Notes
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[1]
Nous utilisons ici le terme « coutumier » en toute connaissance de son ambivalence, notamment à propos de la capacité de mutation des droits fonciers. À l’instar de Lavigne-Delville (2009), Colin, Le Meur et Léonard (2009), Chauveau (1998) et Le Roy (2003), nous utiliserons ainsi le terme « coutumier », au même titre que le terme « local », pour désigner les droits fonciers locaux, fruits d’une évolution empirique lente des modes de régulations en fonction notamment de normes sociales locales et régis par les pouvoirs locaux, sans présager de leur capacité à s’adapter à des facteurs exogènes aux communautés concernées.
-
[2]
L’étude a porté sur une cinquantaine de villages dispersés dans cinq Sous-préfectures, elles-mêmes situées dans les Préfectures de Boffa et Boké.
-
[3]
Programme de recherche-action financé par l’Agence française de développement, la Banque mondiale et le Fonds pour l’environnement mondial et exécuté pour le compte du ministère guinéen du Plan.
-
[4]
. Il s’agit de l’unité de la décentralisation qui voit ses limites calquées sur celles de la Sous-préfecture.
-
[5]
. Journal officiel de mai 1992, Ordonnance n? 92/019 du 30 mars 1992 portant sur le code domanial et foncier, Conakry/réactualisé en 2007
Introduction
1 De nombreux travaux alimentent la réflexion sur le droit foncier des zones rurales en Afrique de l’Ouest. Plusieurs pays ont engagé des réformes qui tendent progressivement à considérer les pratiques locales et intégrer, à divers degrés, le droit foncier « coutumier [1] ». En Guinée, la réforme foncière est d’actualité depuis plusieurs années mais les différents événements politiques récents ont continuellement repoussé le travail entamé. Il n’en demeure pas moins que le sujet reste un enjeu d’actualité, évoqué par les différents responsables politiques qui se sont succédé et sera un des chantiers du nouveau gouvernement.
2 Nous proposons dans cet article, à partir d’une étude fine du droit foncier coutumier, de revenir sur les enjeux et les objectifs évoqués par les acteurs qui veulent assurer une cohérence entre le Code Foncier et le droit local et les confronter aux réalités et aux logiques qui ont cours en Guinée Maritime. Il sera alors intéressant, une fois les objectifs discutés, de développer quelles sont les voies pour renouer pratiques et légalité en se concentrant sur les intérêts d’un tel cheminement.
3 Si le droit local est complexe, il garantit une sécurité suffisante sur certains espaces pour permettre des investissements productifs, grâce à sa capacité d’adaptation à des facteurs endogènes et exogènes au village. De plus, le droit coutumier ne présente aucun flou sur aucun espace, ouvre l’accès à tous et contribue à une logique de gestion durable des ressources, considération au cœur des stratégies locales de gestion du territoire villageois. La question est alors de comprendre pourquoi il faut tout de même rétablir un lien entre légalité et pratiques et surtout, comment y parvenir dans le contexte guinéen ? L’objectif de cette réflexion est de proposer des clés qui ne heurtent pas les contextes locaux et prennent en compte les enjeux réellement ciblés d’un tel processus. Il semble en effet que le Code Foncier tel qu’il est conçu et appliqué, déstabilise fortement le système en place et génère finalement plus de précarité, aspect que nous développerons.
4 Cet article s’appuie sur une étude menée dans le Nord de la Guinée Maritime [2] dans le cadre de l’Observatoire de la Guinée Maritime [3] (CNRS/IRD/Muséum d’histoire naturelle de Paris) entre 2003 et 2007. Nous détaillerons dans la première partie les différents types de droits fonciers qui ont cours dans les zones rurales de Guinée Maritime, ainsi que l’état actuel du Code Foncier. Dans la deuxième partie, nous reviendrons sur les enjeux de la réforme foncière et les mettrons en perspective avec le contexte guinéen. Dans la dernière partie, une fois les objectifs clairement posés, nous proposerons des perspectives de conciliation entre pratiques et légalité.
1 Droit foncier coutumier et Code Foncier
5 Il convient tout d’abord de décrypter le système foncier coutumier, relativement complexe, du littoral guinéen. En milieu rural, le droit coutumier prévaut sur le territoire villageois. Les enregistrements par l’administration de terre avec acte sont très rares et ne se rencontrent que dans les zones périurbaines.
1.1 Droit foncier coutumier : des droits lignagers et individuels
6 Le droit foncier coutumier est composé de nombreux droits, lignagers ou individuels, qui peuvent se superposer sur un même espace. Nous allons passer en revue tous ces types de droit afin de poser les bases de la compréhension de nombreux points qui seront évoqués tout au long de l’article. Nous nous appuierons sur une double terminologie afin d’essayer de rendre compte de la complexité du droit qui a cours : une basée sur les droits de détention (Cubrilo et Goislard, 1998 ; Fribaut et al., 2005) et une sur les faisceaux de droits ou de maîtrises foncières (Colin, 2008 ; Le Roy, 1997), l’objectif étant de rendre compte à la fois de la latitude décisionnelle d’un détenteur d’un droit sur un espace et des différents niveaux d’imbrication de droits sur un même espace.
7 Les phénomènes de dépendance entre les lignages ont de fortes implications sur la gestion foncière. Le fondateur d’un village établit un contrat avec le ou les génies en place. L’accord trouvé donne un droit éminent ou droit d’administration à ce fondateur sur tout le territoire villageois : il est le seul à connaître la nature du contrat, c’est-à-dire les modalités d’occupation des terres autorisées par le génie. Toute sa descendance héritera de ce droit à travers l’aîné du lignage.
8 Soucieux d’assurer l’expansion démographique, le lignage fondateur va accepter des étrangers et leur accorder des droits d’usage sur le territoire villageois. Tous les lignages autres que celui du fondateur (les « étrangers ») bénéficient de droits qui leur donnent la faculté d’administrer ou d’exploiter des espaces de culture. Il existe deux niveaux de droit à l’échelle du lignage.
9 Le droit d’usage consolidé est accordé à un lignage par un autre : il est une forme de droit d’administration délégué. Il peut être octroyé par le lignage détenteur du droit éminent ou droit d’administration mais aussi par un lignage détenteur d’un droit d’usage consolidé ou droit d’administration délégué. Deux cas de figure peuvent se présenter. Soit le territoire villageois a été découpé en domaines, dès l’arrivée des premiers étrangers ; soit le territoire n’est pas prédécoupé et, chaque année, le lignage fondateur distribue des terres. Dans le premier cas, le droit d’usage consolidé est un droit d’administration délégué sur une partie du territoire villageois : chaque lignage va gérer, annuellement et de façon autonome, son domaine en le répartissant entre les différents ménages. Dans le second cas, la répartition est à la charge du lignage fondateur : on parlera alors d’un droit d’administration délégué attribué annuellement à chaque lignage sur une partie du territoire qui n’est pas la même d’une année à l’autre. Cependant, dans les deux cas, la cession d’un droit d’usage sur le territoire villageois à un nouvel arrivant doit recevoir le consentement du lignage fondateur car, quelles que soient les modalités de distribution de la terre, tous les espaces restent toujours sous l’emprise des fondateurs par le droit éminent ou droit d’administration dont ils sont investis à jamais sur tout le territoire villageois. Comme nous venons de le dire, un lignage qui a obtenu un droit d’usage consolidé ou droit d’administration peut en accorder un à un lignage arrivant sur une partie du territoire qui lui a été confié, dans le cas de l’existence de domaines, ou soutenir un lignage arrivant auprès du lignage fondateur afin que ce dernier cède des droits d’usage. Dans les deux cas, ce sera le lignage étranger qui aura appuyé la démarche et reçu les nouveaux arrivants qui sera leur tuteur. Les installations successives représentent différentes couches ou strates de dépendance qui convergent vers le lignage fondateur dont tous les autres lignages sont les « étrangers » directement ou indirectement.
10 La figure 1 reprend les différents degrés de dépendance entre les lignages à travers les droits lignagers. Le droit foncier « en deuxième main » sous-entend que toute modification majeure de l’espace ou de clauses du contrat peut nécessiter une consultation en différé au lignage fondateur qui doit de toute façon être sollicité.
11 Il existe un autre type de droit foncier qui concerne les lignages : le droit d’usage que nous avons appelé précaire qui est en fait un droit opérationnel de courte durée. Tout comme le droit d’usage consolidé, il peut être accordé par un lignage détenteur d’un droit d’administration (qu’il s’agisse du droit d’usage consolidé ou du droit éminent). C’est un droit de courte durée qui limite les possibilités d’action sur le territoire donné. Il est généralement accordé à un lignage récemment arrivé, qui n’a de relations avec aucun villageois et dont on veut tester les bonnes intentions afin de savoir s’il peut intégrer le village. Des étrangers inconnus qui demandent à s’installer posent effectivement problème : les villageois ignorent les motifs de leur départ de chez eux, surtout s’ils viennent de loin (Magnant, 1986). Ils passent donc par une phase d’observation et disposent de droits qui limitent leur fixation dans le village. Ces droits évolueront avec leur intégration dans la communauté. Aucun lignage anciennement établi dans le village n’exploite ses terres sous ce type de contrat. Au niveau lignager, il est donc une première étape vers l’obtention d’un droit d’usage consolidé ou d’un droit d’administration délégué.
12 Nous venons d’évoquer les droits fonciers relatifs au lignage. Nous allons étudier maintenant les droits fonciers dont dispose l’individu.
13 Au niveau de l’individu, différents droits d’usage ou droit opérationnels assurent une latitude décisionnelle plus ou moins importante sur un espace. Le droit d’usage consolidé est très proche du droit de propriété, au sens romain du terme, car les enfants du détenteur d’un tel droit pourront hériter de l’espace concerné. Cependant, si le détenteur jouit d’une grande liberté quant aux activités pratiquées sur cet espace, celles-ci doivent rester conformes à ce qui a été accepté lors de la cession du droit. Ce type de droit d’usage ou droit opérationnel établit un lien important entre le détenteur et sa terre : son appropriation peut difficilement être remise en question une fois acceptée. Il nous faut préciser que cet état de fait ne donne pas pour autant la possibilité au détenteur de vendre la terre en question qui reste inaliénable. Pour le droit d’usage précaire, il correspond à tout ce qui peut s’apparenter à un prêt, qu’il soit effectué par un individu ou par un lignage à travers son aîné. Ces derniers, pour être en mesure de prêter une terre, doivent la détenir en droit d’usage consolidé. Le bénéficiaire peut alors jouir de l’espace sur une durée déterminée, le plus souvent courte (un an). Il est très contrôlé au niveau des pratiques, définies avant que le prêt soit conclu.
14 Au niveau de l’individu, un aspect du droit foncier local mérite d’être évoqué. Tous les membres de la communauté villageoise jouissent d’un droit d’usage ou droit opérationnel imprescriptible. Il s’agit du droit de chaque membre de lignage de jouir, chaque année, d’un espace dédié aux cultures annuelles ou bisannuelles sur les coteaux, et d’y pratiquer la culture. Contrairement aux autres droits individuels, il n’a pas à être négocié : il est imprescriptible. Les terres ainsi accordées ne le sont que pour une ou deux saisons de cultures. Les bénéficiaires ne sont pas assurés de revenir y cultiver un jour. Ce droit permet à tous les villageois d’obtenir un espace cultivable chaque année qui sera distribué par l’aîné du lignage de l’intéressé ou du lignage fondateur suivant qu’il existe ou non des domaines lignagers, comme nous l’avons expliqué à propos des droits lignagers.
15 Plus généralement, les espaces du territoire villageois qui ne sont pas clairement exploités par l’individu sont ouverts à tous pour les prélèvements, qu’il s’agisse des produits de la chasse, de la cueillette ou de la pêche. Quel que soit le type de droit qui le lie à une parcelle, l’individu qui l’exploite, est le détenteur des arbres et de tout ce qui y pousse, le temps de validité de son contrat. Par exemple, le droit imprescriptible qui lie un individu à une terre le temps d’une, deux ou trois saisons culturales, va accorder à l’exploitant l’exclusivité de prélèvement des régimes de palme sur les palmiers spontanés situés sur sa parcelle. À la fin de son contrat, et donc de l’exploitation de la parcelle, les palmiers redeviendront la propriété de toute la communauté villageoise et tout le monde pourra prétendre à la cueillette de ces régimes. Nous précisons bien « la communauté villageoise » car les ponctions sur les ressources du territoire villageois par des non-résidents au village sont assujetties à des demandes et des accords attribués par les anciens, en fonction de la disponibilité de la ressource en question.
1.2 Une imbrication complexe des droits fonciers coutumiers
16 Nous pouvons maintenant tenter d’éclairer la complexité des droits fonciers coutumiers. En effet, à un espace ne correspond pas un droit unique. Les différents droits que nous venons d’évoquer se superposent pour constituer un tissu dense de relations entre des individus, des groupes d’individus et des espaces. Très tôt, on s’est heurté à la complexité du droit foncier coutumier guinéen. Fréchou (1962) déclarait : « il paraît impossible, à partir des réponses contradictoires, hésitantes et embrouillées données par les informateurs, de définir des principes généraux » (p. 120). L’imbrication des droits laisse en effet supposer que les discours sont contradictoires, mais il n’en est rien.
17 Tous les espaces du territoire villageois sont appropriés, que ce soit collectivement ou individuellement. Le droit éminent ou droit d’administration des fondateurs est exercé sur tout le territoire villageois et aucun espace n’y échappe. C’est la garantie d’un contrôle permanent des autorités coutumières sur le territoire villageois. À l’intérieur de ce territoire, des espaces sont détenus par des lignages en droit d’usage consolidé, c’est-à-dire des droits d’administration délégués et dédiés à des espaces clairement délimités. Ces domaines lignagers sont à leur tour découpés et distribués annuellement aux membres du lignage par le droit d’usage – ou opérationnel – imprescriptible ou à d’autres lignages en droits opérationnels plus ou moins précaires.
18 Prenons, par exemple, un espace détenu en droit d’usage précaire par un lignage fraîchement arrivé dans un village et placé sous la tutelle d’étrangers. Trois lignages peuvent revendiquer un droit sur ce domaine : le lignage fondateur détient un droit éminent ou d’administration, le lignage d’étrangers un droit d’usage consolidé ou droit d’administration délégué (sinon il n’aurait pas pu céder un droit d’usage sur son domaine) et les nouveaux venus un droit d’usage/opérationnel précaire. À la question généraliste « êtes-vous détenteur de la parcelle ? », les aînés de ces trois lignages répondront « oui ». Le lignage détenteur d’un droit d’administration délégué (le plus à même de décider des modes d’exploitation d’un espace) n’est pas forcément celui de l’exploitant. Ce dernier n’est pas systématiquement décideur sur son espace. Les droits auxquels nous venons de nous référer sont des droits lignagers : l’aîné du lignage est décideur au nom du lignage. Ainsi, même un membre d’un lignage investi d’un droit opérationnel ne sera pas décideur sur l’espace qu’il exploite, ce sera son aîné.
19 Les droits fonciers lignagers et individuels se superposent. Reprenons le cas fictif que nous venons d’évoquer. Dans le lignage récemment installé, un individu réclame une parcelle qu’il obtient par application du droit d’usage/opérationnel imprescriptible. Il aura donc un lien à une parcelle, sur laquelle se superposent les droits des lignages. Son aîné peut ainsi se revendiquer « propriétaire » de l’espace, tout comme l’aîné du lignage tuteur et l’aîné du lignage fondateur. Au final, quatre individus interrogés sur la détention d’un même espace se présenteront comme « propriétaire ».
20 Les modes de détentions associés à des « droits délégués » (Le Roy, 1998) rendent la lecture des différents acteurs et de leurs usages compliquée pour un observateur non averti. Pourtant, le système foncier traditionnel ne laisse la place à aucune confusion : il n’y a d’incertitude sur aucun espace. Il est également respecté : bien que les règles soient complexes, elles ne sont jamais contestées ; si des litiges se font jours, ils se jouent à d’autres niveaux.
1.3 Le Code foncier guinéen
21 Selon Karsenty (1998), à la fin de l’ère coloniale, les États africains ont le plus souvent placé la loi au cœur des stratégies de modernisation et d’unification nationale. L’objectif était clair : « construire un État dont le monopole de la gestion de la société soit à la fois le but et le moyen de sa constitution, introduire une innovation (la propriété privée) qui permet la transformation des sociétés africaines et la généralisation des rapports marchands » (Karsenty, 1998, p. 46). La volonté de centralisation de la gestion foncière, à l’instar du système colonial, s’est perpétuée avec l’établissement de Codes reconnaissant la souveraineté de l’État dans ce domaine. Dans les pays francophones, la terre appartient généralement à l’État tant qu’elle n’est pas immatriculée. Cette politique devait permettre à l’État de promouvoir un développement économique car la terre devenait accessible aux acteurs économiques efficaces, de disposer facilement de la terre pour développer les infrastructures et limiter la spéculation foncière grâce au contrôle des transactions par les instances administratives (Lavigne, Delville et al., 2000).
22 Seulement cette politique foncière centralisée n’a pas eu les effets escomptés. De nombreux abus ont été observés dans la perquisition de terres et les expropriations qui s’ensuivent. Des populations fortement dépendantes des ressources disponibles sur ces espaces ont dû les évacuer sans recevoir de compensations, la terre appartenant à l’État. La spéculation n’a pas été empêchée et l’insécurité foncière est allée grandissante. La justification de l’intervention publique par la stimulation d’un usage plus productif a rarement été vérifiée (Lavigne Delville et al., 2000). De plus, il s’est avéré que l’application du droit foncier public est restée très limitée dans le monde rural, le droit coutumier primant le plus souvent.
23 Cette politique a donc été très fortement contestée, aussi bien par les chercheurs que par les instances internationales. Celles-ci ont alors prôné la privatisation des terres comme moyen de développement. Cette modernisation du droit foncier a été appuyée par les institutions internationales dès les années quatre-vingt, pendant la période des politiques d’ajustement structurel. Ces politiques tentent d’ouvrir un véritable marché foncier, de clarifier le foncier et de sécuriser les détenteurs de droits de manière à les inciter à élaborer des stratégies productives sur la longue durée.
24 Avec la remise en question de cette politique de substitution du droit privé au droit coutumier par de nombreux chercheurs, dès les années quatre-vingt-dix, plusieurs pays ont opté pour des alternatives qui tentaient d’intégrer les modalités locales de gestion foncière. De la reconnaissance au cas par cas des droits fonciers locaux à la décentralisation, les politiques étatiques semblent se tourner, aujourd’hui, vers une considération plus importante des modalités locales de gestion foncière avec de nombreuses disparités suivant les pays (Rochegude, 2002).
25 La République de Guinée s’est inscrite dans les différentes conjonctures. La Première République a été marquée par la reconnaissance du monopole foncier de l’État et une forte implication du public dans la gestion foncière (Diop, 2002). L’arrivée de la nouvelle République et sa réforme foncière de 1992 ont réhabilité la propriété privée. L’État a fait également preuve d’une volonté d’implication des populations locales en responsabilisant les Communautés Rurales de Développement [4] (CRD) dans la gestion foncière. Cependant, le droit appliqué localement dans le monde rural reste le droit foncier coutumier et les CRD sont rarement sollicitées pour l’immatriculation de terres. Le Code Foncier guinéen établi en 1992 [5], semble ainsi avoir opté pour une négation de l’existence des droits fonciers locaux (Ouedraogo, 2002), en considérant que l’État est la seule source de légitimité foncière.
26 Le Code domanial et foncier guinéen, validé par l’ordonnance n? 92/019 du 30 mars 1992, est composé de 238 articles regroupés en six titres. L’ordonnance constitue la base légale de l’administration des terres, aussi bien publiques que privées, en République de Guinée. Elle remplace l’ancienne législation en vigueur depuis la Première République, qui reconnaissait un monopole de l’État sur l’ensemble des terres du pays, les particuliers jouissant de la terre grâce à des cessions à durée limitée, sous le principe de la concession. L’ordonnance de 1992 s’est ainsi inscrite dans les nouvelles orientations politiques du gouvernement guinéen vers un libéralisme marqué : le Code domanial et foncier s’était fixé comme objectif de faciliter l’accès à la terre aux particuliers et ainsi stimuler les investissements privés. Cependant, cet objectif a éloigné le texte des réalités locales (Ouedraogo, 2002).
27 Dans le titre 1 (« La propriété foncière »), les propriétaires reconnus légalement et, donc, protégés par les lois et les juridictions compétentes, sont énumérés (art. 39) : il s’agit des détenteurs d’un titre foncier, des occupants titulaires de livret foncier, de permis d’habiter ou d’autorisation d’occuper, en vigueur sous l’ancienne loi foncière et les occupants justifiant d’une occupation paisible, personnelle, continue et de bonne foi. Le dernier cas (art. 39, al. 3) pourrait être interprété comme une reconnaissance, ou du moins une ouverture, du Code Foncier vers le droit coutumier. Un détenteur sous un droit coutumier pourrait effectivement invoquer à son profit la condition de l’occupation prolongée de terres car sont également considérés comme propriétaires « les occupants justifiant d’une occupation paisible personnelle et continue de bonne foi ». Cependant, les restrictions émises dans cet alinéa de l’article 39 méritent de détailler la constitution de cette occupation reconnue par la loi. « Paisible » implique que la possession ne doit pas avoir été contestée. « Personnelle » signifie qu’elle doit avoir été exercée en son nom par la personne invoquant la prescription acquisitive. « Continue » suppose que la jouissance ne doit pas avoir été interrompue une fois ou à plusieurs reprises. Enfin, « de bonne foi » engage que le possesseur ne doit pas avoir eu connaissance de l’existence de droits réguliers d’une tierce personne sur l’espace concerné. Or, nous avons vu que le droit foncier traditionnel accorde principalement des droits aux lignages. « Personnelle » exclut déjà de très nombreux droits d’usage locaux. Pour les droits coutumiers individuels, le droit d’usage imprescriptible ne peut rentrer dans le cadre de la loi car nous avons vu qu’il concerne des espaces cultivés annuellement avec peu de chance de retour de l’exploitant sur la même parcelle : le terme « continue » l’exclut donc. Il en est de même pour les casiers rizicoles car l’exploitant change fréquemment, ces parcelles étant l’objet de nombreux prêts au gré des alliances. De plus, la considération d’occupation prolongée renvoie au Code Civil, dans lequel elle n’est reconnue qu’à partir de trente ans. Les droits opérationnels, accordés à l’individu par les autorités coutumières dans le but de constituer une plantation, ne peuvent rentrer dans ce cadre car ce type d’évolution du droit coutumier est très récent et donc inférieur à trente ans. Enfin, le Code Foncier prévoit que la bonne foi peut être rapportée par la mise en valeur des terres par le possesseur. Celle-ci ne devrait pas être reconnue comme une présomption de bonne foi, puisque cela reviendrait à accepter toute demande venant d’un exploitant. Or nous avons vu que l’exploitant, dans de nombreux cas, n’est pas décideur sur sa parcelle.
28 Plus généralement, la superposition des droits fonciers coutumiers n’est pas propice à un cadre aussi précis de la loi. Rappelons que les aînés ne sont pas détenteurs personnellement des domaines lignagers : ils usent des droits au nom du lignage. Quoi qu’il en soit, celui qui réussirait à réunir et faire reconnaître tous les critères requis par la loi ne dispose pas automatiquement du titre de propriété. La possession de fait ne confère pas de plein droit la propriété : elle ouvre le droit à réclamer la consécration du droit de propriété. Le possesseur doit alors demander à un juge de reconnaître son droit de propriété avant d’enregistrer et immatriculer son droit à ses frais.
29 Selon Ouedraogo (2002), l’article 92 est souvent invoqué comme une « reconnaissance juridique des tenures foncières locales ». Il décrit ce recours comme une illusion juridique. L’article 92 déroge au Code Civil sur l’acceptation de l’occupation prolongée, seulement il ne le fait que pour certains cas très précis qui concernent les « règles d’aménagement foncier rural » (art. 92). Les règles visées par cet article sont celles relatives à la protection et à l’aménagement des aires protégées, des forêts classées et des périmètres agricoles et pastoraux et, aussi, les règles relatives à la restauration des sols. Cet article vise ainsi une hypothèse particulière qui ne peut être perçue comme un véritable régime dérogatoire pour la propriété foncière rurale en général puisqu’il s’agit d’un cadre propre à la protection et à l’aménagement. En d’autres termes, le Code foncier déroge uniquement pour ce qui est des règles d’aménagement.
30 Le Code foncier ne fait ainsi aucune référence explicite aux droits fonciers traditionnels. Les exploitants en milieu rural, qui ne détiennent ni titres fonciers, ni les documents prévus par la législation foncière antérieure, ne peuvent pas prétendre à une reconnaissance par la loi. Aujourd’hui, l’impact de ce Code foncier est très limité dans le monde rural, d’autant qu’il est certainement plus concret d’être reconnu comme détenteur par la communauté qui vit sur le territoire concerné que par un État absent à cette échelle et qui ne saura pas protéger les droits du détenteur d’un titre de propriété, si les autorités coutumières ne les lui reconnaissent pas.
2 Intérêts de la légalisation des pratiques
31 La République de Guinée devrait rapidement entamer une réforme du Code Foncier avec l’arrivée du nouveau gouvernement, chantier entamé par les différents gouvernements précédents. Cependant, avant de discuter des voies de conciliation des pratiques et de la légalité, il est important de revenir sur les objectifs évoqués par les acteurs et les défenseurs d’un tel processus, afin de préciser les différents choix qui s’offrent à la Guinée dans le domaine en clarifiant les effets escomptés par les actions qui pourraient être menées.
2.1 La sécurisation foncière ?
32 L’argument le plus répandu concerne la sécurisation du foncier. Délivrer des titres de propriété garantirait une meilleure sécurisation des ayants droit et les inciterait à investir à long terme dans des aménagements plus productifs (Norton, 2005). Cependant, il semble que le droit coutumier a su évoluer pour offrir des garanties d’occupation des terres à l’individu sur du très long terme.
33 Les droits fonciers individuels sont le fruit d’une évolution récente des droits d’usage coutumiers. Ils étaient encore quasi exclusivement lignagers dans la première moitié du XXe siècle (Paulme, 1956), en dépit des confrontations avec le « droit occidental » autour du Rio Nuñez dès le XVIe siècle, avec quelques espaces appropriés par des métis pour alimenter les bateaux négriers (Chéneau-Loquay, 1997). Nous allons donc tenter de déceler les facteurs évolutifs du statut des espaces concernés par les droits individuels et surtout de cerner les raisons de ces évolutions engagées par les pouvoirs coutumiers.
34 Deux droits opérationnels propres à l’individu nous intéressent ici : le droit d’usage consolidé inhérent aux casiers rizicoles et celui qui concerne la plantation sur certaines parties des espaces de coteau.
35 S’agissant du droit qui lie un individu à un groupement de casiers, Bouju (1994) décrit l’individualisation des parcelles comme récente. Ce phénomène semble être apparu après la seconde guerre mondiale (Rivière, 1973). Il est difficile de cerner véritablement les motivations d’une telle évolution tant la bibliographie est peu dense sur ces dynamiques en Guinée Maritime. Deux facteurs à mettre en parallèle semblent avoir conduit à l’appropriation privée des casiers. Tout d’abord, la nécessité de grands aménagements hydrauliques, avec la diminution progressive de la mangrove par défrichage et l’intensification de l’utilisation des rizières avec l’apparition des techniques d’endiguement (Chéneau-Loquay, 1997), a mené à l’individualisation de la détention des parcelles. En second lieu, le lancement d’un projet visant à faire de la Guinée le grenier à riz de l’Afrique de l’Ouest dans l’objectif d’assurer l’autosuffisance alimentaire des colonies a impulsé une forte poussée de la demande (Suret-Canale, 1970). Le droit a ainsi pu évoluer vers une gestion plus autonome des casiers pour permettre aux exploitants d’investir dans les aménagements nécessaires pour répondre à la demande axée alors sur la Guinée. Des opportunités extérieures peuvent infléchir les règles pour que tous puissent avoir la capacité d’y répondre. Si la nécessité d’investir pour les aménagements rizicoles a transformé l’accès à la terre, les modalités de travail n’ont pas été pour autant modifiées et restent fortement communautarisées. Les deux facteurs sont donc étroitement liés puisqu’il est aujourd’hui difficile de savoir si les techniques d’endiguement n’ont finalement pas été intégrées en raison de l’intérêt que suscitait alors une augmentation des volumes de production.
36 En ce qui concerne les plantations, le droit d’usage consolidé qui permet à un individu de constituer une plantation s’est développé beaucoup plus récemment dans la zone d’étude, ce qui facilite la compréhension de cette dynamique. Il est à noter cependant que des formes d’individualisation ont pu être observées dès le début du XXe siècle sur la basse côte, plus près de la capitale, pour des produits qui ont aujourd’hui perdu de leur intérêt économique, comme la banane (Rivière, 1973). La libéralisation du marché apportée par la nouvelle République, en 1983, a permis le développement des filières des produits issus de l’arboriculture. L’huile extraite des noix de palme ou de palmiste et la noix de cajou sont absorbées jusqu’au niveau international et l’orange et le citron par le marché intérieur. Les plantations, réalisables uniquement sur les espaces de coteau, n’étaient alors pas autorisées car ces espaces, réservés principalement à la production de l’arachide et du riz pluvial, ne pouvaient être exploités que sous un droit accordé pour des durées courtes uniquement. L’octroi à vie d’une parcelle pour la plantation nécessitait une évolution des règles d’accès coutumières. Toujours sous l’égide des pouvoirs coutumiers, il est devenu possible d’occuper un espace pour une durée illimitée et d’en faire hériter ses enfants. Une partie du territoire située sur les espaces de coteau est ainsi condamnée pour les plantations, au profit de l’individu, la plus grande partie de ces espaces étant toujours exploitée sous un droit d’usage imprescriptible. Le droit coutumier est capable de s’adapter aux évolutions de son environnement économique et social et d’offrir une sécurisation du foncier lorsque les opportunités de marché le nécessitent. Il n’est donc pas évident que l’octroi de titre de propriété représente un grand changement au niveau des investissements productifs.
2.2 La promotion de l’équité dans l’accès à la terre ?
37 Un autre argument concerne l’accès à la terre : la promotion des actes de propriété permettrait d’ouvrir plus largement l’accès à la terre aux couches vulnérables de la population, en clair, de garantir une certaine équité dans l’acquisition d’espaces de production.
38 Si les ventes de terres avec acte de propriété sont quasi inexistantes dans le monde rural de la Guinée Maritime, dans certaines zones périurbaines, le droit « légal » accroît son emprise et se confronte au droit traditionnel. En effet, l’intérêt grandissant pour ces espaces augmente fortement la valeur marchande des terres et la vente tend alors à s’y démocratiser. La périphérie de Boffa en est une bonne illustration.
39 La première vente de terre avec acte, sur les sites que nous avons étudiés autour de Boffa (les districts de Thia et Dominiya), semble remonter à 1987, avant l’établissement définitif du Code Foncier. La terre avait alors été achetée par un haut fonctionnaire du Ministère des Finances à Thia. L’attrait du développement de la plantation dans la zone et des terres proches des axes routiers, en particulier la nationale qui passe par Boffa et relie Boké à Conakry, a généré une demande importante sur ces espaces périurbains. Cependant, on peut se demander quel est l’intérêt d’acheter des terres dans un contexte où la tradition veut qu’elles soient accordées gratuitement aux étrangers. Pour répondre à cette question, il faut d’abord cerner le profil des acheteurs.
40 En effet, sur la vingtaine de cas de terres vendues et étudiés sur les trois secteurs du district de Thia, aucun acheteur n’est un « enfant du village » : ils n’ont aucun lien lignager avec les villageois. Les acheteurs n’envisagent généralement pas de s’installer dans le village : ils veulent exploiter des terres pour constituer des plantations sans pour autant résider au village. Le droit foncier coutumier n’est donc pas en mesure de répondre aux attentes de ces étrangers qui vivent le plus souvent à la ville. Si ce droit accorde la possibilité de céder des terres gratuitement, il exige, en contrepartie, que les étrangers bénéficiaires s’installent dans le village, l’intérêt de ces attributions de droits étant d’assurer la fixation d’étrangers et donc l’expansion démographique du village.
41 Il n’en reste pas moins que les acheteurs doivent passer par les autorités coutumières pour acheter les terres car leur reconnaissance est plus importante que celle de l’État, ce dernier n’étant pas sur place pour veiller au respect du contrat. La participation du pouvoir traditionnel dans la vente de terre représente toutefois un paradoxe important puisque, dans le cadre coutumier, la terre est par définition inaliénable. C’est donc le contexte qui rend attractive la vente et explique cette dérive du droit foncier traditionnel. La demande croissant, les prix atteignent des niveaux qui suscitent un intérêt très vif chez les populations périurbaines : de 50 000 GNF/ha au début des années quatre-vingt-dix, ils atteignent jusqu’à 1 000 000 GNF/ha quinze ans plus tard, et les aînés sont prêts à dilapider les domaines lignagers. Cette tendance ne va pas sans problème.
42 Seuls les aînés sont en mesure de vendre les patrimoines lignagers dont ils assument la gestion. En règle générale, les aînés consultent leurs cadets directs pour toute affaire mais ceci n’est pas une obligation. Il y a donc maints abus et on relève de nombreux cas où les tractations ont été faites sans en référer au lignage et aux autres anciens. La tentation est trop forte : l’aîné essaye souvent de vendre les terres pour son seul profit. Cependant, les contestations se font vite jour : l’aîné est alors contraint de redistribuer une partie de la somme obtenue pour faire taire les membres du lignage qui se sont manifestés. Des stratégies se sont élaborées avec des membres du lignage qui partent en quête d’acheteurs, les mettent en contact avec l’aîné et touchent une commission sur la vente. Pour exemple, un individu qui n’appartient pas au cercle décisionnaire du lignage mais qui a trouvé un acheteur et l’a présenté à l’aîné peut prétendre à percevoir entre 20 % et 40 % de la somme remise contre la terre. Bien évidemment, le reste du lignage ne bénéficie pas de la vente et ce sont, le plus souvent, les aînés qui récoltent l’intégralité du prix de vente.
43 Ce processus de vente des domaines lignagers provoque de nombreuses perturbations dans le système traditionnel de gestion foncière que nous avons décrit jusqu’ici. Par exemple, à Thia, les domaines communautaires qui permettaient à tous les habitants du village d’avoir accès à la terre chaque année sous un droit d’usage imprescriptible, n’existent plus depuis que les espaces en bordure de route, les plus prisés, ont été appropriés individuellement par les aînés de chaque lignage. En clair, la forte monétarisation du foncier engendre de fortes carences de terre qui pénalisent en priorité ceux qui ne font pas partie du cercle de l’autorité coutumière. L’intérêt suscité par la possession individuelle de terres encourage les aînés à favoriser l’individualisation du parcellaire, c’est-à-dire le passage des droits lignagers vers des droits consolidés individuels, tels que nous les avons décrits pour les plantations. Seulement ici, tout le territoire villageois tend vers cette individualisation à outrance réalisée, qui plus est, en faveur d’une minorité. Les espaces destinés aux cultures annuelles deviennent de plus en plus rares, voire inexistants, comme à Thia.
44 Ces phénomènes créent de nombreux laissés-pour-compte et alimentent souvent des tensions entre les communautés villageoises voisines. Comme le précise Chéneau-Loquay (1997), l’affirmation de l’emprise de la loi étatique provoque un accroissement des conflits fonciers, restés exceptionnels et très localisés jusqu’au milieu des années quatre-vingt. En effet, les carences de terre générées par la vente poussent certains villageois à déborder sur les territoires villageois voisins lors de la défriche, préalable de la culture de l’arachide et du riz pluvial, ce qui n’est pas sans susciter de vives réactions. Les conflits fonciers inhérents à la vente de terre ne se contentent pas de confronter des villages voisins : au sein d’un même village, de nombreuses revendications peuvent subvenir sur les espaces les mieux placés. Nous sommes loin des petits conflits fonciers habituels : les espaces sources de litige peuvent concerner plusieurs hectares.
45 Des questions se posent alors sur les modalités d’introduction du Code Foncier guinéen dans le monde rural et les effets pervers de l’individualisation du foncier portée par un corpus de lois peu soucieux des pratiques locales et qui génère de nouveaux types de conflits en laissant de côté une majorité de la communauté villageoise. L’exclusion et la rupture avec la flexibilité du droit coutumier semblent être les premiers effets de la politique étatique foncière. On comprend que l’argument de l’équité dans l’accès aux espaces de production a peu d’emprise dans le contexte que nous décrivons.
46 Si l’objectif des politiques nationales de distribution des terres est, comme le précise Norton (2005), de mettre en place des « mécanismes permettant l’accès à la terre du plus grand nombre de familles rurales possible, sur des parcelles d’une taille suffisante pour assurer [...] le niveau de vie minimum acceptable » (p. 144), il est aisé de constater que le droit foncier local répond déjà à ces principes et que le rôle joué par les politiques publiques foncières à ce niveau est obsolète, voire contradictoire avec l’objectif avancé. Lors de la répartition, chaque année, des espaces pour les cultures annuelles ou bisannuelles, le nombre d’unités de consommation du ménage prime sur le nombre d’actifs.
2.3 Pour une gestion plus durable du territoire et de ses ressources ?
47 Une préoccupation croissante de ce genre de politique est l’optimisation de la gestion du territoire et de ses ressources (Chouquer, 2009), en particulier la considération de la durabilité environnementale (Norton, 2005). Une gestion institutionnelle du territoire, couplé à une optimisation de l’utilisation des espaces de production, participerait à une gestion plus durable des ressources. Dans le cas qui nous intéresse, c’est oublier la capacité de gestion du territoire et des ressources des autorités locales. Si nous ne développons pas en profondeur cet aspect que nous avons déjà décrit à plusieurs reprises (Rey, 2009, 2009b et 2010), quelques points peuvent être évoqués ici.
48 Les sociétés littorales de Guinée ont dû adapter leurs pratiques à un ensemble de contraintes biophysiques, tout en profitant d’un ensemble d’opportunités. La pluri-activité s’est imposée comme une réponse pour optimiser économiquement l’exploitation des ressources. Les stratégies locales ne s’arrêtent cependant pas à une considération économique : elles prennent en compte également la disponibilité des espaces d’exploitation et des ressources. Le droit coutumier régit aussi l’usage en fonction de la disponibilité présente et future d’une ressource.
49 Plus généralement, les autorités coutumières exercent un contrôle de tous les espaces du territoire villageois et sont vigilantes quant à l’évolution des ressources. Des interdictions peuvent être imposées lorsqu’une ressource se fait rare. Les modalités de gestion du territoire villageois s’expriment à travers les rapports de force, les croyances magico-religieuses (forêts sacrées, forêts hantées), les interdits... Les droits fonciers participent pleinement à cette gestion qui est alors soit directe (vigilance des aînés sur les pratiques) soit indirecte (à travers les ayants droit qui veillent aux ponctions sur les espaces sous leur contrôle). (Rey, 2009)
50 L’État, de son côté, n’a pas les moyens de gérer le territoire à cette échelle, que ce soit à travers la décentralisation ou les services sous-préfectoraux de la DNEF (Rey, 2010). Compter sur l’institutionnalisation de l’accès aux espaces de production pour gérer plus durablement les ressources relève de l’utopie.
3 Quelles perspectives pour la Guinée ?
3.1 Les enjeux de la réforme
51 Nous venons d’évoquer les objectifs principaux évoqués pour les politiques foncières en Afrique de l’Ouest. Il apparaît que ces orientations ont peu d’emprise sur le contexte guinéen car, soit le système en place au niveau local intègre déjà ces objectifs dans ses modalités de répartition de l’espace, soit l’intervention étatique a pour résultante des phénomènes opposés aux effets escomptés. Avant de discuter des voies de jonction entre le droit local et le droit « légal », il est important de cibler quels sont les enjeux de la réforme du Code Foncier à venir dans le cas de la Guinée.
52 Tout d’abord, le cas décrit pour les zones périurbaines de Boffa nous invite à penser que l’application du Code foncier tel qu’il est actuellement construit mérite une réforme qui révise profondément les articles applicables en zone rurale. Travailler à une reconnaissance des droits locaux semble être un préalable à l’accompagnement de la monétarisation des espaces ruraux proches des villes. Celle-ci ne doit pas se faire aux dépens de la majorité des ayants droit, ni créer la précarité que nous avons décrite. Cela nécessite une prise en compte de la multiplicité des droits et des acteurs décisionnaires sur les différents espaces du territoire villageois.
53 Ensuite, si le discours habituellement tenu sur la sécurisation foncière vise à rassurer l’ayant droit, dans le cas guinéen il semblerait qu’il viserait plutôt à rassurer les bailleurs pour leurs interventions. Ce n’est pas pour autant à mésestimer : les bailleurs de fonds, à travers les différents projets d’appui à l’agriculture, sont les principales sources d’investissement extérieures dont peuvent bénéficier les populations rurales.
54 Enfin, comme le souligne Lavigne Delville (1998, p. 31), « dans bien des cas, les conflits ne résultent pas tant de la réalité objective de la pression sur les ressources, ou de la disparition des instances de régulation sous l’effet de cette pression, que de la pluralité des normes (droit local, droit de l’État, etc.) et des instances d’arbitrage (chefferie, administration, services techniques, etc.) ». Il semble donc important de recréer un lien entre l’État et le local et cela doit passer par une reconnaissance de la légitimité des instances et des pratiques locales.
3.2 La reconnaissance de la multiplicité des droits
55 Reconnaître la multiplicité des droits qui ont cours au niveau local nous mène à nous interroger sur les voies de faisabilité d’un tel chantier.
56 Une des clés d’entrée les plus évidentes serait l’individu. Il s’agirait de répertorier tous les ménages et leurs parcelles. Cependant, la superposition des droits lignagers et individuels entrave la faculté de détermination du décideur direct sur un espace. Sur un même espace, plusieurs individus peuvent prétendre être propriétaire en fonction du sens donné à ce terme. La superposition des droits fonciers ne permet donc pas d’entrevoir l’élaboration d’un cadastre qui légaliserait les formes de possessions déjà établies en répertoriant les espaces détenus par chaque individu, puisque peu d’entre eux ont un pouvoir décisionnaire exclusif sur une terre.
57 Sur les espaces de coteau, chaque lignage dispose d’un domaine qui peut lui être attribué de longue date ou annuellement par le lignage tuteur. Chaque individu se voit ensuite attribuer une parcelle qu’il va devoir défricher. Ce faisant, il devient décideur sur la parcelle pour l’année de culture et jouit de droits assez larges (par exemple, la récolte des régimes des palmiers à huile situés sur la parcelle). Toutefois, la prochaine mise en culture, après la jachère, ne sera pas forcément effectuée par le même exploitant. Tous les membres du lignage, dans le cas de domaines lignagers (quand le lignage dispose depuis longtemps d’un espace sous droit d’usage consolidé ou droit d’administration délégué), ou tout le village, dans le cas de domaines cédés annuellement, peuvent prétendre y cultiver. Dans un tel contexte, nous réalisons d’autant plus combien il serait incohérent de recenser les individus et leurs terres.
58 Cela est vrai pour les espaces de coteau mais ne l’est pas pour les espaces qui comprennent les faibles peuplements de palétuviers et les tannes herbeuses cultivées en riz de mangrove. En effet, le défrichement effectué sur ces espaces, une fois obtenu l’accord du lignage détenteur, va permettre au défricheur de disposer de ces terres comme bon lui semble. Il va ainsi jouir d’une certaine sécurité foncière et investir dans les aménagements nécessaires à la culture du riz de mangrove. Personne ne pourra prétendre récupérer cette terre, pas même un membre du lignage qui lui a cédé l’espace : ces espaces portent fréquemment le nom du premier défricheur.
59 Enfin, les bas-fonds sont le plus souvent détenus par le lignage fondateur qui y cultive ou accorde des droits d’usage ou droits opérationnels à d’autres lignages. Dans ce cas, la défriche n’est aucunement gage de sécurité foncière mais elle permet d’espérer, suivant les contrats, de demeurer sur l’espace en question un nombre important d’années, voire une vie. Pour ce type d’espace, des revendications peuvent vite apparaître. Les bas-fonds sont donc le plus souvent liés à leurs cultivateurs par des types de droit peu sécurisants.
60 À un type d’espace semble correspondre ainsi un niveau de sécurité foncière. L’évolution du droit d’usage coutumier a toutefois engendré l’existence d’autres modes d’appropriation pour les espaces de coteau qui ne nous permettent pas de valider cette clé d’entrée dans le système foncier en place : la plantation et les pépinières rizicoles.
61 La plantation permet à un individu d’obtenir un droit d’usage consolidé sur une parcelle quelconque ; en clair, de se l’approprier définitivement. Ce type d’appropriation rentre dans l’évolution spontanée du droit coutumier évoquée plus haut. La plantation s’effectuant sur les coteaux, s’intéresser à des types d’espace pour constituer des catégories de foncier sécurisé en vue d’élaborer une politique foncière, quelle qu’elle soit, risque de catégoriser des parcelles qui présentent une faible sécurité foncière avec des parcelles à forte sécurité foncière.
62 Dans le même sens, un détenteur de parcelles de mangrove peut revendiquer des terres de coteau contiguës à ses parcelles pour y implanter ses pépinières destinées à la culture du riz de mangrove. La constitution de pépinières sous-tend une forte sécurité foncière pour l’exploitant qui pourra également planter sur ces parcelles, des bananiers par exemple. Toujours sur un même type d’espace, les coteaux, nous observons ainsi un nouveau cas d’appropriation.
63 La carte du terroir de Kankouf donne une illustration de ce qui vient d’être évoqué (fig. 2).
64 Cette carte montre bien qu’il existe, sur un même type d’espace – les zones exondées – différents niveaux de lien foncier entre l’exploitant et la terre exploitée. Les parcelles sans droit consolidé (en gris moyen sur la carte) ne sont pas appropriées par un lignage en particulier mais pourraient l’être si des domaines lignagers existaient à Kankouf. Elles ne peuvent surtout pas être appropriées par un individu. Tout le monde dans le village peut y cultiver une année, grâce au droit imprescriptible, sans être sûr d’y pratiquer la prochaine mise en culture après le temps de jachère. Les plantation et les pépinières rizicoles (en gris foncé), situées également sur les zones exondées, sont détenues sous un droit consolidé. Se baser sur les différents espaces pour construire une typologie des niveaux de sécurité foncière peut donc prêter à confusion.
65 La meilleure clé d’entrée, pour favoriser l’élaboration d’un consensus entre loi et pratiques foncières, semble être l’activité. On peut catégoriser les espaces selon le type d’exploitation pratiquée. Les cultures annuelles de coteau (arachide, riz pluvial, sorgho, maïs...) sont le plus souvent pratiquées sur des espaces à faible sécurité foncière avec peu de chance de retour du même exploitant sur la même parcelle. Le maraîchage peut présenter une meilleure sécurité foncière (car les contrats excèdent le plus souvent l’année) mais l’exploitant n’est pas assuré, pour autant, d’y cultiver à vie et, encore moins, de le transmettre à ses enfants. L’arboriculture et la riziculture de mangrove présentent une sécurité foncière très forte, avec transmission par héritage.
66 Il est ensuite aisé de repérer les arboriculteurs et leurs espaces de plantation ; il en va de même pour ceux qui pratiquent la riziculture inondée et les autres activités évoquées. Le principe est de catégoriser les différentes activités suivant la force du lien qui lie l’agriculteur à sa terre, sachant que pour certaines activités, le droit d’administration sera plus ou moins prégnant. Pour les cultures annuelles sur les coteaux, le droit utilisé permet de laisser des espaces en « libre circulation » et d’éviter l’immobilisation de tous les espaces pour pouvoir s’adapter à l’évolution démographique des ménages. Ce système, malléable et évolutif pour une grande partie des parcelles, est donc une réponse directe aux évolutions des besoins spécifiques de chaque ménage qui se voit remettre un espace proportionnel à ses besoins. Le système est donc adapté à la problématique espace limité/évolution démographique des ménages (et donc des besoins). En effet, pour les ménages, l’évolution démographique ne s’oriente pas systématiquement vers un accroissement : certains lignages peuvent disparaître d’un village (avec, par exemple, une génération composée principalement de femmes), une lignée peut migrer suite à des conflits, certains ménages ont leurs enfants en ville... Grâce à ce système foncier, il n’existe pas de paysans sans terre dans cette région (Rey, 2010b). Pour ces espaces, ce seront donc les détenteurs du droit d’administration qui devront être mis en avant.
67 Une approche axée sur les activités semble donc la plus pertinente pour classer les différents niveaux de sécurité foncière. Cela permettrait de mettre en avant soit les détenteurs du droit opérationnel (riziculture inondée, plantations, pépinières rizicoles), soit les détenteurs du droit d’administration (culture de l’arachide, riziculture de coteau, maraîchage).
3.3 Dé-décentralisons !
68 La difficulté de la construction du lien entre légalité et pratiques ne réside pas uniquement dans la capacité à reconnaître les différents droits qui ont cours au niveau local. Il est particulièrement ardu de reconnaître les différents décideurs sur un même espace. Plutôt qu’un processus d’enquête qui pourrait être aussi onéreux que laborieux, il est important d’avoir une autorité légitime et institutionnalisée au niveau local qui aura la responsabilité de la reconnaissance des ayants droit.
69 Actuellement, il incombe au bureau de la CRD de contrôler l’enregistrement des actes de propriété, en appui aux services préfectoraux. D’un autre côté, il existe une autre entité légalement chargée de contrôler les pratiques liées au foncier : le conseil des sages du district. Il s’agit d’une institution reconnue par l’État (par l’ordonnance 093/PRG/85 du 17 avril 1985). Le conseil des sages est donc un pouvoir traditionnel institutionnalisé. Il est légalement chargé de veiller à la distribution des terres et de gérer les conflits. Cependant, nous avons vu que ce n’est ni à l’échelle du district que sont distribuées les terres, ni que ce conseil peut être investi de ce rôle.
70 Le conseil des sages du district est le plus souvent constitué de représentants des autorités coutumières de tous les villages sous son égide. S’il ne peut prétendre avoir la mainmise sur la gestion foncière, il a une bonne connaissance des autorités décisionnaires sur le foncier et des accords contractés. Ainsi, il représente certainement la meilleure alternative pour participer à l’élaboration de « certificats » fonciers qui prendraient en compte l’ensemble des ayants droit.
71 Si un rôle important a été effectivement délégué aux CRD, les nouvelles modalités électorales de la CRD ne garantissent plus une représentation de tous les districts, au sein du bureau de la CRD. De plus, l’échelle de la CRD/Sous-préfecture est trop éloignée des populations qui ne participent finalement que très peu aux processus décisionnaires. La CRD ne peut donc jouer un rôle dans la vérification des ayants droit dans l’élaboration de titres ou de certificats fonciers. La principale limite du modèle de décentralisation guinéen est représentée par la mise en concurrence avec le pouvoir traditionnel induite par la superposition des attributions des organes décentralisés avec les organes de la déconcentration, d’une part et, d’autre part, avec les pratiques usuelles des autorités coutumières. Le manque de considération du droit coutumier et, plus largement, des modalités locales de gestion du territoire ainsi que la non-reconnaissance des autorités responsables de cette gestion autochtone, mène à un paradoxe de taille : les organes légalement responsables de cette gestion n’osent pas exécuter leurs attributions de peur d’être menacés par les autorités coutumières (ils restent des élus locaux « pris » dans les rapports de force en place) et les autorités qui gèrent effectivement le territoire au niveau local ne sont pas reconnues dans les textes.
Conclusion
72 Le droit foncier coutumier est souple et évolutif : il sait s’adapter aux évolutions extérieures aux villages. Si, pour les droits lignagers, les aînés semblent en position de force, ils ont également la charge d’attribuer des terres aux membres de leur lignage. Plus qu’un droit, la répartition des territoires lignagers apparaît comme un devoir. En effet, il incombe aux aînés de lignage de veiller à ce que tous les ménages aient suffisamment d’espaces à cultiver pour assurer la subsistance de leurs membres. Il semble que le terme « maître des terres », fréquemment rencontré dans la littérature, n’est pas complètement approprié car il s’agit plus d’un devoir et l’aîné ne peut disposer de l’espace sans considérer la communauté villageoise. Tous les villageois ont en effet l’assurance d’accéder annuellement aux espaces de production agricole.
73 Le Code foncier ne semble pas prendre en compte ces aspects. Prétextant la recherche, en apparence louable, de l’égalité de traitement des individus, les politiques étatiques peuvent produire des laissés-pour-compte. Les espaces périurbains, où les politiques foncières de l’État ont réussi à pénétrer, ont été le théâtre d’une déstabilisation des modalités locales de répartition du territoire, ce qui a produit de nombreux laissés-pour-compte, les domaines lignagers étant alors vendus au profit de l’aîné.
74 L’incompatibilité entre le Code foncier en vigueur et les pratiques locales fait de la réforme foncière une étape importante des politiques à venir. L’étude du droit foncier coutumier nous amène à recommander de se baser sur les activités pour identifier les différents types de droits locaux suivant le degré de sécurisation qu’elles offrent, en mettant l’accent soit sur les détenteurs de droits opérationnels, soit sur les détenteurs de droits d’administration. Pour mettre en œuvre une telle politique, il nous semble que le conseil des sages du district, organe coutumier institutionnalisé qui a déjà fait ses preuves, présente plus de légitimité que la CRD.
Bibliographie
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Mots-clés éditeurs : pouvoir traditionnel, Guinée Maritime, politique foncière, territoire villageois, droit coutumier
Mise en ligne 21/07/2011
https://doi.org/10.3917/ag.679.0298Notes
-
[1]
Nous utilisons ici le terme « coutumier » en toute connaissance de son ambivalence, notamment à propos de la capacité de mutation des droits fonciers. À l’instar de Lavigne-Delville (2009), Colin, Le Meur et Léonard (2009), Chauveau (1998) et Le Roy (2003), nous utiliserons ainsi le terme « coutumier », au même titre que le terme « local », pour désigner les droits fonciers locaux, fruits d’une évolution empirique lente des modes de régulations en fonction notamment de normes sociales locales et régis par les pouvoirs locaux, sans présager de leur capacité à s’adapter à des facteurs exogènes aux communautés concernées.
-
[2]
L’étude a porté sur une cinquantaine de villages dispersés dans cinq Sous-préfectures, elles-mêmes situées dans les Préfectures de Boffa et Boké.
-
[3]
Programme de recherche-action financé par l’Agence française de développement, la Banque mondiale et le Fonds pour l’environnement mondial et exécuté pour le compte du ministère guinéen du Plan.
-
[4]
. Il s’agit de l’unité de la décentralisation qui voit ses limites calquées sur celles de la Sous-préfecture.
-
[5]
. Journal officiel de mai 1992, Ordonnance n? 92/019 du 30 mars 1992 portant sur le code domanial et foncier, Conakry/réactualisé en 2007