landshut, le fameux SüdOstLink qui doit approvisionner la Bavière en électricité éolienne provenant du nord de l’Allemagne. Quelques mois plus tôt, en août [28], Aiwanger avait déjà critiqué avec véhémence le projet de Tennet, par ailleurs source de protestation de la part des populations des petites communes où les Freie Wähler ont une bonne assise, arguant de ce que le tracé définitif de l’autoroute de l’électricité, ne serait déterminé que d’ici 2020 ou 2021 et que cela risquait d’affecter la sécurité d’approvisionnement alors que l’Agence fédérale des réseaux, responsable des nouvelles autoroutes électriques, par la voix de son président Jochen Homann, estimait que « le tournant énergétique ne peut réussir sans les grands projets de gazoducs vers le sud de l’Allemagne » [29]. Cependant, le nouveau gouvernement bavarois promeut la construction de nouvelles centrales à gaz régionales en Bavière et a préconisé un système d’incitation auprès du gouvernement fédéral de sorte que l’expansion des centrales électriques au gaz dans le sud soit rentable. Leur puissance totale devrait être de 4 000 mégawatts, soit presque quatre fois plus que la puissance des deux turbines de la centrale à gaz d’Irsching sur le Danube.

Conclusion

25D’ici 2050, les émissions de dioxyde de carbone (CO2), le gaz à effet de serre le plus important, devraient être de 80 à 95 % inférieures aux niveaux de 1990. Avec le déclassement des centrales nucléaires allemandes d’ici 2022, le nouveau gouvernement CSU-FW devra donc prendre toutes les mesures nécessaires pour compenser le déficit de production que celui-ci implique. Les initiatives ne manquent pas, portées par les acteurs économiques ou politiques, les réflexions des experts, y compris au niveau local : c’est toute la population qui est sensibilisée aux questions énergétiques. Quand on sillonne la Bavière, dès qu’on sort des villes importantes et des zones industrielles, on voit d’ailleurs s’étendre de nombreux champs couverts de panneaux photovoltaïques ou d’éoliennes. Les zones industrielles sont le poumon économique qui permet de maintenir un taux de chômage à 3,3 % mais aussi une source d’investissements étrangers importants. En conséquence, la priorité est de préserver l’attractivité et la compétitivité du site de production bavarois. D’ailleurs, la Bavière est en retard par rapport au reste de l’Allemagne puisqu’elle produit encore plus d’un tiers de son électricité à partir de l’énergie nucléaire alors que l’ensemble du pays était à 11,7 % en 2018 [30], ce que montre le tableau ci-dessous.

Production d’électricité par vecteurs d’énergie en Bavière et en Allemagne en 2017.

BavièreAllemagne
Nucléaire36,811,7
Charbon et lignite4,536,6
Gaz1313,2
Renouvelables44,133,3
Éolien5,416,2
Photovoltaïque13,36,1
Biomasse10,66,9
Hydraulique14,43,1
Autres0,50,9
Autres1,75,2

Production d’électricité par vecteurs d’énergie en Bavière et en Allemagne en 2017.

Sources : Bundesamt für Statistik, Fürth, 2018 pour la Bavière. Pour l’Allemagne : Statistisches Bundesamt ; Bundesministerium für Wirtschaft und Energie ; BDEW Bundesverband der Energie- und Wasserwirtschaft e.V. ; Statistik der Kohlenwirtschaft e.V. ; Zentrum für Sonnenenergie- und Wasserstoff-Forschung Baden-Württemberg (ZSW) ; AG Energiebilanzen e.V.

26Si aujourd’hui, 56 % proviennent des sources d’énergie conventionnelles, y compris fossiles, le tableau ci-dessus montre toutefois également que la Bavière est en avance par rapport à l’ensemble de l’Allemagne en ce qui concerne la production d’électricité à partir des énergies renouvelables (44,1 % contre 33,3 % pour l’Allemagne). La principale source d’énergie renouvelable en 2017 est à nouveau l’énergie hydraulique, qui est traditionnellement forte en Bavière (12 160 GWh), devant l’énergie photovoltaïque (11 247 GWh). Le photovoltaïque a enregistré une augmentation de 4,5 % de la production brute d’électricité. Une croissance a également été observée dans d’autres sources d’énergie renouvelables, telles que l’énergie éolienne (+ 1 302 GWh) et la biomasse (+ 220 GWh). L’énergie éolienne, pour laquelle la Bavière présente des désavantages géographiques et topographiques par rapport au centre et au nord de l’Allemagne, a augmenté de 40,2 %, mais son importance en valeur absolue reste mineure (4 537 GWh) [31].

27La production d’électricité à partir du gaz naturel a aussi augmenté de 17,9 %, passant de 9 326 GWh à 10 993 GWh en 2017. Si les centrales à gaz régionales sont considérées comme des alternatives appropriées qui renforcent la sécurité d’approvisionnement, elles ne permettront à court ou moyen terme à la Bavière ni de couvrir le recul du nucléaire, ni d’atteindre les objectifs climatiques nationaux et internationaux. Force est de constater que les aspects d’efficacité énergétique et écologiste seront jusqu’à la fin de la législature 2018-2023 difficilement compatibles.

Notes

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