1 Si les attaques survenues à l’été 2016 n’ont pas laissé une empreinte indélébile dans l’opinion publique, l’attentat au marché de Noël de Berlin le 19 décembre a porté un coup fatal à ce qu’on pourrait considérer comme une sorte d’insouciance de la plupart des Allemands devant le terrorisme qui sévit en France ou ailleurs en Europe, mais pas chez eux. Cette attaque terroriste a changé la donne pour toujours. Les Allemands savent désormais que le terrorisme ne les épargne plus, et que n’importe qui pourrait en être la victime. Cette réalisation colore toute la scène publique ; les médias ne parlent guère d’autre chose depuis cette date fatidique ; les débats politiques ne connaissent guère d’autre sujet. Les échéances électorales, que ce soit au niveau national, avec les élections au Bundestag en septembre, ou dans les Länder, comme celles en Rhénanie du Nord Westphalie au mois de mai, le Land où l’assassin s’est radicalisé, sont marquées par la question : quelle est la réponse du gouvernement à l’attaque terroriste de Berlin ? Plus ou moins de vidéosurveillance, plus ou moins d’expulsions, plus de sévérité ou plus d’efforts d’intégration, les débats font rage. Les bonnes nouvelles, telles que la situation exceptionnelle du marché du travail avec l’emploi au beau fixe, ou l’entrée en vigueur d’un certain nombre de réformes au début de l’année qui conduisent à une meilleure prise en compte des personnes fragiles ne parviennent guère à exister à côté de la catastrophe de Berlin. Notons cependant encore que les résultats de l’enquête PISA, qui mesure les acquis de compétence des enfants de 15 ans en sciences, mathématiques et lecture de 72 pays dans le monde, confortent la bonne place de l’Allemagne qui se situe à la fin du premier quart des pays testés. Une nouvelle parvient aussi à attirer l’attention de ses lecteurs, à savoir que le péage va arriver sur les routes allemandes, ce qui n’est pas étonnant dans un pays où les voitures jouent un rôle important.
La réponse du gouvernement à l’attaque terroriste à Berlin
2 Si les Allemands ont vu l’arrivée de près d’un million de migrants en 2015 avec un réel enthousiasme d’abord, un certain scepticisme après, suivi d’une réticence grandissante, surtout après les évènements de la St Sylvestre à Cologne, l’attentat à la voiture bélier au marché de Noël de la place Breitscheid à Berlin le 19 décembre, où douze personnes ont trouvé la mort, a été un choc terrible pour la plupart des Allemands. Or, depuis l’attentat de Nice le 14 juillet 2016, qui a coûté la vie à 86 personnes et blessé 300 autres, et qui semble avoir servi de modus operandi pour l’attaque à Berlin, le gouvernement allemand craignait que les marchés de Noël puissent être une cible privilégiée pour tous ceux désireux d’ébranler les certitudes des populations européennes. Le marché de Noël de la place Breitscheid était aussi peu protégé que la promenade des Anglais à Nice, son accessibilité était même utilisée comme argument de publicité pour attirer le chaland.
3 Mais ce n’est pas seulement l’absence de mesures de sécurité à Berlin qui a suscité la réprobation en Allemagne, c’est surtout la faillite des services de police qui était incriminée : l’assassin, un Tunisien qui fréquentait les milieux islamistes, se trouvait en Allemagne depuis l’été 2015, utilisant 14 noms et plusieurs nationalités pour bénéficier de plusieurs minima sociaux sous des identités différentes. Bien qu’il ait été connu des services de police anti-terroristes, les règles actuelles ne permettaient pas de le maintenir en prison. Ces failles de la police et de la législation allemandes, auxquelles on peut ajouter l’insuffisante coopération entre les polices européennes, l’assassin ayant pu se mouvoir apparemment sans problème dans plusieurs pays, dont la France et l’Italie, ne pouvaient manquer d’apporter de l’eau aux moulins de l’extrême droite, qui en attribue la responsabilité fermement au gouvernement actuel. À quelques mois seulement des élections fédérales au Bundestag, c’était évident pour la plupart des observateurs, tant allemands qu’étrangers, que cette intrusion du terrorisme sur la scène allemande ne pouvait rester sans conséquences politiques. L’entrée du parti d’extrême droite Alternative für Deutschland, AfD, dans le Bundestag, une certitude déjà avant l’attentat, risquait de se transformer en raz de marée si le gouvernement ne réagissait avec énergie à cette menace.
4 Concevoir une réponse commune d’une grande coalition, de surcroît dans le cadre d’une république fédérale, relève toutefois de la gageure. La première idée, avancée par le ministre de l’Intérieur, Thomas de Maizière, a été d’accroître les compétences de l’État fédéral en matière de sécurité en donnant plus de pouvoir à deux administrations, l’Office fédéral de la police criminelle et l’Office fédéral de protection de la Constitution, chargé du renseignement intérieur. Cette réforme devait permettre à l’État fédéral d’imposer des règles communes aux Länder en matière de contrôle des individus considérés comme dangereux, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui. Or les gouvernements des Länder, craignant pour leurs prérogatives, se sont opposés avec véhémence à ce que soit confié un tel pouvoir à une administration centrale vis-à-vis de ses homologues régionaux. Cette idée a vite été enterrée. Mais puisque la Chancelière estime nécessaire « d’agir rapidement, d’agir correctement et de ne pas en rester aux seules annonces », le ministre de l’Intérieur chrétien-démocrate et son collège social-démocrate Heiko Maas, garde des Sceaux, se sont rencontrés début janvier lors d’une réunion au sommet consacrée à la sécurité pour tenter de faire des propositions communes dans le but d’endiguer la menace terroriste.
5 La mesure phare évoquée par les ministres est la détention administrative avant expulsion (Abschiebehaft). Actuellement, cette mesure ne peut être appliquée que pour des périodes très brèves, comme l’a montré le cas d’Amri, l’assassin de Berlin, qui n’a été détenu que pendant deux jours. La Tunisie, son pays natal, n’ayant pas souhaité le reprendre en raison de papiers d’identité manquants, il a dû être libéré. Le gouvernement réfléchit à un certain nombre d’autres mesures pour accompagner le durcissement de la détention administrative de personnes dangereuses qualifiées de Gefährder, un terme dont la définition se fait toujours attendre, telles que les entraves électroniques aux pieds, l’expulsion plus rapide des demandeurs d’asile refoulés – dont le nombre dépasse actuellement les 150 000 en Allemagne – même si leur pays d’origine est réticent à les reprendre, voire la création de camps de détention. L’opposition au Bundestag, les Verts et die Linke, refuse ces mesures, et l’union ne règne pas dans les rangs gouvernementaux, chacun des partis représentés au sein de la grande coalition voulant apparaître comme le plus pur représentant du law and order, une cacophonie qui donne un avant-goût des thématiques abordées pendant la campagne électorale à venir.
L’emploi au beau fixe
6 Si les tensions dans la société allemande, suite aux agressions de l’année dernière et le débat subséquent sur la sécurité intérieure, ont marqué les esprits, elles ne devraient pas totalement occulter la situation économique florissante du pays, à un moment où les pays voisins, notamment la France, font face à un bilan mitigé. D’après les chiffres publiés par Destatis au mois de janvier, la croissance a atteint 1,9 % en 2016, la plus forte progression depuis 2011. Les exportations ont augmenté de 5,6 % en un an, pour atteindre plus de 100 milliards d’euros, ce qui a permis à l’Allemagne d’accroître encore son excédent commercial à 22 milliards d’euros, les importations ne s’étant accrues que de 4,5 % pendant la même période. Le budget fédéral a dégagé un excédent de 19 milliards d’euros l’année dernière grâce au boom économique et son corollaire, des rentrées fiscales en forte hausse. Les salariés ne sont pas oubliés non plus. Avec une hausse moyenne nette des salaires de 1,9 % en 2016, le double de la hausse de la productivité, la consommation interne contribue à entretenir la croissance. Mais ces bonnes nouvelles pâlissent presque à côté de la santé éclatante du marché de l’emploi.
7 Pour ceux qui s’en souviennent encore, le chômage a touché près de 5 millions de chômeurs en Allemagne il y a une bonne dizaine d’années, une époque pas si lointaine qui a connu les lois Hartz du gouvernement Schröder, une potion amère destinée à mettre les Allemands au travail. Ces lois, dont les mesures les plus emblématiques furent la fusion de l’allocation-chômage pour les sans-emploi de longue durée et l’allocation invalidité ainsi que la réduction drastique de la durée de perception de l’allocation-chômage, ont été si efficaces que le chômage, en ce début de l’année 2017, a atteint le niveau le plus bas que le pays ait connu depuis 25 ans. L’Agence fédérale du travail de Nuremberg a recensé 2,69 millions de demandeurs d’emploi en moyenne sur l’année 2016, soit 104 000 de moins qu’en 2015. Le taux de chômage est descendu à 6,1 %, et même à 4,1 % seulement selon les calculs de Destatis qui reposent sur les règles du Bureau International du Travail (BIT). Parallèlement, le nombre d’actifs, qui ne cesse d’augmenter depuis la fin de la crise économique et financière, s’est accru de plus de 400 000 en 2016 pour atteindre 43,49 millions de personnes en emploi et en recherche d’emploi.
8 Il est vrai que tous ne détiennent pas un emploi à temps plein soumis aux assurances sociales, les minijobs, ces emplois à temps très partiel dont les détenteurs ne paient pas d’impôts ni de cotisations sociales sur un revenu maximum de 450 euros par mois, étant très répandus en Allemagne. Mais en 2016, presque les trois quarts des emplois (72 %) étaient des emplois réguliers. Ces chiffres sont d’autant plus étonnants que deux éléments intervenus depuis 2015 auraient dû avoir l’effet inverse, à savoir l’afflux de migrants et l’introduction du salaire minimum. À la fin de l’année 2016, plus de 400 000 migrants s’étaient inscrits comme demandeurs d’emploi. La plupart d’entre eux maîtrisant mal l’allemand et ne disposant pas du niveau de formation requis, ils n’intègrent le marché de l’emploi qu’au compte-gouttes. Le salaire minimum, de 8,50 euros au 1er janvier 2015, porté à 8.84 début 2017, aurait également dû avoir un effet négatif sur la courbe de l’emploi, certaines entreprises préférant licencier ou renoncer à embaucher. Or, ces deux phénomènes n’ont laissé aucune empreinte dans la courbe du chômage.
9 Au contraire : l’Agence fédérale du travail a constaté que le nombre d’emplois vacants a augmenté de 15 % en 2016 par rapport à 2015, pour atteindre 655 000 postes en moyenne sur l’année, presque tous à pourvoir immédiatement. Certains secteurs, tels que ceux de la santé ou de la technologie avaient même rencontré des difficultés pour recruter du personnel. La Bundesbank estime pour sa part que les perspectives resteront satisfaisantes, notamment en raison de la bonne tenue de la consommation intérieure et de la vigueur du secteur de la construction.
Une meilleure prise en compte des personnes fragiles
10 Les mois de janvier sont généralement marqués par une série de nouveautés introduites par le gouvernement, qu’il s’agisse de changements annuels, tels que les ajustements en matière d’impôts et d’assurances sociales ou de modifications techniques portant sur la télévision ou le téléphone portable. Cette année sont entrées en vigueur de nouvelles lois dans un domaine moins souvent évoqué, à savoir la protection des personnes handicapées et/ou âgées, auxquelles on peut ajouter les catégories de salariés dont les emplois sont moins protégés, voire précaires.
11 La nouvelle loi fédérale sur la participation (Bundesteilhabegesetz) se veut une amélioration des lois antérieures portant sur l’intégration des personnes handicapées dans les entreprises, en élargissant leur participation à la vie en société. Les nouvelles règles prévoient essentiellement des aides financières plus conséquentes pour cette population importante, plus de 10 millions, mais peu visible. Si un quart d’entre eux détiennent un emploi, la plupart sont tributaires de l’aide publique, du niveau de l’allocation-chômage longue durée (Hartz IV) qui n’était versée que si le bénéficiaire et son conjoint avaient épuisé la quasi-totalité de leur patrimoine. Depuis le 1er janvier 2017, il peut conserver 27 600 euros en liquide, et même 50 000 à partir de 2020. Les revenus et le patrimoine du conjoint ne sont plus mis à contribution. De plus, la présentation de l’avis d’imposition suffira, alors que, jusqu’à présent, les personnes concernées devaient révéler en détail la totalité de leurs biens et de leurs dépenses.
12 Pour les personnes âgées dépendantes, l’entrée en vigueur de la deuxième loi sur le renforcement des soins (Zweites Pflegestärkungsgesetz, PSG II) au 1er janvier apporte également des modifications importantes à la prise en charge. Les trois niveaux de soins en vigueur auparavant sont remplacés par cinq degrés de soins. La raison principale de ce changement est l’insuffisante prise en charge des personnes souffrant de démence. Si elles étaient encore valides sur le plan physique, ou considérées comme telles, elles ne percevaient que peu voire aucune prestation de la part de leur caisse d’invalidité avant 2012. Depuis cette date, le législateur a accordé de façon croissante des prestations aux personnes atteintes de démence, aux malades psychiques ou aux retardés mentaux. La loi de 2017 établit une totale égalité entre atteinte physique et mentale. Leurs besoins de soutien, que ce soit pour se lever, s’alimenter, procéder aux soins corporels, etc., sont évalués sans tenir compte de l’origine des déficiences. Autre nouveauté : l’appréciation de leur degré d’autonomie ne s’effectue plus en mesurant le temps nécessaire à telle ou telle tâche pour les classer dans telle ou telle catégorie de soins, mais au moyen d’une évaluation globale. Aux yeux du ministre fédéral de la Santé, Hermann Gröhe, l’adaptation de la loi aux réalités était une nécessité devant l’accroissement inexorable du nombre de personnes souffrant de démence. De 1,5 million actuellement, leur nombre s’accroît de 40 000 tous les ans et risque d’atteindre environ 3 millions en 2050 si, d’ici là, aucune thérapie n’a été trouvée.
13 Dans le domaine de l’emploi, on peut également noter quelques améliorations concernant la situation de certaines catégories de salariés. Ainsi, le nouveau § 611a du Code civil règle plus clairement la distinction entre le salariat et l’indépendance, afin de mettre un terme à la pseudo-indépendance, cette situation de personnes qui, indépendantes sur le papier, dépendent en réalité totalement d’un seul donneur d’ordre, ce qui les rend très vulnérables. Les critères précis seront publiés au mois d’avril 2017. De même pour les intérimaires : les entreprises n’ont plus le droit de les garder en permanence. Après 18 mois de présence dans une firme, celle-ci doit les recruter comme salariés permanents, ou alors les voir partir. De plus, après 9 mois de présence, un intérimaire doit être rémunéré comme un salarié permanent. C’est le cas en France depuis longtemps, mais pour l’Allemagne, c’est une nouveauté. En outre, un employeur n’a plus le droit de se servir d’intérimaires si ses propres salariés sont en grève. Et pour terminer ce survol des nouveautés sur le plan social : le salaire minimum, introduit en Allemagne au 1er janvier 2015, a été porté de 8.50 à 8,84 euros au 1er janvier 2017 (9,76 euros en France à la même date).
Les résultats de l’enquête PISA : corrects, mais peut mieux faire
14 Le classement PISA, acronyme de Program for International Student Assessment, est réalisé par l’OCDE, l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques, afin de mesurer les performances des systèmes éducatifs des 34 pays membres ainsi que d’un grand nombre de pays partenaires. L’enquête qui porte sur les connaissances des élèves de quinze ans est publiée tous les trois ans. La première date de 2001. Depuis cette date, cinq autres enquêtes ont paru, attendues avec impatience tant par le monde éducatif que par les politiques. PISA mesure les compétences acquises par les élèves dans trois domaines, les mathématiques, les sciences et la compréhension de l’écrit. Les tests ne sont pas destinés à mesurer les connaissances scolaires, les méthodes d’enseignement étant très différentes d’un pays à l’autre, mais plutôt la manière d’appliquer les connaissances acquises à des problématiques concrètes (Slogan : Ce que les élèves de 15 ans savent, et ce qu’ils peuvent faire avec ce qu’ils savent). À chaque enquête, l’accent est mis sur une des trois thématiques en particulier. Cette fois-ci, c’était celle des sciences qui était au centre des épreuves que devaient traiter les 500 000 élèves testés dans le monde.
15 Les résultats du classement PISA 2016 ont été publiés le 6 décembre. Si les pays asiatiques trustent globalement les premières places (Singapour en tête, le Japon en second), certains pays européens sauvent l’honneur de l’Europe, avec l’Estonie en n° 3 et la Slovénie en n° 7 sur 72 pays testés. L’Allemagne sauve les meubles en se classant 15e, ex aequo avec la Grande Bretagne et les Pays-Bas. C’est à peu près la même situation que lors de la dernière enquête publiée en 2013 où le pays se classait en 16e position, mais les spécialistes se plaisent à noter une légère amélioration, car la dernière fois, l’Allemagne était 16e sur 65, alors que cette année, elle est 15e sur 72 pays. De ce point de vue, l’Allemagne est dans une situation analogue à la France qui, comme en 2013, occupe la même position (26e). Les scores obtenus, 509 points en sciences, 509 points en compréhension de l’écrit et 506 points en mathématiques (France : 495 points en sciences, 499 en compréhension de l’écrit et 493 en mathématiques) sont honorables, mais loin derrière ceux du lauréat (556, 535, 564), sachant que 30 points sont équivalents à une année d’études. C’est en tout cas bien meilleur que le résultat de la première enquête PISA en 2001, où l’Allemagne s’était retrouvée à la 22e place sur 32 pays testés, une véritable douche froide pour un pays qui estimait faire partie des meilleurs. Depuis, le pays a adopté un vaste programme de réformes qui a porté ses fruits.
16 Andreas Schleicher, le coordinateur PISA auprès de l’OCDE, a porté un jugement positif sur l’Allemagne en estimant que le pays continue de se situer en bonne place, nettement au-dessus de la moyenne de l’OCDE. Il a surtout souligné le fait que l’Allemagne appartient au petit groupe de pays dont les performances se sont améliorées depuis 2003 en ce qui concerne les enfants aux résultats faibles. Toutefois, il constate que 12 à 18 % des jeunes Allemands ne maîtrisent toujours pas les bases en mathématiques, sciences et lecture. Incapables de comprendre des diagrammes, de calculer des euros en dollars ou de comprendre des textes simples, ils auront du mal à prendre leur place dans le monde du travail actuel. Un autre constat tout aussi inquiétant : la mauvaise image des sciences naturelles en Allemagne. À la question s’ils pouvaient s’imaginer faire carrière dans les sciences de la nature, les élèves allemands occupent la 70e place sur 72. Cette Technikfeindlichkeit des jeunes augure mal de l’avenir du Standort Deutschland, dans un contexte démographique difficile.
Le péage va arriver sur les routes allemandes
17 L’état peu satisfaisant du réseau routier allemand et la réticence du ministre des finances de consacrer les fonds nécessaires à la mise en état des infrastructures – « schwarze Null » oblige – a finalement amené le gouvernement à envisager la création d’un péage sur les autoroutes et les routes nationales afin de réunir les fonds nécessaires. Le Bundestag a donc voté un projet de péage automobile en 2015 qui prévoyait l’instauration d’une vignette annuelle pour les voitures particulières. Afin de ne pas léser les automobilistes allemands, il avait été prévu de réduire du même montant la taxe automobile dont les usagers résidant en Allemagne doivent s’acquitter, de sorte qu’ils seraient de facto exemptés. Les automobilistes étrangers, par contre, devaient acquérir une vignette, s’ils voulaient se rendre en Allemagne, soit à l’année, soit pour une durée plus courte.
18 Toutefois, ce projet s’est heurté au refus de la Commission de Bruxelles qui estimait qu’il était discriminatoire en ce qu’il prévoyait de pénaliser les seuls automobilistes étrangers sans porter atteinte au porte-monnaie des Allemands. C’est pourquoi la Commission a renvoyé l’Allemagne devant la justice européenne dans ce dossier, pour qu’elle rectifie son projet. Si la discrimination était le grief principal de la Commission, elle a également relevé que le prix des vignettes de courte durée, destinées uniquement aux véhicules immatriculés à l’étranger, était beaucoup trop élevé.
19 Cette décision était un coup dur pour le ministre des Transports, Alexander Dobrindt, qui a porté ce projet pour la CSU, le partenaire bavarois de la CDU dans la grande coalition, d’autant plus qu’il s’agissait en l’occurrence d’un des rares projets formulés par la CSU à avoir trouvé sa place dans le projet de gouvernement élaboré en 2013. C’est pourquoi le ministre, confiant de pouvoir aboutir, a entamé des discussions avec Jean-Claude Juncker, le président de la Commission, afin de trouver un terrain d’entente. Puisque le contrat de coalition précise qu’aucun automobiliste allemand ne doit être pénalisé par l’introduction du péage, une règle théoriquement incontournable, il fallait trouver un moyen de sortir par le haut. C’est pourquoi une proposition émanant des milieux écologistes pourrait constituer une voie de sortie. Puisque la compensation à 100 % du prix du péage par une baisse de l’impôt automobile pour les conducteurs allemands, prévue dans le projet de la CSU, constitue une discrimination des automobilistes étrangers, on pourrait imaginer un impôt automobile qui prenne en considération des critères environnementaux. Cela signifie que des conducteurs de voitures écologiques pourraient éventuellement payer même moins d’impôts. Une telle décision, qui doit encore être approuvée par le gouvernement, serait en accord avec le droit européen – et elle aurait l’avantage de satisfaire une promesse déjà ancienne.
20 Pour le deuxième contentieux, le prix trop élevé des péages de courte durée, des compromis semblent également à portée de main. Ainsi, le prix des vignettes de courte durée pour les touristes ou les transfrontaliers pourrait tourner autour de 2,50 euros pour dix jours. La vignette à l’année coûterait environ 130 euros. Toutes seraient disponibles dans les stations-service ou sur internet. Les voitures électriques, elles, seraient totalement exemptées. Les points de vue entre Berlin et Bruxelles sont désormais si proches que la date visée pour l’introduction du péage sur les routes allemandes, le 1er janvier 2018, a toutes les chances d’être tenue – sauf si l’astuce trouvée par les écologistes s’avère trop onéreuse pour les caisses de l’État.