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Article de revue

Faire de l’Europe un centre du judaïsme au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Rêves et réalités

Pages 101 à 122

Notes

  • [*]
    L’auteur tient à remercier le Social Science Research Council’s International Dissertation Research Fellowship, 2011-2012, qui lui a permis d’entreprendre la recherche dont est issu cet article. Celui-ci a été traduit de l’américain par Valérie Assan.
  • [1]
    Archives de l’Université de South-ampton, Papiers Aaron Zakharovich Steinberg (1891-1975), 1910-93 (ci-après : US, Papiers Steinberg), MS262, 6/1/32, note « UNESCO », 2 janvier 1947.
  • [2]
    Créé dans les années 1930, le World Jewish Congress ou WJC (en français: Congrès juif mondial ou CJM) avait son siège à New York et des bureaux partout dans le monde. Il fut le premier porte-parole, et le plus influent, des Juifs à l’Unesco, grâce à ses observateurs présents dès la première conférence générale de l’organisation à Paris, en novembre 1946.
  • [3]
    Arieh Tartakower, « Problems of Jewish Cultural Reconstruction in Europe », Journal of Educational Sociology, 18:5, janvier 1945, « The Jew in the Postwar World », pp. 274-275. En janvier 1945, la création de l’Unesco était en cours, d’où l’absence, à ce stade, du mot « science » dans le nom donné ici à l’organisation future. Deux autres entités étaient également citées : des gouvernements nationaux et la population juive vivant hors d’Europe, en premier lieu aux États-Unis.
  • [4]
    American Jewish Archives, World Jewish Congress Records, Series E, Box 8, Folder 12 (ci-après : AJA, WJC, Series/Box/Folder), « Que fait le Congrès juif mondial pour la restauration des droits des Juifs en Europe ? », Wolf Blattberg au Dr. Kubowitzki, 6 décembre 1945.
  • [5]
    Central Zionist Archives, Aaron Steinberg Papers (ci-après : CZA, Steinberg), correspondance Zuckerman et Steinberg, juin – octobre 1947, C2/4444 Libraries & Museums, Asnath Klausner à Jacob Zuckerman, 6 juin 1947.
  • [6]
    Cette recherche s’inscrit dans un regain d’intérêt récent pour l’histoire des Juifs d’Europe dans l’après-guerre, sous l’angle notamment des alternatives au sionisme. Marci Shore, « The Jewish Hero History Forgot », New York Times, op-ed, 18 avril 2013 ; Quest. Issues in Contemporary Jewish History, « Jews in Europe after the Shoah: Studies and Research Perspectives », avril 2010 ; Shira Klein, « A Persistent Past: Italian Jews from Emancipation to Post World War II », PhD, New York University, 2012 ; Karen Auerbach, « A Window on Postwar Warsaw: The Jewish Families of 16 Ujazdowskie Avenue », PhD, Brandeis University, 2009 ; Elana Jakel, «”Ukraine without Jews?” Nationality and Belonging in Soviet Ukraine, 1943-1948 », PhD, University of Illinois à Urbana-Champaign (en cours) ; Zachary Levine, « Chevrolets to Budapest: Transnational Cooperation and a Jewish Aid Regimen for the Cold War, 1948-1957 », PhD, New York University (en cours).
  • [7]
    Koppel S. Pinson, « Jewish Life in Liberated Germany: A Study of the Jewish DP’s », Jewish Social Studies, 9:2 avril 1947, p. 115.
  • [8]
    Sur la discrimination, voire la violence à caractère antisémite subie par les survivants d’Europe centrale et orientale qui tentèrent de retrouver leur foyer et leur vie d’avant-guerre : Jan Gross, Fear: Anti-Semitism in Poland After Auschwitz, Random House, 2006 ; Natalia Aleksiun, « Jewish Responses to Antisemitism in Poland, 1944-1947 », in Joshua D. Zimmerman (ed.), Contested Memories: Poles and Jews During the Holocaust and its Aftermath, Rutgers University Press, 2003, pp. 247-261.
  • [9]
    Par exemple : Laura Hobson Faure, « “Performing a Healing Role“. American Jewish Communal Workers and the American Jewish Joint Distribution Committee in Post-World War II France », in Danièle Frison, Yona Dureau (dir.), Parcours Judaïques, X. Culture hébraïque et héritage européen : sources visibles, sources cachées. Actes du colloque organisé à Paris X les 17-18 janvier 2005, 2006, pp. 139-156 ; Veerle Vanden Daelen, « Returning: Jewish life in Antwerp in the aftermath of the Second World War (1944-1945) », European Judaism, 38:2, 2005, pp. 26-42 ; Maud Mandel, In the Aftermath of Genocide: Armenians and Jews in Twentieth Century France, Duke University Press, 2003 ; Chaya Brasz, « After the Shoah: Continuity and Change in the Postwar Jewish Community of the Netherlands », Jewish History, 15:2, 2001, pp. 149-168.
  • [10]
    La Jewish Cultural Reconstruction, Inc. (JCR) fut créée par l’historien Salo Baron, de l’Université Columbia. Elle avait pour mission de vérifier, dans la ligne de l’Université hébraïque, que les livres impossibles à identifier ou à restituer étaient envoyés par les autorités juives aux responsables des nouveaux centres de la vie juive. Le JCR, issu de la Commission on European Jewish Cultural Reconstruction créée plus tôt par Baron, employa, pour localiser, identifier, restituer et réaffecter des livres récupérés, des intellectuels juifs immigrés en Amérique ou en Israël, comme Scholem ou encore Hannah Arendt. Dov Schidorsky, Burning Scrolls and Flying Letters: A History of Book Collection and Libraries in Mandatory Palestine and of Book Salvaging Efforts in Europe after the Holocaust, Jérusalem, The Hebrew University/Magnes Press, 2008 (en hébreu) ; idem, « The Library of the Reich Security Main Office and Its Looted Jewish Book Collections », Libraries & the Cultural Record, 42:1, 2007, pp. 21-47 ; Dana Herman, Hashavat Avedah, A History of Jewish Cultural Reconstruction, Inc., PhD thesis, McGill University, 2008 ; Katharina Rauschenberger, « The Restitution of Jewish Cultural Objects and the Activities of Jewish Cultural Reconstruction, Inc. », Leo Baeck Year Book, 53:1, 2008, pp. 203-204 ; Regine Dehnel (dir.), Jüdischer Buchbesitz Als Raubgut: Zweites Hannoversches Symposium, Frankfort-sur-le-Main, Vittorio Kloster-mann, 2006 ; Evelyn Adunka, Der Raub der Buecher: Pluenderung in der NS-Zeit und Restitution nach 1945, Vienne, Czernin, 2002 ; Robert G. Waite, « Returning Jewish Cultural Property: The Handling of Books Looted by the Nazis in the American Zone of Occupation, 1945 to 1952 », Libraries & Culture, 37:3, été 2002, pp. 213-228.
  • [11]
    Hebrew National and University Library Archives (ci-après : HNUL), 4°1599/23/2, Gershom Scholem et Abraham Yaari à Judah Magnes, 24 avril 1946. C’est l’auteur de l’article qui souligne.
  • [12]
    Archives de l’Unesco, CAME, London 1942-1945, vol. III BPC, History, Committees and Sub-Committees, 54th minutes de procès-verbaux, 29 novembre 1945.
  • [13]
    HNUL, 4° 793/288/212, Gershom Scholem à Hannah Arendt, 7 décembre 1950 : « C’est clair à présent, la littérature rabbinique – et les collections parisiennes contiennent en majeure partie ce type d’ouvrages – est un besoin urgent, en Israël uniquement ». C’est l’auteur de l’article qui souligne.
  • [14]
    Hebrew University of Jerusalem Central Archives, Mount Scopus Campus, Jérusalem, University/University Library Archives (ci-après : HU, U/ULA), 1947 I, M. Fekete, recteur, et D.W., sénateur, administrateur de l’Université hébraïque, au Conseil d’éducation et de la culture juive en France, 26 mai 1947.
  • [15]
    David Weinberg, « Between America and Israel: The Quest for a Distinct European Jewish Identity in the Post-War Era », Jewish Culture and History, 5:1, été 2002, notamment pp. 92-101 ; Salo W. Baron, « The Year in Retrospect », American Jewish Year Book, 1946, pp. 116-122.
  • [16]
    AJA, WJC, E/1/4, Simon Federbush à Jerome Michael, 3 juin 1946.
  • [17]
    HU, U/ULA, 1947 I, La Terre Retrouvée, Paris, 15 février 1947.
  • [18]
    Joshua Starr, « Jewish Cultural Property under Nazi Control », Jewish Social Studies, 12:1, janvier 1950, pp.  27-48. Starr s’interroge p. 27 : « Jusqu’à quel point les livres juifs furent-ils sauvés par la politique culturelle des nazis ? ».
  • [19]
    Les termes Judaica et Hebraica désignent les textes en langues juives (hébreu, yiddish, etc.), ainsi que les livres ayant trait à la religion juive ou à des sujets spécifiquement juifs. Le sort des livres dont la restitution était impossible fut d’autant plus difficile à trancher que les collections juives contenaient des ouvrages non-juifs ou non-hébraïques.
  • [20]
    Archives de l’Unesco, 02 (=924) World Jewish Library (ci-après : WJL), Julian Huxley, minute de la lettre adressée à Berlin aux Autorités de contrôle alliées en l’Allemagne, 1945.
  • [21]
    Nancy Sinkoff, « Introduction: Yidishkayt and the Making of Lucy S. Dawidowicz », in Lucy S. Dawidowicz, From That Place and Time: A Memoir 1938-1947, Rutgers University Press, 2008, p. xvi. On utilise ici le terme « non-restituable » par souci de clarté.
  • [22]
    Papiers Lucy S. Dawidowicz, P-675; Box 55; Folder 4 ; American Jewish Historical Society, Newton Centre, MA and New York, NY (ci-après : AJHS, Dawidowicz Papers), Lucy Schildkret to Max Weinreich, 25 mai 1947.
  • [23]
    AriehTartakower, « Problems of Jewish Cultural Reconstruction in Europe », op. cit., p. 275.
  • [24]
    Propos tenus par le rabbin Stephen Wise le 8 juin 1945 et cités dans un article de presse du CJM du 11 juin : « France to Get First Shipment of Books for Jewish Education », in AJA, WJC, E/1/2.
  • [25]
    US, Steinberg Papers, 6/1/32, Hester Roseman à diverses personnes, 7 août 1947.
  • [26]
    AJA, WJC, E/4/3, Wolf Blattberg à Mrs. David S. Molod, Executive Secretary AJC, 11 novembre 1948.
  • [27]
    Archiwum Akt Nowych, Ministerstwo Oświaty w Warszawie [1944] 1945-1966 (ci après : AAN, Min. Oswiaty), sygnatura 765, Sekretarz Lwow Henryka, Przewodniczacy Jozef Sandel Do Dyrekcji UNESCO W Warszawie, 2 juin 1947.
  • [28]
    Jean-Claude Kuperminc, « La reconstruction de la bibliothèque de l’Alliance israélite universelle, 1945-1955 », Archives juives, revue d’histoire des Juifs de France, 2001/1, pp. 98-113.
  • [29]
    Mark Mazower, « Reconstruction: The Historiographical Issues », Past and Present Supplement, 6, 2011, p. 26 : « Parler de reconstruction a posé la question de savoir quel passé la population voulait, pensait vouloir reconstruire ».
  • [30]
    Theodor H. Gaster, « Foundations of Jewish Cultural Reconstruction in Europe », Journal of Educational Sociology, 18:5, janvier 1945, « The Jew in the Postwar World », pp. 267-268.
  • [31]
    Selon l’article XI, § 4, de la constitution de l’Unesco.
  • [32]
    US, Steinberg Papers, 6/1/32 ou 33, UNESCO, communiqué de presse, Seconde conférence générale, Mexico, « Huxley Reports UNESCO’s 1947 Activities », 6 novembre 1947.
  • [33]
    Archiwum Żydowsiego Instytutu Historycznego, Centralny Komitet Żydów w Polsce (ci-après : ZIH, CKZP), Wydzial Kultury i Propaganda, sygn. 303/XIII/206, Dr. N. Barou et Dr. S. Barber, WJC [CJM], lettre circulaire n° 4, 6 novembre 1946.
  • [34]
    Archives de l’Unesco, 361.9 A 06 (44) “47” 1947 Paris Conferences of UNESCO/NGO, Part I, Aaron Steinberg à Bernard Drzewieski, 17 janvier 1947.
  • [35]
    AJA, WJC, B/127/7, Aaron Steinberg, rapport sur la création de l’Unesco, novembre 1945.
  • [36]
    AJA, WJC, B/127/7, Mémo de Wolf Blattberg, 4 avril 1947.
  • [37]
    Archives de l’AIU, Fonds Edmond-Maurice Lévy, AP 1, Dossier 43 (ci-après : AIU, Fonds E.-M. Lévy), AP 1/43, M. Schliachter, « Éditions – Publications – Bibliothèques, Hier, Aujourd’hui, Demain », s. d., p. 4.
  • [38]
    AIU, CCI 1941-1947, Dossier Comité Central 1941-1946 [procès-verbaux] (ci-après : AIU, Comité central), séance du 19 septembre 1946.
  • [39]
    AIU, AM Présidence 001b, Déclaration de l’Alliance israélite universelle (document publié dans : André Kaspi (dir.), Histoire de l’Alliance israélite universelle de 1860 à nos jours, Paris, Armand Colin, 2010, pp. 505-509).
  • [40]
    Sur le discours universaliste de l’AIU : Lisa Moses Leff, Sacred Bonds of Solidarity: The Rise of Jewish Internationalism in Nineteenth-Century France, Stanford University Press, 2006 ; sur l’après-guerre : Jay Winter, « René Cassin and the Alliance Israélite Universelle », Modern Judaism, 32:1, 2012, 1-21 ; Anne Grynberg, « Reconstruction et nouvelles orientations » in André Kaspi (dir.), op. cit., pp. 331-356.
  • [41]
    Mr. J. Gershman, président de la conférence, cité par l’envoyé spécial du journal The World Jewish Congress, The Jewish Monthly, 2:5, août 1949, Appendix I, p. 285.
  • [42]
    ZIH, CKZP, Wydzial Kultury i Propaganda, sygn. 303/XIII/205, WJC [CJM], Projet de rapport politique au Conseil européen, p.  4.
  • [43]
    Papiers Salo W. Baron. M0580. Department of Special Collections, Stanford University Libraries, Stanford, Californie, Box 43, Folder 5 (ci-après : Stanford, Baron, Box/Folder), Rafael Edelmann à Judah Magnes, 2 janvier 1947.
  • [44]
    AJA, WJC, E/8/14, WJC, note « European Jews Ask for More Books », 16 janvier 1947.
  • [45]
    Ibid., E/1/3, Communiqué de presse du CJM, 13 mars 1946, « 64,000 Books Shipped to Speed Cultural Rehabilitation Abroad ».
  • [46]
    US, MS262, 6/1/32, N. Barou and Aaron Steinberg to Affiliated Organizations of the British Section, 11 mai 1945.
  • [47]
    Robert B. Downs, « Wartime Co-operative Acquisitions », The Library Quarterly, 19:3, juillet 1949, pp. 157-165 ; Reuben Peiss, « European Wartime Acquisitions and the Library of Congress Mission », Library Journal, 12, 15 juin 1946 (réimprimé à la demande de la Library of Congress Mission : Frankfort-sur-le Main/Allemagne, APO 757). Peiss écrivit cette dédicace sur un tiré-à-part : « À Jack [Jacob] Zuckerman, qui a tant contribué au succès de la mission », Zuckerman Family Private Papers (avec les remerciements de l’auteur).
  • [48]
    US, Steinberg Papers, MS262, 6/1/32, World Jewish Congress, « Skeleton Program of Cultural Activities », 10 octobre 1947.
  • [49]
    AJA, WJC [CJM], B/127/1, Aaron Steinberg à Mr. Z. Shazar, ministre israélien de l’Éducation, 17 mars 1949.
  • [50]
    CZA, Steinberg Papers, Asnath Klausner à Jacob Zuckerman, 6 juin 1947.
  • [51]
    HU, U/ULA, 1947 I, Jacob Zuckerman à Judah Magnes, 5 juin 1947.
  • [52]
    CZA, Steinberg Papers, Asnath Klausner à ses « chers amis », 10 juin 1947.
  • [53]
    Josef Fraenkel (ed.), Guide to the Jewish Libraries of the World, Londres, Cultural Department, World Jewish Congress, 1959.
  • [54]
    Det Kongelige Bibliotek, Copenhague, Rafael Edelmann Papers (ci-après : DKB, Edelmann Papers), Edelmann à Steinberg, 2 janvier 1947.
  • [55]
    American Jewish Archives, Fanny Goldstein Papers, Box 2 Folder 16 (désormais AJA, Goldstein Papers, Box/Folder), Edelmann à Fanny Goldstein, 8 août 1946.
  • [56]
    London Metropolitan Archives (désormais LMA), Acc/3121/E3/224/4, Edelmann à Mark Uveeler, Conference on Jewish Material Claims Against Germany, 16 novembre 1960.
  • [57]
    DKB, Edelmann Papers, Edelmann à Steinberg, 1er mai 1946. Sur le Danemark et les Juifs : Vilhjálmur Örn Vilhjálmsson, Bent Blüdnikow, « Rescue, Expulsion, and Collaboration: Denmark’s Difficulties with its World War II Past », Jewish Political Studies Review, 18:3–4, automne 2006.
  • [58]
    DKB, Edelmann Papers, Edelmann à Steinberg, 2 janvier 1947. Le passage souligné l’est dans le texte original.
  • [59]
    UNESCO Preparatory Commission Provisional Record of 9th meeting, Londres, 10 juillet 1946, 3pm. Catherine Nicault, « Julien Cain (1887-1974) », La Revue pour l’histoire du CNRS, n° 12, mai 2005, pp. 39-41.
  • [60]
    DKB, Edelmann Papers, Edelmann à Zuckerman, 24 juin 1947.
  • [61]
    Ibid., Edelmann à Steinberg, 1er mai 1946.
  • [62]
    Ibid. Edelmann à Zuckerman, 8 janv. 1947.
  • [63]
    AIU, Fonds AM Présidence 001c, René Cassin au directeur général de l’UNESCO, 23 novembre 1946.
  • [64]
    Archives de l’Unesco, 296 A 01 UJECO, Relations of UNESCO with International Non-governmental Organisations, Questionnaire “A”, 19 juin 1948.
  • [65]
    Ibid., UJECO Press Release, Appointment of Secretary, février 1947.
  • [66]
    Ibid., UJECO, 26 mars 1947, p. 4.
  • [67]
    ZIH, CKZP, Wydzial Kultury i Propaganda, Rapport sur l’activité de la Central Jewish Library pendant l’année 1945.
  • [68]
    AIU, Comité central, séance du 19 septembre 1946.
  • [69]
    AIU, AM Présidence 001c, Cassin au directeur général de l’Unesco, 23 novembre 1946.
  • [70]
    Archives de l’Unesco, UJECO, André de Blonay à l’UJECO, 19 février 1949. Première organisation juive représentée ou étroitement associée à l’Unesco, le CJM n’était cependant pas seul dans ce cas. Certains membres du siège du CJM à New York pensaient que les autres organisations menaçaient non seulement l’intérêt et le soutien que l’Unesco accordait au CJM, mais aussi l’idéal de solidarité au sein du monde juif ; ils suggéraient qu’il « serait désastreux » que l’UJECO cherchât à obtenir un statut consultatif à l’Unesco alors que le CJM était de loin la seule organisation reconnue par l’Unesco, car cela risquait de « diviser le peuple juif sur ce terrain également ». AJA, WJC, E/1/9, Simon Federbush, 19 octobre 1947. Le statut consultatif de l’UJECO fut ramené (en même temps que d’autres organisations) à des « relations informelles » à la quatrième conférence générale à Paris en raison des changements de politique de l’Unesco. Archives de l’Unesco, UJECO, Jaime Torres Bodet à UJECO, 30 août 1950.
  • [71]
    Archives de l’Unesco, UJECO, Dr. Kuo Yu-shou to External Relations Section, 24 mai 1947.
  • [72]
    Ibid., UJECO à André de Blonay, 26 février 1951.
  • [73]
    Southampton, Steinberg Papers, 6/2/6, C. L. Lang, « Exposé sur un centre mondial juif pour les relations culturelles à Paris », 22 juin 1946. Un clearing house est un bureau d’échanges de renseignements (N. D. L. R.).
  • [74]
    AIU, Fonds E.-M. Lévy, AP 1/43. L’OMJCIE « aurait pour but : 1) de promouvoir dans chaque Communauté nationale ou territoriale l’Instruction religieuse et la diffusion de la Culture juive. 2) d’instituer la collaboration des diverses institutions d’enseignement en matière de plans d’études, programmes et méthodes pédagogiques, susceptibles de faire profiter chaque communauté nationale ou territoriale des ressources et des progrès des autres communautés pour tout ce qui concerne la technique de l’éducation (livres et matériel scolaire, documentation, films éducatifs, disques, etc.) 3) d’ordonner la production intellectuelle juive mondiale par des contacts entre éditeurs, le développement des bibliothèques et de leur travail de conservation des manuscrits, de circulation des livres et de documentation bibliographique unifiée. 4) de conserver et développer arts et folklores. 5) de susciter des rapports étroits et fréquents entre les savants, des échanges de matières et élèves, l’amélioration du leurs conditions de vie et de travail. 6) de créer un Institut de coopération intellectuelle juive générateur et régulateur de l’œuvre de coopération à entreprendre, et siège de l’OMJCIE. » M. Schliachter, « Éditions – Publications – Bibliothèques, Hier, aujourd’hui, demain », s. d.
  • [75]
    M. Schliachter, « Editions – Publications – Bibliothèques », ibid.
  • [76]
    Idem.
  • [77]
    Idem.
  • [78]
    US, Steinberg Papers, 6/2/6, Lang, « Exposé sur un centre mondial juif », p. 1.
  • [79]
    http://www.judaica-europeana.eu/ (site consulté le 16 octobre 2012). Aussi important, même s’il est de portée plus limitée : Rachel, le catalogue collectif du réseau européen de bibliothèques de Judaica-Hebraica, créé en juillet 2004 par la bibliothèque de l’AIU, le Centre Medem et le Séminaire israélite de France (tous situés à Paris).
  • [80]
    LMA, Acc/3121/E3/224/3, Edelmann à la Conference on Jewish Material Claims against Germany, juin 1961.
  • [81]
    DKB, Edelmann Papers, Edelmann au président de l’AIU, 4 février 1953.
  • [82]
    L’Association fut active jusque dans les années 1970, lorsqu’Edelmann fit son alyah à Jérusalem, où il mourut en 1972.
  • [83]
    AJA, WJC, E/10/14, Aaron Steinberg au Dr. N. Barou, Memorandum, Cultural Department (European Division), 15 mars 1949.

1En matière de réhabilitation culturelle dans les différents pays de l’Europe libérée, la population juive pourra compter sur le soutien de l’Unesco [1].

2L’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) plonge ses racines dans les projets de reconstruction et de réhabilitation de l’Europe conçus au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, mais aussi dans la coopération, tantôt étroite, tantôt conflictuelle, avec des organisations non-gouvernementales internationales, y compris, dans les premiers temps, une poignée d’organisations juives, et d’abord la section britannique du Congrès juif mondial (CJM) [2]. Dès janvier 1945, le CJM avait en effet identifié la future « Organisation des Nations Unies pour l’éducation et la reconstruction culturelle » comme un organisme sur lequel « on pouvait et devait compter » pour la reconstruction de la culture juive en Europe [3].

3Revenant aux origines de l’organisation, cet article examine comment, en 1945, l’Unesco ne fut pas seulement, dans certains cercles juifs en Europe, reconnue comme un organisme susceptible d’aider à la reconstruction culturelle, mais aussi perçue comme porteuse d’un programme-modèle pour mener celle-ci à bien. Après tout, pour beaucoup de Juifs survivants et pour nombre de ceux qui se sentaient concernés par leur sort, le droit à la restauration de la vie culturelle – domaine-clé de l’activité de l’Unesco après-guerre – représentait un élément vital du processus de leur propre réhabilitation. En formulant sa politique et ses premiers programmes, l’Unesco contribua à créer un cadre dans lequel le rétablissement de la vie juive en Europe et le développement de réseaux juifs transeuropéens étaient non seulement concevables, mais semblaient parfaitement réalisables [4]. Par conséquent, dans l’esprit de ceux qui s’intéressaient à l’Unesco naissante, l’Europe ne devait pas cesser d’être un centre important pour le judaïsme après la Shoah.

4Nous présentons ici un choix de propositions plus ou moins ambitieuses, directement inspirées par le premier programme de reconstruction culturelle de l’Unesco et formulées par ses dirigeants et ses partisans, ou en association avec ceux-ci ; une attention particulière sera donnée à la demande pressante de livres et de bibliothèques dans l’Europe d’après-guerre [5]. En offrant un aperçu du champ étendu des possibles jugés concevables par certains en termes de reconstruction culturelle du judaïsme en Europe, cet article cherche à infirmer l’idée reçue selon laquelle, au lendemain de la Shoah, la vie et la culture juives quittèrent ou furent transportées à la première occasion hors d’Europe, sans débat ni contestation [6].

L’Europe juive au lendemain de la guerre

5Comme l’historien Koppel Pinson l’a écrit en 1947 à partir de son expérience de travail avec des personnes déplacées pour l’American Joint Distribution Committee (ou Joint), « Yeziath Europe, l’exode d’Europe, ils [les survivants] conçoivent cette époque comme la liquidation du judaïsme européen dans son ensemble » [7]. Assurément, dans la majeure partie de l’Europe centrale et orientale, le mouvement d’émigration s’accéléra à mesure qu’on comprit que peu des Juifs survivants de retour chez eux y seraient les bienvenus [8]. Même s’il en allait souvent différemment en Europe occidentale où, de Paris à Anvers, des poches de renaissance du judaïsme commençaient à se former, on ne percevait généralement pas l’Europe, notamment parmi les Juifs des États-Unis et de Palestine, puis d’Israël, comme une entité sûre et propice à la renaissance d’une vie juive [9]. Que Paris devînt rapidement un centre important du judaïsme après-guerre n’empêcha pas, par exemple, Gershom Scholem, un intellectuel juif installé en Palestine, ainsi que ses collègues de la Jewish Cultural Reconstruction, Inc. (JCR), de chercher à envoyer des ouvrages des collections françaises vers l’Université hébraïque de Jérusalem [10]. Dans un document d’avril 1946, Scholem s’étonne que « les Juifs en France ne s[oient] pas prêts à céder [leurs livres] même comme un prêt provisoire [comme il l’avait suggéré], même s’ils ne sont certainement d’aucune utilité pour eux, désormais, […] en France. Ils rêvent d’un avenir où quelqu’un pourra venir les utiliser, et votre suggestion a été accueillie très fraîchement » [11]. Dès novembre 1945, un représentant de l’Alliance israélite universelle (AIU) à Paris avait pourtant averti que « si la suggestion était faite aux bibliothèques françaises de céder leurs collections juives, l’idée serait très certainement rejetée » [12]. Les représentants de l’Université hébraïque, Scholem en tête, n’en persistèrent pas moins dans leur parti-pris [13].

6Cette perception, assez courante à l’époque, entrava finalement la réalisation de plusieurs plans ambitieux pour que renaisse la vie juive dans l’Europe d’après-guerre, y compris ceux évoqués dans cet article. En 1947, par exemple, le recteur de l’Université hébraïque rejeta un projet de bibliothèque juive mondiale qu’il voyait comme « un musée dans un pays européen où personne [ce qui voulait dire aucun Juif] n’utiliserait en réalité » les livres qui y seraient conservés [14]. Dès lors que l’on considérait l’Europe comme n’étant plus et ne pouvant plus être un centre ou une patrie du judaïsme à l’avenir, il n’était ni légitime ni nécessaire d’y préserver les trésors culturels ou d’y édifier la bibliothèque projetée [15]. La justification semblait tenir simplement dans des chiffres : « la disparition […] de six millions de Juifs […] a considérablement réduit le besoin en livres de la communauté juive européenne », affirma le bureau new-yorkais du Congrès juif mondial [16]. Les arguments des Juifs d’Europe recouraient aussi aux chiffres. Ainsi, en février 1947, le Conseil pour l’éducation et la culture juives en France vota à l’unanimité contre la fondation d’une bibliothèque centrale juive à Copenhague – « communauté n’ayant jamais existé » – ou à Amsterdam – « communauté n’existant plus » – et se prononça pour l’établissement d’un centre de distribution à l’AIU, à Paris [17].

7Au fur et à mesure que les forces alliées avancèrent en Europe, elles tombèrent sur d’immenses réserves de biens culturels pillés par les nazis, parmi lesquels des millions de textes [18]. Ces découvertes firent apparaître la nécessité de sauver de toute urgence les Judaica et les Hebraica et de les restituer à leurs propriétaires [19]. Ces documents allaient de trésors culturels uniques ou rares comme des manuscrits et des incunables, aux très nombreux livres de prières, aux manuels et aux ouvrages de littérature populaire en diverses langues, certains dans un parfait état de conservation, d’autres impossibles à restaurer. Cependant, pour près d’un million de ces livres, leurs propriétaires ne purent être identifiés ou avaient été exterminés [20]. Ces ouvrages furent alors mentionnés tour à tour comme « non réclamés », « sans propriétaire », « non-identifiables », « non-restituables » ou, plus précisément, « sans propriétaire certain »  par Lucy Schildkret, laquelle allait devenir l’historienne Lucy S. Dawidowicz [21]. Ces ouvrages non-restituables étaient dispersés dans une Europe où la population juive décimée continuait à décroître, une réalité qui soulevait, relativement à leur sort, des questions légales et politiques complexes, mais aussi très émotionnelles [22]. Tandis que des copies et des livres à caractère général étaient distribués dans les camps de personnes déplacées, il s’avéra que la destination rapidement incertaine de la majorité des textes récupérés et non-restituables – et assurément, parmi eux, les pièces uniques ou de valeur – prêtait à contestation. En attendant, ils restaient entreposés et inaccessibles aux survivants, jusqu’à leur transfert hors d’Europe le plus souvent, c’est-à-dire aux États-Unis et en Israël.

8Ce contexte renforça l’impression générale selon laquelle l’héritage culturel et littéraire des Juifs d’Europe avait été totalement anéanti. Un certain nombre de déclarations d’individus liés au CJM témoigne particulièrement de la prégnance durable de cette idée, comme cette affirmation d’Arieh Tartakower en janvier 1945, « il n’y a pas de livres en hébreu ou en yiddish dans les pays d’Europe » [23], ou du rabbin Stephen Wise en juin 1945, « les barbares nazis ont détruit toute la culture juive […]. Non seulement les bibliothèques publiques, mais celles qui appartenaient à des particuliers ont fini par disparaître » [24]. « Dans de nombreux pays, renchérit Hester Roseman au milieu de l’année 1947, en Grande-Bretagne, il est désormais difficile de trouver le moindre texte en hébreu [25]. » Et Blattberg d’ajouter en novembre 1948 : « Il semble que la destruction des livres pendant la guerre ait été si complète qu’en fait, il ne reste plus rien[26]. » Des affirmations comme celle-ci, ajoutées aux rapports soulignant l’importance presque aussi grande donnée par les survivants à leurs aspirations culturelles par rapport à leurs besoins matériels, stimulèrent les efforts pour collecter, donner, transporter et distribuer des livres juifs pour les Juifs survivants et construire des bibliothèques juives en Europe.

Définir la Reconstruction

9Créée en novembre 1945, la Commission préparatoire de l’Unesco est issue des travaux de la Conférence des ministres de l’Éducation alliés (CAME) à Londres à partir de 1942. La mission impartie à la nouvelle organisation internationale était de transformer un monde ravagé par la violence de guerre en un monde apaisé par les progrès de la tolérance, de la connaissance, de la compréhension et de la coopération pour l’établissement de la paix universelle, mission apparaissant d’autant plus difficile et dramatiquement urgente à mesure qu’on prenait conscience des destructions de la guerre. À cette fin, l’Unesco chercha à s’affirmer dans l’après-guerre comme le premier organisme transnational de reconstruction dans ses domaines de compétence : l’éducation, la science et la culture. Les demandes d’assistance de la part d’individus comme d’organisations juives affluèrent à son siège parisien. Certains sollicitaient une aide financière pour conduire leurs projets particuliers de reconstruction, comme la communauté juive de Lvov, qui demanda des fonds pour rechercher et sauver à travers la Pologne des biens culturels juifs pillés et publier un livre à la mémoire des artistes juifs assassinés [27]. D’autres cherchaient plus généralement à entrer en relation avec l’Unesco, notamment pour mener à bien des projets de création de nouvelles institutions visant à réhabiliter la vie culturelle juive en Europe, qui feraient office de points de liaison entre les Juifs nouvellement dispersés de par le monde. Cet article examine une sélection de ces projets, touchant spécifiquement aux bibliothèques et aux livres.

10Comme il a déjà été mentionné, ni l’Unesco, ni ceux qui lui furent associés ou qui subirent son influence ne furent les seuls à développer « des projets ambitieux » et même utopiques, pour reconstruire le judaïsme européen après-guerre [28]. Nombre d’entre eux ne dépassèrent pas toutefois le stade de l’idée ou de l’ébauche, ou encore ne se développèrent qu’à une échelle bien plus réduite que prévu. C’est pourquoi on a vite et facilement oublié le détail de ces espoirs et de ces projets de l’après-guerre. L’étude des interactions entre eux, les rêves et les réalités après 1945, quand la vie juive luttait pour se reconstituer, et cela avec un vrai succès dans certaines parties de l’Europe occidentale, tend à complexifier le récit traditionnel de l’immédiate et inévitable dispersion à travers l’Europe. Dans ce contexte, il peut être utile de considérer l’évolution de la notion de reconstruction, parfois conçue comme, littéralement, un retour au passé, une tentative de reconstruire à l’identique ce qui existait auparavant [29]. En fait, les réalités du judaïsme européen d’après-guerre contraignirent à repenser le concept de reconstruction et à bâtir une vision totalement neuve de l’avenir. En juin 1945, Theodor Gaster, un spécialiste de l’étude comparée des religions, directeur de la section hébraïque de la Bibliothèque du Congrès à Washington, s’efforça de répondre à cette réalité plus banale, écrivant : « Notre problème n’est pas de rénover ou de réparer, mais de bâtir de nouvelles fondations. En ce qui concerne les Juifs d’Europe, il ne s’agit pas de reconstruire sur des ruines ; nous devons partir de zéro [30]. »

11Les propositions examinées ici furent développées par des individus déterminés à ne pas fuir l’Europe, mais à combler le vide souligné par Gaster, alors que la grande majorité des institutions et organisations culturelles juives avaient été irréversiblement endommagées, quand elles n’avaient pas été complètement détruites. Fondamentalement, leur but était de créer les moyens garantissant que la longue histoire des Juifs d’Europe ne serait pas révolue, réduite à une mémoire, qu’au contraire, ils participent à la (re)construction de leur avenir dans le Vieux Monde en tant qu’épicentre actif de la judaïcité mondiale en cours de réorganisation. Ce qui était en jeu, ce n’était pas seulement la situation et l’identité des Juifs d’Europe après la guerre, mais aussi la manière dont le reste du monde, juif et non-juif, allait les percevoir.

Pourquoi l’Unesco ?

12Au fond, le Congrès juif mondial poursuivait le même but que la plupart des autres organisations, juives ou non-juives, entrées en contact avec l’Unesco : acquérir le statut de « groupe consultatif », lequel accordait certains droits d’observation et de participation qui pouvaient aider à faire entendre leurs voix et leurs besoins sur la scène internationale [31]. L’obtention de ce statut, cependant, supposait une longue et lourde procédure bureaucratique. Ainsi, le CJM, candidat à la fin de l’année 1946, ne l’obtint-il que deux ans plus tard. Entretemps toutefois, le Congrès était resté étroitement associé aux efforts de reconstruction culturelle de l’Unesco, notamment en la personne d’Aaron Steinberg, un membre de la section britannique du CJM qui défendait inlassablement les intérêts des Juifs au sein de l’Unesco.

13Si le CJM se tourna vers cette dernière, c’est d’abord et avant tout parce que, comme le précisa le scientifique britannique Julian Huxley, le premier directeur général de l’Unesco, « [son] programme […] pour la reconstruction et la réhabilitation était […] une condition préalable à toutes les autres activités de l’Unesco [32]. » De fait, le Conseil consultatif européen du CJM demanda en novembre 1946 « dans les meilleurs délais une étude détaillée des besoins culturels immédiats de la population juive d’Europe » pour la soumettre à la première conférence générale de l’Unesco prévue quelques jours plus tard à Paris [33]. L’approche transnationale de la reconstruction qui était celle de l’Unesco attirait le CJM, parce que, comme l’écrivit Steinberg à la direction du programme de reconstruction de l’organisation au début de l’année 1947, « la tâche d’apporter de l’aide dans le domaine culturel à ce qui reste de la population juive d’Europe ne peut être effectuée qu’à l’échelle internationale » [34]. Mais le CJM se tourna aussi vers l’Unesco parce qu’il était frustré par « la lenteur de la reconstruction éducative et culturelle dans les pays libérés » et par « l’incapacité de l’UNRRA [United Nations Relief and Rehabilitation Association] à régler cette question [35]. » Le Congrès juif mondial avait le sentiment qu’à l’instar de l’UNRRA, le Joint, la première organisation juive d’aide aux survivants en Europe, était focalisé sur la satisfaction des besoins matériels immédiats des personnes déplacées, ce qui laissait la porte ouverte à une coopération entre le CJM et l’Unesco qui, ensemble, apporteraient une aide plus diversifiée à davantage de survivants. Le Congrès insistait sur « la nécessité de maintenir une coopération plus étroite avec la section Reconstruction et réhabilitation de l’Unesco », notamment « pour qu’en bénéficient les écoles juives, les lieux d’enseignement et les bibliothèques » [36].

14En même temps, le rôle que pouvait jouer l’Unesco dans le domaine du judaïsme ne fut pas d’une évidence immédiate pour l’Organisation internationale pour l’éducation et la culture juive (United Jewish Educational and Cultural Organization, UJECO), fondée à Paris en septembre 1946. Il faut d’ailleurs souligner l’importance de Paris dans ces propositions ; cette ville était un centre vibrant du judaïsme européen après-guerre, mais abritait aussi les bureaux de l’Unesco en Europe, une proximité susceptible de faciliter la coopération et la communication. L’Organisation mondiale juive de coopération intellectuelle et éducative, projet que l’on évoquera rapidement plus loin, devait avoir son secrétariat à Paris « pour faciliter la liaison avec l’Unesco » [37]. Comme on va le voir, loin de se résumer à des individus ou à des lieux partagés, l’influence de l’Unesco ressort des missions, structures et modes opératoires des projets élaborés à l’époque [38].

15La Déclaration de l’AIU publiée le 11 novembre 1945 précisait que l’Alliance sentait « plus impérieusement et plus fraternellement que jamais […] la signification comme l’immensité des tâches universelles » [39]. Le discours utilisé dans ces propositions puisait ses racines dans le passé de l’Alliance, et même plus loin. Même s’il n’était neuf en aucune façon, son actualité se trouva renouvelée et prit un caractère d’urgence dans l’après-guerre [40]. Il façonna le discours de l’Unesco en même temps qu’il lui faisait écho. Il montre surtout que les auteurs de ces propositions avaient conscience de la nécessité de trouver un équilibre entre une reconstruction reflétant la diminution tragique du nombre des Juifs en Europe qui continuait à décliner, et l’acceptation de leur totale disparition éventuelle. Ainsi, lors d’une Conférence culturelle européenne juive, les Juifs américains se virent reprocher de se présenter comme les héritiers des Juifs d’Europe, et avisés qu’il n’était pas « trop tard pour devenir […] des partenaires des Juifs d’Europe pour consolider la culture juive mondiale » [41]. En Europe-même, un rapport du CJM indiquait de la même manière que « la répartition actuelle des Juifs dans le monde impose plus que jamais de créer une forte unité entre les Juifs d’Europe occidentale et orientale » [42]. Or, ces propositions visaient précisément à consolider les cultures juives européennes et mondiales en lançant des ponts entre le passé et l’avenir, entre la crise présente et la continuité, la destruction et la construction, le centre et la périphérie, le particulier et l’universel, l’Est et l’Ouest [43]. Les livres et les bibliothèques tenaient une place importante dans ces plans.

Le besoin d’informations, de publications et de bibliothèques après-guerre

16Les rescapés de l’Holocauste ne trouveront « le courage et la force […] que dans la source vive de la culture et l’étude juives », déclara le CJM en 1947 [44]. Cette revitalisation symboliserait la liberté retrouvée face au fascisme écrasant et aiderait à satisfaire les besoins essentiels de culture qui avaient explosé à la suite de la destruction de masse. Les survivants montraient souvent en effet un appétit vorace pour les livres en particulier, ce qui fit dire au CJM dans un communiqué de presse que « la faim de livres est plus grande que la faim de pain » [45]. Aussi, en mai 1945, sa section britannique adressa-t-elle aux organisations qui lui étaient affiliées une lettre les appelant à faire don aux Juifs libérés de « livres de toutes sortes – pour la prière, les études sérieuses, en particulier l’histoire juive et les difficultés des Juifs, mais aussi de la littérature plus frivole. […] On a besoin de livres, notamment en yiddish et en hébreu, mais la littérature ayant trait au judaïsme en n’importe quelle langue parlée en Europe sera utile et bienvenue. […] Nous avons maintenant la possibilité d’envoyer des livres aux communautés juives libérées et aux camps, où l’on en a un besoin extrêmement urgent » [46].

17De fait, l’écart était important entre la demande vertigineuse en matière d’informations et de publications et, par conséquent, de bibliothèques, et les ressources très limitées disponibles. Particulièrement difficile était la situation des bibliothèques, victimes pendant la guerre de destructions pures et simples, de pillages, de confiscations suivies de dislocations et de pertes, sans compter l’impossibilité d’acquérir des publications nouvelles. Les restitutions faites, la meilleure et, en fait, la seule solution réaliste consistait non seulement à réparer, mais aussi à développer largement les réseaux d’échanges interbibliothèques existant déjà avant-guerre. L’une des premières réponses de l’Unesco à la crise fut donc de créer pendant l’été 1946 son International Clearing House for Publications (ICHP), dont l’objectif était d’aider les pays endommagés par la guerre à obtenir les publications qu’ils demandaient. L’Unesco sollicita Jacob Zuckerman pour fonder et diriger l’ICHP. Né en Allemagne, Zuckerman avait survécu pendant la guerre en rédigeant des revues de la presse en langue allemande pour l’ambassade de Grande-Bretagne, puis pour la Commission de contrôle interalliée à Lisbonne et Madrid. Après la guerre, la Bibliothèque du Congrès le nomma membre de la mission envoyée en Allemagne pour enquêter sur le statut des publications et des bibliothèques allemandes et acquérir les publications parues pendant la guerre pour le compte des bibliothèques américaines. À ce titre, Zuckerman était de ceux qui avaient accès aux entrepôts de biens culturels pillés, dont des Judaica et des Hebraica, que les Alliés accumulaient alors dans des magasins centraux à fin d’identification, de restitution ou de distribution, notamment l’Offenbach Archival Depot [47].

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Jacob Zuckerman (au premier plan) à Berlin en 1946.
Archives familiales Zuckerman.

18Dans le cadre de l’ICHP, Zuckerman créa un programme centralisé et efficace de communication, collecte, distribution, dons, prêts et échanges entre bibliothèques donatrices et récipiendaires dans le monde entier. Son succès en fit un modèle de partage et de coopération transnationale et interinstitutionnelle, qui inspira d’autres organismes – y compris le CJM, qui escomptait créer un système semblable pour les bibliothèques juives de par le monde. Cette influence ressort clairement de la partie consacrée aux « Bibliothèques juives » dans le « Program Skeleton d’activités culturelles » : « établir un centre international d’information sur les publications de Judaica en toutes les langues ; coordonner et développer l’approvisionnement en livres des bibliothèques européennes au lieu d’une expédition massive effectuée de manière plus ou moins désordonnée et au hasard ; fonder un centre d’information les ressources disponibles et des demandes de livres en suivant des procédures parallèles à celles suggérées par l’Unesco pour un système international de distribution livresque ; compléter la compilation de listes de bibliothèques juives de par le monde [48]. » Chacun de ces quatre objectifs répondait exactement à l’approche qui était celle de l’Unesco pour la réhabilitation des bibliothèques européennes en général.

19Seul fonctionnaire juif de haut niveau en poste à l’Unesco, Zuckerman était souvent le principal contact des organisations juives cherchant à entrer en rapport avec elle. Selon Steinberg, il était « un membre important du personnel de l’Unesco, […] totalement dévoué à l’intérêt de notre peuple [49]. » L’idée de constituer une liste complète des bibliothèques juives dans le monde venait de Zuckerman, frustré de voir si peu de bibliothèques juives participer à l’ICHP ou aux autres programmes d’échanges d’ouvrages de l’Unesco, et plus généralement à la reconstruction culturelle [50]. Comme on sait, c’était cette frustration qui avait conduit en tout premier lieu le CJM à coopérer avec l’Unesco ; c’est également ce qui amena Zuckerman à s’adresser au président de l’Université hébraïque de Jérusalem en juin 1947 : « Je serais intéressé, en particulier, par l’obtention d’une liste des institutions [juives] qui seraient intéressées par l’échange international de publications. Je suis particulièrement déçu par le fait que les représentants locaux de l’Agence juive pour la Palestine montrent peu, voire aucun intérêt pour les questions culturelles qui, selon moi, ne devraient en aucun cas être négligées en dépit des difficultés politiques actuelles auxquelles elles sont liées [51]. »

20À la suite de cette démarche, le CJM demanda aux organisations juives de quelque vingt-cinq États pour commencer « quelles bibliothèques juives existent aujourd’hui dans [leur] pays. Nous demandons cette information dans un but particulier en relation avec notre travail pour l’Unesco » [52]. Ce « but particulier » renvoyait à l’espoir commun de développer le partage et l’échange interbibliothèques à l’échelle transnationale, ce que Zuckerman et Steinberg voyaient l’un et l’autre comme un élément de la première importance pour la reconstruction de la culture juive. Même s’il fallut attendre 1959 pour que le CJM publie le Guide des bibliothèques juives dans le monde, sa préface précise que l’entreprise trouvait son origine dans l’époque de la guerre : « Durant la Seconde Guerre mondiale, un grand nombre de bibliothèques juives ont été sauvagement détruites et des millions de livres sont partis en fumée. L’entraide entre les bibliothèques juives qui ont survécu à la catastrophe en Europe est devenue une nécessité urgente [53]. » Cette nécessité, non seulement de procéder à des échanges entre les bibliothèques juives sauvegardées, mais aussi de construire de nouvelles bibliothèques juives en Europe, présida aux autres propositions ambitieuses qui émergèrent dans l’immédiat après-guerre.

Les propositions

Une Bibliothèque juive mondiale

21À l’automne 1945, le Danemark élabora le plan d’une « Bibliothèque juive mondiale » à fonder sous les auspices de l’Unesco, qui devait constituer l’élément clé d’un plus vaste « centre d’études juives » situé à l’Université de Copenhague et dont les collections seraient constituées, pour une part, de textes non-restituables. La « Bibliothèque juive mondiale », l’un des premiers projets transnationaux ambitieux proposés en faveur de la vie juive en Europe après-guerre, fut l’un des plus précisément formulés et discutés, l’un de ceux qui eurent la vie la plus longue aussi, ce qui explique la place qu’il occupe dans cet article. La bibliothèque projetée « était vue comme partie intégrante d’un plan commun de reconstruction de la vie culturelle juive en Europe et même, si possible, dans le monde entier » [54].

22Rafael Edelmann, le bibliothécaire de la Bibliothèque Simonseniana, la collection de Judaica de la Bibliothèque royale du Danemark, est à l’origine du projet. Réfugié en Suède pendant la guerre, Edelmann retourna ensuite au Danemark, déterminé « à faire de Copenhague un centre européen d’études juives, avec le soutien des autorités danoises » [55]. « Quand, à la fin de la guerre, la vie juive fut en ruines, je pensai que la Bibliothèque juive pourrait constituer un outil important de la reconstruction culturelle juive, écrit-il en 1960. La situation, alors, était que la plupart des bibliothèques juives d’Europe étaient détruites ou tout au moins endommagées, alors que le département juif de la Bibliothèque royale de Copenhague était complètement intact [56]. » Bien plus, « parmi tous les pays d’Europe, le Danemark ignore l’antisémitisme », selon Edelman, un argument renforcé à l’époque par le récit des actions des Danois non-juifs pour protéger leurs compatriotes juifs et leurs biens culturels pendant la guerre [57]. Aussi les Danois affirmaient-ils que leur pays était l’asile idéal pour les livres relatifs au judaïsme.

23Le Danemark voyait la «  Bibliothèque juive mondiale » comme une institution nouvelle à la fois sur les plans matériel et conceptuel. Elle servirait à un public international, juif et non-juif, grâce à des programmes d’échanges académiques transnationaux entre bibliothèques. Elle « soulagerait la Bibliothèque nationale de Jérusalem de la tâche très coûteuse et pénible d’expédier ses livres à l’étranger quand on en aurait besoin en Europe ou ailleurs – et on allait en avoir besoin là-bas. La Bibliothèque travaillerait en collaboration étroite avec la Bibliothèque nationale de Jérusalem et avec d’autres bibliothèques juives et non-juives et d’autres institutions ailleurs [58]. » Or, les représentants de l’Université hébraïque se révélèrent les opposants les plus véhéments au projet danois.

24D’un autre côté, le projet séduisit vraiment la Section bibliothèques de l’Unesco, qui, parmi ses activités de reconstruction et de réhabilitation, promouvait activement tant les nouvelles bibliothèques que les centres nationaux et internationaux d’échanges de livres, sur le modèle de son ICHP. L’un des soutiens des plus importants vint de Julien Cain, l’administrateur général de la Bibliothèque nationale de France, qui était aussi le président de la délégation française à l’Unesco. Membre important de la Section bibliothèques et rescapé de Buchenwald, il souligna que « dans de nombreux pays, des collections ont été perdues ou déplacées que l’Unesco pourrait, sous son autorité, restituer à certains propriétaires choisis ou réunir à Copenhague » [59]. L’essentiel du débat sur le sort des livres tourna le plus souvent autour de la question de savoir quelle devait être, légalement et formellement, l’autorité de l’Unesco en la matière aux yeux des Juifs du monde entier et de l’ensemble de la communauté mondiale.

25Deux traits majeurs définissaient ce projet. Tout d’abord, certains des Judaica et Hebraica pillés par les nazis devaient rester en Europe en lieu sûr ; tout en étant placée sous l’autorité d’une institution juive, la Bibliothèque juive mondiale serait non pas danoise, ni même strictement juive, mais véritablement internationale, et ouverte à un public large et varié ; il s’agissait d’apporter une solution universaliste à la soudaine pénurie de bibliothèques et de biens culturels juifs. Le second trait s’avéra être l’élément le plus controversé du projet et entraîna finalement son échec, même s’il était étroitement lié au premier. « Les organisations juives, en particulier celles d’Amérique, réclament pour leurs propres bibliothèques une part des livres aux côtés de la Palestine, et ce conformément à leur sentiment que l’Europe n’est plus un lieu où les Juifs peuvent vivre, comme Edelman l’écrivit à Zuckermann. Bien sûr, il ne faut pas permettre que ce point de vue ait une influence sur la solution au problème en question, et j’essaie de faire ce que je peux pour le combattre [60]. »

26Les partisans de la Bibliothèque avait un avis très différent. Edelman affirmait que la Bibliothèque devrait nécessairement appartenir « à tous les Juifs d’Europe et à l’ensemble de la communauté intellectuelle et humaniste, ce que nous n’oublions jamais pour notre propre bien [61]. » Il voulait dire par là que les livres devraient être accessibles au relativement petit nombre de Juifs restant en Europe qui, sinon, auraient un contact et un accès extrêmement limité à une quelconque forme d’éducation juive, et que ces livres seraient pour les non-Juifs des instruments pour combattre l’antisémitisme né de l’ignorance du judaïsme, de son histoire, de sa culture et de la science juive [62]. Cependant, même avec le soutien appuyé du gouvernement et du monde universitaire danois, ainsi que de la communauté juive du pays, de la section britannique du CJM, des fonctionnaires-clé en charge de la bibliothèque et de la reconstruction à l’Unesco, et de nombreuses autres personnalités à travers l’Europe et même au-delà, le projet de Bibliothèque juive mondiale n’aboutit jamais. En 1949, il avait été subsumé sous l’idée qu’il n’y avait ni place ni besoin pour les livres non-restituables et que l’institution projetée serait localisée dans une Europe considérée par la majorité des Juifs du monde comme un cimetière de la vie et de la culture juives. Même l’inlassable plaidoyer d’Edelman, de Steinberg et de Zuckerman, qui employèrent tous les moyens, contacts et tribunes dont ils disposaient, fut impuissant à rallier les Juifs résidant hors d’Europe à leur vision d’un nouvel avenir pour les Juifs d’Europe ; d’autres propositions ambitieuses contribuèrent à renforcer cet obstacle.

L’United Jewish Educational and Cultural Organization (UJECO)

27L’idée de l’UJECO, « organisme de reconstruction », émergea en janvier 1946 lors d’une conférence réunissant l’AIU, l’American Jewish Committee et l’Anglo-Jewish Association [63]. Constituée officiellement à Paris en septembre suivant, lors d’une Conférence internationale sur l’éducation juive et la reconstruction spirituelle, elle avait pour objectif « le renouveau de l’éducation et de la culture juives en général, et particulièrement sur le continent et en Europe [64] ». L’UJECO était présidée par Jules Brunschvig, alors le vice-président de l’AIU, mais son secrétaire, le Britannique Maurice Wagner, était plus connu du public. Ce professeur avait été l’aumônier juif en chef pendant la guerre, une fonction qui lui avait permis « d’être en contact avec les communautés juives dans de nombreux pays où l’UJECO compt[ait] intervenir » [65]. On espérait notamment grâce à ses contacts et réseaux internationaux que l’UJECO « représenter[ait] l’unification de la culture juive pour toute l’Europe et deviendr[ait] un centre de coopération juive intellectuelle. » Le souci premier était de former des étudiants et des professeurs, la fourniture de livres et de bibliothèques étant réputée centrale pour la réussite de l’opération. Ce qui nous intéresse ici, c’est qu’on retrouvait là des projets rappelant ceux de l’ICHP, notamment « la mise en place d’une Bibliothèque juive centrale et d’un service de livres relié aux bibliothèques juives existant ou subsistant en Europe » [66]. L’intérêt de l’UJECO pour les bibliothèques apparaît également clairement dans un exposé fait devant l’organisation, au début de 1946, sur les efforts de reconstruction de la Bibliothèque centrale juive de Varsovie et sur les projets de cette institution [67].

28Outre leur intérêt commun pour les bibliothèques juives, l’Alliance israélite universelle voyait dans une association étroite avec l’UJECO une clef pour ses relations avec l’Unesco. L’implication de René Cassin dans les trois organisations peut l’expliquer. Président de l’Alliance depuis 1943, il avait été nommé la même année délégué de la France combattante aux réunions de la CAME à Londres et il était membre de l’UJECO. Ce fut Cassin qui souligna « l’utilité des contacts avec l’étranger qui ont pu s’établir au cours de la Conférence [au cours de laquelle l’UJECO avait été fondée] » [68]. En 1946, Cassin soutint également auprès du directeur-général de l’Unesco, Huxley, le vœu de l’UJECO d’obtenir un statut consultatif [69]. De toute évidence, l’implication d’une personnalité aussi importante que Cassin, déjà familier de l’Unesco en raison de ses activités au sein de la CAME et de l’ONU, contribua au vote par le bureau exécutif de l’Unesco, au début de l’année 1949, en faveur du statut consultatif pour l’UJECO, en dépit du caractère assez limité de ses activités et de ses réalisations [70]. Comme avec le CJM, pendant les deux ans qui précédèrent ce vote, les représentants de l’UJECO étaient restés en contacts réguliers avec l’Unesco, passant avec elle des accords informels : « l’UJECO tient l’Unesco totalement informée de son travail et est reconnue par celle-ci comme une organisation bénévole internationale dans les domaines de l’éducation et de la culture », tandis que l’Unesco offrait l’« assurance que si l’Unesco peut faire quelque chose pour aider [l’UJECO], nous ferons notre possible pour l’assister » [71]. Pourtant, au début de l’année 1951, une lettre avertit l’Unesco de la décision de « mettre fin » à l’existence de l’UJECO en raison du « manque de soutiens financiers adéquats et des difficultés à obtenir un personnel adapté » [72]. À la différence de la Bibliothèque juive mondiale, l’UJECO avait été une organisation active, même si sa longévité n’avait pas excédé cinq ans.

Le Centre mondial juif pour les relations culturelles et l’Organisation mondiale juive de coopération intellectuelle et éducative

29Durant les années où elle fonctionna, l’attention dévolue par l’UJECO à l’éducation laissa de côté un large éventail d’autres besoins culturels de l’Europe juive dans l’après-guerre, le CJM et Zuckerman étant presque seuls à désirer y répondre rapidement et largement. L’insatisfaction devant l’état de la reconstruction culturelle juive, associée à un grand optimisme concernant l’avenir de la vie culturelle juive européenne, poussa d’une part Curt Leon Lang à proposer la création d’un « Centre mondial juif pour les relations culturelles » et Felix Schliachter d’autre part, celle de l’Organisation mondiale juive de coopération intellectuelle et éducative (OMJCIE), le tout au milieu de l’année 1946. Même s’il n’est pas certain que Lang et Schliachter aient eu connaissance de leurs démarches respectives, ils décrivirent pratiquement dans les mêmes termes les organisations qu’ils projetaient et avec presque autant de références à l’Unesco.

30Comme Zuckerman, Lang était né en Allemagne. Fuyant la montée du nazisme, il arriva en 1933 à Paris, où il devint journaliste, écrivant pour divers journaux des articles traitant d’économie, de politique et d’affaires étrangères. Il occupa également les fonctions de chef-adjoint de la section d’information de l’Institut international de coopération intellectuelle (IICI), une préfiguration de l’Unesco. Combattant pour la France en 1940, Lang fut fait prisonnier de guerre par les Allemands. Relâché, il aurait rejoint la Résistance. Au lendemain de la Libération, il revint au journalisme, même si son espoir, qui resta vain, était d’être intégré au sein de l’Unesco en tant qu’ancien de l’IICI. Entretemps, Lang formula son projet de centre mondial, qu’il soumit à l’AIU : la mission du centre serait d’« assurer la coopération des forces intellectuelles juives dispersées et parfois isolées. Ce centre, qui serait un « clearing house » pour l’échange des idées et des réalisations culturelles juives, pourrait apporter sa collaboration comme institution internationale spécialisée à l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture [Unesco] [73]. » Non seulement donc sa mission devait être la même que celle de l’Unesco, mais le projet reposait dans sa formulation sur la coopération avec cette organisation.

31Les mêmes éléments se retrouvent dans la proposition de Schliachter relative à l’OMJCIE [74]. D’accord avec la maison d’éditions juive française Keren Hasefer, Schliachter soumit également sa proposition à l’AIU. Sa motivation première était la conviction que les organisations juives devaient participer au mouvement de coopération et d’échange transnational de l’après-guerre porté par l’Unesco. Selon Schliachter, l’attribution du statut consultatif avait pour objectif « d’intensifier ses relations avec des organismes internationaux spécialisés qui poursuivent des tâches en harmonie avec les siennes. […] De cette pacifique compétition des organismes culturels universels, la culture juive ne peut rester absente » [75]. Des relations internationales pacifiques dépendaient également, à ses yeux, de la capacité du monde juif à surmonter son éclatement et ses conflits : « la coopération souhaitée entre les communautés juives […] doit préfacer celle plus vaste des relations avec les organismes universels » [76].

32Une sorte de Bibliothèque centrale, écho direct de la Bibliothèque juive mondiale, constituait un élément majeur des plans respectifs de Lang et de Schliachter, un projet resté sans doute ignoré de tous à ce moment-là, dans la mesure où il en était rarement question dans les débats publics. Plus vraisemblablement, en imaginant une bibliothèque centrale, les deux hommes s’inspiraient simplement de l’exemple de l’Unesco pour répondre aux besoins urgents en livres des communautés juives d’Europe. Nous citons ici intégralement la description par Schliachter de la bibliothèque qu’il proposait, parce qu’elle démontre que les partisans d’une Bibliothèque juive mondiale n’étaient pas les seuls à accorder à ce projet une place ambitieuse dans la reconstruction globale du judaïsme d’Europe : « jouant un véritable rôle de”dépôt légal”, elle devra se proposer d’acquérir pour ses nombreuses filiales tous les livres et publications déjà parus ou à paraître, les microfilms des livres rares qu’elle pourrait solliciter des institutions homologues de l’étranger. Instrument et cadre de travail pour les chercheurs, elle devra tendre à réunir le plus grand nombre de bibliographies juda-hebraica de bibliothèques juives ou non-juives de France ou de l’étranger, amorçant ce faisant la réalisation d’un projet en cours d’études, et visant à la création d’un instrument synthétique de travail bibliographique favorisant la diffusion et le mouvement d’échange et de prêt entre les bibliothèques, la protection et la reproduction de manuscrits anciens et livres rares, enfin l’établissement d’un répertoire unique de la production intellectuelle juive mondiale passée et contemporaine [77]. »

33Ainsi donc, Schliachter ne s’inspirait-il pas seulement des objectifs de la Bibliothèque juive mondiale, ou du programme de la Bibliothèque Skeleton, ou encore du discours et des activités de l’Unesco qui étaient la source de tous ces projets. Il exprimait aussi le désir qui les sous-tendait tous de bâtir pour la vie culturelle juive européenne quelque chose de neuf, qui donnerait un sentiment de continuité entre l’avant-guerre, le présent de l’immédiat après-guerre et l’avenir à long terme.

34Quant à Lang, il est clair que son but était de créer pour le monde juif d’après-guerre une organisation sur le modèle de l’Unesco, qui collaborerait étroitement avec cette dernière au travers de programmes et d’objectifs parallèles, ce qui permettrait de garantir que les besoins et les demandes des Juifs seraient pris au sérieux par l’institution culturelle internationale : « L’organisation définitive de l’Unesco sera installée à Paris à la fin de cette année, et le Centre juif pourrait y apporter son concours à l’œuvre mondiale, faire valoir l’apport intellectuel et moral des Juifs à la”paix pour la compréhension mutuelle des peuples” et à la réalisation de”l’idéal démocratique de dignité, d’égalité et de respect de la personne humaine” [78] ».

35Les exemples analysés ici démontrent le rôle central attribué aux livres, aux bibliothèques, à la coopération et aux échanges transnationaux entre ces dernières dans l’immédiat après-guerre. Ils reflètent à la fois le besoin urgent et le désir d’informations et de publications, et la centralité des bibliothèques dans les plans de l’Unesco pour la reconstruction. Mais qu’advint-il de ces projets ambitieux ? Le Centre mondial et l’OJCIE en restèrent aux plans détaillés fournis à l’AIU en 1946. L’idée de Bibliothèque juive mondiale fut abandonnée à contrecœur en 1949 et l’UJECO fut dissous en 1951. En fait, la liste des bibliothèques juives publiée en 1959 fut la seule réalisation issue des projets d’après-guerre évoqués ici. Plutôt que de créer de grandes institutions nouvelles, la majeure partie de l’Europe voyait dans les bibliothèques comme celle de l’AIU à Paris, la Rosenthaliana à Amsterdam, la Simonseniana à Copenhague et la Bibliothèque juive centrale de Varsovie, un élément de continuité avec l’avant-guerre ; elles rouvrirent relativement vite et commencèrent à reconstituer leurs collections au lendemain même du conflit mondial ; toutes existent encore aujourd’hui.

36L’échec des projets ambitieux relatés dans cet article conduit à souligner le caractère éphémère du mouvement de (re)construction au sens où Gaster l’entendait, à savoir repartir de zéro. Pour l’essentiel, quand il y eut reconstruction sur de nouvelles bases, elle eut lieu dans les nouveaux centres de la vie juive, d’abord en Palestine, puis en Israël, et aux États-Unis. Cependant, l’examen des propositions étudiées ici apporte une mise en perspective et un contexte qui permettent de comprendre que la reconstruction s’effectua beaucoup plus lentement et progressivement qu’on ne l’envisageait en 1945 et qu’elle culmina avec la reprise de la vie culturelle juive actuellement en cours. La mission des Judaica Europeana, par exemple, lancée en 2010, est « d’identifier et de donner un accès en ligne à un contenu qui documente la présence juive et l’héritage juif dans les villes d’Europe » [79]. On peut lire ces réalisations comme une version digitale au XXIe siècle des projets de bibliothèque présentés dans les diverses propositions examinées précédemment. En fait, elles sont étroitement liées à la mission de l’Association des bibliothèques de Judaica et d’Hebraica en Europe, dont les origines remontent à l’immédiat après-guerre et dont les affinités avec les propositions étudiées ne peuvent être ignorées.

37Créée en 1955, cette Association met en lumière la détermination et l’obstination d’Edelmann, qui ne renonça jamais à son rêve de faire des bibliothèques un instrument de la reconstruction de la culture juive et de la collaboration dans ce domaine en Europe et au-delà. Edelmann la voyait comme « un système coopératif de bibliothèques juives en Europe, dont le but principal est de faciliter l’utilisation des livres juifs restés dans les bibliothèques d’Europe après la dernière guerre, et de contribuer ainsi à la recréation d’activités culturelles juives dans cette partie du monde » [80]. Une décennie après avoir énoncé son projet d’une Bibliothèque juive mondiale, Edelmann usait donc toujours du même type d’arguments pour justifier sa nouvelle entreprise, écrivant à Cassin en 1953 : « en raison du rôle que les bibliothèques jouent comme facteurs de toute œuvre culturelle et surtout dans le travail de reconstruction culturelle juive dans l’Europe actuelle, il est évident qu’une utilisation plus efficace des fonds de livres judaïques qui subsistent après les catastrophes de ces vingt dernières années est absolument nécessaire [81]. » L’Association fut la première communauté transnationale, basée en Europe, de bibliothécaires ou de conservateurs de collections Judaica. Elle les aida à mettre en place leur coopération, à partager leurs données, leur expertise et leurs informations, comme elles continuent à le faire aujourd’hui, via notamment Judaica Europeana[82].

38Les propositions brièvement examinées ici furent défendues avec sérieux et espoir dans l’immédiat après-guerre. Sur le plan individuel comme à travers leurs intérêts et objectifs combinés, leurs partisans avaient la volonté et l’initiative nécessaires pour définir les besoins culturels des Juifs après la guerre, mais ne disposèrent finalement pas des ressources ou de soutiens extérieurs suffisants pour mettre en œuvre leurs idées. Steinberg, par exemple, fit part de sa grande frustration en 1949 : « […] nous sommes très en retard sur la demande d’aide et de conseils en matière culturelle que ses affiliés de nombreuses régions d’Europe attendent du Congrès juif mondial, notamment dans les pays d’Europe de l’Est, comme la Pologne et la Hongrie. La création d’un Département culturel du Congrès en Europe a créé des espoirs et des attentes qui reflètent les besoins réels de nos communautés d’Europe, et auxquels aucune autre organisation ne pourra répondre. Il ne fait plus aucun doute que les Juifs d’Europe sont à la recherche d’un centre d’activités culturelles doté de l’approche la plus large possible des multiples aspects de la culture juive… Un service culturel public au sens large est ce dont ont aujourd’hui le plus besoin nos communautés en Europe [83]. » Ces propositions furent éclipsées assez rapidement, en particulier aux yeux de la plupart des donateurs et des organisations humanitaires basés hors d’Europe, par l’effort à accomplir en faveur des Juifs survivants, désireux en majorité de quitter l’Europe à la première occasion, notamment ceux qui vivaient dans la précarité des camps de personnes déplacées, ou sous la menace constante de la violence et de la discrimination antisémite, ou encore de la montée du communisme en Europe centrale et orientale, surtout après la création de l’État d’Israël. Ces facteurs permettent d’expliquer pourquoi ces propositions ne suscitèrent ni assez d’intérêt ni assez de soutien pour que ces rêves puissent devenir des réalités nouvelles et durables.

39Ces projets peuvent apparaître comme le fruit d’un idéalisme naïf et comme des rêves utopiques. En fait, ils correspondaient exactement à la vision du monde que l’Unesco cherchait à promouvoir après la guerre. Pour leurs auteurs et leurs partisans, ils étaient du domaine du possible, tandis que la recherche d’un nouveau judaïsme européen était considérée comme aussi vitale pour la survie du judaïsme que pour la paix mondiale à laquelle l’Unesco aspirait. Cette quête supposait que les individus, les organisations et les institutions se rassemblent, pensent de manière créative et globale et mettent de côté leurs différences politiques, idéologiques, culturelles et autres, afin de créer un socle universaliste au monde d’après-guerre. Ce socle reposerait, pensait-on, sur des réseaux transnationaux de coopération et d’échanges qui contribueraient à instiller la tolérance, la compréhension, l’apaisement et la paix à travers le monde.

tableau im2
Le rapport final de la Mission de la Bibliothèque du Congrès dans l’Allemagne d’après-guerre. Exemplaire dédicacé par son auteur à Jacob Zuckerman.
Archives familiales Zuckerman.

Mise en ligne 01/10/2015

https://doi.org/10.3917/aj.482.0101

Notes

  • [*]
    L’auteur tient à remercier le Social Science Research Council’s International Dissertation Research Fellowship, 2011-2012, qui lui a permis d’entreprendre la recherche dont est issu cet article. Celui-ci a été traduit de l’américain par Valérie Assan.
  • [1]
    Archives de l’Université de South-ampton, Papiers Aaron Zakharovich Steinberg (1891-1975), 1910-93 (ci-après : US, Papiers Steinberg), MS262, 6/1/32, note « UNESCO », 2 janvier 1947.
  • [2]
    Créé dans les années 1930, le World Jewish Congress ou WJC (en français: Congrès juif mondial ou CJM) avait son siège à New York et des bureaux partout dans le monde. Il fut le premier porte-parole, et le plus influent, des Juifs à l’Unesco, grâce à ses observateurs présents dès la première conférence générale de l’organisation à Paris, en novembre 1946.
  • [3]
    Arieh Tartakower, « Problems of Jewish Cultural Reconstruction in Europe », Journal of Educational Sociology, 18:5, janvier 1945, « The Jew in the Postwar World », pp. 274-275. En janvier 1945, la création de l’Unesco était en cours, d’où l’absence, à ce stade, du mot « science » dans le nom donné ici à l’organisation future. Deux autres entités étaient également citées : des gouvernements nationaux et la population juive vivant hors d’Europe, en premier lieu aux États-Unis.
  • [4]
    American Jewish Archives, World Jewish Congress Records, Series E, Box 8, Folder 12 (ci-après : AJA, WJC, Series/Box/Folder), « Que fait le Congrès juif mondial pour la restauration des droits des Juifs en Europe ? », Wolf Blattberg au Dr. Kubowitzki, 6 décembre 1945.
  • [5]
    Central Zionist Archives, Aaron Steinberg Papers (ci-après : CZA, Steinberg), correspondance Zuckerman et Steinberg, juin – octobre 1947, C2/4444 Libraries & Museums, Asnath Klausner à Jacob Zuckerman, 6 juin 1947.
  • [6]
    Cette recherche s’inscrit dans un regain d’intérêt récent pour l’histoire des Juifs d’Europe dans l’après-guerre, sous l’angle notamment des alternatives au sionisme. Marci Shore, « The Jewish Hero History Forgot », New York Times, op-ed, 18 avril 2013 ; Quest. Issues in Contemporary Jewish History, « Jews in Europe after the Shoah: Studies and Research Perspectives », avril 2010 ; Shira Klein, « A Persistent Past: Italian Jews from Emancipation to Post World War II », PhD, New York University, 2012 ; Karen Auerbach, « A Window on Postwar Warsaw: The Jewish Families of 16 Ujazdowskie Avenue », PhD, Brandeis University, 2009 ; Elana Jakel, «”Ukraine without Jews?” Nationality and Belonging in Soviet Ukraine, 1943-1948 », PhD, University of Illinois à Urbana-Champaign (en cours) ; Zachary Levine, « Chevrolets to Budapest: Transnational Cooperation and a Jewish Aid Regimen for the Cold War, 1948-1957 », PhD, New York University (en cours).
  • [7]
    Koppel S. Pinson, « Jewish Life in Liberated Germany: A Study of the Jewish DP’s », Jewish Social Studies, 9:2 avril 1947, p. 115.
  • [8]
    Sur la discrimination, voire la violence à caractère antisémite subie par les survivants d’Europe centrale et orientale qui tentèrent de retrouver leur foyer et leur vie d’avant-guerre : Jan Gross, Fear: Anti-Semitism in Poland After Auschwitz, Random House, 2006 ; Natalia Aleksiun, « Jewish Responses to Antisemitism in Poland, 1944-1947 », in Joshua D. Zimmerman (ed.), Contested Memories: Poles and Jews During the Holocaust and its Aftermath, Rutgers University Press, 2003, pp. 247-261.
  • [9]
    Par exemple : Laura Hobson Faure, « “Performing a Healing Role“. American Jewish Communal Workers and the American Jewish Joint Distribution Committee in Post-World War II France », in Danièle Frison, Yona Dureau (dir.), Parcours Judaïques, X. Culture hébraïque et héritage européen : sources visibles, sources cachées. Actes du colloque organisé à Paris X les 17-18 janvier 2005, 2006, pp. 139-156 ; Veerle Vanden Daelen, « Returning: Jewish life in Antwerp in the aftermath of the Second World War (1944-1945) », European Judaism, 38:2, 2005, pp. 26-42 ; Maud Mandel, In the Aftermath of Genocide: Armenians and Jews in Twentieth Century France, Duke University Press, 2003 ; Chaya Brasz, « After the Shoah: Continuity and Change in the Postwar Jewish Community of the Netherlands », Jewish History, 15:2, 2001, pp. 149-168.
  • [10]
    La Jewish Cultural Reconstruction, Inc. (JCR) fut créée par l’historien Salo Baron, de l’Université Columbia. Elle avait pour mission de vérifier, dans la ligne de l’Université hébraïque, que les livres impossibles à identifier ou à restituer étaient envoyés par les autorités juives aux responsables des nouveaux centres de la vie juive. Le JCR, issu de la Commission on European Jewish Cultural Reconstruction créée plus tôt par Baron, employa, pour localiser, identifier, restituer et réaffecter des livres récupérés, des intellectuels juifs immigrés en Amérique ou en Israël, comme Scholem ou encore Hannah Arendt. Dov Schidorsky, Burning Scrolls and Flying Letters: A History of Book Collection and Libraries in Mandatory Palestine and of Book Salvaging Efforts in Europe after the Holocaust, Jérusalem, The Hebrew University/Magnes Press, 2008 (en hébreu) ; idem, « The Library of the Reich Security Main Office and Its Looted Jewish Book Collections », Libraries & the Cultural Record, 42:1, 2007, pp. 21-47 ; Dana Herman, Hashavat Avedah, A History of Jewish Cultural Reconstruction, Inc., PhD thesis, McGill University, 2008 ; Katharina Rauschenberger, « The Restitution of Jewish Cultural Objects and the Activities of Jewish Cultural Reconstruction, Inc. », Leo Baeck Year Book, 53:1, 2008, pp. 203-204 ; Regine Dehnel (dir.), Jüdischer Buchbesitz Als Raubgut: Zweites Hannoversches Symposium, Frankfort-sur-le-Main, Vittorio Kloster-mann, 2006 ; Evelyn Adunka, Der Raub der Buecher: Pluenderung in der NS-Zeit und Restitution nach 1945, Vienne, Czernin, 2002 ; Robert G. Waite, « Returning Jewish Cultural Property: The Handling of Books Looted by the Nazis in the American Zone of Occupation, 1945 to 1952 », Libraries & Culture, 37:3, été 2002, pp. 213-228.
  • [11]
    Hebrew National and University Library Archives (ci-après : HNUL), 4°1599/23/2, Gershom Scholem et Abraham Yaari à Judah Magnes, 24 avril 1946. C’est l’auteur de l’article qui souligne.
  • [12]
    Archives de l’Unesco, CAME, London 1942-1945, vol. III BPC, History, Committees and Sub-Committees, 54th minutes de procès-verbaux, 29 novembre 1945.
  • [13]
    HNUL, 4° 793/288/212, Gershom Scholem à Hannah Arendt, 7 décembre 1950 : « C’est clair à présent, la littérature rabbinique – et les collections parisiennes contiennent en majeure partie ce type d’ouvrages – est un besoin urgent, en Israël uniquement ». C’est l’auteur de l’article qui souligne.
  • [14]
    Hebrew University of Jerusalem Central Archives, Mount Scopus Campus, Jérusalem, University/University Library Archives (ci-après : HU, U/ULA), 1947 I, M. Fekete, recteur, et D.W., sénateur, administrateur de l’Université hébraïque, au Conseil d’éducation et de la culture juive en France, 26 mai 1947.
  • [15]
    David Weinberg, « Between America and Israel: The Quest for a Distinct European Jewish Identity in the Post-War Era », Jewish Culture and History, 5:1, été 2002, notamment pp. 92-101 ; Salo W. Baron, « The Year in Retrospect », American Jewish Year Book, 1946, pp. 116-122.
  • [16]
    AJA, WJC, E/1/4, Simon Federbush à Jerome Michael, 3 juin 1946.
  • [17]
    HU, U/ULA, 1947 I, La Terre Retrouvée, Paris, 15 février 1947.
  • [18]
    Joshua Starr, « Jewish Cultural Property under Nazi Control », Jewish Social Studies, 12:1, janvier 1950, pp.  27-48. Starr s’interroge p. 27 : « Jusqu’à quel point les livres juifs furent-ils sauvés par la politique culturelle des nazis ? ».
  • [19]
    Les termes Judaica et Hebraica désignent les textes en langues juives (hébreu, yiddish, etc.), ainsi que les livres ayant trait à la religion juive ou à des sujets spécifiquement juifs. Le sort des livres dont la restitution était impossible fut d’autant plus difficile à trancher que les collections juives contenaient des ouvrages non-juifs ou non-hébraïques.
  • [20]
    Archives de l’Unesco, 02 (=924) World Jewish Library (ci-après : WJL), Julian Huxley, minute de la lettre adressée à Berlin aux Autorités de contrôle alliées en l’Allemagne, 1945.
  • [21]
    Nancy Sinkoff, « Introduction: Yidishkayt and the Making of Lucy S. Dawidowicz », in Lucy S. Dawidowicz, From That Place and Time: A Memoir 1938-1947, Rutgers University Press, 2008, p. xvi. On utilise ici le terme « non-restituable » par souci de clarté.
  • [22]
    Papiers Lucy S. Dawidowicz, P-675; Box 55; Folder 4 ; American Jewish Historical Society, Newton Centre, MA and New York, NY (ci-après : AJHS, Dawidowicz Papers), Lucy Schildkret to Max Weinreich, 25 mai 1947.
  • [23]
    AriehTartakower, « Problems of Jewish Cultural Reconstruction in Europe », op. cit., p. 275.
  • [24]
    Propos tenus par le rabbin Stephen Wise le 8 juin 1945 et cités dans un article de presse du CJM du 11 juin : « France to Get First Shipment of Books for Jewish Education », in AJA, WJC, E/1/2.
  • [25]
    US, Steinberg Papers, 6/1/32, Hester Roseman à diverses personnes, 7 août 1947.
  • [26]
    AJA, WJC, E/4/3, Wolf Blattberg à Mrs. David S. Molod, Executive Secretary AJC, 11 novembre 1948.
  • [27]
    Archiwum Akt Nowych, Ministerstwo Oświaty w Warszawie [1944] 1945-1966 (ci après : AAN, Min. Oswiaty), sygnatura 765, Sekretarz Lwow Henryka, Przewodniczacy Jozef Sandel Do Dyrekcji UNESCO W Warszawie, 2 juin 1947.
  • [28]
    Jean-Claude Kuperminc, « La reconstruction de la bibliothèque de l’Alliance israélite universelle, 1945-1955 », Archives juives, revue d’histoire des Juifs de France, 2001/1, pp. 98-113.
  • [29]
    Mark Mazower, « Reconstruction: The Historiographical Issues », Past and Present Supplement, 6, 2011, p. 26 : « Parler de reconstruction a posé la question de savoir quel passé la population voulait, pensait vouloir reconstruire ».
  • [30]
    Theodor H. Gaster, « Foundations of Jewish Cultural Reconstruction in Europe », Journal of Educational Sociology, 18:5, janvier 1945, « The Jew in the Postwar World », pp. 267-268.
  • [31]
    Selon l’article XI, § 4, de la constitution de l’Unesco.
  • [32]
    US, Steinberg Papers, 6/1/32 ou 33, UNESCO, communiqué de presse, Seconde conférence générale, Mexico, « Huxley Reports UNESCO’s 1947 Activities », 6 novembre 1947.
  • [33]
    Archiwum Żydowsiego Instytutu Historycznego, Centralny Komitet Żydów w Polsce (ci-après : ZIH, CKZP), Wydzial Kultury i Propaganda, sygn. 303/XIII/206, Dr. N. Barou et Dr. S. Barber, WJC [CJM], lettre circulaire n° 4, 6 novembre 1946.
  • [34]
    Archives de l’Unesco, 361.9 A 06 (44) “47” 1947 Paris Conferences of UNESCO/NGO, Part I, Aaron Steinberg à Bernard Drzewieski, 17 janvier 1947.
  • [35]
    AJA, WJC, B/127/7, Aaron Steinberg, rapport sur la création de l’Unesco, novembre 1945.
  • [36]
    AJA, WJC, B/127/7, Mémo de Wolf Blattberg, 4 avril 1947.
  • [37]
    Archives de l’AIU, Fonds Edmond-Maurice Lévy, AP 1, Dossier 43 (ci-après : AIU, Fonds E.-M. Lévy), AP 1/43, M. Schliachter, « Éditions – Publications – Bibliothèques, Hier, Aujourd’hui, Demain », s. d., p. 4.
  • [38]
    AIU, CCI 1941-1947, Dossier Comité Central 1941-1946 [procès-verbaux] (ci-après : AIU, Comité central), séance du 19 septembre 1946.
  • [39]
    AIU, AM Présidence 001b, Déclaration de l’Alliance israélite universelle (document publié dans : André Kaspi (dir.), Histoire de l’Alliance israélite universelle de 1860 à nos jours, Paris, Armand Colin, 2010, pp. 505-509).
  • [40]
    Sur le discours universaliste de l’AIU : Lisa Moses Leff, Sacred Bonds of Solidarity: The Rise of Jewish Internationalism in Nineteenth-Century France, Stanford University Press, 2006 ; sur l’après-guerre : Jay Winter, « René Cassin and the Alliance Israélite Universelle », Modern Judaism, 32:1, 2012, 1-21 ; Anne Grynberg, « Reconstruction et nouvelles orientations » in André Kaspi (dir.), op. cit., pp. 331-356.
  • [41]
    Mr. J. Gershman, président de la conférence, cité par l’envoyé spécial du journal The World Jewish Congress, The Jewish Monthly, 2:5, août 1949, Appendix I, p. 285.
  • [42]
    ZIH, CKZP, Wydzial Kultury i Propaganda, sygn. 303/XIII/205, WJC [CJM], Projet de rapport politique au Conseil européen, p.  4.
  • [43]
    Papiers Salo W. Baron. M0580. Department of Special Collections, Stanford University Libraries, Stanford, Californie, Box 43, Folder 5 (ci-après : Stanford, Baron, Box/Folder), Rafael Edelmann à Judah Magnes, 2 janvier 1947.
  • [44]
    AJA, WJC, E/8/14, WJC, note « European Jews Ask for More Books », 16 janvier 1947.
  • [45]
    Ibid., E/1/3, Communiqué de presse du CJM, 13 mars 1946, « 64,000 Books Shipped to Speed Cultural Rehabilitation Abroad ».
  • [46]
    US, MS262, 6/1/32, N. Barou and Aaron Steinberg to Affiliated Organizations of the British Section, 11 mai 1945.
  • [47]
    Robert B. Downs, « Wartime Co-operative Acquisitions », The Library Quarterly, 19:3, juillet 1949, pp. 157-165 ; Reuben Peiss, « European Wartime Acquisitions and the Library of Congress Mission », Library Journal, 12, 15 juin 1946 (réimprimé à la demande de la Library of Congress Mission : Frankfort-sur-le Main/Allemagne, APO 757). Peiss écrivit cette dédicace sur un tiré-à-part : « À Jack [Jacob] Zuckerman, qui a tant contribué au succès de la mission », Zuckerman Family Private Papers (avec les remerciements de l’auteur).
  • [48]
    US, Steinberg Papers, MS262, 6/1/32, World Jewish Congress, « Skeleton Program of Cultural Activities », 10 octobre 1947.
  • [49]
    AJA, WJC [CJM], B/127/1, Aaron Steinberg à Mr. Z. Shazar, ministre israélien de l’Éducation, 17 mars 1949.
  • [50]
    CZA, Steinberg Papers, Asnath Klausner à Jacob Zuckerman, 6 juin 1947.
  • [51]
    HU, U/ULA, 1947 I, Jacob Zuckerman à Judah Magnes, 5 juin 1947.
  • [52]
    CZA, Steinberg Papers, Asnath Klausner à ses « chers amis », 10 juin 1947.
  • [53]
    Josef Fraenkel (ed.), Guide to the Jewish Libraries of the World, Londres, Cultural Department, World Jewish Congress, 1959.
  • [54]
    Det Kongelige Bibliotek, Copenhague, Rafael Edelmann Papers (ci-après : DKB, Edelmann Papers), Edelmann à Steinberg, 2 janvier 1947.
  • [55]
    American Jewish Archives, Fanny Goldstein Papers, Box 2 Folder 16 (désormais AJA, Goldstein Papers, Box/Folder), Edelmann à Fanny Goldstein, 8 août 1946.
  • [56]
    London Metropolitan Archives (désormais LMA), Acc/3121/E3/224/4, Edelmann à Mark Uveeler, Conference on Jewish Material Claims Against Germany, 16 novembre 1960.
  • [57]
    DKB, Edelmann Papers, Edelmann à Steinberg, 1er mai 1946. Sur le Danemark et les Juifs : Vilhjálmur Örn Vilhjálmsson, Bent Blüdnikow, « Rescue, Expulsion, and Collaboration: Denmark’s Difficulties with its World War II Past », Jewish Political Studies Review, 18:3–4, automne 2006.
  • [58]
    DKB, Edelmann Papers, Edelmann à Steinberg, 2 janvier 1947. Le passage souligné l’est dans le texte original.
  • [59]
    UNESCO Preparatory Commission Provisional Record of 9th meeting, Londres, 10 juillet 1946, 3pm. Catherine Nicault, « Julien Cain (1887-1974) », La Revue pour l’histoire du CNRS, n° 12, mai 2005, pp. 39-41.
  • [60]
    DKB, Edelmann Papers, Edelmann à Zuckerman, 24 juin 1947.
  • [61]
    Ibid., Edelmann à Steinberg, 1er mai 1946.
  • [62]
    Ibid. Edelmann à Zuckerman, 8 janv. 1947.
  • [63]
    AIU, Fonds AM Présidence 001c, René Cassin au directeur général de l’UNESCO, 23 novembre 1946.
  • [64]
    Archives de l’Unesco, 296 A 01 UJECO, Relations of UNESCO with International Non-governmental Organisations, Questionnaire “A”, 19 juin 1948.
  • [65]
    Ibid., UJECO Press Release, Appointment of Secretary, février 1947.
  • [66]
    Ibid., UJECO, 26 mars 1947, p. 4.
  • [67]
    ZIH, CKZP, Wydzial Kultury i Propaganda, Rapport sur l’activité de la Central Jewish Library pendant l’année 1945.
  • [68]
    AIU, Comité central, séance du 19 septembre 1946.
  • [69]
    AIU, AM Présidence 001c, Cassin au directeur général de l’Unesco, 23 novembre 1946.
  • [70]
    Archives de l’Unesco, UJECO, André de Blonay à l’UJECO, 19 février 1949. Première organisation juive représentée ou étroitement associée à l’Unesco, le CJM n’était cependant pas seul dans ce cas. Certains membres du siège du CJM à New York pensaient que les autres organisations menaçaient non seulement l’intérêt et le soutien que l’Unesco accordait au CJM, mais aussi l’idéal de solidarité au sein du monde juif ; ils suggéraient qu’il « serait désastreux » que l’UJECO cherchât à obtenir un statut consultatif à l’Unesco alors que le CJM était de loin la seule organisation reconnue par l’Unesco, car cela risquait de « diviser le peuple juif sur ce terrain également ». AJA, WJC, E/1/9, Simon Federbush, 19 octobre 1947. Le statut consultatif de l’UJECO fut ramené (en même temps que d’autres organisations) à des « relations informelles » à la quatrième conférence générale à Paris en raison des changements de politique de l’Unesco. Archives de l’Unesco, UJECO, Jaime Torres Bodet à UJECO, 30 août 1950.
  • [71]
    Archives de l’Unesco, UJECO, Dr. Kuo Yu-shou to External Relations Section, 24 mai 1947.
  • [72]
    Ibid., UJECO à André de Blonay, 26 février 1951.
  • [73]
    Southampton, Steinberg Papers, 6/2/6, C. L. Lang, « Exposé sur un centre mondial juif pour les relations culturelles à Paris », 22 juin 1946. Un clearing house est un bureau d’échanges de renseignements (N. D. L. R.).
  • [74]
    AIU, Fonds E.-M. Lévy, AP 1/43. L’OMJCIE « aurait pour but : 1) de promouvoir dans chaque Communauté nationale ou territoriale l’Instruction religieuse et la diffusion de la Culture juive. 2) d’instituer la collaboration des diverses institutions d’enseignement en matière de plans d’études, programmes et méthodes pédagogiques, susceptibles de faire profiter chaque communauté nationale ou territoriale des ressources et des progrès des autres communautés pour tout ce qui concerne la technique de l’éducation (livres et matériel scolaire, documentation, films éducatifs, disques, etc.) 3) d’ordonner la production intellectuelle juive mondiale par des contacts entre éditeurs, le développement des bibliothèques et de leur travail de conservation des manuscrits, de circulation des livres et de documentation bibliographique unifiée. 4) de conserver et développer arts et folklores. 5) de susciter des rapports étroits et fréquents entre les savants, des échanges de matières et élèves, l’amélioration du leurs conditions de vie et de travail. 6) de créer un Institut de coopération intellectuelle juive générateur et régulateur de l’œuvre de coopération à entreprendre, et siège de l’OMJCIE. » M. Schliachter, « Éditions – Publications – Bibliothèques, Hier, aujourd’hui, demain », s. d.
  • [75]
    M. Schliachter, « Editions – Publications – Bibliothèques », ibid.
  • [76]
    Idem.
  • [77]
    Idem.
  • [78]
    US, Steinberg Papers, 6/2/6, Lang, « Exposé sur un centre mondial juif », p. 1.
  • [79]
    http://www.judaica-europeana.eu/ (site consulté le 16 octobre 2012). Aussi important, même s’il est de portée plus limitée : Rachel, le catalogue collectif du réseau européen de bibliothèques de Judaica-Hebraica, créé en juillet 2004 par la bibliothèque de l’AIU, le Centre Medem et le Séminaire israélite de France (tous situés à Paris).
  • [80]
    LMA, Acc/3121/E3/224/3, Edelmann à la Conference on Jewish Material Claims against Germany, juin 1961.
  • [81]
    DKB, Edelmann Papers, Edelmann au président de l’AIU, 4 février 1953.
  • [82]
    L’Association fut active jusque dans les années 1970, lorsqu’Edelmann fit son alyah à Jérusalem, où il mourut en 1972.
  • [83]
    AJA, WJC, E/10/14, Aaron Steinberg au Dr. N. Barou, Memorandum, Cultural Department (European Division), 15 mars 1949.
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