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Article de revue

« Je textuel », Je dansé. Un essai sur le lien entre la danse et la poésie contemporaines vu à travers l’exemple d’Anne Juren, de Martina Hefter, de Monika Rinck et de Philipp Gehmacher

Pages 131 à 140

Notes

  • [1]
    Cette contribution fut publiée pour la première fois en allemand sous le titre ‘Ich als Text, Ich als Tanz. Überlegungen zu Anne Juren, Martina Hefter, Monika Rinck und Philipp Gehmacher’ in Sprache im Technischen Zeitalter 216 (2015), p. 405-16. Elle fut rédigée dans le cadre d’une manifestation en deux parties, « Step-Text », organisée en avril et juillet 2015 par le centre de recherche sur le mouvement (Zentrum für Bewegungsforschung - ZfB) de la Freie Universität Berlin et le Literarisches Colloquium Berlin. La conception et la réalisation du projet revinrent à Gabriele Brandstetter et Sigrid Gareis, qui ont également été invitées à coordonner l’édition de la documentation figurant dans Sprache im Technischen Zeitalter.
  • [2]
    Judith Butler, Kritik der ethischen Gewalt. Adorno-Vorlesungen, 2002, Institut de Recherche sociale de l’Université Johann Wolfgang Goethe, traduit de l’anglais par Reiner Ansén, (Frankfurt am Main : Suhrkamp, 2003), 12.
  • [3]
    Le titre de la traduction française de l’ouvrage de Butler est : Le récit de soi, traduit par Bruno Ambroise et Valérie Aucouturier, Paris, Puf, 2007.
  • [4]
    Judith Butler, Kritik der ethischen Gewalt, p. 10-11. [Traduction Jenny Bussek]
  • [5]
    Signalons qu’il existe d’autres approches qui relient la réflexion que Butler développe dans Kritik der ethischen Gewalt et la danse contemporaine. Voir : Christina Thurner, « Es war einmal ein Statement. Anne Teresa de Keersmaekers Tanzsolo Once als politische Reflexion », Forum modernes Theater 1 (2005), p. 95-107 ; et Jeroen Peeters, « How to knit oneself a private political body ? On deufert & plischke’s Directory project », in Through the Back : Situating Vision between Moving Bodies (Helsinki : Kinesis 5, 2014), p. 157-186.
  • [6]
    Ulrike Draesner, Die fünfte Dimension. Münchner Reden zur Poesie, dir. Holger Pils und Frieder von Ammon (Munich : Fondation Lyrik Kabinett, 2015), p. 24.
  • [7]
    Monika Rinck, begriffsstudio 1996-2001 (Berlin : edition sutstein, 2001), Annexe, commentaire sur la notion n° 16 (Anhang, Kommentar zu Begriff Nr. 16)
  • [8]
    À propos de la recherche artistique voir aussi Sybille Peters (dir.), Das Forschen aller : Artistic Research als Wissensproduktion zwischen Kunst, Wissenschaft und Gesellschaft (Bielefeld : Transcript, 2013).
  • [9]
    Signalons ici aussi la narration de la théorie par Thomas Meinecke, voir : « Ich muss nicht schreiben, um nicht verrückt zu werden » in Daniel Lenz, Éric Pütz, Lebensbeschreibungen. Zwanzig Gespräche mit Schriftstellern (Munich : text + kritik, 2000), p. 145-55, p. 149.
  • [10]
    Je cite le titre du livre de Meinecke Ich als Text (Francfort-sur-le-Main : Suhrkamp, 2012).
  • [11]
    Butler, Le récit de soi, p. 33-35. Voir aussi Adriana Cavarero, Relating Narratives : Storytelling and Selfhood (London : Routledge, 2000).
  • [12]
    Il faudrait citer par exemple les textes poétiques sur la danse de Hugo von Hofmannsthal et Rainer Maria Rilke, Stéphane Mallarmé et Paul Valery, T. S. Eliot et d’autres. Voir Gabriele Brandstetter, Tanz-Lektüren. Körperbilder und Raumfiguren der Avantgarde (Freiburg : Rombach, 2., erw. Ausgabe 2013) ; Gregor Gumpert, Die Rede vom Tanz : Körperästhetik in der Literatur der Jahrhundertwende (München : Fink, 1994) ; Susan Jones, Literature, Modernism, and Dance (Oxford : Oxford University Press, 2013) ; Julie Townsend, The Choreography of Modernism in France : La Danseuse, 1830-1930 (London : Legenda, 2010).
  • [13]
    Voir Gabriele Brandstetter, Tanz-Lektüren.
  • [14]
    Martina Hefter, Nach den Diskotheken (Berlin : kookbooks, 2010), 7.
  • [15]
    Martina Hefter, Vom Gehen und Stehen. Ein Handbuch (Berlin : kookbooks, 2010), p. 76.
  • [16]
    À propos de la danse poétologique voir aussi Laurence Louppe, Poétique de la danse contemporaine, la suite, (Brüssel : éditions Contredanse, 2007).
  • [17]
    La conception de Ric Allsopp d’une poétique du mouvement en tant que « a creative practice rather than a critical act » part du principe d’une dichotomie entre la pratique créative et la pensée critique (conceptualisante) que je ne souhaite pas reprendre à mon compte, voir « Some Notes on Poetics and Choreography », Performance Research : A Journal of the Performing Arts 20/1 (2015), Special Issue on Poetics & Performance, p. 4-12, p. 4.
  • [18]
    Armen Avanessian, Anke Hennig, Steffen Popp, « Vorwort der Herausgeber », in Poesie und Begriff. Positionen zeitgenössischer Lyrik (Zürich : diaphanes, 2014), p. 7-18 (7).
  • [19]
    Draesner, Die fünfte Dimension, p. 19-22.
  • [20]
    Ibid., p. 22-23.
  • [21]
    Michael Braun, « Drehung im rhythmischen Zeremoniell. Zu den Gedichten von Monika Rinck », Sprache im Technischen Zeitalter 42 (2004), p. 4-7 (4).
  • [22]
    Maurice Blanchot, « Two Versions of the Imaginary », in the Gaze of Orpheus and Other Literary Essays, hg. von Adams Sitney (Barrytown : Station Hill, 1981), p. 79-90 (85). Je remercie Monika Rinck pour sa remarque.
  • [23]
    Monika Rinck, zum fernbleiben der umarmung : Gedichte (Berlin, kookbooks, 2007), p. 74. Traduction française de tour de trance de Diane-Monique Daviau. Signalons pour information que la comparaison entre tour de trance et ce qui est probablement un des poèmes allemands sur la danse les plus iconiques de la Modernité, la Danseuse espagnole (Spanische Tänzerin) de Rilke, pourrait donner lieu à une analyse intéressante de la littérature sur la danse autour des années 1900 et 2000.
  • [24]
  • [25]
    Voir aussi l’expérimentation de Swantje Lichtenstein qui pousse les limites de telles structures en proposant un commentaire sans texte de référence in Kommentararten */! (Berlin : Verlagshaus Berlin, 2015).
  • [26]
    Hefter, Vom Gehen und Stehen, p. 56, p. 76.
  • [27]
    Peeters, « Shadow Bodies : On Philipp Gehmacher’s Incubator » in Through the Back, p. 135-156 (137).
  • [28]
  • [29]
    « The attempt of saying “I” was paramount. » Philipp Gehmacher, Introduction, Februar 2013. http://oralsite.be/pages/Walk_Talk_Documents.
  • [30]
    Dans ses lectures sur la poétique intitulées « je textuel », Meinecke a résolument retourné la question « que perçois-je », commenté dans une collection de discours sur lui-même sa propre activité de collectionneur de discours prononcés par d’autres en énumérant des réponses aux questions « comment mes textes sont-ils perçus ? », « comment suis-je perçu dans et par mes textes ? » (qu’il ne pose pas aussi directement).
  • [31]
    Monika Rinck, Risiko und Idiotie. Streitschriften (Berlin : kookbooks, 2015), p. 16.
  • [32]
    Hefter, Vom Gehen und Stehen, p. 54.
  • [33]
  • [34]
    Voir aussi les remarques de Constanze Klementz sur la conception chorégraphique de « l’expression » de Gehmacher : « L’expression de Gehmacher articule une capacité physico-réflexive qui se déploie dans un espace intermédiaire : celui de l’intersubjectivité. » Pour Gehmacher c’est là qu’est le lieu de la problématisation du sujet. Son « utterance » cède cependant toujours aussi à la question de son potentiel, de la possibilité de s’extérioriser, de se montrer et de se communiquer dans un jeu de simulation permanent et saccadé dans lequel l’un se transforme par l’autre qui se transforme par un troisième. Le tout porté par l’oscillation entre un être-corps et un avoir-corps, un être-langue et un avoir-langue. Ce qui est fondamentalement toujours en relation avec et tient compte de : me, the world, you. (Philipp Gehmacher), in « Laisser voir ce qui n’eut pas lieu, pour être vu. Au sujet de la justification d’expériences spatiales et temporelles alternatives dans le format chorégraphique » (« Sehen lassen, was nicht geschah, um gesehen zu werden. Zur Be-Gründung alternativer Zeit- und Raumerfahrung in dem choreografischen Format »« walk+talk »), www.philippgehmacher.net, Juni 2010, http://sarma.be/docs/2894.
  • [35]
    Rinck fait également référence à Butler et Cavarero, in Risiko und Idiotie, 19, note de bas de page 11, dans laquelle elle se demande quelle atmosphère réside probablement déjà dans les attitudes d’allocution.
  • [36]
    Butler, Le récit de soi, p. 33.
  • [37]
    Ibid., p. 34-35.
  • [38]
    Ibid., p. 39.
  • [39]
    Ibid., p. 36-37.
  • [40]
    Ibid., p. 51.
  • [41]
    Ibid., p. 40-41.

1Si l’on traduisait le titre des lectures sur Adorno que Judith Butler donna à l’Institut de Recherche sociale de l’Université Johann Wolfgang Goethe à Francfort-sur-le-Main en 2002, l’on aboutirait à l’expression « rendre des comptes sur soi-même ». Comme l’indique cependant dès le départ le traducteur Reiner Ansén dans la première note en bas de page, cette formule ne saisirait pas toutes les nuances du titre anglais « Giving an account of oneself » qui n’implique pas seulement le fait de « rendre des comptes », de « payer ses dettes » ou la tentative de s’expliquer mais suppose aussi que quelqu’un raconte une histoire sur lui-même. [2] Ainsi le titre « Kritik der ethischen Gewalt (Critique de la violence éthique) » [3] sous lequel les lectures sur Adorno parurent en allemand, met dès le départ en évidence l’enjeu de la réflexion de Butler sur le fait de devoir « rendre des comptes ». Elle conçoit en effet ni plus ni moins qu’une éthique et cette éthique part du principe que le sujet ne peut disposer de lui-même qu’en partie :

2

Ainsi le sujet qui ne se connaît pas parfaitement et qui ne peut répondre pleinement de lui-même est un sujet éthique fragile et faillible qui se caractérise plutôt par ses limites que par sa souveraineté. Des systèmes éthiques ou des codes moraux qui partent du principe d’une transparence du sujet à lui-même ou qui nous imputent la responsabilité d’une connaissance de nous-mêmes illimitée, tendent à imposer aux créatures faillibles une « violence éthique ». Il nous faut certes nous efforcer de nous connaître nous-mêmes et nous devons prendre nos responsabilités vis-à-vis de nous-mêmes, il nous faut certes décider de nos faits et gestes avec clairvoyance mais il est tout aussi important de comprendre que tous nos efforts pour atteindre à une harmonie avec nous-mêmes seront toujours contrariés. C’est intrinsèque à « l’humain » selon Adorno et semble d’une importance centrale pour toute philosophie morale qui aspire à accorder une place à la modestie et à la générosité. [4]

3La citation exhaustive des réflexions de Butler sur le fait de rendre des comptes me semble nécessaire parce qu’elle met l’accent sur cette impulsion éthique que je ne souhaite pas perdre de vue, du moins pas entièrement, dans les développements sur la danse d’Anne Juren et de Philipp Gehmacher ainsi que sur l’écriture de Martina Hefter et Monika Rinck qui vont suivre, et ce même si le lien entre cette impulsion éthique et les pratiques de l’art contemporain ne pourra pas faire l’objet d’une étude approfondie ici. [5]

4Dans le discours sur la poésie qu’elle a tenu à Munich, Ulrike Daesner parle de l’écriture poétique comme d’un « genre de l’excès de sens » et la même chose devrait pouvoir s’appliquer à la danse contemporaine. [6] La poésie et la danse sont des objets dont on ne pourra jamais sonder totalement le sens. C’est bien pour cette raison, faudrait-il argumenter, que ces objets appellent à des commentaires. Cela n’empêche que dans les textes et les danses des artistes femmes et hommes que nous étudions ici, des formes réflexives se font jour qui apportent à elles seules déjà énormément d’éclairages ; que ce sont des textes et des danses qui se commentent aussi toujours par eux-mêmes. Dans un commentaire apposé à l’ouvrage édité d’après le premier manuscrit soumis par le begriffsstudio de Monika Rinck, il est fait référence à Niklas Luhmann qui signale que « la science ne manque pas de prose savante » mais de « poésie savante » qui serait seule capable d’exprimer « la singulière qualité de caractère-monde des théories scientifiques ». Les théories devraient toujours être accompagnées d’« une sorte de poésie parallèle qui reformulerait les choses autrement, renvoyant ce faisant la langue scientifique aux limites de son système de fonctionnement. » [7] Cette notion de poésie parallèle me semble correspondre parfaitement à la performance de la recherche artistique – l’art en tant que recherche – que la danse et l’écriture contemporaines délivrent et présentent. [8] Ma langue scientifique est ainsi renvoyée aux limites de son système de fonctionnement et considère l’observation et l’organisation des découvertes formulées dès le départ par la danse et la poésie elles-mêmes comme étant la tâche qui lui incombe dans la rédaction de cet essai.

5Si la notion de poésie parallèle est utilisée à la fois en lien avec le corpus de textes et l’ensemble des danses choisis ici, c’est que cela implique leur teneur tout aussi poétique que théorique. [9] Au-delà, les analyses contenues dans cet essai montreront cependant aussi que la danse et la littérature contemporaines mettent en effet au jour des contenus qui correspondent à leur tour à des contenus réflexifs qualifiés officiellement de théoriques tels que la pensée de Butler sur le fait de rendre des comptes. L’art (théorique) et la théorie participent du même « caractère-monde ». Ce caractère a entre autres à voir avec la question de savoir comment on peut dire « je » au juste, quand ce « je » est un « je » corporel et discursif – « je textuel », « je dansé » – qui ne parvient jamais à se saisir totalement et qui s’adresse pourtant nécessairement à un « tu ». [10] Butler se réfère ici à la philosophe italienne Adriana Cavarero qui ancre fermement le fait social dans « la rencontre dyadique » entre le « je » et le « tu », le situant ainsi dans « une dépendance fondamentale à l’égard de l’Autre » même si cette ou cet Autre n’est justement pas exactement le même que soi. [11]

6Or, qu’est-il à dire à présent de processus d’échange plus spécifiques entre la littérature et la danse contemporaines ? Leur relation se caractérise de manière générale tout du moins plutôt par un manque de reconnaissance. Cela n’était pas le cas il y a un siècle, autour de 1900, lorsqu’une esthétique de la danse prit forme concrètement et qu’elle ne fut pas seulement commentée au moyen de théories de la danse mais également élevée au rang de poétique par la littérature. Cette poétique - non pas dans le sens d’un ensemble de règles mais d’une forme d’écriture possible - découvrit dans la danse des procédés littéraires idéalisés qui fascinaient justement de par leur expressivité non-verbale et le caractère éphémère de leurs formations signifiantes. [12] L’enthousiasme littéraire au tournant du siècle pour le mouvement ne reposait toutefois pas forcément sur la description d’expériences personnelles du mouvement. Il s’agissait plutôt de scènes de réception ou, dans le cas de Gabriele Brandstetter, de « lectures » de scènes dansées dont la dynamique était transposée dans l’écriture personnelle. [13] L’admiration pour les danseuses et danseurs qui allait de pair avec cet enthousiasme ne figure pour ainsi dire pas dans la littérature contemporaine, elle apparaît tout au plus ex negativo dans l’épigramme quelque peu mélancolique dont Martina Hefter fait précéder deux poèmes sur la danse de son recueil Nach den Diskotheken (Après les discothèques) : « Dans sa chambre, Nijinski dort, couvert de poèmes. Laissez-le. » [14]

7Ce qui m’importe, c’est de montrer une différence qui se révèle ici et qui ne s’explique pas seulement par l’existence au début du XXe siècle d’une écriture plus érotisante, englobante et poétologique sur la danse. Quand des textes contemporains s’expriment sur la danse, c’est de manière plus ponctuelle et ces textes semblent alors procéder beaucoup plus volontiers d’expériences de mouvement personnelles, et ce de façon en partie explicite, ou en partie, comme je le suppose, implicite. Ce n’est d’ailleurs en général pas tant de danse qu’il est question mais plutôt d’une compréhension élargie du mouvement, y compris des mouvements et de l’activité physique du quotidien, qui sont ensuite mis en relation avec l’écriture. Hefter conçoit ses poèmes comme des « prolongements de mouvements physiques » ; dans son recueil Vom Gehen und Stehen. Ein Handbuch (De la marche et de l’immobilité. Un manuel) elle indique que, dans un mouvement, ce sont les « impressions subjectives que l’on peut avoir d’elle, soit en tant que personne exécutant un mouvement, soit en tant que personne qui observe un autre se mouvoir » qui l’intéressaient. [15] Cette concentration subjective, entremêlée en partie d’éléments biographiques, sur le mouvement, qui dépasse les formes et sémantiques prescrites de la danse, constitue un lien aussi frappant qu’évident avec les pratiques contemporaines dans le domaine de la danse. Dans les deux arts, elle semble demander à être étudiée à travers une recherche poétique et dansée. Si nous avons signalé précédemment qu’on écrit aujourd’hui moins de manière poétologique sur la danse, il est certain à l’inverse que l’on écrit cependant poétologiquement – tout comme on danse poétologiquement.[16] Au-delà d’être une forme possible d’écriture et une interrogation sur « la manière de faire un texte », les éditeurs de l’anthologie Poesie und Begriff (Poésie et concept) qui regroupe des poétiques d’auteurs contemporaines définissent la poétique comme l’« ouverture d’un espace de compréhension » qui réunit poésie et conceptualisation. [17] Les concepts poétiques qui en résultent sont décrits de la façon suivante :

8

Ce qui caractérise aussi bien le concept philosophique que le concept poétique est qu’ils nomment un monde sans modèle préalable, qu’ils nous transportent dans une réalité qui n’existait pas avant eux. Ils instaurent des relations inhabituelles, creusent de nouvelles voies, rendent palpables l’émergence de quelque chose. [18]

9Cette définition du travail de conceptualisation poétologique correspond au travail du mouvement poétologique dans la danse qui lui est similaire. En s’attachant à un savoir liminaire, accessible le plus souvent de manière seulement graduelle et qui touche aux limites de la langue et du mouvement dans leur forme compréhensible, la danse et l’écriture contemporaines ouvrent des espaces de compréhension nouveaux. La langue se rapproche ici étroitement de la corporéité et du mouvement ; en cela des descriptions de travaux poétiques ressemblent parfois aux descriptions d’une danse. Écrire de la poésie reviendrait, selon le discours poétologique de Draesner que nous avons déjà cité, à « se laisser guider à partir du mouvement propre à la langue […], à partir de ses propres possibles […] vers des voix qui se mettent à résonner […] – avec l’aide de sa propre corporéité. » Ou en d’autres termes :

10

La poésie, c’est ce qui advient quand on laisse s’échapper du cor la sonorité linguistique qui était reléguée à l’ombre. C’est quand on commence à lire – à délivrer – le corps du mot – le corps de la langue, tel qu’il se dresse sur le côté, ce corps simplifié, réduit, abstrait. [19]

11Draesner définit la sonorité du corps linguistique qui se situe encore par-delà sa charge sémantique (bien qu’elle y contribue) de quatre façons : en tant que rythme, « pouls » ou « courant réflexif et sensible » ; en tant que « tonalité émanant du mot » ou « sonorité et caractère du mot individuel » ; en tant que « tempo » au sens de « mouvement traversant le temps » qui est suggéré par « la structure linguistique du texte lui-même » et enfin en tant que « mélodie émise par les voyelles » qui confère aux vers « une certaine lumière ». [20]

12La définition de la sonorité de Draesner vaut peut-être dans ses termes et son contenu surtout pour sa propre compréhension de ce qu’est la poésie ; les termes pouls, courant réflexif et sensible, mouvement traversant le temps livrent en tout cas des outils permettant d’aborder aussi un poème de Rinck. Le poème tour de trance de Rinck a inspiré à Michael Braun la remarque légitime que la poésie « semble parfois être une discipline voisine de la cinétique » [21] ; la concentration sur le mouvement rotatif spatio-temporel qui constitue le poème est en effet une étude cinétique qui se dessine ici sous la forme d’un mouvement circulaire de dimension inhumaine, quasi imperceptible et catastrophique. tour de trance est sous-titré « my task, she said, was poisoning time ». Le titre fait référence à une traduction anglaise de la réflexion de Maurice Blanchot sur les empoisonneuses dans l’histoire de Maurice Blanchot, qui leur impute un intérêt non pas pour le meurtre d’êtres humains mais pour la possibilité de manipulation de la temporalité à travers l’empoisonnement. Le temps devient ainsi une « imperceptible consumption ». [22]À travers l’image d’une implosion d’énergie massive et simultanément ralentie, le poème de Rinck rend perceptible cette consomption ou épuisement. Malgré la grande ampleur des dimensions nommées, tour de trance fait penser également à une ivresse subjective de la danse provoquée par une drogue chimique, à une expérience du mouvement s’étirant en cercles concentriques, accompagnée d’hallucination catastrophiques, qui dure autant que la drogue fait effet. La mort par empoisonnement serait la fin de la transe, le retour à la lucidité. Le titre tour de trance devrait être rangé dans la catégorie du concept poétique - il pourrait également apparaître dans le begriffsstudio de Rinck – qui nous « transporte dans une réalité qui n’existait pas avant lui », comme cité précédemment. tour de trance oppose aux records de vitesse évoqués dans la rime imaginée une perte de la notion du temps qui se dissout dans une temporalité cyclique pour finir par s’y éteindre et le fait, c’est du moins ce que suggère l’interprétation qui affleure ici, sous forme d’un poème sur la danse :

13

tour de trance
my task, she said, was poisoning time
comme tout tournait, se répétait, s’étirait,
et pivotait, la chaleur était a space so vast,
si catastrophiquement grand, elle était une arène
dans laquelle les débris d’objets dérivaient,
des coups sauvages dans le lointain, pas un n’entendait,
chacun sentait les secousses du choc.
là où quelque chose manquait, tout devenait plus grand,
tournait, pivotait, se mettait à déraper
et s’arrêtait ensuite au centre.
la fatigue était une cure, le poids
de l’atmosphère, un vide hallucinogène
faisait ressort, ça tournait moins maintenant
comme si les coups étaient, dans ce qu’ils sont,
matière à dilution, comme si
le temps, cet espace impétueux, était minutieusement et
tendrement empoisonné, dans sa texture montait
la fragilité chimique, ça écumait,
étouffait, la couche de croûtes blanche
qui se formait devient plus riche et toxiquement
les coups diminuaient, ça tourne,
ça tourne imperceptiblement, et s’arrête. [23]

14Il est écrit « ça tourne » – et non pas « elle tourne » ou « je tourne ». L’hypothèse qu’il s’agirait ici moins d’un mouvement personnel que des répercussions d’un mouvement en gestation surdimensionné pourrait aider à la compréhension de la langue du poème. L’on verrait alors flotter dans la langue les débris d’objets (conceptuels), selon une dynamique que l’on pourrait décrire précisément. Il s’agirait, pourrait-on dire, d’une langue de ce qu’on aurait « laissé traîner là au milieu » ; d’un procédé esthétique qui serait aussi toujours basé sur la contingence et que Rinck a nommé ainsi dans un entretien : Question : « You seem to use “found” language or colloquialisms often too. » La réponse de Rinck : « Well, what is NOT found ? » [24]

15Le begriffsstudio de Rinck qui est largement basé sur des ressources trouvées sur internet, est dès lors une archive contenant des trouvailles linguistiques, une liste qui s’allonge et sur laquelle se trouvent des éléments potentiels ou des noyaux de poèmes à retravailler, ou bien une liste faisant figure de poème progressif, se distinguant par son aspect actif, comme dans l’« active archive » de walk + talk. walk + talk est une série ouverte de lectures performances par divers artistes qui fut organisée par Philipp Gehmacher en 2008 à Vienne dans le Tanzquartier, un centre dédié à la danse contemporaine, et qui s’est produite depuis, y compris avec des intervenants différents, à Bruxelles, Stockholm et dans d’autres villes. Au-delà il existe sur internet une documentation exhaustive qui dépasse en réalité les présupposés d’une documentation puisqu’elle reproduit, poursuit et commente la série par le biais d’une retransmission et rend accessible les déclarations sur la danse faites par les artistes sous la forme d’un script écrit qui accompagne en parallèle l’enregistrement vidéo.

16Sur la plateforme internet le format des lectures performances qui consiste à apposer des remarques sur du mouvement se trouve donc redoublé de par la notation et la classification temporelle exacte de ces remarques. Cela ne rend pas seulement la recherche en lien avec cette manifestation plus simple mais la caractérise elle-même en tant que recherche artistique.

17Des appareils d’archives et de notes, des structures de transmission et de commentaires qui englobent aussi bien les éléments compris que les éléments incompris ou mal-compris conviennent à la danse et à la poésie contemporaines. [25] Dans la section intitulée « Assis. Debout. Marcher. Phrases. » du Handbuch (Manuel) de Hefter, la narratrice à la première personne souhaite la réalisation d’une archive du mouvement : « J’aimerais conserver chaque mouvement de ma vie. J’aimerais beaucoup léguer à quelques personnes une boîte remplie de mouvements » ; dans la section « Téléphone arabe » elle joue avec des malentendus intentionnels qui sont ensuite prétendument ramenés à un certain degré de « vraisemblance et d’intelligibilité », ce qui, « au vu du processus est dès le départ une supercherie. » [26] Rinck explique qu’elle trouve les concepts de son studio entre autres dans les moments où elle ne comprend pas bien ce qui se dit à la radio, quand elle fait des traductions, au cours de conversations, sur le web, dans la rue – il s’agit de mots saisis au vol, de manière subjective, et qui sont ensuite transposés dans une énumération d’apparence systématique de ce qui est en réalité non-systématique.

18Pourrait-on comparer le travail sur les mots mal-compris avec une sorte de corps mal-compris dans la danse ? Il est intéressant de voir que la formulation de Draesner sur la mobilisation de la sonorité de la langue qui est habituellement reléguée à l’ombre se recoupe avec la déclaration de Gehmacher sur le corps qui le préoccupe, qu’il voudrait mettre en scène et qui serait un « fragile, material body, a broken and uncoordinated body : just about everything that makes up the shadow-side of the civil body, the body we care for and symbolise ». [27] Ce que fait la langue poétique qui joue avec des sémantisations courantes, les évite, les élargit, les réduit, etc., le travail de la danse le fait également, en voulant pour ainsi dire découvrir l’envers des mouvements habituels. En employant précédemment la formule des limites des formes compréhensibles du mouvement dont le lien avec l’élément linguistique est quelque peu ténu, je pensais au travail du corps qui échappe à des images corporelles célèbres, répandues et codées de façon spécifique ainsi qu’à des images corporelles esthétisées, et qui se consacre au lieu de cela à des expériences et des observations du mouvement souvent subjectives, en partie infimes, pour les utiliser ensuite de manière productive. Tout comme dans l’examen et la transformation de concepts trouvés dans la poésie, cela peut se manifester dans l’examen et la transformation de mouvements trouvés dans la danse.

19La contribution d’Anne Juren à walk + talk du 16 mars 2011 dans les studios Kaai à Bruxelles servira ici à la fois d’exemple et de pendant aussi pertinent qu’élégant au poème de Rinck car tous deux se rapprochent d’états de transe d’une manière clairvoyante, distanciée et pourtant suggestive ; et tous deux mettent clairement fin à la transe. Voici un extrait du script de la performance de Juren. Au début elle se trouve là et commence à secouer son corps, elle essaye différentes qualités, centres de gravité et parties du corps jusqu’à ce qu’elle passe finalement à une danse plus structurée quoique toujours constituée de mouvements répétitifs :

20

00:17:11 00:17:17
Shaking is a nice feeling.
00:17:18 00:17:43
It’s so full of possibility of a continuous movement. I will feel the muscles, organs and skin shaking by itself.
00:17:44 00:17:56
Marina Abramovic was using shaking for the performance she did in 1972, Freeing the Body.
00:18:02 00:18:44
She was shaking, getting in trance for about six hours, before collapsing by exhaustion. I was kind of intrigued by what she meant by freeing the body. Then I decided reenact this performance. So I went into the studio, covered my head, got undressed, and started dancing for six hours.
00:18:46 00:19:29
After fifteen minutes, I realized, in order to continue, I have to find a strategy. And then I started to understand that for me, less than thinking freedom as a state, like “I’m free”, freedom can be seen as a construction of the body.
00:19:31 00:19:59
So I was in transit, I was changing constantly quality, and managed to keep the six hours. And I realized that each change was more and more bringing a certain connection towards the viewer.
00:20:01 00:20:04
This is my response to Marina.
00:23:06 00:23:08
Thank you. [28]

21Dans walk + talk, Gehmacher indique qu’il s’agit aussi de la tentative de « dire je ». [29] Ce « dire je » reste indirect chez de nombreux participants. La question fondamentale ne serait pas tant « qui suis-je ? » que « que perçois-je ? ». C’est aussi ce qu’expose Juren quand elle montre quel enchainement de mouvements accompli par une autre artiste elle a perçu et de quelle façon elle l’utilise dans son travail. [30] Rinck écrit ceci dans Risiko und Idiotie (Risque et idiotie) :

22

De quel type est l’articulation entre l’œuvre et la biographie ? […] Il est évident qu’il existe un lien entre les deux, le poète et le texte sont cependant séparés par le travail qui est un générateur de chaos, un prisme, une tâche à réaliser ; qui est lecture, vol, aliénation, grâce et endurcissement, et qui dissout le lien biographique.

23Le travail ou le texte élaboré installerait « ensuite à un moment donné un je fictif totalement nouveau et à sa manière bien meilleur. » [31] Ce travail sur le « je » semble toujours tenir compte des limites du contrôle sur la langue et sur le corps, voire même les chercher, et ce justement à cause ou malgré le présupposé de départ de la maîtrise linguistique et corporelle. Pour emprunter les mots de Butler, il s’agit d’explorations de la perte de ce sentiment de souveraineté qui est en réalité nécessaire pour une théorie du sujet cohérente mais qui, chez Butler, signifie justement un devenir humain. Hefter appelle cela « chuter dans le basculement » ; dans son Handbuch (Manuel), dans la section « Assis. Debout. Marcher. Phrases », on peut lire :

24

Je ne veux pas parler de la position assise. Je ne veux pas parler en étant assise. Je ne veux pas non plus faire quelque chose d’aussi extraordinaire que cela scotcherait les gens à leur chaise. Je sens qui si je continuais à réfléchir à cela encore longtemps, l’assise culminerait et deviendrait une chute dans le basculement. Je veux être assise ici comme si je préférais m’en aller sans tarder. Les significations changent si vite de mouvement qu’il semblerait que la chambre soit en train de courir. [32]

25Après une minute et vingt-neuf secondes, Gehmacher déclare dans sa version de walk + talk du 7 décembre 2013 à Stockholm qu’il s’agit de la tentative « to somehow expose a certain sense of physicality as such », et après trois minutes et quinze secondes : « It’s maybe just the attempt to expose a sense of subjectivity and how these people live with their art form » (« these people » sont les autres artistes de walk + talk). [33] À ce moment il explore une torsion, une tension inverse de la tête, du cou, de l’épaule et du bras qui résulte de la pression qu’il exerce avec sa main gauche sur son visage pour tourner sa tête vers la gauche pendant que le bras droit, majoritairement tendu, parfois plié à angle droit, s’élance sur le côté droit, en arrière, vers le haut ; une sorte d’étirement mis à l’essai et au cours duquel l’attention est portée de manière privilégiée sur le fait qu’il couvre son visage de sa main d’une façon plutôt inhabituelle, tout au plus partiellement fonctionnelle, qu’il soit en train de parler ou non. Le tout a le caractère d’un essai convaincu, d’un détournement du regard formel, total ou partiel, qu’il ne faudrait cependant pas qualifier de forcé ou associer avec une honte quelconque. Cela enlève au public une partie de la vue sur l’artiste tout en conviant pour ainsi dire aux propres explorations de ce dernier le caractère d’un tâtonnement aveugle ; on a affaire à un geste sensible de mesure qui n’omet absolument pas le monde qui l’entoure, c’est ce qu’indique le bras tendu, qui marque les limites de la sphère cinétique. C’est en outre un mouvement du bras que Gehmacher décrira plus tard de geste essentiel, de prise de contact, de mise à l’épreuve de la limite entre le « je » et le monde. [34] Ce que l’on trouve chez Gehmacher, Hefter, Juren et Rinck n’est pas un sujet souverain qui ne serait jamais remis en question mais un sujet qui rend des comptes sur des possibilités de mouvement, sur lui-même, qui est en quête de reconnaissance et qui fait preuve de reconnaissance ; et qui met à l’essai la mise en forme d’une interpellation du « je » vers le « tu », qu’elle soit écrite ou performative, comme la séquence bougée de Juren est par exemple une réponse à Abramovic, qui instaure en même temps une relation à la spectatrice. [35] Cela me ramène en guise de conclusion au discours de Butler. Dans ses lectures sur Adorno elle réfléchit en effet à la manière dont il faudrait penser le sujet qui s’échappe toujours à lui-même comme un sujet éthique. Se référant à Cavarero, Butler avance que le « je » ne rencontre « pas seulement tel ou tel attribut de l’autre » mais un être « qui serait fondamentalement exposé, visible, vu, existant physiquement et nécessairement situé dans une sphère de l’apparent. » Elle continue ainsi :

26

Cette exposition que je suis constitue, pour ainsi dire, ma singularité. Je ne peux pas m’en défaire, car c’est un trait de ma corporéité même et, en ce sens, de ma vie, et pourtant je ne peux pas le contrôler. [36]

27La singularité limite le caractère remplaçable ou interchangeable de l’individu, et cependant c’est aussi ce que nous partageons avec les autres. Cette exposition face à « une publicité variablement et alternativement intime et anonyme », ne pourrait « être racontée » [37], car il faudrait toujours tenir compte de la présence d’un

28

référent corporel, l’une de mes conditions que je peux montrer, mais que je ne peux pas précisément raconter, même s’il existe sans doute des histoires sur les allers-venues et les actions et inactions de mon corps. [38]

29En ce sens, le fait de rendre des comptes est toujours et jusqu’à un certain point voué à échouer ; et malgré cela on essaie de rendre des comptes, pas seulement à soi-même mais aussi aux autres, que ces derniers soient imaginaires ou réels : « On ne peut pas rendre compte de soi en dehors des structures de l’interpellation. » [39] La valence éthique de la situation ne se réduit donc pas à la question de savoir si oui ou non je rends compte de moi-même de manière adéquate, mais de savoir si, en le faisant, j’établis une relation avec celui à qui je m’adresse, et si les deux partenaires de l’interlocution se trouvent soutenus et modifiés par la scène d’interlocution. [40]

30Je pense que cela correspond relativement bien aux travaux qui sont décrits dans cet article. Selon Butler, il est donc possible qu’« une certaine capacité à affirmer ce qui, en soi, est contingent et incohérent permette d’affirmer aux autres ce qui pourrait, ou non, “refléter” la constitution de soi ». Au lieu d’un « concept plein et satisfaisant de responsabilité narrative », et j’ajoute « poétique, dansée », c’est une disposition éthique du sujet non-souverain [41] qui lui importe et dont « le caractère-monde » est négocié aussi dans les textes et danses contemporaines que nous avons présentés ici.

Notes

  • [1]
    Cette contribution fut publiée pour la première fois en allemand sous le titre ‘Ich als Text, Ich als Tanz. Überlegungen zu Anne Juren, Martina Hefter, Monika Rinck und Philipp Gehmacher’ in Sprache im Technischen Zeitalter 216 (2015), p. 405-16. Elle fut rédigée dans le cadre d’une manifestation en deux parties, « Step-Text », organisée en avril et juillet 2015 par le centre de recherche sur le mouvement (Zentrum für Bewegungsforschung - ZfB) de la Freie Universität Berlin et le Literarisches Colloquium Berlin. La conception et la réalisation du projet revinrent à Gabriele Brandstetter et Sigrid Gareis, qui ont également été invitées à coordonner l’édition de la documentation figurant dans Sprache im Technischen Zeitalter.
  • [2]
    Judith Butler, Kritik der ethischen Gewalt. Adorno-Vorlesungen, 2002, Institut de Recherche sociale de l’Université Johann Wolfgang Goethe, traduit de l’anglais par Reiner Ansén, (Frankfurt am Main : Suhrkamp, 2003), 12.
  • [3]
    Le titre de la traduction française de l’ouvrage de Butler est : Le récit de soi, traduit par Bruno Ambroise et Valérie Aucouturier, Paris, Puf, 2007.
  • [4]
    Judith Butler, Kritik der ethischen Gewalt, p. 10-11. [Traduction Jenny Bussek]
  • [5]
    Signalons qu’il existe d’autres approches qui relient la réflexion que Butler développe dans Kritik der ethischen Gewalt et la danse contemporaine. Voir : Christina Thurner, « Es war einmal ein Statement. Anne Teresa de Keersmaekers Tanzsolo Once als politische Reflexion », Forum modernes Theater 1 (2005), p. 95-107 ; et Jeroen Peeters, « How to knit oneself a private political body ? On deufert & plischke’s Directory project », in Through the Back : Situating Vision between Moving Bodies (Helsinki : Kinesis 5, 2014), p. 157-186.
  • [6]
    Ulrike Draesner, Die fünfte Dimension. Münchner Reden zur Poesie, dir. Holger Pils und Frieder von Ammon (Munich : Fondation Lyrik Kabinett, 2015), p. 24.
  • [7]
    Monika Rinck, begriffsstudio 1996-2001 (Berlin : edition sutstein, 2001), Annexe, commentaire sur la notion n° 16 (Anhang, Kommentar zu Begriff Nr. 16)
  • [8]
    À propos de la recherche artistique voir aussi Sybille Peters (dir.), Das Forschen aller : Artistic Research als Wissensproduktion zwischen Kunst, Wissenschaft und Gesellschaft (Bielefeld : Transcript, 2013).
  • [9]
    Signalons ici aussi la narration de la théorie par Thomas Meinecke, voir : « Ich muss nicht schreiben, um nicht verrückt zu werden » in Daniel Lenz, Éric Pütz, Lebensbeschreibungen. Zwanzig Gespräche mit Schriftstellern (Munich : text + kritik, 2000), p. 145-55, p. 149.
  • [10]
    Je cite le titre du livre de Meinecke Ich als Text (Francfort-sur-le-Main : Suhrkamp, 2012).
  • [11]
    Butler, Le récit de soi, p. 33-35. Voir aussi Adriana Cavarero, Relating Narratives : Storytelling and Selfhood (London : Routledge, 2000).
  • [12]
    Il faudrait citer par exemple les textes poétiques sur la danse de Hugo von Hofmannsthal et Rainer Maria Rilke, Stéphane Mallarmé et Paul Valery, T. S. Eliot et d’autres. Voir Gabriele Brandstetter, Tanz-Lektüren. Körperbilder und Raumfiguren der Avantgarde (Freiburg : Rombach, 2., erw. Ausgabe 2013) ; Gregor Gumpert, Die Rede vom Tanz : Körperästhetik in der Literatur der Jahrhundertwende (München : Fink, 1994) ; Susan Jones, Literature, Modernism, and Dance (Oxford : Oxford University Press, 2013) ; Julie Townsend, The Choreography of Modernism in France : La Danseuse, 1830-1930 (London : Legenda, 2010).
  • [13]
    Voir Gabriele Brandstetter, Tanz-Lektüren.
  • [14]
    Martina Hefter, Nach den Diskotheken (Berlin : kookbooks, 2010), 7.
  • [15]
    Martina Hefter, Vom Gehen und Stehen. Ein Handbuch (Berlin : kookbooks, 2010), p. 76.
  • [16]
    À propos de la danse poétologique voir aussi Laurence Louppe, Poétique de la danse contemporaine, la suite, (Brüssel : éditions Contredanse, 2007).
  • [17]
    La conception de Ric Allsopp d’une poétique du mouvement en tant que « a creative practice rather than a critical act » part du principe d’une dichotomie entre la pratique créative et la pensée critique (conceptualisante) que je ne souhaite pas reprendre à mon compte, voir « Some Notes on Poetics and Choreography », Performance Research : A Journal of the Performing Arts 20/1 (2015), Special Issue on Poetics & Performance, p. 4-12, p. 4.
  • [18]
    Armen Avanessian, Anke Hennig, Steffen Popp, « Vorwort der Herausgeber », in Poesie und Begriff. Positionen zeitgenössischer Lyrik (Zürich : diaphanes, 2014), p. 7-18 (7).
  • [19]
    Draesner, Die fünfte Dimension, p. 19-22.
  • [20]
    Ibid., p. 22-23.
  • [21]
    Michael Braun, « Drehung im rhythmischen Zeremoniell. Zu den Gedichten von Monika Rinck », Sprache im Technischen Zeitalter 42 (2004), p. 4-7 (4).
  • [22]
    Maurice Blanchot, « Two Versions of the Imaginary », in the Gaze of Orpheus and Other Literary Essays, hg. von Adams Sitney (Barrytown : Station Hill, 1981), p. 79-90 (85). Je remercie Monika Rinck pour sa remarque.
  • [23]
    Monika Rinck, zum fernbleiben der umarmung : Gedichte (Berlin, kookbooks, 2007), p. 74. Traduction française de tour de trance de Diane-Monique Daviau. Signalons pour information que la comparaison entre tour de trance et ce qui est probablement un des poèmes allemands sur la danse les plus iconiques de la Modernité, la Danseuse espagnole (Spanische Tänzerin) de Rilke, pourrait donner lieu à une analyse intéressante de la littérature sur la danse autour des années 1900 et 2000.
  • [24]
  • [25]
    Voir aussi l’expérimentation de Swantje Lichtenstein qui pousse les limites de telles structures en proposant un commentaire sans texte de référence in Kommentararten */! (Berlin : Verlagshaus Berlin, 2015).
  • [26]
    Hefter, Vom Gehen und Stehen, p. 56, p. 76.
  • [27]
    Peeters, « Shadow Bodies : On Philipp Gehmacher’s Incubator » in Through the Back, p. 135-156 (137).
  • [28]
  • [29]
    « The attempt of saying “I” was paramount. » Philipp Gehmacher, Introduction, Februar 2013. http://oralsite.be/pages/Walk_Talk_Documents.
  • [30]
    Dans ses lectures sur la poétique intitulées « je textuel », Meinecke a résolument retourné la question « que perçois-je », commenté dans une collection de discours sur lui-même sa propre activité de collectionneur de discours prononcés par d’autres en énumérant des réponses aux questions « comment mes textes sont-ils perçus ? », « comment suis-je perçu dans et par mes textes ? » (qu’il ne pose pas aussi directement).
  • [31]
    Monika Rinck, Risiko und Idiotie. Streitschriften (Berlin : kookbooks, 2015), p. 16.
  • [32]
    Hefter, Vom Gehen und Stehen, p. 54.
  • [33]
  • [34]
    Voir aussi les remarques de Constanze Klementz sur la conception chorégraphique de « l’expression » de Gehmacher : « L’expression de Gehmacher articule une capacité physico-réflexive qui se déploie dans un espace intermédiaire : celui de l’intersubjectivité. » Pour Gehmacher c’est là qu’est le lieu de la problématisation du sujet. Son « utterance » cède cependant toujours aussi à la question de son potentiel, de la possibilité de s’extérioriser, de se montrer et de se communiquer dans un jeu de simulation permanent et saccadé dans lequel l’un se transforme par l’autre qui se transforme par un troisième. Le tout porté par l’oscillation entre un être-corps et un avoir-corps, un être-langue et un avoir-langue. Ce qui est fondamentalement toujours en relation avec et tient compte de : me, the world, you. (Philipp Gehmacher), in « Laisser voir ce qui n’eut pas lieu, pour être vu. Au sujet de la justification d’expériences spatiales et temporelles alternatives dans le format chorégraphique » (« Sehen lassen, was nicht geschah, um gesehen zu werden. Zur Be-Gründung alternativer Zeit- und Raumerfahrung in dem choreografischen Format »« walk+talk »), www.philippgehmacher.net, Juni 2010, http://sarma.be/docs/2894.
  • [35]
    Rinck fait également référence à Butler et Cavarero, in Risiko und Idiotie, 19, note de bas de page 11, dans laquelle elle se demande quelle atmosphère réside probablement déjà dans les attitudes d’allocution.
  • [36]
    Butler, Le récit de soi, p. 33.
  • [37]
    Ibid., p. 34-35.
  • [38]
    Ibid., p. 39.
  • [39]
    Ibid., p. 36-37.
  • [40]
    Ibid., p. 51.
  • [41]
    Ibid., p. 40-41.
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