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Article de revue

Le mythe des premiers réfugiés climatiques : mouvements de populations et changements environnementaux aux îles Torrès (Vanouatou, Mélanésie)

Pages 219 à 241

Notes

  • [1]
    Caldwell Alison, 6 December 2005. Vanuatu village relocated due to rising sea level, The World Today, ABC Online
    Morano Marc, December 2005. Climatologist Rejects « Global Warming » As Cause for Island Evacuation,
    Montreal, CNSNews.com.
    Tanuro Daniel, 1er janvier 2006. Vanuatu et Tuvalu : La barbarie climatique est en marche, Europe Solidaire Sans Frontière.
    Boem Peter, 30 August 2006. Global Warning : Devastation of an Atoll, The Independent (UK).
  • [2]
    D’après Reclus E, 1898. The Universal geography, Kean (éd), Virtue, Londres cité par Mac Arthur et Yaxley, 1967.
  • [3]
    Chiffre officiel d’après Mac Arthur et Yaxley, 1967.
  • [4]
    Direction du Plan et de la Statistique, 1983 ; Vanuatu National Statistics Office, 1991 ; Vanuatu National Statistics Office, 2000 ; Vanuatu National Statistics Office, 2009
  • [5]
    Respectivement : chef Pita Watego, Lounaragi, chef Richmond Selwyn, Liraq et John Atkin, Yeu Gavigaména, communications personnelles.
  • [6]
    SPREP, 2003.
  • [7]
    Secretariat of the Pacific Community, 2009.
  • [8]
    Devenu IRD (Institut de recherche pour le développement).
  • [9]
    Données produites par SSALTO/DUACS, distribuées par AVISO, avec le soutien du CNES.
  • [10]
    South Pacific Sea Level and Climate Monitoring Project (SPSLCMP), 2009.
  • [11]
    National Oceanic & Atmospheric Administration (NOAA), http://www.cpc.ncep.noaa.gov/products/analysis_monitoring/ensostuff/ensoyears.shtml
  • [12]
    Le Révérend W.J. Durrad fut missionnaire aux îles Torrès de 1905 à 1911.
  • [13]
    Enquêtes de terrain réalisées auprès des chefs et autres villageois (cités dans les notes suivantes) dans le cadre d’une mission aux îles Torrès du 25 au 28 juin 2010.
  • [14]
    D’après Chef Richmond Selwyn (village de Liraq, Tégoua), John Atkin (Village de Yeu Gavigaména, Hiou), William Collins (village de Lounaragi, Lô).
  • [15]
    D’après Chef Pita Watego (village de Lounaragi, Lô).
  • [16]
    George J., 2005. « Many small voices make loud noise in Montreal : Inuit contribute to living demonstration of climate change », in Nunatsiaq News, December 16, 2005. Sikunews, 2005. United Nations Environment Project links Inuit, Pacific islanders, 07.12.2005.
  • [17]
    Voir note 1. Samisoni Pareti, 2006. « Environment : Pacific’s first Climate Change Refugees ? Canada, SPREP relocate Tegua victims », in Islands Business, Jan 2006.
  • [18]
    Parmi les erreurs grossières qu’on y lit, il est dit que le Vanouatou est un état polynésien (Tanuro Daniel, 1er janvier 2006. Vanuatu et Tuvalu : La barbarie climatique est en marche, Europe Solidaire Sans Frontière) et que l’île de Tégoua est un atoll (Boem Peter, 30 August 2006. Global Warning : Devastation of an Atoll, The Independent – UK), qui aurait été évacué (Joëlle Andréoli, 2006. « Effet de serre : Les petites îles du Pacifique appellent à l’aide », Le Figaro, janvier 2006).
  • [19]
    Bretin Wokmagena, Lounaragi, communication personnelle.

Introduction

1Les changements environnementaux sont des phénomènes complexes à diagnostiquer qui demandent aux chercheurs plusieurs années d’observations, de mesures et d’analyses. Toutefois, de nos jours, les changements climatiques et plus particulièrement le réchauffement planétaire étant placés au centre des débats sur l’environnement, on a souvent tendance à leur attribuer la plupart des évolutions environnementales. Pour exemple, la conférence onusienne de Montréal, en décembre 2005, a servi de tremplin médiatique à l’évocation d’un changement environnemental localisé et scientifiquement peu documenté, en mettant la petite île de Tégoua (moins de 32 km2), dans le groupe des Torrès au Vanouatou, sur le devant de la scène internationale. Les habitants de l’unique village de cette île sont alors devenus les « premiers réfugiés climatiques » de l’histoire de la lutte mondiale contre le réchauffement du climat. Les communiqués médiatiques qui suivirent dans la presse orale et écrite, toujours accessibles sur la toile, révèlent le peu de recul de leurs auteurs dont certains n’hésitent pas à titrer : « La barbarie climatique est en marche » ou « Réchauffement climatique : dévastation d’un atoll », et ce malgré la mise en garde de climatologues sur les raccourcis un peu rapides [1].

2 Dans un monde terrorisé par le réchauffement du climat, l’annonce du « premier cas officiel de déplacement forcé » de populations côtières n’est pas anodine car elle amorce un engrenage annoncé et renforce ainsi le pessimisme mondial sur l’évolution du climat. De leur côté, les insulaires semblent ne plus posséder de repères pour comprendre les bouleversements environnementaux qu’ils subissent et ils s’en remettent aux autorités nationales et à l’aide internationale pour s’informer et réagir. Le présent article ne conteste pas les changements climatiques en cours, en revanche il espère apporter des éclairages, dans le cas précis des îles Torrès, sur les différents mécanismes en jeu dans cette zone géographique. Il documente les changements environnementaux qui affectent les îles Torrès et la perception qu’en ont les populations locales.

1 Peuplement et présentation des sites

3 Les îles Torrès sont les îles les plus septentrionales du Vanouatou. Elles sont localisées entre 13°04’ et 13°27’ de latitude sud, 166°32’ et 166°43’ de longitude est. Ce groupe est composé de six petites îles (Hiou, Métoma, Tégoua, Linoua, Lô et Toga) qui représentent une superficie totale de 111,8 km2, et s’étendent sur 45 kilomètres suivant un axe nord-sud. Ces îles constituent la province des Torba avec les îles Banks qui leur sont distantes de moins d’une centaine de kilomètres à l’est-sud-est. Cette province, la moins peuplée des six provinces de l’archipel, représente seulement 4 % de la population totale du pays (soit 0,6 % de la population totale pour les Torrès) (VNSO, 2009).

1.1 Le peuplement des Torrès

1.1.1 Une histoire démographique tourmentée

4 Les résultats des fouilles archéologiques menées sur les îles de Toga et de Tégoua montrent un peuplement ancien datant respectivement de 2 400 BP et 2 000 BP (Galipaud, 1998). En dehors de ces travaux, on connaît peu de chose du peuplement préhistorique du groupe. En ce qui concerne la population à l’époque du premier contact avec les Européens, les appréciations sont plus diverses, qu’elles soient fondées ou spéculatives, et sont à l’image des estimations avancées sur le peuplement de l’ensemble de l’archipel de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. Marins, missionnaires et anthropologues ont fourni les premières estimations historiques avant que l’administration condominiale n’entreprenne des comptages officiels. Ainsi, le Capitaine James Goodenough de la marine britannique est le premier à estimer, en 1875, la population des Torrès à environ 1 500 habitants (Goodenough, 1876). Ce chiffre est celui qui rejoint le plus l’estimation que fit quelques années plus tard l’anthropologue allemand Felix Speiser qui parle de 1 000 habitants (Speiser, 1913). En revanche, en 1894 et en 1910 deux autres estimations de la population avancent respectivement les chiffres plus conséquents de 4 500 [2] et 3 500 habitants [3]. Puis en 1922, d’après Buxton (1929), les Torrésiens n’étaient plus que 253 sur les quatre îles principales. En prenant l’exemple de Toga, il ajoute que seulement 16 habitants la peuplaient en 1926 après que sept personnes du village aient été recrutées la semaine précédente. Au cours des décennies suivantes, la population des Torrès chuta encore et ne dépassa plus les 200 habitants jusqu’en 1967, date du premier recensement du condominium (Mac Arthur et Yaxley, 1967). Depuis les années 1970, les recensements décennaux montrent que la population croît lentement pour atteindre 826 habitants en 2009 [4], soit 6,8 habitants au kilomètre carré.

5 Le dépeuplement du groupe de la fin du XIXe au début du XXe siècle est imputable à deux événements historiques. D’une part le recrutement de main-d’œuvre, vers l’Australie principalement, connu sous le nom de Blackbirding qui dura de 1863 à 1904, et d’autre part l’introduction d’épidémies suite aux contacts avec les marins de passage, les missionnaires et les rapatriés des plantations du Queensland. On ne connaît pas le nombre de personnes recrutées dans les premières années de ce trafic de main-d’œuvre mais des chiffres très conservateurs parlent d’environ 752 départs sur une période allant de 1873 et 1903, ce qui fait une moyenne de 25 personnes par an sur 30 ans. Jusqu’en 1903, environ 452 Torrésiens seraient revenus des plantations, ce qui fait une moyenne de 15 personnes par an sur 30 ans (Mac Arthur et Yaxley, 1967). Les Torrès se seraient donc vidées, en valeur absolue, de 10 personnes par an sur les 30 dernières années du Blackbirding. Toutefois, ces chiffres ne tiennent pas compte du manque de naissances lié à l’absence d’une grande partie des jeunes hommes (Rannie en 1912 aurait décompté sur une île des Torrès plus de dix femmes pour un homme à la fin du XIXe siècle), ni de la surmortalité occasionnée par l’introduction de pathologies étrangères, en particulier la grippe et la dysenterie.

6 De nos jours, si l’on s’en tient aux chiffres récents, la population des îles Torrès croît plus vite que la croissance moyenne annuelle du pays, soit 2,62 % par an contre 2,3 % pour les zones urbaines et 1,9 % pour les zones rurales de l’archipel. Ce chiffre s’explique par une population initiale très peu nombreuse et donc des statistiques peu représentatives. C’est ainsi que l’île de Tégoua est passée de 39 à 58 habitants entre 1999 et 2009, soit un gain de 19 habitants et un taux de croissance annuel de 4,05 %. Mais, ce chiffre ne rend pas compte de la disparité entre les îles et contribue à masquer la perte de 22 habitants en 10 ans sur de l’île de Toga, représentés par 17 hommes et cinq femmes. Par ailleurs, on remarque dans toutes les îles du groupe une anomalie dans le ratio hommes-femmes. Celui-ci est inversé par rapport aux autres îles de l’archipel où l’on compte en moyenne 104 hommes pour 100 femmes. Aux Torrès, on dénombre 88 hommes pour 100 femmes en 2009 (VNSO, 2009). Nous savons que cet écart n’est pas dû à une surmortalité masculine car l’espérance de vie des hommes aux Torrès est de 66,6 ans alors que celle des femmes, la plus faible de tout l’archipel, est de 51,9 ans (Siméoni, 2009a). Notons par ailleurs qu’entre 1967 et 1999, ce rapport était de 112 hommes pour 100 femmes ; il semble donc que le groupe soit en train de vivre un exode important des hommes. Cette situation s’expliquerait par l’organisation géographique moderne du pays sur un modèle de centre et de périphérie, elle-même exacerbée par la morphologie de l’archipel. En effet, depuis la seconde moitié du XXe siècle, le réseau de transport interinsulaire néglige les zones marginales telles que, entre autres, les extrémités nord et sud du pays (Siméoni, 2009b). L’état des communications inter-îles se dégradant d’année en année, les Torrès apparaissent au XXIe siècle comme le finistère du Vanouatou. La liaison maritime se fait une à deux fois l’année. De même, l’aérodrome de Linoua, situé à plus de quatre heures d’avion bimoteur de Port-Vila, est le plus éloigné de la capitale en distance mais aussi en temps, et bien plus éloigné en temps de vol que des destinations internationales comme Nouméa (Nouvelle-Calédonie) et Brisbane (Australie) qui sont respectivement à 55 minutes et trois heures en Boeing. Depuis la piste d’atterrissage de Linoua, il faut encore entre une et trois heures de cabotage en hors-bord, quand les conditions climatiques sont favorables, pour rejoindre les villages côtiers des îles de Hiou, Tégoua et Toga. De plus, le coût des transports est tout à fait inabordable pour une très grande majorité d’habitants de ces petites îles. La marginalisation socio-économique contemporaine des Torrès a fragilisé la population en la plongeant dans une profonde anxiété face aux perspectives d’avenir (Mondragón, 2003), ce qui peut expliquer d’une part la sensibilité des Torrésiens aux messages catastrophistes et d’autre part le départ des jeunes hommes qui en ont les moyens.

1.1.2 Les bouleversements contemporains sur la répartition de la population

7 La distribution de la population à l’intérieur des îles a fortement été influencée par l’arrivée du christianisme. Dans les années 1870, les îles Torrès ont été intégrées à la sphère d’influence d’une branche de l’Église Anglicane appelée Melanesian Mission. À cette époque les villages étaient répartis sur les plateaux de l’intérieur des îles comme en témoignent à la fois des traces archéologiques (Galipaud, 1996) et les relations de voyage de l’évêque Selwyn en 1880 qui dénombre 22 à 25 villages sur Tégoua et 32 sur Toga (Montgomery, 1896 : 104). Chaque hameau était constitué d’une famille élargie d’environ 25 personnes. Les missionnaires regroupèrent les nouveaux chrétiens dans de plus gros villages comme ce fut le cas à Vipaka sur l’île de Lô dès 1872, mais aussi sur Toga et Tégoua dans les années 1890. Ces regroupements se faisaient plus particulièrement sur les terrasses littorales, plus faciles d’accès par voie maritime et favorisées par la présence de quelques points d’eau, très rares sur ces îles coralliennes, ce qui permettait aux prêtres d’inculquer des notions d’hygiène à la population locale. En effet, la quasi-absence d’eau sur les plateaux ne favorisait pas le bon état sanitaire de leurs habitants, et la mortalité due aux infections cutanées était très élevée (Armstrong, 1900 : 203-204). Ce choix de répartition du peuplement a aussi, malheureusement, fortement contribué à simplifier le travail des navires recruteurs qui puisaient alors leur main-d’œuvre pour le Queensland parmi les nouveaux convertis au grand désespoir des premiers missionnaires, ne leur laissant que les vieillards, les femmes et les jeunes enfants (Montgomery, 1896 : 119-136 ; Armstrong, 1900 : 204, 297).

Carte 1

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Carte 1

Les îles Torrès dans l’archipel du Vanouatou. Torres Islands in the Vanuatu archipelago

8 Puis, c’est l’entrée des Torrésiens dans l’économie monétaire qui semble les faire glisser un peu plus vers le bord de mer. Dès les premières décennies du XXe siècle, les quelques survivants du grand bouleversement culturel et démographique installent leurs propres plantations de cocotiers sur les terrasses littorales à des fins commerciales et établissent leurs nouveaux villages sous la cocoteraie. Il s’agit des gros villages actuels de Lounaragi sur Lô fondé en 1930, celui de Lataw (parfois écrit Latéu) probablement de la même époque sur Tégoua, ou encore celui de Yeu Gavigaména en 1950 sur l’île de Hiou [5].

1.2 Présentation de deux sites habités du bord de mer

9 Aux Torrès, on observe sept à huit terrasses coralliennes superposées. Les sommets atteignent une altitude variable selon les îles : 366 m sur Hiou, 240 m sur Tégoua, 115 m sur Métoma, 135 m sur Lô et, 254 m sur Toga. Les gradins et plateaux sont bordés de falaises abruptes. Trois à quatre niveaux (de 0 à 2 m – zone inondable ; de 3 à 7 m – niveau le plus étendu ; de 10 à 15 m et de 20 à 25 m -plateaux relativement plus anciens) constituent la terrasse littorale récente (Quantin P., 1980) sur laquelle se trouvent les sites étudiés.

1.2.1 Le site de Lataw sur l’île de Tégoua

10 Au fond de la baie du même nom, il ne reste du village de Lataw qu’un abri de fortune. Ayant fait face à de multiples inondations de leur village, les habitants ont déménagé à quelques centaines de mètres vers le sud, sur la même terrasse littorale. Depuis un tremblement de terre survenu en 1997, à chaque marée de fort coefficient ou à chaque passage d’une dépression, la mer rentrait dans le village à hauteur de taille. Ces événements à répétitions poussèrent les chefs du village à envisager la délocalisation de la seule communauté villageoise de l’île (39 habitants au recensement de 1999) vers le lieu-dit de Liraq. Toutefois, le déplacement des habitants de Lataw ne s’effectua pas avant 2004, ceux-ci ne se résignant pas à s’éloigner de leur source d’eau douce, indispensable à la vie quotidienne, en dépit du risque occasionnel de montée des eaux qu’ils subissaient et malgré la conscience du danger que représente l’océan. C’est le passage en 2001 d’un agent du gouvernement vanouatais responsable des questions environnementales nationales, dans le cadre d’un projet régional sur les adaptations au changement climatique du SPREP (Secrétariat du Programme Environnemental pour le Pacifique Régional), financé par l’Agence Canadienne de Développement International (ACDI), qui contribua à convaincre la population de l’urgence d’un déplacement en mettant les mots de « changement climatique » et de « montée des océans » sur les événements vécus. En 2002, l’un des chefs du village s’installa définitivement à Liraq suivi en 2004 par l’ensemble de la communauté, moins d’une soixantaine d’habitants. Il aura fallu sept ans aux villageois, entre 1997 et 2004, pour se résoudre à déménager et leur mouvement ne fut facilité que par l’installation de six citernes de 6 000 litres chacune et de six cabanons aux toits de tôle pour la collecte de l’eau de pluie, résolvant ainsi leur problème d’accès à l’eau douce. Finalement, d’après les chefs de Liraq, Richmond et Ruben Selwyn, les problèmes d’inondations auraient cessé depuis le tremblement de terre d’octobre 2009.

1.2.2 La lagune Lounaragi dans le prolongement de la baie de Naraïn entre Lô et Linoua

11 Située au nord du village de Lounaragi, la lagune qui sépare les îles de Lô et Linoua a gagné du terrain sur la plantation de cocotiers qui jouxte le village, asphyxiant progressivement tous les arbres sur plus de 400 mètres de long et une centaine de mètres de large. Depuis le tremblement de terre de 1997, les villageois, environ 80, ont observé cette langue d’eau de mer progressant lentement d’année en année dans le prolongement nord-ouest de leur village. De même certains petits bas-fonds autour du village évoluent en zones marécageuses de plus en plus inondées depuis l’événement tectonique. Les images spectaculaires de cette cocoteraie victime de la « montée du niveau de la mer » ont fait le tour de la région sur les brochures du SPREP [6] ou de la CPS [7] (Communauté du Pacifique Sud). Le village n’est pas immédiatement menacé mais lorsqu’on questionne les habitants de Lounaragi ceux-ci affirment avoir vraiment pris conscience du « réchauffement climatique depuis 1997 » et précisent qu’ils ont été les observateurs bien placés d’un phénomène mondial qu’ils ont vu empirer jusqu’en 2009, date d’un nouveau tremblement de terre survenu aux Torrès, « où tout serait rentré dans l’ordre ! »

12 Les enquêtes de terrain révèlent que pour les deux sites concernés les changements environnementaux ont débuté avec l’événement sismique de 1997 et ont disparu avec celui de 2009. Les données géophysiques et eustatiques ont donc été analysées et confrontées sur cette même période afin de mieux comprendre les phénomènes à l’origine des bouleversements vécus par les Torrésiens.

1.3 Les événements naturels affectant le groupe des Torrès et les changements environnementaux qui y sont liés

13 Les îles de l’archipel du Vanouatou sont situées sur la bordure ouest de la plaque Pacifique, dans une zone appelée bassin nord-fidjien ; elles longent la fosse de subduction des Nouvelles-Hébrides qui atteint, à l’ouest du pays, une profondeur de près de 7 500 mètres. Au niveau de cette fosse, la plaque Australienne plonge sous le bassin nord-fidjien. La vitesse de convergence moyenne des plaques entre la plaque australienne et le bassin nord-fidjien est de 12 cm/an (Dubois et al., 1977) et varie en fonction de la tectonique locale (Pelletier et al., 1998 ; Bergeot et al., 2009). Les nombreux séismes qui affectent la région sont liés à cette subduction rapide.

1.4 Les mouvements verticaux des îles

1.4.1 Contexte géodynamique et mouvements verticaux à long terme

14 Comme observé classiquement à l’aplomb des zones de subduction, une chaîne d’îles volcaniques actives est présente sur la plaque chevauchante. Dans le nord de l’archipel, la chaîne volcanique active correspond aux îles du groupe Banks. Les îles Torrès, de même que les îles de Santo et de Mallicolo dans le centre du pays, sont dans une position moins classique. Leur surrection est liée à la présence de reliefs sous-marins (plateau Ouest-Torrès et ride d’Entrecasteaux) sur la plaque plongeante qui entravent la subduction et entraînent un soulèvement de la plaque chevauchante. Ce soulèvement peut être créé directement par le volume du relief qui plonge ou bien par la flexure liée au blocage dû au relief (Taylor et al., 2005).

15 Les îles Torrès sont constituées d’un socle volcanique ancien recouvert de calcaires récifaux d’âge Quaternaire (< 1,8 million d’années) (Pelletier, 2009). Leur morphologie de terrasses superposées est typique des îles coralliennes qui ont subi des variations importantes et rapides du niveau marin relatif, que ces variations soient d’origine eustatique ou liées à des soulèvements tectoniques. Les datations de coraux ont permis de mettre en évidence un soulèvement moyen des Torrès de l’ordre de 1 mm par an sur les 125 000 dernières années (Taylor et al., 1985). Ce mouvement vertical cumulé résulte de la superposition de mouvements ayant lieu à différentes échelles de temps.

16 Dans les zones tectoniquement actives, les mouvements verticaux de l’écorce terrestre sont, sur le court terme (de l’ordre de la dizaine à la centaine d’années), généralement dominés par le cycle sismique. Au cours de ce cycle, les contraintes liées au mouvement lent des plaques s’accumulent entre deux séismes (phase intersismique) et génèrent des mouvements lents. Ces contraintes sont ensuite relâchées au cours de la rupture (séisme) qui, elle, est accompagnée de mouvements soudains (déformation cosismique).

1.4.2 Mouvements verticaux à court terme : le rôle du cycle sismique

17 Le 21 avril 1997, un fort séisme de magnitude 7.8 a affecté l’ensemble de Torrès (Kaverina et al., 1998). Situé à environ 50 km à l’ouest-nord-ouest du groupe, et à une profondeur de 20-30 km, c’est l’un des événements sismiques connus le plus fort de mémoire de Torrésien. À la suite de ce séisme, J.-M. Boré (ORSTOM [8], Port-Vila) avait effectué une mission d’évaluation et constaté que certaines zones côtières s’étaient affaissées comme la Baie de Picot (côte nord-ouest de Hiou), ainsi que sur l’île de Tégoua ou encore dans la lagune de Lounaragi entre Lô et Linoua, où la traversée à marée basse ne pouvait plus se faire à pied sec comme auparavant. Les témoignages recueillis auprès de la population, ainsi que les observations faites en plongée, ont permis à Boré d’estimer le déplacement cosismique vertical du séisme d’avril 1997 à une subsidence comprise entre 50 cm et 1 m au nord de l’île de Lô. Un point GPS (Global Positioning System) fut installé à cette époque sur l’îlot de Linoua, pour suivre les déformations postérieures au séisme. La position de ce point fut mesurée en 1997, 1998 et 1999, puis à nouveau en mai 2009 et ensuite, après la crise sismique d’octobre 2009, quand trois forts séismes de magnitudes 7.6, 7.8 et 7.4 (survenus en 70 minutes) touchèrent le groupe des Torrès.

Carte 2

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Carte 2

Les Torrès dans leur cadre structural régional. Torres Islands in their regional structural framework.

18 La composante verticale étant la moins précise du système GPS, les données ont été acquises et traitées selon une stratégie adaptée à la quantification des mouvements verticaux (Ballu et al., 2011). Afin de pouvoir comparer des mesures effectuées à différentes époques, les positions journalières obtenues sont combinées dans l’ITRF2005 (International Terrestrial Reference Frame 2005) (Altamimi et al., 2007). En faisant l’hypothèse que la déformation est linéaire entre deux événements sismiques, on obtient une estimation de la vitesse intersismique et des éventuels sauts co-sismiques pour chaque site calculé.

19 Pour le point des Torrès, nos résultats montrent qu’entre 1997 et 2009, le site a subi une subsidence de 0,94±0,25 cm par an, soit environ 11 cm en 12 ans. Ce taux de subsidence, lié au cycle sismique, est parmi les plus importants observés sur terre (avec l’Ouest Sumatra (Natawidjaja et al., 2007)). La déformation cosismique verticale associée à la crise d’octobre 2009 est estimée à 19 +/-0,5 cm. Les témoignages des villageois sur Lô et Linoua concordent avec cette observation de soulèvement. En effet, ils parlent de l’assèchement des marais et de certains puits et constatent une sorte de « retour à la normale » en faisant référence aux années d’avant 1997 quand les soucis d’inondations étaient inexistants.

20 Les incursions marines sur les franges littorales des îles, l’augmentation du nombre d’inondations vécues par certains villages côtiers, ainsi que l’agrandissement des zones marécageuses, n’avaient jusqu’à présent été perçus qu’à travers le prisme du « réchauffement climatique ». Toutefois, nos résultats suggèrent que la subsidence soudaine liée au séisme de 1997 ainsi que la subsidence lente qui a suivi au cours de période intersismique allant de 1997 à 2009 ont contribué pour une large part à la montée relative du niveau marin sur les îles Torrès. Il faut aussi noter que la montée relative soudaine du niveau marin et le tsunami associé au séisme de 1997 ont pu également engendrer des phénomènes d’érosion, à évolution plus lente, en modifiant l’hydrodynamisme local et en endommageant ou fragilisant des barrières naturelles. Cela a sans doute contribué à promouvoir l’idée dans la population que l’origine de la modification du niveau marin ne pouvait être tectonique (soudaine) mais devait plutôt être attribuée au climat.

1.5 Variations de la hauteur de la mer : réchauffement global et variations décennales

21 D’après le Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat, le niveau de la mer s’est élevé, sur l’ensemble de la planète, en moyenne de 0,18 cm/an depuis 1961 et de 0,31 cm/an depuis 1993, en raison d’un réchauffement du climat, sous l’effet de la dilatation thermique et de la fonte des glaciers. D’après ce groupe, l’accélération du rythme qui a été constatée entre 1993 et 2003 peut traduire soit une variation décennale soit un renforcement de la tendance à long terme (GIEC, 2007). La montée du niveau des mers n’est pas homogène à l’échelle du globe, et les cartes globales produites par différentes agences à partir de données d’altimétrie satellitaires permettent d’analyser les tendances par région (Carte 3). Sur la période 1992-2010, il apparaît clairement une élévation du niveau marin supérieure à la tendance globale dans la partie ouest du Pacifique et inférieure à la tendance globale dans la partie est. Afin de regarder l’évolution chronologique du niveau marin dans la région des Torrès, nous avons utilisé une série temporelle d’anomalies du niveau de la mer obtenue à partir de la combinaison de données altimétriques multi-satellites (produit combiné des satellites Topex/Poséidon, Jason1, Envisat et Jason2) [9]. Ces données montrent que dans la région des Torrès, la tendance sur la période 1992-2010 est de l’ordre de 0,8 cm/an, ce qui est bien supérieur à la tendance globale de 0,31 cm/an estimée par le GIEC sur une période comparable. Sur la période 1997-2009 qui correspond à la période intersismique qui nous concerne, la tendance observée pour la zone est encore plus forte, de l’ordre de 1,2 cm/an.

22 Il faut noter que la période d’enregistrement de données satellitaires, qui permettent de quantifier les variations du niveau marin, est courte (moins de 20 ans) au regard des constantes de temps des phénomènes observés. En effet, l’océan Pacifique est le siège de phénomènes météorologiques qui ont lieu sur des périodes de plusieurs années ; il s’agit en particulier de l’oscillation australe qui exerce une sorte de balancement du niveau de l’océan de part et d’autre du Pacifique. En période neutre, les niveaux marins sont plus hauts dans l’ouest du bassin à cause des alizés qui, en soufflant vers l’ouest, poussent les eaux de surface et créent un « empilement » des eaux océaniques du côté de l’Australie-Indonésie. Le niveau marin y est plus haut de 60 centimètres par rapport à celui des côtes du Pérou-Équateur (McPhaden, 2004). En période de El Niño, le niveau marin monte dans la partie est du bassin Pacifique par l’action combinée de la dilatation thermique et de l’affaiblissement des alizés ; en contrepartie, une baisse du niveau marin est observée à l’ouest du bassin. Bien que ces anomalies du niveau marin soient plus importantes pour les zones proches de l’équateur, les zones tropicales et parfois des régions situées au-delà peuvent être touchées comme l’ont observé les services compétents à la lecture des marégraphes de San Francisco (Holly Ryan et al., 1999) ou de Port-Vila [10] au cours de l’épisode El Niño de 1997-1998 ; le premier ayant répertorié une hausse du niveau des mers de 15 cm et le second une baisse de 12 cm. Pendant les périodes de La Niña, les alizés se renforcent et poussent davantage les eaux vers l’ouest ce qui fait que le niveau des mers est légèrement plus haut qu’en temps normal dans l’ouest du bassin. Au cours de la période intersismique qui nous intéresse, d’avril 1997 à octobre 2009, le Pacifique a connu une alternance de cinq épisodes de El Niño (un fort en 1997-1998 et les autres modérés en 2002-2003, 2004-2005, 2006-2007, 2009-2010) et deux épisodes de La Niña (en 1998-2000 et 2007-2008) [11]. Compte tenu de l’échelle de temps et de l’ampleur des phénomènes liés à l’oscillation australe, la tendance régionale d’élévation du niveau de la mer estimée actuellement sur une vingtaine d’années à partir des données satellitaires n’est donc pas significative dans la mesure où elle ne reflète pas une tendance à long terme qui serait liée au réchauffement climatique, mais est fortement influencée par le fort épisode El Niño de 1997-1998.

23 Les données altimétriques d’élévation du niveau marin portent sur moins de 20 ans et ne sont donc pas encore significatives des changements environnementaux à long terme. Dans le présent article, nous utiliserons ces données sur la période intersismique étudiée (1997-2009) afin de comprendre les modifications de l’environnement telles qu’elles ont été vécues par la population torrésienne durant ce laps de temps.

1.6 Combinaison entre mouvements verticaux des îles et variations du niveau marin sur la période étudiée

24 Les variations relatives du niveau marin, telles que perçues par les insulaires, sont le résultat de la combinaison des mouvements absolus du niveau marin et des mouvements verticaux des îles elles-mêmes. Dans le cas des îles Torrès, ces variations sont fortement contrôlées par les mouvements verticaux des îles. Alors que la montée absolue du niveau marin a été estimée à environ 14 cm entre 1997 et 2009, les îles ont subi une subsidence estimée à plus de 50 cm en 1997 (déformation cosismique) puis sont descendues lentement de 11 cm sur la même période (subsidence intersismique). En 2009, lors d’une forte crise sismique, les îles sont remontées d’une vingtaine de centimètres, laissant penser à la population locale que le changement climatique « ralentissait » (Ballu et al. 2011).

Fig. 1

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Fig. 1

Tendance moyenne des variations du niveau marin pour la période 1992-2010 (en mm/an). 1992-2010 Mean sea-level trend (in mm/yr).

25 La quantification des différentes contributions aux variations relatives du niveau marin aux Torrès pour la période récente permet non seulement de comprendre les phénomènes en jeu et d’expliquer les inondations observées, mais elle est également cruciale pour donner des clefs de compréhension des phénomènes aux habitants des îles Torrès. Ces informations devraient leur permettre de mieux comprendre les changements futurs auxquels ils seront inéluctablement confrontés et donc de mieux s’y adapter. D’une part, du côté de l’océan, les oscillations entre El Niño et La Niña se poursuivront indépendemment du réchauffement global et provoquent, à court terme, des variations sensibles du niveau marin. À ces perturbations de l’ordre d’une ou plusieurs années, s’ajoutent des variations de plus courte durée, liées aux marées et aux phénomènes météorologiques. En effet, les dépressions tropicales soulèvent le niveau marin d’environ un centimètre d’eau par millibar de pression et ces marées de tempête occasionnées lors de forts cyclones peuvent surélever la mer jusqu’à plusieurs mètres au-dessus de son niveau habituel. La vie sur les terrasses littorales est donc menacée par une série de phénomènes climatiques qui existaient bien avant que des populations ne s’installent sur ces îles, et qui en toute logique perdureront.

26 D’autre part, le cycle sismique est à présent mieux connu pour le groupe des Torrès. Globalement la situation de ces îles en limite de plaque chevauchante les conduit plutot à un soulèvement. Toutefois, il existe des événements particuliers, tels que celui de 1997, qui peuvent les faire descendre. En effet, c’est le jeu des failles, nombreuses dans les alentours de ce groupe d’îles, qui détermine le sens du mouvement vertical en fonction de leur localisation par rapport à l’épicentre d’un séisme. Par ailleurs, compte tenu de l’emplacement des îles par rapport à la subduction, entre deux séismes les accumulations de contraintes engendrent généralement un mouvement descendant comme on l’a vu entre 1997 et 2009.

Fig. 2

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Fig. 2

Contribution des différents facteurs environnementaux aux variations relatives du niveau marin. Contribution of different environmental factors to relative sea level variations
D’après Ballu et al, 2011.

27 Ainsi la conjonction des facteurs météorologiques et tectoniques, qui s’ajoutent à une lente montée des eaux liée à un réchauffement global, contribuent à faire évoluer le niveau des océans donnant parfois l’impression d’une montée anormale. Une meilleure connaissance de ces phénomènes par les populations locales devrait pouvoir leur permettre de comprendre le risque qui peut résulter de s’installer à une altitude inférieure à la dizaine de mètres.

2 La perception des changements environnementaux par les insulaires : un mélange de croyances et d’informations médiatiques

28 Les Torrésiens qui vivent sur le littoral sont installés dans des zones à risque. Ce choix risqué est récent d’un demi-siècle et est lié à l’histoire contemporaine. Quelle conscience ont-ils de ce risque, et quelle vision actuelle possèdent-ils sur leur environnement ?

2.1 La perte des repères historiques et géographiques traditionnels

29 De nombreux facteurs expliquent que les populations installées sur le bord de mer dans les îles Torrès aient fait ce choix innocemment. Dans un premier temps, la religion animiste d’une société de l’oralité peu hiérarchisée n’a pas fait le poids face aux dogmes et aux puissants prêcheurs de ces dogmes de l’Église anglicane. En moins d’un siècle, l’érosion démographique et l’acculturation des survivants ont plongé les Torrésiens dans un environnement dont ils ne possèdent plus que des bribes de l’histoire, et dont les repères géographiques en résultent tiraillés entre d’anciennes croyances et des informations modernes. La christianisation a désenchanté les îles pour le meilleur et pour le pire. La disparition des pouvoirs surnaturels attribués aux hommes, ou aux lieux, est un fait rationnel acceptable, mais la perte des savoirs empiriques d’un peuple, transmis oralement de génération en génération, présente des aspects plus alarmants pour qui s’inquiète du maintien de la diversité des connaissances. De même, en contrariant le processus de transmission des savoirs traditionnels, le dépeuplement (trafic de main-d’œuvre et épidémies réunis) a joué le jeu de l’érosion culturelle engagé par l’Église, mais pas seulement aux îles Torrès. Dans les autres îles de l’archipel, les mêmes phénomènes se sont produits au début du XXe siècle. Deacon (1934), un anthropologue basé sur l’île de Mallicolo, déplorait par exemple qu’un grand nombre des victimes des épidémies dévastatrices fussent « des vieillards qui connaissaient les divers rites anciens ». Durrad tirait les mêmes conclusions aux Torrès en ajoutant qu’avec l’impact de la dépopulation sur la culture traditionnelle, il s’avérait « extrêmement difficile, voire impossible de faire des enquêtes scientifiquement justes » [12]. Pessimiste, il va même jusqu’à dire que ses propres notes de terrain auront permis de « collecter ce qu’il ne sera bientôt plus possible d’observer » (Durrad, 1940 : 391-392). De nos jours, si certaines des histoires légendaires qui faisaient l’Histoire d’autrefois sont encore véhiculées, ce n’est jamais dans la totalité de leurs détails et l’on ne se souvient plus que des faits marquants. Assimilés à des croyances préchrétiennes et aux « temps obscurs » comme disent les insulaires, les risques évoqués dans ces récits surnaturels semblent aux yeux des Torrésiens ne plus exister pour des îles qui vivent maintenant dans la paix du Seigneur. Toutefois, les fragments de ces histoires traditionnelles qui ont résisté au temps nous renseignent sur des événements qui auraient pu être vécus par de proches ancêtres ou des premiers occupants ; mais nous ignorons leur profondeur historique.

30 Concernant notre étude, nous avons collecté plusieurs variantes de deux légendes traditionnelles sur les tremblements de terre et les tsunamis, expliquant que jadis les hommes possédaient des pouvoirs magiques leur permettant de les créer [13]. La première légende, qui semble être un conte universel aux Torrès, évoque un vieil homme ayant bu une potion le rendant immortel. Plus tard, ne supportant plus la grande infirmité de sa vieillesse, il supplia ses fils de l’aider à mourir. Ceux-ci, accomplissant une série de gestes et de chants magiques, provoquèrent un raz de marée qui emporta le vieillard [14]. La seconde légende, collectée sur l’île de Lô, parle d’un père tellement attristé par la mort de son enfant qu’il provoqua un tremblement de terre tsunamigénique lors de l’enterrement. La trace de cet épisode mythologique est restée dans le paysage avec la présence d’un énorme rocher blanc, décroché de la falaise lors du séisme et toujours visible sur la côte nord-ouest de l’île [15]. Ces deux histoires nous suggèrent la vulnérabilité des Torrésiens à la fois face aux tsunamis générés par des tremblements de terre locaux (légende 2) et face aux télétsunamis (légende 1), générés par des tremblements de terre plus lointains dont la secousse n’est pas ressentie localement. L’occurrence possible de ces événements naturels aux Torrès a été confirmée par nos observations de terrain, avec la visite d’un site affecté par le tsunami de 1997 à Rinouha (Lô), ou la présence dans le village de Liraq (Tégoua) d’un sol couvert de débris coralliens qui pourraient témoigner d’au moins une incursion marine importante. Cette incursion pourrait correspondre à un tsunami ; le chef du village nous a d’ailleurs confirmé que cette hypothèse était en accord avec les traditions orales et que les débris recouvrent les lieux du passage du tsunami de la légende 1. De même, des traces archéologiques de tsunamis anciens ont été mises à jour par des fouilles à Kurvot (sud-est Toga). Ce site met en évidence deux phases d’occupation humaine, la première datée de 2 400 B.P. et la seconde du dernier millénaire, séparées d’une période d’abandon matérialisée par une couche de sable stérile, qui, d’après Galipaud (1996) est vraisemblablement attribuable à un raz de marée ; ce fait lui ayant été corroboré par une légende ancienne collectée sur les lieux.

31 Si au XXe siècle les habitants des villages côtiers se sont installés quasiment sur des plages malgré la connaissance de ces légendes, c’est que les événements de type tremblements de terre et tsunamis n’ont jamais été considérés comme des risques naturels. En effet, ils étaient perçus comme les résultats de pouvoirs magiques surnaturels que certains hommes utilisaient à des fins précises, tout comme ils utilisaient des magies climatiques pouvant induire la formation des nuages, des vents, ou de la pluie (Mondragón, 2004). L’interdiction formelle par l’Église anglicane de toutes pratiques coutumières visant à donner la mort, fut interprétée par les Torrésiens comme une libération du risque de tsunamis meurtriers, puisque traditionnellement provoqués par l’homme dans leur mémoire collective. C’est pour cette raison et en l’absence d’une explication de substitution sur la compréhension des phénomènes naturels dans le système éducatif des missionnaires, que les habitants de ces îles se sont installés dans des zones potentiellement dangereuses, en toute innocence.

2.2 Le rôle des organisations internationales et des médias dans la construction du mythe des « premiers réfugiés climatiques »

32 La nouvelle d’un village menacé par la mer eut un certain retentissement dans un monde nourri de la peur du réchauffement climatique et de la montée des eaux, thèmes phares des grandes réunions internationales traitant de l’environnement. Le cas des « réfugiés » de Tégoua fut porté sur la scène internationale après avoir été évoqué dans une réunion qui s’est tenue sous les auspices du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) lors de la onzième session de la Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, à Montréal le 6 décembre 2005 (UNEP, 2005). Ce jour, proclamé première journée de l’Arctique, devait lancer le nouveau projet du Centre polaire du PNUE, le GRID-Arendal en Norvège, intitulé Many Small Voices, « visant à faire connaître les effets du changement climatique sur deux types de régions vulnérables éloignées et révéler ainsi les destins communs des communautés de l’Arctique et des peuples des petits États insulaires en développement » (UNEP/GRID-Arendal, 2005). Si le rapprochement des Torrésiens et des Inuits par la menace commune du réchauffement climatique n’est pas théoriquement gênant, c’est plutôt la caution onusienne accordée à la notion de « premiers réfugiés climatiques », du fait de l’évocation du cas des Tégouais par le PNUE [16], qui surprend par son empressement et détermine l’ampleur que prend la diffusion de la nouvelle. Très vite, les médias se sont fait l’écho de cette information exceptionnelle « du premier exemple d’un déplacement de masse comme résultat du réchauffement du climat ». En décembre 2005, les Tégouais apparaissent dans la presse internationale comme les premiers réfugiés climatiques de l’histoire de la montée des eaux [17]. Malheureusement, le manque de recul scientifique dans le contenu de ces articles à sensation est à double tranchant [18]. D’un côté pour le grand public il dramatise un peu plus l’impact du changement climatique, d’un autre côté, pour un public plus averti, il décrédibilise l’action catastrophiste de certains engagés de la cause écologique.

33 La nouvelle fut par la suite reprise dans les rapports des grandes organisations qu’elles soient gouvernementales, non gouvernementales ou internationales. En 2006, l’Institut américain de politique environnementale des Armées présente le cas des premiers réfugiés climatiques de Tégoua dans son rapport annuel sur la sécurité environnementale (US-AEPI, 2006). Les rapports de cet institut sont basés sur le dépouillement de la presse internationale et visent à assister le secrétariat de la Défense dans l’élaboration de politiques et de stratégies qui permettent d’améliorer ou de résoudre les questions de politique environnementale qui pourraient avoir d’importantes répercussions à court ou à long terme sur les armées. De même, l’Annuaire 2006 du Groupe de travail international des affaires autochtones évoque les Tégouais comme « les premiers réfugiés du protocole de Kyoto... » (IWGIA, 2006 : 244).

34 On peut trouver surprenant que ces rapports soient rédigés sur la base d’articles de presse et non pas d’articles scientifiques. Il n’en existe d’ailleurs pas sur le sujet de la montée des eaux aux Torrès. Dans un contexte international favorable à tout phénomène alourdissant la dette du réchauffement climatique, il semble à la fois raisonnable et indispensable de faire appel à des experts internationaux afin d’effectuer des vérifications sur le terrain, car en se trompant de diagnostic on ne résout pas les problèmes sur le long terme. Enfin, il serait important d’adopter une terminologie adaptée aux situations réellement observées sur le terrain. Cournil et Gemenne (2010) mettent en garde contre l’usage abusif du terme de « réfugié climatique » qui évoque la notion de migration internationale, à l’instar du réfugié politique, alors que la stratégie d’adaptation aux changements environnementaux la plus courante est souvent le simple déplacement local de la population menacée ; et c’est ce qu’il s’est passé à Tégoua.

2.3 Une solution pour les Torrésiens : harmoniser leurs savoirs géographiques et historiques passés et actuels

35 Plusieurs villages des Torrès sont toujours dans l’insécurité face à certaines violences naturelles. Descendus des étages supérieurs de leurs îles au cours du XXe siècle, il est temps pour ces villageois d’utiliser les leçons de l’épisode intersismique de 1997 à 2009 pour prendre conscience d’une certaine dangerosité de cette migration. Aux Torrès, il ne semble pas nécessaire de remonter à des temps immémoriaux pour prendre conscience des questions environnementales. En effet, les changements paysagers y sont tels que de son vivant l’un de nos interlocuteurs âgé de 63 ans déclare avoir observé de grands bouleversements dans la morphologie de la côte septentrionale de l’île de Lô. Il affirme que, dans son enfance, la pointe nord-est de l’île était un îlot distinct. De même, le marécage situé au nord-ouest du village actuel, que les habitants ont vu se remplir progressivement d’eau durant la période intersismique, aurait autrefois été une lagune dans lequel les anciens rabattaient les dauphins pour les chasser [19].

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Localisation de Lataw et Liraq dans la baie de Lataw, île de Tégoua Localisation of Lataw and Liraq in the Lataw Bay, Tegua Island

36 De nos jours, même les communautés les plus isolées sont soumises à des informations qui peuvent biaiser la perception qu’elles ont de leur propre environnement. Toutefois, avoir été présentés comme les victimes du réchauffement climatique mondial aura permis à certains habitants des Torrès de se projeter à l’échelle de la planète, de s’ouvrir sur des problématiques mondiales et non plus centrées sur des croyances ancestrales. Certains villageois rencontrés au cours de notre séjour sont inquiets et de plus en plus familiers à l’idée qu’un danger peut venir de la mer. Dans le village de Lounaragi, les habitants des maisons les plus proches du littoral ont pris la résolution de retourner sur l’un des étages intermédiaires de l’île. Mais, cette vision géographique plus large des Torrésiens sur le monde n’empêche pas la conservation d’un regard dichotomique sur l’Histoire. Pour eux, il y a toujours un avant et un après le christianisme, et certains phénomènes passés ne semblent pas prêts d’être interprétés avec les connaissances actuelles. Pour cette raison, le cas des villageois de Tégoua est toujours inquiétant, et ce malgré leur retrait par rapport au littoral (toutes les habitations sont maintenant situées entre 130 et 200 m du rivage mais toujours sur la même terrasse littorale). Sur le sentier orienté nord-sud entre l’ancien et le nouveau village, sur environ 200 mètres, nous avons observé de nombreux débris coralliens qui semblent relativement récents à l’échelle géologique. Il est possible que ces dépôts soient liés à une intrusion marine provoquée par un tsunami ou un cyclone. Les mêmes débris ainsi que des blocs plus gros sont visibles à grande échelle sur l’ensemble du nouveau village de Liraq, et on note l’absence de sol alors que les villageois disent avoir coupé des arbres pour installer le village. C’est en nous racontant la légende du vieil immortel emporté par le télétsunami, que le chef nous affirme nous trouver sur le site de cet épisode « mythologique » et nous montre la direction de la vague à travers son nouveau village. Tout se passe donc comme si ces villageois ne prenaient toujours pas conscience du risque naturel, comme s’ils continuaient à croire aux pouvoirs magiques surnaturels d’antan narrés dans les légendes en se disant que tout cela était maintenant bel et bien fini. Il y a sûrement des choix en matière d’éducation qui s’imposeraient dans ces îles extrêmement isolées afin de donner à leurs habitants de nouvelles clefs de compréhension de leur environnement et les convaincre de s’impliquer dans la prévention et la gestion des risques naturels. En s’appropriant des explications scientifiques plutôt que de se retrancher derrière des croyances magiques pour parler des dangers environnementaux, les Torrèsiens pourront sans doute se construire une culture géographique qui les aidera à mieux habiter leurs îles en s’adaptant à leurs évolutions naturelles plutôt que de les subir.

Conclusion

37 De nos jours, on attribue trop facilement certains changements environnementaux au réchauffement climatique. En effet, dans le cas des îles Torrès le rôle des mouvements tectoniques soudains provoqués par les séismes, ou ceux plus lents qui se produisent entre les séismes, de même que les variations de hauteur d’eau dans le bassin Pacifique (oscillations australes El Niño et La Niña) apparaissent comme les principaux responsables de la montée rapide des eaux observée sur la période 1997-2009.

38 La perception des changements environnementaux par les Torrésiens est biaisée par plusieurs facteurs dont la couverture médiatique faite sur la montée du niveau marin liée au réchauffement du climat, mais aussi et surtout par la perte, chez ces insulaires, de repères historiques et géographiques importants. Indépendamment du changement climatique, le risque lié à l’habitat en zones côtières de basse altitude dans une région tectoniquement active (donc exposée aux mouvements verticaux du sol et aux tsunamis locaux), qui plus est, ouverte sur un bassin océanique où des télétsunamis peuvent se propager, est réel et confirmé par les légendes ancestrales. Les réflexions destinées à quantifier les risques dans les zones d’habitat littoral, au Vanouatou comme dans d’autres zones exposées, doivent donc prendre en compte les paramètres géophysiques en complément des prévisions climatologiques pour éventuellement proposer des déplacements adaptés aux populations.

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Mots-clés éditeurs : mouvements tectoniques verticaux, réfugiés climatiques, sociétés traditionnelles, changements environnementaux, montée des océans, Vanouatou, îles Torrès, El Niño

Date de mise en ligne : 09/08/2012

https://doi.org/10.3917/ag.685.0219

Notes

  • [1]
    Caldwell Alison, 6 December 2005. Vanuatu village relocated due to rising sea level, The World Today, ABC Online
    Morano Marc, December 2005. Climatologist Rejects « Global Warming » As Cause for Island Evacuation,
    Montreal, CNSNews.com.
    Tanuro Daniel, 1er janvier 2006. Vanuatu et Tuvalu : La barbarie climatique est en marche, Europe Solidaire Sans Frontière.
    Boem Peter, 30 August 2006. Global Warning : Devastation of an Atoll, The Independent (UK).
  • [2]
    D’après Reclus E, 1898. The Universal geography, Kean (éd), Virtue, Londres cité par Mac Arthur et Yaxley, 1967.
  • [3]
    Chiffre officiel d’après Mac Arthur et Yaxley, 1967.
  • [4]
    Direction du Plan et de la Statistique, 1983 ; Vanuatu National Statistics Office, 1991 ; Vanuatu National Statistics Office, 2000 ; Vanuatu National Statistics Office, 2009
  • [5]
    Respectivement : chef Pita Watego, Lounaragi, chef Richmond Selwyn, Liraq et John Atkin, Yeu Gavigaména, communications personnelles.
  • [6]
    SPREP, 2003.
  • [7]
    Secretariat of the Pacific Community, 2009.
  • [8]
    Devenu IRD (Institut de recherche pour le développement).
  • [9]
    Données produites par SSALTO/DUACS, distribuées par AVISO, avec le soutien du CNES.
  • [10]
    South Pacific Sea Level and Climate Monitoring Project (SPSLCMP), 2009.
  • [11]
    National Oceanic & Atmospheric Administration (NOAA), http://www.cpc.ncep.noaa.gov/products/analysis_monitoring/ensostuff/ensoyears.shtml
  • [12]
    Le Révérend W.J. Durrad fut missionnaire aux îles Torrès de 1905 à 1911.
  • [13]
    Enquêtes de terrain réalisées auprès des chefs et autres villageois (cités dans les notes suivantes) dans le cadre d’une mission aux îles Torrès du 25 au 28 juin 2010.
  • [14]
    D’après Chef Richmond Selwyn (village de Liraq, Tégoua), John Atkin (Village de Yeu Gavigaména, Hiou), William Collins (village de Lounaragi, Lô).
  • [15]
    D’après Chef Pita Watego (village de Lounaragi, Lô).
  • [16]
    George J., 2005. « Many small voices make loud noise in Montreal : Inuit contribute to living demonstration of climate change », in Nunatsiaq News, December 16, 2005. Sikunews, 2005. United Nations Environment Project links Inuit, Pacific islanders, 07.12.2005.
  • [17]
    Voir note 1. Samisoni Pareti, 2006. « Environment : Pacific’s first Climate Change Refugees ? Canada, SPREP relocate Tegua victims », in Islands Business, Jan 2006.
  • [18]
    Parmi les erreurs grossières qu’on y lit, il est dit que le Vanouatou est un état polynésien (Tanuro Daniel, 1er janvier 2006. Vanuatu et Tuvalu : La barbarie climatique est en marche, Europe Solidaire Sans Frontière) et que l’île de Tégoua est un atoll (Boem Peter, 30 August 2006. Global Warning : Devastation of an Atoll, The Independent – UK), qui aurait été évacué (Joëlle Andréoli, 2006. « Effet de serre : Les petites îles du Pacifique appellent à l’aide », Le Figaro, janvier 2006).
  • [19]
    Bretin Wokmagena, Lounaragi, communication personnelle.

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