Notes
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[1]
V. par ex. la Recommandation CM/Rec (2015) 2 du Comité des Ministres aux États membres sur l’approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes dans le sport.
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[2]
V. par ex. CEDH, Affaire Abdulaziz, Cabales et Balkandali c. Royaume-Uni, arrêt du 28 mai 1985, Requête n° 9214/80 ; 9473/81.
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[3]
Étude financée par l’Agence nationale de la recherche (2014-2018), coordonnée par l’UMR 8103, sous la responsabilité de Catherine Le Bris.
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[4]
CCRE, Gouvernements locaux et régionaux en Europe. Structures et compétences, 2016.
- [5]
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[6]
Ce récit est mis en forme dans un chapitre d’ouvrage codirigé par l’historienne féministe Joan W. Scott et Bruno Perreau, spécialiste des études de genre : Les défis de la République. Genre, territoires, citoyenneté. Presses de Sciences Po, 2017. Comme Bruno Perreau, Sandra Ceciarini revendique l’influence intellectuelle de Françoise Gaspard, sociologue pionnière des études gaies et lesbiennes en France, mais aussi militante associative et maire, puis député française et européenne socialiste.
-
[7]
http://www.afccre.org/fr/dossiers-thematiques/egalit%C3%A9-femmes-hommes#.WsuPS4huZEZ, consulté le 12 mars 2018.
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[8]
Entretien avec le chef de cabinet de l’adjointe déléguée à l’Égalité femmes-hommes, à la lutte contre les discriminations et aux Droits humaine 30 octobre 2014.
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[9]
Entretien avec l’Adjointe au Maire de Suresnes, déléguée à la Solidarité, à l’Égalité des chances et aux Droits des femmes, 3 octobre 2014.
- [10]
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[11]
Ibidem.
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[12]
Entretien avec l’Adjointe au Maire de Suresnes, déléguée à la Solidarité, à l’Égalité des chances et aux Droits des femmes, 3 octobre 2014.
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[13]
Voir le site de la mairie de Bordeaux : http://www.bordeaux.fr/p84977 consulté le 10 mars 2018.
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[14]
http://www.afccre.org/fr/dossiers-thematiques/egalit%C3%A9-femmes-hommes#.WsuPS4huZEZ, consulté le 12 mars 2018.
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[15]
http://www.afccre.org/fr/dossiers-thematiques/egalit%C3%A9-femmes-hommes#.WsuPS4huZEZ, consulté le 12 mars 2018.
1. Introduction
1La Charte européenne pour l’égalité des femmes et des hommes dans la vie locale (EEFHVL) apparaît comme l’archétype de la glocalisation dans le domaine des droits humains : transnationale par sa source, elle présente par son objet et ses sujets, une vocation locale. Cette charte, créée en mars 2006 à destination des autorités locales et régionales d’Europe, a pour objet la lutte contre les inégalités de genre. Elle définit des engagements que les collectivités territoriales signataires sont invitées à mettre en œuvre sur leur territoire. Il s’agit de combattre les stéréotypes et discriminations sexués et d’assurer la participation équilibrée des femmes et des hommes à la prise de décision. La Charte EEFHVL constitue un instrument juridique européen de gender mainstreaming, qui vise l’intégration d’une perspective de genre dans tous les domaines et à tous les stades de l’action publique. C’est ce que formule explicitement le cinquième de ses six grands principes : « Intégrer la dimension du genre dans toutes les activités des collectivités locales et régionales est nécessaire pour faire avancer l’égalité des femmes et des hommes ». Des mesures concrètes sont suggérées par la Charte : les collectivités signataires ont par exemple vocation à fournir des systèmes de garde d’enfants permettant aux habitant.e.s de concilier vie privée et professionnelle (article 16), ou des services de transports répondant aux besoins différents des femmes et des hommes (article 26). Cependant, chaque collectivité définit elle-même ses objectifs parmi les engagements énoncés dans la Charte. Est prévue, sur cette base, l’élaboration d’un « Plan d’action pour l’égalité », qui doit être adopté « après de larges consultations » dans un délai maximum de deux ans suivant la signature, avec pour but de fixer les priorités de la collectivité.
2La Charte EEFHVL peut ainsi être qualifiée de « soft law », encore qu’il faille préciser ce terme : en droit international, cette qualification est, en principe, réservée aux actes internationaux émanant d’États présentant une valeur juridique limitée « soit parce que les instruments qui les contiennent ne seraient pas juridiquement obligatoires, soit parce que les dispositions en cause, bien que figurant dans un instrument contraignant, ne créeraient pas d’obligations en droit positif » (Salmon, 2001). Toutefois, dans un sens plus large, cette notion peut également viser les instruments law-like, qui ont l’apparence du droit, adoptés à l’initiative d’associations ou de sociétés savantes (Cazala, 2011) ; tel est le cas de la Charte, élaborée par une association européenne dont les membres sont des collectivités territoriales. Cette Charte n’est pas le seul instrument de ce type dans le champ des droits humains : tel est aussi le cas de la Charte européenne des droits de l’homme dans la ville de 2000 ou de la Charte-Agenda mondiale des droits de l’homme dans la cité de 2012. Toutefois, la Charte EEFHVL est celle qui a recueilli le plus grand nombre de signatures. La promotion de ce type d’instrument participe d’un recours accru à la soft law à l’échelle européenne, plus particulièrement en ce qui concerne les réformes des politiques locales (Terpan, 2015). La ratification de ces textes juridiques par des autorités territoriales s’inscrit dans un jeu d’échelle permanent entre structures de gouvernement européennes, nationales et locales (Radaelli, 2003). L’européanisation de l’action publique se conjugue, en effet, avec une territorialisation accrue, envisagée tantôt comme le produit d’un « retour des villes européennes » (Le Galès, 2011) ou comme une montée des régionalismes (Scully et al., 2013), tantôt comme un mode de gestion politique du déclin économique des États (Taiclet, 2006).
3Un récent bilan des chantiers en cours de la legal geography appelle en outre à ne pas négliger les dimensions internationales et transnationales du droit en se focalisant uniquement sur les espaces politiques relatifs aux États et les règles à caractère obligatoire qu’ils énoncent (Delaney, 2017). Or les travaux concernés ont, jusque-là, porté l’attention sur les usages du soft law dans les domaines économiques (Barkan, 2011) ou militaires (Jones, Smith, 2015) ; les questions relatives à la citoyenneté sociale des individus, en revanche, sont restées dans l’ombre. De fait, celle-ci s’exerce dans des contextes locaux diversifiés : les transferts de pouvoirs aux collectivités territoriales – qu’il s’agisse de régions, de provinces, de départements ou de communes faisant ou non l’objet de regroupements – sont variables selon les États. L’égalité entre les femmes et les hommes est cependant énoncée comme une valeur fondamentale dans le cadre européen. Au sein de l’Union européenne (UE), elle est prise en compte dès le traité de Rome de 1957 qui interdit la discrimination salariale fondée sur le sexe. Le traité d’Amsterdam en 1997, puis la Charte des droits fondamentaux de l’UE de 2000 en font une mission essentielle, à la fois pour les institutions européennes et pour les pouvoirs publics au niveau national, régional et local. S’agissant du Conseil de l’Europe (Council of Europe ou COE en anglais), cette organisation – qui comprend un cercle élargi d’États par rapport à l’UE puisqu’elle compte 47 membres, dont la Russie et la Turquie –, met également l’accent sur ce principe [1] ; la Cour européenne des droits de l’homme rappelle aussi régulièrement le caractère crucial de la non-discrimination entre les sexes [2]. La Charte EEFHVL a, quant à elle, été élaborée au sein du Conseil des Communes et Régions d’Europe (CCRE), organisation non gouvernementale qui rassemble des élus locaux issus des États membres du COE. Comme d’autres instruments européens de soft law mobilisés dans la lutte contre les inégalités de genre, la Charte définit des lignes directrices pour les politiques locales sans énoncer d’objectifs opérationnels (Jacquot, 2009 ; Perrier, 2014). Depuis son lancement en mars 2006, des représentant.e.s des branches nationales du CCRE encouragent les autorités territoriales à signer cette Charte afin qu’elles s’engagent publiquement à mettre en œuvre des actions en faveur de l’égalité de genre sur leurs territoires. Douze ans plus tard, la Charte comptait 1688 collectivités signataires, réparties de façon inégale en Europe, et plus ou moins promptes à assurer son application, bien que leurs élu.e.s soient supposé.e.s régulièrement rendre compte de la mise en œuvre de leurs plans d’action.
4À travers le cas de la Charte EEFHVL, cet article met en lumière l’articulation entre différents niveaux de gouvernement transnationaux, nationaux et locaux dans l’espace européen. L’analyse de la genèse et des usages localisés d’un tel instrument de soft law montre qu’en dépit d’origines transnationales et peu marquées politiquement, sa ratification s’inscrit dans des rapports de force localisés. De même, les politiques de lutte contre les inégalités de genre mises en œuvre sur les territoires des collectivités signataires demeurent étroitement dépendantes des ressources et programmes d’action publique préexistants.
Encadré méthodologique
Il mobilise tout d’abord les archives du CCRE, dont une étude du fonctionnement et des structures des collectivités territoriales des pays affiliés [4], ainsi que l’Atlas en ligne des collectivités signataires de la Charte. La collecte de données, régulièrement actualisées par un Observatoire dédié [5] a permis le traitement statistique et cartographique de l’évolution et de la répartition de ces collectivités en Europe entre mars et décembre 2017.
Un questionnaire administré en mars 2016 dans le cadre du projet GLOCAL à des élu.e.s de collectivités territoriales françaises (n = 500), sur leur expérience quotidienne et localisée des droits de l’homme, incluait des questions sur la connaissance et la ratification de la Charte EEFHVL. Des entretiens menés entre 2015 et 2017 auprès d’élu.e.s de collectivités locales de statuts variés et aux caractéristiques sociodémographiques et politiques contrastées (n = 25) abordaient, en outre, systématiquement la Charte. Celle-ci a fait l’objet d’investigations approfondies auprès de représentant.e.s de collectivités signataires et d’associations particulièrement impliqué.e.s dans la genèse et la diffusion de la Charte (n = 8).
L’analyse des conditions localisées de sa signature ainsi que des modalités d’adoption et d’évaluation de programmes liés s’appuie enfin sur des sources documentaires : archives de collectivités signataires, dont des « plans d’actions pour l’égalité » (n = 29), articles de presse nationale et régionale dans lesquels ont été recueillies des prises de position publiques d’élu.e.s (recherche Europresse entre mars 2006 et décembre 2017).
5L’article interroge, dans un premier temps, les logiques de création d’un tel instrument. Il se focalise d’abord sur la nature juridique de la Charte et les enjeux transnationaux de sa genèse. Ce texte apparaît moins comme une synthèse « européenne » des réflexions d’élu.e.s et de militant.e.s locaux.ales que comme le produit de négociations entre représentant.e.s des branches nationales du CCRE qui participent inégalement à sa diffusion. L’article porte, dans un deuxième temps, sur les caractéristiques des collectivités signataires et leurs logiques de répartition dans l’espace européen. Depuis son lancement, les autorités locales sont diversement enclines à ratifier la Charte ; il est vrai que, selon l’État d’appartenance, l’organisation territoriale et le nombre de collectivités varient fortement : le statut, la taille de la population ou encore la majorité politique conditionnent les logiques de signature. Dans un troisième temps, l’article s’intéresse à la mise en œuvre de la Charte au sein des collectivités françaises. Les autorités locales respectent rarement leur engagement d’adopter un plan d’actions, et lorsqu’il existe, l’évaluation de son application reste le plus souvent en suspens. Il s’agit ainsi de brosser une esquisse des réformes locales – limitées – en application d’un tel instrument de soft law.
2. Genèse et diffusion d’un instrument juridique européen
6L’analyse de la Charte EEFHVL revient d’abord sur sa genèse, marquée par une série d’initiatives politiques transnationales. On peut ensuite interroger la valeur juridique de cet instrument et ses conditions d’adoption. En pratique, la diffusion d’un tel outil au sein des pays membres du COE n’est rendue possible que par la mobilisation croissante d’élu.e.s et de militant.e.s de la lutte contre les inégalités de genre préalablement engagé.e.s au niveau local.
2.1. Le produit d’initiatives politiques transnationales
7La genèse de la Charte EEFHVL en témoigne : la circulation horizontale de revendications impliquant les gouvernements urbains est en plein essor. Ces revendications se diffusent et renforcent leur impact jusqu’à prendre, pour certaines, sous l’influence de la politique régionale et urbaine de l’Union européenne, la forme d’instruments d’action publique (Béal et al., 2015). Depuis la fin des années 1980, cette politique européenne s’accompagne d’une prolifération de réseaux de villes transnationaux (Benington, Harvey, 1999) ; les plus importants d’entre eux ont fusionné en 2004 au sein de l’organisation Cités et gouvernements locaux unis (CGLU). C’est d’ailleurs au tournant des années 2000 que la lutte contre les inégalités de genre accède à l’agenda de ces institutions transnationales alors qu’elle faisait déjà l’objet de programmes d’action européens dès le début des années 1990 (Mazey, 1995). Elle s’y mue alors en « projets » voués à des expérimentations localisées susceptibles de financements européens. Le CCRE, branche européenne de CGLU, apparaît comme un catalyseur de tels projets. C’est au sein de cette association que la Charte est élaborée au fur et à mesure d’initiatives individuelles. La reconstitution de ces initiatives offre un cas typique d’interactions dans des réseaux sociaux où le global et le local s’articulent à travers les usages des droits de l’homme (Koenig, 2007).
8Ayant exercé diverses fonctions au sein du CCRE, dont celle de Secrétaire de la Commission des élues locales et régionales, Sandra Ceciarini joue un rôle moteur dans l’émergence de projets de lutte contre les inégalités de genre. Italienne, cette diplômée de la section internationale de Sciences Po Paris cumule les attributs d’une « professionnelle de l’Europe par vocation », chez qui la valorisation des droits de l’homme et la lutte contre les discriminations constituent des éléments cardinaux du processus de construction de l’UE (Michon, 2019). Sans affiliation partisane, elle se présente comme une « experte » ayant favorisé la matérialisation d’initiatives d’élues locales de diverses nationalités. Sandra Ceciarini consacre une grande part du récit des origines de la Charte EEFHVL à ces initiatives qui prennent essentiellement la forme de délibérations sous l’égide du CCRE [6]. Elle les fait remonter à la fin des années 1980, attribuant un rôle pionnier à sa compatriote Fausta Giani Cecchini. Maire, puis Présidente socialiste de la province de Pise et membre du bureau de la branche italienne du CCRE, elle y organise la première conférence européenne des élues locales et régionales, avant d’initier une série de rassemblements (Bilbao, Anvers et Heidelberg). S’y joignent, à partir de 1995, des élues locales de pays d’Europe centrale et orientale (PECO) sur la voie de l’élargissement, pour lesquelles des formations spécifiques sont organisées par le CCRE. Ces dernières génèrent une réévaluation critique de conceptions féministes classiques à l’aune des revendications spécifiques, ancrées dans l’expérience des régimes socialistes (Circostea, 2008). Tel que le formule Sandra Ceciarini :
« L’un des défis du CCRE, en tant qu’organisation européenne, aura été – et continuera à être – celui d’essayer de faire la synthèse de ces différentes visions de l’égalité et de donner une perspective “locale” européenne. »
10Si l’on peut s’interroger sur l’asymétrie de ces débats entre élues de collectivités aux statuts et population d’importance inégale, de même que sur les ressources sociales et politiques de leurs représentantes, deux instruments d’action publique en émergent néanmoins. Précédant l’élaboration de la Charte, l’improbable « portrait d’une ville sans discrimination » est brossé à travers le projet de « La Ville pour l’Égalité », soutenu financièrement par la Commission européenne. Reposant sur le benchmarking, méthode managériale privilégiée des institutions communautaires (Bruno et al., 2006), la brochure éponyme rassemble des « bonnes pratiques » d’une centaine de collectivités européennes, classées par thématiques identifiables à différents domaines d’action publique.
11Une fois ce modèle établi, la Charte est conçue comme une forme d’engagement politique des collectivités signataires à s’en rapprocher. Elle est à la fois peu contraignante et malléable, deux garanties présumées de son succès. En outre, la conception de la Charte est présentée comme un processus de concertation à travers l’organisation d’un cycle de séminaires d’élues locales et régionales. C’est toutefois sur les expertes et des personnalités politiques du CCRE impliquées dans la lutte contre les inégalités de genre, à l’instar de Françoise Gaspard, que repose la rédaction de la Charte. Lancée lors des états généraux du CCRE d’Innsbruck en mars 2006 et traduite en 28 langues, elle fait l’objet d’une campagne de communication financée par le cinquième Programme d’action communautaire pour l’égalité entre les femmes et les hommes de la Commission.
2.2. L’inscription d’une Charte transnationale à vocation locale dans les ordres juridiques
12Rédigée au sein du CCRE, la Charte EEFHVL est le fruit d’une association européenne. Au titre d’organisation non gouvernementale, le CCRE n’est pas doté de la personnalité juridique internationale : ayant son siège est à Bruxelles, il est régi par le droit belge. Compte tenu de son statut associatif, cette institution doit être différenciée du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, par exemple, qui a la qualité d’organe d’organisations internationales et qui peut, à ce titre, donner l’impulsion pour adopter des traités interétatiques. La Charte européenne de l’autonomie locale a été adoptée sous l’égide de ce Congrès et cet instrument est une convention internationale. Tel n’est pas le cas de la Charte EEFHVL, initiée par une association de collectivités territoriales et ratifiée par des autorités locales. Par principe, les autorités compétentes pour conclure une convention internationale sont les autorités centrales d’un État. Certes, il arrive que des gouvernements infra-étatiques détiennent le treaty making power : tel est le cas des Länders allemands dans la mesure de leur compétence législative ou, en France, du Président de la Polynésie française qui peut se voir confier les pouvoirs de signer des accords avec un ou plusieurs États. Toutefois, pour l’essentiel, les collectivités territoriales n’ont pas compétence pour engager l’État. Les accords qu’elles passent avec leurs homologues étrangers, en particulier les conventions de coopération décentralisée, ne sont pas des traités internationaux, mais des contrats relevant du droit national (Levrat, 2005). En effet, en dépit de leur caractère transnational, ces conventions sont régies par le droit interne.
13Si la Charte EEFHVL partage avec les conventions de coopération décentralisée son caractère transnational, elle ne s’identifie pas, pour autant, à elles, non plus. La nature de cette Charte est totalement inédite : alors que les conventions de coopération entre autorités locales sont des accords, tel n’est pas le cas de la Charte EEFHVL qui est acte unilatéral. De plus, les autorités locales qui la signent ne prennent d’engagements qu’à l’égard d’elles-mêmes et non à l’égard d’autres sujets de droit. L’adhésion à cet instrument repose uniquement sur le volontariat. Le procédé sur lequel la Charte est fondée rappelle notamment le Glocal compact proposé par l’ONU aux entreprises qui peuvent, sur la base de volontariat, adhérer aux dix principes définis par l’Organisation et s’engager à les respecter. Toutefois, dans le cas de la Charte EEFHVL, l’entité à l’initiative du texte est une ONG, et non une organisation intergouvernementale.
14Conformément à l’article 4 de la Charte, pour être adoptée, celle-ci doit être débattue puis « ratifiée » par « l’institution représentative la plus élevée » de la collectivité territoriale. En France par exemple, il s’agit de l’Assemblée délibérante (conseil municipal, départemental ou régional) élue au suffrage universel direct : c’est elle qui autorise par une délibération (municipale, départementale ou régionale) le chef de l’exécutif (le maire, le Président du Conseil départemental ou le Président du Conseil régional) à adhérer à cette Charte. Ce procédé est particulièrement original : un texte d’origine transnationale, élaboré par une association européenne, vient s’inscrire dans l’ordre juridique interne par l’entremise d’un acte public décentralisé. Le mécanisme de la Charte repose ainsi sur deux opérations juridiques successives. La première se concrétise par l’acte unilatéral du CCRE adoptant le texte de la Charte en 2006 ; cet acte peut être qualifié de transnational dans la mesure où il émane d’une ONG. La seconde se manifeste par l’acte administratif de la collectivité territoriale approuvant la signature de la Charte, voire son adoption ; il s’agit d’un acte local régi par le droit interne. Cette manière de faire est totalement nouvelle et fait de la Charte un objet juridique non identifié.
15Dès lors que cette Charte court-circuite la chaîne normative traditionnelle du droit interétatique et national, on constate un souci, de la part de ses rédacteurs, d’élever cet instrument au rang de « vrai » droit. La Charte revendique notamment une certaine parenté avec le droit interétatique. Dans son préambule, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discriminations à l’égard des femmes de 1979 y est ainsi présentée comme une source d’inspiration. De plus, l’intitulé choisi pour l’instrument est, lui-même, révélateur : en droit, la qualification de « charte » ne permet pas en soi de présumer la valeur juridique du texte en cause. Une charte peut être obligatoire comme n’emporter aucune obligation. Les rédacteurs jouent de cette ambiguïté. De même, la procédure de signature de la Charte présente un certain mimétisme avec la ratification des traités internationaux, notamment en France. Selon la Constitution de 1958, l’exécutif négocie et ratifie les traités, mais une autorisation du Parlement est nécessaire pour les traités les plus importants. Dans le même sens, la Charte EEFHVL est signée par « le représentant démocratique » de la commune ou du territoire (le maire par exemple) après que « l’institution représentative la plus élevée » de la collectivité territoriale, à savoir, en France, l’assemblée locale, a autorisé sa ratification.
16Reste qu’à bien des égards, cette Charte élaborée par une association européenne se distingue des traités interétatiques. Sa structure textuelle est particulière : certes, de manière classique, son préambule indique les motifs et objectifs du texte, tout en s’appuyant sur des instruments internationaux en vigueur, mais la Charte, outre qu’elle comprend une « introduction », est divisée en trois parties et seule la dernière d’entre elles est organisée en articles de fond. De plus, certains choix terminologiques traduisent sa dimension militante. Ainsi, alors que la France emploie la notion de « droit de l’homme » dans les traités internationaux et que la Commission nationale consultative des droits de l’homme a recommandé aux pouvoirs publics de ne pas modifier cette dénomination, c’est celle de « droit humain » qui est retenue dans la version française de la Charte. C’est ce militantisme qui caractérise d’ailleurs ses relais de diffusion localisés.
2.3. Des relais de diffusion localisée
17Les représentant.e.s d’associations d’élu.e.s – à commencer par le CCRE et ses déclinaisons nationales – jouent un rôle moteur dans la diffusion internationale de la Charte EEFHVL. Cependant, c’est son appropriation par des militant.e.s bien implanté.e.s localement qui favorisent son institutionnalisation. De fait, les associations internationales d’édiles locaux leur permettent de prendre connaissance de nouveaux modèles d’action publique et de les importer, mais aussi et surtout de promouvoir leurs propres pratiques (Payre, 2010). En valorisant l’implication d’organismes transnationaux dans la lutte contre les inégalités femmes-hommes, la diffusion d’un tel outil renforce la légitimité d’acteurs et d’actrices locaux.ales préalablement engagé.e.s. Comme les prescriptions de l’UE en matière de politiques locales de l’emploi des femmes, la Charte constitue une ressource à la fois juridique et politiquement stratégique pour « conforter leur position, légitimer leur travail ou convaincre leurs collègues » (Perrier, 2014: 129).
18Le lancement de la Charte, en effet, intervient dans un contexte d’institutionnalisation croissante de la question de la lutte contre les inégalités de genre au niveau des collectivités territoriales, l’essor d’un féminisme institutionnel se conjuguant au renouveau du féminisme militant (Bereni et Revillard, 2012). Le cas français, bien documenté par le Centre Hubertine Auclert (2016), montre ainsi qu’au début des années 2000, une part croissante des collectivités crée des délégations d’élues et dédie des ressources spécifiques au sein de leurs services, tout en s’appuyant sur des partenariats associatifs. Des postes de référent.e.s pour l’Égalité, en charge de l’animation de réseaux localisés incluant les représentant.e.s de services déconcentrés de l’État sont créés dans plusieurs régions, à commencer par l’Île-de-France ou le Nord-Pas-de-Calais. C’est parmi ces individus que le CCRE recrute, par le biais de ces coordinateurs et coordinatrices nationales, des « ambassadeurs et ambassadrices », voué.e.s à « promouvoir et diffuser des informations sur la Charte et décrire comment elle peut être utilisée comme un outil pour mettre en place l’égalité entre les femmes et les hommes au niveau local » [7].
19En pratique, la promotion de la Charte est d’abord assurée à travers des évènements publics consistant essentiellement en la tenue de conférences et débats publics d’élues du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux. Depuis 2009, plusieurs rencontres internationales sont organisées à l’initiative de sa Commission permanente pour l’égalité, présidée par un Conseiller de la région suédoise d’Ostergötland du Parti de gauche socialiste, écologiste et féministe (Vänsterpartiet). Ces événements, dont l’organisation bénéficie de subsides de la Commission européenne, prennent souvent place à Bruxelles, même si une Conférence pour l’égalité rassemble plusieurs centaines d’élu.e.s à Belgrade en mai 2017. À côté de ces rencontres internationales, la diffusion de la Charte est assurée de façon régulière et localisée par la médiatisation des nouvelles signatures, d’autant plus lorsqu’elles concernent plusieurs collectivités voisines. La présence de Laurence Rossignol, Ministre des Familles, de l’Enfance et du Droit des Femmes, lors de la signature de 55 petites communes du Puy-de-Dôme en mars 2016, a par exemple vocation à renforcer l’écho de l’événement.
20Depuis ses origines, la Charte EFHVL fait donc l’objet d’usages politiques à différentes échelles. En dépit du caractère intrinsèquement transnational d’un tel outil juridique, ces usages s’inscrivent dans des contextes nationaux et des rapports de pouvoir localisés.
3. Des logiques de signature propres à différentes échelles de gouvernement
21Pour saisir les logiques de signature de la Charte par les représentant.e.s des collectivités, il convient, d’abord, de restituer l’évolution de leur répartition nationale. Les collectivités d’Europe méditerranéenne, mais aussi centrale et orientale, s’engagent massivement dans les années suivant le lancement de la Charte alors même que les politiques sociales et familiales nationales y intègrent faiblement une dimension de genre. On peut, cependant, relativiser cette surreprésentation en considérant cette dernière à l’aune de la population des collectivités concernées et de la distribution de leurs statuts, liés à l’organisation territoriale des États. L’étude de contextes localisés de signature de la Charte en France révèle, par ailleurs, comment les logiques politiques observées répondent à des enjeux tout à la fois locaux et nationaux.
3.1. Une répartition nationale évolutive
22L’évolution du nombre de collectivités signataires de la Charte EEFHVL depuis son lancement en mars 2006 peut désormais être envisagée avec un certain recul : il devient possible de brosser un portrait évolutif et contrasté à l’échelle des États membres du COE.
23On constate, d’abord, un afflux de signataires entre mars et décembre 2006 (126) et surtout l’année qui suit (374). Puis on observe une lente décrue jusqu’en 2010, précédant une période de relative stabilisation sachant que le nombre de collectivités enregistrées chaque année oscille entre 60 et 123. L’année 2017, toutefois, marque une raréfaction des nouveaux engagements si l’on excepte quelques regroupements de petites communes françaises.
Évolution du nombre de collectivités locales signataires de la Charte EEFHVL (mai 2006-décembre 2017)
Évolution of the European Charter for Equality of Women and Men in Local Life’s signatory local authorities (May 2006-December 2017).
Évolution du nombre de collectivités locales signataires de la Charte EEFHVL (mai 2006-décembre 2017)
Évolution of the European Charter for Equality of Women and Men in Local Life’s signatory local authorities (May 2006-December 2017).
24Il apparaît nécessaire d’examiner la répartition nationale des collectivités signataires et, partant, d’étudier cette distribution en fonction de leur appartenance à l’UE ou à une aire géographique spécifique. À cet égard, les États membres de l’UE rassemblent 93 % des collectivités concernées, les autres autorités signataires étant situées en Suisse (79), en Serbie (37) et en Turquie (21). De façon moins attendue, la prépondérance des collectivités des États membres du Sud apparaît nettement, avec un afflux massif de mars 2006 à la fin de l’année 2008. Les collectivités signataires italiennes sont ainsi 418 en décembre 2017, soit de loin les plus nombreuses, suivies des grecques (157), espagnoles (148), portugaises (143) et chypriotes (35). Certes, la proportion des collectivités méditerranéennes décline depuis le début des années 2010 : aucune commune, province ou région italienne et grecque n’est enregistrée depuis, respectivement, mai 2012 et juillet 2013. Toutefois, aucune vague équivalente n’a entraîné d’effet de rattrapage des collectivités des pays d’Europe occidentale ou centrale et orientale (PECO), dont une part croissante a intégré l’UE depuis 2004, leur situation apparaît contrastée. Tandis que la Pologne (2), la République tchèque (2) ou la Roumanie (3) comptent très peu de collectivités signataires, celles-ci sont nombreuses au sein des pays de l’ex-Yougoslavie. La Croatie (39), la Macédoine (14), la Serbie (42), et la Slovénie (13) présentent ainsi des taux de collectivités signataires parmi les plus élevés de l’ensemble des États membres du COE.
25On peut interroger cette surreprésentation des collectivités des pays d’Europe continentale et méditerranéenne au regard des travaux de Letablier sur les politiques sociales et familiales nationales et leur impact sur les rapports sociaux de genre, inspirés par une critique féministe de la typologie des État-providence d’Esping-Andersen. Les PECO sont caractérisés par le démantèlement des structures d’accueil des enfants et du système de politique familiale pendant la transition post-communiste, qui a conduit à une « refamilialisation » de la prise en charge des enfants ainsi qu’à une forte polarisation entre les femmes qui délèguent leurs responsabilités parentales au marché et celles qui ne peuvent compter que sur l’entraide familiale (Letablier, 2009). Ils se situent dans une position intermédiaire entre le modèle libéral des pays d’Europe insulaires – au demeurant peu engagés avec cinq collectivités signataires seulement au Royaume-Uni et aucune en Irlande – et les pays méditerranéens. Dans ces derniers, l’égalité entre hommes et femmes est inscrite dans la loi, mais reste avant tout formelle. Si le taux d’activité professionnelle des femmes s’est continuellement accru depuis les années 1980, l’émancipation par l’emploi s’accompagne d’une baisse des taux de fécondité. Le partage des tâches domestiques et des responsabilités familiales progresse ainsi lentement, tandis que les politiques de soutien à la parentalité sont faibles. Les solidarités familiales demeurent dominantes dans le pourvoi de soins aux enfants et personnes vulnérables (Letablier, 2009). Or, elles sont complétées par des services publics amplement dévolus aux collectivités locales, entre lesquelles les inégalités économiques sont fortes, que ce soit au niveau des régions ou des municipalités (Kazepov, 2010). Autrement dit, les pays qui concentrent les collectivités signataires sont paradoxalement ceux où ces dernières sont le moins souvent en mesure de soutenir l’activité professionnelle des femmes et, plus largement, le plein exercice de leur citoyenneté sociale.
26À l’inverse, les pays scandinaves se révèlent sous-représentés – le Danemark ne compte aucune collectivité signataire – à l’exception notable de la Suède (122 collectivités signataires en décembre 2017) dont le gouvernement soutient officiellement la diffusion de la Charte. Cette situation apparaît paradoxale dans la mesure où les politiques sociales et familiales développées par les gouvernements socio-démocrates depuis les années 1980, caractérisées par une « convention d’égalité », s’avèrent bien plus favorables à une réduction des inégalités de genre que dans les PECO ou les pays méditerranéens (Letablier, 2009). C’est, dans une moindre mesure, le cas de l’Allemagne où le nombre de collectivités signataires demeure très limité (49). Au sein des États où les politiques de lutte contre les inégalités de genre sont les mieux institutionnalisées, les représentant.e.s des collectivités se saisissent parfois d’autant moins volontiers de la Charte que ces dernières disposent de moyens plus conséquents pour mettre en œuvre ses objectifs. Dans un contexte national de restriction des moyens consacrés à de telles politiques, l’appropriation de cet instrument de soft law apparaît, en revanche, comme une opportunité réformatrice ou, du moins, un marqueur distinctif dans les compétitions électorales.
3.2. Le primat des communes
27Le tableau de la répartition nationale des collectivités signataires mérite d’être nuancé par la prise en compte de leur statut administratif et de leur nombre d’habitants, mais aussi du nombre total de collectivités dans leurs États d’appartenance. L’objectif n’est pas tant de mettre en valeur des variables déterminantes de la signature de la Charte, en l’absence de causalités systématiquement observables, que de saisir les logiques de distribution des collectivités. Il s’agit notamment de mieux comprendre la prépondérance des petites communes parmi les signataires, au regard de l’organisation administrative des territoires nationaux.
28Les données de l’Atlas du CCRE permettent de classer ces collectivités en fonction de différentes tranches de population (cf. tableau 1) et de distinguer trois échelons territoriaux qui renvoient aux découpages administratifs nationaux les plus communs : 1. les régions ; 2. les départements ou province ; 3. les communes. Concernant la population des collectivités, plus encore que celle des États, des difficultés techniques et politiques de mise en œuvre des réglementations européennes d’harmonisation et d’ouverture des données géographiques ont été soulignées (Goncalves, Ruffat, 2016). On peut cependant mettre à profit les données Eurostat afin de lier le nombre de collectivités territoriales par État membre du COE à leurs populations respectives, et d’en produire une représentation cartographique (figure 2).
29Tout d’abord, le nombre de collectivités signataires est tendanciellement plus important dans les pays où les communes sont les plus nombreuses et de population moins importante. Il convient donc de relativiser la surreprésentation des collectivités des pays méditerranéens au regard de leur nombre élevé (8136 en Italie, 8195 en Espagne et 3402 au Portugal), à l’exception de la Grèce (seulement 338) où le taux de collectivités signataires atteint une proportion de 46,3 %. Inversement, on comprend mieux la sous-représentation des collectivités des États ayant entamé des politiques de fusions communales depuis les années 1970, à l’instar de l’ex-République fédérale allemande ou des pays scandinaves (Frinault, 2017). C’est logiquement en leur sein que l’on trouve les plus fortes proportions de collectivités supérieures à 100 000 habitants. À commencer par la Suède, qui en rassemble 25 sur 127 collectivités signataires, contre seulement 35 sur 418 pour l’Italie.
Collectivités signataires de la Charte EEFHVL en décembre 2017.
The European Charter for Equality of Women and Men in Local Life’s signatory local authorities in December 2017.
Collectivités signataires de la Charte EEFHVL en décembre 2017.
The European Charter for Equality of Women and Men in Local Life’s signatory local authorities in December 2017.
30Concernant la distribution des collectivités signataires en fonction de leur statut au sein des différents États, on constate que dans les pays scandinaves, les collectivités signataires sont souvent des régions ou des métropoles, alors que les communes en représentent plus de 92 % dans l’ensemble des États membres du COE. En Espagne ou en Italie, c’est à ce niveau municipal qu’est essentiellement dévolue la mise en œuvre des politiques sociales, même si un cadrage est opéré au niveau régional (Kazepov, 2010).
31Le cas de la France, où la proportion de communes parmi les collectivités signataires est moindre (80 %), offre un contre-éclairage de cette répartition sur la base des compétences et moyens humains et financiers dont disposent les pouvoirs locaux. Ainsi, la surreprésentation des départements en France parmi les collectivités signataires (12 % contre seulement 5,4 % à l’échelle européenne) est liée à leur leadership dans la gestion des politiques sociales et familiales depuis les années 1980. Celui-ci implique des leviers importants en matière de lutte contre les inégalités de genre, même si le « département-providence » apparaît menacé par les réformes territoriales en cours (Lafore, 2013) au profit des régions et métropoles.
32La délégation de compétences aux communes se poursuit en France à la faveur de leurs regroupements (Bideau, 2019), comme ailleurs en Europe. Dans cette perspective, la majorité de communes inférieures à 20 000 habitants (51 %) parmi les collectivités signataires masque leur inclusion au sein de métropoles. L’enquête par questionnaire sur les pratiques et représentations des droits de l’homme des élu.e.s dans le cadre de l’étude GLOCAL montre d’ailleurs que c’est parmi ceux des métropoles que la Charte est la mieux connue : 58 % d’entre eux affirment que la Charte leur est familière lorsqu’elle est citée parmi une liste de textes de référence ; par contraste, tel n’est pas le cas de 85 % d’entre eux pour la Charte européenne de l’autonomie locale. Au-delà du positionnement des élu.e.s métropolitains en faveur de l’égalité de genre, le renforcement de leur influence observable à l’échelle européenne (Le Galès, 2011) n’est pas sans effet sur la convergence des logiques politiques localisées de signature de la Charte.
3.3. Les enjeux politiques nationaux sous-jacents
33En France, on retrouve, certes, une pluralité des modalités d’appropriation de la Charte EEFHVL par les représentant.e.s de collectivités diversifiées. Mais les logiques observées répondent de façons convergentes à des enjeux politiques nationaux. La Charte se présente, de fait, comme un outil malléable et mobilisable dans différents domaines d’action publique locale, ce qui facilite son appropriation par des représentant.e.s de collectivités de taille et de statuts différents, ainsi que de partis politiques opposés. Si elle apparaît d’emblée comme un outil consensuel, sa signature peut faire l’objet de tensions et devenir un enjeu de lutte politique local dans lequel se réfractent des oppositions propres au champ politique national. Son portage politique par un.e élu.e de l’équipe municipale constitue également une source de valorisation de la capacité d’innovation dans la conduite de l’action publique à différents échelons de gouvernement locaux, voire sur la scène politique nationale. Toutefois, de nombreuses collectivités ont initié une politique d’égalité femmes-hommes bien avant la signature de la charte EEFHVL, et ce, notamment, parmi les plus importantes. C’est le cas de la Mairie de Paris, dotée dès 2002 d’un Observatoire de l’égalité femmes-hommes sous l’impulsion d’Anne Hidalgo, alors première adjointe au maire chargée de l’Égalité femmes-hommes au sein d’un exécutif local paritaire. Aussi, la signature de la Charte apparaît pour le chef de cabinet de l’adjointe communiste à l’Égalité femmes-hommes et aux Droits humaine comme un « détail technique » [8]. Ce n’est cependant pas toujours le cas au niveau de l’agglomération, comme en témoigne son usage politique à Asnières : la signature de la Charte constitue une promesse de campagne du candidat de la liste d’Union de la Gauche aux municipales de 2014.
34À cet égard, des élu.e.s et cadres des collectivités interrogé.e.s évoquent une « Charte rose » pour associer sa ratification et une majorité politique socialiste ou divers-gauche, qui se révèle, de fait, prépondérante : 51 % des collectivités signataires présentent une majorité politique socialiste en mars 2016. À cette même date, les collectivités élu.e.s communistes et écologistes constituaient respectivement 12 % et 6 % des signataires. Des scores, là encore, bien supérieurs à leur représentation nationale. Néanmoins, plusieurs dizaines de communes sont gouvernées par la droite parmi les signataires, en dehors du Front national. L’absence d’engagement des édiles frontistes peut être liée à une hostilité conjuguée aux mouvements féministes et de défense des droits de l’homme, telle que l’illustrent la récupération du local et la suppression de subventions à la section d’Hénin-Beaumont de la Ligue des Droits de l’Homme en avril 2014. D’importantes métropoles de droite ou de centre-droit sont signataires de la Charte, à commencer par Bordeaux – dont le maire Alain Juppé, ancien premier ministre, est président de l’association française du CCRE (AFCCRE). C’est aussi le cas de communes franciliennes économiquement dynamiques telles qu’Issy-les-Moulineaux, qui accueillent plusieurs sièges sociaux de multinationales, ou de Suresnes, limitrophe de la Défense. Les discours des élu.e.s y reprennent volontiers les objectifs de modernisation des politiques familiales de l’UE, abordée sous l’angle de l’articulation entre travail et vie familiale en privilégiant l’égalité femmes-hommes (Dauphin, Letablier, 2013). Suresnes fait d’ailleurs partie des premières collectivités signataires de la Charte, sous l’impulsion de l’adjointe à la Solidarité, aux Droits des Femmes et à l’Égalité des chances, de nationalité franco-suédoise, qui préside depuis 2014 la commission Égalité femmes/hommes de l’AFCCRE. Cette dernière s’avère être l’épouse du maire de la commune, également conseiller régional, parmi les premiers soutiens à la candidature d’Alain Juppé aux primaires de la droite et du centre en vue des élections présidentielles de 2017.
35Si les origines transnationales et peu marquées politiquement de la Charte la font apparaître comme un instrument œcuménique, le vote de sa signature s’inscrit dans des rapports de force au sein du conseil des collectivités. Il contribue à l’activation de clivages préexistants, jusqu’au sein des différents camps politiques locaux. Ainsi, l’élue de centre-droit de Suresnes souligne comment, parmi des élu.e.s de sa majorité qu’elle qualifie de « plus conservateurs », la ratification de la Charte était contestée, car susceptible de donner prise à des critiques de l’opposition socialiste :
« Certains de mes collègues élus ne voulaient pas signer la Charte avant d’avoir fait un diagnostic, d’avoir vu ce qui n’allait pas… Ils avaient peur qu’on ne soit pas suffisamment bien et qu’on ne puisse pas tenir les engagements de la Charte… que l’on puisse être critiqué par l’opposition par ce moyen ! C’était politiquement nécessaire de faire le diagnostic avant de signer. Aujourd’hui les villes signent avant le diagnostic, pour ces villes c’est évident parce qu’elles voient que ça marche bien chez nous. » [9]
37Un principe de métarationalité préside aux usages politiques localisés de la Charte, comme pour les pétitions qui n’engagent leurs signataires qu’à la marge : les élu.e.s « agissent en relation avec les anticipations que chacun construit de ce que feront les autres » (Contamin, 2009 : 420). On retrouve une même logique chez le maire socialiste de Quimperlé, seconde ville signataire du Finistère et première d’une intercommunalité de 55 389 habitants en 2015. Il explique dans la presse locale pourquoi le texte n’a pas été ratifié plus tôt :
« Nous voulions réaliser d’abord des choses, pour être légitimes et dignes de le faire. Cette charte est engageante. Le conseil municipal l’a votée à l’unanimité. Pour nous, elle n’est pas un début, mais une étape supplémentaire. » [10]
39De tels propos illustrent un effet d’isomorphisme institutionnel, entendu comme résultat de pressions exercées par des organisations dominantes voyant leur fonctionnement reproduit à des fins de légitimité plutôt que d’efficacité per se (Di Maggio et Powell, 1983), lorsque la promotion de la Charte s’inscrit dans une stratégie de leadership intercommunal. Le maire de Quimperlé promet ainsi de « tout faire pour qu’il y ait 16 signatures de plus dans le pays » [11], visant les 15 autres communes périphériques de l’agglomération. De façon comparable à l’obtention de labels de développement durable, il s’agit pour les élu.e.s de visibiliser nationalement leur rôle dans la conduite de l’action publique locale, que ce soit dans leurs relations avec les représentants d’autres collectivités ou avec l’État (Brenner, 2004). Reste à savoir quelles réalisations concrètes s’attribuer auprès des administré.e.s, dans le cas d’une charte dont la signature est rarement suivie d’effets sur leur quotidien.
4. Une mise en œuvre localisée en points d’interrogation
40Les chemins qui mènent de la signature de la Charte au déploiement d’un plan d’actions prennent souvent la forme d’une impasse, surtout pour les petites communes. Concernant les collectivités les plus engagées dans l’application de la Charte, qui disposent aussi souvent de moyens plus conséquents, on observe une forme de « dépendance au sentier » (Pierson, 2000) : la définition des programmes d’action publique localisés consiste pour l’essentiel en une refonte de dispositifs préexistants de lutte contre les inégalités de genre. Leur mise en œuvre, et plus encore leur évaluation, demeurent néanmoins largement en suspens.
4.1. De la signature au plan d’action : une impasse en l’absence de ressources localisées
41La mesure des effets de la soft law pose d’emblée problème, et ce que l’échelle envisagée soit nationale ou locale (Trubek et Trubek, 2005). C’est le cas des dynamiques engendrées sur les marchés locaux de l’emploi par les initiatives européennes en termes de gender mainstreaming (Perrier, 2014), comme celui des effets de la diffusion de la Charte EEFHVL sur les inégalités de genre dans les collectivités signataires. On peut, toutefois, prendre acte de variations importantes dans la mise en œuvre localisée d’un tel engagement à travers l’analyse des réformes auxquelles la signature de la Charte invite, plutôt qu’elle ne les impose. S’observent alors les difficultés – si ce n’est l’absence d’intérêt – d’une écrasante majorité des représentant.e.s des collectivités signataires à prendre des mesures spécifiques pour mettre en œuvre les dispositions de cet instrument. Tel est le cas en particulier du « Plan d’action pour l’égalité » qui s’inscrit dans des contextes territoriaux très diversifiés. Conformément à la Charte, ce plan doit être adopté dans un délai maximum de deux ans suivant la signature de celle-ci. Préalablement à l’adoption du plan, un diagnostic des politiques et moyens existants en matière de réduction des inégalités de genre est réalisé ; sur cette base, le plan énonce alors des objectifs basés sur des actions thématisées. Un aperçu des données de l’Atlas du CCRE suscite un constat frappant : le nombre de Plans d’action pour l’égalité adoptés par les collectivités signataires de la Charte se révèle extrêmement réduit. En décembre 2017, seules 169 des 1688 collectivités concernées avaient adopté ces documents. Ces derniers s’avèrent d’ailleurs d’autant plus rares et susceptibles de ne jamais voir le jour que la signature de la Charte est ancienne : moins de 8 % des collectivités signataires durant les 3 années suivant son lancement ont fait l’objet d’un tel plan. Ce constat d’inapplication doit néanmoins être nuancé par un examen plus précis à l’échelle européenne, puis en se focalisant sur le cas français.
Collectivités locales signataires de la Charte EEFHVL ayant adopté un plan d’actions pour l’égalité.
The European Charter for Equality of Women and Men in Local Life’s signatory local authorities that adopted an Equity Action Plan in December 2017.
Collectivités locales signataires de la Charte EEFHVL ayant adopté un plan d’actions pour l’égalité.
The European Charter for Equality of Women and Men in Local Life’s signatory local authorities that adopted an Equity Action Plan in December 2017.
42La distribution des plans d’actions peut être mise en valeur en fonction des variables précédemment mobilisées, à savoir le pays d’appartenance des collectivités, leur statut et leur population. Tout d’abord, le taux d’adoption d’un plan pour l’égalité s’avère particulièrement faible en dehors des États membres de l’UE, aussi bien en Norvège et en Suisse qu’en Turquie ou dans les pays d’Europe centrale et orientale. Mais c’est aussi le cas au sein des États membres d’Europe du Sud où les collectivités signataires sont les plus nombreuses. Elle oscille entre 2 % et 3 % en Espagne, en Italie et en Grèce. C’est bien au sein des collectivités des pays méditerranéens – où les politiques de soutien à la parentalité et à l’emploi des femmes restent les moins développées – que la signature de la Charte est le moins souvent suivie de l’adoption de programmes d’actions. Elle y apparaît donc davantage comme un engagement de façade ou, du moins, dépourvu des moyens appropriés pour sa concrétisation. À l’inverse, le taux d’adoption de plans d’actions se révèle conséquent en Suède (19,4 %) – sans parler de l’Allemagne (44,7 %) où le nombre de collectivités signataires est toutefois bien moindre. La France se situe dans une position intermédiaire (11,1 %). Toutefois, étant donné le poids des collectivités françaises parmi l’ensemble des signataires, cette proportion correspond à une part importante (30 sur 269) des collectivités ayant effectivement énoncé des objectifs et programmé des actions en vue de concrétiser leur engagement.
Adoption de plans d’action pour l’égalité par les collectivités signataires de la Charte EEFHVL.
Equality Action Plans adopted by the European Charter for Equality of Women and Men in Local Life’s signatory local authorities.
Statut | ||||
Ensemble des pays | France | |||
Signatures | Plans d’action | Signatures | Plans d’action | |
Régions | 58 | 14 | 16 | 5 |
Départements ou provinces | 91 | 16 | 30 | 5 |
Communes | 1 539 | 139 | 223 | 19 |
Nombre d’habitants | ||||
Ensemble des pays | France | |||
Signatures | Plans d’action | Signatures | Plans d’action | |
< 5 000 | 445 | 3 | 87 | 0 |
5 000-20 000 | 430 | 22 | 45 | 3 |
20 000-100 000 | 476 | 43 | 57 | 4 |
100 000-500 000 | 228 | 69 | 37 | 9 |
> 500 000 | 109 | 32 | 43 | 13 |
Adoption de plans d’action pour l’égalité par les collectivités signataires de la Charte EEFHVL.
Equality Action Plans adopted by the European Charter for Equality of Women and Men in Local Life’s signatory local authorities.
43Une tendance claire se dessine aussi bien à l’échelle européenne que française : on observe une corrélation entre le taux d’adoption d’un plan d’actions et la position des collectivités dans la hiérarchie statutaire. Ce taux est plus important pour les régions (24,1 % dans l’ensemble des États membres du COE et 33,3 % en France) que pour les départements ou provinces (respectivement 17,6 % et 20 %), l’écart avec les communes étant très prononcé (8,2 % et 11,6 %), en particulier pour celles de 20 000 habitants (2,8 % et 3 %). De même pour la population des collectivités signataires : le taux d’adoption de plan d’actions est infime dans les communes de moins de 5000 habitants, alors qu’il atteint un niveau élevé dans les collectivités de plus de 500 000 habitants (29,4 % et 30,2 %). L’adoption du plan, cependant, peut s’avérer tardive, comme à Nice où elle intervient fin 2017, soit plus de quatre ans après la signature de la Charte.
44De telles disparités incitent à laisser de côté l’analyse d’une entreprise de mobilisation transnationale des droits humains à l’aune de sa capacité à faire aboutir des revendications, et à se focaliser plutôt sur ses usages politiques localisés et les ressources mises à profit (Tsuitsui, 2017). L’enquête au sein des collectivités françaises montre à quel point l’élaboration de plans d’actions repose moins sur le volontarisme des élu.e.s et de leurs agents – quelle que soit leur couleur politique – que sur leur capacité à mobiliser des moyens humains et financiers. Il apparaît lors de réunions organisées sous l’égide du CCRE que de nombreuses collectivités signataires – en particulier les plus petites communes – « manquent d’expertise pour dépasser le stade de la signature » (Ceciarini, 2017 : 142). Certes, l’Observatoire de la Charte a pour mission de maintenir le contact avec les signataires en diffusant régulièrement des « bonnes pratiques ». Néanmoins, l’élaboration d’un plan d’actions repose avant tout sur l’existence de ressources internes, ainsi que sur la capacité des édiles à mobiliser de l’expertise. C’est ce qu’exprime l’élue de Suresnes, valorisant des compétences spécifiques au sein de son administration :
« Vous savez, un élu, il peut avoir plein d’idées, mais il faut des gens dans l’administration qui connaissent les bons outils pour faire le job ! À partir de là j’ai employé quelqu’un en temps partiel pour m’aider à penser le diagnostic. De son côté, elle a engagé un stagiaire de Sciences po pour établir concrètement le plan d’actions. Ils ont fait des interviews avec tous les chefs de service de l’administration et ça a donné la version longue distribuée à tous les élus du Conseil municipal […] avec une définition des axes de travail. » [12]
46Certain.e.s élu.e.s s’appuient également sur un dense réseau associatif local, sollicitant l’expertise en fonction d’affinités politiques. La mairie communiste de Malakoff a travaillé en partenariat avec le Centre Hubertine Auclert et des associations locales qu’elle subventionne comme Femmes solidaires. Au sein de la métropole bordelaise, l’élaboration du plan d’actions est présentée comme « le point d’orgue d’un processus initié au sein des services de la ville en septembre 2012 par la mise en place d’un Comité de Pilotage de la Charte […] réuni à plusieurs reprises pour mener un travail synthétique et transversal de recensement des actions déjà réalisées par la Ville […] en vue de poursuivre et renforcer son engagement vers l’égalité » [13]. Moins que l’orientation politique des élu.e.s, ce sont donc les ressources dont ils disposent pour concevoir des programmes de lutte contre les inégalités de genre qui déterminent leur propension à concrétiser leur engagement.
4.2. Le contenu des plans d’action : la dépendance au sentier
47La notion de dépendance au sentier s’est développée en science politique au cours des années 1990 parmi les tenants d’approches néo-institutionnalistes cherchant à rendre compte de la continuité des politiques publiques et soucieux de « remettre l’État au cœur des approches de l’action publique » (Pierson, 2000 ; Palier, 2014). Rarement mobilisé dans l’analyse des politiques locales, un tel concept apparaît toutefois pertinent pour rendre compte de la mise en œuvre localisée de la Charte dans les collectivités ayant adopté un Plan d’actions pour l’égalité, a fortiori dans les collectivités de premier rang, où des dispositifs de lutte contre les inégalités de genre lui préexistent. Leur élaboration repose, en effet, essentiellement sur des réseaux de politiques publiques préconstitués et vient ainsi renforcer les rapports institutionnels entre représentant.e.s des collectivités et des associations partenaires. La concrétisation de l’engagement des collectivités signataires repose alors moins souvent sur de nouvelles orientations politiques que sur une refonte de programmes existants. C’est ce que révèle, au-delà d’une relative diversité, l’analyse qualitative du contenu des 29 plans d’actions des collectivités françaises adoptés fin 2017.
48Conformément aux recommandations du CCRE, le contenu de ces plans procède de l’identification de domaines d’intervention prioritaires « afin de mettre en œuvre la charte progressivement et d’avancer là où cela semble le plus réaliste [14] », pour ne pas dire dans les domaines où des programmes sont déjà déployés. Un dénominateur commun des 29 plans consiste, certes, à déployer une « analyse sexuée » des discriminations à l’échelle de la collectivité, qu’il s’agisse de sa propre organisation, du marché de l’emploi ou de l’espace public. Mais l’élaboration d’un tel diagnostic apparaît plus comme une fin en soi des plans d’actions que comme une base à la définition de leur contenu. En effet, établir la mesure des discriminations existantes constitue souvent le principal enjeu de mobilisation des services des collectivités et des partenaires institutionnels associés à l’élaboration du plan. C’est ce que souligne une cadre de la région Nord-Pas-de-Calais au sujet du partenariat établi en 2010 entre l’INSEE et la collectivité pour un tel diagnostic : interrogée sur l’influence des résultats dégagés sur le contenu du plan et ses objectifs prioritaires, elle affirme que ces derniers tiennent largement à des choix politiques et à la continuité de dispositifs préexistants.
49Même s’ils reprennent dans leur ensemble les grands principes de la Charte, les plans d’actions témoignent d’un degré de sophistication différencié selon leur période d’élaboration et le statut des collectivités. Le premier de ces facteurs est lié à la publication d’un guide consacré à l’élaboration de ces plans par le CCRE en avril 2009, prenant acte des ressources insuffisantes de nombreuses collectivités signataires. Depuis lors, les consignes relatives à la structure des plans sont largement reprises. Le niveau d’effort de présentation et de détail des priorités des collectivités varie donc à la fois dans le temps et selon leur statut. Les régions et métropoles, qui adhèrent à la Charte à la fin des années 2000 – soit après la majorité des départements signataires dont le contenu des plans se révèle sommaire -, déclinent désormais systématiquement leurs grands axes ou objectifs (entre 3 à Bordeaux et 7 Nantes) en missions spécifiques dont le total varie entre 48 et 72 (respectivement à Brest et Nice). Parmi les 3 communes de moins de 20 000 habitants ayant élaboré des plans en décembre 2017, ces derniers se limitent à 2 pages, plus ou moins formalisées, où la présentation des objectifs implique, là encore, des structures existantes. À Cesson-Sévigné, dans l’Ille-et-Vilaine, la prévention et la lutte contre les violences sexistes s’appuient, par exemple, sur la constitution d’un groupe thématique sur les violences conjugales et intrafamiliales au sein du Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance.
50On relève, par ailleurs, différents types de priorités, plus ou moins accentuées selon l’orientation partisane des collectivités. Parmi les objectifs récurrents, on retrouve, d’abord, la lutte contre les discriminations dans les conditions de travail et d’embauche au sein de l’administration territoriale. Il s’agit de faciliter la mixité professionnelle et l’accession des femmes à des métiers très majoritairement masculins, comme l’entretien de la voirie ou le maintien de l’ordre public. Cette préoccupation s’étend parfois aux organisations partenaires et fournisseurs, par l’insertion de clauses spécifiques dans les appels d’offres. La primauté de l’objectif « d’égalité professionnelle dans la gestion des ressources humaines » tel qu’il est formulé à Rouen comme à Brest, montre que l’emploi demeure le domaine d’intervention publique à privilégier localement, quelle que soit la dimension transsectorielle d’un outil comme la Charte.
51D’autres objectifs apparaissent aussi systématiquement, à commencer par l’accès équitable aux équipements culturels et sportifs ou la lutte contre les stéréotypes de genre en milieu scolaire. C’est moins le cas de la lutte contre les violences « liées au genre », pour reprendre la formulation adoptée à Nice, ou, plus explicitement, des violences à l’encontre les femmes, telles qu’elles sont présentées à Lille ou Malakoff. D’autres objectifs se révèlent encore plus clivés selon l’orientation partisane des majorités locales. C’est le cas de l’« action contre la précarité », en bonne place dans les plans des municipalités socialistes et communistes de Brest, Nantes ou Malakoff, contrairement à Bordeaux, Nice ou Suresnes. Il en va de même des actions de « soutien à la parentalité » de ces deux dernières communes, en particulier la proposition d’organiser des groupes de parole intitulés « Je m’investis dans mon rôle de père » par la métropole niçoise, politiquement marquée à droite (Fillod-Chabaud, 2013).
52Enfin, certaines formes de mimétisme caractérisent l’élaboration des plans d’actions de communes politiquement proches des régions ou métropoles qui les incluent, étendant le phénomène de dépendance au sentier à un niveau toujours plus localisé. Mais là, plus encore, les moyens humains, financiers et techniques mis en œuvre contre les inégalités de genre demeurent flous, de même que l’échéancier de leur implémentation.
4.3. La réalisation des objectifs : une évaluation en suspens
53L’enquête menée sur les collectivités signataires de la Charte EEFHVL en France montre que de nombreuses interrogations demeurent sur les conditions d’évaluation de la réalisation des objectifs annoncés par les Plans d’actions pour l’égalité. Et ce, malgré les tentatives menées à l’échelle européenne pour élaborer et diffuser des outils que les collectivités sont supposées s’approprier. Toutefois, en l’absence d’autorité transnationale ou même nationale pour en assurer l’effectivité, l’(auto-)évaluation apparaît moins aux élu.e.s des collectivités signataires comme un impératif catégorique que comme une « résistible obligation » (Duran, 2010).
54Quels que soient le statut et la population des collectivités, ainsi que le marquage politique des objectifs déclinés dans les plans d’actions, l’évaluation de leur réalisation s’inscrit bien dans une approche en termes de gender mainstreaming. En effet, la démarche évaluative lui est inhérente, et ce depuis les premiers programmes définis par l’UE et d’autres organisations internationales associant étroitement « égalité » et « performance » (Daly, 2005). Aussi, l’Observatoire mis en place par le CCRE a publié en 2015, avec le soutien de la Commission européenne et en collaboration avec l’entreprise de conseil ICF international, un guide à destination des collectivités signataires, intitulé « Boîte à outils pour programmer et suivre les politiques et les pratiques » [15]. Ce guide propose une batterie de 76 indicateurs pour évaluer les politiques locales de lutte contre les inégalités de genre sur la base de la consultation des élu.e.s, de leurs agents impliqués et de leurs partenaires étatiques ou associatifs. Ces indicateurs, qui correspondent globalement aux différents articles de la Charte, sont qualifiés de « structurels » dès lors qu’ils visent à prendre en compte « l’existence d’instruments légaux, ainsi que de mécanismes institutionnels et budgétaires nécessaires pour faciliter la réalisation de l’égalité des femmes et des hommes » ; de « processuels » lorsqu’ils mesurent « les efforts déployés sur les plans national et local/régional en vue de la mise en œuvre de dispositions structurelles » ; et enfin « de résultat » pour ce qui est de « la mesure dans laquelle les femmes et les hommes ont bénéficié d’interventions et de programmes d’action ». Ainsi les plans d’action, a fortiori les plus récents d’entre eux, incluent-ils désormais une déclinaison contextualisée de ces indicateurs dont quatre fonctions sont distinguées par le CCRE :
- mesurer la situation actuelle de l’égalité de genre au sein de la collectivité ;
- suivre la mise en œuvre des politiques définies.
56Les résultats du suivi ayant vocation à permettre de :
- fixer des objectifs pour améliorer la situation actuelle ;
- s’assurer de l’intégration de l’égalité de genre dans les politiques mises en œuvre.
58Le déploiement d’un tel dispositif d’évaluation met plus que jamais en demeure les politiques de lutte contre les inégalités femmes-hommes de prouver leur efficacité sociale. C’est ce que dénoncent certains travaux critiques estimant que ces politiques n’auraient pas à être « performantes », l’égalité n’étant plus, dès lors, considérée comme une fin en soi (Sénac, 2015). En pratique, les résultats de l’évaluation – si ce n’est sa mise en œuvre elle-même – se font attendre, y compris dans les premières collectivités signataires. Les autorités concerné.e.s de la Région Midi-Pyrénées, ayant adopté un plan d’actions dès mars 2008, n’ont ainsi procédé qu’à l’évaluation du second, pour la période 2012-2014, faisant appel à un bureau d’études. On ne dispose d’ailleurs que de très rares données publiques sur l’évaluation de la réalisation des objectifs des plans d’actions, que ce soit en France ou à l’échelle européenne. Cela est sans doute moins lié aux éventuelles prises que leur publicisation pourrait offrir à des usages politiques localisés qu’au fait que leur production reste largement en suspens.
5. Conclusion
59Des confins de l’Anatolie à la pointe du Finistère, des régions les plus urbanisées aux communes les plus rurales, les collectivités signataires de la Charte EEFHVL témoignent d’une extrême diversité. Elles disposent aussi et surtout de moyens humains, financiers et techniques profondément inégaux pour appliquer un texte et des préconisations de mise en œuvre localisée tenant peu compte de la variété des rapports sociaux de sexe préexistants, en dépit d’affirmations de principe. Au sein des collectivités signataires, les actions et modalités d’évaluation prévues constituent autant d’arrangements localisés avec le contenu normatif de la Charte, variant selon les ressources et représentations de leurs territoires des élu.e.s et militant.e.s. Sa portée réformatrice – localisée – apparaît finalement limitée au regard de l’ampleur – européenne – de sa diffusion. On peut se demander si le recours à un tel instrument de soft law ne participe pas à la reproduction des inégalités territoriales de genre, dès lors que les collectivités signataires élaborant et menant effectivement des programmes destinés à leur appréhension et à leur réduction sont souvent les mieux dotées et, préalablement, les plus actives en la matière. Au demeurant, il convient d’approfondir l’analyse de l’impact d’une telle charte sur les rapports sociaux de genre. Selon certaines études, ce type d’instrument renforcerait la conscience des droits humains (human rights consciousness) au niveau local, la promotion de ces droits par des figures d’autorité familières facilitant l’adhésion aux valeurs qu’ils portent (Merry, 2006). Le risque, cependant, est que ces instruments ne constituent qu’un discours coupé des réalités, un moyen pour les élu.e.s d’améliorer leur image à travers une forme de genderwashing. C’est particulièrement le cas au sein des collectivités où les ressources à même d’assurer la tenue d’engagements politiques sont limitées, comme au sein des petites communes étudiées, mais aussi dans des collectivités plus importantes où l’égalité femmes-hommes se révèle une priorité politique très épisodique. Des investigations plus développées permettraient à cet égard de mettre plus systématiquement à jour les facteurs discriminants de l’implication des collectivités et de leurs élu.e.s, et partant, de la reproduction des inégalités territoriales de genre.
60Par ailleurs, nombreuses sont les interventions militantes et académiques qui mettent en avant l’intersectionnalité des rapports de domination fondés sur le genre et sur la classe ou la « race » (Crenshaw, 1989). L’instrumentalisation localisée de la défense des droits des femmes dans le cadre de politiques migratoires à travers des phénomènes d’altérisation de groupes assignés à différentes origines ou statuts nationaux pose cette question avec force (Frigoli et Manier, 2013 ; Haapajärvi, 2018). C’est ce qu’ont révélé les débats publics et jurisprudentiels relatifs aux arrêtés municipaux dits « anti-burkini » de l’été 2016 pris notamment par la ville de Nice, signataire de la Charte EEFHVL. Plus encore que ces arrêtés, un tel instrument de soft law, dont les usages n’impliquent ni obligation de moyens, ni de résultat, participe à ce que le politiste Murray Edelman désignait comme la « construction des gestes comme solution », c’est-à-dire « le fait d’accomplir des actes qui promettent plus qu’ils ne font » (Edelman, 1964).
61En définitive, ce n’est sans doute pas dans les applications localisées de la Charte qu’il s’agit de rechercher l’impact de sa diffusion, ni même dans la conscience des inégalités de genre ou de la nécessité de lutter contre ces dernières des agents des collectivités et de leurs administrés. Le principal produit de cet instrument de soft law est plutôt le renforcement de la légitimité des objectifs d’égalité femmes-hommes au sein des institutions européennes, et plus largement, de la croyance en la valeur de normes dites « globales » dans le champ politique international. En effet, le ralliement croissant d’acteurs et d’actrices mobilisé.e.s localement pour défendre ces normes produit des « boucles de rétroaction » : les institutions transnationales qui en sont à l’origine proposent de nouvelles réformes et instruments en vue de leur hypothétique application localisée (Tsutsui, 2017). À ce titre, il convient de poursuivre les investigations sur les élu.e.s, militant.e.s et autres expert.e.s qui défendent sur le terrain de leur application localisée la valeur de normes globales à laquelle ils adossent souvent leur légitimité.
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Mots-clés éditeurs : droits humains, collectivités territoriales, transnational, local, Europe, égalité, soft law, genre, action publique
Date de mise en ligne : 05/08/2020
https://doi.org/10.3917/ag.733.0018Notes
-
[1]
V. par ex. la Recommandation CM/Rec (2015) 2 du Comité des Ministres aux États membres sur l’approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes dans le sport.
-
[2]
V. par ex. CEDH, Affaire Abdulaziz, Cabales et Balkandali c. Royaume-Uni, arrêt du 28 mai 1985, Requête n° 9214/80 ; 9473/81.
-
[3]
Étude financée par l’Agence nationale de la recherche (2014-2018), coordonnée par l’UMR 8103, sous la responsabilité de Catherine Le Bris.
-
[4]
CCRE, Gouvernements locaux et régionaux en Europe. Structures et compétences, 2016.
- [5]
-
[6]
Ce récit est mis en forme dans un chapitre d’ouvrage codirigé par l’historienne féministe Joan W. Scott et Bruno Perreau, spécialiste des études de genre : Les défis de la République. Genre, territoires, citoyenneté. Presses de Sciences Po, 2017. Comme Bruno Perreau, Sandra Ceciarini revendique l’influence intellectuelle de Françoise Gaspard, sociologue pionnière des études gaies et lesbiennes en France, mais aussi militante associative et maire, puis député française et européenne socialiste.
-
[7]
http://www.afccre.org/fr/dossiers-thematiques/egalit%C3%A9-femmes-hommes#.WsuPS4huZEZ, consulté le 12 mars 2018.
-
[8]
Entretien avec le chef de cabinet de l’adjointe déléguée à l’Égalité femmes-hommes, à la lutte contre les discriminations et aux Droits humaine 30 octobre 2014.
-
[9]
Entretien avec l’Adjointe au Maire de Suresnes, déléguée à la Solidarité, à l’Égalité des chances et aux Droits des femmes, 3 octobre 2014.
- [10]
-
[11]
Ibidem.
-
[12]
Entretien avec l’Adjointe au Maire de Suresnes, déléguée à la Solidarité, à l’Égalité des chances et aux Droits des femmes, 3 octobre 2014.
-
[13]
Voir le site de la mairie de Bordeaux : http://www.bordeaux.fr/p84977 consulté le 10 mars 2018.
-
[14]
http://www.afccre.org/fr/dossiers-thematiques/egalit%C3%A9-femmes-hommes#.WsuPS4huZEZ, consulté le 12 mars 2018.
-
[15]
http://www.afccre.org/fr/dossiers-thematiques/egalit%C3%A9-femmes-hommes#.WsuPS4huZEZ, consulté le 12 mars 2018.