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Article de revue

L’élevage du cheval et la loi relative aux haras du 2 germinal an III

Pages 69 à 92

Notes

  • [1]
    On trouve le texte du décret dans la collection Baudoin, Décret relatif aux haras, 2 germinal an III. Consultable en ligne: http://artflsrv02.uchicago.edu/cgi-bin/philologic/getobject.pl?c.58:19.baudouin0314.
  • [2]
    Eugène Gayot, La France chevaline, 1ère partie- Institutions hippiques, Paris, Comptoir des Imprimeurs-Unis, 1848, p. 94-95.
  • [3]
    Un peu curieusement, l’article 14 évoque « la suspension des haras » prononcée par l’Assemblée constituante.
  • [4]
    Sur l’administration des haras sous l’Ancien Régime, René Musset, « L’administration des haras et l’élevage du cheval en France au xviiie siècle », Revue d’histoire moderne et contemporaine, t. 13, 1909, p. 36-57 et t. 14, 1910, p. 133-152. Du même auteur en collaboration avec Henry Robien (comte de), L’élevage du cheval en France : Précédé d’une bibliographie de l’élevage du cheval en France du xviie siècle à nos jours, suivi d’études sur l’élevage du cheval dans le Perche, le Boulonnais et la Basse-Normandie, Paris, Librairie agricole de la maison rustique, 1917. Jacques Mulliez, Les chevaux du Royaume : aux origines des haras nationaux, Paris, Belin, coll. « Histoire et société », 2004. René Musset et Jacques Mulliez s’opposent sur le bilan de l’action des haras d’Ancien Régime. Le premier insiste sur son échec, le deuxième est plus nuancé.
  • [5]
    Daniel Roche, « Les chevaux de la République : l’enquête de l’an III », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 2008-4, p. 82-121. Daniel Roche poursuit le travail commencé d’Octave Festy, Les animaux ruraux en l’an III. Dossier de l’enquête de la Commission d’Agriculture et des Arts, Paris, Hartmann et Tépac Éditeur, 1941-1946, 2 vol. Ce dernier projetait avant sa disparition un ouvrage sur Le cheval, une étude économique (1789-1795) qu’il ne pût mener à son terme. Jean-Marc Moriceau regrette lui aussi le faible intérêt des chercheurs sur la question de l’élevage à l’époque moderne, et notamment celui du cheval (Jean-Marc Moriceau, Histoire et géographie de l’élevage français, Paris, Fayard, 2000). Cet oubli a été réparé depuis par Daniel Roche, La culture équestre de l’Occident, xvie-xixe siècle, Paris, Fayard, 2008-2015, 3 vol. et par Nicole de Blomac, Voyer D’Argenson et le cheval des Lumières, Paris, Belin, coll. « Histoire et société », 2004.
  • [6]
    René Musset, au début du xxe siècle évoquait un véritable « fatras » aux Archives nationales, que nous avons pu constater nous aussi. L’essentiel se trouve dans les cartons de la sous-série F10, quelques-uns dans ceux de la série AF et D.
  • [7]
    Sur le produit de ces levées, Boris Cattan, « Les chevaux sous la Convention nationale. Urgences des besoins civils et militaires et mise en place d’une politique de l’élevage du cheval dans la France républicaine en l’an II et l’an III », mémoire master 2e année, dir. Pierre Serna, Paris I, 2015 plus particulièrement les pages 44-78.
  • [8]
    Seul un tiers des districts a répondu à l’enquête de prairial an II. En revanche, les deux tiers répondent à celle de vendémiaire an III.
  • [9]
    Daniel Roche, « Les chevaux de la République… », art. cit., p 93-100.
  • [10]
    Antoine Laurent de Lavoisier, De la richesse territoriale du royaume de France, Paris, Éditions du CTHS, 1988. Préseau de Dompierre estimait en 1788 à 3 millions le nombre de chevaux dans le royaume.
  • [11]
    Boris Cattan, Les chevaux sous la Convention ..., op. cit, p.151-152.
  • [12]
    . Ibid., p. 152-153
  • [13]
    AN, F10 630, Mémoire adressé à la Commission d’agriculture et des arts, Troyes, ventôse an III.
  • [14]
    Claude Bourgelat, Traité de la conformation extérieure du cheval, Paris, Huzard, 1832, p 364. Jacques Mulliez, dans sa thèse, infirme cette position, faisant remarquer que le discours sur la détérioration de l’espèce relevait bien souvent de la croyance à un prétendu « âge d’or » du cheval que les contemporains situaient au début du xviie siècle avant que Richelieu n’eût privé la noblesse de ses haras.
  • [15]
    C’est ainsi qu’est défini le cheval susceptible d’être utile à la reproduction. Il n’est pas question d’étalon dans le texte de l’arrêté mais de cheval entier de 4 pieds et 10 pouces. L’application de ce règlement posera problème en particulier dans les départements du Sud où les chevaux sont de petite taille.
  • [16]
    Boris Cattan, Les chevaux sous la Convention... op. cit, p. 157-175 et 298-304.
  • [17]
    Décret du 26 germinal an III (15 avril 1795) dans Collection Baudoin, vol 60. Consultable en ligne www.collection-baudoin.univ-paris1.fr
  • [18]
    Collection Baudoin, loi du 23 juillet 1791 pour Pin et loi du 27 septembre 1791 pour Rosières. Ce dernier accueillera les chevaux du haras du duc du Deux-Ponts en mars 1793.
  • [19]
    AN, F10 630, Observations du Citoyen Bouchet…, op. cit.
  • [20]
    Graphiques réalisés à partir des procès-verbaux déposés au Caran dans la sous-série H1. Les procès-verbaux sont malheureusement incomplets mais en nombre suffisant pour relever des tendances.
  • [21]
    Jean-Baptiste Huzard, Instruction sur l’amélioration des chevaux en France destinée principalement aux cultivateurs, Paris, Imprimerie de Mme Huzard, an X, p. 22 et 23. Pichard, Manuel des Haras ou système de régénération des races de chevaux, Paris, 1812, p. 44-62 Pichard et Huzard partagent la même méfiance à l’égard du cheval anglais. Pichard affirme même l’importation de ces chevaux a « infesté » l’Europe et la France (p. 51).
  • [22]
    Le décret lève aussi un mulet sur dix dans chaque district.
  • [23]
    Jean-Baptiste Huzard, op. cit. p. 6.
  • [24]
    Alphonse Aulard, Recueil des actes du Comité de salut public, arrêté du 7 mai 1794, Paris, Imprimerie nationale, t. XIV, 1900, p. 348.
  • [25]
    Ibid., arrêté du 15 prairial an II, t. XIV, p. 101-102.
  • [26]
    Collection Baudoin, vol. 13, mois de germinal an II, p. 103.
  • [27]
    Fernand Gerbaux et Charles Schmidt (éd.), Procès-verbaux des Comités d’agriculture et de commerce de la Constituante, de la Législative et de la Convention, t. III, Paris, Imprimerie Nationale, 1908, p. 3.
  • [28]
    AN, F10 207, Rapport de la Commission d’agriculture et des arts au Comité de la guerre, le 28 prairial an II. Ce rapport sera transmis au Comité d’agriculture et des arts le 16 vendémiaire an III (3 octobre 1794).
  • [29]
    Fernand Gerbaux et Charles Schmidt (éd.), op. cit, p. 241-243. Ainsi, pour le 8 messidor an II (26 juin 1794), il est noté que « cet objet, dont les discussions ont été très lumineuses, a prolongé la séance jusqu’à 11 heures du soir ».
  • [30]
    Ibid, p. 258-259.
  • [31]
    Ibid, p. 284-285.
  • [32]
    AN, F10 294, sur le même document, on trouve les réponses – on devrait plutôt dire les critiques - du Comité de la guerre en face de chacune des propositions de la Commission d’agriculture et des arts.
  • [33]
    AN, F10 630, Arrêté du Comité de salut public, 18 pluviôse an III. Fernand Gerbaux et Charles Schmidt (éd.), Procès-verbaux des Comités, op. cit, p. 381.
  • [34]
    Idem, p. 470.
  • [35]
    AN, F10 297, Rapport de Dubois au Comité d’Agriculture et des arts, 14 messidor an III (2 juillet 1795).
  • [36]
    AN, F10 509, Instructions de la Commission d’agriculture et des arts, 29 brumaire an III (19 novembre 1794).
  • [37]
    AN, F10 207, Rapport de la Commission au Comité d’agriculture et des arts, 17 pluviôse an III (5 février 1795).
  • [38]
    AN, F10 509a, Lettre de Barrier à la Commission d’agriculture et des arts, 9 messidor an III (27 juin 1795). Barrier est un agent d’extraction auprès des armées des Pyrénées.
  • [39]
    AN, F10 633, Rapport du chef de la 4ème division au ministre de l’intérieur, le 26 frimaire an III (16 décembre 1794).
  • [40]
    Ces cahiers sont conservés aux Archives nationales à la cote F10 630. Un des cinq cahiers manque.
  • [41]
    François Hincker, « Comment sortir de la Terreur économique ? », dans Michel vovelle, (dir.), Le tournant de l’an III, Réaction et Terreur blanche dans la France révolutionnaire, Paris, CTHS, 1997, p. 149-159.
  • [42]
    AN, F10 630, Observations du Citoyen Bouchet attaché au Comité de la guerre soumis à discussion au comité de la Guerre par la Commission d’agriculture et des arts, 17 brumaire an III.
  • [43]
    Cette hostilité à l’égard de l’élevage du cheval en général qui se ferait au détriment des laboureurs et des artisans est très présente dans les écrits des physiocrates. Voir par exemple, Richard cantillon, Essai sur la nature du commerce en général, Londres, Chez Fletcher Gyles, 1755, p. 83-84.
  • [44]
    Sur le sujet, Claude Bourgelat, Traité de la conformation ..., op. cit, p. 435-440.
  • [45]
    Il s’agit bien entendu des Instructions de Jean-Baptiste Huzard demandées par le ministre de l’intérieur Chaptal.
  • [46]
    Cette position sera encore justifiée avec les mêmes arguments par Eschassériaux jeune au Conseil des Cinq-Cents lors de la séance du 28 fructidor an VI (14 septembre 1798).
  • [47]
    Patrick Wandel, L’administration des haras royaux et l’élevage paysan en Franche-Comté, à la recherche d’un cheval de terroir utile, le cheval comtois au xviiie siècle, thèse sous la direction de François Vion-Delphin, 2005.
  • [48]
    Jules Mavidal, Émile Laurent, Archives parlementaires de 1787 à 1860, Paris, Librairie administrative de Paul Dupont, 1869, t. 5, p. 712.
  • [49]
    Ibid., t. 3, 1879, p. 545.
  • [50]
    AN, F10 630, 3e et 4e cahiers du Mémoire de Jougla, 24 pluviôse et 7 germinal an III (12 février et 27 mars 1795).
  • [51]
    AN, F10 642, op. cit., s.d.
  • [52]
    AN, F10 630, Observations du Citoyen Bouchet.., op. cit.. brumaire an III.
  • [53]
    Coll. Baudouin, décret du 24 nivôse an III (13 janvier 1795).
  • [54]
    AN, F10 509a, lettre de Balbelat à la Commission d’agriculture et des arts, 7 nivôse an III (27 décembre 1794).
  • [55]
    AN, F10 207, Rapport de la Commission d’agriculture et des arts au comité d’agriculture et des arts, s.d. (an III).
  • [56]
    AN, F10 632, Mémoire sur la multiplication et l’amélioration des chevaux, 28 fructidor an II.
  • [57]
    Claude Bourgelat, Eléments de l’art vétérinaire, op. cit., p. 351.
  • [58]
    Buffon, Histoire naturelle des animaux, t. IV, Paris, Lecène et Oudin éditeurs, 1886, p. 37-38.
  • [59]
    Esprit-Paul Lafont-Pouloti, De la régénération des haras ou mémoire contenant le développement du vice actuel et un plan pour propager et perfectionner la race des chevaux en France, Paris-Versailles, Veuve Vallat-la-Chapelle, 1789, p. 8-9. L’auteur avait exposé ses vues en 1787 au duc de Polignac dans Nouveau régime pour les haras ou exposé des moyens propres à propager et à améliorer les races de chevaux, Turin-Paris, Veuve Valat-la-Chapelle, 1787.
  • [60]
    Préseau de Dampierre, Traité de l’éducation du cheval en Europe contenant le développement des vrais principes des haras, du vice radical de l’éducation actuelle et des moyens de perfectionner les individus, en perfectionnant les espèces, Paris, Mérigot le jeune, 1788, p. 54.
  • [61]
    AN, F10 632, lettre de la Commission d’agriculture à Aubry, 2 vendémiaire an III (23 septembre 1794).
  • [62]
    AN, F10 295, Rapport de la Commission d’agriculture et des arts au Comité d’agriculture et des arts, s.d. (an III).
  • [63]
    AN, F10 643, Réflexions et observations du chef du haras de Rosières envoyées au Comité d’agriculture et des arts, 3 ventôse an III (21 février 1795).
  • [64]
    AN, F10 632, lettre de Lorry à la Commission des subsistances et des approvisionnements, 4 germinal an III (24 mars 1795).
  • [65]
    AN, F10 643, Réflexions et observations du chef du haras de Rosières envoyées au Comité d’agriculture et des arts, 3 ventôse an III (21 février 1795).
  • [66]
    Bernard Denis, « Les races de chevaux en France, au xviiie siècle. Et les idées relatives à leur amélioration », In Situ, n° 18, Le cheval et ses patrimoines, 2012, p. 4-7.
  • [67]
    AN, F10 295, Rapport de la Commission d’agriculture et des arts au Comité d’agriculture et des arts, s.d. (an III).
  • [68]
    Fournisseurs et palefreniers menacent régulièrement de cesser leur service. Il faut souvent aux Directeurs des dépôts faire preuve de tact et de diplomatie pour les retenir.
  • [69]
    D’après le rapport d’Eschassériaux Jeune au Conseil des Cinq-Cents lors de la séance du 28 fructidor an VI (14 septembre 1797).
  • [70]
    AN, F10 633, Rapport au ministre de l’intérieur le 26 frimaire an IV (17 décembre 1795) par le chef de la 4ème division.
  • [71]
    Ibid., Rapport présenté le 19 vendémiaire an V (10 octobre 1796) au Directoire exécutif par le ministre de l’intérieur.
  • [72]
    Ce décret impérial découpe la France en six arrondissements à la tête desquels il y a un haras. Au total, trente dépôts sont progressivement établis. Un règlement est également rédigé et des courses sont organisées.

1Le 2 germinal an III (22 mars 1795), la Convention nationale adopte un décret relatif aux haras [1] que l’on présente habituellement, après une lecture trop rapide, comme la loi qui restaure et réorganise les haras supprimés au début de la Révolution. Ce décret a mauvaise presse. L’inspecteur général des haras, Eugène Gayot, au milieu du xixe siècle, estime qu’il n’est « pas sérieux » et voit une renaissance du « système des garde-étalons revu, corrigé et même considérablement augmenté » [2].

2Pourtant, le terme de haras n’est cité que deux fois dans le texte du décret, une première fois pour rappeler sa suppression en 1790 (art. 14 [3]), et une deuxième fois pour évoquer les haras particuliers qui seraient susceptibles d’être établis (art. 12). De plus, le décret ne rétablit pas une administration des haras [4] telle qu’elle a pu exister avant la Révolution, avec ses inspecteurs et son directeur général, que très peu de Français regrettent. Quant aux garde-étalons et leurs privilèges abhorrés avant 1789, on n’en trouve nulle part la trace dans le texte de la loi.

3L’intention du législateur est ailleurs : certes, la Convention entend réparer le tort important qui a résulté de l’abolition du « régime prohibitif des haras », mais il s’agit aussi de créer les conditions d’une relance de la production du cheval, alors que la France en guerre contre une coalition d’États européens depuis 1792 en manque cruellement. Ainsi le gouvernement en l’an III réinvestit un domaine qu’il avait laissé entièrement à l’initiative privée dès le début de la Révolution, depuis que les haras – ou plutôt leur administration – avaient été supprimés par l’Assemblée nationale le 29 janvier 1790, et les étalons nationaux vendus comme le stipulait la loi du 12 novembre 1790.

4Le décret du 2 germinal de la Convention nationale insiste sur trois points. D’une part, il décide la création de sept dépôts nationaux réunissant les étalons propres à la production de chevaux pour la cavalerie. D’autre part, il organise la vente à des cultivateurs et à des propriétaires fonciers d’étalons propres à la propagation de chevaux de trait et de labour, et de six cents juments poulinières qui seront extraits des dépôts des armées. Enfin, il cherche à encourager l’élevage en accordant des avantages aux cultivateurs et détenteurs de haras et de poulinières (remise d’un cinquième sur l’achat de reproducteurs, 1 200 livres par an pour l’entretien et la subsistance de l’animal, 25 livres par jument saillie pour chaque propriétaire d’étalon national).

5Ce décret met un terme à dix mois de débats et de conflits entre les comités de la Convention et les commissions exécutives ; preuve que le cheval est un enjeu majeur dans le contexte de guerre. Cela contraste avec la faible place qu’occupent les haras et du cheval en Révolution dans l’historiographie hormis un article de Daniel Roche [5]. René Musset et plus récemment Jacques Mulliez évoquent rapidement la loi du 2 germinal insistant sur son caractère provisoire. Pourtant, les sources de toute nature sont nombreuses et riches pour la période révolutionnaire, mais leur classement désordonné a pu dérouter les chercheurs [6]. Elles nous permettent de connaître non pas tant l’évolution du stock chevalin que les débats, qui sont centraux, telles les questions des usages du cheval, de l’action de l’État et de la régénération de l’espèce pendant la période révolutionnaire.

6L’enjeu n’est pas donc seulement de donner à la République les chevaux dont elle a besoin pour faire la guerre mais aussi de répondre aux besoins civils. Il s’agit de reconstruire l’élevage que la guerre et la suppression des haras ont mis à mal et de reconstituer les circuits marchands et la circulation des chevaux entre les pays de naissance, de dressage et d’utilisation. De fait, la question qui est posée est celle de la place du gouvernement et de son niveau d’intervention, entre dirigisme et liberté, que tranchera plus tard avec plus de succès Napoléon Ier avec le décret de Saint-Cloud de juillet 1806. Aussi, cette loi est autant une loi de circonstance qu’une loi de compromis entre acteurs et idées, une loi qui se voulait provisoire mais qui pose les bases des haras pendant le xixe siècle.

7Nous ferons donc un état des lieux de l’élevage du cheval en l’an II et III et des conflits entre comités et commissions dans le gouvernement. Ces conflits replacent au cœur des débats la question de l’intervention de l’État dans l’élevage des chevaux et du type de cheval dont a besoin la République.

La République a besoin de chevaux

8Le manque de chevaux mis en évidence par l’état de guerre est à l’origine du décret. Cette pénurie s’accentue en l’an II et l’an III. Les levées de l’armée, décidées en vendémiaire et en germinal an II pour la cavalerie et les charrois, sont décevantes [7]. Mais ce sont surtout les capacités de reproduction qui sont devenues très limitées. La situation est connue du Comité de salut public et de la Commission d’agriculture et des arts qui ordonnent deux enquêtes. Une première, commandée par le Comité de salut public le 15 prairial an II (18 juin 1794), doit permettre de connaître l’état des chevaux entiers et des poulinières dans tous les districts et tous les dépôts de l’armée. La seconde, décidée par la Commission d’agriculture et des arts le 17 vendémiaire an III (8 octobre 1794), a pour objectif de recenser les animaux ruraux, et donc aussi les chevaux, dans tous les districts de la République. Bien entendu, ces enquêtes sont sujettes à caution. Les districts n’ont pas tous répondu et les réponses des agents nationaux des districts sous-estiment souvent la réalité par crainte des réquisitions [8]. Cependant, les grandes régions de l’élevage, principalement celles situées au nord de la France, ont formulé des réponses intéressantes et exploitables.

9Ces enquêtes donnent une idée de l’élevage du cheval en l’an II et en l’an III et montrent une baisse très sensible du nombre d’équidés en France par rapport à 1789. Travaillant sur les résultats de l’enquête sur les animaux ruraux, Daniel Roche estime que le nombre de chevaux qui se trouvent sur le territoire de la République a baissé de 25 % depuis 1789 [9], si on le compare aux valeurs avancées pour cette date par Lavoisier [10]. Selon les chiffres fournis par les districts, la France compte 1,5 million de chevaux en l’an III contre plus de 2 millions en 1789. La baisse est très importante dans les districts proches des zones de combat [11]. Deux plaintes s’expriment massivement : celle qui dénonce l’« abâtardissement » et la « dégénérescence » de l’espèce et celle qui s’inquiète de la réorientation de l’élevage vers la production des mulets tout particulièrement dans les départements pyrénéens. D’une manière générale, les agents dénoncent le recours à des chevaux trop faibles, trop âgés, trop jeunes ou mal conformés pour la monte [12]. Ainsi, dans les grandes régions d’élevage, en Normandie et dans le Limousin, on redoute la disparition de races précieuses. L’ancien inspecteur des haras de Champagne, Jougla, s’en alarme en l’an III :

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« Les vraies races qui existaient en Limousin, Normandie, en Auvergne, dans le Roussillon, dans la Navarre, la Gascogne, le Buggey, le Morvan, etc., sont pour ainsi dire éteintes, tous ces départements ont été négligés. […] Le Limousin a tellement dégénéré qu’on ne le reconnaît plus, le normand est totalement abâtardi, on ne reconnaît plus la beauté de ses membres ainsi des autres chevaux, les perfections en ont disparu » [13].

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11Les discours sur la dégénérescence des chevaux ne sont pas nouveaux. Ils sont très courants avant même la Révolution sous la plume de Buffon, ou des hippiatres tels Bourgelat, Huzard ou Chabert. Ainsi, le premier estimait dans les années 1760 que « tous nos établissements sont en quelque sorte détruits, et les races françaises sont absolument éteintes », que « le cheval Limousin n’existe plus » ou que le normand « s’est abâtardi » [14]. Mais c’est la faiblesse des capacités de reproduction et de régénération qui inquiètent le plus en l’an II. Nous pouvons les estimer au tiers de celles de 1789 à partir des réponses des districts. En effet, les districts ayant répondu dénombrent 3 155 chevaux entiers mesurant au moins 4 pieds et 10 pouces - qui ne sont pas forcément des étalons [15]- et 71 956 juments poulinières. Or, pour espérer le strict renouvellement des générations, il faut 150 000 naissances par an. En l’an II et en l’an III, on peut espérer au mieux 40 000 à 50 000 naissances.

12La situation est alarmante dans les régions de naissance : en Normandie, dans le Limousin et en Bretagne. Dans l’Orne, où se trouve le haras de Pin, on ne compte que 37 chevaux entiers pour 1327 juments poulinières. Dans les districts de Cherbourg, de Carentan et de Mortain dans la Manche, il n’y a pas plus de 10 chevaux entiers pour 1 067 poulinières. Dans les cinq districts du département du Calvados, on recense 161 chevaux entiers et 8 162 juments poulinières [16]. Aussi les juments sont nombreuses à ne pas avoir été saillies pendant la monte de l’été de l’an II.

13La pénurie de chevaux a des conséquences dramatiques. Dans les armées où les besoins sont grands, la situation est délicate jusqu’au début de l’été de l’an II car les importations traditionnelles du cheval de guerre provenant de l’Europe de l’Est et du Nord sont impossibles. Des agents sont envoyés en Suisse pour contourner les frontières fermées du Nord et du Nord-est mais leurs achats restent négligeables. La situation se détend à partir de la victoire de Fleurus le 8 messidor an II (26 juin 1794) qui va permettre aux armées du Nord, de Moselle et du Rhin de vivre sur les ressources en chevaux des territoires qu’elles occupent. En revanche l’agriculture et les transports pâtissent de la pénurie pendant les trois premières années républicaines - et plus tard encore. Ainsi, dans les régions de grande culture, là où ils sont les moteurs de l’agriculture, les chevaux ont été enlevés par l’ennemi ou sont « ruinés » par les transports pour l’armée. Aussi, les terres ne sont plus assez bien travaillées, les labours sont moins bien faits et le produit des récoltes diminue. De même, la circulation et les approvisionnements sont ralentis et difficiles. Ils souffrent eux aussi de la pénurie de chevaux ou de chevaux mal nourris tant les fourrages manquent et sont chers. Les relais et les postes dysfonctionnent à tel point que la Convention nationale nomme des représentants pour inspecter et remonter les relais en chevaux ou indemniser, autant que faire se peut, les maîtres de postes de leur perte [17]. Quant à l’approvisionnement des grandes villes et de Paris, il devient difficile voire impossible lorsque survient le terrible hiver de l’an III, quand les routes sont enneigées et les cours d’eau sont gelés.

14Les raisons de cette pénurie de chevaux sont bien connues. Ce sont la suppression des haras en 1790 et la guerre déclarée en 1792. Il nous semble que leurs impacts ont été surévalués.

15Certes, la suppression de l’administration des haras de l’ancien régime et la vente des étalons nationaux ont désorganisé l’élevage du cheval le laissant à la seule initiative privée. Certes, les dépôts ont été dispersés sauf ceux de Rosières et de Pin provisoirement maintenus [18]. Et il n’y a pas de raison que l’on remette en cause Bouchet de Lagétière quand il affirme que trente mille des plus belles juments ne purent être saillies par des étalons de qualité en 1791 ou qu’elles le furent par des étalons approuvés dont la moitié était de qualité médiocre [19]. Mais la situation des haras avant la Révolution française ne brillait pas. Nos premières recherches sur les procès-verbaux des inspecteurs des haras montrent que les saillies et leurs productions, après avoir augmenté au début des années 1780, ont sensiblement diminué à partir de 1785 comme les deux graphiques suivants l’illustrent [20].

16D’autre part, les inspecteurs se plaignent de productions souvent mal conformées, décousues ou dégénérées. Huzard comme Pichard attribuent ce résultat à l’introduction d’étalons étrangers, surtout anglais et à des croisements hasardeux et irréfléchis décidés par une « administration composée de grands seigneurs et de protégés ignorants et dilapidateurs » [21].

Nombre de saillies et production des saillies par les étalons royaux et approuvés de l’administration des haras du duc de Polignac. (source : Boris Cattan. Graphiques réalisés à partir des procès-verbaux des visites des inspecteurs des haras du département du duc de Polignac)

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Nombre de saillies et production des saillies par les étalons royaux et approuvés de l’administration des haras du duc de Polignac. (source : Boris Cattan. Graphiques réalisés à partir des procès-verbaux des visites des inspecteurs des haras du département du duc de Polignac)

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17Quant à la guerre, elle oblige le gouvernement à opérer deux levées successives en l’an II. La première doit satisfaire les besoins de la cavalerie à raison de quatre chevaux par district alors que la deuxième, qui prélève sur chaque district un cheval sur vingt-cinq, doit répondre aux besoins pressants des transports et des charrois [22]. En plus de ses deux levées, les propriétaires des chevaux doivent satisfaire régulièrement toutes sortes de réquisitions et de transports pour les armées. Aussi les réquisitions multipliées et les levées vont très rapidement tarir le stock des chevaux et priver l’élevage des étalons et des poulinières dont il a besoin pour se renouveler [23].

18Ce serait une erreur d’imaginer que le gouvernement soit resté insensible à la détresse des propriétaires qui perdaient leur jument ou leur cheval entier. En effet, averti par de municipalités normandes qui s’inquiètent qu’on leur retire les plus beaux chevaux, le Comité de salut public arrête le 18 floréal an II (7 mai 1794) que les poulinières et les étalons ne pourront être compris dans la levée de germinal sur tout le territoire de la République [24]. Un mois plus tard, il généralise cette mesure en décidant qu’aucune poulinière et aucun cheval entier ne pourront être requis pour le service aux armées [25]. Ces deux mesures rompent avec le laisser-faire qui dominait depuis 1789. L’élevage du cheval devient alors une affaire qui intéresse l’État.

La loi en débat

19Il faut près de 10 mois pour que la loi du 2 germinal an III (22 mars 1795) soit votée. Dix mois entre l’arrêté du 15 prairial an II (3 juin 1794) et le vote par la Convention nationale le 2 germinal an III. C’est dire l’âpreté des débats qui ont agité les comités et les commissions exécutives. Ceux-ci sont en partie liés aux circonstances et aux conflits qui existent entre différents acteurs qui ont des intérêts souvent contraires.

20Le premier conflit oppose la Commission d’agriculture et des arts au comité du même nom. Il s’agit de savoir lequel des deux doit présider à l’organisation des haras. Le décret du 12 germinal an II, qui crée la Commission d’agriculture et des arts et qui fixe ses missions, ne mentionne pas explicitement les haras comme faisant partie de son domaine de compétences. L’article 7 indique qu’elle est « chargée de tout ce qui concerne l’économie rurale, les dessèchements et défrichements, l’éducation des animaux domestiques, les écoles vétérinaires [...] » mais à aucun moment, spécifiquement et précisément, des haras ou des chevaux [26]. En revanche, les haras font partie des missions du Comité d’agriculture depuis 1792 tel que l’indique le procès-verbal de sa première séance du 15 octobre 1792 [27]. Malgré tout, le décret du 15 prairial an II sur les chevaux reproducteurs est l’occasion pour la Commission d’agriculture de rédiger un rapport aux Comités de l’agriculture et de la guerre, le 28 prairial an II (18 juin 1794), dans lequel elle présente ses vues sur « la régénération des haras ».

21Ce rapport constitue la base de travail de la Commission pendant tout l’an III. Elle représente l’architecture de la loi qu’elle souhaiterait voir adopter mais ses recommandations sont très éloignées des décisions votées le 2 germinal an III. Ainsi, dans l’attente d’une « restauration généralisée des haras », la commission propose de reconstituer un stock de reproducteurs en réunissant et en conservant dans un lieu approprié les étalons et poulinières qui sont aux armées et qui appartiennent à la République avant de les confier ou de les vendre à des propriétaires ou des cultivateurs. Elle souhaite également voir exempter tous les chevaux reproducteurs appartenant à des particuliers en acceptant ceux qui auraient une taille inférieure à celle prescrite par les décrets afin de ne pas décourager les particuliers des régions où l’espèce est de petite taille. Enfin, pour encourager les propriétaires de poulinières, elle recommande de rémunérer la monte sans excéder 15 livres ce qui ne sera pas retenu dans le décret du 2 germinal [28].

22Au même moment, les procès-verbaux du comité d’agriculture des séances des 2, 3, 6, 7 et 8 messidor an II (20, 21, 24, 25 et 26 juin 1794) témoignent qu’il travaille aussi sur les haras et réfléchit aux propositions de la Commission [29]. Mais, ce n’est que le 6 vendémiaire an III (27 septembre 1794) que le Comité d’agriculture et des arts, qui venait d’être installé un mois plus tôt par le décret du 7 fructidor an II (24 août 1794) [30], répartit les missions entre lui et la commission : la Commission se chargera des « mesures pour l’organisation de haras et les soins pour leur conservation » tandis que leur surveillance sera confiée au comité [31]. Cette division des compétences et la collaboration entre le comité et la commission d’agriculture et des arts se poursuit jusqu’à la fin de la Convention nationale et aboutit notamment au vote du décret du 2 germinal an III.

23Les relations de la Commission d’agriculture et des arts sont plus tendues avec la Commission des transports militaires, des postes et des messageries et celle de l’organisation des armées et du mouvement des troupes. En effet, ces deux dernières commissions sont de grandes utilisatrices de chevaux et ne comptent pas s’en laisser retirer sans réagir. Le Comité de la guerre avait d’ailleurs vertement critiqué le rapport de la Commission du 28 prairial an II (16 juin 1794) et en premier lieu l’idée d’« enlever aux escadrons, aux dépôts et aux charrois, la totalité des chevaux entiers et des juments qui y existent ». Ce serait, selon lui, « démonter une partie trop considérable des troupes à cheval et compromettre le service des transports militaires » [32].

24La Commission d’agriculture doit informer, à plusieurs reprises le comité d’agriculture et des arts, des obstacles qu’elle rencontre avec ces deux commissions. Par exemple, elle éprouve de grosses difficultés à récupérer les dossiers et documents concernant les haras, les chevaux entiers et les juments poulinières et les mémoires qui se trouvent dans leurs bureaux, et notamment les réponses des districts et des armées au recensement ordonné par le Comité de salut public le 15 prairial an II (3 juin 1794) sur les chevaux reproducteurs. La commission estime, à juste titre, que ce recensement lui permettrait d’avoir une meilleure connaissance de la situation en matière de cheval dans les départements de la République et d’avancer dans son projet de réorganisation des haras qu’elle propose de soumettre au Comité de salut public et à la Convention. Dans un rapport du 6 pluviôse an III (25 janvier 1795) au Comité d’agriculture, Bertholet déplore l’attitude de la commission des transports militaires qui refuse de lui transmettre ces informations prétextant qu’elle s’occupe depuis longtemps des haras, ce qui n’est pas le cas. Pour clarifier la situation et faciliter le travail de la commission, le Comité de salut public et celui d’agriculture arrêtent, le 18 pluviôse an III (6 février 1795), que les différentes commissions doivent faire parvenir dans les meilleurs délais à la commission d’agriculture tous les projets et rapports qu’elles pourraient trouver dans leurs bureaux [33]. Cet arrêté sera renouvelé par le comité d’agriculture et des arts le 13 floréal an III (2 mai 1795) [34] sans grand succès puisque la commission se plaint encore que les envois des commissions sont très incomplets en messidor [35].

25Les conflits autour des chevaux entiers et des poulinières à extraire des dépôts de remonte de l’armée prévues par le décret du 2 germinal an III sont encore plus nombreux et plus embarrassants pour la Commission car ils paralysent l’application de la loi. Des agences d’extraction avaient été installées auprès des armées, en brumaire an III (octobre-novembre 1794), avec comme mission de retirer les « belles races » des territoires conquis par les armées [36]. Or, quelle que soit l’armée, les agences furent très mal accueillies par les officiers généraux, les surveillants ou même les représentants en mission que la Commission accuse de duplicité. Ainsi, les agents de la Commission avaient mis de côté trente et une jument propre à donner de beaux poulains dans le dépôt de Bruxelles. Le surveillant, appuyé par le représentant près de l’armée du Nord, leur a interdit l’accès au dépôt [37]. Ailleurs, dans les armées des Pyrénées, ce sont les généraux ou les militaires réformés qui refusent de céder les chevaux entiers qu’ils montent [38] alors que le Comité de salut public avait pris un arrêté leur ordonnant de les mettre à disposition de la Commission d’agriculture et des arts. Au final, le bilan des extractions dans les territoires occupés est quasiment nul et ce n’est que, tard pendant le mois de floréal, alors que la saison de la monte est déjà bien avancée, que la Commission a pu mettre en vente les 600 juments qu’elle a été en mesure d’extraire des dépôts des armées situées en France et répartir dans les campagnes les deux cents étalons prévus par la loi [39].

26Les tensions et conflits au sein des organes du gouvernement révolutionnaire ont, à l’évidence, retardé et entravé le travail de régénération des haras qu’entendait mener la Commission d’agriculture et des arts. Ils pèseront lourd dans le bilan que nous ferons plus bas de la politique de relèvement de l’espèce entreprise en l’an II et en l’an III. Sans doute, les conceptions économiques des acteurs et le rôle grandissant de l’armée expliquent bien des difficultés éprouvées.

Quelle place de l’État dans la relance de l’élevage du cheval ?

27C’est la question incontournable que se posent les législateurs et les acteurs qui entendent peser sur les décisions qui doivent être prises. L’ensemble des acteurs pense en l’an III que l’on ne peut pas abandonner à la seule initiative privée la destinée du cheval. Cependant, les mêmes acteurs vont s’affronter sur le degré d’intervention du gouvernement et sur l’établissement ou non des dépôts. Ces deux sujets existaient déjà à la fin de l’Ancien Régime. Les débats et conflits se prolongent pendant la Révolution et opposent souvent les mêmes hommes qui, pour certains, se sont mis au service de la Révolution et de la République comme Bouchet de Lagétière. Dastier ou de Jougla. Ces derniers sont d’anciens inspecteurs des haras. Le premier qui était un des quatre inspecteurs généraux avant 1789 rendra de fréquents services au Comité de salut public et aux différents ministres de l’Intérieur avant sa mort survenue en 1802. Le second inspecteur du Dauphiné en 1789 et grand connaisseur des milieux de son département conservera des étalons dans son haras privé et redeviendra inspecteur en 1806. Le dernier, inspecteur de Champagne en 1789, emprisonné en 1794, fera part de ses lumières dans cinq épais cahiers qu’il envoie à la Commission d’agriculture et des arts [40].

28Les demandes de réorganisation ou de restauration des haras parviennent dès 1790 dans les bureaux du ministère de l’Intérieur ou de l’Assemblée nationale. En règle générale, il ne s’agit pas de rétablir l’administration des haras d’Ancien Régime qui est unanimement condamnée, mais de lui « donner une meilleure forme d’administration ». En effet, les haras royaux ont échoué dans les missions qui étaient les leurs, à savoir produire le cheval de guerre, parce qu’ils s’orientaient dans la production du cheval de selle, de luxe et de chasse. Les capitaines préfèrent poursuivre jusqu’à la fin de l’Ancien Régime leurs achats à l’étranger, provoquant les sorties d’or que l’on voulait éviter. À partir de l’an II, les demandes de rétablissement des haras émanant des districts se multiplient. On les retrouve, en grand nombre, dans les réponses des districts aux recensements des chevaux reproducteurs et des animaux ruraux et dans des mémoires émanant de particuliers, civils, militaires ou anciens employés des haras. Bien souvent, ces écrits insistent sur la nécessité de redonner au gouvernement une place importante dans l’élevage du cheval et aucun ne souhaite abandonner à la seule initiative privée, les soins à apporter aux chevaux et à leur reproduction. Est-ce à dire que le libéralisme est condamné ? Rien n’est moins sûr.

29En effet, c’est plutôt un libéralisme contrôlé qui est mis en avant par les comités de gouvernement ou par les particuliers, un « libéralisme à la française », « pragmatique », héritier du colbertisme, protégeant les producteurs des abus de l’État et les encourageant à se passer de son aide une fois le succès assuré [41]. C’est ainsi la position exposée par Bouchet de Lagétière au comité de la guerre, dès l’été de l’an II. Selon lui, les circonstances de la guerre et les besoins importants en chevaux des armées imposent une action directe de l’État qui cessera quand la guerre sera terminée et que l’élevage sera rétabli :

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« Il faut que le gouvernement fasse lui-même ce que dans une autre position, il suffirait d’indiquer aux particuliers. Lorsque la République aura triomphé de ses ennemis, il ne faudra plus que laisser à l’industrie et au travail la liberté de se développer pour faire prospérer toutes les parties de l’administration. Aujourd’hui, il est indispensable de porter sur chacune d’elles la surveillance la plus sévère, l’attention la plus suivie » [42].

31La seule initiative privée est jugée insuffisante pour plusieurs raisons. Déjà, le cheval est un produit qui coûte cher à produire : les investissements (achat de la poulinière ou de l’étalon, dépenses pour les fourrages et d’entretien) sont importants et les bénéfices, toujours très tardifs, sont bien souvent incertains, voire nuls quand l’animal meurt. De plus, à la différence des bovins, il ne peut pas être revendu aux bouchers car la consommation de sa viande est proscrite.

32Ensuite les préjugés à l’encontre du monde des campagnes sont très présents dans les discours et écrits. Ainsi, le cultivateur est présenté comme un ignorant qui ne comprend rien à l’élevage du cheval, les utilise et les épuise dans toutes autres sortes de travaux que ceux de la reproduction et de la régénération. Cette vision du monde de la campagne engluée dans un « archaïsme » pluriséculaire n’est pas une nouveauté. Les procès-verbaux des inspecteurs des haras dans les années 1780 regorgeaient déjà de ce type de discours dévalorisant l’homme de la campagne présenté comme un individu rustre, borné et attardé. En fait, derrière ce discours négatif et codifié se cache l’impuissance de ces hommes du pouvoir à convaincre les propriétaires de juments, qui ne s’en laissent pas conter, d’appliquer les directives de l’administration des haras. Pendant la Révolution et surtout à partir de 1792, les autorités gouvernementales parisiennes s’en méfient encore plus. Pour elles, non seulement, le cultivateur est ignorant mais de surcroît, il est guidé par son intérêt particulier qui est bien souvent éloigné de celui de la République et qui la met en danger.

33Enfin, les auteurs sont bien conscients des pesanteurs de l’économie rurale et de l’influence des idées des physiocrates. Les hippiatres les plus célèbres de l’époque savent fort bien que l’élevage et en particulier l’élevage du cheval n’est pas une priorité du monde rural dans une économie de subsistance. De fait, l’élevage des animaux ruraux est encore perçu au xviiie siècle comme un « mal nécessaire ». Il faut en élever parce qu’il faut bien produire des engrais pour les productions végétales. Mais la présence du cheval, plus que celle des autres animaux ruraux, est perçue dans certaines campagnes comme excessivement préjudiciable. Non seulement il faut davantage de prés et de prairies pour les nourrir en comparaison avec les bovins, et donc retirer des terres à la culture nécessaire à l’alimentation [43], mais ils sont aussi accusés de dégrader les cultures et les sols [44].

34En fait, ce sont les modalités et le niveau de l’intervention qui sont sujets à débat. La question d’un règlement est abordée dans quelques mémoires envoyés mais n’est pas retenue. Sans doute n’aurait-il pas été accepté dans l’état des choses car il aurait rappelé celui de l’ancienne administration des haras de 1717. De plus, il aurait été perçu comme attentatoire à la liberté et à la propriété. Enfin, cela obligeait la République à restaurer un corps d’inspecteurs qui, dans les circonstances de l’an III, auraient eu de la peine à faire respecter les règles. De même les demandes d’instruction faites aux cultivateurs sont restées à l’état de projet alors qu’elles étaient jugées indispensables. Ce n’est qu’en 1802 qu’elles furent rédigées [45].

35De fait, faute d’accord et vu l’urgence, les discussions sur le rôle du gouvernement se sont concentrées sur les dépôts à établir. Trois possibilités s’offrent au gouvernement. La première, avancée par l’armée, est de réunir et d’entretenir tous les étalons dans des dépôts pour ensuite les distribuer dans les campagnes pendant les trois mois que dure la monte. Les étalons seraient ainsi mieux surveillés mais cette option est inconcevable vu l’état des finances de la République. La deuxième laisse aux cultivateurs des étalons approuvés ou appartenant à la République ce qui revient à laisser les individus libres d’agir et surtout à ne rien changer. La dernière option, celle du compromis et de la synthèse des deux premières, sera adoptée par le décret du 2 germinal an II. Elle permet la coexistence de sept dépôts d’étalons exclusivement chargés des remontes militaires et la vente de six cents poulinières et deux cents étalons à des propriétaires dans les campagnes pour le trait et le transport [46].

36Le rétablissement de dépôts n’allait cependant pas de soi. Avant la Révolution, le système des dépôts était critiqué car jugé onéreux. Mais le maintien de gardes chargés de l’entretien des étalons et de la monte n’était pas moins ruineux pour les finances de l’État.

37Le marquis et le duc de Polignac, les deux derniers directeurs généraux des haras, souhaitaient la disparition du système des garde-étalons et leur remplacement progressif par des dépôts dans différentes provinces du Royaume. Ils se donnaient dix années pour effectuer cette substitution. Deux dépôts avaient été établis sous leur administration à Fontenay-le-Comte dans le Poitou et à Hannoncelles en Lorraine. D’autres avaient été renforcés comme celui de Rosières qui rassemblait à partir des années 1780 tous les étalons des Trois-Évêchés. Cette politique de réunion des étalons dans un dépôt était fortement critiquée. Son coût était jugé exorbitant, les dilapidations et les abus opérés par des chefs ou directeurs peu scrupuleux et souvent incompétents dépassaient l’entendement. Les cultivateurs résistaient aux injonctions des inspecteurs et préféraient offrir leurs juments à des étalons coureurs, par exemple en Franche-Comté [47]. Elle est condamnée dans les cahiers de doléances rédigés en vue des États généraux de 1789. Ainsi, les trois ordres du bailliage de Fenestrange réclament-ils la suppression du dépôt de Rosières car « cet établissement coûte à la province 80 000 livres annuellement et ne lui procurera jamais aucune utilité capable de l’indemniser d’une pareille dépense » [48]. Dans le Limousin le tiers-état des sénéchaussées de Tulle, d’Uzerche et de Brive demande la suppression du haras de Pompadour « qui est un établissement onéreux aux gouvernements, et infructueux pour la province » [49]. Cette hostilité à l’égard des dépôts subsiste encore dans les premières années de la Révolution. L’ancien inspecteur des haras de Champagne, Jougla, les accuse en l’an III, d’être responsables de la dégénérescence du cheval en France à cause de l’importation de chevaux de toutes origines et de croisements inconsidérés. Selon lui, des petits entrepôts d’un ou deux étalons avec de six à douze poulinières dans les cantons les plus propices à l’élevage sont suffisants, dans un premier temps, pour redonner un peu de consistances à cette activité [50].

38Pour autant, le système des garde-étalons n’est pas plus convaincant pour les autorités. Il est accusé, lui aussi, de perpétuer la dégénération et de coûter très cher aux finances comme le rappelle le surveillant temporaire de la cavalerie, le citoyen Lombois, à la commission d’agriculture et des Arts :

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« Les étalons étaient la plupart mal tenus, mal soignés, mal nourris. Les gardes étalons qui ne l’étaient que pour jouir des ci-devant privilèges attachés à leur place, pour la conservation de leur chevaux, faisaient saillir en pure perte une quantité énorme pour retirer un plus grand bénéfice en multipliant les rétributions, les règlements ne pouvaient rien contre ce vice parce qu’il tenait à la cupidité. Les revues de l’inspecteur étaient annoncées à l’avance et à une époque toujours fixe. Les gardes étalons avaient soin de préparer leurs chevaux, de les bourrer d’une nourriture échauffante pour qu’ils paraissent brillants dans la revue et leur donner les apparences trompeuses du feu et de la vigueur » [51].

40La solution intermédiaire est donc choisie par le décret du 2 germinal an III : des dépôts seront établis pour restaurer les « races précieuses » et des propriétaires achèteront des juments et des étalons pour répondre aux besoins de chevaux. D’ailleurs, le gouvernement n’attend pas le vote de la loi pour rétablir les dépôts. Dès la fin de l’an II, Bouchet de Lagétière demande au gouvernement de préparer rapidement les haras de Pompadour, du Pin, de Pau, de Tarbes et de Fontenay-le-Peuple afin de recevoir de jeunes étalons, et de récupérer les étalons nationaux et leurs productions des années 1789 à 1791 contre l’indemnisation de leurs propriétaires. Il recommande l’envoi d’agents pour sélectionner les plus beaux poulains de trois ans des départements de la Normandie, du Limousin, de l’Auvergne, des Deux-Sèvres et de la Vendée afin de repeupler les dépôts et les campagnes [52]. La Convention nationale par son décret du 24 nivôse an III (13 janvier 1795), envoie le représentant Beauprey dans les départements de la Manche, du Calvados, de la Sarthe, de l’Eure, de l’Orne & de la Seine-Inférieure, « pour surveiller les haras et s’occuper de tous les moyens propres à les régénérer » [53]. Dès le 3 ventôse an III (21 février 1795), ce dernier rétablit le haras du Pin, nomme Wagner, chef provisoire, ordonne les réparations nécessaires, commence à regrouper les étalons disséminés en Normandie et les fait rentrer sans trop de difficulté au dépôt.

Quel cheval pour la République ?

41C’est la dernière question qui est soulevée par le gouvernement entre 1793-1795. Certes, celui-ci veut repeupler la France en chevaux mais il entend aussi régénérer l’espèce. La question est épineuse. Le cheval « beau et bon » qui était le modèle des académies et des hippiatres pendant l’Ancien Régime n’est plus une priorité. Ainsi que l’affirme un agent de la Commission d’agriculture envoyé dans les Pyrénées à la recherche d’étalons et de poulinières, « si nous avons besoin de beaux chevaux, nous avons encore plus besoin de chevaux » [54]. Pour la Commission d’agriculture, la recherche et la production de « beaux chevaux » ne mènerait à rien, voire serait contre-productive, si elle n’est pas précédée d’un relèvement de l’espèce comme elle l’indique dans son rapport au Comité :

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« Il est certain cependant qu’on manquera le but qu’on doit chercher à atteindre si, poursuivant une perfection impossible dans les circonstances actuelles, on s’attache plus à faire de beaux chevaux que beaucoup de chevaux. Jamais, il n’aura été plus vrai de dire que le mieux est souvent l’ennemi du bien » [55].

43À vrai dire, la République doit faire avec des ressources nationales limitées. Certains ne cachent d’ailleurs pas que l’extraction des étalons de l’étranger n’est pas envisageable, ni même souhaitable. Selon eux, même privé d’étalons étrangers pour améliorer les espèces françaises, le pays est en mesure de se suffire à lui-même en employant et en sélectionnant parmi les meilleurs chevaux des « races » locales, les germes qui pourront régénérer l’espèce. C’est ce qu’assure Aubry, un artiste-vétérinaire, dans son mémoire reçu par la Commission :

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« La difficulté d’en avoir et le besoin pressant que nous avons de chevaux nous fera recourir aux chevaux nationaux et nous prendrons les plus beaux pour propager l’espèce. Nous en avions de beaux et de bons dans nos ci-devant provinces qui ne le cédaient en rien aux chevaux napolitains, espagnols, anglais et peut-être même aux turcs ; mais les races sont dégénérées et considérablement affaiblies. Le Limousin, la Normandie, le Poitou, la Bretagne et l’Auvergne en fournissaient de beaux et de bons tels que ceux dont je viens de parler. Il serait possible d’en trouver encore de pareils pour en faire des étalons » [56].

45Ce discours participe de la dévalorisation des chevaux étrangers, et a contrario de la revalorisation du cheval français que l’on observe dans la majorité des écrits. Le contexte de guerre peut, à l’évidence, expliquer cette tendance à s’intéresser aux « germes » français et à délaisser ce qui vient de l’étranger. Mais cela confirme aussi une tendance qui existait avant la Révolution, qui s’affirmait dans les années 1780 et que l’on trouvait dans des ouvrages hippiatriques. En effet, jusqu’au début des années 1780, l’influence de Buffon ou de Bourgelat, le fondateur des écoles vétérinaires, était encore très prégnante dans le milieu du cheval. Les chevaux français étaient si peu dignes d’intérêt pour le second qu’il ne leur consacrait dans les Éléments de l’art vétérinaire qu’une seule page alors que douze pages lui étaient nécessaires pour décrire la beauté des étalons étrangers, dont trois pour les seuls chevaux arabes, qui sont « de l’aveu général, les premiers chevaux » [57] . Selon lui, c’est à partir des chevaux arabes, comme le suggérait avant lui Buffon [58], que la régénération devait se faire, en introduisant en France le cheval anglais issu de l’arabe. Par des croisements répétés et réfléchis avec les plus beaux chevaux français, on pensait relever l’espèce.

46Or, dans les années 1780, les mémoires des spécialistes des chevaux comme ceux de Lafont-Pouloti ou de Préseau de Dampierre, prennent le contre-pied des pratiques de l’administration des haras et des vues de Buffon, Bourgelat et Bertin. Dans un mémoire adressé aux États généraux en 1789, Lafont-Poulotti affirme qu’« on pourrait tirer du sein du royaume, des chevaux pour tous les usages, sans recourir à l’étranger » [59] . Quelques mois auparavant, l’ancien inspecteur des haras du Hainaut, Préseau de Dompierre, combattait dans un ouvrage les préjugés sur les chevaux français, qui se manifestaient jusqu’à la cour et le roi [60].

47En l’an III, la Commission d’agriculture et des arts enterre les conceptions de Buffon chez qui, selon elle, « il faut distinguer dans ses discours, la fonction de l’orateur d’avec la vérité de la nature » [61] : l’expérience prouve qu’il y a des chevaux bons ou mauvais dans toutes les espèces, y compris dans la race des chevaux arabes que l’on regarde comme la souche des meilleurs chevaux écrit-elle dans un rapport [62]. Et quand la Convention nationale décide de restaurer les haras, ce sont les vues de Préseau de Dampierre et de Lafont-Poulotti qui seront reprises. Sans doute par hostilité par tout ce qui rappelle l’Ancien Régime et la Perfide Albion qui fait la guerre à la France, le cheval anglais est rejeté et ne peut-être la souche de la régénération du cheval français. Mais, la Commission tire aussi le bilan des dix dernières années quand l’étalon anglais ou danois avait été massivement répandu dans le nord du royaume, en particulier en Normandie et en Lorraine. Leurs productions avaient été décevantes. Aussi, les directeurs des dépôts reconstitués en l’an III estiment qu’il ne faut plus y recourir. Ainsi Strubberg, directeur de Rosières, estime qu’il vaut mieux les rassembler en Normandie, là où ils pourraient être plus utiles, plutôt que de les laisser disséminés aux quatre coins du pays [63]. S’il fallait conserver quelques influences des Anglais en matière de cheval, ce serait dans les soins qu’ils apportent aux chevaux et à leur pratique des stud-books qui leur permet de mieux connaître la généalogie de leurs étalons [64].

48Parallèlement, sous l’influence des écrits de Préseau de Dampierre, la régénération de l’espèce est conçue à partir de meilleures souches des races méridionales. À défaut de chevaux arabes ou barbes, cette régénération ne peut donc se faire que de deux manières : à partir des chevaux du Midi – et si possible de Navarre que l’on croit proche du cheval arabe – , qui par des croisements et accouplements continus et bien adaptés, essaimeront vers le Nord très progressivement, ou à défaut à partir de la sélection des meilleurs reproducteurs locaux qui seront croisés, si cela est nécessaire, avec des représentants des meilleures espèces étrangères. Ce sont les voies qu’explore Strubberg à Rosières dès l’an III. Il faut, selon lui, « par une conduite sage et conforme à la Nature qui ne veut rien forcer, relever peu à peu l’espèce par des étalons de la petite et moyenne taille, bien faits, légers, nerveux et vigoureux, venant au moins d’une température égale à celle-ci ou du Limousin […] et donner aux cavales des mâles étrangers, et s’il était possible aux chevaux des juments étrangères ». Ces reproducteurs « rempliraient l’objet de la pépinière pour les départements de la Meurthe, de la Meuse, des Ardennes, de la Moselle et des Vosges » [65].

49Si en l’an II et en l’an III, on s’intéresse à la régénération et au relèvement de l’espèce, la Commission d’agriculture et des arts s’intéresse surtout aux « types » de chevaux dont a besoin la France. La question de la « race » est même secondaire. D’ailleurs, celles-ci ne sont pas encore fixées bien que les différenciations régionales existent [66]. Ainsi, quand un hippiatre, un artiste-vétérinaire ou un homme de bureau évoque ce qu’il qualifie de race, il désigne une fonction ou un usage qu’il attache à l’animal issu d’une région : le carrossier normand, le cheval de selle de plaine d’Alençon ou du Limousin, le cheval de trait franc-comtois ou boulonnais…

50Les priorités ont changé avec la Révolution et la guerre. Le cheval de luxe, le cheval de l’aristocrate, du manège, de course et de chasse, est dénoncé car il est jugé inutile. À l’inverse, la Commission d’agriculture et des arts souhaite un cheval « utile », robuste et « polyvalent », servant aussi bien à l’armée que dans les campagnes et sur les routes à l’opposé du cheval des aristocrates qui doit disparaître comme l’aristocratie en France a disparu. Le cheval devient donc un enjeu politique, militaire, économique et de lutte idéologique : la lutte contre l’ancien régime se double d’une réflexion sur le rôle et l’usage du cheval dans une société française régénérée. C’est ainsi que la commission décrit son modèle de cheval républicain dans un rapport au Comité d’Agriculture et des Arts de l’an III :

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« Les chevaux qu’il faut à des Républicains, ce ne sont plus les animaux sveltes et levrettés dont tout le mérite consistait à parcourir un mille par minute sur un terrain nivelé exprès ; ce ne sont de ces chevaux d’esclaves auxquels il était défendu d’outrepasser ceux de leurs maîtres ; ce ne sont plus enfin de ces chevaux de luxe, en tout trop semblables à ceux qui les montaient. Il est temps que cette aristocratie ait le sort de toutes les autres ».

52Les chevaux qu’il nous faut, ce sont ces braves animaux que les formes athlétiques et leur constitution vigoureuse rendent propres à supporter les fardeaux les plus pesants, à ouvrir des sillons, à traîner des canons, à porter notre brave cavalerie au milieu des rangs ennemis, à soutenir, à résister au choc de leurs escadrons, et à les renverser, par l’action combinée de la vigueur et de la masse » [67].

53La Commission ne peut pas mieux exprimer sa volonté de trouver un compromis entre usages militaires et usages civils dans un contexte de pénurie et rechercher l’équilibre entre besoins qu’a rompu la guerre depuis 1792.

54Au terme de cette étude, quel bilan peut-on tirer de cette politique ? Il faut bien entendu distinguer les réussites et les échecs. À première vue, les papiers du bureau d’agriculture conservés aux Archives nationales donnent une image catastrophique de la restauration des haras de l’an III.

55Premièrement, seuls trois dépôts seront établis durablement au lieu des sept de prévus par la loi du 2 germinal an III. Il s’agit de Pompadour, du Pin et de Rosières. Parmi ces trois dépôts, seul celui de Rosières fonctionne correctement, les deux autres sont dans une situation très délicate. Le manque de moyens financiers n’a pas permis de sauvegarder les autres dépôts qui ont été formés (Tilly, Bayeux, Chambord). Jusqu’au début du xixe siècle, les palefreniers attendent plusieurs mois et quelques fois plusieurs années avant que leurs gages ne leur soient versés. De même, les fournisseurs de fourrages réclament leur paiement [68].

56Deuxièmement, le nombre d’étalons réunis reste longtemps insuffisant. En l’an IV, alors qu’on en comptait plus de 365 en 1788 selon Eschassériaux [69], seuls 134 étalons sont dans les dépôts rétablis [70] et 289 étalons en l’an V [71]. Ce nombre n’évolue guère jusqu’à la fin du Consulat. Aussi, les chefs des haras se plaignent du vieillissement des chevaux, hésitent à en réformer et demandent sans succès qu’ils soient remplacés.

57Troisièmement, la République n’a rien retiré de la vente des juments et des étalons en l’an III et en l’an IV. Les chevaux furent revendus aux administrations et à l’armée. Ce fut pour le gouvernement une preuve supplémentaire qu’il est impossible de laisser au seul intérêt particulier une branche si précieuse de l’activité de la France. C’est donc une tout autre conclusion qui est donnée à ce qui est perçu comme un échec. Loin d’en finir avec les dépôts et le dirigisme de l’État, il fut proposé, dès fructidor an VI de les renforcer, de les augmenter et d’établir une administration soucieuse de l’intérêt général. Eschassériaux jeune propose d’établir douze dépôts réunissant 600 étalons et de distribuer 300 juments à des agriculteurs.

58Toutefois, les réflexions des commissaires en l’an III ne seront pas vaines. Certaines seront abandonnées, telles celles de l’idéal du cheval polyvalent et du repli sur les seules ressources nationales, qui étaient portées par le contexte de pénurie et de patriotique de l’an III. En revanche la sauvegarde des dépôts établis en l’an III a permis la conservation des espèces les plus précieuses, la reconstitution d’un personnel en grande partie dévoué et une continuité dans le service des haras de 1795 à 1806, quand ceux-ci prendront leur forme définitive avec le décret de Saint-Cloud [72]. On peut donc affirmer que c’est en 1795 que s’établit un système tripartite associant éleveurs, État et armée, combinant liberté et dirigisme, dépôts, service de monte et administration des haras. Là où l’Ancien Régime avait échoué, le Directoire, le Consulat et l’Empire y parviendront très progressivement.


Mots-clés éditeurs : cheval, étalons., élevage, Commission d’agriculture et des arts, haras

Mise en ligne 17/01/2020

Notes

  • [1]
    On trouve le texte du décret dans la collection Baudoin, Décret relatif aux haras, 2 germinal an III. Consultable en ligne: http://artflsrv02.uchicago.edu/cgi-bin/philologic/getobject.pl?c.58:19.baudouin0314.
  • [2]
    Eugène Gayot, La France chevaline, 1ère partie- Institutions hippiques, Paris, Comptoir des Imprimeurs-Unis, 1848, p. 94-95.
  • [3]
    Un peu curieusement, l’article 14 évoque « la suspension des haras » prononcée par l’Assemblée constituante.
  • [4]
    Sur l’administration des haras sous l’Ancien Régime, René Musset, « L’administration des haras et l’élevage du cheval en France au xviiie siècle », Revue d’histoire moderne et contemporaine, t. 13, 1909, p. 36-57 et t. 14, 1910, p. 133-152. Du même auteur en collaboration avec Henry Robien (comte de), L’élevage du cheval en France : Précédé d’une bibliographie de l’élevage du cheval en France du xviie siècle à nos jours, suivi d’études sur l’élevage du cheval dans le Perche, le Boulonnais et la Basse-Normandie, Paris, Librairie agricole de la maison rustique, 1917. Jacques Mulliez, Les chevaux du Royaume : aux origines des haras nationaux, Paris, Belin, coll. « Histoire et société », 2004. René Musset et Jacques Mulliez s’opposent sur le bilan de l’action des haras d’Ancien Régime. Le premier insiste sur son échec, le deuxième est plus nuancé.
  • [5]
    Daniel Roche, « Les chevaux de la République : l’enquête de l’an III », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 2008-4, p. 82-121. Daniel Roche poursuit le travail commencé d’Octave Festy, Les animaux ruraux en l’an III. Dossier de l’enquête de la Commission d’Agriculture et des Arts, Paris, Hartmann et Tépac Éditeur, 1941-1946, 2 vol. Ce dernier projetait avant sa disparition un ouvrage sur Le cheval, une étude économique (1789-1795) qu’il ne pût mener à son terme. Jean-Marc Moriceau regrette lui aussi le faible intérêt des chercheurs sur la question de l’élevage à l’époque moderne, et notamment celui du cheval (Jean-Marc Moriceau, Histoire et géographie de l’élevage français, Paris, Fayard, 2000). Cet oubli a été réparé depuis par Daniel Roche, La culture équestre de l’Occident, xvie-xixe siècle, Paris, Fayard, 2008-2015, 3 vol. et par Nicole de Blomac, Voyer D’Argenson et le cheval des Lumières, Paris, Belin, coll. « Histoire et société », 2004.
  • [6]
    René Musset, au début du xxe siècle évoquait un véritable « fatras » aux Archives nationales, que nous avons pu constater nous aussi. L’essentiel se trouve dans les cartons de la sous-série F10, quelques-uns dans ceux de la série AF et D.
  • [7]
    Sur le produit de ces levées, Boris Cattan, « Les chevaux sous la Convention nationale. Urgences des besoins civils et militaires et mise en place d’une politique de l’élevage du cheval dans la France républicaine en l’an II et l’an III », mémoire master 2e année, dir. Pierre Serna, Paris I, 2015 plus particulièrement les pages 44-78.
  • [8]
    Seul un tiers des districts a répondu à l’enquête de prairial an II. En revanche, les deux tiers répondent à celle de vendémiaire an III.
  • [9]
    Daniel Roche, « Les chevaux de la République… », art. cit., p 93-100.
  • [10]
    Antoine Laurent de Lavoisier, De la richesse territoriale du royaume de France, Paris, Éditions du CTHS, 1988. Préseau de Dompierre estimait en 1788 à 3 millions le nombre de chevaux dans le royaume.
  • [11]
    Boris Cattan, Les chevaux sous la Convention ..., op. cit, p.151-152.
  • [12]
    . Ibid., p. 152-153
  • [13]
    AN, F10 630, Mémoire adressé à la Commission d’agriculture et des arts, Troyes, ventôse an III.
  • [14]
    Claude Bourgelat, Traité de la conformation extérieure du cheval, Paris, Huzard, 1832, p 364. Jacques Mulliez, dans sa thèse, infirme cette position, faisant remarquer que le discours sur la détérioration de l’espèce relevait bien souvent de la croyance à un prétendu « âge d’or » du cheval que les contemporains situaient au début du xviie siècle avant que Richelieu n’eût privé la noblesse de ses haras.
  • [15]
    C’est ainsi qu’est défini le cheval susceptible d’être utile à la reproduction. Il n’est pas question d’étalon dans le texte de l’arrêté mais de cheval entier de 4 pieds et 10 pouces. L’application de ce règlement posera problème en particulier dans les départements du Sud où les chevaux sont de petite taille.
  • [16]
    Boris Cattan, Les chevaux sous la Convention... op. cit, p. 157-175 et 298-304.
  • [17]
    Décret du 26 germinal an III (15 avril 1795) dans Collection Baudoin, vol 60. Consultable en ligne www.collection-baudoin.univ-paris1.fr
  • [18]
    Collection Baudoin, loi du 23 juillet 1791 pour Pin et loi du 27 septembre 1791 pour Rosières. Ce dernier accueillera les chevaux du haras du duc du Deux-Ponts en mars 1793.
  • [19]
    AN, F10 630, Observations du Citoyen Bouchet…, op. cit.
  • [20]
    Graphiques réalisés à partir des procès-verbaux déposés au Caran dans la sous-série H1. Les procès-verbaux sont malheureusement incomplets mais en nombre suffisant pour relever des tendances.
  • [21]
    Jean-Baptiste Huzard, Instruction sur l’amélioration des chevaux en France destinée principalement aux cultivateurs, Paris, Imprimerie de Mme Huzard, an X, p. 22 et 23. Pichard, Manuel des Haras ou système de régénération des races de chevaux, Paris, 1812, p. 44-62 Pichard et Huzard partagent la même méfiance à l’égard du cheval anglais. Pichard affirme même l’importation de ces chevaux a « infesté » l’Europe et la France (p. 51).
  • [22]
    Le décret lève aussi un mulet sur dix dans chaque district.
  • [23]
    Jean-Baptiste Huzard, op. cit. p. 6.
  • [24]
    Alphonse Aulard, Recueil des actes du Comité de salut public, arrêté du 7 mai 1794, Paris, Imprimerie nationale, t. XIV, 1900, p. 348.
  • [25]
    Ibid., arrêté du 15 prairial an II, t. XIV, p. 101-102.
  • [26]
    Collection Baudoin, vol. 13, mois de germinal an II, p. 103.
  • [27]
    Fernand Gerbaux et Charles Schmidt (éd.), Procès-verbaux des Comités d’agriculture et de commerce de la Constituante, de la Législative et de la Convention, t. III, Paris, Imprimerie Nationale, 1908, p. 3.
  • [28]
    AN, F10 207, Rapport de la Commission d’agriculture et des arts au Comité de la guerre, le 28 prairial an II. Ce rapport sera transmis au Comité d’agriculture et des arts le 16 vendémiaire an III (3 octobre 1794).
  • [29]
    Fernand Gerbaux et Charles Schmidt (éd.), op. cit, p. 241-243. Ainsi, pour le 8 messidor an II (26 juin 1794), il est noté que « cet objet, dont les discussions ont été très lumineuses, a prolongé la séance jusqu’à 11 heures du soir ».
  • [30]
    Ibid, p. 258-259.
  • [31]
    Ibid, p. 284-285.
  • [32]
    AN, F10 294, sur le même document, on trouve les réponses – on devrait plutôt dire les critiques - du Comité de la guerre en face de chacune des propositions de la Commission d’agriculture et des arts.
  • [33]
    AN, F10 630, Arrêté du Comité de salut public, 18 pluviôse an III. Fernand Gerbaux et Charles Schmidt (éd.), Procès-verbaux des Comités, op. cit, p. 381.
  • [34]
    Idem, p. 470.
  • [35]
    AN, F10 297, Rapport de Dubois au Comité d’Agriculture et des arts, 14 messidor an III (2 juillet 1795).
  • [36]
    AN, F10 509, Instructions de la Commission d’agriculture et des arts, 29 brumaire an III (19 novembre 1794).
  • [37]
    AN, F10 207, Rapport de la Commission au Comité d’agriculture et des arts, 17 pluviôse an III (5 février 1795).
  • [38]
    AN, F10 509a, Lettre de Barrier à la Commission d’agriculture et des arts, 9 messidor an III (27 juin 1795). Barrier est un agent d’extraction auprès des armées des Pyrénées.
  • [39]
    AN, F10 633, Rapport du chef de la 4ème division au ministre de l’intérieur, le 26 frimaire an III (16 décembre 1794).
  • [40]
    Ces cahiers sont conservés aux Archives nationales à la cote F10 630. Un des cinq cahiers manque.
  • [41]
    François Hincker, « Comment sortir de la Terreur économique ? », dans Michel vovelle, (dir.), Le tournant de l’an III, Réaction et Terreur blanche dans la France révolutionnaire, Paris, CTHS, 1997, p. 149-159.
  • [42]
    AN, F10 630, Observations du Citoyen Bouchet attaché au Comité de la guerre soumis à discussion au comité de la Guerre par la Commission d’agriculture et des arts, 17 brumaire an III.
  • [43]
    Cette hostilité à l’égard de l’élevage du cheval en général qui se ferait au détriment des laboureurs et des artisans est très présente dans les écrits des physiocrates. Voir par exemple, Richard cantillon, Essai sur la nature du commerce en général, Londres, Chez Fletcher Gyles, 1755, p. 83-84.
  • [44]
    Sur le sujet, Claude Bourgelat, Traité de la conformation ..., op. cit, p. 435-440.
  • [45]
    Il s’agit bien entendu des Instructions de Jean-Baptiste Huzard demandées par le ministre de l’intérieur Chaptal.
  • [46]
    Cette position sera encore justifiée avec les mêmes arguments par Eschassériaux jeune au Conseil des Cinq-Cents lors de la séance du 28 fructidor an VI (14 septembre 1798).
  • [47]
    Patrick Wandel, L’administration des haras royaux et l’élevage paysan en Franche-Comté, à la recherche d’un cheval de terroir utile, le cheval comtois au xviiie siècle, thèse sous la direction de François Vion-Delphin, 2005.
  • [48]
    Jules Mavidal, Émile Laurent, Archives parlementaires de 1787 à 1860, Paris, Librairie administrative de Paul Dupont, 1869, t. 5, p. 712.
  • [49]
    Ibid., t. 3, 1879, p. 545.
  • [50]
    AN, F10 630, 3e et 4e cahiers du Mémoire de Jougla, 24 pluviôse et 7 germinal an III (12 février et 27 mars 1795).
  • [51]
    AN, F10 642, op. cit., s.d.
  • [52]
    AN, F10 630, Observations du Citoyen Bouchet.., op. cit.. brumaire an III.
  • [53]
    Coll. Baudouin, décret du 24 nivôse an III (13 janvier 1795).
  • [54]
    AN, F10 509a, lettre de Balbelat à la Commission d’agriculture et des arts, 7 nivôse an III (27 décembre 1794).
  • [55]
    AN, F10 207, Rapport de la Commission d’agriculture et des arts au comité d’agriculture et des arts, s.d. (an III).
  • [56]
    AN, F10 632, Mémoire sur la multiplication et l’amélioration des chevaux, 28 fructidor an II.
  • [57]
    Claude Bourgelat, Eléments de l’art vétérinaire, op. cit., p. 351.
  • [58]
    Buffon, Histoire naturelle des animaux, t. IV, Paris, Lecène et Oudin éditeurs, 1886, p. 37-38.
  • [59]
    Esprit-Paul Lafont-Pouloti, De la régénération des haras ou mémoire contenant le développement du vice actuel et un plan pour propager et perfectionner la race des chevaux en France, Paris-Versailles, Veuve Vallat-la-Chapelle, 1789, p. 8-9. L’auteur avait exposé ses vues en 1787 au duc de Polignac dans Nouveau régime pour les haras ou exposé des moyens propres à propager et à améliorer les races de chevaux, Turin-Paris, Veuve Valat-la-Chapelle, 1787.
  • [60]
    Préseau de Dampierre, Traité de l’éducation du cheval en Europe contenant le développement des vrais principes des haras, du vice radical de l’éducation actuelle et des moyens de perfectionner les individus, en perfectionnant les espèces, Paris, Mérigot le jeune, 1788, p. 54.
  • [61]
    AN, F10 632, lettre de la Commission d’agriculture à Aubry, 2 vendémiaire an III (23 septembre 1794).
  • [62]
    AN, F10 295, Rapport de la Commission d’agriculture et des arts au Comité d’agriculture et des arts, s.d. (an III).
  • [63]
    AN, F10 643, Réflexions et observations du chef du haras de Rosières envoyées au Comité d’agriculture et des arts, 3 ventôse an III (21 février 1795).
  • [64]
    AN, F10 632, lettre de Lorry à la Commission des subsistances et des approvisionnements, 4 germinal an III (24 mars 1795).
  • [65]
    AN, F10 643, Réflexions et observations du chef du haras de Rosières envoyées au Comité d’agriculture et des arts, 3 ventôse an III (21 février 1795).
  • [66]
    Bernard Denis, « Les races de chevaux en France, au xviiie siècle. Et les idées relatives à leur amélioration », In Situ, n° 18, Le cheval et ses patrimoines, 2012, p. 4-7.
  • [67]
    AN, F10 295, Rapport de la Commission d’agriculture et des arts au Comité d’agriculture et des arts, s.d. (an III).
  • [68]
    Fournisseurs et palefreniers menacent régulièrement de cesser leur service. Il faut souvent aux Directeurs des dépôts faire preuve de tact et de diplomatie pour les retenir.
  • [69]
    D’après le rapport d’Eschassériaux Jeune au Conseil des Cinq-Cents lors de la séance du 28 fructidor an VI (14 septembre 1797).
  • [70]
    AN, F10 633, Rapport au ministre de l’intérieur le 26 frimaire an IV (17 décembre 1795) par le chef de la 4ème division.
  • [71]
    Ibid., Rapport présenté le 19 vendémiaire an V (10 octobre 1796) au Directoire exécutif par le ministre de l’intérieur.
  • [72]
    Ce décret impérial découpe la France en six arrondissements à la tête desquels il y a un haras. Au total, trente dépôts sont progressivement établis. Un règlement est également rédigé et des courses sont organisées.
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