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Article de revue

Rumeurs et Révolution : la saison des massacres de septembre 1792

Pages 3 à 31

Notes

  • [1]
    Jean Nicolas, La Rébellion française. Mouvements populaires et conscience sociale, 1661-1789, Paris, Le Seuil, 2002, p. 19. Ce sens est à distinguer de l’acception étymologique première du terme. Jean-Luc Fray, « Bruits, rumeurs et fausses Nouvelles à l’époque médiévale. Une esquisse méthodologique et historiographique (espace "français" et comparaisons européennes) », dans Philippe Bourdin et Stéphane Le Bras (dir.), Les Fausses Nouvelles. Un millénaire de bruits et de rumeurs dans l’espace public français, Clermont-Ferrand, PUBP, 2018, p. 37.
  • [2]
    Philippe Aldrin, Sociologie politique des rumeurs, Paris, PUF, 2005, p. 18-21.
  • [3]
    Marc Bloch, « Réflexions d’un historien sur les fausses nouvelles de la guerre », Revue de synthèse historique, 1921, vol. 33, p. 13-55.
  • [4]
    À la suite des travaux de Gordon Allport et Leo Postman, The Psychology of Rumor, New York, J. Holt and Co, 1947. Sur les apports que l’historien de la Révolution peut tirer de ces travaux de la psychologie sociale anglo-saxonne de la seconde moitié du xxe siècle : Timothy Tackett, « Rumor and Revolution : The case of the September Massacres », French History and Civilization, 2011, vol. 4, p. 56-57.
  • [5]
    Philippe Aldrin, « L’impensé social des rumeurs politiques. Sur l’approche dominocentrique du phénomène et son dépassement », Mots. Les langages du politique, 2010, n° 92, p. 23-24.
  • [6]
    Ibid.
  • [7]
    Arlette Farge estime en particulier que l’échange des rumeurs ouvre, au xviiie siècle, un cadre où les plus démunis délibèrent des affaires politique du moment (Arlette Farge, « Rumeur, espace et société au xviiie siècle », dans Françoise Reumaux, Les Oies du capitole ou les raisons de la rumeur, Paris, CNRS éd., 1999, p. 67-74).
  • [8]
    François Ploux, De bouche à oreille. Naissance et propagation des rumeurs dans la France du xixe siècle, Paris, Aubier, 2003, p. 58.
  • [9]
    On ne saurait plus, cependant, résumer à cette seule dimension « psychopathologique » l’analyse des rumeurs, comme les sociologues le firent longtemps, à l’image de Michel-Louis Rouquette, « Le syndrome de rumeur », Communications, 1990, vol. 52, p. 119-123.
  • [10]
    Ainsi que l’écrit François Ploux, la rumeur est à la fois « symptôme et agent », produit d’un imaginaire social qu’elle contribue à alimenter et à façonner. François Ploux, De bouche à oreille.. op. cit., p. 12.
  • [11]
    Yves-Marie Bercé, Histoire des croquants ; étude des soulèvements populaires en France au xviie siècle dans le sud-ouest de la France, Paris-Genève, Mouton-Droz, 1973.
  • [12]
    Alain Corbin, Le Village des cannibales, Paris, Aubier, 1990 ; Pierre Triomphe, « Des bruits qui courent aux mots qui tuent. Rumeurs et violences dans le Gard en 1815 », Revue d’histoire du xixe siècle, 2008, vol. 36, p. 59-73.
  • [13]
    Bronislaw Bazcko, Comment sortir de la Terreur. Thermidor et la Révolution, Paris, Gallimard, 1989, p. 41.
  • [14]
    Georges Lefebvre, La Grande Peur de 1789, Paris, Armand Colin, 2014 (rééd.).
  • [15]
    David Andress, Massacre at the Champ de Mars. Popular Dissent and Political Culture in the French Revolution, London, Royal Historical Society-Boydell Press, 2000.
  • [16]
    Arnaud de Lestapis, La « Conspiration de Batz » (1793-1794), Paris, Société des Études robespierristes, 1969.
  • [17]
    Bronislaw Baczko, Comment sortir…, op. cit., p. 15-56.
  • [18]
    Il n’est, au départ du moins, que peu de chose en commun entre la peur des brigands, née « par en bas », plus ou moins simultanément en différents points du royaume durant les mois de juillet-août, et la rumeur savamment pensée et mise en circulation à des fins stratégiques « par en haut », depuis des Comité de Gouvernement pariant sur la crédulité populaire pour l’emporter, dans la nuit du 9 au 10 Thermidor, dans le cas du « Robespierre-roi ».
  • [19]
    Lindsay Porter, Popular Rumour in Revolutionary Paris, 1792-1794, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2017.
  • [20]
    Pierre Caron, Les Massacres de septembre 1792, Paris, Maison du Livre français, 1935. Les recherches ultérieures ont permis de compléter et d’affiner sa démonstration. Haïm Burstin, L’Invention du sans-culotte. Regards sur le Paris révolutionnaire, Paris, Odile Jacob, 2005, p. 195-226 ; Jean-Clément Martin, Violence et Révolution. Essai sur la naissance d’un mythe national, Paris, Le Seuil, 2006, p. 140.
  • [21]
    Pierre Caron, Les Massacres…, op. cit., p. 24.
  • [22]
    Timothy Tackett, « Rumor and Revolution… », art. cit.
  • [23]
    Selon le recensement qu’en propose Pierre Caron, Les Massacres…, op. cit., p. 394-410.
  • [24]
    En cela, ils relèvent du modèle des « massacres réduits » proposé par David El Kenz (dir.), Le Massacre, objet d’histoire, Paris, Gallimard, 2005, p. 7-9.
  • [25]
    Timothy Tackett est parmi les rares à intégrer ces violences provinciales à l’analyse des tensions extrêmes qui conduisent à une nouvelle accélération du processus révolutionnaire durant l’été 1792 (Timothy Tackett, Anatomie de la terreur…, op. cit., p. 226). Pour une vue approfondie de certains de ces massacres, voir Donald Sutherland, « Justice and Murder. Massacres in the Provinces. Versailles, Meaux and Reims in 1792 », Past and Present, vol. 222, 2014, p. 129-163 ; Côme Simien, Les Massacres de septembre 1792 à Lyon, Lyon, Éd. Aléas, 2011.
  • [26]
    Sans ignorer ici la difficulté inhérente à toute saisie des rumeurs dans des cultures qui demeuraient encore largement orale et où le cheminement d’un bruit ne laissait donc que peu de traces écrites. Bronislaw Baczko, Comment sortir…, op. cit., p. 18.
  • [27]
    De même qu’il y avait eu, naguère, une « saison des Saint-Barthélemy ». Janine Garrisson, Tocsin pour un massacre : la saison des Saint-Barthélemy, Paris, Éd. d’Aujourd’hui, 1975.
  • [28]
    Sur les croyances récurrentes en matière de complot contre la Révolution, les groupes sociaux qu’elles atteignent et les périodes de crise durant lesquelles cet imaginaire circule avec le plus d’intensité : Peter R. Campbell, Thomas E. Kaiser et Marisa Linton (dir.), Conspiracy in the French Revolution, Manchester, Manchester University Press, 2007 ; Timothy Tackett, « Conspiracy Obsession in a Time of Revolution : French Elites and the Origins of the Terror, 1789-1792 », American Historical Review, 2000, vol. 105, p. 691-713.
  • [29]
    Fin août, le bruit circule par exemple dans la capitale que le pain distribué aux enfants de la Pitié et de la Salpêtrière est mêlé de verre pilé. Frédéric Braesch (éd.), Procès-verbaux de l’Assemblée générale de la section des Postes, 1790-1792, Paris, Hachette, 1911, p. 225. Sur la peur du « pacte de famine », voir Steven Kaplan, Le complot de famine. Histoire d’une rumeur au xviiie siècle, Paris, Armand Colin, 1982.
  • [30]
    Alors qu’il est en réalité passé à l’ennemi avec son état-major, on croit savoir que Lafayette avance sur Paris à la tête de 50 000 émigrés. Le 28 août, on affirme que l’ennemi prussien est déjà aux abords de Sainte-Ménehould, lors même que le siège de Verdun, plus à l’Est, n’a pas encore débuté. Le 2 septembre, on imagine les Prussiens déjà à Châlons, soit deux fois plus près de Paris qu’ils ne le sont en réalité…
  • [31]
    On affirme que 400 nobles se seraient échappés des Tuileries le 10 août et se cacheraient maintenant sous terre, attendant leur heure pour frapper les patriotes ; on raconte également que d’énormes caches d’armes se trouveraient sous le Panthéon et le Palais-Royal en prévision d’un coup de force royaliste. Timothy Tackett, Anatomie…, op. cit., p. 222-223.
  • [32]
    L’Assemblée législative serait sur le point de fuir Paris puis de négocier avec les ennemis de la Révolution ou compterait installer le duc d’York sur le trône ; le ministre de la guerre abriterait des ennemis dans sa maison ; le tribunal institué le 17 août pour juger les assassins du 10 août, trop lent, trop clément, serait de mèche avec les ennemis du peuple…« Nous sommes vendus de tous côtés » s’écrie alors la fille d’un commissaire de section siégeant à la Commune insurrectionnelle de Paris. Louis de Launay (éd.), Une famille de la bourgeoisie parisienne pendant la Révolution, Paris, Perrin, 1921, p. 308.
  • [33]
    Côme Simien, Les Massacres…, op. cit., p. 40 et suivantes.
  • [34]
    Ibid., p. 64.
  • [35]
    AM Lyon, 784 WP 034 1, Pétition de la société populaire de Pierre-Scize au Club central, 10 septembre 1792 et Adresse des citoyennes de la section Saint-Georges au ministre de l’Intérieur, s.d. – Procès-verbaux des délibérations des séances des Corps municipaux de la ville de Lyon, vol. 3, Lyon, Imprimerie Nouvelle Lyonnaise, 1902, séance du 2 septembre, p. 278.
  • [36]
    SHD, B31, Lettre de Vitet à Servan, ministre de la Guerre, 28 août 1792.
  • [37]
    Journal de Lyon ou Moniteur du département de Rhône-et-Loire, 15 août 1792.
  • [38]
    AM Lyon 1401 WP 133, Lettres de Vitet aux procureur généraux syndics des départements de l’Isère et de Rhône-et-Loire, 11 août 1792.
  • [39]
    AN, F7457510, Lettre de Saint-Charles au ministre des Affaires étrangères, 6 septembre 1792.
  • [40]
    Journal de Lyon ou Moniteur du département du Rhône et Loire, 10 septembre 1792.
  • [41]
    François Ploux, De bouche à oreille…, op. cit., p. 122.
  • [42]
    Id., « La ville des "libelles parlés". Rumeurs et bruits publics à Paris sous la Première Restauration », dans Philippe Bourdin et Stéphane Le Bras (dir.), Les Fausses Nouvelles…, op. cit., p. 85-86.
  • [43]
    Timothy Tackett, « Rumor and Revolution… », art. cit., p. 62.
  • [44]
    Voir Marcel Reinhard, 10 août 1792. La Chute de la Royauté, Paris, Gallimard, 1969.
  • [45]
    La solution monarchique est condamnée, de même que la famille régnante. La République n’est pourtant guère évoquée avant le 22 septembre 1792. Michel Biard, Philippe Bourdin, Hervé Leuwers et Pierre Serna (dir.), 1792. Entrer en République, Paris, Armand Colin, 2013.
  • [46]
    Édouard Lockroy (éd.), Journal d’une bourgeoise pendant la Révolution, 1791-1793, Paris, Calmann Lévy, 1881, p. 262. Sur ces lettres et Rosalie Jullien : Annie Duprat (éd.), « Les affaires d’Etat sont mes affaires de cœur ». Lettres de Rosalie Jullien, une femme dans la Révolution, 1775-1810, Paris, Belin, 2016.
  • [47]
    Oscar Browning (éd.), The despatches…, op. cit., p. 215.
  • [48]
    Lindsay Porter, Popular rumour…, op. cit., p. 1-35.
  • [49]
    Timothy Tackett, « Rumor and Revolution… », art. cit. p. 56. Voir également François Ploux, De bouche à oreille…, op. cit., p. 62.
  • [50]
    Rosalie Jullien, le 26 août, rapporte à son mari la nouvelle de la chute de Longwy, en ajoutant : « la nouvelle est officielle mais elle n’est pas détaillée », ce qui lui fait penser qu’il y aurait peut-être quelque trahison inavouable derrière la reddition de la place forte lorraine. Édouard Lockroy (éd.), Journal…, op. cit., p. 261.
  • [51]
    Procès-verbaux des délibérations des séances des Corps municipaux de la ville de Lyon…, op. cit., vol. 3, p. 278.
  • [52]
    SHD, B32, Lettre de Vitet à Servan, ministre de la guerre, 9 septembre 1792.
  • [53]
    « On croit aisément ce qu’on a besoin de croire », écrivait Marc Bloch à propos de la diffusion des fausses nouvelles. Marc Bloch, « Réflexions d’un historien… », art. cit., p. 13-35.
  • [54]
    Georges Lefebvre note qu’on a alors cru d’autant plus aisément que les brigands arrivaient qu’on les attendait : La Grande Peur…, op. cit., p. 167.
  • [55]
    Il faudrait également prendre en compte des ingrédients qui prolongent l’effet de la rumeur et rendent possible le déclenchement des mises à mort, tel que le rôle de la parole violente et de la déshumanisation de l’adversaire, condition déjà ancienne pour un massacre sans culpabilité (voir Natalie Z. Davis, Les Cultures du peuple. Rituels, savoirs et résistances au xvie siècle, Paris, Aubier, 1979, p. 284). Les imaginaires populaires pérennes de la violence souveraine et du crime de lèse-majesté, ou la patience déçue des militants patriotes à l’égard des autorités, ont également été décisifs. Voir Paolo Viola, « Violence révolutionnaire… », art. cit. et Sophie Wahnich, La Longue patience du peuple. 1792, la naissance de la République, Paris, Payot, 2008.
  • [56]
    Réimpression de l’Ancien Moniteur…, op. cit., vol. 13, p. 460 (numéro du 26 août 1792).
  • [57]
    À commencer, peut-être, par l’action efficace d’autorités locales reconnues par la population et non convaincues elles-mêmes par le bien-fondé de la rumeur. Le poids de ce type d’intervention est également avancé par Georges Lefebvre pour comprendre les cas de non-grande peur, en Bretagne notamment. Georges Lefebvre, La Grande Peur…, op. cit., p. 187-188.
  • [58]
    Sont principalement concernés par les massacres, outre Paris, les abords de la capitale, la Champagne et les Ardennes, la vallée du Rhône, la Provence ainsi que le Bordelais. Timothy Tackett, Anatomie…, op. cit., p. 224-227.
  • [59]
    Id., « Rumor and Revolution… », art. cit., p. 58.
  • [60]
    AN, F1CIII Marne 4, Rapport des Commissaires du pouvoir exécutif à Châlons au Conseil Exécutif Provisoire, 11 septembre 1792. Voir aussi la Réimpression de l'Ancien Moniteur, t. XIII, p. 698.
  • [61]
    C’est là une dimension essentielle et durable des foules émeutières, comme le souligne Arlette Farge pour le xviiie siècle parisien, où les émotions populaires étaient moins mues par une volonté de rupture qu’elles ne se pensaient comme un point de jonction entre un ordre qui faisait défaut et un avenir mal assuré. Arlette Farge, La Vie fragile. Violence, pouvoirs et solidarités à Paris au xviiie siècle, Paris, Le Seuil, 1986, p. 296-296.
  • [62]
    Pierre Caron, Les Massacres…, op. cit., p. 368. Oscar Havard, Histoire de la Révolution dans les ports de guerre. Toulon, Paris, Nouvelle Librairie Nationale, 1912-1913, p. 92-114.
  • [63]
    Si l’on en croit le propos de C. Lourde, Histoire de la Révolution à Marseille et en Provence, t. 2, Marseille, Senès, 1839, p. 112.
  • [64]
    Sur ce sentiment de souveraineté des foules de septembre 1792, déjà identifiée par Pierre Caron : Paolo Viola, « Violence révolutionnaire… », art. cit., et Sophie Wahnich, La Longue Patience…, op. cit.
  • [65]
    AN, F736911, Procès-verbal des événements survenus dans la ville de Castres le 21 et 22 juillet 1792.
  • [66]
    C’est en tout cas ce qu’avance Anarchasis Combes, Histoire de la ville de Castres et de ses environs pendant la Révolution française, Castres, Lucien Granier, 1875, p. 82.
  • [67]
    Côme Simien, « Septembre 1792 : un mois de massacres en clair-obscur », dans Philippe Bourdin (dir.), Les Nuits de la Révolution française, Clermont-Ferrand, PUBP, 2013, p. 61-78.
  • [68]
    Timothy Tackett, « Rumor and Revolution… », art. cit., p. 63.
  • [69]
    Voir la retranscription de ces rapports dans Oscar Browning (éd.), The Despatches…, op. cit., p. 213-230.
  • [70]
    Jeremy Popkin note que les journaux de la Révolution ont imprimé beaucoup de rumeurs non vérifiées, et refusaient dans le même temps d’admettre le manque de certitude de leurs informations. Il souligne également que, même à Paris, la rumeur précédait toujours les journaux, mais que ce sont eux, ensuite, qui en apportaient les détails. Jeremy D. Popkin, « La presse et les événements politiques en France, 1789-1799 », dans Mélanges de l’École française de Rome, 1992, vol. 104-1, p. 161-173.
  • [71]
    Bronislaw Baczko, Comment sortir…, op. cit., p. 18 ; Lindsay Porter, Popular Rumour…, op. cit., p. 69-104.
  • [72]
    On sait que la dénonciation de complots (réels ou supposés) contre la Révolution et le peuple est omniprésente sous la plume de Marat, dans son Ami du Peuple. Il est vrai toutefois que celui cesse, un temps, fin août 1792, d’être publié. Serge Bianchi, Marat, Paris, Belin, 2018, p. 55-56.
  • [73]
    Réimpression de l’ancien Moniteur, vol. 13, Paris, Plon, 1862.
  • [74]
    Le Journal de Lyon ou Moniteur du département de Rhône-et-Loire en offre un bon exemple, en août-septembre 1792.
  • [75]
    Édouard Lockroy (éd.), Journal…, op. cit., p. 286.
  • [76]
    AM Lyon, 784 WP 034-1, Lettre de Benoit Desvignes au maire de Lyon, s.d. (fin août-début septembre 1792).
  • [77]
    Frédéric Braesch (éd.), Procès-verbaux…, op. cit., p. 243.
  • [78]
    On sait que cet arrêté est également discuté par la section Molière-et-La Fontaine, le 3 septembre. Ibid.
  • [79]
    À Lyon, ce sont les clubs qui jouent par exemple un rôle dans la propagation des rumeurs relatives aux complots visant à affamer le peuple. AM Lyon, 784 WP 034 1, Pétition de la société populaire de Pierre-Scize au Club central, 10 septembre 1792 et Adresse des citoyennes de la section Saint-Georges au ministre de l’Intérieur, s.d. À Toulon, le citoyen Sylvestre semble évoquer, le 27 juillet, la veille des massacres, à la tribune du Club de la ville, les complots des nobles, des prêtres et des administrateurs du département, si l’on en croit Oscar Havard, Histoire de la Révolution… op. cit., p. 92-93.
  • [80]
    Timothy Tackett, « Rumor and Revolution… », art. cit., p. 54-64.
  • [81]
    François Ploux, De bouche à oreille…, op. cit., p. 117.
  • [82]
    AN, F736593, Extrait du registre des délibérations de la municipalité de Marseille, 21 juillet 1792.
  • [83]
    Ibid.
  • [84]
    La société populaire de la section Saint-Nizier, le 23 août, évoque les projets contre-révolutionnaires des deux corps de cavaleries stationnés dans la ville. AM Lyon, 2 I 002, Pétition de la Société des amis de la Liberté et de l’Égalité, section de Saint-Nizier, 23 août 1792.
  • [85]
    Convaincus par la réalité du complot, le maire et la municipalité font prendre des mesures pour empêcher la sortie de la ville du régiment Royal-Pologne et ordonnent l’arrestation de ses officiers. Côme Simien, Les Massacres… op., cit., p. 33-37.
  • [86]
    Eugène Moutarde, « Un témoin de la Révolution française : journal de Benjamin Cuendet de Sainte-Croix (Suisse), officier de la Garde nationale à Lyon, 1769-1815 », Revue d’histoire de Lyon, 1914, vol. 13, p. 113.
  • [87]
    Bronislaw Baczko. « Les peurs de la Terreur », dans Jacques Berchtold et Michel Porret (dir.), La Peur au xviiie siècle. Discours, représentation, pratiques, Genève, Droz, 1994, p. 75-76.
  • [88]
    Marie-Luce Llorca (éd.), Lettres parisiennes d’un révolutionnaire poitevin. Pierre Dubreuil-Chambardel, député à la Législative et à la Convention, Tours, PUFR, 1994, p. 60-62.
  • [89]
    Le 29 août, elle écrit à son fils « Je vous écrirais tous les jours si je n’avais pas peur de vous donner de fausses nouvelles. Il faut attendre la confirmation pour ne point dire des sottises qu’il faut ensuite effacer ». Édouard Lockroy (éd.), Journal…, op. cit., p. 277.
  • [90]
    Le 1er septembre, à propos d’une supposée reprise de Longwy : « On confirme vraiment la reprise de Longwy. On vient encore de me l’assurer. Comme on croit facilement ce qu’on désire ! ». Ibid., p. 287.
  • [91]
    Ibid., p. 289.
  • [92]
    Peu avant, cela avait déjà été le cas pour la rumeur sur la « patrie en danger » (printemps-été 1792), voir Sophie Wahnich, « La patrie en danger, rumeur et loi », Hypothèses, 2001-1, vol. 3, p. 293-302.
  • [93]
    Sur les 21 correspondances de personnes issues des classes moyennes et des élites de la capitale étudiées par T. Tackett, seules 3 condamnent ou évitent de parler des massacres. Timothy Tackett, « Rumor… », art. cit., p. 55.
  • [94]
    Voir Frédéric Bluche, Septembre 1792 : logiques d’un massacre, Paris, R. Laffont, 1986.
  • [95]
    Côme Simien, « Un ministre face aux massacres de septembre 1792 », dans Michel Biard et Hervé Leuwers (dir.), Danton, le mythe et l’histoire, Paris, Armand Colin, 2016, p. 55-69. Marcel Dorigny, « Violence et Révolution : les Girondins et les massacres de septembre », dans Albert Soboul (dir.), Girondins et Montagnards, Paris, SER, 1980, p. 103-120.
  • [96]
    Hippolyte Taine, Les origines de la France contemporaine, vol. 5., La Révolution. La conquête jacobine, Paris, Hachette, 1904 ; Frédéric Bluche, Septembre…, op. cit., p. 103-121.
  • [97]
    On retrouve de semblables phénomènes au cours du siècle suivant. François Ploux, De bouche à oreille…, op. cit., p. 116.
  • [98]
    Ibid.
  • [99]
    Outre les lettres de Rosalie Jullien (vers la Drôme) et de Chambardel (vers le Poitou), déjà évoquées, songeons à celle du Législateur Couthon (vers l’Auvergne). Francisque Mège (éd.), Correspondance inédite de Georges Couthon, député du Puy-de-Dôme à l’Assemblée législative et à la Convention, Clermont-Ferrand, Académie de Clermont-Ferrand, 1871, p. 249.
  • [100]
    « La Commune de Paris se hâte d’informer ses frères de tous les départements qu’une partie des conspirateurs féroces détenus dans ses prisons a été mise à mort par le peuple : actes de justice qui lui ont paru indispensables pour retenir par la terreur les légions de traîtres cachés dans ses murs, au moment où il allait marcher à l’ennemi ». Cité par George Rudé, La Foule dans la Révolution française, Paris, Éd. François Maspéro, 1982, p. 132.
  • [101]
    Marcel Dorigny, « Violence et Révolution… », art. cit., p. 103-120.
  • [102]
    Jeremy Popkin, La Presse de la Révolution. Journaux et journalistes (1789-1799), Paris, Odile Jacob, 2011.
  • [103]
    Eugène Moutarde, « Un témoin… », art. cit., p. 22.
  • [104]
    Malouët rapporte en ces termes le propos que lui aurait tenu un paysan de Gennevilliers, où il se cachait alors, le 3 septembre 1792, à propos des massacres des prisons parisiennes alors en cours : « Aussi, c’est bien terrible que ces aristocrates voulussent tuer tout le peuple en faisant sauter la ville ! ». Pierre-Victor Malouët, Mémoires, t. 2, Paris, Éd. Plon, 1874, p. 243-244.
  • [105]
    Sur la complexité des relations Paris-province durant les années 1791-1793, se référer à Maxime Kaci, Dans le tourbillon de la Révolution. Mots d’ordre et engagements collectifs aux frontières septentrionales (1791-1793), Rennes, PUR, 2016.
  • [106]
    Memoirs of the Life of sir Samuel Romilly, written by himself with a selection from his Correspondence, vol. 2, Londres, John Murray, 1840, p. 7-8.
  • [107]
    Jacques Bernet (éd.), Le Journal d’un maître d’école d’Île-de-France, 1771-1792, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2000, p. 255.
  • [108]
    Côme Simien, « Un ministre… », art. cit., p. 64.
  • [109]
    Sur ces deux massacres, se référer à Donald Sutherland, « Justice and Murder… », art. cit.
  • [110]
    Sur les inquiétudes éprouvées par la police, au xviiie siècle, à l’égard des « faux bruits » : Vincent Milliot, “L’Admirable police”. Tenir Paris au siècle des Lumières, Seyssel, Champ Vallon, 2016.
  • [111]
    Alfred Fray-Fournier, Le Département de la Haute-Vienne sa formation territoriale, son administration, sa situation politique pendant la Révolution, Limoges, Henri Charles-Lavauzelle Imprimeur, 1908, t. 2, p. 186-201.
  • [112]
    Marius Tallon, Les Vans. Histoire civile, politique et religieuse, t. III, Nîmes, Editions Lacour, 2007, p. 171-173.
  • [113]
    Maxime Kaci, Dans le tourbillon…, op. cit., p. 149.
  • [114]
    Ibid., p. 146-147 et Dr. Antoine Lapierre, Campagne des Emigrés dans l'Argonne en 1792, Sedan, Librairie Genin, 1911, p. 40.
  • [115]
    C’est également le constat de Maxime Kaci pour la zone frontalière du Nord-Est, Ibid. Sur la notion d’« enracinement » de la violence : Daniel Roche, « La violence vue d’en bas. Réflexions sur les moyens de la politique en période révolutionnaire », Annales, E.S.C., 1989, vol. 44-1, p. 52.
  • [116]
    Benoît Loreau, Le Régiment de Noailles dragons (1740-1792), Mémoire de Maîtrise, Université Paris 1, 2004, p. 83-92.
  • [117]
    André Abbiateci (éd.), La Plume et le Rabot. Journal écrit de 1773 à 1828 par Claude-Antoine Bellod, menuisier et maître d’école au Grand-Abergement (Ain), Bourg-en-Bresse, Les Amis des Archives de l’Ain, 1996, p. 115-117.
  • [118]
    François Furet et Denis Richet, La Révolution française, Paris, Hachette, 2005 (rééd.), p. 173.
  • [119]
    AN, F7368114, Lettre des administrateurs du département de la Lozère au Ministre de l'Intérieur, 13 août 1792.
  • [120]
    François de Jouvenel, « Les camps de Jalès (1790-1792), épisodes contre-révolutionnaires ? », AHRF, 337, 2004-3, p. 1-20.
  • [121]
    Valérie Sottocasa, Mémoires affrontées. Protestants et catholiques face à la Révolution dans les montagnes du Languedoc, Rennes, PUR, 2004, p. 85-116.
  • [122]
    AN, F7368114, Lettre des administrateurs du département de la Lozère au Ministre de l'Intérieur, 13 août 1792.
  • [123]
    Le caractère poreux des prisons parisiennes, les facilités supposées des prisonniers à s’en évader ainsi que la capacité du dehors à communiquer avec le dedans carcéral est une réalité déjà ancienne, connue, et crainte, des habitants de la capitale dès avant la Révolution. Voir Sophie Abdela, La prison parisienne au xviiie siècle. Formes et réformes, Seyssel, Champ Vallon, 2019, p. 37-48.
  • [124]
    Timothy Tackett, « Rumor… », art. cit., p. 59-60.
  • [125]
    Côme Simien, Les Massacres…, op. cit., p. 33-37.
  • [126]
    Réimpression de l’ancien Moniteur…, op. cit., vol. 13, p. 546.
  • [127]
    Sur le rôle des autorités dans l’accréditation des rumeurs, voir Arlette Farge, La Vie fragile. Violence, pouvoirs et solidarités à Paris au xviiie siècle, Paris, Le Seuil, 1986, p. 274.
  • [128]
    AN, F736593, Extrait du registre des délibérations de Marseille, 21 juillet 1792.
  • [129]
    Georges Lefebvre, La Grande peur…, op. cit., p. 167.
  • [130]
    Bronislaw Baczko, Comment sortir…, op. cit., p. 15-46.

1La rumeur est une vieille connaissance des sciences sociales. Elle en est un objet de réflexions au moins depuis l’émergence des études sur la psychologie collective, à la fin du xixe siècle, à la suite des travaux du docteur Le Bon. Ces premiers pas de la recherche attachèrent à la notion bien des sens péjoratifs, dans le prolongement de l’acception longtemps prêtée à ce terme par les époques médiévale et moderne elles-mêmes : celle d’un grondement sourd, montant d’un peuple en colère, prêt à se révolter [1]. La rumeur était alors supposée avoir pour théâtre principal, sinon exclusif, celui, inquiétant, de la foule, et pour moteur les classes populaires, réputées dangereuses, car portées à l’irrationalité et à la violence [2]. L’approfondissement des recherches sur les phénomènes rumoraux, à partir des considérations pionnières de Marc Bloch sur les fausses nouvelles [3], dans le sillage aussi des travaux fondateurs de la psychologie sociale et de la sociologie américaines des années 1940 [4], ont depuis permis de déconstruire ces présupposés et de mieux saisir les rouages, les préconditions et les conséquences des rumeurs. Et si, aujourd’hui encore, tous les sociologues n’entendent pas tout à fait cette notion de la même manière, du moins est-il permis, à la suite de Philippe Aldrin, de définir une rumeur comme une « nouvelle de source incontrôlée qui se répand dans le public ». Plus profondément, elle correspond aussi à l’échange rapide, au sein d’un groupe social, d’une information en prise avec l’actualité immédiate, et dont la transmission, du fait de sa véracité encore incertaine ou douteuse, s’opère souvent par des moyens informels (le bouche-à-oreille) et selon des préventions énonciatives distinctives (ce peut être l’usage du conditionnel comme le renvoi à une source innombrable et anonyme) [5]. En outre, cette nouvelle, par son caractère souvent subversif, inédit ou scandaleux fonctionne sur le registre de la « révélation » et possède pour cela une forte valeur d’échange – qui explique la rapidité de sa diffusion dans le public. La rumeur, enfin, a une signification collective immédiate : « colportés à la façon d’une information encore officieuse ou sur le mode d’une vérité délibérément cachée au public, les récits de rumeurs s’intercalent toujours dans les cadres sociaux de l’imaginable et ceux du vraisemblable, sans quoi ils deviennent autre chose, une blague ou un conte dont l’économie sociale diffère de la rumeur » [6].

2Ainsi entendue, la rumeur constitue un fait social « normal » (il y a circulation permanente de rumeurs). Celui-ci joua un rôle central dans les mécanismes de transmission de l’information et dans la forge d’une forme de politisation élémentaire des humbles bien avant la Révolution française, à une époque où la culture demeurait encore largement orale [7]. Les recherches ont toutefois souligné aussi que l’échange de récits rumoraux, si ordinaire soit-il, était sujet à de brusques variations d’intensité. Les moments de crise, tels que les changements de régime, les renversements de légitimité politique, les conflits se révèlent être des moments particulièrement propices au développement de ce que François Ploux a qualifié de « crises rumorales » [8]. En ces instants critiques, et par leur capacité à amplifier aussi bien les espérances que les peurs collectives, les rumeurs possèdent pour partie une dimension cathartique [9] : elles permettent aux individus de donner sens à la situation ambiguë à laquelle ils sont confrontés, de l’interpréter à l’aune d’un imaginaire collectif dont ces bruits procèdent et qu’ils contribuent dans le même temps à transformer [10]. Mobilisatrices, elles permettent également d’élaborer des réponses aux peurs éprouvées dans ces circonstances, entre autres par le recours à la violence [11]. Dans la compréhension et la légitimation du déclenchement de cette dernière en période d’agitation collective, les rumeurs jouèrent de fait un rôle majeur, mis à jour aussi bien par Alain Corbin pour le massacre d’Hautefaye d’août 1870 que par Pierre Triomphe pour la « Terreur blanche » gardoise de 1815 [12].

3Rien d’étonnant, donc, à ce que « rumeurs » et « Révolution » entretiennent d’étroites relations, qui conduisirent Bronislaw Baczko à affirmer qu’il est « impossible de comprendre les événements révolutionnaires sans tenir compte du rôle qui revient à la rumeur dans les comportements de leurs acteurs et notamment dans l’exacerbation de leurs émotions et passions » [13]. C’est de ce rôle que Georges Lefebvre a tôt montré le poids dans la compréhension de la Grande Peur de l’été 1789 [14]. D’autres, à sa suite, l’ont depuis confirmé, ici pour le massacre du Champ de Mars de juillet 1791 [15], là pour les luttes de factions de l’an II [16], pour les événements des 9 et 10 thermidor, aussi, où la rumeur du « Robespierre-roi » connut une fulgurante diffusion [17]. Si tous les bruits en jeu lors de ces événements révolutionnaires ne procèdent certes pas des mêmes logiques et ne peuvent être compris en dehors du contexte spécifique d’où ils ont jailli et où ils ont circulé [18], reste que les récits rumoraux, articulés à des réseaux de communication informels qui en assurèrent la large et rapide circulation, ont puissamment contribué au politique durant la Révolution [19].

4La relation fausse nouvelle-Massacres de septembre 1792 a depuis longtemps été établie également. Pour le cas parisien, du moins, là où, trois jours et trois nuits durant, du 2 au 4 septembre, quelques 1 100 à 1 400 victimes perdirent la vie, essentiellement des prisonniers tirés de leurs geôles par des foules émeutières s’abandonnant à un déchaînement de violences collectives tel que la capitale n’en avait plus connu depuis la Saint-Barthélemy. Tout en mettant à jour les multiples autres facteurs de la « préparation mentale collective » qui devait conduire au déclenchement des massacres dans une capitale travaillée, depuis le début de l’été, par des peurs progressivement devenues paniques, les travaux de Pierre Caron ont signalé le rôle essentiel joué par une rumeur en particulier : celle d’un complot supposé des prisons parisiennes contre la Révolution [20]. Entre les derniers jours d’août et les premières heures de septembre, le bruit circula que ces prisons, qu’on disait peuplées de 15 000 à 30 000 ennemis de la Nation (quand on n’y trouvait en réalité guère plus de 2 500 à 2 600 prisonniers [21]), se soulèveraient dès que les soldats volontaires qui se regroupaient dans la capitale seraient partis au front pour faire face à l’avancée des ennemis austro-prussiens. Les détenus pourraient alors porter un « coup de poignard dans le dos » à une ville livrée à elle-même, sans défense. Femmes, enfants, vieillards seraient égorgés, avant que les portes de la capitale ne soient ouvertes aux armées adverses par ces prisonniers échappés. C’est en grande partie pour prévenir ce complot que la foule commença à se saisir des détenus, à la mi-journée du 2 septembre, juste après que Paris ait appris la chute de Verdun, dernière place forte protégeant la capitale de ses ennemis extérieurs.

5Récemment, les recherches de Timothy Tackett ont permis d’apprécier encore un peu mieux le rôle de cette rumeur et de celle, plus générale, d’une conspiration à venir contre la Révolution, dans la montée des tensions qui précède et prépare le déclenchement des violences de septembre 1792. À l’aide de la correspondance d’une vingtaine de personnes issues des classes moyennes et des élites de la capitale, il s’est attaché à montrer comment et pourquoi ces « on-dit » en sont venus à circuler à tous les échelons de la société parisienne [22]. Ces travaux n’épuisent cependant pas la question du rapport rumeur-violence collective durant l’été 1792. D’une part, car le bruit d’un complot des prisons ne fut pas le seul à se diffuser dans la capitale en ce moment critique où la Révolution connaissait une nouvelle accélération de son cours. D’autre part, car les recherches sur les massacres de septembre ont été le plus souvent centrées sur le cas parisien. Or, les violences meurtrières qui frappèrent la capitale s’inscrivent dans le contexte plus large d’une vague de massacres (soixante-cinq au moins [23]) qui traverse la France de la mi-juillet au début du mois d’octobre 1792. Si ces événements provinciaux n’atteignent jamais l’ampleur du drame parisien (onze victimes à Lyon, six à Marseille, quarante-quatre à Versailles…) [24], ils n’en touchèrent pas moins près de quatre départements sur dix et furent directement responsables de la mort d’une centaine de personnes à travers le pays [25]. En mobilisant des documents produits « à chaud » (correspondance privée, rapports administratifs, journaux personnels, presse, lorsque ces sources enregistrent les rumeurs en circulation) [26], le présent article se propose de prendre en considération les bruits et fausses nouvelles qui travaillèrent le pays au cours de cette saison des massacres de septembre[27]. L’enjeu, ainsi, ne sera pas de proposer une nouvelle interprétation globale des causes des massacres. Plus simplement, cet observatoire élargi apparaît comme le moyen de cerner d’un peu plus près l’atmosphère singulière dans laquelle évoluait alors la France. Il permet, en outre, de prendre en compte des questions qu’une analyse resserrée sur la seule capitale n’autorise guère à traiter, telle que l’échelle de circulation des fausses nouvelles et, par extension, la spécificité ou non de ce moment par rapport à d’autres crises rumorales de la période révolutionnaire. Dans la suite du propos, le cas lyonnais, par l’ampleur de ses sources connues, offrira un point de comparaison régulier avec les données parisiennes, mais non exclusif toutefois, d’autres massacres, répartis sur l’ensemble du territoire (Châlons-en-Champagne, Sedan, Limoges, Toulon, Marseille…), offrant d’utiles perspectives à la démonstration.

1.  L’été 1792 comme crise rumorale

6À la lecture des archives de l’été 1792, un constat s’impose pour tout préalable : les lieux qui connaissent des massacres entre juillet et septembre 1792 paraissent avoir été traversés par une profusion de rumeurs, la plupart pessimistes quant à l’avenir de la Révolution et de ses partisans. Presque toutes mettent en jeu, d’une manière ou d’une autre, l’obsédant et récurrent thème du « complot » contre la Révolution et ses partisans [28]. À cet égard, le cas parisien est éloquent, et pour partie bien connu. La rumeur des prisons, si elle est celle qui finit par enclencher la mécanique du massacre, n’est en effet pas la seule à avoir circulé à Paris. Il en est d’autres en effet qui travaillent le corps social et continuent du reste encore à le faire lorsque les violences surviennent. Quatre types de rumeurs, en particulier, superposent quotidiennement leurs effets dans la capitale durant la seconde moitié d’août. Des rumeurs de type frumentaire, tout d’abord, qui font remonter à la surface l’antique et angoissante idée, s’il en est, d’un pacte de famine tramé contre le peuple [29]. Des rumeurs concernant le front militaire, et la progression alarmante des ennemis de la Révolution, ensuite [30]. Des rumeurs liées à de supposés complots contre-révolutionnaires de l’intérieur, encore [31]. Des rumeurs concernant la collusion des autorités avec les ennemis de la Révolution, enfin – d’où, pensait-on, les déboires persistants de la patrie face à ses multiples adversaires [32].

7Ce processus d’accumulation des rumeurs inquiétantes a valeur plus générale. Le cas lyonnais, où onze personnes trouvent la mort, le 9 septembre 1792, procède des mêmes logiques. La rumeur qui finit par précipiter les événements concerne ici les officiers nobles du régiment Royal-Pologne, en stationnement depuis peu dans la ville et sur le point de la quitter déjà, le 22 août, pour rejoindre le poste qui leur a été indiqué par le général en chef de l’armée du Midi [33]. Loin de cette réalité, somme toute banale, d’un mouvement de troupes par temps de guerre, le bruit public accuse ces officiers de vouloir rejoindre le royaume sarde ennemi, afin de s’engager, avec leurs soldats, aux côtés de son roi et du comte d’Artois (alors à Turin), contre la France révolutionnaire. Placés pour cette raison en détention dans le fort de Pierre-Scize par les autorités municipales et militaires de la ville, c’est là que la foule les trouve le 9 septembre, et les passe par les armes. C’est de là, ensuite, que les émeutiers décideront de se porter dans les deux autres prisons de la ville, y faisant trois victimes supplémentaires, tous prêtres réfractaires, semble-t-il regardés comme impliqués dans un complot contre-révolutionnaire de plus grande envergure lié aux officiers du régiment de cavalerie [34]. À cette date, et depuis un mois au moins, les quatre grandes catégories de rumeurs identifiées à Paris avaient toutefois déjà largement travaillé la ville de Lyon, quoiqu’autour de contenus différents, propres à cette localité – nous aurons à revenir sur cet aspect particulier des bruits de l’été 1792. Des rumeurs frumentaires, tout d’abord : alors que le prix des céréales sur les marchés double en quelques jours, les bruits d’un accaparement orchestré par les ennemis de la Révolution dans le but d’affamer le peuple lyonnais se répandent dans toute la ville dès la fin du mois d’août [35]. Des rumeurs concernant le front militaire, ensuite : dans les derniers jours du même mois, la ville, jusqu’à ses plus hautes autorités, croit par exemple savoir (il n’en était en fait rien) que les Piémontais et les Suisses s’apprêtaient à attaquer de concert la France, en prenant d’abord le chemin de Lyon [36]. Des rumeurs à répétition impliquant un hypothétique complot de l’intérieur, également : vers la mi-août, on murmure que les ennemis du nouvel ordre des choses seraient sur le point de s’emparer de l’arsenal et des principaux postes militaires de la ville [37], tandis qu’un autre bruit annonce la formation d’une légion contre-révolutionnaire de mille cinq cents hommes armés et vêtus de l’uniforme national, dont le chef se cacherait à Lyon [38]. Durant la première semaine de septembre, une nouvelle rumeur enfle selon laquelle des conjurés devaient se voir remettre des signes de reconnaissance, avant de se soulever contre la Révolution et ses partisans lyonnais [39]. Enfin, les rumeurs de collusion des autorités avec les ennemis de la Révolution se multiplient : le fait même d’avoir placé les officiers du régiment Royal-Pologne non dans les prisons de la ville, sous la surveillance populaire, mais dans le fort de Pierre-Scize, à l’écart du centre, est interprété par toute une partie au moins des patriotes comme une preuve manifeste de la volonté de faciliter leur évasion [40].

8D’évidence, à Lyon comme à Paris, les mois d’août et de septembre 1792 peuvent donc être compris comme un temps de « crise rumorale ». Mais, au vrai, telle intensité et telle multitude des rumeurs ne doit pas surprendre. Si l’on admet que les périodes de crise, ces instants particuliers où « le sentiment de la proximité du danger crée une atmosphère d’attente inquiète » qui voit « la population réagir au moindre signal » sont particulièrement favorables à l’épanouissement et à la propagation des rumeurs [41], si l’on admet également que l’incertitude politique, mêlée à l’attention au politique et à la défiance vis-à-vis des autorités est de nature à les stimuler [42], alors force est d’admettre que l’été 1792 fut un moment particulièrement propice à la naissance et à la diffusion rapide des fausses nouvelles. Car, comme le remarque Timothy Tackett, il n’y eut sans doute guère, durant toute la Révolution, de période plus effrayante et plus troublante que ces trois mois de juillet, août et septembre 1792 [43] : insurrection populaire du 10 août et renversement d’un trône millénaire [44] ; élection d’une Convention chargée de donner une nouvelle Constitution à la France et une autre forme à l’État, en attendant quoi la patrie avance, incertaine d’elle-même, sur un chemin inconnu [45] ; « patrie en danger », du reste, face à l’avancée rapide et, semble-t-il, inexorable des armées austro-prussiennes qui, dès juillet, ont promis à la capitale les pires tourments et une subversion totale s’il était touché à la famille royale ; appels à toutes les énergies patriotiques se succédant les unes aux autres ; réunions locales quotidiennes, sinon permanentes, des révolutionnaires ; visites domiciliaires à la recherche d’armes ou de traîtres, etc.

9Dans ce moment de tensions extrêmes et alors que l’attention de la population se tourne entièrement vers l’avenir incertain de la Révolution, les rumeurs ont à vrai dire d’autant plus aisément proliféré que les informations sûres et officielles sont devenues très rares, une rareté qui alimente elle-même de manière décisive la montée de l’inquiétude, tant elle est attribuée à une volonté des autorités de masquer une réalité autrement plus grave que celle qu’elles osaient admettre. Ouvrons les lettres que Rosalie Jullien écrit à son mari et à son fils, depuis Paris. Le 26 août, elle note que le « crime des complots est si étendu, si affreux, si prouvé qu’on en soustrait la moitié pour contenir la fureur de notre juste vengeance » [46]. Les agents britanniques présents à Paris abondent dans le même sens. Ainsi de M. Lindsay dans la lettre qu’il adresse à Lord Grenville, secrétaire d’État anglais aux Affaires étrangères, le 29 août 1792. Lui qui a entendu le gouvernement français décrire le « danger public » à l’Assemblée nationale peut ajouter qu’il est « enclin à penser qu’il était au courant de pires nouvelles que celles qu’il a osé mentionner » [47].

10Une telle rareté des informations officielles dans un moment d’exacerbation des inquiétudes et des passions révolutionnaires crée un vide que le besoin de comprendre et de savoir nourrit aussitôt de « on dit ». Ceux-ci, en retour, fourniront un trop-plein d’informations disponibles, entre lesquelles le tri deviendra de plus en plus difficile à faire [48]. Si le phénomène n’est pas propre aux mois de juillet à septembre 1792 mais constitue tout au contraire, sur la durée, l’un des substrats les plus favorables à l’épanouissement des rumeurs [49], force est en revanche d’admettre qu’il est particulièrement affirmé durant cet arc chronologique, à Paris comme ailleurs [50]. Ainsi en va-t-il à Lyon où le maire, Louis Vitet, rapporte au Conseil général de la commune, le 2 septembre 1792, une semaine tout juste avant les massacres qui ensanglantèrent sa ville, que « plusieurs gens malintentionnés avoient répandu le bruit de différents échecs » essuyés par les armées françaises [51]. S’il condamne ces rumeurs, il est surtout contraint de constater qu’elles sont survenues dans une ville qui n’avait nulle « connaissance par lettre ou par courrier extraordinaire de nouvelles qui put y donner lieu ». Et pour cause ! Vitet lui-même, pourtant premier édile de la ville, est bien obligé d’admettre, pour le regretter, qu’aucune « nouvelle certaine sur les mouvements de nos armées et ceux des armées combinées de Prusse et d’Autriche » ne parvient entre Saône et Rhône [52]. Devant le manque d’information et face, pourtant, à l’évidence des périls qu’on imagine fondre de toutes parts, la ville cède alors aux rumeurs les plus inquiétantes.

11Significativement, lorsque la nouvelle des premières victoires militaires arrivera, au début de l’automne 1792, et que la Convention commencera à exercer ses fonctions, levant ainsi quelques-unes des incertitudes qui pesaient sur le devenir politique du pays et l’exercice de la souveraineté, le contexte favorable à l’éclosion de ces rumeurs disparaîtra et, avec lui, pour un temps, les bruits les plus alarmants. La vague rumorale de l’été 1792 doit donc bien être comprise, d’abord, comme le propre d’une période de peurs et de ressentiments collectifs que les rumeurs ont tout à la fois cristallisé et amplifié. Elles se sont propagées, car elles coïncidaient avec les représentations générales de la situation dans laquelle le pays se trouvait. Elles accréditaient les craintes des citoyens (celles relatives à de multiples complots contre-révolutionnaires en gestation) en même temps qu’elles se diffusaient aisément, car elles trouvaient un terrain réceptif, prêt à les entendre [53] – les mécanismes sont proches, à cet égard, de ceux observés durant la grande peur de 1789 [54]. En somme, les rumeurs de l’été 1792 auront contribué à exacerber des émotions et des passions déjà là et, à ce titre, elles ne peuvent être présentées comme le seul ingrédient, ni même comme l’ingrédient premier, qui devait conduire au déclenchement de la geste massacrante [55].

12Le cas de rumeurs sans massacre permet de le confirmer. Car s’il n’y eut pas de massacre sans rumeur durant l’été 1792, force est d’admettre que les six dixièmes des départements qui ne connaissent pas de violences populaires meurtrières durant l’été 1792 n’en furent pas moins traversés de fausses nouvelles inquiétantes. À Rennes, par exemple, un correspondant du Moniteur rapporte, à la fin août, que la ville bruisse « d’un complot qui fait frissonner ». Et d’ajouter : « On est à la découverte des monstres qui l’avaient formé. Il y en a plusieurs en prison » [56]. Tel bruit, qui devait apporter leur justification à tant de violences, ne se transforma pourtant pas, ici, en expédition punitive. Si de multiples facteurs peuvent expliquer ce massacre qui n’eut pas lieu [57], remarquons surtout que les départements touchés par les violences, entre juillet et octobre 1792, ne sont pas distribués de manière aléatoire dans l’espace national. Soit ils se situent à proximité immédiate de la guerre ou des frontières (donc de la possibilité de la guerre), soit au cœur ou au voisinage de zones agitées par des conspirations royalistes bien réelles (Ardèche, Cévennes), soit enfin, aux abords de la capitale et de ses combats à très haute implication émotionnelle [58]. Dès lors qu’on s’éloigne de Paris, du bruit de la guerre et des prises d’armes, et même si des volontaires s’engagent au même moment dans toute la France pour sauver la Révolution, le degré de tensions et de peurs qui travaillaient le tissu social était peut-être moindre, et donc moins propice, aussi, à transformer en pulsions paniques les fausses nouvelles en circulation.

2.  Comprendre et agir

13L’efficacité des rumeurs qui circulent dans les zones de massacre, durant l’été 1792, leur force de persuasion, tient aussi à ce qu’elles permettaient d’expliquer la situation critique à laquelle les révolutionnaires se sentaient confrontés et d’élaborer des réponses à celle-ci. Bien au-delà de Paris, ville pour laquelle Timothy Tackett formulait cette proposition, elles furent donc tout autant descriptives que prescriptives [59] : elles désignaient des coupables clairement identifiés, qui donnaient un sens aux difficultés que l’on supposait, à tort ou à raison, éprouvées par la patrie, mais elles rendaient aussi possible leur résolution par l’élimination des responsables désignés de la peur ressentie. Ce faisant, la nature des rumeurs en circulation permet de mieux comprendre l’identité des victimes de foules qui, au cœur même du déchaînement de la violence collective, n’agirent rien moins que de manière aveugle.

14À Châlons-sur-Marne, par exemple, les émeutiers, en procédant à la mise à mort d’un détenu, prévenu d’assassinat, le 10 septembre, entendaient châtier ceux dont la rumeur disait qu’ils complotaient dans l’ombre des prisons de la ville [60]. Ils accepteront en revanche la remise en liberté d’un humble détenu, proposée par Prieur de la Marne. Retenu dans les geôles châlonnaises pour une modique dette de 50 livres, ce malheureux échappait d’évidence aux contours de la rumeur et donc aux périls guettant ceux qu’elles désignaient. Il put même, par la suite, être porté en triomphe dans la ville par une foule qui manifestait ainsi sa conviction d’avoir rétabli une justice qui avait momentanément fait défaut [61]. À Toulon, le bruit se répandit de même, fin juillet, de l’imminence d’un complot contre-révolutionnaire : le port devait être livré aux flammes, disait-on, et le fort Lamalgue remis aux émissaires du comte d’Artois, tandis que les patriotes de la ville seraient égorgés [62]. C’est en réaction à cette rumeur que la foule cède à la violence meurtrière, le 28 juillet. Les victimes seront principalement des administrateurs du département du Var, ce qui ne doit sans doute rien au hasard. Il semblerait en effet que le bruit public ait, au même moment, accusé ces hommes d’être non seulement hostiles aux patriotes, mais encore de faire passer des sommes importantes d’argent aux émigrés [63]. Cela faisait sans doute d’eux, dans les imaginaires populaires, les principaux responsables du soulèvement contre-révolutionnaire à venir. Les éliminer revenait donc aussi à le prévenir. En revanche, l’attroupement qui, d’évidence, pensait agir, décider et rendre la justice souverainement [64], n’hésita pas à remettre en liberté sept soldats du régiment de Boulogne condamnés aux galères pour délit militaire, une faute dont on doutait peut-être de la réalité et qui, surtout, ne les associait en rien à l’inquiétante rumeur de complot contre-révolutionnaire. À Castres, les tensions de l’été 1792, elles aussi nourries par les bruits de multiples conjurations, sont plus particulièrement avivées par la question primordiale des vivres, dont le cours ne cesse de croître [65]. Alors que les gardes nationaux volontaires étaient sur le point de quitter la ville pour rejoindre les frontières envahies, la rumeur se répandit qu’un marchand de blé spéculait pour faire hausser les prix des grains au détriment du peuple. Les mesures prises pour protéger cet homme qui, soudain, donnait sens aux maux populaires, ne suffirent pas : le corps de garde où il avait été placé en détention préventive fut forcé, avant que la foule ne se livre sur lui à un déchaînement spectaculaire de brutalités dont la nature exprime, à elle seule, l’ampleur du ressentiment éprouvé. Défenestré, le marchand fut ensuite, selon le procès-verbal des autorités, assommé de coups de bâtons et trainé mort dans les rues. Son corps sera finalement jeté dans l’Agout, la rivière traversant la ville. Nulle autre victime ne fut à déplorer par la suite. L’affameur supposé du peuple, qui n’aurait pourtant jamais spéculé sur les céréales [66], n’était plus. Cédant à la rumeur née des inquiétudes planant sur la survie des classes populaires, la foule avait agi dans le sens que la fausse nouvelle lui prescrivait afin d’assurer ses lendemains, et pas plus que cela.

15Ce caractère prescriptif de la rumeur est tout particulièrement prononcé à Paris. Il a souvent été noté que 70 % des prisonniers qui y furent exécutés entre le 2 et le 4 septembre étaient des prisonniers de droit commun et non des prisonniers politiques. Dans le cadre d’un massacre où un désir d’ordre est clairement identifiable, à toute heure du jour et de la nuit, afin que la signification politique de l’acte des septembriseurs ne soit pas altérée (sauver la Révolution d’un complot de l’intérieur) [67], il n’est guère permis de l’expliquer par un dérapage des foules émeutières. Si ces bourreaux d’un jour s’en sont pris aux prisonniers de droit commun, c’est d’abord qu’ils les estimaient eux aussi coupables du crime de lèse Nation qu’ils étaient venus châtier. Dans la compréhension de cette conviction, il paraît difficile d’écarter la rumeur qui circulait dans Paris depuis la fin août et qui affirmait que les « aristocrates » planifiaient de payer les éléments criminels « ordinaires », les « brigands » qui étaient enfermés dans les prisons parisiennes pour des causes communes, afin qu’ils s’en échappent et puissent effectuer la basse besogne des assassinats des familles patriotes à leur place [68].

3.  Un corps social tout entier traversé de rumeurs

16Là où les massacres surviennent, les rumeurs eurent en outre pour caractéristique de saturer l’ensemble du tissu social local. C’est de leur omniprésence que rendent par exemple compte, pour Paris, les rapports que les agents britanniques adressent à Londres pour informer le gouvernement anglais des affaires de la nation française. Ceux-ci, à compter de la fin août et jusque dans les premiers jours de septembre, se laissent littéralement envahir par les bruits de toutes natures qui courent les rues de la capitale, comme s’il n’était plus d’autres moyens que celui-ci, au fond, de saisir l’état dans lequel évoluait alors Paris [69]. Concrètement, ces rumeurs omniprésentes se propagent bien sûr par le biais des moyens traditionnels de la circulation des bruits publics, c’est-à-dire par le bouche-à-oreille aussi bien que par l’imprimé qui s’en empare et les relaie, à commencer par les journaux [70] – sans qu’il faille forcément dissocier ces deux voies de circulation des récits rumoraux, ainsi que le rappellent Bronislaw Baczko et Lindsay Porter : les journaux étaient en effet diffusés dans les rues par des crieurs qui commentaient les feuilles qu’ils vendaient afin de capter l’attention du public, non sans déformer parfois (volontairement ou non) les nouvelles qu’ils contenaient, tandis que des groupes se formaient volontiers dans l’espace public pour écouter la lecture à haute voix de la presse [71]. Or, durant l’été 1792, les journalistes, sans doute parce qu’ils manquent eux-mêmes d’informations sûres, se font de manière régulière l’écho des bruits en circulation, sans toujours souligner l’incertitude qui entoure les nouvelles qu’ils relatent. Et les plus radicaux d’entre eux, tous ceux qui dénoncent depuis de longues semaines des complots plus ou moins avérés contre la Révolution, tels l’Ami du peuple de Marat ou le Père Duchesne d’Hébert, ne sont pas seuls en cause [72]. Les craintes de conspirations et leurs dénonciations hantent aussi régulièrement les colonnes du Moniteur durant la seconde quinzaine du mois d’août [73], de même que celles de titres modérés de la presse des départements [74], créant ou alimentant de la sorte, chaque jour, la chronique anxiogène, car interminable, des trahisons prêtes à éclater.

17En cette période de tensions extrêmes, les lieux coutumiers de la rencontre et de la discussion des nouvelles publiques sont également les relais privilégiés des rumeurs les plus inquiétantes. À Paris, le Palais-Royal, les Tuileries ou le Luxembourg apparaissent comme des espaces de diffusion essentiels des « on-dit ». « Quand on a passé la journée au Luxembourg, on a la tête dans un sac », affirme Rosalie Jullien, qui note encore que la nouvelle (erronée) d’une reprise de Longwy par les troupes françaises s’est répandue, le 31 août au soir, à partir du « palais dit royal » [75]. Les cafés, bien sûr, sont aussi des lieux d’échanges privilégiés des rumeurs. À Lyon, c’est là, par exemple, que des citoyens du quartier Saint-Vincent discutent, fin août début septembre, d’une taxation des denrées de première nécessité qui serait imminente [76]. Mais en cet été 1792, les rumeurs se propagent encore à partir des lieux particuliers de la sociabilité révolutionnaire. Les quarante-huit sections parisiennes, notamment, font office de caisse de résonnance des fausses nouvelles en circulation dans la ville, par leurs débats internes comme par le biais de la correspondance qu’elles échangent entre elles. Pensons à la section du Roule qui, dans les premiers jours de septembre, adopte un arrêté à propos des bruits qui se répandent selon lesquels le « Comité des 21 aurait le projet de favoriser les ambitions du prince de Brunswick et de le placer sur le trône des Français pour donner à leur pays une constitution à leur caprice et à ceux de ce prince ambitieux » [77]. Cet arrêté est discuté par la section des Postes le 3 septembre, qui décide aussitôt qu’elle instruira de cette nouvelle « ses concitoyens de la capitale » [78]. Ailleurs, les sociétés populaires et, à la fin août-début septembre, les assemblées primaires alors en plein travail pour l’élection des députés de la Convention, ont pu jouer le même rôle [79].

18Largement relayées, ces rumeurs de l’été 1792 semblent être parvenues à convaincre les différentes classes de la société, du moins dans les lieux où des massacres éclatèrent ensuite. Si cela distingue cette période des moments révolutionnaires de plus faible intensité rumorale, durant lesquels les élites regardaient avec distances les « on-dit » populaires [80], cela les rapproche, en revanche, de certaines rumeurs du xixe siècle dont François Ploux note qu’elles se sont diffusées « verticalement dans l’espace social » [81]. C’est le cas à Marseille, par exemple, où, le bruit se répand, le 20 juillet, qu’un marchand drapier du nom de Boyer tramait un complot contre la municipalité, le Club et les patriotes de la ville, qui devaient être égorgés dans la rue, le lendemain, après que Boyer et ses partisans, vêtus de vert et de fleurs de lys, se soient emparés de toute l’artillerie de la ville et aient mis le feu au port [82]. Quelques heures encore après la mise à mort de Boyer par la foule, et alors que le temps est venu, déjà, d’en dresser le procès-verbal, les élites municipales, par-delà les stratégies discursives qu’elles déploient pour minimiser leurs responsabilités dans le drame, ne font toujours montre d’aucune espèce d’hésitation quant à l’authenticité de la « conjuration » dont la rumeur avait précipité l’acte violent. Leur conviction à ce sujet est même si grande que le résultat décevant des fouilles ordonnées chez Boyer pouvait se muer, sous leur plume, en signe tangible de sa culpabilité : « comme le bruit public avait déjà averti le sieur Boyer et ses complices [de l’imminence des perquisitions], ils avaient vraisemblablement pris les mesures convenables pour ne laisser aucune trace matérielle de leur conjuration  [83]. À Lyon, de même, la rumeur d’une émigration imminente des officiers du régiment Royal-Pologne vers le royaume de Piémont-Sardaigne convainc tant les simples citoyens, qui en discutent dans les sociétés populaires [84], que l’élite marchande qui peuple les institutions municipales [85], ou un officier de la garde nationale comme Benjamin Cuendet de Sainte-Croix, qui, au jour du massacre, peut écrire dans son journal personnel, sans recourir au conditionnel : « on a pris 7 officiers de cavalerie qui avaient voulu émigrer en Savoie avec leur régiments » [86].

19À Paris, la rumeur d’un complot des prisons circule d’évidence au sein des catégories socioprofessionnelles qui serviront de substrat à la sans-culotterie (milieu de l’échoppe, de l’artisanat, de la boutique) et qui semblent pour l’heure avoir été le milieu d’origine de la plupart des septembriseurs [87]. Mais elle persuade tout autant des patriotes qui se rattachent à l’élite politique et sociale. Le législateur Pierre Dubreuil-Chambardel, dans une lettre à sa fille, n’éprouve par exemple guère de doute quant à la réalité de la « grande conspiration » qui vient tout juste d’être déjouée par les massacres [88]. On songe encore à Rosalie Jullien, déjà croisée en ces lignes, issue de la bourgeoisie lettrée et vivant dans une certaine aisance à Paris. Elle d’ordinaire si prudente à l’égard des informations qu’elle rapporte et dont elle cherche toujours à s’assurer de la fiabilité avant de les transmettre à son mari ou à son fils [89], elle qui saisit avec une certaine lucidité les raisons de la prolifération des rumeurs [90], la voilà cependant qui rapporte avec de moins en moins de doutes les rumeurs de complot, à commencer par celui des prisons. Le 2 septembre, au moment d’aborder les massacres et de les expliquer à son mari, elle peut même affirmer que « les noirs complots qui se découvrent de toutes parts, portent la lumière la plus affreuse et la conviction la plus certaine sur le sort qui attend et menace les patriotes » [91]. La rumeur s’est muée en opinion, tant individuelle que collective [92]. Et si les élites parisiennes doutaient peut-être des bruits les plus étranges qui circulaient alors dans la capitale, il est en revanche manifeste qu’elles partageaient la croyance générale en l’existence de multiples complots prêts à éclater sur la ville [93].

20Cette prolifération des rumeurs à travers l’ensemble du corps social est essentielle pour comprendre pourquoi les massacres, à chaud, ont bénéficié d’une forme d’acceptation résignée souvent relevée par les historiens, pourquoi des massacreurs pourtant toujours en petit nombre ont pu se déplacer dans l’espace public en toute impunité [94], pourquoi ils ont pu être légitimés et encouragés par une foule d’observateurs quant à elle beaucoup plus nombreuse et pourquoi, aussi, les autorités montagnardes comme girondines sont restées en retrait, laissant la place libre aux septembriseurs. Nombre de celles-ci étaient tout simplement convaincues ou de la réalité du complot que les foules entendaient déjouer, ou de la culpabilité des prisonniers exécutés [95]. Il faudra attendre plusieurs jours, voire semaines, pour que ces rumeurs apparaissent enfin pour ce qu’elles avaient au fond toujours été : des fausses nouvelles attisées par les vents furieux de la peur en révolution.

4.  Des rumeurs d’échelle locale

21D’Hyppolite Taine à Frédéric Bluche, la tradition historiographique d’inspiration contre-révolutionnaire a longtemps présenté les massacres provinciaux de l’été 1792 comme autant de preuves de la violence inhérente à la Révolution, mais aussi comme autant de répliques des événements parisiens, le fruit d’une « contagion » qui se serait propagée depuis le centre jusqu’à la périphérie. Les révolutionnaires des départements auraient soit voulu suivre l’exemple de la capitale, à l’appel notamment de la circulaire envoyée dans tout le pays, le 3 septembre, par le Comité de surveillance de la Commune de Paris, afin d’inviter les départements à imiter la geste massacrante des Parisiens [96] ; soit ils se seraient laissés emporter par la propagande des journaux parisiens les plus radicaux et les rumeurs de complot à châtier qu’ils véhiculaient. Or, un retour aux sources plaide pour un tout autre postulat : les rumeurs qui participent à la « préparation mentale collective » des massacres, à Paris comme en province, celles aussi qui légitiment le recours à la violence par la foule, semblent avoir eu pour particularité essentielle leur ancrage local. Celui-ci regarde tant leur objet (le complot qu’elles mettent en jeu) que son rayon d’action. Le foisonnement intense des bruits qui traversent le pays durant l’été 1792, s’il décline certes sans cesse des thèmes identiques (complot de famine, complot des prisons, avancée des armées ennemies), n’en met pas moins en jeu, généralement, des rumeurs cloisonnées, sans articulation directe entre elles [97]. Le cas de l’écho rencontré par la rumeur du complot des prisons parisiennes est emblématique, à cet égard, car les bruits qui prennent naissance à Paris sont d’ordinaire de ceux qui se propagent le plus aisément sur l’ensemble du territoire national [98]. Certes, cette fausse nouvelle a circulé bien au-delà des murs de la capitale. On en retrouve la trace dans des lettres adressées à des correspondants provinciaux par des individus résidant à Paris [99]. Elle est également présente, de fait, dans la circulaire du Comité de surveillance de la Commune de Paris [100]. Elle est présente, encore, dans les jours qui suivent les massacres, dans la quasi-totalité des journaux parisiens, d’inspiration girondine comme montagnarde, pour justifier le passage à l’acte des septembriseurs, présenté comme regrettable mais nécessaire [101]. Et ces journaux, on le sait, gagnent ensuite les départements, dans le cadre d’un marché de la presse devenu national [102]. Que cet « on-dit » ait circulé en province, c’est donc une évidence qu’on ne saurait contester. Benjamin Cuendet, depuis Lyon, l’enregistre à sa manière et non sans déformation, dans son journal : « le 2 au 3 septembre, l’on a vidé les prisons de Paris, savoir, les coupables ont eu la tête tranchée, et les civils dehors » [103].

22Pourtant, cette rumeur n’a d’efficacité, de prise, que sur la ville de Paris et ses abords immédiats [104]. Elle confirme en cela que les relations Paris-province étaient beaucoup moins univoques qu’on a longtemps pu l’écrire : les révolutionnaires ne prenaient pas systématiquement à la lettre, tant s’en faut, les discours venus de la capitale. Ils réfléchissaient tout au contraire à ces récits, les choisissant, les écartant ou les adaptant au gré d’un processus d’appropriation locale de l’information [105]. Qu’on s’éloigne de Paris, et alors, soit les événements parisiens du 2 au 4 septembre 1792 disparaissent des mots d’ordre des foules émeutières, soit les observateurs s’étonnent du crédit dont a bénéficié le bruit étrange du complot des prisons parisiennes jusque sur les âmes d’ordinaire les plus pondérées de la capitale. Ainsi en va-t-il d’Étienne Dumont, pasteur genevois qui fut un temps collaborateur de Mirabeau. Dans sa correspondance avec l’homme politique britannique Samuel Romilly, il indique avoir reçu, le 11 septembre 1792, une lettre de son ami Cabanis, issu des rangs de l’élite sociale et culturelle s’il en est, dépeint par ailleurs comme « l’homme le plus doux et le plus humain » qu’il connaisse [106]. Pourtant, cet individu d’ordinaire si sage, ajoute Dumont, perplexe, « paroît croire que tout ce qui est arrivé est nécessaire, que c’est le dénouement d’une conspiration, et que, sans cela, Paris étoit certainement livré aux troupes étrangères ». Pour le témoin attentif mais lointain des affaires parisiennes qu’il est, semblable conviction ne peut avoir été que l’effet d’un égarement passager, provoqué par les tourmentes partisanes d’un temps sans pareil. À l’autre extrémité du spectre social, le journal personnel de Pierre-Louis-Nicolas Delaye ne dit pas autre chose. Ce maître d’école du village de Silly-en-Multien (Seine-et-Marne), partisan de la Révolution et en contact régulier avec la capitale (située à une cinquante de kilomètres de sa paroisse), se désole tant des massacres parisiens que de ceux survenus à Meaux, le 4 septembre. Il ajoute, après avoir relaté ces événements : « aujourd’hui la plupart des têtes sont tournées […]. Nous sommes dans un temps cruel » [107]. On sait, dans le même sens, que la circulaire du Comité de surveillance de la commune de Paris ne produisit par l’effet escompté par ses rédacteurs, suscitant soit des protestations, soit une totale indifférence des départements [108]. Finalement, seuls les cas de massacres les plus proches de la capitale, parce qu’ils impliquent, dans les rangs des septembriseurs, des Parisiens eux-mêmes, semblent pouvoir être rattachés directement aux événements qui ensanglantèrent Paris et aux bruits qu’ils mirent en jeu. C’est le cas du massacre de Versailles, commis le 9 septembre par une « armée parisienne » en train de ramener vers la capitale les prisonniers d’Orléans en attente de leur procès devant la Haute Cour nationale, et de celui de Meaux, où interviennent des gardes nationaux arrivés de la capitale le jour même [109].

23Ailleurs, l’agitation que l’annonce des événements parisiens put susciter, les « on-dit » que ces massacres de Paris alimentèrent peut-être, ne furent jamais assez forts pour être enregistrés par des administrations locales pourtant obnubilées par la question des agitations populaires et, pour cette raison, toujours promptes à relever les bruits inquiétants en circulation [110]. En tout état de cause, la rumeur d’un complot des prisons parisiennes, si elle put ajouter au sentiment de vivre une période de troubles majeurs, ne saurait expliquer la mobilisation des foules émeutières, puis leur passage à l’acte, à Rethel, Castres, Toulon, Couches… D’autant plus, du reste, que la moitié de ces massacres provinciaux ont eu lieu avant même ceux de Paris, en juillet-août 1792. Pour ceux-là comme pour ceux qui survinrent ensuite, la rumeur qui précipite le massacre est également circonscrite dans d’étroits horizons géographiques et apparaît comme trop spécifique au tissu local pour parier sur les effets d’une mutation progressive de rumeurs parisiennes en rumeurs locales, au gré des processus de déformations de l’information typiques de la circulation des bruits de bouche à oreille. À Limoges, c’est l’annonce selon laquelle on aurait trouvé, chez le prêtre Chabrol, résidant dans la ville, « un dépôt d’armes chargées » qu’il aurait refusé de remettre aux gardes nationaux venus les lui réclamer qui sema la colère et la peur au sein de la population, au point qu’une foule finisse par s’emparer de lui, le traînant dans les rues, l’assommant et le rouant de coups jusqu’à ce que mort s’ensuive [111]. Aux Vans, en Ardèche, la rumeur porte sur l’évasion de prêtres réfractaires détenus dans une salle de la maison commune, depuis leur arrestation trois jours plus tôt dans un village voisin [112]. Sur les frontières du Nord-Est où plusieurs cas de massacres éclatent en septembre (Sedan, Soissons, Valenciennes), Maxime Kaci relève lui aussi qu’« aucune prise de parole ne témoigne explicitement d’une reprise des mots d’ordre parisiens émis entre le 10 août et le 2 septembre » [113]. À Sedan, par exemple, si la foule attaque au sabre le corps du chevalier Latude de Vissec avant de promener sa tête dans la ville, le 5 septembre, c’est parce qu’on affirme qu’il se rendait clandestinement dans le camp des Autrichiens afin de leur signaler les maisons des patriotes de la ville – et non ceux d’une autre localité [114].

24À s’en tenir aux bruits en circulation dans chacun de ces cas, la geste massacrante apparaît donc d’abord enracinée dans une histoire sociopolitique locale, génératrice de bruits inquiétants spécifiques [115]. Du reste, s’il n’y eut pas d’efficacité nationale de la rumeur parisienne, tout semble indiquer qu’il n’y eut pas non plus, sauf exception, rayonnement régional, par la suite, des rumeurs locales qui précipitèrent les violences provinciales. Songeons aux massacres de Marseille et de Toulon, si proches géographiquement et chronologiquement (une semaine seulement les sépare). Les événements de l’une et de l’autre de ces deux villes, déjà évoqués, renvoient à des rumeurs mobilisatrices aux contenus dissemblables (complot du Département contre la ville, son port et son fort, en lien avec l’étranger et le comte d’Artois dans le cas de Toulon ; marchand drapier devant s’en prendre à la municipalité, au Club et aux patriotes dans le cas de Marseille), sans que jamais un lien ne soit tissé, au cœur des événements, entre l’un et l’autre complot, ni sans que des relations évidentes puissent être établies a posteriori entre ces rumeurs. En l’état actuel de nos connaissances, deux cas seulement mettent en jeu des bruits qui ont circulé dans l’espace physique, à des échelles malgré tout relativement restreintes : l’espace cévenol, d’une part, sur lequel il nous faudra revenir, et le massacre de Tullins (Isère), d’autre part, où le lieutenant-colonel Spindeler, du 15e régiment de dragons, perd la vie, le 8 septembre. Une relation directe rattache ce drame dauphinois aux rumeurs et aux événements lyonnais survenus les jours précédents. En effet, six officiers de ce régiment avaient été arrêtés et placés en détention à Lyon, le 23 août, en même temps que ceux du régiment Royal-Pologne, pour des motifs similaires : un supposé projet d’émigration, avec leurs soldats, en Piémont. À la différence des officiers de cavalerie, toutefois, ils furent libérés au bout de cinq jours par les autorités lyonnaises, finalement persuadées de leur innocence. Les officiers rejoignirent alors leur régiment, qui avait entre-temps pris le chemin de Tullins, à 80 kilomètres de là. L’accusation de trahison formulée contre eux les y avait cependant précédés, portée par leurs propres soldats. Ceux-ci, il est vrai, s’étaient laissés convaincre, à Lyon, au contact des militants patriotes avec lesquels ils avaient fraternisé, du bien-fondé de la rumeur prêtant des ambitions de trahison à leurs officiers. La certitude des dragons est devenue telle, du reste, qu’ils refusent la réintégration de leurs supérieurs, contraignant l’état-major de l’armée du Midi à procéder à l’arrestation, puis à la mise en détention, de plusieurs hommes du rang. Le 8 septembre, ces prisonniers sont sur le point d’être transférés à Grenoble. Mais l’escorte se heurte à une foule composée d’habitants de Tullins, qui exige la libération des soldats, séquestre les officiers suspects, lynche plusieurs d’entre eux, et tue finalement le lieutenant-colonel Spindeler, avant de le pendre à un arbre, par les pieds, à la sortie de la ville – les autres officiers seront relâchés par la suite [116]. Ici, c’est la mobilité d’un régiment présent successivement dans deux lieux de massacres qui explique l’activité dédoublée de la fausse nouvelle, par ailleurs fixée sur de mêmes individus. Celle-ci ne se propage en revanche pas dans toutes les directions, et Lyon ne fait que très imparfaitement figure de foyer de propagation des bruits qui agitent la ville. À une centaine de kilomètres au Nord-Est, Claude-Antoine Bellod, menuisier du Grand-Abergement (Ain), s’il relève certes dans son journal le massacre lyonnais, en ignore d’évidence les motivations, notant de manière erronée que seuls des prêtres y ont trouvé la mort, en martyrs, exécutés par une foule qui aurait agi en détestation de la religion et de ses ministres [117]. In fine, la circulation de la rumeur lyonnaise reproduit donc surtout le modèle des « on-dit » parisiens de septembre 1792, qui ne se montrèrent efficaces que dans les lieux où se trouvaient et agissaient des troupes auparavant présentes dans la capitale (Versailles et Meaux). Au-delà, le plus notoire reste la grande diversité des messages rumoraux en circulation. Cet ancrage local de la rumeur, durant l’été 1792, s’il n’est pas inédit en soi (ce fut souvent le cas, au xviiie comme au xixe siècles, pour les rumeurs de complot de famine), contribue sans doute à son efficacité. La peur ressentie est d’autant plus vive que le péril est perçu comme proche, concret, imminent, incarné, et le passage à l’acte d’autant plus aisé que les responsables de ces peurs vivent dans le pays, dans le quartier, dans la ville concernés par ces inquiétudes.

5.  Des rumeurs en prise avec le réel

25François Furet, pour expliquer le déclenchement des violences des humbles durant la Révolution, pariait sur le poids de mentalités populaires restées archaïques et empreintes de magie, voire sur le rôle de la paranoïa face aux multiples complots et trahisons qu’on supposait sur le point d’éclater [118]. La saison des massacres de septembre, invite à nuancer semblable conclusion en cela que les rumeurs qui travaillent le corps social jusqu’à la panique, si elles mettent certes en jeu l’imaginaire du complot et sa capacité à susciter incertitude et méfiance, sont cependant d’autant plus crédibles qu’elles entretiennent toujours un lien plus ou moins étroit avec la réalité. Celui-ci peut être direct, comme à Florac (Lozère) où, le 9 août 1792, le sieur Giberne de La Martinerie est fusillé par un attroupement. Cet événement intervient dans un espace régional particulier, celui des Cévennes, travaillé, au début du mois d’août 1792, par la rumeur d’une conjuration des ennemis intérieurs et extérieurs de la Révolution [119]. Or, ce bruit insistant n’est pas dénué de tout fondement, tant s’en faut, la région ayant connu, au cours des deux années précédentes, trois camps contre-révolutionnaires à Jalès (Ardèche), dont le dernier a été vaincu un mois seulement avant le massacre de Florac [120]. Il avait été convoqué par les princes émigrés qui entendaient donner au Vivarais une place de premier ordre dans la contre-révolution, en lançant durant l’été 1792 une offensive dont le but final était le renversement tout entier du nouvel ordre des choses. L’entreprise, mal exécutée, échoua finalement en quelques jours, au début du mois de juillet, suite à la déroute de la petite armée contre-révolutionnaire du comte de Saillans. Celui-ci et quelques-uns de ses compagnons furent alors arrêtés, puis exécutés sommairement, le 12 juillet 1792. Des papiers furent saisis à cette occasion sur leurs personnes. Ils permirent de mettre à jour l’ensemble du projet ainsi que les ramifications du complot (authentique cette fois), en indiquant tant les noms des principaux chefs de la conjuration que l’implication de nombreuses autorités municipales de la région, dans sa partie d’obédience catholique du moins. Les rebelles seront, dans les jours et les semaines suivants, poursuivis avec acharnement par des patriotes désireux « d’en finir avec le péril royaliste et d’exorciser les peurs générées par les menaces d’une guerre civile », ainsi que l’analyse Valérie Sottocasa [121]. C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre l’arrestation de Giberne de la Martinerie, dans sa propriété de Saint-Germain-de-Calberte. Car il est en effet explicitement accusé d’avoir été « du parti de Saillans » [122]… dont il fut peut-être bien, effectivement, l’un des lieutenants. La conjuration n’avait toutefois plus guère de substance, en août, lorsque les patriotes cévenols lui prêtent encore un avenir.

26Ailleurs, le lien entre rumeur et réalité peut être un peu moins accentué, sans cesser d’exister pour autant. À Paris, il procède de l’insertion particulière des prisons dans le tissu urbain, qui les faisait redouter par les patriotes depuis le début de la Révolution : la facilité, bien réelle, de communiquer avec les prisonniers depuis l’extérieur et, pour ces derniers, d’échanger entre eux [123], nourrissait la certitude, déjà exprimée au moment de la fuite à Varennes, puis encore au printemps 1792, que ces détenus pouvaient se procurer des armes, s’insérer dans un complot et s’échapper aisément pour s’en prendre aux révolutionnaires [124]. À Lyon, les officiers nobles qui seront exécutés le 9 septembre, après que la rumeur publique les ait accusés de vouloir prendre la fuite à la tête de leur régiment, n’avaient aucunement le projet de livrer la guerre à la France depuis le royaume de Piémont-Sardaigne. Force est en revanche d’admettre qu’ils avaient remis leurs démissions depuis déjà deux mois, par rejet d’une Révolution à l’égard de laquelle ils n’éprouvaient plus aucune espèce de sympathie [125]. On conviendra alors que, dans un moment de vives tensions tel que l’été 1792, des officiers nobles démissionnaires prêts à prendre la tête de leurs troupes en direction des frontières savoyardes ont pu paraître suspects d’émigration, quand bien même ce déplacement était en fait ordonné par l’état-major de l’armée du Midi – qui refusait d’accepter les démissions desdits officiers. Ici, l’attitude des autorités locales est ensuite venue renforcer la capacité de persuasion de ces bruits auprès de la population. Le 22 août, alors que le régiment Royal-Pologne s’apprête à quitter la ville, la municipalité lyonnaise finit par se laisser convaincre : « tous les officiers [de ce] régiment de cavalerie voulaient emmener une partie de leurs soldats et joindre l’armée [du roi] de Savoie » déclare-t-elle [126]. Afin d’éviter la funeste fuite, elle décide de déployer des garnisons dans des points stratégiques de la ville, avec ordre d’empêcher tout mouvement du régiment Royal-Pologne. Elle ordonne ensuite l’arrestation des officiers. En semblant accréditer par cette conduite les rumeurs de fuite du régiment, la municipalité leur a ainsi conféré une aura de réalité décisive pour la suite [127]. Loin de ramener le calme, en effet, la mise en détention des officiers amplifiera, les jours suivants, la certitude de la leur culpabilité. La fouille de la maison du sieur Boyer, à Marseille, effectuée par la garde nationale, sur ordre de la municipalité, sur les neuf heures du soir, le 20 juillet, puis l’arrestation qui s’ensuivit du coupable présumé de conjuration remplirent d’évidence la même fonction de rattachement au réel de sa conspiration : sitôt la cible de la rumeur placée en prison, des rassemblements se constituèrent pour s’emparer de sa personne afin que « justice fut faite » au peuple [128]. Moins de deux heures plus tard, il périssait sous les coups de la foule, devant la prison, avant que son cadavre ne soit pendu à un réverbère.

27

28L’été 1792 représente sans doute l’une des « crises rumorales » les plus aiguës de la Révolution. Si cette période possède certains points communs avec d’autres moments propices à la circulation intense des fausses nouvelles durant la période révolutionnaire, elle s’en singularise toutefois plus encore par des caractères qui lui sont propres. Certes, comme durant l’été 1789, une inquiétude larvée depuis de nombreux mois (celle de l’arrivée de brigands en 1789, celle de complots contre-révolutionnaires en 1792) atteint soudain un seuil critique, en raison d’une conjoncture particulièrement troublée, plus menaçante qu’elle ne l’avait jamais été depuis le début de la Révolution. Pourtant, les bruits de l’été 1792 diffèrent sensiblement du modèle de la grande peur, tel qu’il a été esquissé naguère par Georges Lefebvre. De celle-ci, le grand historien de la Révolution pouvait écrire qu’un de ses traits les plus marquants fut la propagation « très loin et avec une grande promptitude » de l’alarme relative à l’arrivée des brigands [129]. Or, au lieu d’être ainsi le fruit d’une « gigantesque fausse nouvelle » se diffusant dans la quasi-totalité du royaume à partir d’un nombre réduit de foyers, au lieu d’être, par ce biais, le résultat d’une inquiétude quittant la sphère locale en s’amplifiant et se déformant progressivement, la saison des massacres de septembre 1792 fut tout au contraire marquée par une multitude de « petites fausses nouvelles » d’échelle toujours réduite, sans lien direct entre elles, sinon la crainte de conspirations imminentes. Si cela rapproche ces rumeurs de celle du « Robespierre-roi » de l’été 1794, qui n’eut de réel écho que parisien, sans trouver de relais en province, si elles se rapprochent aussi de ce bruit par la capacité des fausses-nouvelles de l’été 1792 à convaincre les révolutionnaires du bas en haut de l’édifice social [130], elle ne s’en distingue pas moins, à son tour : contrairement à la rumeur propagée au soir du 9 Thermidor à l’initiative du comité de Salut public et du comité de Sûreté générale, les bruits de septembre 1792 ne procèdent pas d’une mise en circulation intentionnelle, par des élites conscientes de leurs actes et soucieuses, par l’arme des fausses nouvelles, de faire pencher en leur faveur la balance d’un combat politique incertain. Finalement, plutôt que comme le décalque de phénomènes rumoraux antérieurs ou postérieurs, la crise de l’été 1792 apparaît tout à la fois comme le fruit de données générales qui, à l’arrière-plan, suscitèrent des inquiétudes individuelles et collectives somme toute largement partagées dans le pays (le contexte politico-militaire périlleux de l’été 1792 faisant craindre pour l’avenir de la Révolution, le manque d’informations fiables, l’omniprésence des discours relatifs aux complots et à la trahison), et comme le résultat de réalités et d’appropriations toujours locales, irréductibles à chaque lieu de massacres et aux combats politiques à haut contenu émotionnel qui s’y livraient alors tout autant que dans la capitale. Les violences qui traversent le pays durant l’été 1792 ne furent donc pas des répliques provinciales des massacres parisiens. Elles ne peuvent pas davantage être présentées comme la conséquence unique et funeste des discours parisiens les plus radicaux.


Mots-clés éditeurs : rumeur, violence, massacres de Septembre

Date de mise en ligne : 03/12/2020

Notes

  • [1]
    Jean Nicolas, La Rébellion française. Mouvements populaires et conscience sociale, 1661-1789, Paris, Le Seuil, 2002, p. 19. Ce sens est à distinguer de l’acception étymologique première du terme. Jean-Luc Fray, « Bruits, rumeurs et fausses Nouvelles à l’époque médiévale. Une esquisse méthodologique et historiographique (espace "français" et comparaisons européennes) », dans Philippe Bourdin et Stéphane Le Bras (dir.), Les Fausses Nouvelles. Un millénaire de bruits et de rumeurs dans l’espace public français, Clermont-Ferrand, PUBP, 2018, p. 37.
  • [2]
    Philippe Aldrin, Sociologie politique des rumeurs, Paris, PUF, 2005, p. 18-21.
  • [3]
    Marc Bloch, « Réflexions d’un historien sur les fausses nouvelles de la guerre », Revue de synthèse historique, 1921, vol. 33, p. 13-55.
  • [4]
    À la suite des travaux de Gordon Allport et Leo Postman, The Psychology of Rumor, New York, J. Holt and Co, 1947. Sur les apports que l’historien de la Révolution peut tirer de ces travaux de la psychologie sociale anglo-saxonne de la seconde moitié du xxe siècle : Timothy Tackett, « Rumor and Revolution : The case of the September Massacres », French History and Civilization, 2011, vol. 4, p. 56-57.
  • [5]
    Philippe Aldrin, « L’impensé social des rumeurs politiques. Sur l’approche dominocentrique du phénomène et son dépassement », Mots. Les langages du politique, 2010, n° 92, p. 23-24.
  • [6]
    Ibid.
  • [7]
    Arlette Farge estime en particulier que l’échange des rumeurs ouvre, au xviiie siècle, un cadre où les plus démunis délibèrent des affaires politique du moment (Arlette Farge, « Rumeur, espace et société au xviiie siècle », dans Françoise Reumaux, Les Oies du capitole ou les raisons de la rumeur, Paris, CNRS éd., 1999, p. 67-74).
  • [8]
    François Ploux, De bouche à oreille. Naissance et propagation des rumeurs dans la France du xixe siècle, Paris, Aubier, 2003, p. 58.
  • [9]
    On ne saurait plus, cependant, résumer à cette seule dimension « psychopathologique » l’analyse des rumeurs, comme les sociologues le firent longtemps, à l’image de Michel-Louis Rouquette, « Le syndrome de rumeur », Communications, 1990, vol. 52, p. 119-123.
  • [10]
    Ainsi que l’écrit François Ploux, la rumeur est à la fois « symptôme et agent », produit d’un imaginaire social qu’elle contribue à alimenter et à façonner. François Ploux, De bouche à oreille.. op. cit., p. 12.
  • [11]
    Yves-Marie Bercé, Histoire des croquants ; étude des soulèvements populaires en France au xviie siècle dans le sud-ouest de la France, Paris-Genève, Mouton-Droz, 1973.
  • [12]
    Alain Corbin, Le Village des cannibales, Paris, Aubier, 1990 ; Pierre Triomphe, « Des bruits qui courent aux mots qui tuent. Rumeurs et violences dans le Gard en 1815 », Revue d’histoire du xixe siècle, 2008, vol. 36, p. 59-73.
  • [13]
    Bronislaw Bazcko, Comment sortir de la Terreur. Thermidor et la Révolution, Paris, Gallimard, 1989, p. 41.
  • [14]
    Georges Lefebvre, La Grande Peur de 1789, Paris, Armand Colin, 2014 (rééd.).
  • [15]
    David Andress, Massacre at the Champ de Mars. Popular Dissent and Political Culture in the French Revolution, London, Royal Historical Society-Boydell Press, 2000.
  • [16]
    Arnaud de Lestapis, La « Conspiration de Batz » (1793-1794), Paris, Société des Études robespierristes, 1969.
  • [17]
    Bronislaw Baczko, Comment sortir…, op. cit., p. 15-56.
  • [18]
    Il n’est, au départ du moins, que peu de chose en commun entre la peur des brigands, née « par en bas », plus ou moins simultanément en différents points du royaume durant les mois de juillet-août, et la rumeur savamment pensée et mise en circulation à des fins stratégiques « par en haut », depuis des Comité de Gouvernement pariant sur la crédulité populaire pour l’emporter, dans la nuit du 9 au 10 Thermidor, dans le cas du « Robespierre-roi ».
  • [19]
    Lindsay Porter, Popular Rumour in Revolutionary Paris, 1792-1794, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2017.
  • [20]
    Pierre Caron, Les Massacres de septembre 1792, Paris, Maison du Livre français, 1935. Les recherches ultérieures ont permis de compléter et d’affiner sa démonstration. Haïm Burstin, L’Invention du sans-culotte. Regards sur le Paris révolutionnaire, Paris, Odile Jacob, 2005, p. 195-226 ; Jean-Clément Martin, Violence et Révolution. Essai sur la naissance d’un mythe national, Paris, Le Seuil, 2006, p. 140.
  • [21]
    Pierre Caron, Les Massacres…, op. cit., p. 24.
  • [22]
    Timothy Tackett, « Rumor and Revolution… », art. cit.
  • [23]
    Selon le recensement qu’en propose Pierre Caron, Les Massacres…, op. cit., p. 394-410.
  • [24]
    En cela, ils relèvent du modèle des « massacres réduits » proposé par David El Kenz (dir.), Le Massacre, objet d’histoire, Paris, Gallimard, 2005, p. 7-9.
  • [25]
    Timothy Tackett est parmi les rares à intégrer ces violences provinciales à l’analyse des tensions extrêmes qui conduisent à une nouvelle accélération du processus révolutionnaire durant l’été 1792 (Timothy Tackett, Anatomie de la terreur…, op. cit., p. 226). Pour une vue approfondie de certains de ces massacres, voir Donald Sutherland, « Justice and Murder. Massacres in the Provinces. Versailles, Meaux and Reims in 1792 », Past and Present, vol. 222, 2014, p. 129-163 ; Côme Simien, Les Massacres de septembre 1792 à Lyon, Lyon, Éd. Aléas, 2011.
  • [26]
    Sans ignorer ici la difficulté inhérente à toute saisie des rumeurs dans des cultures qui demeuraient encore largement orale et où le cheminement d’un bruit ne laissait donc que peu de traces écrites. Bronislaw Baczko, Comment sortir…, op. cit., p. 18.
  • [27]
    De même qu’il y avait eu, naguère, une « saison des Saint-Barthélemy ». Janine Garrisson, Tocsin pour un massacre : la saison des Saint-Barthélemy, Paris, Éd. d’Aujourd’hui, 1975.
  • [28]
    Sur les croyances récurrentes en matière de complot contre la Révolution, les groupes sociaux qu’elles atteignent et les périodes de crise durant lesquelles cet imaginaire circule avec le plus d’intensité : Peter R. Campbell, Thomas E. Kaiser et Marisa Linton (dir.), Conspiracy in the French Revolution, Manchester, Manchester University Press, 2007 ; Timothy Tackett, « Conspiracy Obsession in a Time of Revolution : French Elites and the Origins of the Terror, 1789-1792 », American Historical Review, 2000, vol. 105, p. 691-713.
  • [29]
    Fin août, le bruit circule par exemple dans la capitale que le pain distribué aux enfants de la Pitié et de la Salpêtrière est mêlé de verre pilé. Frédéric Braesch (éd.), Procès-verbaux de l’Assemblée générale de la section des Postes, 1790-1792, Paris, Hachette, 1911, p. 225. Sur la peur du « pacte de famine », voir Steven Kaplan, Le complot de famine. Histoire d’une rumeur au xviiie siècle, Paris, Armand Colin, 1982.
  • [30]
    Alors qu’il est en réalité passé à l’ennemi avec son état-major, on croit savoir que Lafayette avance sur Paris à la tête de 50 000 émigrés. Le 28 août, on affirme que l’ennemi prussien est déjà aux abords de Sainte-Ménehould, lors même que le siège de Verdun, plus à l’Est, n’a pas encore débuté. Le 2 septembre, on imagine les Prussiens déjà à Châlons, soit deux fois plus près de Paris qu’ils ne le sont en réalité…
  • [31]
    On affirme que 400 nobles se seraient échappés des Tuileries le 10 août et se cacheraient maintenant sous terre, attendant leur heure pour frapper les patriotes ; on raconte également que d’énormes caches d’armes se trouveraient sous le Panthéon et le Palais-Royal en prévision d’un coup de force royaliste. Timothy Tackett, Anatomie…, op. cit., p. 222-223.
  • [32]
    L’Assemblée législative serait sur le point de fuir Paris puis de négocier avec les ennemis de la Révolution ou compterait installer le duc d’York sur le trône ; le ministre de la guerre abriterait des ennemis dans sa maison ; le tribunal institué le 17 août pour juger les assassins du 10 août, trop lent, trop clément, serait de mèche avec les ennemis du peuple…« Nous sommes vendus de tous côtés » s’écrie alors la fille d’un commissaire de section siégeant à la Commune insurrectionnelle de Paris. Louis de Launay (éd.), Une famille de la bourgeoisie parisienne pendant la Révolution, Paris, Perrin, 1921, p. 308.
  • [33]
    Côme Simien, Les Massacres…, op. cit., p. 40 et suivantes.
  • [34]
    Ibid., p. 64.
  • [35]
    AM Lyon, 784 WP 034 1, Pétition de la société populaire de Pierre-Scize au Club central, 10 septembre 1792 et Adresse des citoyennes de la section Saint-Georges au ministre de l’Intérieur, s.d. – Procès-verbaux des délibérations des séances des Corps municipaux de la ville de Lyon, vol. 3, Lyon, Imprimerie Nouvelle Lyonnaise, 1902, séance du 2 septembre, p. 278.
  • [36]
    SHD, B31, Lettre de Vitet à Servan, ministre de la Guerre, 28 août 1792.
  • [37]
    Journal de Lyon ou Moniteur du département de Rhône-et-Loire, 15 août 1792.
  • [38]
    AM Lyon 1401 WP 133, Lettres de Vitet aux procureur généraux syndics des départements de l’Isère et de Rhône-et-Loire, 11 août 1792.
  • [39]
    AN, F7457510, Lettre de Saint-Charles au ministre des Affaires étrangères, 6 septembre 1792.
  • [40]
    Journal de Lyon ou Moniteur du département du Rhône et Loire, 10 septembre 1792.
  • [41]
    François Ploux, De bouche à oreille…, op. cit., p. 122.
  • [42]
    Id., « La ville des "libelles parlés". Rumeurs et bruits publics à Paris sous la Première Restauration », dans Philippe Bourdin et Stéphane Le Bras (dir.), Les Fausses Nouvelles…, op. cit., p. 85-86.
  • [43]
    Timothy Tackett, « Rumor and Revolution… », art. cit., p. 62.
  • [44]
    Voir Marcel Reinhard, 10 août 1792. La Chute de la Royauté, Paris, Gallimard, 1969.
  • [45]
    La solution monarchique est condamnée, de même que la famille régnante. La République n’est pourtant guère évoquée avant le 22 septembre 1792. Michel Biard, Philippe Bourdin, Hervé Leuwers et Pierre Serna (dir.), 1792. Entrer en République, Paris, Armand Colin, 2013.
  • [46]
    Édouard Lockroy (éd.), Journal d’une bourgeoise pendant la Révolution, 1791-1793, Paris, Calmann Lévy, 1881, p. 262. Sur ces lettres et Rosalie Jullien : Annie Duprat (éd.), « Les affaires d’Etat sont mes affaires de cœur ». Lettres de Rosalie Jullien, une femme dans la Révolution, 1775-1810, Paris, Belin, 2016.
  • [47]
    Oscar Browning (éd.), The despatches…, op. cit., p. 215.
  • [48]
    Lindsay Porter, Popular rumour…, op. cit., p. 1-35.
  • [49]
    Timothy Tackett, « Rumor and Revolution… », art. cit. p. 56. Voir également François Ploux, De bouche à oreille…, op. cit., p. 62.
  • [50]
    Rosalie Jullien, le 26 août, rapporte à son mari la nouvelle de la chute de Longwy, en ajoutant : « la nouvelle est officielle mais elle n’est pas détaillée », ce qui lui fait penser qu’il y aurait peut-être quelque trahison inavouable derrière la reddition de la place forte lorraine. Édouard Lockroy (éd.), Journal…, op. cit., p. 261.
  • [51]
    Procès-verbaux des délibérations des séances des Corps municipaux de la ville de Lyon…, op. cit., vol. 3, p. 278.
  • [52]
    SHD, B32, Lettre de Vitet à Servan, ministre de la guerre, 9 septembre 1792.
  • [53]
    « On croit aisément ce qu’on a besoin de croire », écrivait Marc Bloch à propos de la diffusion des fausses nouvelles. Marc Bloch, « Réflexions d’un historien… », art. cit., p. 13-35.
  • [54]
    Georges Lefebvre note qu’on a alors cru d’autant plus aisément que les brigands arrivaient qu’on les attendait : La Grande Peur…, op. cit., p. 167.
  • [55]
    Il faudrait également prendre en compte des ingrédients qui prolongent l’effet de la rumeur et rendent possible le déclenchement des mises à mort, tel que le rôle de la parole violente et de la déshumanisation de l’adversaire, condition déjà ancienne pour un massacre sans culpabilité (voir Natalie Z. Davis, Les Cultures du peuple. Rituels, savoirs et résistances au xvie siècle, Paris, Aubier, 1979, p. 284). Les imaginaires populaires pérennes de la violence souveraine et du crime de lèse-majesté, ou la patience déçue des militants patriotes à l’égard des autorités, ont également été décisifs. Voir Paolo Viola, « Violence révolutionnaire… », art. cit. et Sophie Wahnich, La Longue patience du peuple. 1792, la naissance de la République, Paris, Payot, 2008.
  • [56]
    Réimpression de l’Ancien Moniteur…, op. cit., vol. 13, p. 460 (numéro du 26 août 1792).
  • [57]
    À commencer, peut-être, par l’action efficace d’autorités locales reconnues par la population et non convaincues elles-mêmes par le bien-fondé de la rumeur. Le poids de ce type d’intervention est également avancé par Georges Lefebvre pour comprendre les cas de non-grande peur, en Bretagne notamment. Georges Lefebvre, La Grande Peur…, op. cit., p. 187-188.
  • [58]
    Sont principalement concernés par les massacres, outre Paris, les abords de la capitale, la Champagne et les Ardennes, la vallée du Rhône, la Provence ainsi que le Bordelais. Timothy Tackett, Anatomie…, op. cit., p. 224-227.
  • [59]
    Id., « Rumor and Revolution… », art. cit., p. 58.
  • [60]
    AN, F1CIII Marne 4, Rapport des Commissaires du pouvoir exécutif à Châlons au Conseil Exécutif Provisoire, 11 septembre 1792. Voir aussi la Réimpression de l'Ancien Moniteur, t. XIII, p. 698.
  • [61]
    C’est là une dimension essentielle et durable des foules émeutières, comme le souligne Arlette Farge pour le xviiie siècle parisien, où les émotions populaires étaient moins mues par une volonté de rupture qu’elles ne se pensaient comme un point de jonction entre un ordre qui faisait défaut et un avenir mal assuré. Arlette Farge, La Vie fragile. Violence, pouvoirs et solidarités à Paris au xviiie siècle, Paris, Le Seuil, 1986, p. 296-296.
  • [62]
    Pierre Caron, Les Massacres…, op. cit., p. 368. Oscar Havard, Histoire de la Révolution dans les ports de guerre. Toulon, Paris, Nouvelle Librairie Nationale, 1912-1913, p. 92-114.
  • [63]
    Si l’on en croit le propos de C. Lourde, Histoire de la Révolution à Marseille et en Provence, t. 2, Marseille, Senès, 1839, p. 112.
  • [64]
    Sur ce sentiment de souveraineté des foules de septembre 1792, déjà identifiée par Pierre Caron : Paolo Viola, « Violence révolutionnaire… », art. cit., et Sophie Wahnich, La Longue Patience…, op. cit.
  • [65]
    AN, F736911, Procès-verbal des événements survenus dans la ville de Castres le 21 et 22 juillet 1792.
  • [66]
    C’est en tout cas ce qu’avance Anarchasis Combes, Histoire de la ville de Castres et de ses environs pendant la Révolution française, Castres, Lucien Granier, 1875, p. 82.
  • [67]
    Côme Simien, « Septembre 1792 : un mois de massacres en clair-obscur », dans Philippe Bourdin (dir.), Les Nuits de la Révolution française, Clermont-Ferrand, PUBP, 2013, p. 61-78.
  • [68]
    Timothy Tackett, « Rumor and Revolution… », art. cit., p. 63.
  • [69]
    Voir la retranscription de ces rapports dans Oscar Browning (éd.), The Despatches…, op. cit., p. 213-230.
  • [70]
    Jeremy Popkin note que les journaux de la Révolution ont imprimé beaucoup de rumeurs non vérifiées, et refusaient dans le même temps d’admettre le manque de certitude de leurs informations. Il souligne également que, même à Paris, la rumeur précédait toujours les journaux, mais que ce sont eux, ensuite, qui en apportaient les détails. Jeremy D. Popkin, « La presse et les événements politiques en France, 1789-1799 », dans Mélanges de l’École française de Rome, 1992, vol. 104-1, p. 161-173.
  • [71]
    Bronislaw Baczko, Comment sortir…, op. cit., p. 18 ; Lindsay Porter, Popular Rumour…, op. cit., p. 69-104.
  • [72]
    On sait que la dénonciation de complots (réels ou supposés) contre la Révolution et le peuple est omniprésente sous la plume de Marat, dans son Ami du Peuple. Il est vrai toutefois que celui cesse, un temps, fin août 1792, d’être publié. Serge Bianchi, Marat, Paris, Belin, 2018, p. 55-56.
  • [73]
    Réimpression de l’ancien Moniteur, vol. 13, Paris, Plon, 1862.
  • [74]
    Le Journal de Lyon ou Moniteur du département de Rhône-et-Loire en offre un bon exemple, en août-septembre 1792.
  • [75]
    Édouard Lockroy (éd.), Journal…, op. cit., p. 286.
  • [76]
    AM Lyon, 784 WP 034-1, Lettre de Benoit Desvignes au maire de Lyon, s.d. (fin août-début septembre 1792).
  • [77]
    Frédéric Braesch (éd.), Procès-verbaux…, op. cit., p. 243.
  • [78]
    On sait que cet arrêté est également discuté par la section Molière-et-La Fontaine, le 3 septembre. Ibid.
  • [79]
    À Lyon, ce sont les clubs qui jouent par exemple un rôle dans la propagation des rumeurs relatives aux complots visant à affamer le peuple. AM Lyon, 784 WP 034 1, Pétition de la société populaire de Pierre-Scize au Club central, 10 septembre 1792 et Adresse des citoyennes de la section Saint-Georges au ministre de l’Intérieur, s.d. À Toulon, le citoyen Sylvestre semble évoquer, le 27 juillet, la veille des massacres, à la tribune du Club de la ville, les complots des nobles, des prêtres et des administrateurs du département, si l’on en croit Oscar Havard, Histoire de la Révolution… op. cit., p. 92-93.
  • [80]
    Timothy Tackett, « Rumor and Revolution… », art. cit., p. 54-64.
  • [81]
    François Ploux, De bouche à oreille…, op. cit., p. 117.
  • [82]
    AN, F736593, Extrait du registre des délibérations de la municipalité de Marseille, 21 juillet 1792.
  • [83]
    Ibid.
  • [84]
    La société populaire de la section Saint-Nizier, le 23 août, évoque les projets contre-révolutionnaires des deux corps de cavaleries stationnés dans la ville. AM Lyon, 2 I 002, Pétition de la Société des amis de la Liberté et de l’Égalité, section de Saint-Nizier, 23 août 1792.
  • [85]
    Convaincus par la réalité du complot, le maire et la municipalité font prendre des mesures pour empêcher la sortie de la ville du régiment Royal-Pologne et ordonnent l’arrestation de ses officiers. Côme Simien, Les Massacres… op., cit., p. 33-37.
  • [86]
    Eugène Moutarde, « Un témoin de la Révolution française : journal de Benjamin Cuendet de Sainte-Croix (Suisse), officier de la Garde nationale à Lyon, 1769-1815 », Revue d’histoire de Lyon, 1914, vol. 13, p. 113.
  • [87]
    Bronislaw Baczko. « Les peurs de la Terreur », dans Jacques Berchtold et Michel Porret (dir.), La Peur au xviiie siècle. Discours, représentation, pratiques, Genève, Droz, 1994, p. 75-76.
  • [88]
    Marie-Luce Llorca (éd.), Lettres parisiennes d’un révolutionnaire poitevin. Pierre Dubreuil-Chambardel, député à la Législative et à la Convention, Tours, PUFR, 1994, p. 60-62.
  • [89]
    Le 29 août, elle écrit à son fils « Je vous écrirais tous les jours si je n’avais pas peur de vous donner de fausses nouvelles. Il faut attendre la confirmation pour ne point dire des sottises qu’il faut ensuite effacer ». Édouard Lockroy (éd.), Journal…, op. cit., p. 277.
  • [90]
    Le 1er septembre, à propos d’une supposée reprise de Longwy : « On confirme vraiment la reprise de Longwy. On vient encore de me l’assurer. Comme on croit facilement ce qu’on désire ! ». Ibid., p. 287.
  • [91]
    Ibid., p. 289.
  • [92]
    Peu avant, cela avait déjà été le cas pour la rumeur sur la « patrie en danger » (printemps-été 1792), voir Sophie Wahnich, « La patrie en danger, rumeur et loi », Hypothèses, 2001-1, vol. 3, p. 293-302.
  • [93]
    Sur les 21 correspondances de personnes issues des classes moyennes et des élites de la capitale étudiées par T. Tackett, seules 3 condamnent ou évitent de parler des massacres. Timothy Tackett, « Rumor… », art. cit., p. 55.
  • [94]
    Voir Frédéric Bluche, Septembre 1792 : logiques d’un massacre, Paris, R. Laffont, 1986.
  • [95]
    Côme Simien, « Un ministre face aux massacres de septembre 1792 », dans Michel Biard et Hervé Leuwers (dir.), Danton, le mythe et l’histoire, Paris, Armand Colin, 2016, p. 55-69. Marcel Dorigny, « Violence et Révolution : les Girondins et les massacres de septembre », dans Albert Soboul (dir.), Girondins et Montagnards, Paris, SER, 1980, p. 103-120.
  • [96]
    Hippolyte Taine, Les origines de la France contemporaine, vol. 5., La Révolution. La conquête jacobine, Paris, Hachette, 1904 ; Frédéric Bluche, Septembre…, op. cit., p. 103-121.
  • [97]
    On retrouve de semblables phénomènes au cours du siècle suivant. François Ploux, De bouche à oreille…, op. cit., p. 116.
  • [98]
    Ibid.
  • [99]
    Outre les lettres de Rosalie Jullien (vers la Drôme) et de Chambardel (vers le Poitou), déjà évoquées, songeons à celle du Législateur Couthon (vers l’Auvergne). Francisque Mège (éd.), Correspondance inédite de Georges Couthon, député du Puy-de-Dôme à l’Assemblée législative et à la Convention, Clermont-Ferrand, Académie de Clermont-Ferrand, 1871, p. 249.
  • [100]
    « La Commune de Paris se hâte d’informer ses frères de tous les départements qu’une partie des conspirateurs féroces détenus dans ses prisons a été mise à mort par le peuple : actes de justice qui lui ont paru indispensables pour retenir par la terreur les légions de traîtres cachés dans ses murs, au moment où il allait marcher à l’ennemi ». Cité par George Rudé, La Foule dans la Révolution française, Paris, Éd. François Maspéro, 1982, p. 132.
  • [101]
    Marcel Dorigny, « Violence et Révolution… », art. cit., p. 103-120.
  • [102]
    Jeremy Popkin, La Presse de la Révolution. Journaux et journalistes (1789-1799), Paris, Odile Jacob, 2011.
  • [103]
    Eugène Moutarde, « Un témoin… », art. cit., p. 22.
  • [104]
    Malouët rapporte en ces termes le propos que lui aurait tenu un paysan de Gennevilliers, où il se cachait alors, le 3 septembre 1792, à propos des massacres des prisons parisiennes alors en cours : « Aussi, c’est bien terrible que ces aristocrates voulussent tuer tout le peuple en faisant sauter la ville ! ». Pierre-Victor Malouët, Mémoires, t. 2, Paris, Éd. Plon, 1874, p. 243-244.
  • [105]
    Sur la complexité des relations Paris-province durant les années 1791-1793, se référer à Maxime Kaci, Dans le tourbillon de la Révolution. Mots d’ordre et engagements collectifs aux frontières septentrionales (1791-1793), Rennes, PUR, 2016.
  • [106]
    Memoirs of the Life of sir Samuel Romilly, written by himself with a selection from his Correspondence, vol. 2, Londres, John Murray, 1840, p. 7-8.
  • [107]
    Jacques Bernet (éd.), Le Journal d’un maître d’école d’Île-de-France, 1771-1792, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2000, p. 255.
  • [108]
    Côme Simien, « Un ministre… », art. cit., p. 64.
  • [109]
    Sur ces deux massacres, se référer à Donald Sutherland, « Justice and Murder… », art. cit.
  • [110]
    Sur les inquiétudes éprouvées par la police, au xviiie siècle, à l’égard des « faux bruits » : Vincent Milliot, “L’Admirable police”. Tenir Paris au siècle des Lumières, Seyssel, Champ Vallon, 2016.
  • [111]
    Alfred Fray-Fournier, Le Département de la Haute-Vienne sa formation territoriale, son administration, sa situation politique pendant la Révolution, Limoges, Henri Charles-Lavauzelle Imprimeur, 1908, t. 2, p. 186-201.
  • [112]
    Marius Tallon, Les Vans. Histoire civile, politique et religieuse, t. III, Nîmes, Editions Lacour, 2007, p. 171-173.
  • [113]
    Maxime Kaci, Dans le tourbillon…, op. cit., p. 149.
  • [114]
    Ibid., p. 146-147 et Dr. Antoine Lapierre, Campagne des Emigrés dans l'Argonne en 1792, Sedan, Librairie Genin, 1911, p. 40.
  • [115]
    C’est également le constat de Maxime Kaci pour la zone frontalière du Nord-Est, Ibid. Sur la notion d’« enracinement » de la violence : Daniel Roche, « La violence vue d’en bas. Réflexions sur les moyens de la politique en période révolutionnaire », Annales, E.S.C., 1989, vol. 44-1, p. 52.
  • [116]
    Benoît Loreau, Le Régiment de Noailles dragons (1740-1792), Mémoire de Maîtrise, Université Paris 1, 2004, p. 83-92.
  • [117]
    André Abbiateci (éd.), La Plume et le Rabot. Journal écrit de 1773 à 1828 par Claude-Antoine Bellod, menuisier et maître d’école au Grand-Abergement (Ain), Bourg-en-Bresse, Les Amis des Archives de l’Ain, 1996, p. 115-117.
  • [118]
    François Furet et Denis Richet, La Révolution française, Paris, Hachette, 2005 (rééd.), p. 173.
  • [119]
    AN, F7368114, Lettre des administrateurs du département de la Lozère au Ministre de l'Intérieur, 13 août 1792.
  • [120]
    François de Jouvenel, « Les camps de Jalès (1790-1792), épisodes contre-révolutionnaires ? », AHRF, 337, 2004-3, p. 1-20.
  • [121]
    Valérie Sottocasa, Mémoires affrontées. Protestants et catholiques face à la Révolution dans les montagnes du Languedoc, Rennes, PUR, 2004, p. 85-116.
  • [122]
    AN, F7368114, Lettre des administrateurs du département de la Lozère au Ministre de l'Intérieur, 13 août 1792.
  • [123]
    Le caractère poreux des prisons parisiennes, les facilités supposées des prisonniers à s’en évader ainsi que la capacité du dehors à communiquer avec le dedans carcéral est une réalité déjà ancienne, connue, et crainte, des habitants de la capitale dès avant la Révolution. Voir Sophie Abdela, La prison parisienne au xviiie siècle. Formes et réformes, Seyssel, Champ Vallon, 2019, p. 37-48.
  • [124]
    Timothy Tackett, « Rumor… », art. cit., p. 59-60.
  • [125]
    Côme Simien, Les Massacres…, op. cit., p. 33-37.
  • [126]
    Réimpression de l’ancien Moniteur…, op. cit., vol. 13, p. 546.
  • [127]
    Sur le rôle des autorités dans l’accréditation des rumeurs, voir Arlette Farge, La Vie fragile. Violence, pouvoirs et solidarités à Paris au xviiie siècle, Paris, Le Seuil, 1986, p. 274.
  • [128]
    AN, F736593, Extrait du registre des délibérations de Marseille, 21 juillet 1792.
  • [129]
    Georges Lefebvre, La Grande peur…, op. cit., p. 167.
  • [130]
    Bronislaw Baczko, Comment sortir…, op. cit., p. 15-46.

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