Notes
-
[1]
L’auteur tient à remercier Alexandre Dumas, étudiant à l’université du Québec, à Trois-Rivières, pour les travaux préliminaires de recherche qu’il a accomplis.
-
[2]
Hydro-Québec, rapport annuel pour l’année 1991, p. 6.
-
[3]
Dépliants tirés des archives d’Hydro-Québec.
-
[4]
Hydro-Québec, Plan Stratégique pour les années 2002-2006, p. 144-145.
- [5]
-
[6]
Hydro-Québec, rapport annuel pour l’année 1991, p.6.
-
[7]
Hydro-Québec, Plan stratégique pour les années 2004-2008, p. 193 et 197.
-
[8]
Ibid., et Hydro-Québec, rapport annuel pour l’année 1991, p. 6.
-
[9]
Hydro-Québec, rapports annuels des années concernées.
-
[10]
Hydro-Québec, rapport annuel pour l’année 1992, p. 23.
-
[11]
Hydro-Québec, rapport annuel pour l’année 1994, p. 11 ; Hydro-Québec, Plan stratégique pour les années 2004-2008, p. 197.
-
[12]
Hydro-Québec, rapport annuel pour l’année 1994, p. 15-16 ; Lisa Binsse, « Hydro découvre les vertus de l’économie… d’énergie », dans La Presse, 14 mai 1993 ; Idem, « Consommer de l’électricité « verte » pour réduire ses factures d’Hydro », dans La Presse du 21 décembre 1993.
-
[13]
Louis-Gilles Francœur, « Hydro-Québec : 11 % des objectifs atteints », dans Le Devoir, 3 décembre 1993.
-
[14]
Jacques Benoît, « Il faut freiner la consommation d’énergie », dans La Presse, 14 mai 1993.
-
[15]
Hydro-Québec, rapport annuel pour l’année 1991, p. 24.
-
[16]
AEE, rapports annuels, 1997-2010.
-
[17]
Hydro-Québec, Rapport sur le développement durable, 2002, p. 10-11.
-
[18]
Hydro-Québec, rapport annuel pour l’année 2010, p. 22.
-
[19]
Hydro-Québec, Rapport sur le développement durable, 2004, p. 19-20 ; Ibid., 2005, p. 9 et 26.
- [20]
-
[21]
Hydro-Québec, rapport annuel pour l’année 2007, p. 24.
-
[22]
Hydro-Québec, Rapport sur le développement durable, 2004, p. 19-20.
-
[23]
Hydro-Québec, rapport annuel pour l’année 2009, p. 6.
-
[24]
Hydro-Québec, rapport annuel pour l’année 2011, p. 22.
-
[25]
Voir, par exemple, Louis-Gilles Francœur, « Les compteurs intelligents seraient un risque “sérieux” pour la santé de la population. Une sommité internationale contredit les affirmations d’Hydro-Québec », dans Le Devoir, 7 mai 2012.
-
[26]
Hydro-Québec, rapport annuel pour l’année 2005, p. 23.
- [27]
-
[28]
Hydro-Québec, rapport annuel pour l’année 2010, p. 22.
-
[29]
Statistique tirée du ministère des Affaires municipales, Régions et Occupation du Territoire, www. mamrot.gouv.qc.ca/ministere/securite-des-piscines-residentielles/saviez-vous
-
[30]
http://www.hydroquebec.com/residentiel/tarif-residentiel.html ; voir également http://www.regie-energie.qc.ca/audiences/3740-10/Demande3740-10/B-1_HQD-12Doc6_3740_02aout10.pdf et http://www.regie-energie.qc.ca/audiences/decisions/D-2011-028.pdf , p. 135-6, pour les conclusions de ce projet et la réception qu’en fait la Régie de l’énergie du gouvernement du Québec.
- [31]
-
[32]
www.hydroquebec.com/residentiel/energystar/etiquette.html
-
[33]
Voir à ce sujet : http://oee.rncan.gc.ca/residentiel/6920
-
[34]
Sur le système CATVAR, voir http://www.hydroquebec.com/innovation/fr/pdf/2010G080-28F-CATVAR.pdf
-
[35]
Équiterre, La transition énergétique du Québec. Pour une politique de l’avenir, 2005, 111 p., un document PDF pouvant être consulté sur le site suivant : http://www.assnat.qc.ca/Media/Process.aspx?MediaId=ANQ. Vigie.Bll.DocumentGenerique_4325&process=Default&token=ZyMoxNwUn8ikQ+TRKYwPCjWrKwg+vIv9rjij 7p3xLGTZDmLVSmJLoqe/vG7/YWzz
-
[36]
Tendances de l’industrie du commerce de détail, gouvernement du Québec, 2007, p. 22, 28 et 31.
1 Depuis qu’elles existent, les entreprises d’électricité surveillent de près les pratiques de leurs abonnés. La raison en est bien simple : il faut à tout prix que la pointe de consommation soit la plus proche possible de la consommation moyenne. Bien des entreprises, d’ailleurs, incitent leur clientèle à utiliser moins d’électricité à certaines heures en instaurant une tarification appropriée. Or, depuis quelques décennies, elles vont beaucoup plus loin : elles cherchent à limiter la consommation d’énergie, en particulier celle de leur clientèle domestique. Dans les années 1970-1980, on le faisait pour aider les abonnés à contourner l’inflation. À partir des années 1990, les arguments deviennent environnementaux : il n’est plus possible de construire indéfiniment des centrales, surtout si elles polluent ou si elles constituent un danger pour la société. C’est alors qu’émerge la notion d’efficacité énergétique : on encourage l’achat d’appareils moins énergivores, on prodigue des conseils sur la façon de consommer l’énergie.
2 Hydro-Québec ne fait pas exception, d’autant plus que ses abonnés figurent parmi les plus importants consommateurs d’électricité au monde. Jusque dans les années 1990, la société d’État a publié diverses brochures destinées à montrer comment économiser l’énergie. Après 1990, elle fait de l’efficacité énergétique une politique à part entière. Jusqu’au milieu de la décennie, elle lance des programmes d’efficacité énergétique. Puis, de 1995 à 2003, elle met en sourdine cette politique pour la relancer ensuite. Depuis 2003, elle poursuit, bon an mal an, ses efforts dans ce sens.
3 Cela en a-t-il valu la peine ? Certains dirigeants d’Hydro-Québec y ont cru, d’autres moins. En outre, interviennent des organismes écologiques qui se montrent sévères à son endroit. Quel bilan dresser ? En concentrant notre attention sur la consommation domestique d’électricité, nous allons examiner les deux périodes pendant lesquelles Hydro-Québec a appliqué sa politique d’efficacité énergétique, puis nous chercherons à évaluer les résultats de cette politique.
Les années 1990
4 Avant même d’en faire une politique officielle, Hydro-Québec a lancé à diverses reprises de brèves campagnes visant à encourager l’efficacité énergétique [2]. Pour nous en tenir à la période récente, la société d’État publie, en 1982 et 1983, une série de dépliants dont le thème commun consiste à « faire échec au gaspillage ». Ces documents font écho à ceux que le ministère québécois de l’Énergie et des Ressources a diffusés sous le titre Où va notre énergie ? Hydro-Québec explique que la hausse des tarifs n’est pas le seul facteur engendrant des factures d’électricité plus élevées. Les habitudes de consommation y sont également pour quelque chose. Ses brochures multiplient les conseils et offrent aux abonnés une fiche sur laquelle ils pourront noter leur consommation bimestrielle afin de constater les progrès accomplis [3]. D’une manière générale, le discours des années 1980 demeure très proche de la comptabilité familiale : comment économiser, comment déjouer l’inflation. En raison de l’importance de l’hiver au Québec, le chauffage représente un élément majeur dans la consommation énergétique des foyers. Hydro-Québec en fera l’un de ses thèmes favoris dans l’accroissement de l’efficacité et ce, jusqu’à nos jours. Déjà, dans les années 1980, la société d’État incite ses abonnés à délaisser le chauffage au mazout au profit de celui à l’électricité ; en outre, elle s’allie à des entreprises privées pour promouvoir certains types de chauffe-eau ou encore pour lancer des programmes de biénergie [4]. La biénergie étant un système de chauffage qui utilise deux formes d’énergie : l’électricité, en tant que source principale ; et un combustible, comme le mazout, en tant que source d’appoint. Cette campagne a porté ses fruits. En 1990, le mazout accaparait 21,8 % de la consommation énergétique des résidences québécoises, contre 56,1 % pour l’électricité. En 2009, le mazout ne prenait plus que 7 % tandis que l’électricité comptait pour 68,5 % [5].
5 Cependant, il faut attendre la décennie suivante pour qu’Hydro-Québec conçoive un premier programme global d’efficacité énergétique. Celui-ci répond à la stratégie énergétique adoptée par le gouvernement du Québec en 1992. Un service Efficacité énergétique voit alors le jour et, tout en poursuivant la promotion de la biénergie, il lance une quinzaine de projets en faveur de l’efficacité énergétique aussi bien dans les résidences que dans les établissements commerciaux et industriels.
6 Au départ, les objectifs d’Hydro-Québec sont ambitieux. Dans son rapport annuel pour l’année 1990, la société d’État propose un projet devant « réduire la demande d’électricité régulière annuelle du Québec de 12,9 TWh d’ici à 1999 ». Le programme consiste à la fois en de la publicité et du développement technologique. On prévoit d’y investir 1,8 milliards $C entre 1990 et 1999. Ce programme encourage la réduction et une meilleure gestion de la consommation ; il doit permettre, espère-t-on, une économie annuelle de 9,3 TWh à compter de l’an 2000 [6]. En réalité, Hydro-Québec y a investi environ 500 millions $C, ce qui a permis une économie de 2,45 TWh, dont 536 GWh dans le résidentiel. On estime également à 400 MW la diminution de la demande de pointe annuelle [7].
7 Plus concrètement, ce programme est réparti en quatre volets :
- Écokilo, un volet qui dure de 1991 à 1993 : Hydro-Québec offre d’analyser la consommation énergétique des abonnés qui en font la demande pour ensuite leur proposer des mesures d’économies sans réduire leur confort. On espère en obtenir une économie de 4,9 TWh sur dix ans [8]. Dès 1991, plus de 100000 questionnaires sont distribués et 42 % des personnes interrogées ont répondu. L’année suivante, plus d’un million de questionnaires ont été remplis [9]. On profite de ce volet pour inciter les clients à adopter la biénergie [10].
- Le volet « Les Éconos », qui voit le jour en 1991 pour être remplacé deux ans plus tard par « Écono-confort », propose aux abonnés une série d’appareils économisant l’énergie. Cela va du chauffe-eau aux lampes fluorescentes compactes, sans oublier les pommes de douche, les luminaires au sodium, la mousse isolante, les thermostats électroniques, les minuteries, etc. Ils sont vendus dans les chaînes commerciales : Hydro-Québec dresse une liste de ces produits et offre un soutien technique et financier pour leur installation. En tout, 42 chaînes ont participé à l’opération en 1991, et 80 l’année suivante. Ce volet durera jusqu’en 2001. Dans son sillage, Hydro-Québec a adhéré, en 1994, au consortium canadien Éconergique (Power Smart, en anglais), qui fait la promotion de plus de 1800 produits économes en énergie [11].
- Par la même occasion, Hydro-Québec se lance dans une campagne de sensibilisation au moyen de la distribution gratuite d’un bulletin d’information paraissant quatre fois par an (Hydro 91, Hydro 92, etc.). Par la suite, ce bulletin prend la forme d’un dépliant intitulé Hydro Contact et la société d’État l’ajoute à la facture qu’il envoie aux abonnés. En septembre-octobre 2012, elle a distribué le 90e numéro. Hydro-Québec installe également une ligne téléphonique (1-800-ENERGIE) afin de répondre aux questions des abonnés. En 1992, 95000 appels ont été reçus dans le cadre de ce programme.
- Enfin, en 1992-1994, Hydro-Québec lance un projet pilote intitulé « Les tarifs rouges et vert », qui offre une tarification variant selon les heures de la journée et les saisons, dans le but d’atténuer la demande pendant les heures de pointe. Un projet pilote a été mené pendant une année auprès de 450 abonnés dans les Laurentides [12].
9 Fait à noter, ces programmes n’ont pas l’appui de mouvements écologistes comme le groupe Au Courant, qui estime que la société d’État serait plus efficace dans sa politique si elle augmentait ses tarifs [13]. Il n’empêche qu’Hydro-Québec se montre très intéressée par la recherche environnementale, au sujet de laquelle elle organise des colloques. Un de ces colloques conclut qu’il est très difficile de diminuer la consommation énergétique et que la voie la plus réaliste consiste à poursuivre les efforts dans le secteur de l’efficacité énergétique [14]. À cet effet, Hydro-Québec poursuit ses recherches sur de nouveaux produits visant à économiser l’énergie. C’est ainsi qu’en 1991, elle met au point une chaudière utilisant la biénergie [15].
10 Ces programmes misant sur l’efficacité énergétique plutôt que sur la tarification ont connu un intérêt certain auprès des abonnés d’Hydro-Québec. Après 1995, Hydro-Québec a maintenu des programmes tels que la promotion de la biénergie, la ligne téléphonique et le bulletin d’information Hydro Contact. Force est toutefois d’admettre qu’il y a eu un net ralentissement dans les efforts pour augmenter l’efficacité énergétique. Trois événements ont convergé pour ralentir le programme. D’abord, l’arrivée d’un nouveau président à la tête d’Hydro-Québec, André Caillé, qui entend profiter pleinement de la déréglementation qui se répand partout en Amérique du Nord. Il restructure Hydro-Québec en trois unités autonomes, la production, le transport (Transénergie) et la distribution, selon les nouvelles normes américaines. Dans ces transformations structurelles, les politiques d’efficacité énergétique n’ont plus la priorité.
11 Ensuite, le gouvernement du Québec décide d’intervenir directement, à son tour, dans la lutte pour l’efficacité énergétique avec la création, en 1997, de l’Agence de l’efficacité énergétique (AEE). Cette agence réunit, dans son conseil d’administration, les représentants de divers mouvements écologiques (dont Équiterre) et ceux de grandes entreprises québécoises intervenant dans l’énergie, comme Gaz métropolitain, Ultramar, diverses sociétés forestières et électrométallurgiques et, bien entendu, Hydro-Québec. Le changement climatique et la réduction des gaz à effet de serre figurent en tête de liste de ses préoccupations. L’AEE, qui est l’équivalent québécois de l’Ademe, conseille le gouvernement et les grands intervenants dans le secteur énergétique, tout en ramassant le maximum d’informations et de données sur ce secteur [16]. On peut se demander si Hydro-Québec n’a pas confié une partie de sa politique d’efficacité énergétique à cette agence. Il faudrait vérifier cette hypothèse dans une recherche plus poussée.
12 Enfin, ajoutons la croissance simultanée d’internet, du téléphone portable, de l’ordinateur laptop et du téléviseur à écran plat. Tous ont pour résultat de hausser la demande d’électricité. Nous reviendrons sur ce point en troisième partie.
Les années 2000
13 Il faut attendre 2001 pour qu’Hydro-Québec reprenne intérêt dans l’efficacité énergétique. En collaboration avec l’AEE, elle fait alors un examen de ses politiques et, l’année suivante, elle soumet à la Régie de l’énergie un Plan global en efficacité énergétique (PGEE), qui propose 16 programmes, un investissement de 234 millions de dollars canadiens sur trois années (dont 109 millions assurés par Hydro-Québec) [17].
14 Ce plan se mue, en 2003, en un projet autrement plus ambitieux et qui a cours encore de nos jours. Le PGEE, en effet, étire graduellement son existence jusqu’en 2015 et vise des économies d’énergie considérables. Il est assuré par l’une des trois grandes branches de la société d’État, Hydro-Québec Distribution. En gros, le but est de réduire la consommation d’énergie des abonnés. L’objectif à atteindre grossit au fil des années, comme le montre le tableau 1. Au départ, en 2003, on prévoyait des économies d’énergie atteignant 750 GWh à la fin de 2006, dans les secteurs résidentiel autant que commercial et industriel. Puis on a porté la date d’échéance à 2010, avec une économie d’abord fixée à 4,1, puis à 4,7 et, enfin, à 5,8 TWh. Pour terminer, à la fin de 2008, on reconduit encore l’échéance, à 2015 cette fois, avec une économie prévue de 11 TWh. La crise de 2008 ralentit certes l’effort, mais pas de manière significative. L’objectif prévu pour 2010, de 5,8 TWh, se sera matérialisé à hauteur de 5,3 TWh, soit 91,4 % [18]. Les tentatives pour accroître l’efficacité énergétique ont été plus soutenues pendant cette décennie que pendant la précédente. Il faudrait cependant s’assurer que la méthodologie utilisée pour mesurer les économies d’énergie reste la même pendant les deux périodes, ce qu’il n’a malheureusement pas été possible de faire dans le cadre du présent article.
Économies d’électricité projetées et réalisées (2003-2011)
Année d’exercice | Quantité projetée d’économies d’énergie à la fin du programme (TWh) | Année de fin du programme | Économies réalisées pendant l’année (GWh) | Cumul des économies réalisées (TWh) |
2003 | 0,75 | 2006 | ||
2004 | 3 | 2010 | 268 | |
2005 | 4,1 | 2010 | 456 | |
2006 | 4,7 | 2010 | 643 | |
2007 | 4,7 | 2010 | 866 | 2,3 |
2008 | 5,8 | 2010 | 1100 | 3,4 |
2009 | 11 | 2015 | 946 | 4,3 |
2010 | 11 | 2015 | 989 | 5,3 |
2011 | 11 | 2015 | 995 | 6,2 |
Économies d’électricité projetées et réalisées (2003-2011)
15 En 2004, Hydro-Québec entend investir 1 milliard de dollars canadiens dans la promotion de l’efficacité énergétique. Dans la réalisation de son programme, la société d’État s’est assuré la collaboration de diverses agences : AEE, l’Office de l’efficacité énergétique (branche du ministère des Ressources naturelles du Canada), la Corporation des maîtres électriciens du Québec, l’Association provinciale des constructeurs d’habitations du Québec et des fabricants et commerçants de produits électriques. Hydro-Québec lance également une chaire d’efficacité énergétique à l’université de Sherbrooke, tout en se liant à l’Union des municipalités du Québec et à la Fédération québécoise des municipalités pour inciter leurs membres à créer des règlements favorisant l’efficacité énergétique [19].
16 Le programme mis en place à compter de 2003 est composé de six volets.
17 1 – « Mieux consommer » : ce volet est lancé en 2004. Il fait la promotion d’appareils qui consomment moins d’énergie que leurs homologues. Hydro-Québec, dans ses dépliants aux abonnés, leur prodigue des conseils pour économiser l’énergie et pour acheter certains appareils électroménagers. La société se lance dans d’importantes campagnes publicitaires à la télévision (avec des personnages dont la tête est une prise de courant – voir la figure 1), crée un site internet consacré à l’efficacité énergétique [20] et conçoit le matériel promotionnel de certains produits pour les entreprises commerciales vendant de l’électroménager, ainsi qu’une « valise pédagogique 00 WATT » destinée à l’enseignement dans les écoles primaires [21]. Par ailleurs, sous la rubrique « Diagnostic », la société reprend sa pratique de distribuer des questionnaires auprès de sa clientèle [22]. Grâce à eux, il devient possible de dresser le profil énergétique du consommateur et de lui proposer divers moyens pour économiser l’énergie. Entre 2004 et 2009, plus d’un million de questionnaires ont été remplis [23].
18 Hydro-Québec ne se contente cependant pas de l’éducation à la consommation. Elle propose également l’installation de compteurs ou de minuteries. C’est dans le cadre de ce programme qu’elle encourage l’installation de thermostats électroniques (93088 en 2004), de minuteries pour filtres de piscine (25412 en 2004). En 2010, elle inaugure un programme spécial pour introduire les thermostats électroniques dans les immeubles locatifs. À la fin de l’année suivante, 462500 de ces appareils ont déjà été installés [24]. En 2011, la société d’État lance un nouveau projet en vue d’installer 3,8 millions de compteurs à distance (ou compteurs intelligents) pour 2017. Le projet est toutefois très controversé : on craint les effets des ondes émises par ces compteurs sur la santé des gens et l’on met en doute leur fiabilité dans la transmission des données [25].
19 2 – Système d’information clientèle (SIC) : ce projet a été mis en place entre 2005 et 2008. Il consiste à moderniser et à centraliser la collecte et le traitement de l’information sur la clientèle [26]. Du coup, Hydro-Québec sera en mesure de venir en aide aux clients à faible revenu dans leurs choix énergétiques. C’est ainsi que naît Econologis, un programme conçu en collaboration avec le ministère des Ressources naturelles (Québec), l’AEE et Equiterre et destiné à donner des conseils et des services gratuits aux ménages peu fortunés [27]. Ajoutons que ce programme permet à Hydro-Québec de mieux cibler les collectivités locales pouvant réduire substantiellement leur consommation et de chercher l’appui des municipalités pour inciter la population à diminuer ses besoins énergétiques.
20 3 – Piste et Idée : à partir de 2006, deux programmes voient le jour : Projets d’initiative structurante en technologies efficaces (Piste) et Initiatives de démonstration technologique et d’expérimentation (Idée). Dans le sillage de Piste, deux projets ont été mis au point. L’un, Recyc-Frigo, dont la mission consiste à récupérer et à recycler tous les réfrigérateurs et congélateurs énergivores. De mars 2008 à la fin de 2010, plus de 290000 appareils ont été récupérés, ce qui a permis une économie de 207 GWh [28]. L’autre repose sur la promotion de produits nouveaux, comme des chauffe-piscines solaires (en 2012, on estime à 300000 le nombre de piscines privées au Québec, le projet n’est pas sans pertinence…) [29]. Du côté d’Idée, on expérimente de nouvelles techniques d’éclairage, de chauffage, de ventilation et de climatisation. On fait notamment des expériences de laboratoire sur un nouveau type de chauffe-eau. On encourage également l’autoproduction d’électricité (petites éoliennes, énergie solaire, géothermie, biomasse forestière).
21 4 – « Heure juste » : en 2008, on reprend l’ancien projet de tarification différenciée suivant l’heure et la saison (les tarifs rouge et vert) des années 1990 et l’on teste le programme sur 2228 clients entre le 1er décembre 2008 et le 31 mars 2010. On a appliqué un tarif différencié, baptisé DA (RESO+), de 0,18 $/ kWh pendant les heures de pointe de façon à réduire la consommation. Il en est résulté une diminution moyenne de 6 % par client pendant les heures de pointe. Portée sur 100000 abonnés, l’expérience pourrait entraîner une diminution de 20 MW en période de pointe, ce qui n’est guère impressionnant, sans compter qu’à la longue les efforts de réduction tendent à diminuer. Néanmoins, Hydro-Québec envisage d’appliquer le tarif différencié une fois les compteurs à distance installés [30].
22 5 – Appui à des programmes gouvernementaux, comme Novoclimat (AEE), un programme destiné à sensibiliser les constructeurs de maisons aux économies d’énergie [31] ; Énerguide (AEE et OEEC), une étiquette appliquée sur chaque appareil électroménager neuf mis en vente et donnant des renseignements sur sa consommation d’électricité ainsi que sur sa performance par rapport à d’autres appareils de même type [32] ; et Energy Star (en particulier le projet lié aux portes et fenêtres : des portes et des fenêtres plus hermétiques pourraient diminuer la perte de chaleur des résidences et, du coup, économiser l’énergie), qu’Hydro-Québec ajoute au programme Énerguide : il relève, comme on le sait, du programme international Energy Star, dont la gestion au Canada a été confiée à Ressources naturelles du Canada, un ministère du gouvernement fédéral [33].
23 6 – Catvar, ou contrôle asservi de la tension et de la puissance réactive en distribution : ce projet a pour objectif d’assurer une meilleure gestion de la tension et la compensation des pertes entraînées par la puissance réactive sur les lignes de distribution [34].
24 À nouveau, la politique de la société d’État fait l’objet de nombreuses critiques de la part des mouvements écologistes. Équiterre, en particulier, estime que le PGEE ne va pas assez loin. Elle préconise un programme plus agressif pour accroître les négawatts (plutôt que de construire de nouvelles centrales). Elle estime qu’Hydro-Québec évolue bien en deçà de ce que font la Grande-Bretagne, le Vermont et le Manitoba dans ce domaine [35].
Résultats
25 Est-il possible de mesurer les résultats de ces politiques d’efficacité énergétique ? Hydro-Québec a déjà avancé des statistiques à cet effet, que l’on retrouvera dans le tableau 2.
Économies d’énergie faites par Hydro-Québec entre 1990 et 2006
Divisions ou programmes concernés | TWh |
I. Gains à l’interne | 8 |
a- Production | 4,6 |
b- Trans-énergie | 3,1 |
c- Distribution | 0,3 |
II. Économies tendancielles (1) | 12,5 |
a- Grandes entreprises | 4,9 |
b- Autres consommateurs | 6,1 |
c- Interventions du LTE (2) | 1,6 |
III. Efficacité énergétique | 3 |
a- Programme 1990-1998 | 2,2 |
b- PGEE | 0,75 |
Économies d’énergie faites par Hydro-Québec entre 1990 et 2006
1- « Choix de comportements des consommateurs et des technologies plus efficaces »2- « Utilisation de l’énergie »
26 Ce tableau montre que les programmes d’efficacité d’énergie, avec 3 TWh, ne sont responsables que de 13 % des économies globales, ce qui semble donner raison à ceux qui reprochent à Hydro-Québec de ne pas faire suffisamment d’efforts. Rappelons toutefois qu’Hydro-Québec est également intervenu auprès des consommateurs (partie II). En outre, bien des programmes, en 2006, n’ont pas encore été mis en place ou viennent tout juste de l’être.
ventes domestiques et agricoles par abonné
ventes domestiques et agricoles par abonné
27 Plus intéressante nous semble la figure 2, qui présente les ventes annuelles domestiques et agricoles par abonné au Québec entre 1990 et 2011. Elle est très évocatrice. Elle montre bien le poids des deux campagnes d’efficacité énergétique dans le moyen terme. Les abonnés ont consommé en moyenne 16388 kWh par an, ce qui les situe parmi les tout premiers consommateurs d’électricité au monde. Bien entendu, il faut tenir compte de l’hiver canadien et du choix fait par beaucoup du chauffage par l’électricité (qui compte pour plus de la moitié de la consommation), lequel, compte tenu du fait qu’il tire son origine de l’hydroélectricité, constitue à la fois un choix écologique et une économie d’énergie (par rapport à la thermoélectricité). Néanmoins, la consommation des Québécois demeure élevée. Étant donné qu’Hydro-Québec en vient à proposer l’emploi de minuteries pour le chauffage des piscines familiales, il est certain que les Québécois peuvent faire des économies supplémentaires…
28 Cela dit, la figure 2 montre bien les résultats produits par les deux phases de la politique d’efficacité énergétique mises en avant par Hydro-Québec. De 1990 à 1998, la consommation moyenne a décliné de 16592 kWh à 15050 kWh ; puis, de 1998 à 2003, elle remonte rapidement à 17237 kWh. Enfin, le programme qui débute entre 2003 et 2004 stabilise la consommation entre 16500 kWh et 17200 kWh. Au total, la consommation résidentielle moyenne a légèrement augmenté pendant toute la période. Étant donné que le nombre d’abonnés est passé de 2,86 à 3,74 millions de 1990 à 2011 (indice 130,89 en 2011 par rapport à 1990) et que les ventes domestiques et agricoles ont crû de 47 TWh à 62,7 TWh pendant la même période (indice 133,53), on peut, de bon droit, afficher sa déception envers les efforts fournis par la société d’État.
29 Se contenter de ces statistiques serait toutefois brosser un tableau bien incomplet. À partir du milieu des années 1990, en effet, un élément important vient stimuler la consommation résidentielle : la révolution électronique amenée par internet, les ordinateurs et les téléphones portables, les téléviseurs plats, les MP3, etc. Les ventes des magasins d’appareils électroniques et électroménagers au Québec ont connu une croissance de l’ordre de 13,5 % en l’an 2000, tandis que celle des magasins d’ordinateurs et de logiciels a été de 31,2 % (43 % en 1999). Ces pourcentages vont certes chuter par la suite [36]. Mais ils montrent bien l’ampleur de l’engouement pour les nouveaux produits électroniques et informatiques. Et cela contribue à expliquer la brusque remontée de la consommation par abonné pendant ces mêmes années (figure 2). Dans cette perspective, l’effort fourni les années suivantes par Hydro-Québec mérite d’être souligné. La société d’État aura freiné une hausse de la consommation qui aurait pu être autrement plus considérable. Il reste quand même bien de la place pour de l’amélioration…
30 L’efficacité énergétique reste-t-elle une politique condamnée à des résultats dérisoires ? N’aurait-il pas mieux valu écouter les organisations écologistes et augmenter les tarifs en même temps que travailler à améliorer l’efficacité énergétique ? Pour répondre efficacement à cette question, il faudrait se livrer à une comparaison à l’échelle continentale, en particulier avec des régions ayant un profil de consommation énergétique comparable à celle du Québec. Une telle comparaison exige, en plus de beaucoup de temps, des précautions méthodologiques nombreuses.
31 Pour le moment, il est quand même permis de s’interroger sur la capacité de la hausse des tarifs électriques à freiner la consommation résidentielle. Les conclusions du programme « l’heure juste » ne sont guère optimistes sur ce point. Sans doute faut-il tenir compte de la présence de consommations difficiles à diminuer, comme le chauffage, des avancées considérables de l’électronique et de l’informatique partout en Occident ces dernières années. Dans des régions comme New York ou la Californie, où les tarifs d’électricité sont autrement plus élevés qu’au Québec, la consommation liée aux produits nouveaux n’est certes pas moins faible. Tout semble indiquer que l’efficacité énergétique, malgré ses faiblesses, demeure une politique incontournable. Hydro-Québec n’a guère le choix que de poursuivre dans cette voie.
Notes
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[1]
L’auteur tient à remercier Alexandre Dumas, étudiant à l’université du Québec, à Trois-Rivières, pour les travaux préliminaires de recherche qu’il a accomplis.
-
[2]
Hydro-Québec, rapport annuel pour l’année 1991, p. 6.
-
[3]
Dépliants tirés des archives d’Hydro-Québec.
-
[4]
Hydro-Québec, Plan Stratégique pour les années 2002-2006, p. 144-145.
- [5]
-
[6]
Hydro-Québec, rapport annuel pour l’année 1991, p.6.
-
[7]
Hydro-Québec, Plan stratégique pour les années 2004-2008, p. 193 et 197.
-
[8]
Ibid., et Hydro-Québec, rapport annuel pour l’année 1991, p. 6.
-
[9]
Hydro-Québec, rapports annuels des années concernées.
-
[10]
Hydro-Québec, rapport annuel pour l’année 1992, p. 23.
-
[11]
Hydro-Québec, rapport annuel pour l’année 1994, p. 11 ; Hydro-Québec, Plan stratégique pour les années 2004-2008, p. 197.
-
[12]
Hydro-Québec, rapport annuel pour l’année 1994, p. 15-16 ; Lisa Binsse, « Hydro découvre les vertus de l’économie… d’énergie », dans La Presse, 14 mai 1993 ; Idem, « Consommer de l’électricité « verte » pour réduire ses factures d’Hydro », dans La Presse du 21 décembre 1993.
-
[13]
Louis-Gilles Francœur, « Hydro-Québec : 11 % des objectifs atteints », dans Le Devoir, 3 décembre 1993.
-
[14]
Jacques Benoît, « Il faut freiner la consommation d’énergie », dans La Presse, 14 mai 1993.
-
[15]
Hydro-Québec, rapport annuel pour l’année 1991, p. 24.
-
[16]
AEE, rapports annuels, 1997-2010.
-
[17]
Hydro-Québec, Rapport sur le développement durable, 2002, p. 10-11.
-
[18]
Hydro-Québec, rapport annuel pour l’année 2010, p. 22.
-
[19]
Hydro-Québec, Rapport sur le développement durable, 2004, p. 19-20 ; Ibid., 2005, p. 9 et 26.
- [20]
-
[21]
Hydro-Québec, rapport annuel pour l’année 2007, p. 24.
-
[22]
Hydro-Québec, Rapport sur le développement durable, 2004, p. 19-20.
-
[23]
Hydro-Québec, rapport annuel pour l’année 2009, p. 6.
-
[24]
Hydro-Québec, rapport annuel pour l’année 2011, p. 22.
-
[25]
Voir, par exemple, Louis-Gilles Francœur, « Les compteurs intelligents seraient un risque “sérieux” pour la santé de la population. Une sommité internationale contredit les affirmations d’Hydro-Québec », dans Le Devoir, 7 mai 2012.
-
[26]
Hydro-Québec, rapport annuel pour l’année 2005, p. 23.
- [27]
-
[28]
Hydro-Québec, rapport annuel pour l’année 2010, p. 22.
-
[29]
Statistique tirée du ministère des Affaires municipales, Régions et Occupation du Territoire, www. mamrot.gouv.qc.ca/ministere/securite-des-piscines-residentielles/saviez-vous
-
[30]
http://www.hydroquebec.com/residentiel/tarif-residentiel.html ; voir également http://www.regie-energie.qc.ca/audiences/3740-10/Demande3740-10/B-1_HQD-12Doc6_3740_02aout10.pdf et http://www.regie-energie.qc.ca/audiences/decisions/D-2011-028.pdf , p. 135-6, pour les conclusions de ce projet et la réception qu’en fait la Régie de l’énergie du gouvernement du Québec.
- [31]
-
[32]
www.hydroquebec.com/residentiel/energystar/etiquette.html
-
[33]
Voir à ce sujet : http://oee.rncan.gc.ca/residentiel/6920
-
[34]
Sur le système CATVAR, voir http://www.hydroquebec.com/innovation/fr/pdf/2010G080-28F-CATVAR.pdf
-
[35]
Équiterre, La transition énergétique du Québec. Pour une politique de l’avenir, 2005, 111 p., un document PDF pouvant être consulté sur le site suivant : http://www.assnat.qc.ca/Media/Process.aspx?MediaId=ANQ. Vigie.Bll.DocumentGenerique_4325&process=Default&token=ZyMoxNwUn8ikQ+TRKYwPCjWrKwg+vIv9rjij 7p3xLGTZDmLVSmJLoqe/vG7/YWzz
-
[36]
Tendances de l’industrie du commerce de détail, gouvernement du Québec, 2007, p. 22, 28 et 31.