Notes
-
[1]
LEADER est un acronyme qui signifie Liaisons entre actions de développement de l’économie rurale et désigne depuis 1990 le programme d’intervention de l’Union européenne en faveur des zones rurales. Depuis 2007, le programme LEADER est intégré au second pilier de la politique agricole commune. Il est reconduit selon des modalités revisitées dans le cadre de la programmation 2014-2020.
-
[2]
Le modèle comprend six composantes : endogénéité, innovation, capital social, gouvernance des marchés, nouveaux arrangements institutionnels, durabilité (Horlings, Marsden, 2014).
-
[3]
Commission Européenne, Direction générale de l’agriculture et du développement rural (2006),Guide de base : l’approche LEADER, Fact Sheet, Office des publications officielles des Communautés européennes, 128 p.
-
[4]
La composition de l’assemblée générale des GAL doit respecter une représentation équilibrée des trois secteurs, public, associatif et privé.
-
[5]
Ce partenariat se dote de statuts et d’instances diverses désignées par les membres (comités de pilotage, de sélection, commissions) en charge du fonctionnement de l’action LEADER.
-
[6]
L’Association, à but non lucratif « Zengő-Duna », a été créée le 29 avril 2008 à Pécsvárad. Elle comprend 188 membres (54 organisations civiles, 14 municipalités minoritaires, 60 municipalités communales et 60 entrepreneurs). Son périmètre s’étend sur les 60 communes relevant de deux microrégions statistiques (Mohács et Pécsvárad). Peuplée de plus de 55 000 habitants, la région-LEADER se situe en Transdanubie du Sud, dans la partie sud-ouest du département de Baranya, entre le Danube, la montagne de Mecsek et la frontière croate. Le nom du GAL provient du mont Zengő (point le plus haut du Massif du Mecsek) et du fleuve Danube. Au nord du Massif, le territoire relativement boisé, offre une possibilité de développement de l’activité sylvicole et du tourisme rural. Au sud, se trouve l’ancienne grande coopérative agricole qui tient encore l’essentiel du foncier dans une région qui conserve sa vocation agricole. Les zones de coteaux sont de tradition viticole.
-
[7]
En moyenne, ils sont composés de 90 membres. Il y a une forte corrélation entre le nombre de membres et le nombre de localités incluses. Une localité est représentée par trois personnes. Ces données ont été collectées par Zsuzsanna Kassai dans sa thèse de PHD. Z. Kassai, (2012), Features of the LEADER Programme as Local partnership in Hungary, Szent István University, Gödöllő, 32 p.
-
[8]
Compte tenu du grand nombre de membres siégeant au sein des assemblées générales des GAL, on a choisi d’enquêter un échantillon pour mesurer le niveau d’interconnaissance et de sociabilité au sein du partenariat.
-
[9]
La centralité de degré correspond au nombre de contacts reçus par un individu. Un individu est central s’il est fortement connecté aux autres. Il a été calculé un indice de centralité sommant le nombre de contacts établis à partir de trois questions : quelles sont les personnes avec lesquelles vous souhaiteriez travailler ? Quelles sont les personnes les plus actives ? Qui est la personne la plus respectée ?
-
[10]
Cette élite est identifiée par le sociologue hongrois I. Kovách comme une « classe de projet » (Kovách, 2002). Pour approfondir la question du rôle de l’élite locale dans les groupes d’action locale du programme LEADER en Europe centrale, on peut se reporter à (Lacquement, 2012 ; Chevalier, Maurel, Pola, 2015).
-
[11]
En outre, l’agence de paiement a imposé l’usage d’un logiciel et d’une grille de saisie des données. De ce fait, toutes les stratégies sont construites et présentées de manière identique.
-
[12]
Le lancement des appels à projets et le processus de sélection ont pris du retard en Hongrie. L’appel à projet relevant de l’axe 3 de la PEDR a précédé de plus d’une année celui de l’axe LEADER. Les premiers projets ont été déposés en janvier 2009 mais le processus de sélection a duré de long mois puisque dans ce pays, il est contrôlé directement par l’agence d’État, via ses services déconcentrés dans les régions.
-
[13]
La microrégion de Pécsvárad, au relief plus montagneux pâtit d’une densité de peuplement plus faible et d’un tissu socio-économique plus fragile.
-
[14]
Maurel M-C., Polà, P. (2010), « L’émergence du développement local : le cas de Bóly en Transdanubie méridionale », in Halamaska M., Maurel M.-C. (éd.), Les acteurs locaux à l’épreuve du modèle européen LEADER, Publication du CEFRES, IRWIR PAN, Prague, p.149-184.
-
[15]
Le contrôle politique de la fonction publique par les partis est un trait spécifique du système hongrois. Au bas de la hiérarchie partisane, les notables locaux qui contrôlent la ressource politique de leur électorat rural s’en servent pour asseoir leur influence au niveau départemental (megye), tandis que les notables régionaux jouent un rôle de médiateur entre leur circonscription et l’administration centrale dont les titulaires sont nommés et démis au gré du parti qui gouverne. En Baranya, l’ancrage d’un fort lobby social-démocrate (apparenté au Parti socialiste hongrois, parti MSzP, resté au pouvoir jusqu’en 2010), explique certains jeux de pouvoir aux échelles régionale et locale. L’arrivée d’une jeune génération d’élus locaux appartenant au Fidesz, au lendemain du basculement de majorité gouvernementale, a modifié les rapports de force sur la scène locale.
-
[16]
Ainsi le projet « Notre vie de minorité, hier et aujourd’hui » porté par l’autonomie allemande (souabe) à Mecseknadásd.
-
[17]
À partir de variables numériques et de l’application des algorithmes statistiques, il s’est agi de proposer une répartition des communes en un certain nombre de classes intrinsèquement homogènes et suffisamment distinctes les unes des autres. Pour ce faire, nous avons choisi la méthode de « classification mixte », dont l’objectif est de maximiser les variances interclasses tout en minimisant les variances intra-classes.
Le procédé consiste à :
– premièrement, rechercher les groupements stables issus du croisement de deux partitions obtenues par CCM à partir de centres initiaux aléatoires ;
– ensuite, effectuer une CAH à partir des centres de gravité de ces groupes stables et sélectionner la meilleure coupure de l’arbre ascendant hiérarchique correspondant à un saut important de l’indice de niveau et produisant des classes homogènes et bien séparées ;
– et enfin, à consolider la coupure choisie par une ultime CCM opérée à partir des centres de gravité des classes de la coupure.
Pour chaque classe des typologies réalisées, on peut trier les indicateurs de type continu dans l’ordre de leur importance dans la caractérisation, en calculant la distance entre leur moyenne dans la classe et leur moyenne générale tout en tenant compte de leur variance dans la classe. Pour un indicateur X et une classe k, la quantité Tk (X), dite « valeur-test » permet d’évaluer cette distance en nombre d’écarts-types d’une loi normale :
Tk (X) =
avec :
– = moyenne générale de X
– s²(X) = variance empirique de X
– n = effectif global
– nk = effectif de la classe k
– k = moyenne de X dans la classe k
– sk²(X) = variance de X dans la classe k =
La valeur-test mesure la similarité entre indicateur et classe. Plus la valeur-test est élevée, plus l’indicateur est caractéristique de la classe. Le seuil communément admis est de 2. -
[18]
Expression utilisée lors de l’entretien effectué en septembre 2012.
1 Le capital territorial est un concept emprunté au courant de l’économie territoriale. Il associe trois dimensions du système territorial qui sont constitutives du potentiel de développement socio-économique (les ressources matérielles et immatérielles du territoire, le capital relationnel développé entre les individus impliqués dans les démarches de développement, la gouvernance locale). Ce système organise les processus de coopération et de prise de décision qui accompagnent la conception des stratégies de développement et la mise en œuvre de projets de territoire. Dans ces trois dimensions, le système territorial offre des atouts compétitifs qui favorisent les processus d’innovation par les acteurs socio-économiques à titre individuel ou collectif. Le corpus théorique de l’économie territoriale établit donc le capital territorial comme un facteur de développement qui fonde la compétitivité des territoires locaux (Camagni, 2006, 2009).
2 Pour l’analyse géographique, le recours au concept de capital territorial permet d’examiner l’articulation entre les deux dimensions principales du développement. Dans la recherche des mécanismes de l’innovation socio-économique, ce concept interroge la capacité des sociétés locales à s’organiser en réseaux de coopération (capital relationnel ou capital social) (Boschet, Rambomilaza, 2010 ; Lin, 1995 ; Mercklé, 2004 ; Muller, 2000 ; Ponthieux, 2006) qui conduisent à instituer des systèmes d’action ou d’intervention dans le cadre de territoires de projets (gouvernance locale) (Leloup, Moyart, Pecqueur, 2005 ; Duran, 2001 ; Le Gales, 2010 ; Dubois, 2009). Il interroge également la capacité des sociétés locales à concevoir des stratégies de développement et donc à construire des ressources territoriales (Pecqueur, 2006 ; Gumuchian, Pecqueur, 2007) nouvelles potentiellement valorisables dans un système concurrentiel.
3 L’article propose donc d’examiner les enjeux scientifiques et méthodologiques d’une démarche de transposition conceptuelle de l’économie territoriale à l’analyse géographique. Cet examen s’appuiera sur une étude du programme européen LEADER [1]. Ce programme d’intervention illustre le changement des politiques publiques qui opère une redistribution des prérogatives et des compétences d’aménagement du territoire en faveur des échelons locaux. La démarche LEADER s’inscrit dans une dynamique politique de promotion du développement socio-économique des zones rurales sur la base d’initiatives locales, organisées sous forme de partenariats et encadrées par des procédures de contractualisation avec les échelons supérieurs du système territorial. Le programme LEADER incarne le paradigme du développement local tel qu’il est mis en œuvre par l’Union européenne (Maurel, Chevalier, Lacquement, 2014). En ce sens, il constitue un objet qui interroge les sciences sociales sur la manière d’analyser les formes de l’innovation territoriale (Hillier, 2004 ; Fontan, 2004 ; Dargan, Shucksmith, 2008).
1. Les enjeux de l’analyse du développement territorial en sciences sociales
4 Pour analyser le développement territorial, les sciences sociales ont focalisé le questionnement sur les formes de mobilisation des acteurs sociaux dans les démarches de valorisation des ressources du développement socio-économique. Les travaux de recherche ont trait à trois champs principaux d’investigation complémentaires : l’émergence de formes nouvelles de gestion territoriale désignées par le terme de gouvernance, le mode de formation et de fonctionnement des réseaux d’acteurs impliqués dans la conception et l’application des projets de développement, les mécanismes de construction et de valorisation des ressources.
1.1. Saisir les formes nouvelles de gestion des territoires locaux
5 Le courant de l’économie territoriale a établi la gouvernance comme un principe de gestion territoriale qui soustrait l’action publique au monopole des institutions et de l’administration pour la confier à des groupes d’acteurs d’origines et de compétences diverses (Leloup, Moyart, Pecqueur, 2005). Plusieurs types de gouvernance peuvent être distingués (Roux, Vollet, Pecqueur, 2006). La gouvernance sectorielle décrit un mode d’organisation des acteurs lié à un produit particulier. La gouvernance intersectorielle caractérise les coordinations d’acteurs investis dans des filières économiques différentes, et qui collaborent entre eux pour proposer une offre de site. La gouvernance territoriale désigne un mode de coordination d’acteurs tourné vers la réalisation d’un projet de territoire et combinant de ce fait, une visée, une action et une dynamique de mobilisation. Ces distinctions mettent l’accent sur le rôle décisif des stratégies d’acteurs dans la conduite des actions de développement. En amont du processus global, ce rôle précède et détermine en quelque sorte la valorisation économique des ressources, c’est-à-dire la mobilisation des facteurs de production (capitaux, main-d’œuvre et matières premières) (figure 1).
1.2. Interpréter la formation, la composition et le mode de fonctionnement des réseaux d’acteurs
6 Ce constat conduit les sciences sociales à porter l’effort de recherche sur la formation, la composition et le mode de fonctionnement des réseaux d’acteurs. Les sciences économiques examinent les procédures locales de coordination et d’action collectives et les décomposent en phases de concertation, de négociations et de coopération. Pour qualifier les processus d’organisation et de gestion collective des projets de territoire, l’économie territoriale mobilise deux catégories explicatives : la proximité géographique et la proximité organisée (Torre, Filippi, 2005). La proximité géographique est fonction de la distance qui sépare les acteurs des réseaux de coopération, elle est considérée de manière relative aux temps de transport, ainsi qu’aux représentations des individus. Cette forme de proximité est riche de potentialités en termes d’organisation de la production et d’échanges économiques et sociaux. Elle doit être activée par des processus d’interaction et de synergie entre les acteurs. C’est l’hypothèse de la proximité organisée qui explique que la capacité d’interaction des membres d’un réseau dépend de deux logiques principales : la logique d’appartenance à un groupe ou à une organisation et la logique de similitude des représentations et des valeurs partagées par les acteurs. C’est la proximité organisée qui permet d’activer les effets de la proximité géographique (Bouba-Olga, Carrincazeau, Coris, 2008 ; Torre, 2009) (figure 1). Les formes de mobilisation de la proximité interviennent dans différents dispositifs ou outils de développement rural. Les schémas de cohérence territoriale, les chartes de pays, les stratégies LEADER font l’objet de travaux pour caractériser les formes diverses, abouties ou inachevées, d’articulation des proximités et leur rôle dans les processus d’interaction entre acteurs (Angeon, Bertrand, 2009).
7 L’approche de la dimension relationnelle du développement local cherche à expliquer comment les individus, conscients de leur interdépendance et de leurs divergences d’intérêts, construisent des dispositifs permettant de rendre cohérentes et efficaces leurs actions individuelles. Au sein des réseaux, les acteurs sociaux partagent des représentations, se distribuent des responsabilités ou des rôles, édictent des règles ou des normes permettant de faire circuler l’information, de partager les ressources et de prendre des décisions. Cette coordination se fait au sein d’institutions formelles ou informelles. En mettant l’accent sur le rôle des institutions dans les mécanismes de coordination de l’action collective, l’approche néo-institutionnaliste permet de comprendre que les choix économiques incluent une dimension sociale. L’analyse de la coordination collective reconnaît que les actions des individus sont influencées par les structures sociales dans lesquelles ils évoluent. Elle postule l’encastrement (embeddedment) des transactions économiques dans les relations sociales, mais ne rend pas compte de la production des règles et des normes de comportement des acteurs (Boschet, Rambonilaza, 2010).
8 C’est l’objet de la théorie des systèmes d’acteurs dont s’est saisie la sociologie politique. Pour étudier les systèmes d’action locaux confrontés à la diffusion de nouveaux paradigmes de politique publique, cette discipline décrit les mécanismes d’apprentissage collectif des normes et des règles nouvelles, qui jouent un rôle décisif dans l’institutionnalisation du développement et dans la professionnalisation du pilotage des projets. L’institutionnalisation se lit à travers la création de structures nouvelles de coordination et d’impulsion, de partenariats divers, qui prennent la forme de réseaux, comme par exemple les groupes d’action locale du programme européen LEADER. L’approche sociologique du développement local par l’analyse des réseaux sociaux permet d’identifier les mécanismes par lesquels les ressources sociales (normes et règles de comportement) sont produites, circulent et organisent elles-mêmes la configuration des relations entre les individus. L’intention est de déterminer de quelle manière les phénomènes économiques sont encastrés dans les relations sociales, c’est-à-dire comment les relations économiques entre les individus s’appuient à la fois sur un ensemble préexistant de relations sociales et sur le développement au sein d’une structure, de nouvelles relations interpersonnelles (Granovetter, 1985). Le postulat de la sociologie structurale considère que certains individus tirent avantage de leurs relations sociales en fonction de la position qu’ils occupent au sein de la structure et des liens qu’ils ont avec les autres (Burt, 1992). C’est pourquoi, le fonctionnement des réseaux sociaux n’est pas envisagé à partir de la somme des relations qui s’établissent entre les individus, mais à partir de la nature de ces relations qui peuvent être plus ou moins denses, plus ou moins équivalentes, plus ou moins connexes, c’est-à-dire interdépendantes (Forsé, 2008). Au sein du réseau, les interactions forment une matrice de ressources sociales dont la circulation facilite la réalisation des projets (Lin, 1995). Le bénéfice de ces ressources accroît le capital social propre à chaque individu, crée une valeur ajoutée qui s’applique à leur capacité d’action (Lin, 1995) (figure 2).
9 Des chercheurs en sciences sociales ont proposé d’appliquer le concept de capital social à la lecture des formes sociales organisées afin de mesurer leur incidence sur le développement territorial (Loudiyi, Angeon, Lardon, 2008). L’hypothèse selon laquelle les liens imbriqués dans la structure sociale permettent aux individus d’accéder à des ressources diverses, prend en considération les propriétés du lien social (nature, qualité, densité des relations). Elle interroge le rôle de la structure des liens dans le renforcement des logiques d’action collectives en faveur du développement territorial (collecte et circulation de l’information, identification des ressources, conception des stratégies et des projets). L’approche géographique propose un cadre conceptuel et méthodologique pour saisir les configurations spatiales dans leurs interactions avec le capital social. La démarche propose de territorialiser le capital social, en identifiant les acteurs impliqués (habitants, groupe productif, groupe institutionnel), puis en qualifiant les liens établis entre eux selon la nature des relations interpersonnelles (bonding « vivre ensemble », linking « produire ensemble », bridging « organiser ensemble », pour reprendre la terminologie de Robert D. Putnam (Putnam, 1993)).
1.3. Comprendre les mécanismes de construction et de valorisation des ressources locales
10 Les ressources et leur mode de valorisation constituent le troisième champ d’investigation pour appréhender le développement local. Couplé à l’analyse des réseaux, il autorise une approche cognitive du capital territorial. L’idée suppose que le territoire renferme des potentiels de développement qu’une intention sociale peut, après les avoir identifiés, mobiliser et transformer en actifs marchands ou en sources de valeur économique (Gumuchian, Pecqueur, 2007). La fabrication de ressources procède de démarches individuelles ou collectives qui consistent à inventorier les objets ou les attributs du territoire local, qu’ils soient de nature matérielle ou immatérielle, dans le but de créer de l’activité économique et de l’emploi.
11 L'économie de la proximité postule que les ressources du développement procèdent d’un processus social de construction qui se fonde sur une stratégie d’adaptation de l’économie locale aux contraintes de l’économie globale. Elle distingue les ressources génériques des ressources spécifiques. Les premières ont pour caractère d’être transférables car leur construction n’est pas liée à une contrainte de localisation géographique. Les secondes sont au contraire localisées et résultent d’un processus d’identification et de valorisation qui fait de la contrainte de localisation un avantage comparatif qui accroît la compétitivité des productions locales et contribue à l’intégration de l’économie locale dans l’économie globale (Peyrache-Gadeau, Pecqueur, 2004). La grille de lecture établie à partir des paradigmes de l’économie de la proximité permet d’interpréter la nature des ressources mobilisées, mais également leur mode de valorisation que le corpus théorique désigne par le terme de trajectoire. Leur mode de valorisation permet de distinguer des trajectoires de banalisation et des trajectoires de spécification, seules en mesure de contribuer à une meilleure intégration de l’économie locale dans l’économie globale (Peyrache-Gadeau, Pecqueur, 2004) (figure 3).
12 L'économie territoriale privilégie une approche constructiviste de la ressource qui insiste sur le fait que celle-ci est la résultante d’un processus évolutif et dépendant des pratiques d’acteurs (Kebir, Crevoisier 2004). L’analyse de ce processus exige de qualifier l’inscription territoriale de la ressource (Crevoisier, 2010), selon l’hypothèse que cette dernière est en interaction avec l’espace dans lequel elle se développe. Ce processus se décompose en séquences : le territoire constitue la matrice de l’interaction ; vient ensuite l’empreinte sur le territoire laissée par les premières formes de valorisation de la ressource. La thèse postule que les processus économiques sont liés aux héritages du passé, aux itinéraires suivis (path dependence) et aux capacités présentes des acteurs à se projeter dans le futur (Kebir, Crevoisier, 2004) (figure 3).
2. Des concepts intégrateurs pour penser l’articulation des différentes dimensions du développement territorial
13 Pour tenter de saisir l’articulation des différentes dimensions identifiées au sein des processus de développement territorial, la démarche de recherche s’est concentrée sur le repérage de concepts intégrateurs dans la littérature.
2.1. Le milieu innovateur
14 L’idée d’inscription territoriale de la ressource procède des travaux qui définissent le milieu innovateur comme un ensemble territorialisé régi par des normes, des règles, des valeurs qui sont autant de modalités guidant le comportement des acteurs et les relations qu’ils entretiennent (Fontan et al., 2004 ; Camagni, Maillat, 2006, Crevoisier, 2006). C’est Philippe Aydalot qui a initié cette réflexion en lien étroit avec celle du développement endogène, considéré comme le résultat abouti d’une société locale innovatrice (Aydalot, 1985). Les sciences sociales convergent vers l’idée que l’innovation est un construit social reposant sur des processus et des interactions sociales et territoriales qui interviennent à tous les niveaux. Elles donnent un statut spatialisé au processus de l’innovation en défendant l’hypothèse que l’innovation est conditionnée par un contexte social et qu’elle procède de systèmes appartenant à des espaces géographiques allant de l’espace mondial à l’espace local (Pecqueur, 2006).
15 À l’échelle locale, le milieu innovateur développe de manière autonome des ressources spécifiques et différenciées, et se montre capable de formuler des projets permettant l’adaptation et le renouvellement des systèmes de productions localisés (Kébir, Maillat, 2004). Il se compose de trois groupes d’éléments (un ensemble géographique, un collectif d’acteurs, des éléments matériels, immatériels et institutionnels) et est animé par deux logiques (une logique de mise en réseau et une logique d’apprentissage). Le milieu innovateur se présente comme un concept intégrateur, un outil de compréhension des transformations économiques en cours. Il articule les trois dimensions de la question du développement territorialisé (Crevoisier, 2001) : la dimension territoriale qui intègre les questions de distances et de proximité, mais aussi de concurrence et de complémentarité ; la dimension organisationnelle, qui renvoie à la question des modes de coordination de l’action de développement par les acteurs (réseaux, valeurs, règles) ; la dimension technico-économique qui concerne les savoir-faire et l’innovation technologique (Kébir, Maillat, 2004 ; Camagni, Maillat, Matteaccioli, 2004).
2.2. Rural web ou réseau rural
16 Le questionnement sur l’innovation intéresse en particulier les territoires ruraux. Les interrogations se focalisent sur les alternatives au modèle dominant du productivisme agricole dont les conséquences jugées négatives au regard du paradigme du développement durable, se mesurent à la contraction de la rente agricole, à la concentration structurelle des exploitations et à la dégradation de l’environnement naturel (Horlings, Marsden, 2014).
17 L’hypothèse analytique fait du potentiel endogène la source de l’innovation et a pu être conceptualisée de plusieurs manières, mais le lien avec le capital territorial n’est devenu explicite que récemment. T. Marsden propose de recourir au concept intégrateur de rural web et de lire les trajectoires de développement rural, les types d’adaptation et d’intégration des économies rurales dans le système de l’économie mondialisée, selon les formes variables d’articulation des différentes composantes de ce modèle (Horlings, Marsden, 2014) [2].
18 Cette grille permet aux auteurs de caractériser les stratégies de développement territorial des régions rurales en Europe. La typologie rend compte des formes nouvelles d’adaptation et d’intégration au marché des économies rurales. Elle se saisit en outre du concept de capital territorial pour souligner les dynamiques en cours d’affirmation des formes endogènes de développement. Ces dernières associent en particulier la formation de nouveaux réseaux de coopération, la commercialisation de nouveaux biens et de nouveaux services, mais aussi la valorisation de ressources spécifiques liées à l’identité locale. En ce sens, cette lecture intègre la dimension culturelle au potentiel de développement territorial. Elle confère aux récits de l’histoire des lieux et aux symboles qui les mythifient, une double fonction de cohésion interne de la société locale autour du projet et d’identification externe de ce projet par la société globale. La mobilisation de l’identité territoriale pour le développement rural se concrétise par exemple dans la création de marques régionales (Horlings, Marsden, 2014).
2.3. Le capital territorial
19 La double approche institutionnelle et cognitive de l’inscription territoriale du développement économique conduit à préciser la définition du capital territorial. R. Camagni voit ce dernier comme un système à plusieurs dimensions constitutives du potentiel de développement (Camagni, 2006). Ce potentiel s’appuie tout d’abord sur un système d’externalités localisées qui positionnent l’économie locale sur les marchés en termes d’avantages financiers et technologiques. Associé à un système d’activités de production, il forme la dimension économique du système territorial. La seconde dimension se construit sur un système de relations de proximité qui composent le capital social. Les relations entre les agents développent des représentations et des pratiques qui se réfèrent à un système de valeurs partagées au fondement des identités locales. Enfin, le système territorial fonctionne selon un système de règles et de normes qui, à la faveur de structures partenariales et de réseaux de coopération, définissent un modèle de gouvernance locale. Au final, ces trois dimensions systémiques principales produisent un ensemble ou un jeu d’actifs localisés qui composent le potentiel de compétitivité économique d’un territoire donné (Camagni, 2013).
20 La démarche de conceptualisation considère la nature des actifs localisés selon leur degré de matérialité et d’innovation et les distribue sur une matrice qui mesure le potentiel de compétitivité. La matrice distingue des formes traditionnelles et des formes innovantes de valorisation du capital territorial. Ces dernières expriment la capacité de sociétés locales à traduire la proximité géographique et relationnelle en réseau de coopération et d’action et à se saisir des éléments immatériels du territoire pour construire et valoriser des ressources spécifiques (Camagni, 2013). De quelle manière peut-on penser la transposition de ce concept intégrateur à l’analyse géographique du programme européen LEADER ?
3. Transcrire le concept de capital territorial à l’analyse géographique : une application à l’étude du programme européen LEADER
21 Le modèle européen LEADER se saisit du concept de capital territorial à des fins opérationnelles (voir encadré). Cette démarche a instauré en Europe de nouveaux dispositifs d’action publique. Ceux-ci s’organisent désormais selon une conception du territoire accordant plus de place à la répartition des responsabilités entre les acteurs institutionnels et la société civile, à la mise en œuvre de nouveaux modes de gestion territoriale et à la négociation entre les acteurs situés aux diverses échelles de gouvernance infra et supranationale. Cette démarche, fondée sur une logique ascendante de l’action publique locale (bottom-up) [3], participe de cette dynamique qui consiste à promouvoir le développement socio-économique des zones rurales par le « bas », c’est-à-dire porté par des initiatives locales fondées sur des partenariats entre acteurs et encadrées par des procédures de contractualisation avec les différents échelons du système territorial. Approche intégrée du développement sur une base territoriale, elle consiste à orienter les efforts et les investissements vers des projets conçus à l’échelle de communautés rurales dans le but de renforcer la capacité d’initiative des acteurs locaux. Elle participe de l’émergence d’un nouveau mode de gouvernance territoriale, qui tend à vouloir renforcer la démocratie locale et participative, élément clé du concept de capital territorial.
22 En Hongrie, la mise en œuvre du LEADER, et son interprétation par l’État, prend place dans le contexte spécifique d’une société rurale qui a renoué avec la démocratie et l’autonomie locale au lendemain du changement de régime du début des années 1990 (Maurel, Pola, 2007). Mais il s’inscrit surtout dans un contexte général de désengagement des habitants de la sphère publique et associative et d’un renforcement du pouvoir de l’État (Furmankiewicz, Thompson, Zielińska, 2010 ; Kovács, 2002). Cette situation est-elle à même de promouvoir les principes de bases de l’économie territoriale par l’activation du capital territorial ? Nous faisons ici l’hypothèse que non, la mise en œuvre du modèle LEADER s’apparentant à une subversion du programme européen qui semble mettre en cause, à toutes les échelles, les principes de l’économie territoriale présentés dans la première partie. Notre démonstration s’appuiera sur l’analyse de la mobilisation et l’activation du capital territorial à travers la création du réseau d’acteur local, l’analyse des stratégies de développement et le mode de coordination de l’action collective.
23 À partir d’une étude monographique située en Transdanubie méridionale, qui a fait l’objet d’enquêtes répétées au cours des années 2000-2014, l’enjeu méthodologique est de mesurer les formes d’activation du capital territorial, c’est-à-dire de mesurer l’articulation entre les réseaux de coopération et leurs capacités à construire des ressources territoriales pour le développement local.
. Le capital territorial : un concept opérationnel de la démarche LEADER
Le capital territorial représente l’ensemble des éléments dont dispose le territoire sur le plan à la fois matériel et immatériel, et qui peuvent constituer, sur certains aspects, des atouts, et pour d’autres des contraintes.
Le capital d’un territoire rural est complexe. Huit composantes sont proposées :
– Les ressources physiques et leur gestion
– La culture et l’identité du territoire
– Les ressources humaines
– Les savoir-faire implicites/explicites et les compétences
– La gouvernance du territoire (les institutions et administrations locales, les règles du jeu politiques, les acteurs collectifs) et les ressources financières
– Les activités et les entreprises
– L’image et la perception du territoire
– Les marchés et les relations externes
2. La démarche LEADER suppose un projet de territoire. Le projet est pensé au croisement d’une double logique d’interface, temporelle et géographique
– Le capital territorial est évalué en fonction de l’histoire du territoire. Le capital présent permet de repérer des éléments du passé sur lesquels appuyer une stratégie de développement. Dans le même temps, le capital du territoire dépend de l’idée que l’on se fait de son avenir, des éléments du potentiel territorial que la démarche collective souhaite prioriser.
– Le capital territorial se situe en parallèle à l’interface du local et du global. Les potentialités de l’intérieur du territoire sont à considérer en fonction des liens avec l’extérieur, les marchés, les clientèles, les ressources.
3. La démarche LEADER implique l’activation du capital territorial. La démarche est ascendante et propose une forme innovante de gouvernance :
– instituer un Groupe d’Action Locale et établir des règles internes de coordination
– rédiger un diagnostic de territoire et concevoir une stratégie de développement
– identifier des ressources territoriales spécifiques
– sélectionner et financer des actions de développement
D’après Observatoire européen LEADER, La compétitivité territoriale, construire une stratégie de développement territorial à la lumière de l’expérience LEADER, Innovation en milieu rural, Cahiers de l’innovation n° 6, fascicule 1, décembre 1999, 43 p.
http://ec.europa.eu/agriculture/rur/leader2/rural-fr/biblio/compet/competitivite.pdf.
3.1. Étudier la mobilisation du capital social à travers la création des groupes d’action locale
24 On commence par étudier la structure et le fonctionnement des réseaux de coopération institués par le programme européen : les groupes d’action locale ou GAL. Les GAL forment une institution formelle d’apprentissage de la démarche LEADER. Ils s’organisent dans des partenariats qui réunissent des acteurs publics et privés et qui ont en charge la coordination de l’action de développement à l’échelle locale. Le fonctionnement des GAL dépend de leur composition et des relations qui se nouent entre leurs membres. En ce sens, les GAL sont tributaires de leur capital social dont les formes de mobilisation déterminent la capacité d’action et d’intervention sur l’aménagement et le développement du territoire local (Halamska, Maurel, 2010).
25 Comme ailleurs en Europe, la constitution d’un GAL en Hongrie est contrainte par des règles de composition [4] et d’organisation que les acteurs sont tenus de respecter pour pouvoir répondre aux appels d’offres de l’axe LEADER. Composée des représentants des trois secteurs, l’assemblée générale est l’expression formalisée du dispositif de coordination des partenaires, en même temps que le cadre de leur interaction [5]. Le partenariat se forme sur la base du lien d’adhésion volontaire des membres, en vue de se doter d’une capacité d’action. Il importe de comprendre comment se constitue le système d’acteurs, sur la base de quels types de liens il se forme et si de cette structure relationnelle peut émerger un intérêt collectif d’une autre nature que la somme des intérêts individuels.
26 L’application du principe de subsidiarité s’est traduite dans ce pays de l’Union européenne par l’élaboration d’un dispositif prescriptif qui s’est imposé à la délimitation du périmètre de la région-LEADER, à la constitution du GAL ainsi qu’à la méthodologie de rédaction des stratégies de développement. C’est une agence d’État (MVH : Mezőgazdasági és Vidékfejlesztési Hivatal) qui a joué le rôle d’unique opérateur du programme, fixant les conditions d’éligibilité des groupes d’action locale (composition du partenariat) et encadrant les procédures d’évaluation et de sélection de leurs projets (logiciel de saisie préfigurée). L’Agence a également prescrit l’organisation du maillage des régions-LEADER sur la base des microrégions statistiques (niveau NUTS 4/LAU 1 de la nomenclature européenne), découpage issu de la prospective territoriale et conçu pour mettre en œuvre les politiques publiques par l’intermédiaire de bureaux de développement local (HVI : Helyi Vidékfejlesztési Iroda). Le programme LEADER est donc ici appliqué sous contrôle. Le dispositif d’ensemble, centralisé par l’État, prive l’approche LEADER de son caractère de démarche ascendante (bottom-up) et la transforme en un instrument de planification du développement rural répondant aux vues du pouvoir central. La déformation de l’approche LEADER n’est pas sans conséquence sur les formes de l’action locale.
27 L’étude monographique se focalise sur un GAL situé en Transdanubie méridionale. Le processus de formation du groupe d’action locale Zengő-Duna [6] a été analysé à partir des entretiens réalisés avec les principaux responsables (présidents de microrégions, manager, maires) ainsi qu’avec un échantillon de membres. Ici, le partenariat est formé de 60 représentants des collectivités locales (en général les maires), de 87 partenaires du secteur associatif et de 68 personnes issues du secteur économique, soit au total de 215 membres. Les partenariats hongrois se caractérisent par un nombre élevé de membres siégeant dans l’assemblée générale qui remplit aussi le rôle de conseil d’administration [7]. Le règlement national imposant la représentation de toutes les collectivités participantes, le nombre des membres de l’assemblée est directement fonction du nombre de collectivités locales participant au GAL. Cet effet de taille a son importance en termes de capacité d’action des groupes associatifs pour réaliser des buts communs.
28 Au sein de ce GAL, un bon nombre de représentants du secteur privé (38) et du secteur associatif (13) sont également des élus locaux (souvent des conseillers municipaux). La composition respectant le principe de représentation des trois secteurs devient une façade qui masque la prépondérance de fait des acteurs publics du pouvoir local (111 élus locaux). Le respect des règles n’exclut pas de recourir à de petits arrangements permettant de concilier celles-ci avec la réalité des rapports sociaux tels qu’ils se tissent à cette échelle de la vie locale. De fait, la représentation de chaque commune au sein de l’instance de décision institutionnalise une forme de « municipalisation » du programme LEADER, les membres fondateurs du partenariat sont les collectivités locales.
29 La capacité du système d’action local à impulser le développement dépend des formes de coopération entre acteurs publics, associatifs et privés. Cette capacité d’action ne se décrète pas mais se construit à travers la qualité et l’intensité des liens qu’entretiennent les acteurs. Les données recueillies auprès des acteurs enquêtés permettent de cerner l’intensité et la nature des interactions entre les membres (relations d’interconnaissance, liens d’affinité ou de rejet, prestige et notoriété) [8]. Le graphe réalisé à partir des matrices de relations, visualise la position de chacun des acteurs par rapport à tous les autres et les scores individuels de centralité donnent un indicateur relativement simple à interpréter. La centralité de degré qui se mesure au nombre de contacts d’un individu sert à identifier les acteurs dits « centraux », c’est-à-dire les plus importants du système, ceux qui disposent d’une notoriété [9]. Un individu a d’autant plus de prestige qu’il est cité par d’autres individus (pourvus eux-mêmes d’une notoriété). Dans une situation d’échange ou de négociation, il occupe une position dominante. La représentation des liens interindividuels sous la forme d’un graphe, a été complétée par une cartographie positionnant les individus, dotés de leurs scores individuels de centralité, dans la commune où ils résident. Ainsi, dispose-t-on d’une projection des relations entre les membres qui restitue la dimension territoriale de la configuration du réseau des acteurs sociaux (Chevalier, 2012 ; Lacquement, 2012).
30 Dans le GAL de Zengő-Duna, la structure des relations entre les acteurs de l’assemblée générale témoigne d’un faible niveau d’intégration du réseau. En position d’acteurs périphériques, plus des deux tiers des individus ne sont jamais cités par les autres membres. La cohésion du groupe d’action ne repose que sur quelques individus. Comme le montre l’indice de centralité (figure 4), le réseau d’acteurs est fortement dominé par la figure du maire de Bóly (n° 22 076), président du GAL, qui est la personnalité politique la plus connue, jouissant de l’estime et du respect de la majorité des membres. Cet édile, régulièrement réélu depuis 1991, a acquis une stature de notable. L’autre leader politique connu est le député maire de Mecseknádasd (n° 22 049). Si ce dernier a joué un rôle déterminant dans le regroupement des deux microrégions, son engagement au sein du réseau et dans le fonctionnement du GAL semble à présent plus limité. La prise en compte de l’indice de centralité confirme la configuration d’un réseau largement dominé par une élite locale (Vitale, 2013), comprenant quelques élus locaux et la manager (n° 22 029) [10]. Cette dernière concentre plus de la moitié des intentions de coopération. Celles-ci émanent des élus locaux avec lesquels elle travaille en étroite collaboration. Par sa connaissance des procédures administratives complexes du programme LEADER, elle s’est taillée une place privilégiée au sein du réseau en se rendant indispensable. Tous ceux qui souhaitent monter un projet doivent passer par elle pour avoir quelque chance d’aboutir. La cohésion du réseau repose presque exclusivement sur le prestige et la notoriété du président du GAL, l’engagement actif de la manager et l’influence de quelques personnalités locales, bien ancrées dans le tissu relationnel de proximité. Ces acteurs centraux exercent leur capacité à rassembler et à mobiliser les partenaires en vue de la réalisation de projets. La structure du conseil d’administration, construite selon des règles formelles, rend la présence de nombreux autres acteurs, fortuite. Ces acteurs périphériques ne s’impliquent d’ailleurs pas fortement.
L’indice de centralité dans le GAL de Zengő-Duna
Centrality measures in the LAG of Zengő-Duna
L’indice de centralité dans le GAL de Zengő-Duna
Ce graphe a été élaboré à partir de la somme des réponses aux questions suivantes : « Avec quelles personnes souhaiteriez-vous travailler ? » ; « quelle est la personne que vous connaissez le mieux ? » ; « Quelles personnes estimez-vous le plus ? »Centrality measures in the LAG of Zengő-Duna
31 L’étude de cas met concrètement au jour la dimension relationnelle de la démarche de développement et la méthode d’analyse permet de caractériser la configuration du capital social. De quelle manière ce dernier intervient-il dans l’activation du capital territorial ?
3.2. Analyser la stratégie de développement
32 La composition et le fonctionnement du réseau de coopération interviennent dans l’élaboration de la stratégie de développement et dans la sélection des ressources territoriales. Dans ce paragraphe, nous proposons d’abord de relever les ressources construites par le partenariat à travers une lecture des stratégies de développement local. Puis, nous prendrons appui sur l’analyse des projets réalisés pour caractériser concrètement les ressources réellement activées.
3.2.1. Les ressources identifiées par la stratégie
33 L’analyse de la stratégie de développement rural du GAL de Zengő-Duna, révèle une difficulté de la communauté à penser le développement en fonction de ses propres ressources. Le GAL a une expérience relativement courte du développement local. Néanmoins, le contenu du document stratégique montre qu’il est parvenu à s’approprier la méthode LEADER pour définir les priorités et les mesures d’intervention (tableau n° 1). En effet, la répartition des fonds envisagés dans la stratégie est conforme aux orientations de l’Union européenne qui souhaite soutenir les projets s’appuyant sur des ressources sociales et culturelles « spécifiques » au territoire. Mais l’effort mis à maîtriser la terminologie et la « grammaire » LEADER s’est accompli aux dépens de l’inventivité et de l’originalité de la conception de la stratégie. Le diagnostic dresse l’inventaire des atouts et des faiblesses du potentiel de l’économie locale sans toujours percevoir les relations possibles entre les catégories de ressources.
34 La diversification de l’économie est perçue comme l’un des axes majeurs du développement et passe par l’essor du tourisme, de l’artisanat, la création de micro-entreprises. L’amélioration du cadre de vie qui implique une amélioration des équipements publics et la rénovation du patrimoine bâti constitue l’autre axe majeur, mais se retrouve dans la plupart des stratégies du pays. Plus le niveau de développement des infrastructures héritées du régime antérieur est faible, moins l’accent est mis sur la spécification des ressources. Il peut arriver qu’une ressource soit perçue comme réellement spécifique (le vin de Villany ou le miel de Boly), mais en règle générale, les ressources du milieu naturel telles que la forêt, la qualité des sols, sont appréhendées comme des ressources génériques. Les ressources de type culturel (bâti architectural, traditions et fêtes), bien connues et recensées, sont plus rarement de type spécifique, sauf lorsqu’elles participent exceptionnellement de la construction d’une identité locale ou régionale, ici en lien avec la présence de la minorité allemande dans le Sud de la région. La prise de conscience de l’existence de valeurs historiques (héritages ethniques de la Transdanubie hongroise) est très récente et reste assez superficielle, car la consolidation de l’identité locale a été soumise aux aléas des transferts de population à l’époque contemporaine. Enfin, la stratégie accorde peu d’attention aux ressources sociales (associations, institutions) en tant que telles.
35 Les processus de construction des ressources révèlent des actifs qui peuvent être en proportion variable, génériques ou spécifiques, mais ce sont les processus de valorisation passant par les projets sélectionnés et réalisés qui permettent d’identifier réellement les ressources activées.
Répartition des projets par priorité stratégique dans le GAL de Zengő-Duna (appels d’offre 2009-2013)
Distribution of projects by strategic priority in the LAG of Zengő-Duna (call for proposals 2009-2013)
Priorités de la stratégie | Principales ressources identifiées dans la stratégie |
Nombre
de projets |
Montant
en euros | En % du montant total des financements | En % du budget initialement prévu par la stratégie |
Rénover et aménager les villages et améliorer les conditions pour le maintien de la population locale |
Culturelles/ Environne mentales | 26 | 91 356 | 42 | 14 |
Développement touristique : renforcer le tourisme compétitif et conforme aux traditions ainsi que développer de nouvelles branches économiques |
Culturelles/ sociales | 7 | 11 933 | 5.5 | 29 |
Développement économique : Améliorer la compétitivité de la région à l’aide des politiques visant le renforcement des entreprises et du rôle de l’innovation | Sociales | 4 | 17 360 | 8 | 19.3 |
Renforcement de l’identité et de la solidarité communautaires | Culturelles | 53 | 78 496 | 36 | 7.2 |
Développement des services : Enrichir l’offre et améliorer la qualité des services dans la région | Sociales | 9 | 16 732 | 8,5 | 24 |
Marketing territorial stratégique : exploiter les potentialités de la planification stratégique, du réseautage et de la communication | Sociales | 0 | 0 | 0 | 6.5 |
Total | 99 | 215 877 | 100 | 100 |
3.2.2. L’activation des ressources par les projets
36 L’étape d’élaboration des documents de stratégie apporte peu d’éléments pour apprécier la capacité d’action des membres du partenariat. Dans la plupart des GAL hongrois, les stratégies sont d’une part, très encadrées par la règlementation et d’autre part, du fait du recours à des prestataires de services (bureaux d’études), très peu originales [11]. C’est à partir de l’examen du processus de sélection des projets que l’on peut le mieux appréhender les caractéristiques du nouveau mode d’action publique [12] et d’activation des ressources locales. L’affichage des appels à projets dépend des choix opérés par chaque GAL. Il convient de caractériser les intentions des acteurs décisionnaires qui siègent au sein des organes du GAL, orientent la programmation des appels à projets et participent à leur sélection. L’attribution des financements est-elle fidèle aux objectifs de la stratégie adoptée pour répondre à la programmation LEADER ?
37 Dans le GAL de Zengő-Duna, la répartition des financements est très inégale selon les deux microrégions qui le composent. Pourtant, l’accord informel sur lequel reposait l’association des deux microrégions prévoyait un partage des financements en fonction du nombre d’habitants. Entre 2009 et 2013, 73 projets sur les 99 sélectionnés se situent dans la microrégion de Bóly et seulement 26 dans celle de Pécsvárad (figure 5). Cette répartition atteste d’une dissymétrie entre les deux microrégions qui reflète le déséquilibre démographique et une différence de dynamisme [13]. Mais l’inégale répartition des projets reflète aussi le rapport de forces qui s’est instauré entre les acteurs locaux au sein du partenariat. La commune de Bóly concentre près du tiers des projets de tout le GAL. Au centre du réseau d’acteurs, le maire, principal artisan de la création du partenariat, tire pleinement les bénéfices de son engagement au service de la politique de coopération intercommunale qu’il a impulsée.
38 La répartition des projets est l’expression du mode de fonctionnement clientéliste pratiqué par le leadership politique local. Dans une logique égalitariste, probablement héritée de l’histoire locale, les petites localités reçoivent chacune quelques miettes de financement (en moyenne 1 500 euros par projet), tandis que les communes les plus peuplées, mais surtout celles dont le maire s’est forgé une position privilégiée au sein du dispositif institutionnel, concentrent le plus grand nombre de projets et ceux dont le montant est le plus élevé. Autour de la petite ville de Bóly, les communes les mieux dotées ont développé depuis plus d’une décennie des projets intercommunaux en participant à la plupart des associations lancées par le maire [14]. Grâce à l’instrument LEADER, le maire de Bóly est parvenu à affirmer son leadership sur la constitution d’un territoire de projet élargi au-delà des liens de l’intercommunalité de proximité. L’apprentissage du nouveau modèle d’action publique s’est opéré dans le contexte institutionnel d’un mode de gestion des collectivités locales marqué du sceau du clientélisme fondé sur l’appartenance partisane [15].
Répartition des projets dans le GAL Zengő-Duna (appels d’offre 2009-2013)
Distribution of development projects in the LAG of Zengő-Duna (call for proposals 2009-2013)
39 En parallèle, le processus d’activation des ressources par les projets modifie les orientations de l’action de développement au regard des priorités définies initialement dans la stratégie (tableau 1). Ainsi, l’instrument LEADER tend à suppléer l’action des collectivités locales et de l’État pour financer les indispensables travaux d’équipement rural. Les 26 projets sélectionnés quadruplent quasiment la part du budget prévue au départ pour des travaux d’infrastructures. Il en est de même pour les financements destinés au renforcement de l’identité villageoise et de la solidarité communautaire. Parmi les 53 projets de cette priorité, de nombreux sont portés par les représentants des différentes minorités nationales qui peuplent la région (souabe, croate, tzigane). Organisées en « autonomies locales », elles proposent des actions en faveur de la préservation des traditions culturelles (achat de costumes et instruments musicaux destinés aux groupes folkloriques, organisation de fêtes ou d’expositions) [16]. L’acceptation de l’altérité au sein d’une société multiculturelle justifie les demandes de financement. L’association des autonomies locales au projet de développement favorise la cohésion sociale. Par contre, les autres priorités ont vu le nombre de leurs projets financés se réduire fortement. Au final, peu de réalisations concernent le développement économique proprement dit. Quelques petites entreprises ont bénéficié de soutiens financiers dans le secteur du tourisme rural.
3.3. Mesurer l’activation du capital territorial par le mode de coordination de l’action collective
40 La dimension relationnelle de la démarche de développement a permis de caractériser un capital social fortement polarisé autour de quelques maires et de la manager du GAL (partie 3.1). L’identification des ressources au travers de l’analyse de la stratégie et des projets (partie 3.2) atteste globalement d’une construction et d’une activation de ressources génériques dans le cadre d’opérations de rénovation de village. Néanmoins, un processus de « spécification des ressources », notamment culturelles, à travers la multiplication de projets destinés au renforcement de l’identité villageoise semble être engagé dans le territoire. À ce stade de la recherche, la distribution des projets au sein du GAL paraît globalement conférer aux élus et à la manager un rôle privilégié dans la construction et l’activation des ressources locales, notamment par la conception et le pilotage des actions. Ce groupe, mené par le maire de Boly, semble apparemment le plus actif et souligne bien une certaine municipalisation du programme. À l’inverse, les autres groupes sollicités dans le partenariat (entrepreneurs, responsables associatifs) paraissent beaucoup moins impliqués.
41 Pour dépasser cette première lecture du lien entre la configuration du réseau relationnel et les processus de construction et d’activation des ressources, il est nécessaire de s’intéresser plus finement à l’articulation entre la configuration du capital social et la démarche d’activation des ressources au sein du GAL. De quelle manière le capital social intervient-il dans l’activation du capital territorial, notamment sur le mode de construction et de spécification des ressources. Plus largement, cela pose la question des modes de coordination de l’action collective.
42 L’analyse statistique multivariée [17] permet de croiser plus précisément les différents types d’acteurs impliqués dans la prise en charge des projets, les types de projets et les ressources réellement activées. À partir d’une méthodologie éprouvée par G. Lacquement et J.-C. Raynal (Lacquement, 2008 ; Lacquement, Raynal, 2013), il est possible de proposer une typologie des formes de coordination de l’action locale dans le GAL de Zengő-Duna et de la cartographier (figure 6).
Les formes de coordination de l’action collective dans le GAL de Zengő-Duna
Coordination types of collective action in the LAG of Zengő-Duna
43 L’analyse permet d’identifier cinq formes distinctes de coordination de l’action de développement local. Le premier type, le plus représenté sur le territoire, renvoie à un pilotage essentiellement municipal de l’action locale. L’examen des projets sélectionnés et réalisés indique que les porteurs sont majoritairement des municipalités (92 % des porteurs de projets) tandis que la nature des projets atteste de la priorité donnée aux aménagements publics. Les projets concernent prioritairement la rénovation des villages, et particulièrement la réfection de la voirie et des façades (12 %), des équipements publics (71 %), ou l’aménagement d’aires de jeux pour les enfants (10 %). Exception faite de quatre projets de restauration de « plafonds en caissons » d’Églises réformées du Baranya (uniques en Hongrie), la démarche portée par les élus, et qui sous-tend ces projets, semble indifférente à la volonté de valorisation des ressources spécifiques du territoire. Cette démarche de développement local n’est finalement qu’un prétexte mis en avant pour briguer des moyens financiers destinés à prendre en charge des actions d’aménagement rural, a priori inéligibles dans le cadre de l’axe LEADER. Ici, le leadership politique local s’est emparé d’un modèle de développement dans lequel il voit un instrument de rattrapage des équipements publics et une source de légitimation de son action sans lien quelconque avec la recherche d’une spécification des ressources locales dont il n’a que faire.
44 Le deuxième type renvoie à un pilotage de l’action locale dominé par l’associatif. Cela ne concerne que trois communes du GAL (Maraza, Szajk et Borjas), caractérisées entre autres par la présence d’une forte minorité de population d’origine allemande. Très soudée autour de sa culture, de sa langue et de ses traditions, cette minorité est organisée en associations et bénéficie, à ce titre, d’une large autonomie (conférée par les pouvoir publics) dans la gestion de ses projets. Ces communautés allemandes sont particulièrement engagées dans ce qui est présenté comme un devoir de mémoire. Pour renouer avec les traditions de la vie communautaire souabe d’antan, le calendrier est rythmé par des fêtes folkloriques tout au long de l’année qui nécessitent souvent la confection de costumes traditionnels et l’achat d’instruments de musique. 12 des 13 projets LEADER recensés dans ces communes concernent justement l’équipement des groupes folkloriques souabes qui, en plus des animations dans la région, valorisent leur patrimoine au-delà des frontières du pays, notamment par leur participation à des festivals en Allemagne et en Autriche. Par ses actions, la communauté souabe qui a parfaitement compris l’intérêt du programme LEADER et a su en tirer profit, réaffirme ses traditions culturelles en même temps qu’elle participe au regain de dynamisme économique de la région, notamment par l’organisation de plusieurs festivals de promotion de leurs produits locaux (agricoles, artisanaux, etc.). Ces associations, ancrées historiquement dans le territoire, et qui ont acquis une expérience dans le montage de dossier en participant activement à plusieurs initiatives de développement local (LEADER + 2004-2006, Route des vins, etc.) sont aujourd’hui dirigées par de jeunes générations de souabes, relativement bien formés, et résolument engagées dans une démarche consciente de préservation de leur identité locale.
45 Le troisième type de coordination renvoie à un pilotage purement entrepreneurial de l’action collective. Il concerne le village de Barbarc où tous les projets soutenus par le programme LEADER sont portés par trois entrepreneurs. Ces derniers sont en général très bien formés et sont membres actifs dans l’association du GAL où ils ont participé à la rédaction de la stratégie. Ils y ont certainement perçu un intérêt pour leur entreprise. Ils appartiennent, pour deux d’entre eux, à la minorité allemande. Ces derniers, aidés au début des années 2000 par des investisseurs allemands, choisissent de s’implanter dans la région du Baranya à la recherche d’une main-d’œuvre locale plutôt « bon marché [18] ». La présence d’une minorité souabe sur place confortera leur choix. L’usage de la langue allemande, l’ethos de travail de la minorité allemande sont alors évoqués par les chefs d’entreprise. En outre, ce potentiel de compétences, est valorisé par l’existence d’un capital relationnel avec les maires de la région issus également de la minorité souabe. Engagés dans une démarche volontaire de diversification de l’économie rurale à travers la valorisation des ressources sociales du territoire (savoir-faire et traditions locales), les projets qu’ils portent concernent surtout l’achat de matériel (presse, unité d’embouteillage et de conditionnement de produits agricoles locaux (champignons, noix, huile)). Cette situation semble exceptionnelle dans une région où le monde de l’entreprise est quasiment absent dans le pilotage des projets LEADER. Le montant financier accordé par projet est cependant très faible (1 500 euros en moyenne par projet) et les retombées sur l’emploi restent finalement minimes.
46 Le quatrième type de pilotage est bipartite. L’initiative se partage entre les municipalités (52 % des porteurs de projet) et les associations (48 % des porteurs de projets). Dans des communes marquées par un enclavement relatif, le rôle des maires est décisif dans l’impulsion donnée à la démarche de valorisation des ressources territoriales spécifiques (80 % des projets) qui est ensuite conduite en partie par des structures associatives chargées finalement de missions de développement local. La restauration des églises et du petit patrimoine vernaculaire, la labellisation des productions locales (notamment le miel et le vin), comme l’action culturelle participent finalement à une démarche volontariste de préservation de l’identité locale. Cette priorité, fixée initialement à 25 % du budget total de la stratégie, a finalement consommé plus de 67 % des crédits, la réalité des actions financées étant fortement éloignée de ce qui était prévu dans les documents stratégiques cadres. Alors qu’un petit nombre de projets concerne la protection de l’héritage culturel - trois d’entre eux émanant d’associations paroissiales pour rénover des édifices religieux et huit provenant des communes - notamment celle de Somberek pour le financement de l’exposition annuelle de peintures au musée de la ville, l’immense majorité est le fait d’associations touristiques (offices de tourismes locaux, association des « loueurs de gîtes du Baranya », association équestre, etc.) dont les liens avec les municipalités sont très étroits (plus des trois quarts des responsables associatifs sont également des maires).
47 Le dernier type de pilotage est tripartite (entrepreneurs, associations et municipalités). Il ne concerne que la ville de Boly. Les projets sont variés et s’appuient sur une large palette des ressources locales (environnementales, culturelles, sociales, etc.). La mairie et l’administration portent 45 % des projets, 22 % sont le fait d’entrepreneurs (notamment dans le secteur agricole et touristique) et 33 % d’associations (culturelles essentiellement). Cette action collective semble incarner le mieux les paradigmes du développement endogène et se rapprocher le plus des prescriptions du programme LEADER. L’initiative locale se distingue essentiellement par une force importante de proposition des acteurs impliqués dans le programme dans une commune qui concentre plus du tiers des projets du GAL. Globalement, les acteurs locaux portent des projets dont le contenu exprime une démarche globale de spécification relativement large des ressources, notamment environnementales (mise en valeur paysagère, préservation écologique, etc.), sociale (savoir-faire entrepreneurial et tradition) et culturelle (valorisation du folklore local, de la gastronomie, etc.). Concrètement, les actions couvrent l’ensemble des champs d’intervention de la stratégie de développement du GAL et s’attachent à rénover le patrimoine architectural des villages (15 % des projets), à moderniser les filières de l’économie productive (25 % des projets), à valoriser la culture locale (40 %) et à diversifier l’économie par le tourisme (20 %). Si cette forme de pilotage semble parfaitement s’appuyer sur le potentiel du territoire, elle tend cependant à polariser l’action collective au bénéfice de la seule ville de Boly, dont le maire, président du GAL, président de l’association de la route des vins et chef d’entreprise, au centre du réseau d’acteurs, tire pleinement les bénéfices de son engagement au service de la politique de coopération intercommunale qu’il a lui-même impulsée.
4. Conclusion
48 L’étude monographique du GAL de Zengő-Duna en Hongrie permet de comprendre concrètement la manière dont l’analyse géographique peut se saisir du concept de capital territorial pour interroger les mécanismes de développement des territoires locaux. La démarche consiste à caractériser, puis à mettre en relation les deux principales dimensions du capital territorial, d’une part la capacité des acteurs locaux à s’organiser en réseaux de coopération et à instituer des systèmes d’action, d’autre part leur capacité à concevoir des stratégies de développement et à mettre en œuvre des projets de valorisation des ressources territoriales. A l’articulation de ces deux dimensions peut être identifié et cartographié un mode de coordination de l’action collective de développement du territoire local. Celui-ci illustre la manière dont le capital social intervient dans l’activation des ressources potentielles du développement. En ce sens, il mesure la diversité des formes et des degrés d’innovation territoriale.
49 Le transfert des politiques de développement rural au sein des pays de l’Union européenne conduit à la convergence des pratiques de gestion du développement socio-économique dans les zones rurales. Mais les études de cas et les expériences diverses de mobilisation des acteurs locaux montrent que les apprentissages résultent d’une interprétation des politiques publiques dans le cadre d’un processus territorialisé. Considérée comme une construction sociale et territoriale, l’innovation territoriale est donc sensible aux effets de contextes géographiques qui différencient les formes de mise en réseau et de coordination des acteurs impliqués dans le développement économique et la gestion des territoires.
50 C’est ce que contribue à montrer l’analyse géographique en mobilisant le concept de capital territorial et en caractérisant l’articulation des différentes dimensions du développement territorial. D’un point de vue théorique, la transposition de l’économie à la géographie sert ici la compréhension des dynamiques du système territorial. Le concept de capital territorial contribue à identifier les mécanismes d’interaction entre les éléments qui composent respectivement la structure sociale et la structure spatiale du système territorial. Il réaffirme l’hypothèse disciplinaire que la structure spatiale n’a pas seulement une fonction de support de l’action sociale, mais que la dynamique territoriale est bien le produit d’interactions complexes et différenciées au sein du système. Appliquée à l’étude du programme européen LEADER, la démarche d’analyse revêt une véritable dimension prospective et opérationnelle.
Bibliographie
Références bibliographiques
- Angeon V., Bertrand N. (2009), « Les dispositifs français de développement rural », Géographie, Economie et Société, vol. 11, n° 2, p. 93-114.
- Aydalot P. (1985), Économie régionale et urbaine, Paris, Economica, 487 p.
- Benko G., Lipietz A. (1992), Les régions qui gagnent. Districts et réseaux : les nouveaux paradigmes de la géographie industrielle, PUF, Paris, 424 p.
- Boschet C., Rambomilaza T. (2010), « Les mécanismes de coordination dans les réseaux sociaux, un cadre analytique de la dynamique territoriale », Revue d’économie régionale et urbaine, n° 3, p. 569-593.
- Bouba-Olga O., Carrincazeau C., Coris M. (2008), « La proximité : 15 ans déjà », Revue d’économie régionale et urbaine, n° 3, p. 279-287.
- Burt R.S., 1992, Structural holes : the social structure of competition, Harvard University Press, Cambridge, MA, 324 p.
- Camagni R., Maillat D., Matteaccioli A. (éd.) (2004), Ressources naturelles et culturelles, milieux et développement local, Neuchâtel, EDES, 298 p.
- Camagni R. (2006), « Compétitivité territoriale : la recherche d’avantages absolus », Reflets et perspectives de la vie économique, n° 1, p. 95-115.
- Camagni R., Maillat D. (éd.) (2006), Milieux innovateurs. Théories et politiques, Paris, Economica/Anthropos, 502 p.
- Camagni R. (2009), « Modelling Future of Regional Development and the Concept of Territorial Capital », Conference of Colloquium on Sustainability, Disparities and Polycentricity, Prag, 19 octobre.
- Camagni R. (2013), « Regional Competitiveness and Territorial Capital : A Conceptual Approach and Empirical Evidence from European Union », Regional Studies, vol. 47, n° 9, p. 1383-1402.
- Chevalier P. (éd.) (2012), Le modèle européen LEADER (2007-2013), Logiques d’action et contextes de réception, Revue d’études comparatives Est-Ouest, n° 3, 197 p.
- Chevalier P., maurel M.-C., Pola P. (2015), « Le programme LEADER en Hongrie, un pilotage de l’action publique sous contrôle », Bulletin de la Société de Géographie de Liège (BSGL), n° 64, p. 37-51.
- Courlet C. (2008), L’Économie territoriale, Presses universitaires de Grenoble, coll. « L’économie en plus », Grenoble, 135 p.
- Crevoisier O. (2001), « L’approche par les milieux innovateurs : état des lieux et perspectives », Revue d’économie régionale et urbaine, n° 1, p. 153-165.
- Crevoisier O. (2006), « Économie régionale, économie territoriale : la dynamique des milieux innovateurs », in Mollard A., Sauboua E., Hirczak M. (éd.), Territoires et enjeux du développement régional, Versailles, éd. Quae, p. 61-83.
- Crevoisier O. (2010), « La pertinence de l’approche territoriale », Revue d’économie régionale et urbaine, n° 5, p. 969-985.
- Dargan L., Shucksmith M. (2008), « LEADER and Innovation », Sociologia Ruralis, vol. 38, n° 3, p. 274-291.
- Dubois J. (2009), Les politiques publiques territoriales, la gouvernance multi-niveaux face aux défis de l’aménagement, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 216 p.
- Duran P. (2001), « Action publique, action politique », in Leresche J.-P. (éd.), Gouvernance locale, coopération et légitimité, Paris, Pedone, p. 369-389.
- Fontan J.-M. et al. (2004), « Innovation et société : pour élargir l’analyse des effets territoriaux de l’innovation », Géographie, économie et société, vol. 6, n° 2, p. 115-128.
- Forse M., « Définir et analyser les réseaux sociaux, les enjeux de l’analyse structurale », Informations sociales, Vol. 3, n° 147, 2008, p. 10-19.
- Furmankiewicz M., Thompson N., Zielińska M. (2010), « Area based partnerships in rural Poland : The post accession experience », Journal of Rural Studies, n° 26, pp. 52 – 62.
- Gumuchian H., Pécqueur B. (2007) (éd.), La ressource territoriale, Paris, Economica/Anthropos, 252 p.
- Granovetter M. (1985), « Economic action and social structure : The problem of embededdness », American Journal of Sociology, Vol. 91, n◦3, p. 481-510.
- Halamska M., Maurel M.-C. (2010), Les acteurs locaux à l’épreuve du modèle européen LEADER, Prague, CEFRES/IRWiR Pan, 204 p.
- Horlings L., Marsden T. (2014), « Exploring the New Rural Paradigm in Europe : Eco-economic Strategies as a Counterforce to the Global Competitiveness Agenda », European Urban and Regional Studies, Vol. 2, n° 1, p. 4-20.
- Kebir L., Maillat D. (2004), « Ressources naturelles et culturelles, quels modes d’organisation », in Convergence et disparités régionales au sein de l’espace européen, les politiques régionales à l’épreuve des faits, Bruxelles, 15 p.
- Kebir L., Crevoisier O. (2004), « Dynamique des ressources et milieux innovateurs », in Camagni R., Maillat D., Matteaccioli A. (éd.), Ressources naturelles et culturelles, milieux et développement local, Neuchâtel, EDES, p. 261-290.
- Kovach I. (2002), « Leadership, Local Power and Rural Restructuring in Hungary », Halfacree K., Kovach I., Woodmard R. (éd.), Leadership and Local Power in European Rural Development, Aldershot, Ashgate, p. 91-144.
- Lacquement G. (2008), « Du développement local dans les nouveaux Länder allemands : acteurs et territoires des programmes d’initiative communautaire LEADER + », Revue d’Études Comparatives Est-Ouest, von Hirschhausen B., Lacquement G. (éd.), De la décollectivisation au développement local en Europe centrale et orientale, vol. 38, n° 3, p. 81-112.
- Lacquement G. (2012), « Pratiques de la gouvernance locale en Allemagne orientale : transfert institutionnel, apprentissage social et logiques réticulaires dans le cadre du programme européen LEADER 2007-2013 », Revue d’études comparatives Est-Ouest, Chevalier P. (éd.), Le modèle européen LEADER (2007-2013) : Logiques d’action et contextes de réception, Vol. 43, n° 3, p. 57-89.
- Lacquement G., Raynal J.-C. (2013), « Acteurs et ressources du développement local en Allemagne orientale : le territoire rural au prisme des projets du programme européen LEADER », Annales de Géographie, n° 692, p. 393-421.
- Le Gales P. (2010), « Gouvernance », in Boussaguet L., Jacquot S., Ravinet P. (éd.), Dictionnaire des politiques publiques, Paris, Les Presses de Sciences Po, p. 244-251.
- Leloup F., Moyart L., Pecqueur B. (2005), « La gouvernance territoriale comme nouveau mode de coordination territoriale ? », Géographie, économie et société, vol. 7, n° 4, p. 321-331.
- Lin N. (1995), « Les ressources sociales : une théorie du capital social », Revue française de sociologie, vol. 36, n° 4, p. 685-704.
- Loudiyi Salma, Angeon Valérie, Lardon Sylvie (2008), « Capital social et développement territorial, quel impact spatial des relations sociales ? », in http://eso.cnrs.fr/spip.php?article337.
- Maurel M.-C., Chevalier P., Lacquement G. (2014), Transfert et apprentissage du modèle LEADER en Europe centrale, Coll. Questionner l’Europe, L’Harmattan, Paris, 300 p.
- Merckle P. (2011), Sociologie des réseaux sociaux, Paris, La Découverte, 2004, nouvelle édition, 128 p.
- Mollard A., Sauboua E., Hirczak M. (2006) (éd.), Territoires et enjeux du développement régional, Versailles, éd. Quae, 240 p.
- Muller P. (2000), « L’analyse cognitive des politiques publiques, vers une sociologie politique de l’action publique », Revue française de science politique, n° 50, p. 189-208.
- Pécqueur B. (2006), « Le tournant territorial de l’économie globale », Espaces et Sociétés, vol. 2, n° 124-125, p. 17-32.
- Peyrache-Gadeau V., Pécqueur B. (2004), « Les ressources patrimoniales : une modalité de valorisation par les milieux innovateurs de ressources spécifiques latentes ou existantes », in Camagni R., Maillat D., Matteaccioli A. (éd.), Ressources naturelles et culturelles, milieux et développement local, Neuchâtel, EDES, p. 71-89.
- Ponthieux S. (2006), Le capital social, Paris, Coll. Repères, éd. La Découverte, 128 p.
- Putnam R. D. (1993), Making Democracy Work : Civic Traditions in Modern Italy, Princeton University Press, 280 p.
- Roux E., Vollet D., Pécqueur B. (2006), « Coordination d’acteurs et valorisation des ressources territoriales : le cas de l’Aubrac et des Baronnies, Économie rurale [en ligne], 293, mai-juin 2006, mis en ligne le 5 juin 2008, p. 20-37.
- Teisserenc P. (1994), « Politique de développement local, la mobilisation des acteurs », Sociétés Contemporaines, n° 18-19, p. 187-213.
- Torre A. (2009), « Retour sur la notion de proximité géographique », Géographie, économie et société, vol. 11, n° 1, p. 63-75.
- Torre A., Filippi M. (éd.) (2005), Proximités et changements sociodémographiques dans les mondes ruraux, Paris, INRA éditions, 322 p.
- Vitale T. (2013), « Gouverner la reconversion industrielle dans le Haut-milanais : interrogations sur les processus de représentation et de défense des intérêts territoriaux », Métropoles, n° 12, p. 7-24.
Mots-clés éditeurs : capital territorial, territoires ruraux, développement local, ressources rurales, politiques rurales, programme européen LEADER, gouvernance locale, Hongrie, Europe centrale., action publique
Mise en ligne 04/11/2016
https://doi.org/10.3917/ag.711.0490Notes
-
[1]
LEADER est un acronyme qui signifie Liaisons entre actions de développement de l’économie rurale et désigne depuis 1990 le programme d’intervention de l’Union européenne en faveur des zones rurales. Depuis 2007, le programme LEADER est intégré au second pilier de la politique agricole commune. Il est reconduit selon des modalités revisitées dans le cadre de la programmation 2014-2020.
-
[2]
Le modèle comprend six composantes : endogénéité, innovation, capital social, gouvernance des marchés, nouveaux arrangements institutionnels, durabilité (Horlings, Marsden, 2014).
-
[3]
Commission Européenne, Direction générale de l’agriculture et du développement rural (2006),Guide de base : l’approche LEADER, Fact Sheet, Office des publications officielles des Communautés européennes, 128 p.
-
[4]
La composition de l’assemblée générale des GAL doit respecter une représentation équilibrée des trois secteurs, public, associatif et privé.
-
[5]
Ce partenariat se dote de statuts et d’instances diverses désignées par les membres (comités de pilotage, de sélection, commissions) en charge du fonctionnement de l’action LEADER.
-
[6]
L’Association, à but non lucratif « Zengő-Duna », a été créée le 29 avril 2008 à Pécsvárad. Elle comprend 188 membres (54 organisations civiles, 14 municipalités minoritaires, 60 municipalités communales et 60 entrepreneurs). Son périmètre s’étend sur les 60 communes relevant de deux microrégions statistiques (Mohács et Pécsvárad). Peuplée de plus de 55 000 habitants, la région-LEADER se situe en Transdanubie du Sud, dans la partie sud-ouest du département de Baranya, entre le Danube, la montagne de Mecsek et la frontière croate. Le nom du GAL provient du mont Zengő (point le plus haut du Massif du Mecsek) et du fleuve Danube. Au nord du Massif, le territoire relativement boisé, offre une possibilité de développement de l’activité sylvicole et du tourisme rural. Au sud, se trouve l’ancienne grande coopérative agricole qui tient encore l’essentiel du foncier dans une région qui conserve sa vocation agricole. Les zones de coteaux sont de tradition viticole.
-
[7]
En moyenne, ils sont composés de 90 membres. Il y a une forte corrélation entre le nombre de membres et le nombre de localités incluses. Une localité est représentée par trois personnes. Ces données ont été collectées par Zsuzsanna Kassai dans sa thèse de PHD. Z. Kassai, (2012), Features of the LEADER Programme as Local partnership in Hungary, Szent István University, Gödöllő, 32 p.
-
[8]
Compte tenu du grand nombre de membres siégeant au sein des assemblées générales des GAL, on a choisi d’enquêter un échantillon pour mesurer le niveau d’interconnaissance et de sociabilité au sein du partenariat.
-
[9]
La centralité de degré correspond au nombre de contacts reçus par un individu. Un individu est central s’il est fortement connecté aux autres. Il a été calculé un indice de centralité sommant le nombre de contacts établis à partir de trois questions : quelles sont les personnes avec lesquelles vous souhaiteriez travailler ? Quelles sont les personnes les plus actives ? Qui est la personne la plus respectée ?
-
[10]
Cette élite est identifiée par le sociologue hongrois I. Kovách comme une « classe de projet » (Kovách, 2002). Pour approfondir la question du rôle de l’élite locale dans les groupes d’action locale du programme LEADER en Europe centrale, on peut se reporter à (Lacquement, 2012 ; Chevalier, Maurel, Pola, 2015).
-
[11]
En outre, l’agence de paiement a imposé l’usage d’un logiciel et d’une grille de saisie des données. De ce fait, toutes les stratégies sont construites et présentées de manière identique.
-
[12]
Le lancement des appels à projets et le processus de sélection ont pris du retard en Hongrie. L’appel à projet relevant de l’axe 3 de la PEDR a précédé de plus d’une année celui de l’axe LEADER. Les premiers projets ont été déposés en janvier 2009 mais le processus de sélection a duré de long mois puisque dans ce pays, il est contrôlé directement par l’agence d’État, via ses services déconcentrés dans les régions.
-
[13]
La microrégion de Pécsvárad, au relief plus montagneux pâtit d’une densité de peuplement plus faible et d’un tissu socio-économique plus fragile.
-
[14]
Maurel M-C., Polà, P. (2010), « L’émergence du développement local : le cas de Bóly en Transdanubie méridionale », in Halamaska M., Maurel M.-C. (éd.), Les acteurs locaux à l’épreuve du modèle européen LEADER, Publication du CEFRES, IRWIR PAN, Prague, p.149-184.
-
[15]
Le contrôle politique de la fonction publique par les partis est un trait spécifique du système hongrois. Au bas de la hiérarchie partisane, les notables locaux qui contrôlent la ressource politique de leur électorat rural s’en servent pour asseoir leur influence au niveau départemental (megye), tandis que les notables régionaux jouent un rôle de médiateur entre leur circonscription et l’administration centrale dont les titulaires sont nommés et démis au gré du parti qui gouverne. En Baranya, l’ancrage d’un fort lobby social-démocrate (apparenté au Parti socialiste hongrois, parti MSzP, resté au pouvoir jusqu’en 2010), explique certains jeux de pouvoir aux échelles régionale et locale. L’arrivée d’une jeune génération d’élus locaux appartenant au Fidesz, au lendemain du basculement de majorité gouvernementale, a modifié les rapports de force sur la scène locale.
-
[16]
Ainsi le projet « Notre vie de minorité, hier et aujourd’hui » porté par l’autonomie allemande (souabe) à Mecseknadásd.
-
[17]
À partir de variables numériques et de l’application des algorithmes statistiques, il s’est agi de proposer une répartition des communes en un certain nombre de classes intrinsèquement homogènes et suffisamment distinctes les unes des autres. Pour ce faire, nous avons choisi la méthode de « classification mixte », dont l’objectif est de maximiser les variances interclasses tout en minimisant les variances intra-classes.
Le procédé consiste à :
– premièrement, rechercher les groupements stables issus du croisement de deux partitions obtenues par CCM à partir de centres initiaux aléatoires ;
– ensuite, effectuer une CAH à partir des centres de gravité de ces groupes stables et sélectionner la meilleure coupure de l’arbre ascendant hiérarchique correspondant à un saut important de l’indice de niveau et produisant des classes homogènes et bien séparées ;
– et enfin, à consolider la coupure choisie par une ultime CCM opérée à partir des centres de gravité des classes de la coupure.
Pour chaque classe des typologies réalisées, on peut trier les indicateurs de type continu dans l’ordre de leur importance dans la caractérisation, en calculant la distance entre leur moyenne dans la classe et leur moyenne générale tout en tenant compte de leur variance dans la classe. Pour un indicateur X et une classe k, la quantité Tk (X), dite « valeur-test » permet d’évaluer cette distance en nombre d’écarts-types d’une loi normale :
Tk (X) =
avec :
– = moyenne générale de X
– s²(X) = variance empirique de X
– n = effectif global
– nk = effectif de la classe k
– k = moyenne de X dans la classe k
– sk²(X) = variance de X dans la classe k =
La valeur-test mesure la similarité entre indicateur et classe. Plus la valeur-test est élevée, plus l’indicateur est caractéristique de la classe. Le seuil communément admis est de 2. -
[18]
Expression utilisée lors de l’entretien effectué en septembre 2012.