NOTES
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[1]
Au contraire d’autres étrangers au Havre, juifs ou protestants, à la même époque. A. E. Borély signale les instructions de Louis XIV à ses intendants en 1714, à la veille de la guerre de Sept ans, sur les mesures à prendre à l’encontre des Juifs et l’exclusion de Juifs suspects (Histoire de la ville du Havre et de son ancien gouvernement, reprint Bruxelles 1976 de l’édition de 1880-1881, Le Havre, Lepelletier, première partie, t. 3, pp. 343, 441). Il mentionne aussi les vexations et rigueurs que subirent à plusieurs reprises les protestants du Pays de Caux (ibid., t. 3, p. 433) et l’expulsion des négociants protestants Salomon Prévost et Brossard de la Poupardière, ainsi que celle de différents étrangers (ibid., t. 3, p. 436 sq.). Dans son article « Les israélites du Havre au XVIIIe siècle », Annuaire des Archives israélites de France 1888-1889, pp. 56-61, Hippolyte Prague a repris l’essentiel des travaux de Borély.
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[2]
Quatre localités allemandes portent ce nom, contraction du terme Hohenberg, la haute ville : dans le Palatinat, dans le Westerwald entre Bonn et Coblentz, en Hesse au nord de Francfort, en Hesse au nord-est de Francfort. Il est aussi possible que les Lévy Homberg soient originaires de Homburg am (ou vor der) Hohe, localité proche de Francfort d’où sont originaires les Lallemand, parents des Homberg du Havre. Histoire de l’Académie des sciences, Paris, Libraires associés, 1766, t. 1, pp. 371-389.
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[3]
L’une porte, d’après l’Armorial de Renesse, « d’or à deux aigles de sable l’une sur l’autre », une autre « de gueules à deux bandes d’or » ; la famille Homberg zu Vach, anoblie en 1718, porte « d’azur à un mont d’or ».
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[4]
Archives nationales, minutier central, Lefebvre, contrat de mariage du 21 avril 1708.
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[5]
Sa vie a été retracée par Fontenelle dans son « Éloge de Monsieur Homberg », Éloge des académiciens de l’Académie des sciences et Histoire de l’Académie des sciences, Paris, Libraires associés, 1766, t. 1, pp. 371-389.
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[6]
Il s’agit d’Octave II Homberg (Paris XVIe, 19 janvier 1876 - Cannes, 6 juillet 1941), fils d’Octave I Homberg (Paris, 4 juin 1844 - Paris VIIIe, 30 octobre 1907) et de sa première épouse Marie-Thérèse Rendu. Octave I Homberg, ancien élève de l’École polytechnique, inspecteur des finances, fut directeur général de la Société générale, président de la Compagnie des chemins de fer de l’Ouest et de la Société générale des chemins de fer économiques, administrateur du Mokta-el-Hadid, des chemins de fer de Krivoï-Rog, censeur de la Banque de France de 1891 à 1907, officier de la Légion d’honneur. Il fut aussi un collectionneur célèbre.
Octave II Homberg, licencié en droit, agrégé de philosophie, fut reçu le 4 décembre 1899 au concours du Quai d’Orsay. Secrétaire général de la Banque de l’Indochine, il devint vice-président de la Banque de l’Union parisienne. En 1914, il fut le principal collaborateur d’Alexandre Ribot, ministre des Finances, présida la commission des changes et négocia l’emprunt américain. En 1919, il créa la Société française et coloniale et fut président de la Compagnie des eaux et de l’électricité de l’Indochine et de la Société indochinoise d’électricité. Il fut un membre influent de la synarchie. Officier de la Légion d’honneur en mars 1924, il fut ensuite promu commandeur. Comme son père, il fut un grand collectionneur. Il publia aussi de nombreux ouvrages.
De son premier mariage, avec Louise Mahot de la Quérantonnais, il eut une fille, Jacqueline, Madame Georges Régey, dont postérité subsistante. De son second mariage, avec Jeanne Bourdeau, il eut une autre fille, Béatrice, morte en bas âge. -
[7]
Octave Homberg, Les Coulisses de l’histoire. Souvenirs 1898-1928, Paris, Fayard, 1938, p. 20.
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[8]
Ibid., p. 266.
-
[9]
Bibliothèque nationale de France, Ms. Joly de Fleury, 472, f° 15 ; Archives de la Seine-Maritime, C 2312, samedi 9 décembre 1775, lettres données à Versailles en septembre 1775 ; Paris, imprimerie de Stoupe, 1776, in 4°.
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[10]
Archives de la Seine-Maritime, 2 E 70/629, étude Dorey-Costé, procurations 1775-1779, 4 mai 1775 : « Léon Homberg, natif de cette ville et y étant maintenant, fils aîné des défunts sieur Henri Homberg et dame Suzanne Compers, en leur vivant négociants dudit lieu… ».
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[11]
On connaît Reine (vers 1733-1822), Mme David-Salomon Gompertz, sans descendance ; Hélène (1734-1802), Mme Jean-Baptiste Michel Oppenheimber, dont descendance ; Louis-Léon (1736-1809), marié vers 1767 à Élisabeth-Clarisse Lévy-Galla (vers 1748-1818), dont descendance ; Gerson-Grégoire (vers 1739-1817), marié en 1770 à Marie-Anne Lévy-Shabracq (vers 1747-1812), dont un fils ; Éliézer-Édouard (né vers 1742) marié à Judith Lévy-Shabracq, dont une fille, puis à Pauline-Bérénice Philips (née vers 1760) ; Suzanne, morte jeune.
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[12]
Joseph Élias, dit Élias Gompertz (décédé à Clèves le 28 juin 1689, inhumé à Emmerich), banquier à Emmerich, puis à Wesel, et enfin à Clèves, directeur des Monnaies de l’Empire, fut l’un des hommes les plus riches de son temps. Il avait créé à Emmerich une banque qui étendait ses ramifications dans le monde entier avec des succursales à Vienne, Rome et Constantinople. Fournisseur des armées du Grand Duc, sa fortune s’élevait à plus de cent mille thalers, somme énorme pour l’époque, son train de vie était princier. Époux de Sarah Myrjam Bendit alias Benedict (décédée à Clèves le 20 novembre 1691), fille du banquier Baruch Bendit (décédé à Juliers le 20 janvier 1641).
Benedickt alias Bendikt Gompertz Clèves (décédé à Nimègue le 29 avril 1754), banquier, fournisseur des armées, s’établit vers 1702 à Nimègue. Le 3 septembre 1725, il conclut le contrat de rachat de la Frise occidentale par les Pays-Bas, pour une somme de 820 000 guilders, qu’il fournit. Il avait épousé en premières noces Röschen Gompertz (morte en 1709), sœur de Jacob Gompertz Clèves ; il se remaria à Judith Rheinganum, de Mannheim, fille de Meyer Rheinganum, dont descendance. Mozes Lewin Gompertz (mort en 1762 à Duisburg, inhumé le 4 février 1762 à Emmerich) s’établit à Berlin comme banquier ; le 12 juin 1715, le roi Frédéric-Guillaume Ier le nomma fournisseur de sa cour. En 1719 il créa une fabrique de tabac puis, en 1723, une fabrique de monnaies. Il signa cette même année avec le roi un contrat lui assurant l’exclusivité de l’émission de monnaies. -
[13]
Théodore Homberg, Souvenirs, Archives familiales.
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[14]
Archives du Havre, HH 35, 1769.
-
[15]
Ibid., BB carton 15, liasse 122, 3 février 1770.
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[16]
Joseph Lallemand, ou Lallemant ou Lallement, avait une sœur, Hanna Moïse Lallemand, épouse en premières noces de Joseph Caïn, marchand de Hombourg, et en secondes noces de Josué Salomon, rabbin de Marburg. Sa fille Thérèse Caïn épousa Mayer Brach de Nidervisse (Moselle), fils de Bernard Brach, marchand, et de Babeth Veil, par contrat du 12 décembre 1780 chez Garnier à Paris. Joseph Lallemand, oncle de la mariée, fut représenté à ce mariage par Jacob Goldschmidt en vertu d’une procuration passée la 14 novembre 1780 devant Costé, notaire au Havre (Archives nationales, minutier central, étude XXXVIII, 632, recherches de Michel Sicsic). On peut noter qu’un Joseph Lallemand, « d’Ambourg », installé depuis dix ans à Paris en 1742 et honorablement connu, proteste contre une arrestation injuste (Documents modernes sur les Juifs XVIe-XXe siècles, t. 1, Dépôts parisiens, sous la direction de Bernhard Blumenkranz, Toulouse, Éditions Privat, coll. « Franco-judaica », 1979, p. 434). Sur sa naissance à Hombourg, voir A. E. Borély, op. cit., t. 3, p. 444.
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[17]
Archives de la Seine-Maritime, 2 E 70/584, étude Dorey-Costé, procurations 1756-1760, 26 avril 1757.
-
[18]
Archives nationales, F 12/95 f° 598, Inventaire du Conseil de commerce.
-
[19]
Archives départementales de Seine-Maritime, Quittances du banquier de la Marine Tourton à Paris, 2E 70/595, 22 mai 1761, 12 mars 1762 ; 2E 70/606, 6 mai 1766.
-
[20]
La galiote était un voilier de forme ronde utilisé par les Hollandais
-
[21]
Archives du Havre, HH 77, copie d’une lettre du duc de Praslin relative au navire appartenant à Madame Homberg et ayant fait naufrage sur la pointe du S/Hagen en 1766.
-
[22]
Le senau, comme le brigantin (ou brick), est un voilier à deux mâts.
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[23]
Dépouillement de la série 6 P 6, volumes 1 à 17 (1750-1789) conservée aux Achives départementales de Seine-Maritime.
-
[24]
La seule paye de deux mois d’avance à l’équipage revenait à quelque six mille livres pour un armement négrier, triangulaire, vers Saint-Domingue, soit trois fois plus que pour un armement direct.
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[25]
Ce bâtiment était le plus grand navire armé au Havre pour la traite des « nègres ».
-
[26]
Archives de la Seine-Maritime, C 1692. En 1772 déjà, les Homberg payaient 36 livres au titre de la capitation, ibid., C 356.
-
[27]
En 1787 leur correspondant à New York était J. J. Coulougnac et Cie. Voir Pierre Dardel, Navires et marchandises dans les ports de Rouen et du Havre au XVIIIe siècle, Paris, SEVPEN, 1963, p. 120.
-
[28]
Le coût de l’armement comprend la solde de l’équipage pour deux mois. Pour aller aux Antilles, le capitaine d’un vaisseau marchand était payé 100 livres par mois jusqu’en 1776. Après la guerre d’Indépendance américaine, sa solde montait à 120 livres par mois.
-
[29]
Pierre Dardel, Commerce, industrie et navigation à Rouen et au Havre au XVIIIe siècle. Rivalité croissante entre ces deux ports. La conjoncture, Rouen, Société libre d’émulation de la Seine-Maritime, 1966, p. 168 sq.
-
[30]
Thierry du Pasquier, Les Baleiniers français de Louis XVI à Napoléon Ier, Paris, Éditions Henri Veyrier, 1990, pp. 95, 102, 105, 106, 114, 192.
-
[31]
Pierre Dardel, Commerce…, op. cit., p. 169.
-
[32]
Chiffres donnés par Philippe Barrey, Le Havre maritime du 16e au 18e siècle, Paris, 1917, p. 272, et repris par Pierre Dardel, ibid.
-
[33]
Marcel Marion, Dictionnaire des institutions de la France aux XVIIe et XVIIIe siècles, réédition Paris, 1979, p. 29 ; Anne Lefebvre-Teillard, Introduction historique au droit des personnes et de la famille, Paris, PUF, 1996, p. 24 sq. ; Jean-François Dubost et Peter Sahlins, Et si l’on faisait payer les étrangers ? Louis XIV, les immigrés et quelques autres, Paris, Flammarion, 1999.
-
[34]
Lettres patentes qui accordent à Léon, Gerson et Éliézer Homberg frères, et à Joseph Lallemant, Juifs du Havre, le droit des régnicoles, enregistrées en la chambre des comptes au parlement de Rouen le samedi 9 décembre 1775, cf. note 10.
-
[35]
Paul Hildenfinger, Documents sur les Juifs à Paris au XVIIIe siècle. Actes d’inhumation et scellés, Paris 1913, p. 34 sq. et 47, citant Jean-Baptiste Denisart, Collection de décisions nouvelles et de notions relatives à la jurisprudence, Paris, 1775, t. 3, p. 423.
-
[36]
Daniel Roche, « Juifs et Gentils à la veille de la Révolution », in Juifs en France au 18e siècle, sous la direction de Bernhard Blumenkranz, Paris, Commission française des archives juives, coll. « Franco-Judaica », 1994, p. 185.
-
[37]
Quant aux Oppenheimber, le baptême des parents et de huit de leurs enfants eut lieu le jeudi 11 mai 1786 à Saint-Michel d’Ingouville. Un autre fils Oppenheimber, absent le jour de ce baptême, fut à son tour baptisé dans la même église le 20 septembre suivant. L’aînée des filles d’Henri et de Suzanne Homberg, Reine, épouse de David-Salomon Gompertz, qui n’avait pas d’enfants, désira demeurer dans la religion de ses pères.
-
[38]
Mariage en 1787 de la fille unique d’Édouard-Éliézer Homberg avec Joseph-François Tôchon, avocat et docteur en droit, d’une ancienne famille de robe d’Annecy, qui devint député d’Annecy en 1815 et fut élu à l’Académie des inscriptions et belles-lettres. En 1798, mariage de Henri-Théodore, fils unique de Grégoire-Gerson Homberg, avec Armande-Françoise Eustache, descendante d’anciens armateurs du Havre et, par sa grand-mère paternelle, des Le Couteulx, importants négociants, banquiers et armateurs rouennais. En 1801, union de Suzanne, fille de Léon Homberg, avec un ingénieur de la Marine, Jean-Joseph de Salvaing de Boissieu, qui termina sa carrière comme directeur du génie maritime et fut fait baron héréditaire en 1824. En 1810, mariage d’une autre fille de Léon Homberg, Marie-Anne, avec un inspecteur général des Ponts et Chaussées, commandeur de la Légion d’Honneur, Jean-Joseph Le Tellier. Enfin en 1810 encore, union d’Eugène-Vivien, fils de Léon Homberg, avec Pauline Blanche, descendant de très anciennes et importantes familles d’armateurs havrais, en particulier du côté maternel des Longue-marre.
-
[39]
Leur fils épousa la fille d’un petit banquier parisien ; de leurs trois filles, l’une épousa un pharmacien fraîchement installé au Havre, la seconde un sous-commissaire de la Marine qui finit cependant sa carrière comme inspecteur, la dernière un libraire et imprimeur de Sens, fils d’un premier consul de cette ville. Voir Erik Noël, « Les Oppenheimer, une famille de négociants au Havre et à Rouen à la fin du XVIIIe siècle », Revue du Cercle de généalogie juive, printemps 1998, pp. 4-8.
-
[40]
Marie Le Masson Le Golft, Le Havre au jour le jour de 1778 à 1790, Rouen, Société d’histoire de la Normandie, 1999, pp. 120, 128.
-
[41]
H. Prague, op. cit.
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[42]
Gerson y exerçait les qualités maçonniques de substitut du trésorier, Éliézer de premier expert avec le grade de Maître Bleu secret. Voir Michel Lécureur et Olivier Pringard, La Franc-maçonnerie au Havre, 1738-1815, Luneray, éd. Bertout, 1994, pp. 84-85.
-
[43]
Anne Mézin, Pierre de Boissieu, De mère en fille. Les Salvaing de Boissieu, 1800-1880, Paris, 1998, pp. 69, 85, 86, 98.
1Au cours du XVIIIe siècle, la famille juive Homberg, du Havre, semble avoir joui d’une grande tranquillité. L’essor et la prospérité du comptoir Homberg auraient pu cependant lui susciter des ennemis. Mais c’est seulement lorsqu’ils présentèrent des requêtes en bourgeoisie, en 1770 et 1776, que les Homberg rencontrèrent un certain ostracisme de la part des autorités havraises : la bourgeoisie leur fut refusée pour cause de judaïsme. En revanche, il ne semble pas qu’ils aient subi une quelconque xénophobie de la part de la population locale [1]. Les Homberg, pendant longtemps les seuls Juifs du Havre, ne cachaient nullement leur appartenance juive. Mais ils se trouvaient en dehors d’une communauté structurée. S’ils ne bénéficiaient d’aucune protection, ils se trouvaient aussi libérés du statut contraignant de peuple en exil qui pesait sur leurs frères ashkénazes de l’Est de la France. En raison de leur isolement, ils n’apparaissaient pas non plus comme une minorité religieuse, contrairement aux protestants, nombreux au Havre à la même époque. Leur religion fut, de ce fait, purement privée. La pratique de la langue française dut enfin contribuer à leur intégration qui fut exemplaire à plus d’un titre. C’est pour parachever son intégration que la famille Homberg finit par se convertir en 1785.
2Jusqu’à ce moment, la famille Homberg est difficile à saisir. Les Juifs n’ayant eu un état civil en France qu’à partir de 1791, ce sont donc les actes de baptême qui ont fourni les premiers éléments de connaissance. Avant cette date, la recherche est compliquée par une absence presque totale d’actes notariés les concernant dans les liasses de l’étude des notaires Dorey et Costé, seuls notaires du Havre, semble-t-il, avant l’Empire, ou du moins les seuls dont les minutes sont conservées aux archives départementales de Seine-Maritime. Les Homberg n’y apparaissent que d’une façon épisodique et accessoire, au détour d’une procuration ou d’un contrat de société d’assurance. À part l’inventaire après décès de David Gompertz, l’époux de Reine Homberg, en 1784, il n’y a aucun document : ni contrat de mariage, ni testament, ni inventaire après décès, ni contrat de vente. Aussi les lettres de naturalité accordées aux Homberg en 1775 demeurent-elles, en quelque sorte, la charte constitutive de cette famille.
Les origines
3Les Homberg étaient des Juifs ashkénazes d’origine allemande. Mais le patronyme Homberg apparaît aussi à plusieurs reprises dans les Tables des mariages juifs d’Amsterdam. D’après ces dernières au moins trois familles juives néerlandaises du nom de Lévy y ajoutèrent celui de Homberg au cours du XVIIIe siècle. On n’a pu établir de liens entre ces trois familles, ni entre elles et les Homberg du Havre. On peut cependant remarquer que le nom d’origine de ces trois familles est Lévy (autre graphie : Lévie), qu’elles semblent toutes trois originaires de Mayence en Hesse, que le patronyme Homberg n’apparaît qu’au XVIIIe siècle, enfin qu’elles sont alliées à des familles proches des Homberg du Havre (Gompertz, Cohen, Oppenheim). Homberg est un patronyme germanique dérivé d’un nom de lieu [2].
4Par ailleurs, il faut noter la présence en Hesse de nombreux Homberg non juifs dont l’existence est attestée depuis le XIVe siècle, et dont certains ont essaimé en Souabe, en Saxe, en Poméranie. Mais ils sont, pour la plupart, demeurés fixés en Hesse. Plusieurs familles ou rameaux de la même famille Homberg de cette région ont accédé à la noblesse [3].
5À la première de ces trois familles néerlandaises appartenait Wilhelm (ou Guillaume) Homberg, chimiste célèbre, médecin du duc d’Orléans, membre de l’Académie des sciences, né en 1652 à Batavia ; il était fils de Johann Homberg, « gentilhomme saxon et protestant », originaire de Quedimbourg, et de Barbe von Hedemard. Installé en France en 1682, il se convertit au catholicisme, reçut des lettres de naturalité en 1683 et devint membre de l’Académie des sciences en 1691. Il épousa à Paris Angélique Dodart [4], fille du premier médecin du Roi Claude-Jean-Baptiste Dodart (1664-1730), et petite-fille du médecin Denis Dodart (1634-1707), mais n’en eut pas de descendance. Il mourut à Paris le 24 septembre 1715 et fut inhumé dans l’église Saint-Eustache [5].
6Il aurait été inutile d’évoquer Guillaume Homberg si l’un des descendants des Homberg du Havre, Octave Homberg (1876-1941) [6], n’avait prétendu en descendre. Dans ses souvenirs, évoquant la Conférence de la Paix réunie en 1899 à La Haye à laquelle il assistait en qualité de secrétaire, il rapporte l’anecdote suivante : « Suivant l’usage on avait nommé président d’honneur de la Conférence le ministre des Affaires étrangères du pays qui donnait l’hospitalité : c’était M. de Beaufort, descendant d’émigrés français. Il affectait de me traiter presque comme un compatriote, non pas à cause de sa propre origine française, mais parce qu’il se rappelait qu’un de mes ancêtres qui fut chimiste du Régent et travaillait avec lui à des travaux frisant l’alchimie […], était né à Batavia où il a aujourd’hui sa statue » [7]. Octave Homberg ne semblait pas connaître l’origine juive de sa famille paternelle ou bien il ne voulait pas l’admettre. Il raconte comment il fut combattu avec acharnement par le clergé au cours d’une campagne électorale : « Celui-ci, obéissant à un obscur mot d’ordre, faisait courir le bruit que j’étais juif – si j’avais été israélite, je n’en aurais pas rougi mais, de fait, je ne le suis pas et même la branche maternelle de ma famille compte deux personnes qui ont été béatifiées ! » [8].
Les Homberg du Havre
7La famille Homberg, qui s’était installée au Havre dans la première moitié du XVIIIe siècle, était originaire de Mayence ou de Kassel. Les lettres de naturalité qui furent accordées aux descendants du premier Homberg en septembre 1775 indiquent que celui-ci s’y était établi dans les années 1720 et que leur famille venait d’Allemagne [9].
8Le deuxième Homberg se prénommait Hartog, dit Henri. Il mourut entre mai et novembre 1766, on ne sait où. Il est désigné comme négociant au Havre dans les quelques actes notariés où il figure le plus souvent d’une manière passive et indirecte [10]. Jusqu’à avril 1766 en effet, sa femme signe « Suzanne Compers, femme de Henry Homberg » ; ensuite elle signera « veuve Homberg ». Il avait repris la maison de négoce et d’armement fondée au Havre par son père et l’avait étroitement liée aux armements Gompertz de Hambourg et d’Amsterdam. Il semble qu’il ait quitté Le Havre vers 1745 laissant la gestion du comptoir à son épouse. Henri Homberg avait en effet épousé vers 1731 ou 1732, probablement à Hambourg, une coreligionnaire, Simélie ou Suzanne Gompertz, née vers 1714 et morte fin avril 1775 au Havre, fille de Magnus Heymann ou Hijman Gompertz, banquier à Hambourg, et de Jacket Lehmann Gompertz. Il en eut au moins six enfants [11].
9La famille Gompertz est une grande famille judéo-allemande poussant des ramifications dans toute l’Europe du Nord et l’Europe centrale. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, certains de ses membres furent rabbins d’importantes communautés ashkénazes établies dans les principautés allemandes, dans les Provinces Unies ou au Danemark. D’autres furent des Juifs de cour, banquiers ou fournisseurs aux armées comme Joseph Élias Gompertz encore appelé Élie de Clèves, Bendikt Gompertz Clèves ou Mozes Lewin Gompertz [12], pour n’en citer que quelques-uns. Trois branches de la famille Gompertz ont été anoblies : l’une en France (les Emmery de Grozyeux), la seconde en Angleterre (les Salomons), la troisième enfin en Autriche (les chevaliers von Gompertz). La famille Gompertz est un véritable cas d’école, un pur exemple de labyrinthe généalogique, tant la descendance y est nombreuse et les alliances croisées et répétées à tous les échelons et dans toutes les ramifications.
10Madame Henri Homberg, qui avait la réputation d’être « une femme d’une grande énergie et d’un grand mérite » [13], prit la tête des affaires familiales vers 1745. Elle reçut en 1769 des lettres de privilège de maîtresse lingère [14]. En 1770, elle présenta une requête en bourgeoisie qui fut refusée par le bureau de la ville du Havre et par le gouverneur du Havre, le duc de Saint-Aignan, pour cause de religion juive [15]. Elle mourut avant le 4 mai 1775, au Havre. Elle fut aidée et assistée dans la gestion de sa maison de négoce et d’armement par un certain Joseph Lallemand, né à Hombourg en Hesse [16]. Les lettres de naturalité de 1775 précisent son lien de parenté avec les fils Homberg, énonçant qu’il était un « proche parent de leur père, et qui en a tenu lieu après sa mort ». C’est en 1757 que Joseph Lallemand, jusqu’alors désigné en qualité de commis de la dame Homberg, reçut de cette dernière une procuration générale lui donnant tous pouvoirs dans ses affaires [17]. Il ne semble pas s’être jamais marié. Sa demande en bourgeoisie fut également rejetée le 16 janvier 1776 pour cause de religion juive, sur les instances du dénommé Pierre Michel, un Juif converti. Grâce à l’intervention de l’intendant, Joseph Lallemand fut finalement reçu bourgeois le 3 février 1776. Il mourut entre décembre 1780 et 1784.
La maison de négoce Homberg
11La description la plus complète des activités de la maison d’armement Homberg se trouve dans les lettres patentes de septembre 1775. Les Homberg se livrèrent d’abord au petit commerce, sans doute lié au trafic avec le Canada. Mais leurs activités prirent rapidement une grande ampleur puisqu’ils payaient dès 1746 entre 50 000 et 60 000 livres de droits de douane chaque année. Très tôt aussi, les Homberg durent pratiquer les prises. Le Conseil de commerce rendit en effet en 1748 en faveur de Madame Henri Homberg un arrêt ainsi rédigé : « La dame Homberg, du Havre, demande qu’il lui soit permis d’envoyer dans les colonies des marchandises provenant de prises : décision favorable » [18]. Il semble, cependant, qu’ils n’entreprirent vraiment leur activité d’armement qu’à partir des années 1750. C’est en 1767 enfin que l’armement Homberg fut mis en société sous la raison sociale « Veuve Homberg, Homberg frères et Cie ».
12Les Homberg du Havre ont été parmi les premiers négociants de cette place à commercer avec la Russie, notamment pendant la guerre de Sept Ans où ils ont fourni les arsenaux du Roi en bois pour la marine [19]. Ils firent aussi venir plusieurs chargements de grains et de blé des provinces polonaises et baltes et contribuèrent à soulager leur ville des effets de la disette. Pourtant les registres de l’amirauté du Havre ne conservent pas de trace de ces armements. On peut supposer qu’ils furent faits à Amsterdam ou à Hambourg, peut-être grâce aux navires Gompertz. Après la Paix de Paris, en 1763, une galiote [20] de 200 tonneaux, La ville de Saint-Pétersbourg, fit un premier voyage en Russie : elle avait été armée par Begouën Demeaux, Faure et Madame Homberg (pour une participation de 1/32), armateurs au Havre. En 1766, un des bateaux Homberg fit naufrage au large du Danemark [21]. Le deuxième bâtiment immatriculé au Havre en 1770 sous le nom La ville de Saint-Pétersbourg (150 tonneaux) appartenait pour 1/4 à la Société Veuve Homberg, Homberg frères et Cie. En 1768 Madame Homberg partageait avec Lévillain, Breton et Feray, pour 3/16, la propriété des navires Le prophète Ézechiel et le Miromesnil, qui firent aussi des voyages en Baltique. Ce dernier navire, le Miromesnil, appartenait à six principaux actionnaires, dont Madame veuve Homberg, du Havre, pour 3/16, et des Rouennais.
13En 1769, les Homberg armèrent le navire le Marquis de Puységur (200 tonneaux), inscrit en 1760 à Paris, qui devint la Terpsichore, à destination cette fois de Saint-Domingue. Ce navire fit trois autres voyages à Saint-Domingue entre 1771 et 1775. On sait par des procurations conservées dans les liasses de l’étude Dorey-Costé au Havre que les Homberg participèrent aussi à différents armements à destination de Port-au-Prince, notamment celui du Saint Charles Borromée en 1772 ; ils étaient alors propriétaires de la moitié de sa cargaison. En 1777, semble-t-il, ce navire s’est rendu à Terre-Neuve, les Homberg étant encore intéressés à sa cargaison. En 1771, la Société Veuve Homberg, Homberg frères et Cie était aussi propriétaire, en partie, de La Belle Marguerite et de L’Aimable Françoise.
14Les lettres de naturalité de 1775 indiquent que les Homberg consacraient alors six de leurs bâtiments au commerce avec les Antilles. À cette époque le coût moyen d’une cargaison pour les Antilles était d’environ 100 000 livres : les capitaux immobilisés par les Homberg avoisinaient donc le million de livres. Parmi les navires Homberg se trouvait le navire Harmonie, construit au Havre en 1765 ; il jaugeait 230 tonneaux et fit au moins neuf voyages pour Saint-Domingue entre 1765 et 1777. Le senau [22] Double Louis (176 tonneaux), construit au Havre en 1762, fit neuf voyages vers la même destination entre 1764 et 1778. Un autre senau, nommé Élisabeth-Marie, construit au Havre en 1764, fut armé six fois pour la Martinique entre 1764 et 1771, de même que le navire Le Lion. Les Homberg possédaient aussi une galiote, Le prophète Élie, qu’ils consacraient au cabotage entre Le Havre et Rouen. Ils armèrent encore l’Ami Lear en 1775, l’Amphitrite en 1773, le Deux Amis en 1763, la goélette Arlequin et le brick Ganymède en 1775, le senau Jeune Isaac et le brigantin Saint-Joachim en 1766, le senau Tage en 1766 et 1767, le brigantin Thémis de 1767 à 1771. Pendant la guerre d’Indépendance américaine, les Homberg n’appareillèrent pas de navires au Havre, à l’exception d’une ou deux prises anglaises, pas plus que les autres armateurs havrais. Un convoi partit cependant du Havre en juillet 1782 : il rassemblait 184 navires marchands. Après la guerre, les navires des Homberg se nommèrent l’Alcide, l’Ardilière, le Postillon créole, le Succès, le Thémistocle, la Ville du Havre [23].
15Les Homberg ne semblent s’être livrés au commerce triangulaire et à la traite des « nègres » qu’en 1783, après la guerre d’Indépendance américaine [24]. Cela n’exclut pas qu’ils aient pu, avant cette date, prendre des participations dans tel ou tel armement à destination de la côte de Guinée, sans apparaître alors comme les principaux armateurs. La propriété d’un navire était le plus souvent, à cette époque, divisée en parts d’intérêts, l’un des copropriétaires en étant l’armateur. De même, les cargaisons négrières, dont le coût variait entre 300 000 et 400 000 livres, pouvaient être constituées par plusieurs négociants. Le voyage durait une année pleine car il fallait aller du Havre à la côte de Guinée et d’Angola, joindre ensuite Saint-Domingue et revenir au Havre. Ce qui est certain, c’est que les Homberg ont assuré six armements pour se livrer à la traite au nom de la Société Veuve Homberg et fils entre 1783 et 1789 à bord des navires suivants : Le Roi Maure (300 tonneaux, de 46 à 50 hommes d’équipage), qui effectua trois voyages le Havre – Angola – Port-au-Prince en 1783-1784, 1785-1786 et 1787-1788, avec des chargements respectifs de 700, 650 et 450 Noirs ; Le Mangrove (260 tonneaux, 39 hommes d’équipage), qui fit un voyage en 1784-1786 avec un chargement de 500 Noirs ; L’Atlas [25] (600 tonneaux, de 49 à 56 hommes d’équipage), dont les deux voyages se placent en 1785-1787 et 1787-1789, et qui chargea respectivement 650 et 522 Noirs.
16La Société Veuve Homberg et fils connut un grand essor à la veille de la Révolution et devint l’une des plus importantes du nord de la France. En 1780, elle était le plus fort contribuable du Havre [26]. Elle avait des correspondants dans de nombreux pays, et même aux États-Unis [27]. Elle avait, entre 1763 et 1792, assuré l’armement de 78 navires pour les Antilles [28] pour un volume de 19 920 tonneaux [29] et au moins une vingtaine d’armements pour d’autres destinations (Russie, Portugal, Espagne, ports français en Méditerranée). Sous la Révolution, elle fut l’une des premières en France à armer pour la chasse à la baleine [30]. La dame Homberg avait aussi fait son entrée en 1762 dans une société d’assurance maritime du Havre dont son fils Léon Homberg fut le caissier dès 1780. En 1787, cette chambre d’assurance était devenue la plus importante des six chambres d’assurance du Havre. Elle couvrait pour 36 000 livres de risque sur chaque navire [31].
17Avec la Révolution cependant, les révoltes des Noirs à Saint-Domingue en 1791 et l’abolition de la traite en 1794, les Homberg perdirent 225 831 livres en 1797 et, par la suite, 1 433 000 livres [32].
Les lettres de naturalité
18Bien que nés et demeurant dans le royaume de France, les frères Homberg n’étaient pas pour autant des régnicoles. Nés de père et de mère qui n’étaient pas français, ils restaient des étrangers qui ne pouvaient pas reconnaître la souveraineté du Roi et s’avouer ses sujets. Or le droit d’aubaine attribuait au roi de France la succession des étrangers morts dans son royaume, sans héritiers légitimes régnicoles.
19Il est vrai que ce droit avait depuis longtemps connu des restrictions : quelques biens en étaient préservés comme les rentes sur l’Hôtel-de-Ville, certains ressortissants étrangers y échappaient en raison des traités signés entre la France et leurs États d’origine, un droit de rétractation de 5 % de la valeur de la succession pouvant néanmoins être versé au Roi [33].
20Pourtant, si le droit d’aubaine était presque tombé en désuétude, il n’avait pas pour autant été aboli, ce qui justifiait la persistance de certaines des restrictions et des incapacités juridiques qui frappaient les étrangers. Il permettait toujours au procureur du Roi en la Chambre du domaine de faire opposition et de réclamer la succession d’un étranger. La plus grave des incapacités des étrangers était donc celle qui les empêchait de transmettre ou d’acquérir « à cause de mort ». C’est d’ailleurs la raison qu’invoquèrent les frères Homberg et leur parent Lallemand pour demander des lettres de naturalité : « quoique nés Français, [ils] sont dans l’incapacité de jouir dans le Royaume des droits des régnicoles ce qui, en rendant leur état incertain, met des limites à leur crédit, les empêche eux-mêmes d’y avoir une entière confiance et de s’attacher plus particulièrement, et sans aucune réserve, à la France… » [34].
21Étrangers, les Homberg et Lallemand étaient juifs de surcroît, ce qui limitait encore leur capacité juridique. « Un Juif n’a proprement point de domicile ; il n’a point d’état dans le Royaume «, écrivait Jean-Baptiste Denisart en 1754 [35]. Ils ne pouvaient donc acquérir de propriété immobilière. L’accès à nombre de professions, les corps de métiers notamment, leur était interdit : « Ni le sol, ni les arts ne peuvent leur fournir subsistance » [36]. Ce n’était donc pas seulement pour se préserver du droit d’aubaine qu’ils demandèrent la naturalité, ce fut aussi pour bénéficier des mêmes droits et pouvoirs que les naturels français. À titre de précédents, ils invoquèrent dans leur requête les privilèges accordés aux Juifs de Bordeaux, connus sous le nom de « Marchands portugais », en août 1550 par Henri II, confirmés et précisés à plusieurs reprises. Ils rappelaient aussi deux mesures particulières. La première se rapportait aux lettres patentes en faveur de six familles de « Juifs ou Nouveaux Chrétiens avignonnais établis à Bordeaux ». La deuxième était très récente puisqu’elle avait été accordée par Louis XVI lui-même à Cerf Berr, le syndic des Juifs d’Alsace, en mars 1775.
22En accédant à la requête des frères Homberg et de Joseph Lallemand, les lettres précisaient qu’ils étaient désormais exempts du droit d’aubaine et des confiscations ; elles décrivaient leurs droits en matière de succession et les étendaient à toute leur descendance ; elles leur accordaient enfin une pleine capacité juridique : « En conséquence nous avons permis et permettons aux dits Homberg frères et Lallemant, leurs familles et postérité, d’acquérir par contrat, donation, legs, succession ou autrement, tenir et posséder dans notre royaume, pays, terres et seigneuries de notre obéissance tous biens meubles et immeubles, de quelque nature qu’ils puissent être et d’en jouir, faire et disposer par donation, vente, testament, ordonnance et de dernière volonté, ou autrement ainsi qu’ils aviseront, en faveur de telles personnes que bon leur semblera, pourvu qu’ils soient régnicoles… ».
La conversion au catholicisme
23Les lettres de naturalité défendaient à quiconque de troubler ou de perturber leurs titulaires « en façon quelconque pour raison de leurs usages ou manière de vivre ». Bien avancée, l’intégration des Homberg n’était cependant pas encore parfaite. La conversion au catholicisme leur apparut comme une nécessité, l’aboutissement de leur assimilation dans leur pays d’élection.
24Quand les trois frères Homberg se convertirent avec les leurs en l’église Saint-Ouen de Rouen le mardi 3 mai 1785 et le vendredi suivant à Saint-Michel d’Ingouville [37], leur famille était fixée au Havre depuis soixante ans déjà. Tous trois nés dans la ville, ils n’avaient pas connu la vie nomade de leurs aïeux. Leur mère les avait certes élevés dans la religion de leurs pères et ils avaient dû respecter, en famille, les prescriptions judaïques, mais ils n’avaient probablement pas appris l’hébreu. En raison de leur isolement au Havre, les frères Homberg n’avaient pas non plus connu la vie en communauté comme leurs ancêtres à Mayence, Hambourg ou Amsterdam, comme leurs coreligionnaires de Lorraine et d’Alsace. Au Havre, pendant leur jeunesse, il n’y avait même pas de quoi constituer un groupe de dix hommes pour les prières et cérémonies traditionnelles ; il n’y avait bien sûr pas de synagogue, ni aucune structure qui pût renforcer leur conviction religieuse, rien qui pût les inciter à se maintenir dans les certitudes du peuple élu et persécuté.
25Tant qu’ils eurent cependant la conscience de leur appartenance à la nation juive et le sentiment de leur différence, il leur fut impossible de se fondre dans la population locale. La veuve Homberg envoya en conséquence tous ses fils se marier dans leur communauté d’origine aux Provinces Unies, à des jeunes filles plus ou moins apparentées, issues d’honorables et riches familles juives. Et pour ses filles, elle fit venir au Havre des prétendants, un cousin Gompertz pour l’aînée, un Oppenheimber pour la cadette. On peut supposer que les trois fils Homberg ont été circoncis lors du passage d’un mohel ambulant au Havre. À la génération suivante les circoncisions furent plus faciles pour ceux de leurs fils qui naquirent à Amsterdam et en Angleterre.
26Une génération après, les Homberg ne voulaient plus faire l’effort d’aller marier leurs enfants loin de leurs foyers. D’ailleurs, depuis les années 1770, ils n’étaient plus les seuls Juifs du Havre. Le beau-frère de Gerson et d’Éliézer Homberg, Samuel Marcus, dit Marc, était venu habiter au Havre en 1772 avec sa famille. Un Juif allemand, Wichman-Gustav Eichhof, y était installé depuis 1775 au moins quand il fit construire à Ingouville, en 1777, une raffinerie de sucre qu’il déplaça ensuite rue Beauverger au Havre. D’autres Juifs, les frères Oppenheim, dont le père était originaire de Presbourg, établirent une manufacture de verrerie dans les années 1780.
27Mais avec une maison de négoce de premier plan, il devenait nécessaire aux Homberg d’asseoir cette prospérité par des liens autres que ceux du commerce, de la finance ou de la banque. Leurs concurrents comme les Begouën Demeaux, les Foäche, les Eustache, les Feray, les Blanche, avaient tissé entre eux des alliances qui les renforçaient. Les Homberg étaient exclus de ce réseau pour cause de religion. Or ils n’avaient plus de juif que le souvenir d’une origine. Le temps était venu de le rejeter pour s’agréger à la bourgeoisie havraise, ce qui ne pouvait se faire tant qu’ils resteraient juifs de religion : pour épouser un catholique, il fallait le devenir. La religion n’étant plus considérée comme un fondement, elle n’était plus un obstacle et les Homberg se convertirent.
28Ils furent immédiatement et totalement intégrés : le 28 février 1786, Colombe-Henriette Homberg, fille de Léon, épousait en l’église Saint-François Joseph Lambert, conseiller du Roi et directeur de la Monnaie à Rouen. D’autres alliances consolidèrent la position sociale de la famille par des mariages avec des descendants d’armateurs et négociants, de juristes ou de secrétaires du Roi havrais ou rouennais, des ingénieurs de la Marine en poste au Havre, tous milieux qui formèrent le terreau de l’élite dirigeante de l’Empire et de la Restauration [38]. Les Oppenheimber, moins riches que les frères Homberg (qui faisaient partie en 1806 des 200 plus riches actionnaires de la Banque de France), formèrent pour leurs enfants des alliances moins flatteuses et moins immédiatement utiles pour leurs relations sociales au Havre même [39].
29Marie Le Masson Le Golft commenta le baptême des Homberg dans son journal : « On pense que depuis longtemps ils étaient chrétiens de cœur » [40]. Le Journal de Normandie du samedi 7 mai 1785 en fit l’un de ses titres : « Événement remarquable. Rouen. - L’abjuration collective de onze membres de la famille Homberg ». L’article précisait lui aussi que les Homberg « étaient chrétiens dans le cœur depuis longtemps » et insistait sur « la modestie et la ferveur » des néophytes. Il rappelait en outre l’importance économique de la maison de négoce des « trois frères connus non seulement dans tout le royaume, mais même à l’étranger par l’étendue de leur commerce et leur grande délicatesse dans les affaires ». L’éditorialiste des Archives israélites Hippolyte Prague y voit, pour sa part, la preuve des manœuvres de séduction du clergé : « On se rend compte que les Homberg, étant devenus de très gros personnages, furent circonvenus par les prêtres qui attachaient une importance considérable à faire entrer dans le giron de l’Église des hommes de cette notoriété » [41].
30Le clergé local dut se réjouir de cette conversion familiale, il n’y a aucun doute là-dessus, et l’on ne peut croire à une révélation religieuse irrésistible vu le grand nombre des baptisés (27 personnes au total en quelque dix-huit mois). Pour autant des machinations cléricales semblent exclues : elles étaient vraisemblablement inutiles. Les frères Homberg ne vivaient pas pour rien au siècle des Lumières, Gerson et Éliézer faisaient d’ailleurs partie en 1777 d’une loge maçonnique [42] ; sans aller jusqu’à l’athéisme, ils étaient probablement libres penseurs et, pour eux, changer de croyance n’entraînait pas de bouleversement spirituel.
31La sincérité de la conversion des frères Homberg ne semble pas pouvoir être remise en cause. On donna une éducation chrétienne aux enfants et les prescriptions religieuses furent strictement observées. L’attachement à leur nouvelle religion ne se démentit pas dans les générations suivantes. Dans sa correspondance avec ses fils, pensionnaires à Louis-le-Grand au début du règne de Louis XVIII, Madame de Boissieu, née Suzanne Homberg, les encourageait à prier avec ardeur afin que Dieu ne leur refusât pas les moyens nécessaires à leur réussite [43]. Au moment de la mort de leur grand-mère maternelle Madame Léon Homberg née Lévy-Galla, elle leur écrivit : « Ma douleur est grande, mes enfants, plus que je ne peux vous le dire, cependant je me soumets à la volonté du Très-Haut, et je tâche de me consoler en pensant aux bons enfants qu’il m’a donnés et pour lesquels je veux me conserver. Leur bonne conduite, leur attachement pour nous, est un bienfait de la Providence que je sens bien et dont je la remercie. Vous ne tromperez pas notre attente, mes bons amis, vous serez toujours bons, vertueux et attachés à votre religion. De bons fils comme vous ne peuvent être que de parfaits sujets ». Quelques jours plus tard elle exhortait son fils aîné à ne jamais négliger ses devoirs religieux : « … ils sont une base solide pour tous les autres. Un bon chrétien est toujours sûr d’être un honnête homme ». Et au moment de la confirmation de son second fils, elle souhaitait qu’il pût user amplement des dons qu’il avait reçus, qu’il n’oubliât jamais cette heureuse époque et qu’il tâchât de s’en montrer digne. Si l’attachement des Homberg à leur nouvelle religion ne se démentit pas dans leur descendance, il fallut toutefois attendre la cinquième génération pour y rencontrer des vocations religieuses.
32Les frères Homberg ne pouvaient savoir, au moment de leur conversion en 1785, que l’Académie de Metz proposerait la même année un prix à décerner en 1787 sur la question : « Est-il des moyens de rendre les Juifs plus utiles et plus heureux en France ? ». Même si, négociants et armateurs à l’esprit ouvert et curieux, ils avaient voyagé et se tenaient au courant de tout, il est peu probable qu’ils aient connu les débats qui agitaient les milieux intellectuels et judiciaires au sujet de la condition des Juifs. Pas plus que leurs contemporains, ils n’imaginaient les bouleversements qui se produiraient pendant la Révolution en France, ni le vote de l’Assemblée nationale accordant l’égalité des droits et la liberté aux Juifs le 27 septembre 1791.
33Mais, si la réflexion intellectuelle et la volonté politique avaient permis cette émancipation, elles ne pouvaient changer du jour au lendemain les mentalités et les rapports entre chrétiens et Juifs. Or les Homberg étaient des gens pragmatiques. Rien ne permet de dire que, avertis de ces événements, ils n’auraient pas malgré tout pris le parti de se convertir une fois les remous de la Révolution passés, ni que leur histoire familiale n’aurait pas connu un cheminement analogue. Au XIXe siècle, en effet, les descendants des Homberg du Havre se sont alliés aux meilleurs milieux bourgeois français, plus ou moins teintés de noblesse. Les extraits baptistaires de leurs ancêtres avaient donc rempli leur office de « billet d’entrée donnant accès à la civilisation européenne », selon le mot du poète juif allemand Henri Heine.
34?
NOTES
-
[1]
Au contraire d’autres étrangers au Havre, juifs ou protestants, à la même époque. A. E. Borély signale les instructions de Louis XIV à ses intendants en 1714, à la veille de la guerre de Sept ans, sur les mesures à prendre à l’encontre des Juifs et l’exclusion de Juifs suspects (Histoire de la ville du Havre et de son ancien gouvernement, reprint Bruxelles 1976 de l’édition de 1880-1881, Le Havre, Lepelletier, première partie, t. 3, pp. 343, 441). Il mentionne aussi les vexations et rigueurs que subirent à plusieurs reprises les protestants du Pays de Caux (ibid., t. 3, p. 433) et l’expulsion des négociants protestants Salomon Prévost et Brossard de la Poupardière, ainsi que celle de différents étrangers (ibid., t. 3, p. 436 sq.). Dans son article « Les israélites du Havre au XVIIIe siècle », Annuaire des Archives israélites de France 1888-1889, pp. 56-61, Hippolyte Prague a repris l’essentiel des travaux de Borély.
-
[2]
Quatre localités allemandes portent ce nom, contraction du terme Hohenberg, la haute ville : dans le Palatinat, dans le Westerwald entre Bonn et Coblentz, en Hesse au nord de Francfort, en Hesse au nord-est de Francfort. Il est aussi possible que les Lévy Homberg soient originaires de Homburg am (ou vor der) Hohe, localité proche de Francfort d’où sont originaires les Lallemand, parents des Homberg du Havre. Histoire de l’Académie des sciences, Paris, Libraires associés, 1766, t. 1, pp. 371-389.
-
[3]
L’une porte, d’après l’Armorial de Renesse, « d’or à deux aigles de sable l’une sur l’autre », une autre « de gueules à deux bandes d’or » ; la famille Homberg zu Vach, anoblie en 1718, porte « d’azur à un mont d’or ».
-
[4]
Archives nationales, minutier central, Lefebvre, contrat de mariage du 21 avril 1708.
-
[5]
Sa vie a été retracée par Fontenelle dans son « Éloge de Monsieur Homberg », Éloge des académiciens de l’Académie des sciences et Histoire de l’Académie des sciences, Paris, Libraires associés, 1766, t. 1, pp. 371-389.
-
[6]
Il s’agit d’Octave II Homberg (Paris XVIe, 19 janvier 1876 - Cannes, 6 juillet 1941), fils d’Octave I Homberg (Paris, 4 juin 1844 - Paris VIIIe, 30 octobre 1907) et de sa première épouse Marie-Thérèse Rendu. Octave I Homberg, ancien élève de l’École polytechnique, inspecteur des finances, fut directeur général de la Société générale, président de la Compagnie des chemins de fer de l’Ouest et de la Société générale des chemins de fer économiques, administrateur du Mokta-el-Hadid, des chemins de fer de Krivoï-Rog, censeur de la Banque de France de 1891 à 1907, officier de la Légion d’honneur. Il fut aussi un collectionneur célèbre.
Octave II Homberg, licencié en droit, agrégé de philosophie, fut reçu le 4 décembre 1899 au concours du Quai d’Orsay. Secrétaire général de la Banque de l’Indochine, il devint vice-président de la Banque de l’Union parisienne. En 1914, il fut le principal collaborateur d’Alexandre Ribot, ministre des Finances, présida la commission des changes et négocia l’emprunt américain. En 1919, il créa la Société française et coloniale et fut président de la Compagnie des eaux et de l’électricité de l’Indochine et de la Société indochinoise d’électricité. Il fut un membre influent de la synarchie. Officier de la Légion d’honneur en mars 1924, il fut ensuite promu commandeur. Comme son père, il fut un grand collectionneur. Il publia aussi de nombreux ouvrages.
De son premier mariage, avec Louise Mahot de la Quérantonnais, il eut une fille, Jacqueline, Madame Georges Régey, dont postérité subsistante. De son second mariage, avec Jeanne Bourdeau, il eut une autre fille, Béatrice, morte en bas âge. -
[7]
Octave Homberg, Les Coulisses de l’histoire. Souvenirs 1898-1928, Paris, Fayard, 1938, p. 20.
-
[8]
Ibid., p. 266.
-
[9]
Bibliothèque nationale de France, Ms. Joly de Fleury, 472, f° 15 ; Archives de la Seine-Maritime, C 2312, samedi 9 décembre 1775, lettres données à Versailles en septembre 1775 ; Paris, imprimerie de Stoupe, 1776, in 4°.
-
[10]
Archives de la Seine-Maritime, 2 E 70/629, étude Dorey-Costé, procurations 1775-1779, 4 mai 1775 : « Léon Homberg, natif de cette ville et y étant maintenant, fils aîné des défunts sieur Henri Homberg et dame Suzanne Compers, en leur vivant négociants dudit lieu… ».
-
[11]
On connaît Reine (vers 1733-1822), Mme David-Salomon Gompertz, sans descendance ; Hélène (1734-1802), Mme Jean-Baptiste Michel Oppenheimber, dont descendance ; Louis-Léon (1736-1809), marié vers 1767 à Élisabeth-Clarisse Lévy-Galla (vers 1748-1818), dont descendance ; Gerson-Grégoire (vers 1739-1817), marié en 1770 à Marie-Anne Lévy-Shabracq (vers 1747-1812), dont un fils ; Éliézer-Édouard (né vers 1742) marié à Judith Lévy-Shabracq, dont une fille, puis à Pauline-Bérénice Philips (née vers 1760) ; Suzanne, morte jeune.
-
[12]
Joseph Élias, dit Élias Gompertz (décédé à Clèves le 28 juin 1689, inhumé à Emmerich), banquier à Emmerich, puis à Wesel, et enfin à Clèves, directeur des Monnaies de l’Empire, fut l’un des hommes les plus riches de son temps. Il avait créé à Emmerich une banque qui étendait ses ramifications dans le monde entier avec des succursales à Vienne, Rome et Constantinople. Fournisseur des armées du Grand Duc, sa fortune s’élevait à plus de cent mille thalers, somme énorme pour l’époque, son train de vie était princier. Époux de Sarah Myrjam Bendit alias Benedict (décédée à Clèves le 20 novembre 1691), fille du banquier Baruch Bendit (décédé à Juliers le 20 janvier 1641).
Benedickt alias Bendikt Gompertz Clèves (décédé à Nimègue le 29 avril 1754), banquier, fournisseur des armées, s’établit vers 1702 à Nimègue. Le 3 septembre 1725, il conclut le contrat de rachat de la Frise occidentale par les Pays-Bas, pour une somme de 820 000 guilders, qu’il fournit. Il avait épousé en premières noces Röschen Gompertz (morte en 1709), sœur de Jacob Gompertz Clèves ; il se remaria à Judith Rheinganum, de Mannheim, fille de Meyer Rheinganum, dont descendance. Mozes Lewin Gompertz (mort en 1762 à Duisburg, inhumé le 4 février 1762 à Emmerich) s’établit à Berlin comme banquier ; le 12 juin 1715, le roi Frédéric-Guillaume Ier le nomma fournisseur de sa cour. En 1719 il créa une fabrique de tabac puis, en 1723, une fabrique de monnaies. Il signa cette même année avec le roi un contrat lui assurant l’exclusivité de l’émission de monnaies. -
[13]
Théodore Homberg, Souvenirs, Archives familiales.
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[14]
Archives du Havre, HH 35, 1769.
-
[15]
Ibid., BB carton 15, liasse 122, 3 février 1770.
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[16]
Joseph Lallemand, ou Lallemant ou Lallement, avait une sœur, Hanna Moïse Lallemand, épouse en premières noces de Joseph Caïn, marchand de Hombourg, et en secondes noces de Josué Salomon, rabbin de Marburg. Sa fille Thérèse Caïn épousa Mayer Brach de Nidervisse (Moselle), fils de Bernard Brach, marchand, et de Babeth Veil, par contrat du 12 décembre 1780 chez Garnier à Paris. Joseph Lallemand, oncle de la mariée, fut représenté à ce mariage par Jacob Goldschmidt en vertu d’une procuration passée la 14 novembre 1780 devant Costé, notaire au Havre (Archives nationales, minutier central, étude XXXVIII, 632, recherches de Michel Sicsic). On peut noter qu’un Joseph Lallemand, « d’Ambourg », installé depuis dix ans à Paris en 1742 et honorablement connu, proteste contre une arrestation injuste (Documents modernes sur les Juifs XVIe-XXe siècles, t. 1, Dépôts parisiens, sous la direction de Bernhard Blumenkranz, Toulouse, Éditions Privat, coll. « Franco-judaica », 1979, p. 434). Sur sa naissance à Hombourg, voir A. E. Borély, op. cit., t. 3, p. 444.
-
[17]
Archives de la Seine-Maritime, 2 E 70/584, étude Dorey-Costé, procurations 1756-1760, 26 avril 1757.
-
[18]
Archives nationales, F 12/95 f° 598, Inventaire du Conseil de commerce.
-
[19]
Archives départementales de Seine-Maritime, Quittances du banquier de la Marine Tourton à Paris, 2E 70/595, 22 mai 1761, 12 mars 1762 ; 2E 70/606, 6 mai 1766.
-
[20]
La galiote était un voilier de forme ronde utilisé par les Hollandais
-
[21]
Archives du Havre, HH 77, copie d’une lettre du duc de Praslin relative au navire appartenant à Madame Homberg et ayant fait naufrage sur la pointe du S/Hagen en 1766.
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[22]
Le senau, comme le brigantin (ou brick), est un voilier à deux mâts.
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[23]
Dépouillement de la série 6 P 6, volumes 1 à 17 (1750-1789) conservée aux Achives départementales de Seine-Maritime.
-
[24]
La seule paye de deux mois d’avance à l’équipage revenait à quelque six mille livres pour un armement négrier, triangulaire, vers Saint-Domingue, soit trois fois plus que pour un armement direct.
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[25]
Ce bâtiment était le plus grand navire armé au Havre pour la traite des « nègres ».
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[26]
Archives de la Seine-Maritime, C 1692. En 1772 déjà, les Homberg payaient 36 livres au titre de la capitation, ibid., C 356.
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[27]
En 1787 leur correspondant à New York était J. J. Coulougnac et Cie. Voir Pierre Dardel, Navires et marchandises dans les ports de Rouen et du Havre au XVIIIe siècle, Paris, SEVPEN, 1963, p. 120.
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[28]
Le coût de l’armement comprend la solde de l’équipage pour deux mois. Pour aller aux Antilles, le capitaine d’un vaisseau marchand était payé 100 livres par mois jusqu’en 1776. Après la guerre d’Indépendance américaine, sa solde montait à 120 livres par mois.
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[29]
Pierre Dardel, Commerce, industrie et navigation à Rouen et au Havre au XVIIIe siècle. Rivalité croissante entre ces deux ports. La conjoncture, Rouen, Société libre d’émulation de la Seine-Maritime, 1966, p. 168 sq.
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[30]
Thierry du Pasquier, Les Baleiniers français de Louis XVI à Napoléon Ier, Paris, Éditions Henri Veyrier, 1990, pp. 95, 102, 105, 106, 114, 192.
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[31]
Pierre Dardel, Commerce…, op. cit., p. 169.
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[32]
Chiffres donnés par Philippe Barrey, Le Havre maritime du 16e au 18e siècle, Paris, 1917, p. 272, et repris par Pierre Dardel, ibid.
-
[33]
Marcel Marion, Dictionnaire des institutions de la France aux XVIIe et XVIIIe siècles, réédition Paris, 1979, p. 29 ; Anne Lefebvre-Teillard, Introduction historique au droit des personnes et de la famille, Paris, PUF, 1996, p. 24 sq. ; Jean-François Dubost et Peter Sahlins, Et si l’on faisait payer les étrangers ? Louis XIV, les immigrés et quelques autres, Paris, Flammarion, 1999.
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[34]
Lettres patentes qui accordent à Léon, Gerson et Éliézer Homberg frères, et à Joseph Lallemant, Juifs du Havre, le droit des régnicoles, enregistrées en la chambre des comptes au parlement de Rouen le samedi 9 décembre 1775, cf. note 10.
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[35]
Paul Hildenfinger, Documents sur les Juifs à Paris au XVIIIe siècle. Actes d’inhumation et scellés, Paris 1913, p. 34 sq. et 47, citant Jean-Baptiste Denisart, Collection de décisions nouvelles et de notions relatives à la jurisprudence, Paris, 1775, t. 3, p. 423.
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[36]
Daniel Roche, « Juifs et Gentils à la veille de la Révolution », in Juifs en France au 18e siècle, sous la direction de Bernhard Blumenkranz, Paris, Commission française des archives juives, coll. « Franco-Judaica », 1994, p. 185.
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[37]
Quant aux Oppenheimber, le baptême des parents et de huit de leurs enfants eut lieu le jeudi 11 mai 1786 à Saint-Michel d’Ingouville. Un autre fils Oppenheimber, absent le jour de ce baptême, fut à son tour baptisé dans la même église le 20 septembre suivant. L’aînée des filles d’Henri et de Suzanne Homberg, Reine, épouse de David-Salomon Gompertz, qui n’avait pas d’enfants, désira demeurer dans la religion de ses pères.
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[38]
Mariage en 1787 de la fille unique d’Édouard-Éliézer Homberg avec Joseph-François Tôchon, avocat et docteur en droit, d’une ancienne famille de robe d’Annecy, qui devint député d’Annecy en 1815 et fut élu à l’Académie des inscriptions et belles-lettres. En 1798, mariage de Henri-Théodore, fils unique de Grégoire-Gerson Homberg, avec Armande-Françoise Eustache, descendante d’anciens armateurs du Havre et, par sa grand-mère paternelle, des Le Couteulx, importants négociants, banquiers et armateurs rouennais. En 1801, union de Suzanne, fille de Léon Homberg, avec un ingénieur de la Marine, Jean-Joseph de Salvaing de Boissieu, qui termina sa carrière comme directeur du génie maritime et fut fait baron héréditaire en 1824. En 1810, mariage d’une autre fille de Léon Homberg, Marie-Anne, avec un inspecteur général des Ponts et Chaussées, commandeur de la Légion d’Honneur, Jean-Joseph Le Tellier. Enfin en 1810 encore, union d’Eugène-Vivien, fils de Léon Homberg, avec Pauline Blanche, descendant de très anciennes et importantes familles d’armateurs havrais, en particulier du côté maternel des Longue-marre.
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[39]
Leur fils épousa la fille d’un petit banquier parisien ; de leurs trois filles, l’une épousa un pharmacien fraîchement installé au Havre, la seconde un sous-commissaire de la Marine qui finit cependant sa carrière comme inspecteur, la dernière un libraire et imprimeur de Sens, fils d’un premier consul de cette ville. Voir Erik Noël, « Les Oppenheimer, une famille de négociants au Havre et à Rouen à la fin du XVIIIe siècle », Revue du Cercle de généalogie juive, printemps 1998, pp. 4-8.
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[40]
Marie Le Masson Le Golft, Le Havre au jour le jour de 1778 à 1790, Rouen, Société d’histoire de la Normandie, 1999, pp. 120, 128.
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[41]
H. Prague, op. cit.
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[42]
Gerson y exerçait les qualités maçonniques de substitut du trésorier, Éliézer de premier expert avec le grade de Maître Bleu secret. Voir Michel Lécureur et Olivier Pringard, La Franc-maçonnerie au Havre, 1738-1815, Luneray, éd. Bertout, 1994, pp. 84-85.
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[43]
Anne Mézin, Pierre de Boissieu, De mère en fille. Les Salvaing de Boissieu, 1800-1880, Paris, 1998, pp. 69, 85, 86, 98.