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Article de revue

Penser la loi et en débattre sous la Convention : le travail du Comité de législation et la loi sur les émigrés du 28 mars 1793

Pages 3 à 19

Notes

  • [1]
    Michel Biard, Philippe Bourdin, Hervé Leuwers, Pierre Serna (dir.), 1792. Entrer en République, Paris, Armand Colin, 2013.
  • [2]
    Guillaume Glénard, « La République des origines (10 août 1792 - 21 janvier - 6 avril 1793) », dans Ibid., p. 22.
  • [3]
    Les interrogations sont anciennes et les politistes et historiens du droit ne les ont pas négligées. On peut penser aux travaux d’Anne Simonin, Le Déshonneur dans la République. Une histoire de l’indignité 1791-1958, Paris, Grasset, 2008 ; Raphaël Matta-Duvignau, Gouverner, administrer révolutionnairement : le Comité de salut public (6 avril 1793 - 4 brumaire an IV), Paris, L’Harmattan, 2013 ; Michel Troper, Terminer la Révolution. La Constitution de 1795, Paris, Fayard, 2006 ; Éric de Mari, La mise hors de la loi sous la Révolution française (19 mars 1793 - 9 thermidor an III) : une étude juridictionnelle et institutionnelle, Thèse, Paris, LGDJ, 2015.
  • [4]
    Haim Burstin, Révolutionnaires. Pour une anthropologie politique de la Révolution française, Paris, Vendémiaire, 2013, p. 408.
  • [5]
    Élisabeth Liris, « De la République officieuse aux républiques officielles », dans Michel Vovelle et Raymonde Monnier (dir.), Révolution et République ; l’exception française, Paris, Kimé, 1994, p. 366. Voir aussi Gaïd Andro, Une génération au service de l’État. Étude prosopographique des procureurs généraux syndics de la Révolution française (1780-1830), Paris, SER, 2015.
  • [6]
    Laurent Brassart, « Devenir Républicain pendant l’été 1792. Quelques itinéraires individuels dans la France septentrionale », dans Michel Biard, Philippe Bourdin, Hervé Leuwers, Pierre Serna (dir.), 1792. Entrer en République, op. cit., p. 170.
  • [7]
    Nous reprenons ici l’analyse de Julien Boudon (Julien Boudon, Les Jacobins. Une traduction des principes de Jean-Jacques Rousseau, Paris, LGDJ, 2006, p. 212).
  • [8]
    Voir les analyses de François Saint-Bonnet, L’État d’exception, Paris, PUF, 2001, p. 303-305.
  • [9]
    On citera comme l’un des rares travaux l’étude d’Annie Jourdan : « La Convention ou l’empire des lois », La Révolution française, 3, 2012. Consulté le 09 octobre 2017. URL : http://lrf.revues.org/730
  • [10]
    Samuel Marlot, Les lois révolutionnaires 11 août 1792- 22 prairial an II, Thèse de doctorat en histoire du droit, Paris 2, 2009, p. 140.
  • [11]
    Archives parlementaires, Séance du 21 octobre 1791, t. XXXIV, p. 330.
  • [12]
    Ibid., p. 117.
  • [13]
    Ibid., Séance du 21 octobre 1791, t. XXXIV, p. 330.
  • [14]
    Décret du 27 mai 1792 sur la déportation des prêtres insermentés, art. 5, Duvergier, t. 4, p. 177.
  • [15]
    A.P., Séance du 18 novembre 1791, t. XXXV, p. 144.
  • [16]
    Pour une approche d’ensemble sur les débats à l’Assemblée, on consultera avec profit les travaux de Christian Henke, Coblentz : Symbol für die Gegenrevolution : die französische Emigration nach Koblenz und Kurtrier 1789-1792 und die politische Diskussion des Revolutionären Frankreichs 1791-1794, Stuttgart, J. Thorbecke, 2000.
  • [17]
    Marcel Ragon, La législation sur les émigrés, 1789-1825, Thèse de doctorat de droit, Paris, Rousseau, 1904, p. 20.
  • [18]
    Décret du 28 décembre 1791 relatif aux émigrés créanciers de l’État, Duvergier, Collection complète des lois, décrets, ordonnances, règlements, et avis du Conseil d’État pour la période depuis 1788 jusques et y compris 1824, Paris, A. Guyot et scribe, 1824, t. 4, p. 33-38.
  • [19]
    Jean Vidalenc, Les émigrés français. 1789-1825, Caen, Université de Caen, 1963, p. 26.
  • [20]
    La presse parle parfois de « fugitifs ». Voir : Révolutions de France et de Brabant, n° 61, p. 430.
  • [21]
    Loi du 9-12 février 1792 relative au séquestre des biens des émigrés, Duvergier, op. cit., t. 4, p. 66.
  • [22]
    Loi du 30 mars–8 avril 1792 relative aux biens des émigrés, Ibid., t. 4, p. 110.
  • [23]
    Loi du 24-28 juillet 1792 relative aux biens et revenus des émigrés, Ibid., t. 4, p. 266.
  • [24]
    Décret du 23 octobre 1792 qui ordonne le bannissement à perpétuité des émigrés français, Ibid., t. 5, p. 27.
  • [25]
    Décret du 28 mars 1793 contre les émigrés, Ibid., t. 5, p. 217-218.
  • [26]
    Procès-verbal imprimé, 14 octobre 1792. Il prend alors le nom de « Comité de législation civile, criminelle et de féodalité ».
  • [27]
    Membres titulaires : les citoyens Garran de Coulon, Guadet, Couthon, Thuriot, Chasset, Mailhe, Gossuin, Barère de Vieuzac, Durand de Maillane, Charlier, Osselin, Goupilleau de Montaigu, Lepeletier de Saint-Fargeau, Saladin, Azema, Delaunay d’Angers, Robespierre, Lindet, Robert, Brival, Mathieu, Laplaïgne, Piorry, Cambacérès, Alquier, Morisson, Tallien, Goupilleau de Fontenay, Vadier, Vernier, Lanjuinais, Vergniaud, Louvet, Sautereau, Lavicomterie, Larivière, Corbel, Coupé de l’Oise, Lacroix, Guimberteau, Marquis, Bohan, Lemalliaud, Cochon-Lapparent, Pons de Verdun, Ingrand, Philippeaux, Bayle, Bailie. Suppléants : les citoyens Pelletier, Moreau, Lofficial, Réal, Frécine, Duval, Boilleau, Dumont, Bion, Bonnier, Bernier, Chaillon, Chazal, Allasœur.
  • [28]
    AN, DIII-380, AN DIII-54/56.
  • [29]
    Marcel Dorigny, « Les girondins dans les comités de législations, luttes politiques et débats juridiques », dans Michel Vovelle (dir.), La Révolution et l’ordre juridique privé : rationalité ou scandale, Paris, PUF, 1988, t.1, p. 241-248.
  • [30]
    S’il est bien entendu difficile d’établir, aussi précocement qu’en septembre 1792, une tripartition Montagne-Plaine-Gironde, nous pouvons nous appuyer sur l’étude de Marcel Dorigny qui souligne qu’au cours de la Convention dite girondine, sur les 48 membres appartenant au Comité de législation, 17 peuvent être rattachés à la Gironde, 19 à la Montagne et 20 à la Plaine.
  • [31]
    AN, DIII-54, pièce 112, PV de la séance du 21 novembre 1792.
  • [32]
    Ibid.
  • [33]
    C’est Cambacérès qui, au nom du Comité de législation, présente le projet de décret en ces termes : « Citoyens, votre comité de législation obéit à vos ordres. Il vient de présenter un projet de décret relatif à la rébellion qui se manifeste dans différents départements de la République. Ce projet contient des mesures sévères ; il en coûte à votre comité de vous les présenter ; il sera pénible pour vous de les adopter, pour vous qui voulez donner des lois douces et bienfaisantes à un peuple d’amis et de frères. Je me borne à vous faire observer que les circonstances sont pressantes et vous n’oublierez pas que les circonstances commandent presque toujours les décisions. Au surplus, ce projet a été fait à la hâte et arrêté en quelques heures ; mais en le rédigeant, votre comité a su distinguer les ennemis de la République, de ces hommes plus égarés que coupables, auxquels il faut tendre une main salutaire, et en vous proposant contre les premiers des dispositions rigoureuses, il ménage aux seconds des ressources dont ils feront fort bien de profiter », A.P., Séance du 19 mars 1793, t. LX, p. 331.
  • [34]
    AN, DIII-54, p. 112.
  • [35]
    Ibid., p. 109.
  • [36]
    Ibid.
  • [37]
    Ibid., p. 110.
  • [38]
    Faut-il y voir un écho de la question de la place de la famille d’Orléans dans l’espace public et avec le débat sur l’exil de la famille royale, pendant ce mois de décembre 1792 ? C’est au 16 décembre que les Girondins proposent l’exclusion de la famille d’Orléans du royaume. Si l’on ne peut précisément trancher ce point à la lumière des archives du comité, il y a tout de même une proximité dans les dates qui mérite d’être évoquée. Voir Hervé Leuwers, Camille et Lucile Desmoulins, Paris, Fayard, 2018, p. 251.
  • [39]
    AN, DIII-54, Séance du 20 décembre 1792.
  • [40]
    AN, DIII-54, p. 142. Terme souligné dans le texte.
  • [41]
    AN, DIII-54, Séance du 20 décembre 1792.
  • [42]
    Ibid.
  • [43]
    Rapport d’Osselin, A.P., Séance du 28 février 1793, t. LIX, p. 343.
  • [44]
    Saladin, Rapport et projet de décret, sur le mode de juger les exceptions particulières, non prévues par la loi contre les émigrés : présentés à la Convention nationale au nom des quatre Comités réunis de législation, des finances, diplomatique, et de la guerre, Paris, Imprimerie nationale.
  • [45]
    « Charles-Nicolas Osselin », dans Adolphe Robert et Gaston Cougny, Dictionnaire des parlementaires français, Paris, Edgar Bourloton, 1889-1891.
  • [46]
    Décret du 9 octobre 1792 qui fixe le mode d’exécution du décret qui prononce la peine de mort contre les émigrés pris les armes à la main, Duvergier, op. cit., t. 5, p. 16. Ne voulant pas que le rôle des commissions militaires chargées de prononcer la peine de mort soit réduit à celui d’artifice déguisant mal l’exécution sommaire d’un accusé placé devant un jury qu’il vient de combattre, Saladin rappelle que, si l’émigré est jugé hâtivement dans les formes prescrites « c’est parce que le droit de guerre ne lui donne d’autres juges que ceux qu’il a combattus, c’est parce que la mort ne peut être donnée sans aucune forme à un prisonnier désarmé ».
  • [47]
    Sans établir nécessairement un lien de causalité entre cette proximité et le texte défendu ; sans pouvoir l’exclure pour autant.
  • [48]
    Décret du 28 mars 1793 contre les émigrés, Duvergier, op. cit., t. 5, p. 217-218.
  • [49]
    Ibid.
  • [50]
    Encore est-il spécifié l’exclusion systématique de « ceux qui n’ont cultivé les sciences & les arts que comme amateurs ».
  • [51]
    AN, DIII-380.
  • [52]
    Voir par exemple Éric de Mari, La mise hors de la loi..., op. cit., p. 235.
  • [53]
    Ibid., p. 215.
  • [54]
    Saladin, op. cit., p. 6.
  • [55]
    Ibid., p. 4
  • [56]
    Ibid., p. 6
  • [57]
    Samuel Marlot, Les lois révolutionnaires..., op. cit., p. 156.
  • [58]
    Ibid.
  • [59]
    Saladin, op. cit., p. 5.
  • [60]
    Ce qui pose en creux la question de l’intentionnalité des juristes en Révolution ; question qui pourrait faire l’objet d’une recherche sans aucun doute passionnante.
  • [61]
    Absent, il est remplacé par Cambacérès le 18 mars.
  • [62]
    Les articles sont ainsi débattus un par un pendant dix séances, les 28/02 ; 1/03 ; 4/03 ; 5/03 ; 6/03 ; 15/03 ; 18/03 ; 22/03 ; 23/03 ; 25/03 et le 28 mars enfin.
  • [63]
    A.P., Séance du 28 février 1793, t. LIX, p. 343.
  • [64]
    A.P., Séance du 1er mars 1793, t. LIX, p. 518.
  • [65]
    A.P., Séance du 25 mars 1793, t. LX, p. 495.
  • [66]
    Jacques Godechot, Les institutions de la France sous la Révolution et l’Empire, Paris, PUF, 4e éd. 1989 (1ère éd. 1951), p. 476.
  • [67]
    Déjà dans les semaines précédentes, une inflexion en faveur des vues défendues par Osselin s’était produite à la Convention. Cette volonté de s’attacher à une définition englobante et malléable est particulièrement perceptible dans le décret du 25 novembre 1792 sur la vente des biens des émigrés qui parle ainsi de « mettre sous la main de la nation, les titres et les biens, tant meubles qu’immeubles, appartenant aux citoyens absents. […] Les scellés seront également apposés sur les effets des personnes qui, étant suspectes d’émigration, ne justifieraient pas à l’instant des certificats de résidence ».
  • [68]
    A.P., Séance du 5 mars 1793, t. LIX, p. 628.
  • [69]
    Saladin, op. cit., p. 5.
  • [70]
    Décret du 28 mars 1793 contre les émigrés, sect. 3, art. 6 et 7, Duvergier, op. cit., t. 5, p. 217-218.
  • [71]
    Voir Germain Sicard, « De la Réforme libérale à l’absolutisme révolutionnaire : le citoyen et la nation (1789-1794) », dans L’individu face au pouvoir, Recueil de la société Jean Bodin pour l’histoire comparative des institutions, Bruxelles, L. Dessain et Tolra, 1988, p. 685-736.
  • [72]
    Barère souligne plus tard, dans ses mémoires, que « c’est le vice inhérent aux mauvaises lois et surtout aux lois pénales dénuées de motifs et atteignant un grand nombre d’individus non coupables, de frapper de nullité leurs propres dispositions ». Bertrand Barère, Mémoires, 1842, Bruxelles, Meline, Cans et Compagnie, t. 2, p. 179.
  • [73]
    Décret du 1er août 1793 portant que les étrangers non domiciliés en France, avant le 14 juillet 1789, seront mis en état d’arrestation, Duvergier, t. 6, p. 67.
  • [74]
    Albert Mathiez constate en parlant de l’application de cette mesure dans les départements : « s’il y eut des départements, comme le Pas-de-Calais, où tous les sujets ennemis furent collectivement arrêtés et mis en prison. Dans beaucoup cependant, le décret ne fut que partiellement exécuté. » (Albert Mathiez La Révolution et les étrangers. Cosmopolitisme et défense nationale, Renaissance du livre, 1918, p. 145).
  • [75]
    Voir sur ce cas précis : Jean-Luc Chappey, « Du malheur d’être né de race noble… Les pétitions des nobles face au décret du 27 germinal an II », dans Philippe Bourdin (dir.), Les noblesses françaises dans l’Europe de la Révolution, Rennes, PUR, 2010, p. 53-68.
  • [76]
    Décret du 27 germinal an II (16 avril 1794) concernant la répression des conspirateurs, l’éloignement des nobles et la police générale de la république, art. 6, Duvergier, t. 7, p. 142-143.
  • [77]
    A.P., Séance du 29 germinal an II, t. LXXXIX, p. 28.
  • [78]
    Barère, dans ses mémoires, date de l’échec de cette disposition le début des tensions au sein du Comité de salut public.
  • [79]
    Le changement de législature de septembre 1792 semble être à cet égard un catalyseur qui amorce un changement dans la nature du Comité, un glissement vers des délibérations liées à la conjoncture politique.
  • [80]
    … pour un temps. C’est ce même procédé juridique qui est utilisé dans la loi du 12 janvier 1816 pour bannir 171 conventionnels régicides.

1 Dans le prolongement du colloque 1792. Entrer en République, initié par l’ANR Actapol, avec le soutien de la Société des études robespierristes et de l’IHRF [1], l’étude de la difficile gestation de la loi du 28 mars 1793 sur les émigrés invite à s’interroger sur les premiers mois de l’exception politique révolutionnaire [2]. Si les débats au sein de l’Assemblée sont bien documentés [3], l’analyse de la conception des mesures d’exception à la lumière des archives d’un comité, nous permet de mieux comprendre le difficile processus de construction de la loi dans un contexte de « salut public ». Dans le cas de la loi du 28 mars, l’étude du long travail préparatoire confié au Comité de législation met en lumière les dynamiques d’un processus révolutionnaire qui, face à la menace de ses ennemis, intérieurs et extérieurs, se radicalise depuis la chute de la royauté [4].

2 Les premiers mois du nouveau régime révèlent les difficultés d’une transition freinée par le renouvellement à l’automne 1792 de nombreuses administrations élues sous la monarchie constitutionnelle [5]. Dans le même temps, les souvenirs des craintes de l’été 92 et des massacres de septembre puis l’arrivée des mauvaises nouvelles de l’Ouest et du Nord au début de l’année 1793 incitent la Convention à légiférer au plus vite sur le cas des « ennemis » de la Révolution au nom du devoir sacré et impérieux des conventionnels de « préserver le salut de la France et la sûreté des citoyens » [6]. Dès lors, à l’idée d’une législation des Lumières, s’incarnant dans la volonté générale et exprimée par la raison humaine, se superpose progressivement un ordre révolutionnaire [7]. Cette démarche, appelée à fonder la république [8], se met en place au printemps 1793 avec les premières lois d’exception.

3 Pour mieux incarner et mettre en lumière ce tournant du printemps 1793, l’étude de la conception de la loi du 28 mars, depuis les travaux préparatoires du Comité de législation jusqu’à son adoption par l’Assemblée, est particulièrement intéressante. Nous nous proposons d’étudier le fonctionnement organique d’un comité de la Convention rarement mis en lumière [9], de souligner dans ses débats les dynamiques au cœur de la conception de la loi révolutionnaire et de montrer les limites fonctionnelles d’un des prodromes de la loi en révolution : l’incrimination catégorielle.

Les émigrés « ennemis de la République » : définir une nouvelle catégorie à l’automne 1792

4 De nombreuses catégories d’adversaires de la révolution sont définies au cours de la Révolution et au gré des événements nationaux. Les ecclésiastiques qui refusent de prêter serment sont les premiers à susciter une répression catégorielle [10] ou à être l’objet de « lois répressives générales » [11]. Les députés eux-mêmes sont longtemps hésitants quant à la façon d’appréhender cette nouvelle incrimination collective, tour à tour « lois répressives générales » [12]  ou encore « loi générale de proscription » [13]. Cette imprécision perdure dans les textes suivants et notamment dans le décret du 27 mai 1792 sur les prêtres réfractaires accusés d’avoir « par des actes extérieurs excités les troubles » [14]. Déjà, Brissot s’insurgeait contre la plasticité du texte : « Qu’est-ce que c’est que ces expressions : "d’avoir troublé l’ordre public par ses discours, des actions ou ses écrits" ? Ne prêtent-elles pas à toutes les interprétations qu’on voudra leur donner ? » [15]  Cette imprécision, que l’on peut percevoir comme résultant d’une forme de précipitation, d’ingénuité, ou alors comme savamment entretenue, devient rapidement l’une des principales lignes de force des grandes lois révolutionnaires de la Convention.

5 La législation sur les émigrés n’échappe pas à cette règle [16]. Alors qu’ont lieu les premiers départs (ceux des princes du sang, des seigneurs grands dépensiers), c’est l’attentisme qui caractérise la position des députés de la Constituante pour qui cette dynamique semble secondaire [17]. L’émigré apparaît alors tout au plus comme un sujet qui a quitté le territoire après la prise de la Bastille et qui laisse derrière lui des biens et souvent des dettes [18]. Dans son ouvrage consacré aux émigrés, Jean Vidalenc souligne que la loi du 1er août 1790 les qualifie d’ailleurs aussi bien « d’émigrés » (art. 2, 5 et 6) que de « réfractaires » (art. 5) ou « d’absents » (art. 7) [19], ce qui élude la question de la gravité et du caractère répréhensible de ce statut [20]. C’est la Législative qui franchit ce pas en proclamant, le 9 février 1792, le séquestre des biens des émigrés [21] et qui l’organise par la loi du 30 mars-8 avril 1792 en prévoyant des exceptions à cette mainmise [22]. Pour l’heure, l’objectif n’est pas tant de sanctionner l’émigré fautif que de hâter son retour. Dans l’attente, le séquestre est vu comme une mesure confiscatoire visant à solder l’indemnité que ces émigrés doivent à l’État du fait de leur absence. Le séquestre des biens devient cependant confiscation avec la loi du 24-28 juillet 1792, quatre mois après le début de la guerre avec l’Autriche [23]. Face à la menace croissante des mouvements contre-révolutionnaires, il apparaît alors moralement, politiquement et juridiquement nécessaire de donner un traitement pénal au fait d’émigration, dont la guerre a modifié le statut.

6 La transformation de la peine, qui de suspensive devient privative, est un tournant majeur dans le processus de criminalisation des émigrés. La peine de séquestre est en effet temporaire, liée aux dettes de l’émigré, et a vocation à être levée. La peine de confiscation est en revanche définitive, d’autant plus que le retour est rendu impossible par la peine de bannissement du décret du 23 octobre 1792 [24], texte discuté au cours des dernières semaines de la Législative. Cette série de mesures punitives aurait nécessité une définition précise et claire des émigrés à qui elle devait s’appliquer afin d’éviter les erreurs qui auraient irrémédiablement porté atteinte à l’éthique du droit comme à l’image du législateur. Or ces mesures sont adoptées en l’absence de toute définition légale de l’émigré et de l’émigration. Paradoxalement, au moment où la Législative finissante porte au paroxysme les peines contre les émigrés, elle suspend tout processus de définition et de précision de la notion.

7 C’est donc face à cette situation, non seulement paradoxale, mais dangereuse du point de vue juridique, que se trouvent les membres du Comité de législation aux premiers jours de la Convention nouvellement formée et alors qu’ils sont chargés de travailler à un projet de loi générale sur la question des émigrés. Ce projet aboutit au vote du décret du 28 mars 1793 [25] qui, en 84 articles, remplace et vient codifier toute la législation antérieure sur cet objet.

Le travail préparatoire au sein du Comité de Législation, laboratoire de la loi sous la Convention

8 Le Comité débute ses travaux le 2 octobre 1792 [26]. Comme ses prédécesseurs, il se compose de membres choisis pour leurs compétences et notamment leur connaissance du droit. Ses membres informent, rapportent et proposent pour aider à la décision qui appartient à l’Assemblée des représentants du peuple. Certains élus [27], qui ont siégé dans les précédentes assemblées, peuvent y poursuivre les travaux de la Constituante et de la Législative sur la question des émigrés, à l’exemple de Lepeletier de Saint-Fargeau ou de Lanjuinais. Bien entendu, les 48 députés du comité ne sont pas régulièrement présents aux séances et c’est un noyau d’une dizaine de membres qui s’attelle à la multiplicité des tâches que lui confie une Convention toujours plus sollicitée. Comme membres réguliers et assidus, nous pouvons citer, en nous appuyant sur les signatures des procès-verbaux du comité [28], les noms de Lanjuinais, Garran de Coulon, Lepeletier de Saint-Fargeau, Philippeaux, Cambacérès, Osselin, Lindet, Azéma, Bayle ou encore Delaunay d’Angers. De convictions politiques diverses, ces hommes de la moyenne bourgeoisie sont avant tout des techniciens, qui s’attachent à perfectionner et diffuser le droit nouveau. Plus tardivement, après le renouvellement des membres le 12 janvier 1793, Merlin de Douai, Mailhe, Saladin et Vergniaud viennent s’ajouter à ces députés régulièrement présents.

9 Le débat sur les émigrés, et plus précisément la question de la définition à donner à ce terme, est le premier ordre du jour du Comité de législation. La recherche d’une définition précise est guidée par les principes juridiques d’un groupe composé majoritairement de juristes de formation. En effet, sur un total de 65 députés ayant appartenu à ce comité entre octobre 1792 et juin 1793, 44 sont d’anciens avocats, soit 67 % des membres, quand 18 autres exercent une profession juridique (juges, notaires…) [29]. La présence de ces hommes de loi et notamment des deux grands légistes de la Gironde – Lanjuinais et Vergniaud – est donc prépondérante et il n’est pas interdit de penser qu’une partie, sinon l’essentiel, de la législation de la Convention « girondine » fut l’émanation de ces juristes [30].

Le comité face au tournant de mars 1793, entre principes juridiques et conjoncture politique

10 Quelques mois après la proclamation de la patrie en danger, la législation révolutionnaire se montre inflexible envers « l’absent criminel » [31], « le lâche, déserteur et traître » [32]. Cette loi du 28 mars est en effet votée au cœur d’un ensemble exceptionnel de mesures : décret du 10 mars établissant un tribunal criminel extraordinaire, sans appel ni cassation ; loi du 19 mars sur les insurgés vendéens [33] ; création des comités de surveillance le 21 mars, et décret du 27 mars mettant hors la loi les aristocrates et armant les citoyens de piques ; loi du 29 mars condamnant à la peine de mort quiconque sera convaincu d’avoir composé ou imprimé des ouvrages ou écrits qui provoqueraient la dissolution de la représentation nationale, le rétablissement de la royauté ou tout autre pouvoir attentatoire à la souveraineté du peuple ; loi du 1er avril sur la suppression de l’inviolabilité des députés qui peuvent alors être décrétés d’accusation en cas de « fortes présomptions de complicité avec les ennemis de la liberté, de l’égalité et du gouvernement républicain » ; création du Comité de salut public le 6 avril.

11 Cependant, malgré la détérioration de la situation aux frontières et la montée des tensions dans la Convention, la réflexion sur cette loi nouvelle dure plusieurs mois. Les échanges entre les juristes reflètent alors une forme de quête, de recherche méticuleuse d’une définition et d’un projet qui ne doit laisser aucune place à l’imprécision. En effet, face à des définitions longtemps floues et malléables, les membres du comité s’attardent collectivement à réduire à la fois le flou de l’incrimination et la suspicion généralisée qui en découle, en précisant d’une part la définition du terme d’émigré, puis en établissant un long rapport pour exclure le plus grand nombre possible des individus qui pourraient injustement tomber sous le glaive de la loi.

12 L’essentiel des débats au sein du Comité porte donc sur une question : celle de la définition de la catégorie d’émigré. Le procès-verbal de la première séance, le mercredi 21 novembre pose ainsi la question de la portée de la loi : sera-t-elle une « loi générale » ou une « loi personnelle » ? L’émigré est-il fautif en tant qu’individu, en tant que membre d’une certaine classe ? Comment le reconnaître ? Tout au long de l’automne 1792, les procès-verbaux font plusieurs fois état, dans une formule malheureusement trop sibylline, de « très longues discussions » [34]. Le 20 novembre, en réponse à la deuxième visite de Philippe Égalité qui vient plaider la cause de sa fille de quinze ans revenue d’Angleterre, le comité s’engage à proposer au plus vite « la loi d’exception ou plutôt la définition exacte du mot d’émigré » [35]. Le lendemain, alors que le Comité se penche plus en détail sur le cas de la jeune Égalité, le procès-verbal rapporte que « plusieurs membres ont tâché de prouver que la loi sur les émigrés était insuffisante, même injuste et qu’il était indispensable de la changer, de la modifier et d’en faire une nouvelle » [36]. Mais le procès-verbal ajoute que d’autres membres soulignent que « la moindre exception particulière admise en provoquerait, en occasionnerait une infinité d’autres que la Convention devrait juger » [37]. Le 4 décembre la présentation de deux rapports distincts, l’un sur le mode de juger les émigrés, l’autre sur les exceptions à cette loi, est officiellement actée [38].

13 Certaines séances de travail réunissent des membres de plusieurs comités, à l’exemple de la séance du 20 décembre qui agrège des représentants des comités de législation, des finances, de la guerre et du comité diplomatique. Les députés se réunissent alors en vertu du décret de renvoi de la Convention du 17 décembre qui porte que les quatre comités reverront « toutes les exceptions décrétées et à décréter » [39] à la définition d’émigré. Le procès-verbal précise alors qu’« il est question de faire une loi précise, claire et simple » et que pour cela, il faut commencer par « définir le mot émigré » [40]. Cette quête de définition, qui permettrait de cerner au mieux qui est et qui n’est pas émigré, poursuit vraisemblablement deux fins. Il s’agit d’une part d’un souci d’efficacité. Les archives du Comité de législation regorgent en effet de mémoires et de suppliques de pétitionnaires datés de ce printemps 1793 et demandant à être exclus des listes d’émigrés et des mesures qui y sont associées. Cette précision est aussi nécessaire afin que la loi et le législateur ne soient pas discrédités par un texte injuste ou inapplicable.

14 Dans un premier temps, il semble évident aux membres du comité que « ceux de la cause populaire, révolutionnaire, ne peuvent être suspects » [41]. À ce titre, précise le registre du comité, « il faut donc diriger la loi contre la noblesse, le clergé et tous les ci-devant privilégiés » [42]. Par ailleurs, concernant l’autorité à même de statuer sur les exceptions, le projet arrêté à la fin de la séance prévoit une approche décentralisée au terme de laquelle « ce sera à un juré de qualifier l’émigré sur le lieu et à juger de la validité ou de l’invalidité des motifs d’exception ». Cependant, il est intéressant de noter que le procès-verbal du 20 décembre conclut la séance en arguant, à propos du texte à venir, qu’il s’agit d’« une loi révolutionnaire de circonstance, difficile, impossible à faire parfaite et juste dans tous les cas ». L’injustice ponctuelle dans des cas d’exception est envisagée et semble acceptée.

15 Les travaux se poursuivent à la fin de l’hiver et semblent durer plus longtemps que prévu, à telle enseigne que Lanjuinais, alors secrétaire des séances du comité, paraît exaspéré par l’absence d’Osselin. Celui-ci note ainsi dans la seule séance du 8 janvier qu’en début de séance, « le citoyen Osselin rapporteur de loi était encore absent », que plus tard « Osselin n’apparaissait pas » et souligne enfin, visiblement soulagé, qu’en fin de séance « Osselin s’est enfin rendu au comité », bien qu’il arrive trop tard pour prendre la parole.

Au terme des travaux, deux visions différentes : les rapports de Saladin et d’Osselin

16 Au terme de ce long travail préparatoire, deux rapports sont présentés à la Convention nationale le 28 février 1793, alors même que sont débattues les premières grandes lois d’exception de la fin de l’hiver. Ces rapports semblent ainsi offrir un choix à la Convention. Le premier est présenté par Osselin [43] et porte sur la partie pénale. Le second est défendu par Saladin et porte sur le mode de définir et de juger les exceptions particulières à la catégorie d’émigré [44].

17 Les juristes qui se font rapporteurs de ces textes reflètent de manière paradigmatique, à travers leur formation et leurs engagements, le type « d’homo juris » qui compose le Comité de législation. Avocat à Paris, Osselin tente d’obtenir sans succès une charge de notaire avant la Révolution. Il se distingue par son activisme révolutionnaire précoce et est nommé président du tribunal criminel du 17 août chargé de juger les délits contre-révolutionnaires commis le 10 août avant d’être élu représentant de Paris à la Convention nationale. Il fonde en outre, peu après son élection à la Convention, Le Journal des lois. Ironie du sort compte tenu de son intransigeance, il est compromis en novembre 1793 par sa liaison avec une émigrée et les libérations de suspects qu’il avait ordonnées [45]. Quant à Saladin, avocat au barreau d’Amiens avant la Révolution, il se démarque déjà sous la Législative par ses travaux sur la confiscation des biens des émigrés [46]. Réélu à la Convention, il prend place sur les bancs de la Montagne qu’il quitte par la suite. Il fait partie des proches de Philippe Égalité qui demandent que ses enfants, résidant à l’étranger pour leur éducation, soient exclus de la liste des émigrés [47].

18 Le rapport d’Osselin qui institue la peine de mort pour les émigrés rentrés au pays est accueilli très favorablement par la Convention qui l’adopte presque à l’identique le 28 mars 1793 [48]. Les exceptions retenues sont extrêmement restreintes et portent de manière exhaustive sur les enfants de moins de 14 ans « pourvu qu’ils ne soient pas convaincus d’avoir porté les armes contre la patrie » [49]. De même ne sont pas considérés comme émigrés les bannis, les fonctionnaires envoyés en mission, les négociants, artistes et scientifiques [50]. En outre, le projet inverse la charge de la preuve et dispose que c’est à la personne elle-même de prouver qu’elle n’est pas émigrée. Quant à la définition, elle est fort simple : « toute personne qui a fui la patrie par lâcheté ou trahison » [51].

19 Vue par certains comme une « conception purement objective de l’infraction » [52] visant les « ennemis objectifs de la Révolution » [53] cette incrimination catégorielle devient un moyen d’accentuer la répression. Reflet d’une nécessité exceptionnelle, elle autorise la poursuite des ennemis de la République au travers des tribunaux criminels des départements. Dans cette loi d’exception, le juge se contente de relever l’infraction, de constater « l’état » de l’accusé, état qui le place de jure hors de la loi.

20 Le rapport de Saladin tente lui d’introduire une nomenclature permettant d’exclure un certain nombre de cas des mesures prévues contre les émigrés. Son argumentaire porte d’abord sur la définition trop exhaustive de la catégorie d’émigré et la nécessité « d’adopter une définition du délit autre que celle que renferme la loi dans sa rédaction actuelle » ; de caractériser l’émigration autrement que par une dénomination qui comprend également, et « l’absence légitime » et « l’émigration coupable. » Pour lui, cette incrimination catégorielle prend le risque d’englober dans une définition mal ajustée autant d’ennemis de la Révolution que d’honnêtes citoyens. À ce titre, elle desservirait l’œuvre du législateur en rajoutant à la confusion et viendrait ainsi discréditer les auteurs du texte. Pour éviter cet écueil, Saladin souligne qu’il est nécessaire « de pénétrer jusqu’à l’intention qui, se joignant au fait, constitue essentiellement le délit » [54].

21 Ainsi, le député de la Somme suggère, pour compléter la première définition de la loi « fruit d’une profonde méditation » [55] du comité, de faire précéder le terme d’émigré d’un article qui présenterait les principaux caractères du délit : « la haine pour la révolution, la lâcheté, l’indifférence ou la trahison » [56]. Pour juger des exceptions à la loi, Saladin propose l’établissement de jurés de jugement dans chaque département pour délibérer au cas par cas de la culpabilité des absents (ils existent déjà dans les tribunaux criminels ; sont-ce ceux-là qui auraient à prononcer ?). Cette idée est défendue avec le souci de ne pas mobiliser inutilement les ressources de la Convention, mais aussi de favoriser une approche locale car c’est proche de sa résidence d’origine que la situation de l’absent incriminé est la plupart du temps « notoirement connue ».

22 Cependant, il semblerait que dans son rapport, pourtant particulièrement bien argumenté et détaillé, Saladin lui-même perçoive les limites de sa démarche [57]. Il souligne en effet qu’« il serait difficile, impossible peut-être, que [les émigrés] qui se croient fondés à réclamer, trouvassent dans la loi des exceptions qu’ils ont à invoquer : car ces exceptions, qui ne peuvent être que particulières, seraient devenues générales ». L’auteur du rapport semble déjà admettre les limites d’un texte trop clément présenté à une Assemblée qui se veut inflexible avec les ennemis de la patrie [58]. Lucide, il y évoque ainsi de lui-même le risque d’exceptions trop nombreuses au risque de voir que « destinées à l’innocence, seul le crime se les fût audacieusement appropriées, et une loi nécessaire, une loi commandée par la première de toutes les lois, le salut du peuple, n’eût plus offert qu’une mesure vaine, illusoire, et par là même dangereuse » [59]

23 Cette approche du comité nous interroge. Pourquoi deux rapports en apparence si contradictoires ? S’agit-il d’une réelle opposition de principe, ou bien d’une position plus prudente, plus pragmatique, d’un comité qui prend conscience que la situation d’exception lui impose des mesures sévères ? Y a-t-il divisions internes entre les juristes, ou réticences face à une approche holistique qui – hors exception – leur aurait semblé contraire aux principes du droit ?

24 L’état actuel des sources ne nous permet pas de trancher ce débat aussi clairement que l’on voudrait. Il n’en reste pas moins que la présentation de deux rapports, tous deux fruits de plusieurs mois de travail et de discussions, permet d’envisager une hypothèse dans laquelle le comité laisserait à l’Assemblée la responsabilité de choisir, se protégeant probablement ainsi de possibles accusations de « modérantisme » [60]. Le rapport d’Osselin à l’opposé du raisonnement de Saladin, fait également émerger les clivages profonds qu’il pouvait exister au sein du comité entre Montagnards, d’une part, et Girondins, de l’autre et vient ainsi souligner les dynamiques politiques à l’œuvre dans la construction de la loi.

25 L’étude des débats à l’assemblée semble par ailleurs étayer la thèse d’une « prudence » des membres du comité, voire d’une stratégie de protection. En effet, les membres du comité sont particulièrement discrets et effacés au cours des débats sur le texte, débats qui occupent les conventionnels durant dix séances. Si Osselin prend régulièrement la parole, au cours de neuf séances [61], c’est uniquement comme rapporteur du texte et pour présenter l’état des lieux des travaux. En tout, au cours de ces dix séances, seuls quatre autres membres du comité s’engagent dans les débats. Laplaïgne et Lesage s’impliquent ainsi, le 28 février, pour justifier la mort civile pour les émigrés non rentrés au pays ; Philippeaux s’implique lui, lors de la séance du 5 mars, dans la question des enfants mâles des émigrés et l’âge à partir duquel ils seront concernés par les dispositions de la loi. Il s’oppose à Robespierre qui, lui, refuse une approche trop pathétique des débats, alors fondés sur des exemples de jeunes filles éplorées et repentantes rentrées d’elles-mêmes. Enfin, le 6 mars, Lanjuinais s’insurge contre la proposition – non retenue – de Baffron-du-Trouillet et d’Amar de supprimer toutes les exceptions et de faire remonter l’époque de l’émigration à 1789.

L’adoption du décret du 28 mars 1793 : la sévérité à l’ordre du jour

26 Les deux rapports sont ainsi débattus à la Convention à partir du 28 février jusqu’à l’adoption du décret définitif le 28 mars [62]. Très vite, la question de la distinction est écartée par Osselin qui souligne « qu’il est bien plus loyal, bien plus digne, de la Convention de ne présenter aucune distinction entre les coupables du même crime. Ce serait supposer encore dans nos opinions une sorte de souvenirs pour cette caste privilégiée que nous avons anéantie pour jamais, et dont le souvenir même est chez nous un délit positif… La justice nationale doit frapper également toutes les têtes. Le niveau de l’égalité s’oppose à toute distinction » [63]. Les rares oppositions portent alors surtout sur les ramifications de cette loi, et notamment sur la question de l’héritage de ces émigrés qui serait acquis au profit de la Révolution. Ainsi, si certains, à l’exemple du député du Gers Laplaïgne, y voient une infraction au droit de propriété, la Convention adopte dès la première séance des débats la substitution de la Nation aux héritiers des émigrés. Pour justifier cette mesure, le conventionnel montagnard Duhem utilise une formule qui résume à elle seule la tenue des débats, en arguant que cette loi est « une loi révolutionnaire » et que donc « sur ce point de vue là elle sort du cercle des mesures ordinaires ». Cette formule d’une loi « hors du cercle des mesures ordinaires » sera reprise par le rapporteur Osselin dès la séance suivante pour résumer la teneur et l’esprit des débats [64].

27 Aucun échange prolongé ne vient pendant cette période remettre en cause l’esprit du texte, sa légitimité et ses objectifs. Le contexte sombre qui fait de la République une « ville assiégée » pousse les conventionnels à toujours plus de sévérité. Présentant le projet dont il est le rapporteur, le conventionnel souligne le 25 mars que « les événements survenus depuis le dépôt du projet, et les dispositions que vous avez prises contre les émigrés […] ont amené votre comité à modifier les vues qu’il vous avait précédemment présentées […] que nous avons essayé de mettre d’accord avec les décisions que vous avez déjà adoptées et à la hauteur des événements douloureux qui, depuis quelques jours, nous sont annoncés » [65]. Ainsi, un temps remise en cause au profit d’un bannissement à perpétuité, la peine de mort est maintenue. La captation des biens des émigrés est actée dès la première séance du mois de mars. Aucune exception n’est ajoutée à la liste restreinte envisagée par Osselin.

28 Le 28 mars, les émigrés sont déclarés « bannis à perpétuité du territoire français, ils sont morts civilement, leurs biens sont acquis à la République ». Ce décret, qui vient codifier toute la législation antérieure sur les émigrés [66], ne retient in fine que le titre pénal proposé par Osselin [67]. La proposition d’un titre II portant sur les exceptions est refusée en grande partie en raison des dangers qu’il ferait courir à l’application même de la loi. Les Conventionnels y voient un danger pour l’efficacité de la mesure. Dès le 5 mars, Robespierre dénonce les dangers du particularisme et, concernant les mineurs, d’une approche trop lacrymale : « Il ne faut pas que la sagesse de la Convention, dans des questions qui intéressent la sûreté publique, et qui offrent des rapports si compliqués, soit surprise par ces motifs d’intérêts, d’humanité, qui n’embrassent pas assez l’intérêt public, car la véritable humanité est celle qui sait sacrifier quelques intérêts particuliers à l’intérêt général » [68]. Définir des exceptions reviendrait à définir plus précisément qui la loi cherche à atteindre et le risque serait grand si l’on oubliait, comme le concède Saladin, « une ou plusieurs espèces de ces hordes » [69]. La définition de l’émigration se fonde ainsi uniquement sur l’absence :

29

« Sont émigrés : 1° Tout Français de l’un et de l’autre sexe, qui, ayant quitté le territoire depuis le premier juillet 1789, n’a pas justifié de sa rentrée en France […] ; 2° Tout Français de l’un ou de l’autre sexe absent de son domicile […] ; 3° Tout Français de l’un ou de l’autre sexe qui, quoiqu’actuellement présent, s’est absenté du lieu de son domicile […] ; 4° Ceux qui sortiront du territoire de la République sans avoir rempli les formalités prescrites par la loi […] » [70].

30 Le vote d’un châtiment qui vise la catégorie des émigrés « en bloc » du seul fait objectif de leur départ, sans considération des motifs et des agissements des absents, vient définitivement battre en brèche un des fondements de la justice héritée du Code pénal de 1791 : la nécessité d’une infraction personnelle et intentionnelle [71]. Passé le 9 mars, il s’agit dorénavant de mener une répression rapide et exemplaire. Certes, la question de savoir si l’accusé est coupable ou innocent est prise en compte, mais elle est posée d’une façon qui lui était très défavorable. La question de l’exception est de ce fait écartée.

Les limites d’une incrimination catégorielle

31 Cette vision révolutionnaire de la loi n’est pas exempte de limites et de difficultés à surmonter. Conséquence inévitable du refus du législateur de diminuer la latitude de sa loi en la faisant gagner en précision, les listes d’émigrés rédigées en vertu de la loi du 28 mars vont faire l’objet de très nombreuses contestations. La Convention, qui avait refusé par souci d’efficacité de préciser sa mesure, se voit assaillie de demandes et d’impétrants qui encombrent rapidement – et pour longtemps – les couloirs des ministères, des comités, des commissions et bien sûr de la Convention qui se voit sollicitée de toutes parts.

32 Nous retrouvons ce « vice » [72], entre autres, dans le décret du 1er août 1793 portant sur les étrangers non domiciliés en France [73]. Celui-ci dispose que « La Convention nationale décrète que les étrangers des pays avec lesquels la République est en guerre, et non domiciliés en France avant le 14 juillet 1789, seront mis sur-le-champ en état d’arrestation » [74] ou encore dans la définition très englobante donnée au terme de « noble » dans le décret du 27 germinal an II (16 avril 1794) [75]. Celle-ci posera un véritable problème lorsque ce décret imposera la sortie de Paris, des places fortes ou des villes maritimes à « tout noble » [76], même à ceux qui « ont usurpé les titres ou les privilèges de la noblesse ». Le décret, lui aussi général et sans exception, se retrouve aussitôt assailli de demandes de dérogation, Couthon devant ainsi se rendre à la tribune pour expliquer que « des réclamations sans nombre sont venues au comité » [77]. Robespierre lui-même est forcé d’intervenir pour admettre que la mesure prévue « enveloppait une infinité de personnes » et, en contradiction apparente avec le principe de distinction refusé un an plus tôt par Osselin et la Convention, défendre que l’« on ne peut ranger dans la même classe le vil intriguant [et] l’homme qui n’a eu qu’à un moment la velléité d’être noble ». Finalement, face à l’impossibilité de matérialiser cette mesure, la Convention renonce à sa décision d’expulser « en bloc » tous les nobles restants sur le territoire [78].

33    

34 L’analyse de la conception de la loi et plus particulièrement de la loi sur les émigrés du 28 mars 1793 soulève des questions à la fois éthiques, juridiques et politiques sur la nature du républicanisme et le projet des conventionnels au cours des premiers mois du nouveau régime. Elle vient d’abord éclairer le fonctionnement du Comité de législation alors que sont votées les premières mesures d’un temps d’exception. L’étude des propositions d’Osselin et de Saladin à la Convention vient souligner que la sphère d’intervention du Comité pouvait s’étendre bien au-delà de l’élaboration du droit pour entrer de plain-pied dans l’arène politique [79]. Le Comité n’abandonne pas pour autant sa fonction primitive d’élaboration d’un Code civil et des grands principes de la réorganisation judiciaire qui avait été sa principale préoccupation sous la Législative, comme en témoigne la rédaction du premier projet de Code civil présenté le 9 août 1793, dans le prolongement de l’œuvre constitutionnelle et du travail sur une grande loi d’éducation nationale.

35 Après Thermidor, dans un spectaculaire revirement, les conventionnels qui prennent acte de l’incertitude juridique suscitée par ces mesures difficilement applicables décrètent, le 14 vendémiaire an III (5 octobre 1794), qu’à l’avenir, la question relative à l’intention sera posée dans toutes les affaires soumises à des jurés de jugement. Le décret, adopté par la Convention sur un rapport de son Comité de législation, stipule alors que dorénavant, dans « toutes les affaires soumises à des jurés de jugement, les présidents des tribunaux criminels seront tenus de poser la question relative à l’intention ; et les jurés, d’y prononcer par une déclaration formelle et distincte ; et ce à peine de nullité ». L’incrimination catégorielle avait vécu [80].

Notes

  • [1]
    Michel Biard, Philippe Bourdin, Hervé Leuwers, Pierre Serna (dir.), 1792. Entrer en République, Paris, Armand Colin, 2013.
  • [2]
    Guillaume Glénard, « La République des origines (10 août 1792 - 21 janvier - 6 avril 1793) », dans Ibid., p. 22.
  • [3]
    Les interrogations sont anciennes et les politistes et historiens du droit ne les ont pas négligées. On peut penser aux travaux d’Anne Simonin, Le Déshonneur dans la République. Une histoire de l’indignité 1791-1958, Paris, Grasset, 2008 ; Raphaël Matta-Duvignau, Gouverner, administrer révolutionnairement : le Comité de salut public (6 avril 1793 - 4 brumaire an IV), Paris, L’Harmattan, 2013 ; Michel Troper, Terminer la Révolution. La Constitution de 1795, Paris, Fayard, 2006 ; Éric de Mari, La mise hors de la loi sous la Révolution française (19 mars 1793 - 9 thermidor an III) : une étude juridictionnelle et institutionnelle, Thèse, Paris, LGDJ, 2015.
  • [4]
    Haim Burstin, Révolutionnaires. Pour une anthropologie politique de la Révolution française, Paris, Vendémiaire, 2013, p. 408.
  • [5]
    Élisabeth Liris, « De la République officieuse aux républiques officielles », dans Michel Vovelle et Raymonde Monnier (dir.), Révolution et République ; l’exception française, Paris, Kimé, 1994, p. 366. Voir aussi Gaïd Andro, Une génération au service de l’État. Étude prosopographique des procureurs généraux syndics de la Révolution française (1780-1830), Paris, SER, 2015.
  • [6]
    Laurent Brassart, « Devenir Républicain pendant l’été 1792. Quelques itinéraires individuels dans la France septentrionale », dans Michel Biard, Philippe Bourdin, Hervé Leuwers, Pierre Serna (dir.), 1792. Entrer en République, op. cit., p. 170.
  • [7]
    Nous reprenons ici l’analyse de Julien Boudon (Julien Boudon, Les Jacobins. Une traduction des principes de Jean-Jacques Rousseau, Paris, LGDJ, 2006, p. 212).
  • [8]
    Voir les analyses de François Saint-Bonnet, L’État d’exception, Paris, PUF, 2001, p. 303-305.
  • [9]
    On citera comme l’un des rares travaux l’étude d’Annie Jourdan : « La Convention ou l’empire des lois », La Révolution française, 3, 2012. Consulté le 09 octobre 2017. URL : http://lrf.revues.org/730
  • [10]
    Samuel Marlot, Les lois révolutionnaires 11 août 1792- 22 prairial an II, Thèse de doctorat en histoire du droit, Paris 2, 2009, p. 140.
  • [11]
    Archives parlementaires, Séance du 21 octobre 1791, t. XXXIV, p. 330.
  • [12]
    Ibid., p. 117.
  • [13]
    Ibid., Séance du 21 octobre 1791, t. XXXIV, p. 330.
  • [14]
    Décret du 27 mai 1792 sur la déportation des prêtres insermentés, art. 5, Duvergier, t. 4, p. 177.
  • [15]
    A.P., Séance du 18 novembre 1791, t. XXXV, p. 144.
  • [16]
    Pour une approche d’ensemble sur les débats à l’Assemblée, on consultera avec profit les travaux de Christian Henke, Coblentz : Symbol für die Gegenrevolution : die französische Emigration nach Koblenz und Kurtrier 1789-1792 und die politische Diskussion des Revolutionären Frankreichs 1791-1794, Stuttgart, J. Thorbecke, 2000.
  • [17]
    Marcel Ragon, La législation sur les émigrés, 1789-1825, Thèse de doctorat de droit, Paris, Rousseau, 1904, p. 20.
  • [18]
    Décret du 28 décembre 1791 relatif aux émigrés créanciers de l’État, Duvergier, Collection complète des lois, décrets, ordonnances, règlements, et avis du Conseil d’État pour la période depuis 1788 jusques et y compris 1824, Paris, A. Guyot et scribe, 1824, t. 4, p. 33-38.
  • [19]
    Jean Vidalenc, Les émigrés français. 1789-1825, Caen, Université de Caen, 1963, p. 26.
  • [20]
    La presse parle parfois de « fugitifs ». Voir : Révolutions de France et de Brabant, n° 61, p. 430.
  • [21]
    Loi du 9-12 février 1792 relative au séquestre des biens des émigrés, Duvergier, op. cit., t. 4, p. 66.
  • [22]
    Loi du 30 mars–8 avril 1792 relative aux biens des émigrés, Ibid., t. 4, p. 110.
  • [23]
    Loi du 24-28 juillet 1792 relative aux biens et revenus des émigrés, Ibid., t. 4, p. 266.
  • [24]
    Décret du 23 octobre 1792 qui ordonne le bannissement à perpétuité des émigrés français, Ibid., t. 5, p. 27.
  • [25]
    Décret du 28 mars 1793 contre les émigrés, Ibid., t. 5, p. 217-218.
  • [26]
    Procès-verbal imprimé, 14 octobre 1792. Il prend alors le nom de « Comité de législation civile, criminelle et de féodalité ».
  • [27]
    Membres titulaires : les citoyens Garran de Coulon, Guadet, Couthon, Thuriot, Chasset, Mailhe, Gossuin, Barère de Vieuzac, Durand de Maillane, Charlier, Osselin, Goupilleau de Montaigu, Lepeletier de Saint-Fargeau, Saladin, Azema, Delaunay d’Angers, Robespierre, Lindet, Robert, Brival, Mathieu, Laplaïgne, Piorry, Cambacérès, Alquier, Morisson, Tallien, Goupilleau de Fontenay, Vadier, Vernier, Lanjuinais, Vergniaud, Louvet, Sautereau, Lavicomterie, Larivière, Corbel, Coupé de l’Oise, Lacroix, Guimberteau, Marquis, Bohan, Lemalliaud, Cochon-Lapparent, Pons de Verdun, Ingrand, Philippeaux, Bayle, Bailie. Suppléants : les citoyens Pelletier, Moreau, Lofficial, Réal, Frécine, Duval, Boilleau, Dumont, Bion, Bonnier, Bernier, Chaillon, Chazal, Allasœur.
  • [28]
    AN, DIII-380, AN DIII-54/56.
  • [29]
    Marcel Dorigny, « Les girondins dans les comités de législations, luttes politiques et débats juridiques », dans Michel Vovelle (dir.), La Révolution et l’ordre juridique privé : rationalité ou scandale, Paris, PUF, 1988, t.1, p. 241-248.
  • [30]
    S’il est bien entendu difficile d’établir, aussi précocement qu’en septembre 1792, une tripartition Montagne-Plaine-Gironde, nous pouvons nous appuyer sur l’étude de Marcel Dorigny qui souligne qu’au cours de la Convention dite girondine, sur les 48 membres appartenant au Comité de législation, 17 peuvent être rattachés à la Gironde, 19 à la Montagne et 20 à la Plaine.
  • [31]
    AN, DIII-54, pièce 112, PV de la séance du 21 novembre 1792.
  • [32]
    Ibid.
  • [33]
    C’est Cambacérès qui, au nom du Comité de législation, présente le projet de décret en ces termes : « Citoyens, votre comité de législation obéit à vos ordres. Il vient de présenter un projet de décret relatif à la rébellion qui se manifeste dans différents départements de la République. Ce projet contient des mesures sévères ; il en coûte à votre comité de vous les présenter ; il sera pénible pour vous de les adopter, pour vous qui voulez donner des lois douces et bienfaisantes à un peuple d’amis et de frères. Je me borne à vous faire observer que les circonstances sont pressantes et vous n’oublierez pas que les circonstances commandent presque toujours les décisions. Au surplus, ce projet a été fait à la hâte et arrêté en quelques heures ; mais en le rédigeant, votre comité a su distinguer les ennemis de la République, de ces hommes plus égarés que coupables, auxquels il faut tendre une main salutaire, et en vous proposant contre les premiers des dispositions rigoureuses, il ménage aux seconds des ressources dont ils feront fort bien de profiter », A.P., Séance du 19 mars 1793, t. LX, p. 331.
  • [34]
    AN, DIII-54, p. 112.
  • [35]
    Ibid., p. 109.
  • [36]
    Ibid.
  • [37]
    Ibid., p. 110.
  • [38]
    Faut-il y voir un écho de la question de la place de la famille d’Orléans dans l’espace public et avec le débat sur l’exil de la famille royale, pendant ce mois de décembre 1792 ? C’est au 16 décembre que les Girondins proposent l’exclusion de la famille d’Orléans du royaume. Si l’on ne peut précisément trancher ce point à la lumière des archives du comité, il y a tout de même une proximité dans les dates qui mérite d’être évoquée. Voir Hervé Leuwers, Camille et Lucile Desmoulins, Paris, Fayard, 2018, p. 251.
  • [39]
    AN, DIII-54, Séance du 20 décembre 1792.
  • [40]
    AN, DIII-54, p. 142. Terme souligné dans le texte.
  • [41]
    AN, DIII-54, Séance du 20 décembre 1792.
  • [42]
    Ibid.
  • [43]
    Rapport d’Osselin, A.P., Séance du 28 février 1793, t. LIX, p. 343.
  • [44]
    Saladin, Rapport et projet de décret, sur le mode de juger les exceptions particulières, non prévues par la loi contre les émigrés : présentés à la Convention nationale au nom des quatre Comités réunis de législation, des finances, diplomatique, et de la guerre, Paris, Imprimerie nationale.
  • [45]
    « Charles-Nicolas Osselin », dans Adolphe Robert et Gaston Cougny, Dictionnaire des parlementaires français, Paris, Edgar Bourloton, 1889-1891.
  • [46]
    Décret du 9 octobre 1792 qui fixe le mode d’exécution du décret qui prononce la peine de mort contre les émigrés pris les armes à la main, Duvergier, op. cit., t. 5, p. 16. Ne voulant pas que le rôle des commissions militaires chargées de prononcer la peine de mort soit réduit à celui d’artifice déguisant mal l’exécution sommaire d’un accusé placé devant un jury qu’il vient de combattre, Saladin rappelle que, si l’émigré est jugé hâtivement dans les formes prescrites « c’est parce que le droit de guerre ne lui donne d’autres juges que ceux qu’il a combattus, c’est parce que la mort ne peut être donnée sans aucune forme à un prisonnier désarmé ».
  • [47]
    Sans établir nécessairement un lien de causalité entre cette proximité et le texte défendu ; sans pouvoir l’exclure pour autant.
  • [48]
    Décret du 28 mars 1793 contre les émigrés, Duvergier, op. cit., t. 5, p. 217-218.
  • [49]
    Ibid.
  • [50]
    Encore est-il spécifié l’exclusion systématique de « ceux qui n’ont cultivé les sciences & les arts que comme amateurs ».
  • [51]
    AN, DIII-380.
  • [52]
    Voir par exemple Éric de Mari, La mise hors de la loi..., op. cit., p. 235.
  • [53]
    Ibid., p. 215.
  • [54]
    Saladin, op. cit., p. 6.
  • [55]
    Ibid., p. 4
  • [56]
    Ibid., p. 6
  • [57]
    Samuel Marlot, Les lois révolutionnaires..., op. cit., p. 156.
  • [58]
    Ibid.
  • [59]
    Saladin, op. cit., p. 5.
  • [60]
    Ce qui pose en creux la question de l’intentionnalité des juristes en Révolution ; question qui pourrait faire l’objet d’une recherche sans aucun doute passionnante.
  • [61]
    Absent, il est remplacé par Cambacérès le 18 mars.
  • [62]
    Les articles sont ainsi débattus un par un pendant dix séances, les 28/02 ; 1/03 ; 4/03 ; 5/03 ; 6/03 ; 15/03 ; 18/03 ; 22/03 ; 23/03 ; 25/03 et le 28 mars enfin.
  • [63]
    A.P., Séance du 28 février 1793, t. LIX, p. 343.
  • [64]
    A.P., Séance du 1er mars 1793, t. LIX, p. 518.
  • [65]
    A.P., Séance du 25 mars 1793, t. LX, p. 495.
  • [66]
    Jacques Godechot, Les institutions de la France sous la Révolution et l’Empire, Paris, PUF, 4e éd. 1989 (1ère éd. 1951), p. 476.
  • [67]
    Déjà dans les semaines précédentes, une inflexion en faveur des vues défendues par Osselin s’était produite à la Convention. Cette volonté de s’attacher à une définition englobante et malléable est particulièrement perceptible dans le décret du 25 novembre 1792 sur la vente des biens des émigrés qui parle ainsi de « mettre sous la main de la nation, les titres et les biens, tant meubles qu’immeubles, appartenant aux citoyens absents. […] Les scellés seront également apposés sur les effets des personnes qui, étant suspectes d’émigration, ne justifieraient pas à l’instant des certificats de résidence ».
  • [68]
    A.P., Séance du 5 mars 1793, t. LIX, p. 628.
  • [69]
    Saladin, op. cit., p. 5.
  • [70]
    Décret du 28 mars 1793 contre les émigrés, sect. 3, art. 6 et 7, Duvergier, op. cit., t. 5, p. 217-218.
  • [71]
    Voir Germain Sicard, « De la Réforme libérale à l’absolutisme révolutionnaire : le citoyen et la nation (1789-1794) », dans L’individu face au pouvoir, Recueil de la société Jean Bodin pour l’histoire comparative des institutions, Bruxelles, L. Dessain et Tolra, 1988, p. 685-736.
  • [72]
    Barère souligne plus tard, dans ses mémoires, que « c’est le vice inhérent aux mauvaises lois et surtout aux lois pénales dénuées de motifs et atteignant un grand nombre d’individus non coupables, de frapper de nullité leurs propres dispositions ». Bertrand Barère, Mémoires, 1842, Bruxelles, Meline, Cans et Compagnie, t. 2, p. 179.
  • [73]
    Décret du 1er août 1793 portant que les étrangers non domiciliés en France, avant le 14 juillet 1789, seront mis en état d’arrestation, Duvergier, t. 6, p. 67.
  • [74]
    Albert Mathiez constate en parlant de l’application de cette mesure dans les départements : « s’il y eut des départements, comme le Pas-de-Calais, où tous les sujets ennemis furent collectivement arrêtés et mis en prison. Dans beaucoup cependant, le décret ne fut que partiellement exécuté. » (Albert Mathiez La Révolution et les étrangers. Cosmopolitisme et défense nationale, Renaissance du livre, 1918, p. 145).
  • [75]
    Voir sur ce cas précis : Jean-Luc Chappey, « Du malheur d’être né de race noble… Les pétitions des nobles face au décret du 27 germinal an II », dans Philippe Bourdin (dir.), Les noblesses françaises dans l’Europe de la Révolution, Rennes, PUR, 2010, p. 53-68.
  • [76]
    Décret du 27 germinal an II (16 avril 1794) concernant la répression des conspirateurs, l’éloignement des nobles et la police générale de la république, art. 6, Duvergier, t. 7, p. 142-143.
  • [77]
    A.P., Séance du 29 germinal an II, t. LXXXIX, p. 28.
  • [78]
    Barère, dans ses mémoires, date de l’échec de cette disposition le début des tensions au sein du Comité de salut public.
  • [79]
    Le changement de législature de septembre 1792 semble être à cet égard un catalyseur qui amorce un changement dans la nature du Comité, un glissement vers des délibérations liées à la conjoncture politique.
  • [80]
    … pour un temps. C’est ce même procédé juridique qui est utilisé dans la loi du 12 janvier 1816 pour bannir 171 conventionnels régicides.
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