Notes
-
[1]
Même s’ils comptaient des partisans dans les deux partis, ces contacts avaient peu de chance d’aboutir dans l’immédiat. Mais, au-delà de leur rôle tactique du moment, ils permettaient de poser des jalons pour une éventuelle collaboration future – ce que confirmera la constitution d’une coalition gouvernementale CDU/Grüne en Hesse quelques semaines plus tard.
-
[2]
Les chiffres précis sont les suivants : 474 820 membres du parti étaient habilités à voter, 369 364 ont effectivement pris part au vote, 256 643 ont approuvé le programme de gouvernement, 80 921 l’ont rejeté et 31 800 suffrages ont été comptabilisés comme nuls. La démarche du SPD n’a pas été sans soulever des critiques, et pas seulement d’ordre politique mais aussi institutionnel. En effet, compte tenu du fait qu’avait été fixé par les instances du parti un quorum de participation de 20 % et que la décision était prise à la majorité absolue des suffrages valablement exprimés, cela revenait à dire que, dans un cas de figure extrême, 47 580 membres d’un parti pouvaient faire capoter le résultat de négociations résultant d’élections parlementaires nationales – comme l’a fait remarquer en particulier le président du Bundestag Norbert Lammert. Une plainte a d’ailleurs été déposée devant le tribunal constitutionnel fédéral au motif que la procédure contrevenait au libre exercice de leur mandat par les députés SPD, garantie par l’article 38 de la Loi fondamentale. Le tribunal a rejeté cette plainte considérant qu’il n’était pas compétent pour juger d’une démarche relevant de l’organisation interne d’un parti et qu’en outre le résultat d’une consultation auprès des adhérents d’un parti ne liait pas formellement les députés, ceux-ci conservant leur entière liberté de décision au moment du vote.
-
[3]
Nous utilisons ici la traduction courante en français de l’expression allemande soziale Marktwirtschaft, bien qu’elle en constitue une déformation et que la tournure économie de marché sociale soit mieux adaptée.
-
[4]
Le système Riester, introduit au début des années 2000, ouvre la possibilité de contracter une retraite complémentaire privée donnant droit à une prime d’État.
-
[5]
En 2012, la République fédérale présentait selon le Bundesinstitut für Bevölkerungsforschung un taux de fécondité de 1,38, l’un des plus faibles d’Europe.
-
[6]
Sur 631 députés, 311 représentent la CDU/CSU, 193 le SPD, 64 Die Linke et 63 Bündnis 90/Die Grünen.
-
[7]
Voir la brochure éditée par cette dernière sous le titre Arm trotz Arbeit – Deutschland braucht den Mindestlohn ; et le site www.mindestlohn.de.
-
[8]
Voir un résumé des positions du BDA sur le site http://www.arbeitgeber.de/www/arbeitgeber.nsf/id/de_Mindestlohn.
-
[9]
Voir entre autres à ce sujet l’article du Professeur Thomas Lobinger Mindestlohn läuft dem Sozialstaatsprinzip zuwider dans la Süddeutsche Zeitung du 6 juin 2013.
-
[10]
Voir l’interview d’Olli Rehn Es wird eine ernsthafte Übung dans la Wirtschaftswoche du 24.02.2014.
-
[11]
Voir le compte-rendu des débats et du vote sur le site du Bundestag, Plenarprotokoll 18/37 vom 23.05.2014.
-
[12]
Selon la nouvelle loi, la prise en compte de périodes de chômage dans le calcul des pensions de retraite n’est pas illimitée mais ne concerne que les périodes qui s’écoulent entre la perte de son emploi par un salarié et le moment ou il en trouve un autre ; concrètement elle ne prend en compte que la durée durant laquelle le salarié touche une allocation chômage (Arbeitslosengeld 1), durée qui peut varier en fonction de la législation ; actuellement elle se situe entre 6 et 24 mois selon le temps durant lequel le salarié a cotisé ainsi que son âge.
-
[13]
Même si de fait cette mesure concerne essentiellement les mères, notons qu’elle s’applique aussi aux pères.
-
[14]
Cette prise en compte du facteur démographique sera fondée sur l’évolution du rapport entre la tranche d’âge des salariés ayant le plus recours à des mesures de rééducation (45 à 67 ans) et la population en âge de travailler dans son ensemble (20 à 67 ans).
-
[15]
C’est en particulier le cas de Maria Loheide au nom du evangelischer Wohlfahrtsverband.
-
[16]
Les syndicats souhaitent le retrait de cette exception ; les organisations patronales demandent le report de cet âge à 21 ans, voire 25 ans dans l’artisanat, au motif que les jeunes déserteront sinon l’apprentissage au profit d’emplois peu qualifiés mieux rémunérés.
-
[17]
Les chômeurs de longue durée seraient exclus du champ d’application de la loi durant les 6 premiers mois d’une reprise d’activité. Les organisations patronales demandent que ce délai soit porté à 12 mois, les syndicats en réclament la suppression, le jugeant discriminatoire et humiliant.
-
[18]
Ne seraient concernés que les stages d’une durée maximum de 6 semaines, afin de mettre un terme au recours abusif à ce type d’emplois. Les organisations patronales pointent pour leur part le risque de voir alors fortement diminuer le nombre de stages proposés et demandent que pour ceux qui remplissent une fonction d’orientation professionnelle dans le cadre d’un cursus universitaire la durée d’exemption soit portée à 6 mois.
-
[19]
Cette demande reflète la crainte des syndicats de voir des propositions librement décidées par la commission se transformer en référentiel lors des négociations salariales de branche, ce qui réduirait la marge de manœuvre lors de ces négociations. De leur côté les organisations patronales souhaitent éviter que des hausses de salaires conventionnels élevées une année donnée n’entraînent automatiquement une forte hausse du salaire minimum.
-
[20]
La diminution sera d’environ 400 entreprises par rapport aux quelques 2 000 jusqu’alors exemptées de ce paiement.
-
[21]
Voir la dépêche de l’AFP du 8 avril 2014 Milliarden-Rabatte für Industrie bei EEG-Umlage bleiben. Berlin einigt sich mit EU-Kommission.
-
[22]
Il y a kalte Progression lorsque les augmentations de rémunération compensent simplement le taux d’inflation et que, faute de révision des seuils des tranches d’imposition, le salarié voit sa dette fiscale augmenter au même niveau que ces augmentations, voire au-delà. Si des mesures visant à remédier à cette situation sont demandées tant dans les rangs de la CDU/CSU que dans ceux de la SPD, le désaccord persiste sur le financement de telles mesures, qui impliqueraient un manque à gagner pour l’État ; la CDU/CSU refuse en effet toute introduction d’une tranche d’impôt supplémentaire pour les plus hauts revenus de même que toute augmentation de la fiscalité des entreprises, solutions préconisées par le SPD.
1 Remarque préliminaire
2 Au moment où cet article est rédigé, le Bundestag n’a encore été appelé à voter et éventuellement adopter que peu de lois. Il ne nous sera donc que rarement possible de dépasser le stade des projets annoncés dans le programme gouvernemental adopté par la CDU/CSU et le SPD.
3 13. 06. 2014
Élections et constitution de la coalition gouvernementale
4 Les résultats des élections législatives du 22 septembre 2013 ont apporté un changement politique majeur que les sondages pré-électoraux laissaient entrevoir de plus en plus clairement au fil des semaines : pour la première fois depuis 1949 le parti libéral FDP, perdant 9,8 points par rapport à 2009, n’a obtenu que 4,8 % des secondes voix et n’est plus représenté au Bundestag.
5 Les résultats des autres partis permettaient mathématiquement quatre combinaisons en vue de constituer une majorité gouvernementale. Deux d’entre elles étaient de prime abord purement théoriques et pratiquement exclues : l’alliance de la CDU/CSU avec le parti de gauche radicale Die Linke, aucun de ces deux partis ne pouvant l’envisager pour des raisons tant programmatiques qu’idéologiques ; et l’alliance à trois entre SPD, Grüne et Die Linke ; certes certains courants de ces partis plaidaient en faveur d’une telle solution, mais ils étaient extrêmement minoritaires et le candidat social-démocrate à la chancellerie Peer Steinbrück l’avait exclue en termes on ne peut plus clairs, en particulier lors de son débat télévisé avec Angela Merkel ; quant à la proposition avancée par quelques responsables de Die Linke, en particulier Gregor Gysi, d’apporter un soutien parlementaire à une coalition SPD-Grüne minoritaire sans participer directement au gouvernement, elle relevait plus de l’effet de manche que du sérieux politique. Restaient donc deux options : une alliance entre CDU/CSU et Grüne d’une part, une alliance de type grande coalition entre CDU/CSU et SPD de l’autre.
6 Le recours à l’une ou l’autre était conditionné tout à la fois par ce qu’il est convenu d’appeler la culture politique des partis concernés, y compris les rapports de force entre leurs courants internes, et par leurs options programmatiques.
7 Une ultime solution, évoquée à plusieurs reprises lors des semaines qui ont suivi les élections, aurait consisté à recourir à la dissolution du parlement afin de provoquer de nouvelles élections, anticipées à très court terme. Elle aurait de fait consisté à instrumentaliser les institutions dans un esprit peu conforme à celui de la constitution, aurait eu le redoutable effet pour le SPD, s’il en avait pris la responsabilité, de l’affaiblir notablement dans l’opinion publique et dans l’électorat, et de manière plus générale de porter atteinte à la crédibilité des institutions en Allemagne même et éventuellement à l’image du pays à l’étranger.
8 C’est dans ce contexte électoral et institutionnel qu’ont été engagées les négociations entre partis, au cours desquelles leurs options programmatiques, tout spécialement en matière économique et sociale, ont joué un rôle déterminant.
Négociations et formation de la grande coalition
9 Les négociations préalables à la formation du nouveau gouvernement ont été les plus longues de toute l’histoire de la République fédérale si l’on prend en compte le délai écoulé entre la date des élections parlementaires et la prestation de serment du nouveau gouvernement : 86 jours. Par contre, si l’on considère uniquement la durée des tractations entre les membres de la future coalition, indépendamment des contacts préalables (Sondierungsgespräche), et la signature de l’accord de gouvernement, elles se situent à la cinquième place sur 19 : 36 jours. Cette situation s’explique par plusieurs facteurs :
- le parti social-démocrate s’est montré officiellement réticent à devenir une nouvelle fois, après les années 2005-2009 qui ne laissaient pas que de bons souvenirs dans ses rangs, le « junior partner » de la CDU/CSU et de la chancelière Angela Merkel. En outre, cette tactique lui permettait éventuellement de mieux négocier les conditions de sa participation à une grande coalition, alors que les résultats des élections le plaçaient loin derrière la CDU/CSU (41,5 % contre 25,7 % des secondes voix).
- De son côté, la CDU/CSU, confrontée à cette hésitation et également désireuse de se mettre en position de force, a engagé simultanément des contacts préalables avec les sociaux-démocrates et les Verts. [1]
- Avant même l’adoption du programme de gouvernement le 27 novembre, les responsables du SPD, et tout particulièrement le président du parti et futur vice-chancelier Sigmar Gabriel, ont fait savoir que s’il venait à être conclu, ce programme serait soumis pour validation au vote des membres du parti. Cette démarche unique dans l’histoire de la République fédérale, si elle était destinée à conforter la position des responsables du parti et des futurs membres du gouvernement au sein même du SPD, éventuellement aussi à faire pression sur les négociateurs de la CDU/CSU, à les inciter à accepter certaines concessions programmatiques, n’en comportait pas moins le risque d’un refus majoritaire. Une telle issue aurait en principe sonné le glas de la grande coalition et ouvert une phase de grande incertitude politique. Au bout du compte, le programme de gouvernement sera approuvé par environ 69 % des votants, lesquels constituaient près de 78 % des membres du parti habilités à voter [2].
Positions programmatiques des partis
11 Au-delà de ce qui vient d’être évoqué, les principales difficultés concernant la constitution de la grande coalition étaient bien évidemment de nature programmatique. Et, en ce domaine, les questions économiques et sociales occupaient une place plus prédominante encore qu’à l’habitude sous le double effet de la mutation économique, souvent qualifiée de crise, à laquelle la République fédérale est confrontée comme tous les États : l’impact des données factuelles sur l’économie et les finances du pays mais aussi, et peut-être plus encore, le ressenti de la situation au sein de l’opinion publique.
12 Le point de départ des négociations a tout naturellement été constitué par les programmes que les partis de la coalition avaient élaborés et défendus durant la campagne électorale.
13 Leur lecture, ainsi que les commentaires auxquels ils avaient donné lieu, suscitaient de prime abord une double impression : certes ils présentaient des différences et divergences notables mais également des points de convergence réels et des possibilités de rapprochement à terme, comme si de part et d’autre on avait anticipé la situation politique résultant du scrutin législatif et préparé le terrain d’une future collaboration.
14 Ajoutons un facteur propre au SPD : le parti se trouvait dans la situation délicate de plaider dans certains domaines pour une politique d’assouplissement de lois en vigueur alors même que nombre d’entre elles résultaient de l’Agenda 2010 défendu et mis en œuvre au début des années 2000 par le chancelier Gerhard Schröder à la tête d’une coalition SPD-Grüne ; et que cette mise en œuvre avait été poursuivie par la grande coalition de 2005-2009 dont le ministre des Finances n’était autre que Peer Steinbrück, candidat SPD à la chancellerie lors les élections de 2013.
15 En matière de principes fondamentaux, on ne constate pas d’opposition entre CDU/CSU et SPD qui se reconnaissent unanimement de l’économie sociale de marché [3] – encore que cette notion puisse prêter à différentes interprétations ; ainsi la CDU/CSU met-elle plus l’accent sur la dimension économique et le rôle du marché alors que le SPD insiste plus sur la dimension sociale et met en avant la notion, émotionnellement forte et porteuse mais difficilement quantifiable, de justice sociale. Cette différence d’approche se retrouve dans les propositions concrètes en matière économique et sociale.
16 Pour illustrer convergences et divergences, nous retiendrons quelques domaines programmatiques forts appelés à donner lieu aux premières décisions législatives de la coalition.
17 Celui qui a assurément opposé le plus frontalement CDU/CSU et SPD, animé le débat public et suscité l’intervention tant des partenaires sociaux que des instituts d’analyse économique concerne l’introduction ou non d’un salaire minimum légal valable dans l’ensemble des branches et sur la totalité du territoire de la République fédérale.
18 Cette mesure est présentée comme urgente, prioritaire et nécessaire à la conclusion de tout accord de gouvernement par le SPD, qui pose le principe d’un montant de 8,50 € minimum, dans l’ouest comme l’est de l’Allemagne ; il devra remplacer les différentes rémunérations minimales fixées jusqu’alors par les accords de branche, lorsqu’ils existent, qualifiés par les sociaux-démocrates de patchwork (Flickenteppich). Ce salaire minimum devrait être révisé chaque année par une commission ad hoc désignée par le ministère du Travail. En outre devraient être clairement définies les conditions permettant de contrôler s’il est respecté et de prendre des sanctions dans le cas contraire.
19 À l’opposé, la CDU et la CSU soulignent leur attachement à l’autonomie tarifaire dans le cadre de laquelle les partenaires sociaux ont jusqu’alors déterminé des salaires minimum pour un grand nombre de secteurs d’activité. Dans ceux dépourvus d’accords tarifaires, elles proposent d’imposer par la loi aux partenaires sociaux, selon des modalités à préciser, l’obligation de déterminer un salaire minimum contractuel au sein d’une commission paritaire, ce qui permettrait de tenir compte des différences régionales et sectorielles. CDU et CSU rejettent toute fixation de salaire par les instances politiques tout en soulignant qu’il incombe à celles-ci de créer les conditions permettant à toute personne partout en Allemagne de percevoir un salaire correct.
20 Au-delà d’une différence d’approche théorique évidente, on peut considérer que cette divergence tient également à une stratégie électorale, la position du SPD étant similaire à celle des Verts tandis que le refus d’une intervention directe de l’État et le renvoi aux partenaires sociaux par la CDU et la CSU se retrouvent dans le programme du FDP.
21 Un deuxième point sensible concerne les pensions de retraite.
22 Pour la CDU et la CSU la garantie des retraites à l’avenir doit reposer sur trois piliers : la retraite de base obligatoire, les retraites complémentaires privées et les retraites d’entreprise, la retraite de base obligatoire devant rester le pilier principal. Elle devra être confortée par le passage progressif de l’âge légal de la retraite à 67 ans à compter de 2012 et d’ici 2029, décision prise par le gouvernement précédent. Parallèlement, retraite complémentaire privée et retraite d’entreprise devraient être développées – cette dernière en particulier dans les PME.
23 Devraient par ailleurs être améliorées les pensions d’invalidité professionnelle ainsi que les pensions de retraite des assurés ayant cotisé au moins 40 ans et disposant de faibles revenus qui ont contracté une retraite complémentaire. Ces personnes devraient toucher un complément qui leur garantisse au minimum 850 € par mois. En outre CDU et CSU envisagent d’introduire une couverture retraite obligatoire pour les travailleurs indépendants, qui auraient la possibilité de choisir entre l’assurance retraite légale et d’autres formes alternatives. Enfin CDU et CSU attachent une importance particulière à la « retraite pour les mères de famille » (« Mütterrente »). À partir de 2014, le congé parental des mères et pères jusqu’alors non pris en compte pour les enfants nés avant 1992 devrait rapporter un point de retraite supplémentaire.
24 Le programme du SPD de son côté prévoit un passage flexible de la vie active à la retraite, une revalorisation des pensions d’invalidité professionnelle, la stabilisation du niveau des retraites ainsi qu’une pension minimum au titre de la sécurité sociale (Solidarrente).
25 Afin de garantir à tous les salariés un passage adapté de la vie active à la retraite, le SPD envisage :
- Une pension à taux plein à 63 ans après 45 années de cotisation ;
- l’extension des possibilités de retraite partielle à partir de 60 ans ;
- l’amélioration des pensions d’invalidité professionnelle par la suppression dans leur cas des minorations pour départ anticipé à la retraite et l’allongement des périodes prises en compte ;
- de meilleures possibilités de verser des compléments de cotisation afin de flexibiliser le passage de la vie active à la cessation d’activité.
27 Le relèvement de l’âge de la retraite à 67 ans ne devra pas avoir pour effet de réduire le montant des pensions. C’est pourquoi il ne devra être possible que lorsque la moitié au moins des salariés âgés de 60 à 64 ans aura un emploi assujetti au versement de cotisations sociales et aura la possibilité d’acquérir des droits à la retraite supplémentaires.
28 Le SPD veut maintenir le taux actuel des retraites jusqu’en 2020 pour ensuite réexaminer le rapport entre pensions de retraite et revenus du travail. En outre il préconise de renforcer le système de retraites d’entreprise. Concernant le système Riester, le SPD veut en améliorer la transparence et l’efficacité. [4]
29 Les travailleurs indépendants sans protection vieillesse devront être intégrés à l’assurance retraite de base obligatoire, ce qui constituera un premier pas vers la transformation de l’assurance retraite légale en assurance de tous les actifs. En outre un système de retraite unifié et égal entre les parties ouest et est de la République fédérale devra entrer en vigueur d’ici 2020.
30 Un point essentiel du programme du SPD concerne l’instauration d’une retraite solidaire. La pension des assurés ayant longuement cotisé (langjährig Versicherte), soit 30 années de cotisation/40 années d’assurance, ne devra pas être inférieure à 850 €. Le calcul de cette pension intégrera également les effets de la situation familiale sur l’activité professionnelle, qui devront être pris en compte « de manière adéquate » pour les parents dont les enfants sont nés avant 1992 afin d’améliorer leurs droits. Les coûts afférents seront financés par l’impôt.
31 Pour leur part, les coûts du départ à la retraite après 45 années d’assurance sans minoration, de l’amélioration du système de pensions d’invalidité professionnelle et de la stabilisation du niveau des pensions devront être financés par une augmentation des cotisations retraite et par la constitution d’un fonds de réserve plus important.
32 En matière de fiscalité, la CDU et la CSU ne prévoient pas d’augmentation dans leurs programmes, mais pas non plus de véritable allègement. Leurs propositions recouvrent exactement le projet de loi fiscale 2013 présenté au Bundestag par le gouvernement en 2012, mais bloqué au Bundesrat.
33 Elles envisagent uniquement de compenser les charges fiscales supplémentaires au titre de l’impôt sur le revenu dues à l’inflation (kalte Progression). Elles proposent de lutter contre cette distorsion en relevant les différentes tranches de 4,4 % chacune. Pour sa part, le SPD veut porter le taux maximum de l’impôt sur le revenu à 49 % à partir d’un revenu de 100 000 €.
34 Pour ce qui concerne l’imposition des revenus du capital, CDU et CSU proposent de maintenir purement et simplement le principe du prélèvement libératoire de 25 %. Le SPD préconise de porter dans un premier temps le prélèvement libératoire de 25 % à 32 %. Si le produit en est alors inférieur à ce que rapporterait une imposition commune avec les autres revenus, le prélèvement libératoire serait supprimé dans les trois ans et les revenus du capital seraient imposés au même taux que les autres revenus. S’agissant de l’imposition du patrimoine, CDU et CSU y sont opposés. Le SPD quant à lui prévoit une imposition « raisonnable », qui prendrait en compte la situation des PME, des sociétés de personnes et des entreprises familiales. Des exonérations pour les personnes privées devraient garantir qu’une résidence principale « normale » (normales Einfamilienhaus) ne soit pas concernée.
35 Enfin, en matière d’impôt sur les successions, CDU et CSU rejettent tout relèvement. Le SPD veut annuler les avantages accordés aux héritiers d’entreprises par la grande coalition en 2009 et complétés par la coalition CDU-CSU/FDP en 2010.
36 Un autre grand chapitre concerne la politique énergétique, plus exactement ce qu’il est convenu d’appeler la transition énergétique. Après Fukushima, la CDU et la CSU ont fondamentalement changé de position en décidant de fermer d’ici 2022 toutes les centrales nucléaires et en plaidant pour une nouvelle politique énergétique. Selon le ministère de l’Environnement, les énergies renouvelables représentent en 2014 22 % de la production totale. CDU et CSU veulent porter cette part à au moins 35 % d’ici 2020 et 80 % d’ici 2050 ; afin de parer à d’éventuelles ruptures de production liées à l’intermittence de fonctionnement en matière éolienne et solaire, elles tablent sur des centrales à gaz modernes ainsi que sur les centrales à charbon. Par ailleurs, CDU et CSU veulent, pour des raisons de compétitivité internationale, maintenir les mesures qui exonèrent les industries grosses consommatrices d’énergie de la taxe pour la transition énergétique (EEG-Umlage), tout en affirmant vouloir protéger les citoyens d’une augmentation excessive des prix de l’électricité. En complément de ces mesures, CDU et CSU envisagent une diminution de 40 % des émissions de CO2 d’ici 2020 par rapport à 1990.
37 De son côté, le SPD soutient la transition énergétique et l’édification de champs d’éoliennes offshore en mer du Nord et en mer Baltique, son projet programmatique étant d’arriver à 40 % ou 45 % d’énergies renouvelables d’ici 2020 et 75 % d’ici 2030. Le soutien financier à la construction d’installations dédiées à la production d’énergie alternative devrait être maintenu, mais en en diminuant progressivement le montant, compte tenu en particulier du fait que le progrès technique devrait faire baisser les coûts de construction. Pour soulager les consommateurs à court terme, la taxe sur l’électricité devrait être revue à la baisse et les fournisseurs devraient être contraints à diminuer leurs prix suite à la chute des cours de l’électricité en bourse.
38 Retenons un dernier point, moins essentiel en termes de montant financier mais qui a passablement agité les esprits en particulier sur la fin de la campagne électorale : La CSU a inscrit dans son programme l’introduction d’une taxation générale de l’utilisation des autoroutes ne devant pas entraîner de coût supplémentaire pour les automobilistes allemands ; cette exigence a en particulier été présentée comme inconditionnelle par le président du parti Horst Seehofer. La CDU, et tout particulièrement Angela Merkel, s’est déclarée opposée à une telle mesure, de même que le parti social-démocrate. On voit se dessiner ici une divergence économiquement secondaire mais politiquement plus sérieuse entre les deux partis de l’union CDU/CSU propre à créer quelque confusion lors des négociations visant à l’élaboration d’un programme gouvernemental.
Programme de gouvernement
39 Les négociations entre CDU/CSU et SPD ont, nous l’avons vu, duré 36 jours avant que soit adopté un programme de gouvernement. Les questions cruciales en matière économique et sociale que nous avons évoquées ci-dessus ont débouché, comme il se devait, sur des accords de compromis.
40 La question du salaire minimum est largement tranchée en faveur du SPD. Le texte de l’accord prévoit en effet l’introduction progressive d’un salaire minimum horaire de 8,50 € valant pour toutes les branches économiques et sur l’ensemble du territoire à compter du 1er janvier 2015. Des mesures dérogatoires permettent jusqu’au 31 décembre 2016 au plus tard des rémunérations inférieures pour les accords de branche en vigueur qui en comportent ; à compter du 1er janvier 2017, le salaire minimum devra être appliqué sans aucune exception. Le montant de cette rémunération plancher sera régulièrement révisé, une première fois en juin 2017 avec prise d’effet au 1er janvier 2018 ; cette révision relèvera de la compétence d’une commission ad hoc de six membres composée par moitié de délégués des organisations représentatives du patronat et des salariés ; ils pourront faire appel, s’ils le souhaitent, à deux experts reconnus également désignés par moitié par ces mêmes organisations et qui ne disposeront que d’une voix consultative. La présidence de la commission sera assurée à tour de rôle par les représentants du patronat et ceux des salariés. Les éventuelles propositions de réévaluation du salaire minimum feront l’objet d’un décret les rendant impératives. Le texte de loi sera rédigé après concertation avec les représentants du patronat et des salariés de l’ensemble des branches économiques afin qu’il soit tenu compte d’éventuels cas particuliers, comme par exemple celui des travailleurs saisonniers.
41 Le deuxième sujet, à la croisée de l’économique et du social, sur lequel les positions des membres de la coalition présentaient des divergences concerne les pensions de retraite. Le compromis auxquels ils parviennent souligne tout d’abord la nécessité de prendre en compte la situation démographique du pays, qui se caractérise par une diminution et un vieillissement de la population [5], ainsi que ses effets sur le marché du travail et le financement des caisses de retraite. Depuis 2012, les personnes ayant cotisé 45 ans peuvent toucher une pleine retraite à partir de 65 ans. Désormais il serait possible à compter du 1er juillet 2014 pour les personnes justifiant de 45 années de cotisation, y compris les périodes de chômage, de toucher leur pleine pension de retraite dès 63 ans. Cet âge serait progressivement porté à 65 ans, parallèlement au relèvement de l’âge légal de départ à la retraite de 65 à 67 ans. En outre, compte tenu du déficit de travailleurs qualifiés, de l’expérience et du potentiel professionnels des salariés âgés, compte tenu aussi de leur contribution financière à l’équilibre des comptes sociaux, des mesures incitatives devront être prises afin de faciliter le passage progressif de la vie active à la retraite. Il est en outre prévu de renforcer le système des retraites d’entreprise, en particulier dans les PME.
42 CDU/CSU et SPD s’entendent également pour relever progressivement le niveau des pensions de retraite dans les nouveaux Bundesländer afin de le porter au même niveau que dans la partie occidentale du pays d’ici le terme du pacte de solidarité fin 2019.
43 Enfin, il est décidé qu’à partir du 1er juillet 2014 les congés parentaux pris pour les enfants nés avant 1992, jusqu’alors moins valorisés que ceux des enfants nés après cette date, donneront droit à un point de bonification supplémentaire pour le calcul des retraites.
44 Notons au passage qu’en matière de politique familiale une prestation sociale qui avait fait polémique lors de son introduction à compter du 1er août 2013 à l’instigation de la CSU et avait en particulier suscité une vive opposition du SPD, l’allocation pour les jeunes enfants élevés au domicile des parents et non dans une crèche, le Betreuungsgeld, a finalement été maintenue en l’état et n’est pas évoquée dans le programme de gouvernement.
45 S’agissant des finances publiques, le programme s’en tient à des considérations générales. Il fixe comme objectif la consolidation durable des comptes publics, avec un budget à l’équilibre en 2014 et le renoncement à tout nouvel endettement à partir de 2015 – tout en respectant des priorités d’investissement comme l’augmentation du nombre de crèches ou encore l’allégement des charges financières des communautés territoriales. Le coût de ces projets, estimé à 21 milliards d’euros, devra être financé sans qu’il soit recouru à une hausse de la fiscalité. Une réforme structurelle de cette dernière est certes annoncée, mais sans aucune précision notable ni concernant ses modalités, ni concernant ses effets.
46 De même, en matière de taxe professionnelle, droits de succession et taxe foncière, il est simplement déclaré qu’elles devront à l’avenir contribuer sur le long terme de manière fiable et stable au financement des collectivités territoriales, communes et Länder. Il incombera donc au législateur de prendre les mesures légales propres à matérialiser cette position de principe.
47 Enfin, pour ce qui concerne le financement des infrastructures routières, le programme de gouvernement adopte le principe d’une taxe sur l’usage des autoroutes qui ne devra pas entraîner de coût supplémentaire pour les détenteurs de véhicules immatriculés en Allemagne. Un texte de loi allant dans ce sens devrait être adopté avant la fin de l’année 2014 – sous réserve de trouver une solution qui ne contrevienne pas au droit communautaire.
48 Le dernier des points que nous avons retenus concerne la politique énergétique. Le programme de gouvernement repose, en ce domaine, sur deux principes : lutter contre le réchauffement climatique et développer les énergies renouvelables tout en confirmant le renoncement aux centrales atomiques.
49 Concernant le premier aspect, le programme de gouvernement vise, au niveau national, à réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40 % d’ici 2020 par rapport à 1990.
50 Concernant le second aspect, le programme souligne l’importance que les mesures adoptées tout à la fois garantissent l’alimentation en énergie des usagers et n’entraînent pas de surcoût excessif. Il affirme la volonté de développer la part des énergies renouvelables dans la production nationale pour la porter à 40-45 % d’ici 2025 et 55-60 % d’ici 2035, soit une valeur à mi-chemin des programmes de la CDU/CSU et du SPD dans le premier cas et une valeur inférieure à celles préconisées dans les deux programmes – et sans doute moins irréaliste – dans le second. Le programme de gouvernement souligne par ailleurs la nécessité de maîtriser les coûts de la transition énergétique pour les consommateurs, ménages et entreprises. Cela passe par une réforme des soutiens financiers, qui sont appelés à être progressivement diminués afin, en particulier, d’éviter une construction excessive, voire anarchique, de sites de production et une distorsion du marché. À cet effet, un projet de réforme de la loi sur les énergies renouvelables (Erneuerbare-Energien-Gesetz, EEG) devrait être présenté avant Pâques 2014 en vue d’un vote parlementaire dans le courant de l’été. Outre la planification dans le temps des travaux d’extension en matière d’énergies renouvelables, les réformes adoptées devront permettre d’endiguer la hausse des prix de l’énergie pour les usagers. Cela passera par une diminution des aides et subventions ainsi qu’un recours plus marqué aux règles du marché. Dans le même temps, le programme de gouvernement prévoit de maintenir les allégements de taxe octroyés aux entreprises qui, de par leur mode de production, sont grosses consommatrices d’énergie afin de ne pas les désavantager par rapport à leurs concurrents étrangers et, par là même, de ne pas menacer des emplois ; les demandes de dérogation seront cependant examinées de manière plus rigoureuse et il sera veillé à ce que les décisions prises soient conformes au droit communautaire.
51 Cette politique énergétique implique, selon le programme de gouvernement, quatre mesures complémentaires :
- la confirmation de l’abandon total de l’énergie nucléaire au plus tard en 2022 ;
- le non recours à la fracturation hydraulique aussi longtemps que ne seront pas disponibles les résultats d’études poussées sur ses retombées pour l’environnement ;
- compte tenu de la nécessité d’assurer la continuité de l’approvisionnement en énergie électrique, des aléas de la production dans le domaine des énergies renouvelables et des possibilités encore très restreintes de stockage, le recours à une utilisation souple et raisonnée de centrales électriques traditionnelles (lignite, charbon, gaz) ;
- l’intensification des mesures contribuant à économiser l’énergie, que ce soit dans la conception de bâtiments et machines de nouvelle génération ou bien dans l’isolation des édifices existants.
53 Le passage à la réalisation de ces différents projets gouvernementaux supposera que soient surmontés au moins trois obstacles.
54 Le premier tient aux réactions qu’ils ont suscitées, dès la phase de campagne électorale et de publication des programmes des partis de la future coalition, au sein de divers groupes sociaux et lobbys.
55 Le deuxième concerne le Bundestag. Certes les partis d’opposition, Grüne et Linke, ne disposent pas d’un nombre de voix suffisant pour bloquer l’activité législative du gouvernement, même à supposer qu’ils votent ensemble, ce qui est loin d’être acquis. [6] Mais au sein même de la coalition subsistent des divergences, de fond ou de détail, tant entre CDU/CSU et SPD qu’au sein même de chacun de ces partis.
56 Enfin, un certain nombre des réformes envisagées feront nécessairement l’objet de lois qui ne pourront être adoptées qu’avec l’accord explicite du Bundesrat (Zustimmungsgesetze). Or la composition de ce dernier après les élections régionales de Hesse ne permet aux partis de la coalition gouvernementale de disposer en propre – c’est-à-dire en tenant compte des seuls Länder ou chacun gouverne seul ou bien avec le parti partenaire de cette coalition – que de 27 voix sur 69 ; dans les autres Länder, la majorité gouvernementale repose sur des coalitions comprenant soit les Verts, soit Die Linke, soit les libéraux du FDP.
57 Ces obstacles concernent en particulier deux projets emblématiques du nouveau gouvernement.
58 L’introduction d’un salaire minimum, au-delà de son rejet initial dans le programme électoral de la CDU/CSU, a également suscité des réactions contradictoires au sein du corps social. Les syndicats de salariés la soutienne sans condition, que ce soient certains syndicats professionnels individuels – typiquement celui de la métallurgie IG-Metall – ou bien l’organisation confédérale DGB. [7] À l’inverse, les organisations patronales s’y opposent, leur principal argument étant qu’une telle décision entraînerait une hausse des coûts donc des prix dans un certain nombre de secteurs, en particulier de services, et par voie de conséquence tout à la fois une recrudescence du travail non déclaré et des suppressions d’emplois [8] ; cette même crainte est formulée par Christoph Schmidt, le président du Sachverständigenrat. Si une loi venait cependant à être votée qui consacre l’introduction d’un salaire minimum valant pour tous les secteurs d’activité et sur l’ensemble du territoire national, les organisations patronales demandent que pour le moins il ne s’applique pas aux apprentis, voire qu’il ne s’applique pas aux salariés de moins de vingt-et-un (BDA) ou vingt-cinq ans (ZDH/Zentralverband des Deutschen Handwerks (ZDH)) ; cette même demande de prévoir dans le texte de loi des dérogations en particulier pour raison d’âge est formulée par la Bundesagentur für Arbeit. Enfin, certains attirent l’attention sur le risque qu’un salaire minimum imposé par la loi contrevienne à des dispositions de la Loi fondamentale, en particulier à des droits fondamentaux qui s’y trouvent inscrits. [9]
Du programme de gouvernement aux décisions législatives
59 Le second projet concerné, la réforme du droit des retraites, a finalement abouti à un texte de loi entériné par le législateur, non sans soulever objections et débats.
60 Ce texte a été soutenu, en particulier dans les rangs du SPD et des syndicats, au nom de la justice sociale. Mais dans le même temps il a suscité les critiques de ceux qui le jugent d’un coût excessif non seulement dans l’immédiat, mais plus encore au fil des années, et lui reprochent de ne pas prendre en compte la situation démographique du pays. Ces critiques ont conduit à un débat interne parmi les députés de la CDU/CSU ; si les représentants de la Christlich-Demokratische Arbeitnehmerschaft Deutschlands (CDA), qui défend les intérêts des salariés au sein de la CDU, soutiennent la réforme en particulier par l’intermédiaire de son vice-président Christian Bäuler, ceux qui sont plus proches des milieux de l’entreprise, par exemple Christian von Stetten parlant au nom des PME, exigent des modifications telles qu’un assouplissement de l’âge légal de la retraite ou des mesures permettant d’éviter une vague de mise à la retraite anticipée dès 63 ans, coûteuse et doublée d’un déficit à terme de main-d’œuvre qualifiée. Cette opposition interne s’est affirmée durant les dernières semaines précédant le vote au parlement : la vice-présidente du parti Julia Klöckner a menacé de faire capoter le projet de loi et une soixante de députés CDU ont annoncé qu’ils ne le voteraient pas en l’état. Notons enfin que la Commission européenne est également intervenue par l’intermédiaire d’Olli Rehn, commissaire pour les affaires économiques et monétaires, au prétexte que ce projet de réforme des retraites risquait de mettre en danger la stabilité monétaire de la République fédérale et pourrait entraîner une procédure de mise en garde. [10]
61 Finalement les négociations ont abouti à un compromis entre les partenaires de la coalition gouvernementale, apaisé les tensions internes au sein de la CDU, et le projet de loi a été adopté par le Bundestag le vendredi 23 mai par 460 voix pour, 64 voix contre, dont 9 de la CDU/CSU, et 6 abstentions, dont 2 de la CDU/CSU [11] ; et par le Bundesrat le 13 juin.
62 Le texte ainsi voté – RV-Leistungsverbesserungsgesetz – comporte quatre dispositions principales :
- Les salariés ayant cotisé pendant au moins 45 ans pourront prendre leur retraite en touchant une pension à taux plein à partir de l’âge de 63 ans. Cette mesure profitera aux générations nées jusqu’en 1952 ; pour les salariés des générations suivantes ayant également cotisé ce même nombre d’année au minimum, l’âge de la retraite sera progressivement reporté jusqu’à 65 ans, seuil qui s’imposera à tous à partir de l’année de naissance 1963. En outre, la loi prévoit que soient prises en compte dans le calcul des annuités les périodes de chômage transitoire [12], mais non de chômage de longue durée, ainsi que les périodes consacrées à élever des enfants ou à s’occuper d’un parent en situation de dépendance. Ces dispositions ont été amendées sur un point au cours des négociations préalables à l’adoption du texte : afin d’éviter une vague de mise à la retraite anticipée de la part des entreprises, il a été décidé que la prise en compte des périodes de chômage ne s’appliquerait pas aux deux dernières années précédant le départ à la retraite. Enfin la loi précise que les travailleurs indépendants qui, durant leur vie professionnelle, ont cotisé au moins 18 ans à l’assurance retraite obligatoire puis ont continué à cotiser sur la base du volontariat pourront également prendre leur retraite avec une pension à taux plein à 63 ans. Cette dernière disposition concerne tout particulièrement les membres des professions artisanales.
- Enfin une ultime disposition, dite de flexibilisation, a été adoptée afin de répondre au moins partiellement aux inquiétudes des milieux économiques : possibilité est donnée aux salariés qui le souhaiteront de continuer à travailler au-delà de l’âge légal de départ à la retraite, dans des conditions qui seront à définir avec leur employeur dans le cadre légal.
- La seconde mesure, appelée Mütterrente, également présentée comme relevant de la justice sociale, concerne les mères de famille. Elle consiste à mieux prendre en compte que par le passé le cas des femmes ayant élevé des enfants nés avant 1992, compte tenu du fait qu’à cette époque les possibilités de garde en dehors de la famille étaient très restreintes, ce qui a entraîné des interruptions, voire des cessations d’activité salariée. Elles bénéficieront désormais pour chaque enfant concerné d’un point de retraite supplémentaire, soit environ 338 € par an dans les Länder de l’ouest et 309 dans ceux de l’est. Le coût de cette mesure sera financé en recourant aux réserves des caisses de retraite et non à l’impôt. [13]
- La troisième mesure concerne la retraite pour inaptitude au travail. Désormais sera pris en compte le salaire moyen qu’une personne frappée d’inaptitude partielle ou totale aurait perçu non plus jusqu’à l’âge de 60 mais de 62 ans. En outre une baisse de rémunération liée à une maladie de longue durée ou à un recours au travail à temps partiel par suite de problèmes de santé durant les quatre dernières années de cotisation n’impactera plus le niveau de la pension. Cette réforme conduira à une augmentation moyenne d’environ 550 € par an des montants versés.
- La dernière mesure concerne le financement des soins de rééducation. Le budget mis à disposition des caisses de retraite à ce titre était jusqu’alors plafonné à environ 6 millions d’euros par an, chiffre indexé sur l’évolution des salaires. Désormais, et pour une période allant jusqu’en 2050, ce montant prendra également en compte l’évolution démographique [14], ce qui induira une hausse du financement disponible.
64 En l’état des prévisions officielles actuelles, l’ensemble de ces réformes, appelées à entrer en vigueur le 1er juillet 2014, induira un coût de 4,4 milliards d’euros pour l’année en cours, puis de 9 milliards en 2015 pour augmenter progressivement jusqu’à 11,8 milliards en 2020 ; la charge globale jusqu’en 2030 est estimée à 160 milliards – ce qui continue à nourrir le débat sur son financement durable.
65 Des voix s’élèvent par ailleurs pour souligner que les mesures décidées ne mettront pas fin à la pauvreté qui frappe les personnes âgées, en particulier les femmes, qui devront toujours avoir recours à l’aide sociale ; et pour demander l’adoption rapide d’une seconde loi fixant une retraite minimum. [15]
66 Pour ce qui concerne les autres projets de réforme, ils n’en sont encore que dans la phase de préparation d’un texte de loi ou bien de débat de ce texte au Bundestag.
67 C’est le cas du salaire minimum. Le débat sur le projet de loi présenté par la ministre du Travail Andrea Nahles a débuté le 6 juin. En l’état actuel, il prévoit l’instauration à compter du 1er janvier 2015 d’un salaire horaire minimum légal de 8,50 € pour tous les secteurs d’activité sur l’ensemble du territoire de la République fédérale, avec dérogation possible jusqu’au 1er janvier 2015 là où existent des conventions collectives fixant une rémunération moindre. Ne sont pas concernés par le texte les jeunes de moins de 18 ans [16], les chômeurs de longue durée [17] ni les personnes effectuant un stage obligatoire [18]. Devra également être précisée la situation dans certaines activités professionnelles à statut particulier, essentiellement les salariés de l’hôtellerie, les travailleurs agricoles saisonniers, les chauffeurs de taxi ainsi que les salariés rémunérés aux pièces.
68 Fait également encore débat le fonctionnement de la commission chargée de réévaluer périodiquement le salaire minimum. Alors que le texte de loi prévoit qu’elle se réunisse une première fois en 2017 pour envisager une augmentation à compter du 1er janvier 2018, les partenaires sociaux plaident pour une première augmentation dès 2017 et une indexation sur l’augmentation moyenne des rémunérations tarifaires. La commission serait dès lors privée de toute autonomie de décision. [19]
69 Pour ce qui concerne les autres sujets, les projets gouvernementaux sont en général connus dans leurs grandes lignes et correspondent au texte de l’accord de gouvernement, mais les débats parlementaires en cours ou à venir peuvent déboucher sur des modifications plus ou moins importantes.
70 Il en va ainsi du projet de loi gouvernemental actuellement en débat au Bundestag qui vise à réduire le coût de la transition énergétique sans stopper le développement des énergies renouvelables. Il détaille le montant des subventions accordées à partir du 1er janvier 2015 pour chaque type d’énergie renouvelable (éolienne maritime, éolienne terrestre, photovoltaïque, biomasse), précise les nouvelles obligations et conditions de commercialisation de ces énergies, la fiscalité pour la production à usage personnel, confirme la dispense de la taxe sur l’énergie accordée aux entreprises grosses consommatrices d’énergie exposées à la concurrence internationale ; concernant ce dernier point, le ministre de l’Économie Sigmar Gabriel a annoncé que le nombre d’entreprises concernées serait revu à la baisse [20] et que les modalités d’application seraient conformes aux vœux de la Commission européenne. [21]
71 En matière de finances, la priorité devrait être d’assurer durablement un budget en équilibre, sans recours à un endettement supplémentaire à partir de 2015. Cela implique qu’il n’y aura pas dans l’immédiat de diminution de l’impôt sur le revenu, en particulier pas de suppression ni de limitation, en 2014 et 2015, de la kalte Progression [22], qui fait que, sous le double effet de l’inflation et du non relèvement des seuils d’imposition, les augmentations de salaires brutes ne se traduisent pas ou peu par des augmentations de salaires nettes et, donc, du pouvoir d’achat. En contrepartie, il n’est pas non plus prévu d’augmentation d’impôt.
72 Notons également qu’une réforme fiscale à terme sera d’autant plus délicate à mettre en œuvre qu’elle supposera l’accord du Bundesrat.
73 Quant à l’instauration d’un droit de péage sur les autoroutes, la solution avancée en particulier par le ministre des Transports consisterait en une vignette de 100 € par an, éventuellement subdivisible en semaines et mois ; reste à confirmer comment l’appliquer à tous les usagers, étrangers et nationaux, sans qu’elle entraîne un surcoût pour ces derniers et sans que la mesure soit déclarée contraire au droit communautaire, ce qui la rendrait inapplicable.
74 Sur ces trois points en particulier, et sur bien d’autres encore touchant aux différents domaines de la politique nationale, si les projets gouvernementaux sont prêts ou en cours d’élaboration finale, le travail parlementaire – avec ses éventuelles surprises – ne fait que commencer.
75 Au-delà de l’apparente cohésion du moment, le rapport de force au sein de la grande coalition fera la décision, conditionné par les divergences de vue entre les partis qui la constituent et à l’intérieur de chacun d’entre eux ; conditionné aussi par la stratégie politique des uns et des autres en vue des prochaines échéances électorales.
Notes
-
[1]
Même s’ils comptaient des partisans dans les deux partis, ces contacts avaient peu de chance d’aboutir dans l’immédiat. Mais, au-delà de leur rôle tactique du moment, ils permettaient de poser des jalons pour une éventuelle collaboration future – ce que confirmera la constitution d’une coalition gouvernementale CDU/Grüne en Hesse quelques semaines plus tard.
-
[2]
Les chiffres précis sont les suivants : 474 820 membres du parti étaient habilités à voter, 369 364 ont effectivement pris part au vote, 256 643 ont approuvé le programme de gouvernement, 80 921 l’ont rejeté et 31 800 suffrages ont été comptabilisés comme nuls. La démarche du SPD n’a pas été sans soulever des critiques, et pas seulement d’ordre politique mais aussi institutionnel. En effet, compte tenu du fait qu’avait été fixé par les instances du parti un quorum de participation de 20 % et que la décision était prise à la majorité absolue des suffrages valablement exprimés, cela revenait à dire que, dans un cas de figure extrême, 47 580 membres d’un parti pouvaient faire capoter le résultat de négociations résultant d’élections parlementaires nationales – comme l’a fait remarquer en particulier le président du Bundestag Norbert Lammert. Une plainte a d’ailleurs été déposée devant le tribunal constitutionnel fédéral au motif que la procédure contrevenait au libre exercice de leur mandat par les députés SPD, garantie par l’article 38 de la Loi fondamentale. Le tribunal a rejeté cette plainte considérant qu’il n’était pas compétent pour juger d’une démarche relevant de l’organisation interne d’un parti et qu’en outre le résultat d’une consultation auprès des adhérents d’un parti ne liait pas formellement les députés, ceux-ci conservant leur entière liberté de décision au moment du vote.
-
[3]
Nous utilisons ici la traduction courante en français de l’expression allemande soziale Marktwirtschaft, bien qu’elle en constitue une déformation et que la tournure économie de marché sociale soit mieux adaptée.
-
[4]
Le système Riester, introduit au début des années 2000, ouvre la possibilité de contracter une retraite complémentaire privée donnant droit à une prime d’État.
-
[5]
En 2012, la République fédérale présentait selon le Bundesinstitut für Bevölkerungsforschung un taux de fécondité de 1,38, l’un des plus faibles d’Europe.
-
[6]
Sur 631 députés, 311 représentent la CDU/CSU, 193 le SPD, 64 Die Linke et 63 Bündnis 90/Die Grünen.
-
[7]
Voir la brochure éditée par cette dernière sous le titre Arm trotz Arbeit – Deutschland braucht den Mindestlohn ; et le site www.mindestlohn.de.
-
[8]
Voir un résumé des positions du BDA sur le site http://www.arbeitgeber.de/www/arbeitgeber.nsf/id/de_Mindestlohn.
-
[9]
Voir entre autres à ce sujet l’article du Professeur Thomas Lobinger Mindestlohn läuft dem Sozialstaatsprinzip zuwider dans la Süddeutsche Zeitung du 6 juin 2013.
-
[10]
Voir l’interview d’Olli Rehn Es wird eine ernsthafte Übung dans la Wirtschaftswoche du 24.02.2014.
-
[11]
Voir le compte-rendu des débats et du vote sur le site du Bundestag, Plenarprotokoll 18/37 vom 23.05.2014.
-
[12]
Selon la nouvelle loi, la prise en compte de périodes de chômage dans le calcul des pensions de retraite n’est pas illimitée mais ne concerne que les périodes qui s’écoulent entre la perte de son emploi par un salarié et le moment ou il en trouve un autre ; concrètement elle ne prend en compte que la durée durant laquelle le salarié touche une allocation chômage (Arbeitslosengeld 1), durée qui peut varier en fonction de la législation ; actuellement elle se situe entre 6 et 24 mois selon le temps durant lequel le salarié a cotisé ainsi que son âge.
-
[13]
Même si de fait cette mesure concerne essentiellement les mères, notons qu’elle s’applique aussi aux pères.
-
[14]
Cette prise en compte du facteur démographique sera fondée sur l’évolution du rapport entre la tranche d’âge des salariés ayant le plus recours à des mesures de rééducation (45 à 67 ans) et la population en âge de travailler dans son ensemble (20 à 67 ans).
-
[15]
C’est en particulier le cas de Maria Loheide au nom du evangelischer Wohlfahrtsverband.
-
[16]
Les syndicats souhaitent le retrait de cette exception ; les organisations patronales demandent le report de cet âge à 21 ans, voire 25 ans dans l’artisanat, au motif que les jeunes déserteront sinon l’apprentissage au profit d’emplois peu qualifiés mieux rémunérés.
-
[17]
Les chômeurs de longue durée seraient exclus du champ d’application de la loi durant les 6 premiers mois d’une reprise d’activité. Les organisations patronales demandent que ce délai soit porté à 12 mois, les syndicats en réclament la suppression, le jugeant discriminatoire et humiliant.
-
[18]
Ne seraient concernés que les stages d’une durée maximum de 6 semaines, afin de mettre un terme au recours abusif à ce type d’emplois. Les organisations patronales pointent pour leur part le risque de voir alors fortement diminuer le nombre de stages proposés et demandent que pour ceux qui remplissent une fonction d’orientation professionnelle dans le cadre d’un cursus universitaire la durée d’exemption soit portée à 6 mois.
-
[19]
Cette demande reflète la crainte des syndicats de voir des propositions librement décidées par la commission se transformer en référentiel lors des négociations salariales de branche, ce qui réduirait la marge de manœuvre lors de ces négociations. De leur côté les organisations patronales souhaitent éviter que des hausses de salaires conventionnels élevées une année donnée n’entraînent automatiquement une forte hausse du salaire minimum.
-
[20]
La diminution sera d’environ 400 entreprises par rapport aux quelques 2 000 jusqu’alors exemptées de ce paiement.
-
[21]
Voir la dépêche de l’AFP du 8 avril 2014 Milliarden-Rabatte für Industrie bei EEG-Umlage bleiben. Berlin einigt sich mit EU-Kommission.
-
[22]
Il y a kalte Progression lorsque les augmentations de rémunération compensent simplement le taux d’inflation et que, faute de révision des seuils des tranches d’imposition, le salarié voit sa dette fiscale augmenter au même niveau que ces augmentations, voire au-delà. Si des mesures visant à remédier à cette situation sont demandées tant dans les rangs de la CDU/CSU que dans ceux de la SPD, le désaccord persiste sur le financement de telles mesures, qui impliqueraient un manque à gagner pour l’État ; la CDU/CSU refuse en effet toute introduction d’une tranche d’impôt supplémentaire pour les plus hauts revenus de même que toute augmentation de la fiscalité des entreprises, solutions préconisées par le SPD.