Notes
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[1]
Conformément à la tradition juridique argentine, cette affaire a pris le nom d’une des personnes impliquées dans ce recours collectif.
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[2]
La rivière Matanza est aussi appelée Riachuelo, le bassin versant est dénommé Matanza-Riachuelo.
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[3]
Cet article présente une partie des résultats d’une recherche internationale rendue possible grâce au projet ECOS SUD 2017-2019 Environnement, participation et action publique urbaine : approches comparatives Argentine-France coordonné par Patrice Melé et Gabriela Merlinsky. Dans ce cadre, Andrés Scharager a réalisé une thèse de doctorat en cotutelle entre l’Université de Tours et l’Université de Buenos Aires soutenue en mars 2019.
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[4]
Les villas de ermergencia ou villas miserias sont des quartiers populaires marqués par l’autoconstruction, la précarité sociale, du logement, de la tenure de la terre et de la connexion aux services urbains. À Buenos Aires, les villas sont caractérisées par une étroite association entre la vulnérabilité sociale et l’exposition au risque environnemental (Herzer et Gurevich, 1996).
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[5]
Le Defensor del Pueblo de la Nación est un Ombudsman national indépendant créé en 1994 disposant d’amples capacités d’action. Des défenseurs des droits dotés de statuts différents existent en Argentine aux différents niveaux de pouvoirs.
-
[6]
Centro de Estudios Legales y Sociales.
-
[7]
Fundación ambiente y recursos naturales.
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[8]
Pour des raisons administratives, cette plainte sera enregistrée sous le nom de « Beatriz Mendoza et autres », une employée du secteur de la santé d’Avellaneda travaillant à Villa inflammable qui par la suite se défendra d’avoir été à l’initiative de la démarche et ne souhaite pas être considérée comme leader de cette cause.
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[9]
Intégrée dans les travaux de restructuration du port de la fin du xixe et du début du xxe l’ouverture du canal du Dock Sud permettra la création d’un espace logistique et industriel puis d’un pôle pétrochimique (cf. carte 2).
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[10]
Deux entreprises publiques : Agua y Saneamientos Argentinos S.A (Aysa), Eau et assainissement argentins et Coordinación Ecológica Área Metropolitana Sociedad del Estado, Coordination écologique aire métropolitaine, société d’État (Ceamse).
-
[11]
cf. Loi 26 168 du 4 décembre 2006 portant création de ACUMAR.
-
[12]
L’Association des résidents de la Boca, le Centre d’études légales et sociales (CELS), la Fondation environnement et ressources naturelles (FARN), Greenpeace Argentine, et en 2017, l’Association citoyenne pour les droits humains.
-
[13]
Le juge Luis Armella du tribunal fédéral de première instance de Quilmes fut le premier juge chargé de cette tâche.
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[14]
Cf. Note du Centro de información judicial du 31 mai 2009 : Caso Riachuelo ratifican acumulación de causas.
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[15]
Terme juridique signifiant l’obligation pour un tribunal de se déclarer incompétent si une affaire est déjà en cours de traitement par un autre tribunal sur le même sujet.
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[16]
Cf. résolution ACUMAR du 21/10/2013 Plus généralement, notons d’ailleurs qu’il existe un débat sur ce que doivent être les limites des bassins versants en contexte urbain, si un bassin est un espace délimité par une ligne de partage des eaux, en contexte urbain l’espace délimité par les écoulements vers les effluents présents dans le bassin peut varier en fonction du régime des pluies et de l’artificialisation des écoulements (Respaud-Médous, 1999 ; Buchs, 2016 :3).
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[17]
Résolution du 3 septembre 2009, chapitre II.
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[18]
Résolution du 28/03/2011.
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[19]
Résolution du 28/03/2011.
-
[20]
La Ville autonome de Buenos Aires (CABA) est divisée en 15 communes, celles-ci sont dotées de compétences de gestion administrative déconcentrée, certains dispositifs de participation sont organisés au niveau des communes.
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[21]
En 2009, un prêt de 840 millions de dollars a été octroyé par la Banque Mondiale, il doit permettre pour l’amélioration du système de drainage des eaux usées, la construction d’un collecteur souterrain le long du Riachuelo sur une partie du cours, d’autres travaux de gestion hydraulique et la construction de stations d’épuration mis en œuvre par AysA.
-
[22]
Au sens « d’une formalisation juridique accrue des relations sociales, une extension du droit comme modèle et référence pratique pour les actions » (Pélisse, 2009 :79).
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[23]
Nos conclusions sont en cela cohérentes avec celle d’Arnaud Buchs (2016 : 14) qui insiste sur la dimension cognitive des compromis institutionnels territorialisés liés à la mise en place d’instances de gestion des bassins-versant, qu’il exprime dans le langage de l’économie des conventions par la notion de « norme référence (convention constitutive) ».
1. Introduction
1À partir de l’analyse d’un cas emblématique en Amérique Latine, cet article souhaite contribuer à l’étude des dimensions spatiales et territoriales du droit et aux débats sur les effets de la judiciarisation de l’action publique environnementale. Le droit de l’environnement est un domaine dans lequel la production juridique a été rapide dans tous les contextes depuis les années 1970. De nombreuses lois ont renforcé le contrôle des impacts des activités économiques et des projets, permis la multiplication de différentes formes d’espaces protégés et attribué des droits aux populations. Or, il s’agit aussi d’un domaine marqué par la distance entre les modalités de régulation des usages et des espaces présents dans les textes et la capacité réelle des pouvoirs publics à peser sur les pratiques et les dynamiques spatiales. De plus, les situations de conflits et les recours contentieux de la part des résidents et d’associations se multiplient avec des effets divers suivant les situations.
2Buenos Aires constitue un contexte particulièrement intéressant pour réfléchir sur ces processus, non seulement à cause du caractère récent de l’action publique environnementale face à l’ampleur des problèmes urbains et environnementaux, mais aussi compte tenu de l’intensité des controverses sur la place de l’environnement dans la défense des droits des populations et du rôle particulier de l’activisme judiciaire (Azuela, 2015).
3Par son ampleur, son retentissement local et international, l’affaire Beatriz Mendoza [1] étudiée ici constitue d’une certaine façon une situation limite. Elle a pu être considérée comme la décision juridique la plus importante dans le domaine de l’environnement en Argentine, comme une forme de justice verte ou d’environnementalisation de la justice (Pino Miklavec, 2016). Suite à une plainte portée par un groupe de résidents appuyés par des associations de défense des droits et de l’environnement, la Cour suprême de la nation argentine a reconnu en 2008 l’existence d’un droit collectif à l’environnement à l’échelle du bassin versant Matanza-Riachuelo [2]. Les pouvoirs publics fédéraux et locaux furent condamnés à « restaurer » les dommages à l’environnement à l’échelle du bassin.
4Au-delà de l’évaluation des actions réalisées dans le bassin Matanza-Riachuelo, nous souhaitons ici confronter l’analyse des effets de la judiciarisation avec différentes hypothèses d’interprétation sur les dimensions spatiales et territoriales du droit [3]. Cet article est organisé en cinq parties, après avoir rappelé (1) nos positions sur la construction d’une géographie du droit, nous étudierons d’abord (2) les modalités de l’activation territorialisée du droit de l’environnement ; nous analyserons ensuite (3) le nouveau régime institutionnel mis en place à l’échelle du bassin-versant qui repose, d’une part, sur l’attribution aux juges de nouvelles fonctions et, d’autre part, sur la judiciarisation des relations entre acteurs ; puis nous approfondirons (4) les formes de territorialisation de l’action publique environnementale, enfin nous confronterons ce cas à (5) la notion d’échelle en identifiant les tensions entre unité et diversité du bassin, et entre territorialisation et déterritorialisation des demandes de justice environnementale.
2. Géographie du droit : objets et positions
2.1. Territorialisation et qualifications juridiques de l’espace
5Parmi les différents objets d’intérêt possible pour la géographie du droit (Forest 2009, Holder et Harrison, 2003), nous proposons ici l’analyse d’un cas à partir d’une problématique centrée sur l’étude des transactions autour des modalités de territorialisation du droit de l’environnement. Pour les juristes, le vocable territorialisation peut avoir le sens d’adaptation du droit à certains territoires. C’est le cas dans le domaine environnemental où l’on assisterait à une spécialisation du droit par type de territoire avec la mise en place de règles s’appliquant à l’intérieur de zones délimitées. Espaces protégés, zonages, périmètres d’intervention constituent des dispositifs de qualification juridique de l’espace. Par une double opération de délimitation et de qualification, certains espaces sont dotés d’un régime juridique particulier (Janin, 1996). Ces deux aspects sont strictement associés dans la production d’effets juridiques. Il s’agit de la construction territoriale d’un statut juridique particulier basé sur des prescriptions délimitant des ayants droit, réglementant des pratiques ou les usages du droit de propriété au nom de l’intérêt public, de la protection de biens collectifs ou communs.
6Les qualifications juridiques de l’espace peuvent être considérées comme une modalité spécifique de la spatialisation du droit qui délimite un territoire d’application, mais elles révèlent aussi une façon de penser l’action des pouvoirs publics. Celles-ci définissent un devoir être de l’espace issu de l’appareil conceptuel des catégories du domaine d’action qui les fondent (urbanisme, protection du patrimoine ou de l’environnement, lutte contre les risques, aménagement du territoire). La dimension juridique des zonages possède une force spécifique qui tient à la légitimité et à l’efficacité que l’on prête à la règle de droit et aux acteurs qui tentent de la mettre en œuvre en situation (Melé, 2008).
2.2. Du droit en action à l’actualisation locale du droit
7Nous souhaitons contribuer à la construction d’une géographie du droit qui se donne comme objectif, d’une part, d’analyser des actes de pouvoir qui tracent des limites, qui bornent l’espace et ses pratiques, et, d’autre part, d’étudier des situations qui constituent des processus locaux de régulation. En cohérence avec une sociologie du droit d’inspiration wébérienne, nous privilégierons une approche du droit comme activité sociale (Lascoumes, Serverin, 1988), analysée à partir de situations d’action publique, au sens ici de controverses et de débats sur les objectifs de l’action publique (Melé, 2006).
8Il nous semble en effet nécessaire de ne pas considérer le droit seulement comme un corpus de lois fondant une police administrative de l’espace (urbaine, patrimoniale ou environnementale) et pouvant faire l’objet de violations ou de conflits d’interprétation soumis aux tribunaux. À l’opposé de cette conception fermée du droit, nous souhaitons intégrer dans l’analyse l’ensemble des éléments considérés par les acteurs comme ayant un effet normatif et réglementaire. Ainsi, les fonctions du droit en situation dépassent l’assurance d’un recours possible au contentieux. Celui-ci offre limites et contraintes aux accords, ainsi que des ressources pour la mise en œuvre de stratégies, il permet aussi de délimiter des rôles et l’équilibre des forces, et configure les interprétations du monde et de la situation. Il faut considérer ici le droit non seulement comme un impératif mais aussi à partir de sa dimension cognitive.
9De plus, les activités de mobilisation du droit doivent être analysées dans une perspective interactive, au sens où le droit ne constitue pas seulement une ressource stratégique, un « réservoir de modèles et d’instruments d’action, disponible pour chaque sujet pris isolément » (Lascoumes, Serverin 1988 : 175), mais offre – dans le cadre d’un jeu interactif – des éléments de définition d’une situation. Pour pouvoir suivre l’injonction de la legal geography et observer l’ordre juridique au travail dans le monde (Holder et Harrison, 2003 : 5), nous proposons de mettre l’accent, en suivant Pierre Lascoumes, sur « les conduites en situation, sur les actions et significations que les sujets donnent à la norme, sur le droit en activité » (Lascoumes, 1995 : 165). Nous nous attacherons ainsi à identifier les processus d’actualisation locale du droit dans la situation analysée. Le vocable d’actualisation est mobilisé pour caractériser la façon dont des règles de droit peuvent être activées, importées dans une situation lorsque certains acteurs les font exister en les mobilisant symboliquement ou pratiquement.
10Fondée sur l’activation d’une catégorie de gestion de l’environnement (le bassin versant), dans le cadre de la judiciarisation d’un conflit pour la reconnaissance d’un droit collectif à un environnement sain, la situation étudiée dans cet article permet de mettre à l’épreuve les positions et le cadre d’analyse de la géographie du droit en action (Melé, 2009) dans un contexte spécifique : celui d’une tentative du pouvoir judiciaire de prendre en charge le devenir d’un sous-ensemble urbain regroupant plus de 8 millions d’habitants et concentrant les problèmes environnementaux les plus graves de l’agglomération de Buenos Aires.
3. L’activation territorialisée du droit de l’environnement
3.1. De l’identification d’un problème Riachuelo
11La question de la pollution du Riachuelo n’est pas une question nouvelle révélée par une décision de la Cour suprême suite à un recours juridique de résidents. Le cas analysé ici constitue une forme d’inscription en droit d’une des questions environnementales les plus présentes à Buenos Aires. En fait, la rivière Matanza-Riachuelo possède une image ambivalente : d’une part, symbole de la Buenos Aires traditionnelle et destination touristique et de loisir dans le quartier de la Boca, d’autre part, espace portuaire et industriel pollué et problème sanitaire pour les habitants des quartiers proches. Malgré cela, la pollution des eaux et des terrains adjacents n’a, pendant longtemps, pas représenté une préoccupation inscrite sur l’agenda des institutions publiques (Merlinsky, 2014).
12Le bassin Matanza-Riachuelo n’est pas un cas unique : les bassins Reconquista et Luján – situées au nord de la zone métropolitaine – sont aussi fortement pollués par des activités industrielles, des déchets et eaux usées. À l’échelle nationale, d’autres grands bassins font l’objet de conflits et de controverses liés aux activités minières ou à l’expansion de l’agro-industrie, par exemple le Salí-Dulce et le Bermejo au nord et l’Atuel dans les provinces de Mendoza et La Pampa. Il est possible aussi d’identifier des cas similaires dans d’autres contextes latino-américains, notamment à Quito (Ecuador), Concepción (Chile), Bogotá (Colombia) et Cuiabá (Brasil) (Wantzen et al., 2019).
13Les rives du Riachuelo ont été historiquement le lieu d’installation d’activités artisanales et industrielles très polluantes et un espace considéré comme apte à recevoir tous les types de déchets. Au début des années 2000, avant le début de l’intervention, des dépôts de déchets industriels, des décharges sauvages étaient disséminés à proximité des rives de la rivière. La réflexion doit aussi prendre en compte la configuration spécifique d’un espace placé sous l’influence des modifications du cours de cette rivière de plaine et du très faible dénivelé. Des opérations de remblaiement – anciennes ou récentes – altèrent le cours naturel et augmentent les risques d’inondation.
14Cette situation révèle la division socio-spatiale d’une ville marquée par de grandes inégalités sociales et environnementales (Herzer et Gurevich, 1996). Le sud de la métropole de Buenos Aires est devenu un espace de réception d’activités polluantes et un lieu de résidence pour les classes populaires : dans des lotissements pour des familles à revenus modestes, des ensembles de logements sociaux, mais aussi des villas [4], plus ou moins consolidées, et des constructions précaires isolées le long de la rivière ou sur des friches industrielles.
15La question du logement est à Buenos Aires un problème ancien, depuis que l’industrialisation des années 1930 a produit des vagues migratoires de la campagne vers les centres urbains (Oszlak, 1991). Les villas de ermergencia ou villas miserias sont des quartiers populaires marqués par l’autoconstruction, la précarité sociale, du logement, de la tenure de la terre et de la connexion aux services urbains. À Buenos Aires, les villas sont caractérisées par une étroite association entre vulnérabilité sociale et exposition au risque environnemental (Herzer et Gurevich, 1996 ; Cravino, 2017).
3.2. Concevoir le bassin versant comme échelle d’action publique
16En Argentine, la notion de bassin versant est présente dans les analyses des spécialistes de la gestion de l’eau depuis les années 1950. Si les premières instances de bassin ont été mises en place dans les années 1980, celles-ci n’avaient que peu de poids. Jusqu’aux années 1990, la relation entre les rivières et l’urbanisation est conçue essentiellement comme une mise au service des besoins de la ville comme exutoire, par recouvrement des écoulements ou aménagement des lits (Rodjer, 2018). La généralisation d’une politique de l’eau accordant une large place à des instances de bassin versant fut rendue possible grâce à un accord entre l’État et les provinces de 2003. Or, si ces instances, faiblement dotées de moyens, restèrent essentiellement des tentatives de coordination entre acteurs publics, elles participèrent néanmoins à la diffusion de l’idée que les questions environnementales doivent être réglées à l’échelle d’une unité exprimant une rationalité hydrologique qui transcende les limites administratives.
17Le premier programme d’intervention sur le bassin du Riachuelo date de 1995 et de l’attribution d’un crédit de 250 millions de dollars par la Banque interaméricaine de développement. À cette époque la ministre des ressources naturelles et de l’environnement s’engagea sur un délai de 1 000 jours pour mettre en œuvre l’assainissement du bassin. Néanmoins, six ans plus tard, seulement 1 % des crédits avaient été engagés et en 2002, au cœur d’une grave crise financière, la BID autorisa le report de ce crédit vers des programmes sociaux. L’organisme mis en place à l’époque, le Comité pour l’exécution du plan d’assainissement du bassin Matanza-Riachuelo (CEMR), a été considéré comme une instance de production de rapports sans capacité d’intervention directe ni de coordination entre les différents niveaux de pouvoir (Merlinsky, 2013 ; Defensoría del Pueblo, 2003).
18L’affaire Beatriz Mendoza est donc contemporaine de l’institutionnalisation d’une intervention à l’échelle des bassins versants ; elle en constitue de fait la mise en œuvre la plus ambitieuse.
3.3. La voie judiciaire pour actualiser une gestion intégrale du bassin
19Dans ce contexte particulier, l’association des résidents de la Boca, en 2002, puis, en 2003, des résidents de Villa inflammable se tournèrent vers le Défenseur du peuple [5] pour des demandes concernant les affectations à la santé liées à la qualité de l’eau ou à la proximité d’entreprises industrielles. Cette instance se saisit officiellement de la question de la pollution dans le bassin et joua un rôle important. Non seulement, les services du Défenseur du peuple contribuèrent à la diffusion de la nécessité d’une reformulation des demandes portant sur les pollutions et les risques comme des demandes de droits concernant l’échelle du bassin versant, mais ils participèrent également au cadrage d’un problème Riachuelo en mettant en place un travail en réseau avec des associations de protection de l’environnement et des droits (CELS [6], FARN [7], Fundación Ciudad, Poder Ciudadano) et des universitaires. Ces échanges donneront lieu à la publication d’un rapport spécial sur le Riachuelo dès 2003 (Defensoría del Pueblo et al, 2003).
20L’association des résidents de la Boca, dès lors alliée avec des habitants de Villa inflammable et des travailleurs de la santé du municipe d’Avellaneda [8], déposa en 2004 une plainte pour dommages environnementaux collectifs auprès de la Cour suprême de justice de la nation. Les habitants de Villa inflammable, située au contact direct des entreprises pétrochimiques du Dock Sud [9], étaient soumis à des pollutions de l’air, du sol et de l’eau. Il faut rappeler aussi le rôle joué par la coopération japonaise dans la prise de conscience de la situation environnementale autour du pôle pétrochimique, celle-ci finança deux études : une première (JICA I en 2002) analysa la qualité de l’air et un second rapport (JICA II en 2003) présenta les résultats d’une analyse épidémiologique qui identifia des niveaux très élevés de concentration de plomb dans le sang des enfants du quartier.
21La plainte déposée visait la demande d’une reconnaissance de responsabilité de l’État fédéral, de la province de Buenos Aires, de la ville de Buenos Aires et de 44 entreprises sur la pollution du Riachuelo et les « dommages et préjudices » subis par les résidents. Cette plainte, qui reprit directement une partie des éléments présents dans le rapport du Défenseur du peuple (2003), plaça au cœur de son argumentation la revendication d’une effectivité du droit à « un environnement sain, équilibré, apte au développement de l’homme » à l’échelle du bassin. Elle centra sa stratégie sur l’activation des possibilités de recours collectifs inscrites dans les articles 41 et 43 de la Constitution nationale depuis la réforme constitutionnelle de 1994. Ces articles de la Constitution avaient introduit la notion de nécessaire « restauration » des dommages à l’environnement, précisée par la loi générale de l’environnement de 2002, qui place la responsabilité du contrôle des pollueurs sur les pouvoirs publics. Pour les associations, l’affaire Beatriz Mendoza constitue donc un litige stratégique qui est le résultat d’une décennie de mobilisation (Di Paola, 2018).
4. Un nouveau régime institutionnel à l’échelle du bassin
4.1. La construction institutionnelle du bassin Mantaza Riachuelo
22En se déclarant compétente pour traiter de la partie collective de la plainte Beatriz Mendoza, dans une résolution du 20 juin 2006, la Cour suprême décida d’ouvrir une « cause structurelle » procédure qui dépasse les intérêts des plaignants originaux pour traiter d’objectifs collectifs sur un temps long. La Cour inaugura un nouveau moment institutionnel, selon deux acceptions du terme. D’une part, il s’agit de l’institutionnalisation d’une mobilisation sociale et politique, la Cour, en acceptant de reconnaître sa compétence sur un domaine d’intervention porté jusqu’alors par la mobilisation d’un collectif d’acteurs (riverains et associations alliés au Défenseur du peuple) convenait de la légitimité des demandes de reconnaissance d’un droit collectif à l’environnement. D’autre part, il s’agit de l’institution d’une nouvelle forme d’action publique, dans la mesure où la Cour suprême exigea de la part des différents pouvoirs publics la mise en place de mesures de restauration environnementale et leur formulation dans un Plan intégral d’assainissement environnemental du bassin Matanza-Riachuelo accompagnée d’engagement sur des délais d’exécution. Entre 2006 et 2008, date de la résolution finale de la Cour suprême, un travail d’échange avait permis à la Cour suprême de définir les éléments à prendre en compte dans ce Plan intégral.
23À partir de 2008, le degré de réalisation de ce Plan, l’impossibilité de tenir les objectifs malgré le contrôle des juges dans un contexte fortement médiatisé, devint le symbole de la difficulté de la construction d’une gouvernabilité environnementale métropolitaine. Pourtant l’État fédéral avait répondu à la demande de la Cour par la création d’une nouvelle instance : l’Autorité du bassin Matanza-Riachuelo (ACUMAR). Son aire d’intervention concerne l’ensemble du bassin, c’est-à-dire sur une partie de la ville de Buenos Aires et sur 14 municipalités de la province de Buenos Aires. Les fonctions de cette instance sont larges, elle concentre à la fois le contrôle et de développement des activités industrielles et la prestation des services publics ; de plus elle dispose d’une compétence territoriale générale. ACUMAR est aussi chargée d’organiser la coordination des interventions des différents niveaux de pouvoir et celles des entreprises publiques spécialisées dans la gestion de l’eau et des déchets [10] qui interviennent à l’échelle métropolitaine [11].
24Ce processus peut être analysé comme la construction d’un nouveau régime institutionnel à l’échelle du bassin. Il ne s’agit pas ici d’une modification des droits de propriété ou d’usage de la ressource en eau, ou de leur régulation par les politiques publiques selon le cadre des régimes institutionnels de ressource (Varone, Nahrath, Gerber, 2007), mais plus généralement d’une façon nouvelle de concevoir les relations entre régulation des usages, compétences des pouvoirs locaux, politiques publiques et problèmes environnementaux à l’échelle du bassin.
Le régime institutionnel du bassin Matanza Riachuelo
The instutional regime of the Matanza Riachuelo Basin.
Le régime institutionnel du bassin Matanza Riachuelo
The instutional regime of the Matanza Riachuelo Basin.
25En définitive, la Cour suprême réalisa une double opération, d’un côté, elle capta le conflit autour du Riachuelo et l’intégra aux procédures judiciaires, d’un autre, elle se plaça dans un rôle d’organisation et de structuration du territoire en cherchant à construire un ordre juridique à l’échelle d’un sous-ensemble spatial, le bassin, qui n’existait pratiquement pas au niveau institutionnel.
26De plus, la Cour suprême attribua au Défenseur du peuple et aux associations un rôle de représentant de l’intérêt public et des habitants de la zone. Une instance collégiale (le Cuerpo colegiado) fut créée, celle-ci, qui réunit cinq associations [12] sous la coordination du Defenseur du peuple doit assurer l’évaluation et le contrôle des actions des pouvoirs publics. Cette instance peut émettre des avis et s’adresser aux juges pour exiger la mise en place de sanctions. Malgré des difficultés de fonctionnement, dues en partie au fait que le poste de Défenseur des droits est vacant depuis 2009, le Cuerpo colegiado produit des évaluations très sévères des résultats des interventions sur le bassin.
4.2. De nouvelles fonctions pour les juges : mettre en œuvre et évaluer les actions publiques
27La sentence finale traitant de la restauration et de la prévention des dommages environnementaux a été promulguée par la Cour suprême le 8 juillet 2008. À partir de cette date, la Cour a établi la responsabilité des différents pouvoirs publics dans l’assainissement et la restauration environnementale du bassin et a déterminé des objectifs à atteindre en exigeant leur réalisation rapide.
28La Cour suprême ne s’est pas contentée de prescrire l’institution d’un nouveau régime institutionnel. Les intervenants ont été appelés à rendre des comptes, au quotidien par l’intermédiaire d’un juge d’exécution nommé pour suivre les différentes procédures [13]. De plus, cette place particulière des juges qui s’auto-instituent en autorité de contrôle de l’effectivité de la mise en œuvre des actions d’assainissement et de restauration environnementale du bassin est mise en scène dans des « audiences publiques » amplement publicisées. Il ne s’agit pas ici de processus de participation mais de la comparution, en public, des parties condamnées devant les représentants de la Cour suprême. En Amérique Latine, les audiences publiques sont devenues des pratiques juridiques innovantes en particulier dans les pays où l’on identifie un activisme des acteurs judiciaires (Argentine, Brésil, Colombie) (Benedetti et Sáenz, 2019). Il s’agit d’outils procéduraux qui modifient le rapport entre le pouvoir judiciaire et l’exercice du gouvernement, tant au niveau politique que symbolique (Abramovich, 2013 ; Gargarella, 2014). En Argentine, l’affaire Beatriz Mendoza a montré comment les audiences publiques peuvent réussir à mettre en scène des demandes de droits en signalant les responsables politiques aux médias et la société. De cette manière, elles contribuent à porter certains cas sur la scène publique et à renforcer leur construction comme problème public. Dans le même temps, les audiences publiques fonctionnent comme des espaces de construction de légitimité pour l’expansion du champ d’action du secteur juridique : c’est ainsi que, dans le cas du Riachuelo, il est devenu socialement acceptable que la Cour Suprême ordonne au gouvernement la mise en œuvre de politiques d’assainissement avec un niveau de détail inhabituel.
29À l’échelle du bassin se sont donc mises en place des modalités spécifiques de réalisation et d’évaluation des politiques publiques. L’action publique environnementale est soumise à la présentation de bilans d’action et à l’injonction de produire des critères permettant de mesurer l’avancement des actions. Le pouvoir judiciaire a ainsi décidé de sortir de son rôle de « spectateur » des effets de sa sentence (Pino Miklavec, 2016 : 13), il choisit d’assumer directement la responsabilité d’une politique publique environnementale à partir de nouvelles procédures lui permettant non seulement d’intervenir pour reconnaître et définir les dommages et responsabilités, mais aussi pour déterminer les mesures concrètes à mettre en place et contrôler leur réalisation.
4.3. Judiciarisation des relations entre acteurs
30Le nouveau régime institutionnel se caractérise par une volonté d’imposer une collaboration entre différents secteurs des administrations locales et nationales. D’une part, il rend nécessaire la coopération entre l’État fédéral et les autres niveaux de pouvoir, sous l’impulsion d’ACUMAR. Dans ce contexte, il s’agit d’une importante innovation, dans la mesure où les relations entre collectivités à l’échelle de la métropole de Buenos Aires ont toujours été très difficiles (Merlinsky, 2017). D’autre part, en imposant une intervention sur le territoire, en intégrant les différents domaines de l’intervention publique au sein de plans et de programmes, ce régime impulse une modification radicale de l’action publique jusqu’alors pensée sectoriellement. Il s’agit de traiter ensemble et selon une stratégie « intégrée » des questions sanitaires et épidémiologiques, du contrôle des industries, du nettoyage des berges, de l’amélioration des logements et des services publics. Cette nouvelle façon de penser l’action publique se réfère à une nécessaire cohérence territoriale des interventions.
31Or, ce régime institutionnel portant un référentiel d’action territorialisée n’annule pas les autres formes d’action et de rationalités présentes à l’échelle du bassin. Les discontinuités dans la mise en œuvre de l’action publique entre la ville de Buenos Aires et la province restent présentes, chaque espace institutionnel conformant aussi une scène politique sur laquelle se jouent alliance et rapports de force entre groupes politiques.
32Dans l’optique de la Cour suprême une rapide avancée des mesures d’amélioration de la situation environnementale du bassin suite aux injonctions du tribunal constitue une façon de compenser et de remédier à la situation de violation des droits des populations (Bergallo, 2005 : 3-5 ; Puga, 2008). Le premier juge d’exécution tenta de faire pression sur les pouvoirs publics en utilisant tous les moyens à sa disposition, en particulier la capacité d’émettre des « injonctions de faire », de fixer des délais, d’imposer des amendes pour cause de retard. Il a donc été doté de la faculté d’édicter des normes secondaires d’application (Lascoumes, 1990) qui présentent ici une forte valeur juridique, celles-ci sont directement reliées à la décision de la Cour suprême selon une procédure spécifique et en grande partie exorbitante.
33Disposant d’un pouvoir important, en représentation de l’arrêt de la Cour suprême, il est en mesure de convoquer et d’exiger des explications des fonctionnaires mais aussi des élus et de l’État fédéral. Tentant d’utiliser tous les moyens à sa disposition pour accélérer la mise en œuvre du plan, sa réputation était telle qu’il fut surnommé par des fonctionnaires le « shérif du bassin ». Il resta en place de 2008 à 2012 mais fut écarté après cette date – dans un contexte de très forte tension avec l’État fédéral – à cause de la révélation d’irrégularités liées au non-respect des règles des marchés publics au bénéfice d’entreprises liées à sa famille. Les juges d’exécution qui interviendront ensuite sont perçus comme plus conciliants, privilégiant la concertation sur la stricte judiciarisation des relations entre acteurs, la gouvernabilité sur l’accélération des interventions publiques.
34Une gestion spécifique du bassin a donc été instaurée, au sein de laquelle les obligations des acteurs publics et les relations entre acteurs sont très fortement judiciarisées. Ce processus est assez éloigné de la gestion de bassin telle qu’elle est diffusée par les organismes internationaux en référence à un modèle français, marqué par la subsidiarité et une gouvernance ouverte, et intégré dans une opposition au centralisme (Ghiotti, 2005). À Buenos Aires, la construction du bassin comme territoire opérationnel de gestion prend la forme d’une modalité spécifique de recentralisation sous la tutelle directe de la Cour suprême.
5. Formes de territorialisation de l’action publique environnementale
5.1. Territoire d’action et qualification juridique de l’espace
35Le processus analysé ici peut être considéré comme une forme spécifique de qualification juridique de l’espace qui crée, à l’échelle d’un large bassin, un nouveau territoire d’action (Melé, 2008) marqué par un régime institutionnel particulier qui n’existe dans aucun autre sous-ensemble spatial en Argentine. La désignation d’un unique juge d’exécution avait pour objectif d’éviter les interprétations potentiellement divergentes de tribunaux différents. Les juges de la Cour suprême refusent de perdre le contrôle des effets de leur résolution sur les acteurs du territoire, ils tentent de rendre impossible l’intervention d’autres niveaux de judiciarisation en concentrant tous les éléments liés à la sentence sur un seul juge. La Cour fédérale d’exécution, un tribunal fédéral de première instance localisé à Quilmes, est de plus dotée d’un statut de supraterritorialité lui permettant d’attirer tous les recours juridiques liés à l’affaire [14]. En outre, la Cour suprême établit qu’elle serait la seule à pouvoir évaluer les décisions prises par le juge d’exécution, annulant ainsi la possibilité de mobiliser d’autres tribunaux. Selon Melinda Maldonado (2016 : 216) cette position modifia les règles de compétences et procédures en vigueur pour instaurer un système sui generis construit sur l’argument de la tutelle d’un bien d’incidence collective.
36Signalons un autre effet strictement juridique, la capacité de l’affaire Mendoza et de la Cour suprême à attirer tous les nouveaux contentieux, et à transformer toute nouvelle demande de reconnaissance d’un droit collectif à l’environnement à l’échelle du Bassin, en une demande concernant l’effectivité de la restauration en cours. Il s’agit donc de l’application d’une litispendance [15] territorialisée qui se traduit par l’intégration de toute nouvelle demande au processus judiciaire en cours, et, de fait, par l’impossibilité d’ouvrir un nouveau front juridique portant sur des activités placées à l’intérieur du bassin (Pino Miklavec, 2016 : 10).
37La Cour semble considérer dans un premier temps le bassin-versant plus comme une échelle d’intervention que comme un territoire marqué par des limites précises. Elle demandera néanmoins en 2012 de délimiter un périmètre officiel, jusqu’alors l’ensemble du territoire des municipalités touchées par le bassin était considéré par comme la limite d’intervention d’ACUMAR. De fait, il faut attendre 2013 pour que cette instance publie une carte précise des limites du bassin. À partir de la publication de ces cartes, une définition officielle du bassin est inscrite en droit. Il ne s’agit d’ailleurs pas d’une limite strictement hydrographique – issue de l’analyse des courbes de niveaux – mais en contexte urbain, d’un tracé calé sur les rues les plus proches et en contexte périurbain ou rural sur les routes ou limites de parcelles [16] (figure 2).
Les limites du bassin versant Matanza-Riachuelo
The limits of the Matanza Riachuelo Basin.
Les limites du bassin versant Matanza-Riachuelo
The limits of the Matanza Riachuelo Basin.
38Cette limite qui est nécessaire à l’existence même du bassin, et permet, en référence à l’interaction systémique entre l’ensemble des processus au sein de ce territoire de justifier une intervention sur un espace plus large que celui des berges de la rivière, a néanmoins peu d’effets directs. Les interventions sont soit concentrées sur un espace proche du Riachuelo, soit mises en œuvre par les municipalités et peuvent concerner l’ensemble de leur territoire. Or, les objectifs du Plan ne se limitaient pas à des questions liées directement aux écoulements et à leurs protections. Les interventions sur la gestion des déchets, sur les industries, sur le logement ou la qualité de vie des populations mises en place par les municipalités avec le soutien d’ACUMAR peuvent concerner l’ensemble du territoire municipal.
39Certes, il existait des cartes du bassin avant 2013, mais elles n’étaient pas dotées d’un statut juridique stable. Une limite officielle, qui permet de distinguer précisément l’espace soumis à leur intervention, a donc été considérée comme nécessaire, en particulier pour pouvoir stabiliser des critères quantitatifs de mesure des actions réalisées. La limite conventionnelle du bassin n’apparaissait pas suffisamment précise et la prise en compte de l’ensemble des municipalités concernées constituait un territoire trop ample soumis à la critique d’une dilution des interventions. On retrouve bien ici une des fonctions de l’espace pour le droit, celle de déterminer des univers d’ayants droit et, dans ce cas, de permettre le recensement des usages du sol à réguler.
5.2. Un espace symbole de l’intervention publique : réactiver le chemin de halage
40Le processus d’intervention introduisit à l’intérieur de l’espace du bassin de nouvelles règles d’usages du sol. Une qualification juridique de l’espace fut mobilisée pour déterminer l’emprise spatiale du « nettoyage des berges du fleuve » selon l’exigence exprimée par la Cour suprême. Le statut juridique des berges du Riachuelo fut modifié en réactivant une figure juridique ancienne, intitulée chemin de halage (camino de sirga) qui implique de laisser libre d’occupation la rive des cours d’eau navigables. Cette disposition juridique oubliée était présente dans le Code civil argentin. Le juge d’exécution demanda la « libération » des berges sur une largeur de 35 mètres le long de 39,3 km de chaque côté de la rivière, et la mise en place d’une voie des berges et d’un espace vert [17]. Ces objectifs impliquent concrètement de supprimer toutes formes de constructions et, en particulier, de déplacer des logements. Alors qu’en 2008, seulement 55 % du chemin de halage était libre d’obstacles, en 2018, suite aux interventions des différents pouvoirs locaux, c’est plus de 87 %. Mais, il faut bien sûr noter que le plus grand nombre de constructions se trouvaient dans la partie aval du bassin qui correspond à la zone la plus densément peuplée, c’est aussi dans cette zone que l’on trouve encore aujourd’hui la majorité de logements non relocalisés (figure 3).
Occupation du sol dans le bassin aval Matanza Riachuelo
Land use in the lower Matanza Riachuelo Basin.
Occupation du sol dans le bassin aval Matanza Riachuelo
Land use in the lower Matanza Riachuelo Basin.
41L’ouverture du camino de sirga devient un moyen pour imposer une action directement visible sur un sous-ensemble spatial plus restreint que l’ensemble du bassin. Dans des résolutions postérieures, ce qui était un dispositif juridique permettant la continuité du halage fut resignifié par le juge et doté d’un contenu environnemental, permettant la protection des eaux, de la biodiversité, de l’environnement, le bon fonctionnement des écosystèmes et, au total, la « préservation de la dignité humaine » [18]. Ce nouveau corridor vert modifie le paysage du Riachuelo, permet d’assurer une zone de protection pour la rivière, rend plus difficile le déversement de rejets ou de déchets et plus facile le contrôle policier. Au total, la présence de l’État est renforcée, le processus de « reconquête » est ainsi mis en visibilité. La réalisation d’une voie des berges devient à la fois le symbole et la condition d’une transformation durable du bassin, dont on attend aussi, à terme, de nouvelles opportunités pour l’implantation de projets immobiliers et d’activités de loisirs à proximité du Riachuelo.
42Or, comme nous l’avons noté plus haut, les berges du Riachuelo sont occupées par des édifices abandonnés, des bâtiments industriels, des décharges, mais aussi des logements informels au sein de villas ou d’établissements isolés. Paradoxalement, l’existence de populations soumises à un risque environnemental ou présentant des situations de vulnérabilité n’a pas été prise en compte par les juges au moment de déclarer « le nettoyage des berges » alors même que la question des nuisances et risques pour les populations proches du Riachuelo avait été au cœur de la plainte déposée.
43Perçue comme une forme d’expropriation, cette tentative de réorganisation des usages du sol a été, par la suite, placée au cœur de controverses et de conflits portés par les entrepreneurs et propriétaires des terrains mais aussi et surtout par les habitants de villas et des établissements précaires. Les résidents à proximité du Riachuelo qui avaient trouvé refuge sur cet espace marginal, sur des friches industrielles ou des terrains pollués, inondables, ou gagnés sur la rivière ou des zones humides, vivaient dans des conditions de précarité et de faible présence des politiques publiques. Ils sont rattrapés par l’affaire Beatriz Mendoza et se voient assimilés à des « obstacles à éliminer » [19], alors même que l’introduction des services d’eau, d’assainissement et l’urbanisation des villas, autres points de la sentence de 2008, avaient pris beaucoup de retard.
44Ce processus peut être analysé comme une forme d’actualisation locale du droit. Car le juge ne produit pas un nouveau zonage d’intervention, mais transforme une qualification juridique de l’espace existant, inscrite dans le Code civil mais tombée en désuétude, en un nouvel instrument d’action. Le camino de sirga passe ainsi de l’état virtuel à l’état réel en produisant un effet juridique sur les activités localisées sur cet espace. La mise en œuvre de cette disposition territoriale prend la forme d’une vigilance renforcée du juge d’exécution sur les « injonctions à faire » transmises à la ville de Buenos Aires et aux municipalités qui doivent libérer les marges de la rivière et reloger les populations.
45Dans ce cadre, l’insertion des habitants des berges passe par le conflit (Mançano Fernandes, 2005). En effet, la notification de la décision judiciaire de réactivation du camino de sirga provoqua chez les habitants concernés une mobilisation concernant les conditions de relogement. Les habitants des villas demandèrent des engagements sur la qualité et la localisation des logements proposés. Grâce à l’appui des défenseurs publics des droits, ils réussirent à obtenir certaines assurances sur les conditions de leur relocalisation, qui ont été inscrites dans une charte adoptée par la Ville de Buenos Aires. Un autre processus du même type a été impulsé par ACUMAR et la Province de Buenos Aires. Paradoxalement une partie des habitants se considèrent comme affectés, et non pas comme protégés, par la résolution de la Cour suprême (Merlinsky, 2013 : 165-168). Par ailleurs, signalons l’existence d’une controverse, soutenue par les défenseurs locaux des droits, sur la place des habitants affectés et de leurs représentants dans la procédure judiciaire. En effet, ils ne sont pas considérés comme parties prenantes de l’affaire Beatriz Mendoza et ne peuvent donc avoir accès à l’ensemble des pièces du dossier, ni participer aux audiences publiques convoquées par la Cour suprême.
46Le camino de sirga a délimité un nouveau sous-ensemble spatial sur lequel se concentra une part importante de l’attention des pouvoirs publics, mais aussi de la conflictualité liée aux conditions du relogement des habitants des villas de la ville de Buenos Aires. Notons aussi que s’exprime dans ces controverses une tension entre les revendications au droit au logement, considérées par les résidents et les défenseurs locaux des droits comme prioritaires, par rapport à celles concernant le droit à l’environnement et la protection des risques. Les arguments environnementaux sont perçus dans ce contexte comme un prétexte à l’éviction des populations ayant trouvé refuge sur des espaces disqualifiés.
47Au total, les recensements effectués ont identifié 2 389 familles à l’intérieur des limites du chemin de halage. Dans la mesure où celles-ci ont été officiellement considérées comme affectées par le « nettoyage des berges », les pouvoirs publics condamnés dans l’affaire Beatriz Mendoza ont l’obligation de les reloger. Or, ce processus est très lent, en 2018 pour la ville de Buenos Aires (qui regroupe approximativement 75 % de la population qui réside sur les berges) moins de 40 % ont été relocalisés. La villa 21-24 représente le quartier le plus touché, 1 334 familles ont été ici recensées et, en 2018, 1 160 attendaient encore leur relogement. Il faut néanmoins souligner que depuis le début de l’affaire, la population de la villa a augmenté. Dans le cadre des tensions et conflits avec les résidents, la détermination du nombre de personnes à reloger est devenue un sujet hautement sensible (Scharager, 2019).
6. Échelles, environnements et rapports au droit
6.1. Unité et diversité du sous-ensemble spatial dénommé bassin Matanza Riachuelo
48Ces considérations sur les nouvelles formes de territorialité du droit suite à la délimitation et l’institutionnalisation du bassin et à l’actualisation du chemin de halage n’épuisent pas la réflexion sur les relations entre droit et espace dans ce contexte. Il est aussi possible d’analyser les processus mis en place à partir de la notion d’échelle, non pas pour identifier l’emboîtement d’objets spatiaux distincts mais pour souligner que les formes d’intervention et d’engagement sur la question environnementale révèlent la coexistence de différentes échelles d’action et de conceptualisation des problèmes.
49La référence au bassin introduit une nouvelle échelle macro, différente de celle de la métropole ou de la province. L’échelle du bassin présentée comme le seul niveau d’intervention cohérent avec une approche environnementale « intégrale » est justifiée par les références plus ou moins implicites à un fonctionnement systémique et à une connexion entre tous les problèmes. Or, pour les résidents comme pour les acteurs publics, cette échelle macro n’annule pas la référence à d’autres niveaux spatiaux. Celle-ci se superpose au quartier et aux limites administratives des municipalités, des communes au sein de la ville de Buenos Aires [20] qui constituent les premières références spatiales pour les populations engagées dans des actions collectives.
50On observe une complexification des échelles mobilisées, qui sont aussi des territoires d’inscription du pouvoir de différents types d’acteurs. Ici comme ailleurs, la multiplication de références au bassin versant contribue à une naturalisation de l’espace « fruit d’une vision technico-administrative de la résolution des problèmes écologique » comme le note Arnaud Buchs (2016 :4). Ce périmètre devient dans les bilans, les rapports et la presse, un ensemble spatial identifié par la somme de ses problèmes, alors qu’il existe à l’intérieur du bassin des contextes d’habitat, d’activités et même de qualité des eaux très différents. La saisie de cet espace par le droit a unifié symboliquement des questions qui jusque-là étaient perçues comme déconnectées. Des troubles environnementaux présents à des lieux différents peuvent dès lors être pensés comme des signes d’une même question : la dégradation environnementale du bassin.
51Si les déversements non autorisés des entreprises et d’autres formes d’activités dans le Riachuelo peuvent avoir un impact sur la qualité de l’eau de la rivière et donc affecter potentiellement un sous-ensemble spatial très ample, d’autres formes de pollution ou de risque sont plus localisées. La gestion intégrale du bassin promeut une approche globale, privilégie un niveau d’intervention et une échelle de mesure des problèmes et d’évaluation des politiques publiques. L’idée d’une intervention « intégrale » territorialisée repose sur la prise en compte de l’ensemble des impacts environnementaux des activités. Le contrôle des activités industrielles devrait concerner non seulement leurs rejets dans le Riachuelo mais l’ensemble de pollutions et risques potentiels. Or, la possibilité de l’intégration de l’ensemble des questions environnementales dans un même instrument de planification est, en contexte urbain, en partie une fiction, rendue possible par une généralisation (au sens cartographique) et par une unification à une échelle macro ; alors que la qualité de vie des populations dépend aussi de processus d’occupation du sol à d’autres échelles.
6.2. Territorialisation, déterritorialisation des demandes de justice environnementale
52Ce cas illustre les modalités de territorialisation du droit de l’environnement et de sa judiciarisation, la stratégie juridique des plaignants acceptée par la Cour suprême reposait sur un processus de déterritorialisation des demandes et de reterritorialisation à une autre échelle. Alors que les tentatives de construction de recours juridiques à l’échelle de Villa inflammable contre les entreprises du Dock sud n’avaient jamais pu aboutir (Auyero, Swistun 2008), les plaignants de l’affaire Beatriz Mendoza ont repris les argumentations construites sur le bassin Matanza-Riachuelo comme problème environnemental pour demander l’assainissement intégral de l’ensemble du bassin. Il ne s’agit donc pas d’une simple demande de justice environnementale reposant sur l’actualisation locale du droit de l’environnement à l’échelle de la villa ou du Dock sud mais bien d’une territorialisation à une autre échelle qui reprend une limite déjà construite comme référentiel pour l’action publique. Cette stratégie a aussi rendu possible l’alliance avec des groupes ancrés dans d’autres sous-ensembles spatiaux (l’association des résidents de la Boca par exemple) et des associations environnementales généralistes.
53La résolution de la Cour suprême a transformé le recours juridique en un « cas structurel » qui élargit l’effet juridique de la décision au-delà des intérêts des demandeurs (Puga, 2013) et a placé sur la scène juridique des objectifs collectifs de long terme qui concernent de nombreuses politiques publiques et institutions. Tout se passe comme si devant l’impossibilité de construire l’imputabilité des pollutions et des risques à chacune des entreprises en cause, les plaignants avaient profité du débat sur le bassin comme seule échelle pertinente de prise en compte des questions environnementales. Dans un contexte de pollution ancienne liée à une multitude de sources, il est difficile d’apporter des preuves de la responsabilité d’une entreprise particulière ; par contre les évolutions législatives concernant le droit à l’environnement ont permis la reconnaissance de la responsabilité des pouvoirs publics sur l’état du bassin. Par ailleurs, pour les associations environnementales, il semble plus important d’exiger des autorités publiques un véritable contrôle des activités industrielles, qu’une compensation pour les dommages à la santé causés par une entreprise. Néanmoins pour des raisons liées aux évolutions politiques et aux difficultés de fonctionnement d’ACUMAR un cadre efficient permettant de contrôler les entreprises n’a pas été mis en place.
54Or, si cette stratégie des plaignants a permis d’accéder à la Cour suprême et de construire l’institutionnalisation du bassin, l’ampleur de l’espace pris en compte et la diversité des problèmes posent autrement la question de l’échelle. Il est en effet possible de gagner face à la plus haute juridiction du pays et d’imposer une intervention à l’échelle du bassin, sans pouvoir réussir à peser réellement sur les processus locaux responsables des pollutions ou des risques. Villa inflamable n’est alors que l’une des questions à traiter et les processus de relocalisation des habitants, de contrôle des émissions des entreprises, d’aide à l’amélioration des logements les plus affectés, ne sont qu’en partie modifiés par le nouveau régime institutionnel.
55Pour les habitants de Villa inflamable tout se passe comme si, l’accès à la Cour suprême dans le cadre de la plainte Beatriz Mendoza n’avait été qu’un moment dans l’histoire longue des tentatives pour obtenir un relogement ou une prise en compte de leur situation (ACIJ et al, 2012). Onze ans après la sentence définitive de la Cour suprême, les conditions de vie dans le quartier n’ont pas été significativement améliorées. Après une première phase ou les plaignants de Villa inflammable pouvaient avoir le sentiment non seulement d’avoir gagné mais aussi d’avoir impulsé une décision qui allait permettre l’accès aux droits pour un grand nombre de personnes, ils ont fait l’expérience que l’ampleur de la cause juridique était telle qu’ils ne pouvaient plus avoir prise sur son évolution. En effet, le contrôle de la qualité de l’eau du Riachuelo et des effluents polluants en amont ont peu ou pas d’effets sur Villa inflammable. Le déplacement de certaines entreprises du Dock sud n’aura pas d’effet sur la qualité de l’eau du Riachuelo en amont. La réalisation d’un collecteur souterrain [21], actuellement en travaux, permettant d’éliminer les eaux usées directement dans le Rio de la Plata, sans utilisation du Riachuelo, n’aura pas d’impact direct sur la santé des personnes qui n’ont pas d’accès direct au service d’eau et d’assainissement. La libération du chemin de halage et l’affichage de la création d’une promenade du Riachuelo, contribuent symboliquement à l’idée d’une reconquête du bassin mais concernent de fait un espace très réduit et seulement une partie de la population.
7. Conclusion
56En modifiant les relations entre pouvoir judiciaire et pouvoir exécutif suite à un recours juridique la situation analysée constitue une modalité de judiciarisation de la question environnementale, mais il s’agit aussi d’une forme de juridicisation [22] à l’échelle du bassin-versant. Un des enseignements de notre recherche se place en effet au niveau des relations entre droit, administrations et politiques publiques, le droit n’est plus seulement une ressource qui habilite l’action des administrations, qui fixe un cadre – compétences, objectifs, moyens (Lascoumes 1990 : 67) –, il a pu être activé pour construire un nouveau régime institutionnel qui place une partie de l’activité des administrations sous la tutelle du juge et d’un groupe d’associations incarnant l’intérêt public environnemental et le respect des droits des populations. Il s’agit d’une tentative d’actualisation des promesses du droit de l’environnement, d’une activation directe d’une certaine forme de territorialisation du droit de l’environnement [23]. Nous avons aussi montré que le bassin-versant avait été construit comme référentiel territorial pour l’action publique avant d’être activé par les plaignants et doté d’une consistance juridique maximale par la Cour suprême.
57Plus qu’un ordre juridique localisé, notion forgée pour caractériser le rôle des processus d’actualisation locale du droit sans production juridique spécifique (Bourdin, Lefeuvre, Melé, 2006), le processus analysé pourrait être décrit comme la construction d’un ordre juridique local sous la tutelle de la plus haute juridiction du pays.
58L’ordre juridique local ici identifié peut être conceptualisé comme une des composantes d’un ordre local qui implique, on l’a vu, d’une part, la mise en place d’un nouveau régime institutionnel, et, d’autre part, la coproduction de savoirs et de connaissance sur les questions urbaines et environnementales. Dès avant la résolution de la Cour suprême, divers acteurs participent – en l’éprouvant, l’activant ou le critiquant – à l’institution du bassin comme espace de référence. Le bassin versant Matanza-Riachuelo est devenu, un espace d’interaction, d’échanges et d’élaboration de savoirs co-construits dans le cadre de conflits et controverses mais aussi d’instances de débats, formelles ou informelles, qui interrogent le devenir du bassin et la place de l’action publique. La production de connaissances, d’attentes et de projets est le résultat non seulement de l’intervention de la Cour suprême et de ses représentants mais aussi de celle des résidents et leurs alliés pour la demande de reconnaissance de droits. Il s’agit ici d’une conclusion analytique qui permet de mettre en évidence certains processus de co-construction et pas d’une évaluation de la performance, de l’ouverture ou de la réflexivité des processus observés qui restent assez éloignés de ce que certains auteurs appellent de leurs vœux en promouvant la nécessité d’une coproduction de savoirs et de modes d’action et de gouvernance dans le domaine du risque ou de l’environnement (Miller, Wyborn, 2018 ; Jasanoff, 1998).
59Tout se passe comme si l’institution progressive du bassin comme échelle d’intervention s’était faite au détriment de la question de la justice et des droits sociaux, en partie vraisemblablement à cause de la faible conceptualisation de la question de la pollution comme atteinte à la santé humaine. Alors même que les plaignants avaient centré leurs demandes sur cette question, les risques pour la santé n’occupent pas une place centrale dans l’intervention publique. Nous pouvons faire l’hypothèse que la coproduction des questions liées à la relation entre les dimensions sociales et « naturelles », a été pensée à partir d’une incorporation pragmatique de la capacité réelle de l’État à contrôler et imposer des règles aux différents acteurs et pouvoirs territoriaux. La délimitation de territoires à risque et les implications que celle-ci peut avoir en ce qui concerne les droits à la santé sont des questions qui restent ouvertes tant au niveau juridique que politique. Le droit qui est protégé par l’article 41 de la constitution est le droit à un environnement sain, alors que la Cour suprême dans sa résolution évoque le bon état et l’assainissement de la rivière, du bassin, privilégiant des actions de nettoyage de la rivière et de ses berges et à des interventions sur le paysage. Dans la situation analysée, le droit des personnes reste dans une situation intermédiaire dans le cadre d’un bassin pensé ici comme une aire d’intervention et non comme un instrument d’imputation de responsabilités sur les affectations à l’environnement et à la santé des populations.
60Nous avons centré cet article sur les dimensions territoriales du droit, or il serait nécessaire de s’intéresser non seulement aux espaces du droit mais bien aux espaces/temps du droit (Valverde, 2015). En effet, les juges considèrent que leur rôle n’est pas seulement de fixer des objectifs à atteindre, de définir les responsabilités mais bien de se saisir de la question des délais de mise en œuvre. Pourtant la « restauration » intégrale du bassin reste un objectif bien difficile à atteindre. La teneur des débats lors l’audience publique de 2018 est significative à cet égard. Alors que les responsables d’ACUMAR, des municipes, de la province, de l’entreprise d’eau et d’assainissement ont proposé un bilan quantitatif des actions réalisées, les juges leur ont demandé – sans succès – de se prononcer sur le nombre d’années nécessaires pour que le bassin soit réellement assaini. Les représentants de la Cour suprême ont souligné que dans certains domaines (logement, attribution des services) l’ampleur des besoins suite à l’augmentation de la population est telle que les objectifs exprimés en pourcentage de la population dotés des services d’eau et assainissement semblent, malgré le travail réalisé, s’éloigner. Par ailleurs, certains commentateurs rappellent que 11 ans après la sentence, il faudra bien penser un jour la sortie du bassin de la tutelle de la Cour suprême.
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- Pochat, V. (2005), Entidades de gestión del agua a nivel de cuencas : experiencia de Argentina, Document CEPAL, Santiago de chile, 59 p.
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- Scharager, A. (2019), Judiciarisation, politique et conflit social, résistances et controverses dans un processus de relocalisation de bidonvilles à Buenos Aires (2008-2018), Thèse de doctorat en cotutelle Université de Tours, Université de Buenos Aires, 345 p.
- Varone, F., Nahrath, S., Gerber, J-D. (2007), « Régimes institutionnels de ressources et théorie de la régulation », Revue de la régulation. Capitalisme, institutions, pouvoirs, n° 2, En ligne : http://journals.openedition.org/regulation/2623.
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Notes
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[1]
Conformément à la tradition juridique argentine, cette affaire a pris le nom d’une des personnes impliquées dans ce recours collectif.
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[2]
La rivière Matanza est aussi appelée Riachuelo, le bassin versant est dénommé Matanza-Riachuelo.
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[3]
Cet article présente une partie des résultats d’une recherche internationale rendue possible grâce au projet ECOS SUD 2017-2019 Environnement, participation et action publique urbaine : approches comparatives Argentine-France coordonné par Patrice Melé et Gabriela Merlinsky. Dans ce cadre, Andrés Scharager a réalisé une thèse de doctorat en cotutelle entre l’Université de Tours et l’Université de Buenos Aires soutenue en mars 2019.
-
[4]
Les villas de ermergencia ou villas miserias sont des quartiers populaires marqués par l’autoconstruction, la précarité sociale, du logement, de la tenure de la terre et de la connexion aux services urbains. À Buenos Aires, les villas sont caractérisées par une étroite association entre la vulnérabilité sociale et l’exposition au risque environnemental (Herzer et Gurevich, 1996).
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[5]
Le Defensor del Pueblo de la Nación est un Ombudsman national indépendant créé en 1994 disposant d’amples capacités d’action. Des défenseurs des droits dotés de statuts différents existent en Argentine aux différents niveaux de pouvoirs.
-
[6]
Centro de Estudios Legales y Sociales.
-
[7]
Fundación ambiente y recursos naturales.
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[8]
Pour des raisons administratives, cette plainte sera enregistrée sous le nom de « Beatriz Mendoza et autres », une employée du secteur de la santé d’Avellaneda travaillant à Villa inflammable qui par la suite se défendra d’avoir été à l’initiative de la démarche et ne souhaite pas être considérée comme leader de cette cause.
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[9]
Intégrée dans les travaux de restructuration du port de la fin du xixe et du début du xxe l’ouverture du canal du Dock Sud permettra la création d’un espace logistique et industriel puis d’un pôle pétrochimique (cf. carte 2).
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[10]
Deux entreprises publiques : Agua y Saneamientos Argentinos S.A (Aysa), Eau et assainissement argentins et Coordinación Ecológica Área Metropolitana Sociedad del Estado, Coordination écologique aire métropolitaine, société d’État (Ceamse).
-
[11]
cf. Loi 26 168 du 4 décembre 2006 portant création de ACUMAR.
-
[12]
L’Association des résidents de la Boca, le Centre d’études légales et sociales (CELS), la Fondation environnement et ressources naturelles (FARN), Greenpeace Argentine, et en 2017, l’Association citoyenne pour les droits humains.
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[13]
Le juge Luis Armella du tribunal fédéral de première instance de Quilmes fut le premier juge chargé de cette tâche.
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[14]
Cf. Note du Centro de información judicial du 31 mai 2009 : Caso Riachuelo ratifican acumulación de causas.
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[15]
Terme juridique signifiant l’obligation pour un tribunal de se déclarer incompétent si une affaire est déjà en cours de traitement par un autre tribunal sur le même sujet.
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[16]
Cf. résolution ACUMAR du 21/10/2013 Plus généralement, notons d’ailleurs qu’il existe un débat sur ce que doivent être les limites des bassins versants en contexte urbain, si un bassin est un espace délimité par une ligne de partage des eaux, en contexte urbain l’espace délimité par les écoulements vers les effluents présents dans le bassin peut varier en fonction du régime des pluies et de l’artificialisation des écoulements (Respaud-Médous, 1999 ; Buchs, 2016 :3).
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[17]
Résolution du 3 septembre 2009, chapitre II.
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[18]
Résolution du 28/03/2011.
-
[19]
Résolution du 28/03/2011.
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[20]
La Ville autonome de Buenos Aires (CABA) est divisée en 15 communes, celles-ci sont dotées de compétences de gestion administrative déconcentrée, certains dispositifs de participation sont organisés au niveau des communes.
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[21]
En 2009, un prêt de 840 millions de dollars a été octroyé par la Banque Mondiale, il doit permettre pour l’amélioration du système de drainage des eaux usées, la construction d’un collecteur souterrain le long du Riachuelo sur une partie du cours, d’autres travaux de gestion hydraulique et la construction de stations d’épuration mis en œuvre par AysA.
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[22]
Au sens « d’une formalisation juridique accrue des relations sociales, une extension du droit comme modèle et référence pratique pour les actions » (Pélisse, 2009 :79).
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[23]
Nos conclusions sont en cela cohérentes avec celle d’Arnaud Buchs (2016 : 14) qui insiste sur la dimension cognitive des compromis institutionnels territorialisés liés à la mise en place d’instances de gestion des bassins-versant, qu’il exprime dans le langage de l’économie des conventions par la notion de « norme référence (convention constitutive) ».