Notes
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[1]
« L’espace n’est pas un concept empirique qui ait été tiré d’expériences externes » (Critique de la raison pure, « Esthétique transcendantale », première section).
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[2]
« Je tiens l’espace pour quelque chose de purement relatif, comme le temps ; pour un ordre de coexistence, comme le temps est un ordre de succession » (Troisième lettre à Clarke).
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[3]
« Géographie : Science qui a pour objet l’espace des sociétés, la dimension spatiale du social » (Lévy Lussault, 2003, p. 399)
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[4]
« L’image ne représente pas tant ce qui lui serait antécédent qu’elle présente ce qu’elle invente, ce qu’elle fait advenir » (Lussault, 2007, p. 73)
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[5]
La distance désigne « l’ensemble des manifestations de la séparation des réalités sociales et de ses effets » (Lussault, 2007, p. 51).
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[6]
« Cadre abstrait permettant de repérer et d’isoler des réalités distinctes. L’étendue est un outil de comparaison et de mesure et diffère de l’espace par son absence de substance. Ses échelles et ses métriques sont donc purement conventionnelles » (Lévy, 1999, p. 395).
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[7]
Alors que « même sans peuplement humain, la surface terrestre posséderait une étendue » (Lussault, 2007, p. 46).
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[8]
« Les géographes n’ont jamais prétendu expliquer à eux seuls la totalité du réel. Ils cherchent à éclairer les formes observables et les distributions cartographiques par le jeu des facteurs qui ont trait à l’espace : ils invoquent la diversité des milieux naturels, le rôle de la distance, les images que les hommes se font du monde et les symboles dont ils le peuplent » (Claval, 2003, p. 114).
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[9]
La grille des chorèmes propose des structures spatiales qui ne préjugent pas d’une échelle particulière.
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[10]
« Le paysage tel que nous l’entendons encore est un attribut du paradigme occidental moderne classique. Son apparition dans les mentalités européennes traduisait ou compensait, en termes sensibles, ce même retrait du sujet hors de son milieu qui par ailleurs devait engendrer le point de vue objectif de la science moderne, ainsi que l’individualisme » (Berque, 2000, p. 66)
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[11]
« Il existe une manière non intentionnelle de « vivre » le paysage au quotidien. Fondée sur l’instauration spontanée d’une intimité fusionnelle entre l’individu et son lieu de vie ordinaire, cette manière quotidienne d’être au paysage – et de l’habiter finalement – institue l’être-habitant non plus en tant qu’acteur ou spectateur d’une scène paysagère, mais en tant qu’élément constitutif du paysage proprement dit. Cette forme de relation paysagère, préréflexive, à la fois non motivée par le sujet mais entièrement incorporée par lui, c’est ce que nous nommons « l’incorporation paysagère ». Dans ce cas, la trajection paysagère s’effectue, non pas à travers une relation d’extériorité (distanciation ou immersion), mais selon une relation d’intériorité où sont intimement mêlés être-au-monde et monde-de-l’être ».
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[12]
À propos du paysage rural andalou « [...] trop de recul ne permet pas de construire un paysage [...] il n’y a pas, en Andalousie, de groupes sociaux susceptibles d’en construire la représentation : les grands propriétaires fonciers sont absentéistes et les ouvriers agricoles vivent dans les villes. On ne peut donc parler ici que de paysage urbain. À l’inverse, trop de proximité ne permet pas non plus la construction d’un paysage. Pour mon père agriculteur, par exemple, la notion faisait sourire. Son rapport à l’espace était d’une autre nature, moins esthétisée, plus intériorisée » (Marié, in Auriac Brunet, 1986, p. 143).
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[13]
Il faut distinguer les métriques topographiques des métriques topologiques. Les premières valorisent la proximité topographique (à côté de, côtoiement) alors que les secondes valorisent la proximité topologique (relié à, connexité). Les premières sont pertinentes pour évaluer les distances dans les lieux et les aires, les secondes dans les réseaux (Lévy, 1994, p. 397).
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[14]
« L’espace pur n’est que du temps » disait déjà le géographe Vallaux en 1911 pour caractériser les processus économiques (cité pat Lévy, 1999, p. 157).
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[15]
« Si les formes spatiales, proprement dites ne sont pas sans importance [...], elles ne permettent pas seules de comprendre les espaces, elles peuvent simplement les qualifier mais sans les définir » (Lussault, 2007, p. 91).
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[16]
« L’échelle parcellaire »/l’échelle du voisinage/l’échelle géographique » (« Échelles et enseignement de la conception », dans l’Espace de la grande échelle, p. 76)
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[17]
Lussault ouvre l’avant-propos de l’Homme spatial avec ces fameuses phrases d’Espèces d’espaces de Pérec (1974) : « L’espace de notre vie n’est ni continu, ni infini, ni homogène, ni isotrope. Mais sait-on précisément où il se brise, où il se courbe, où il se déconnecte et où il se rassemble ? Nous cherchons rarement à en savoir davantage et le plus souvent nous passons d’un espace à l’autre sans songer à mesurer, à prendre en charge, à prendre en compte ces laps d’espace ».
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[18]
« Une ville est à la fois un point et une surface et il vaut la peine de se demander dans quel cas, pour quels types de phénomènes, selon quelle dynamique, elle est lieu ou aire » (Lévy, 1994, p. 53)
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[19]
« L’ensemble des qualités socialement valorisables d’un espace » (Lussault, 2007, p. 182)
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[20]
« Un assemblage spatialisé, circonstanciel et labile, d’objets, de choses, de personnes, d’idées, de langages, configuré à l’occasion d’une activité d’un acteur » (Lussault, 2007, p. 199)
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[21]
« Capacité à se placer de manière à ce que leurs actes soient suivis des effets désirés et que le contrôle de leur action et de son environnement soit toujours possible » (Lussault, 2007, p. 261).
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[22]
Maîtrise des métriques (gestion des distances), compétence de placement et d’arrangement (se placer, disposer les choses), compétence scalaire (discriminer le petit du grand), compétence de découpage (en unités élémentaires pertinentes), compétence de délimitation (Lussault, 2007, p. 263).
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[23]
« Le territoire tire profit, en quelque sorte, de l’évidence de la chose vue » (Di Méo, 2005, p. 100).
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[24]
« [...] l’espace est un lieu où le pouvoir s’affirme et s’exerce et, sans doute sous la forme la plus subtile, celle de la violence symbolique comme violence inaperçue : les espaces architecturaux, dont les injonctions muettes s’adressent directement au corps, obtenant de lui, tout aussi sûrement que l’étiquette des sociétés de cour, la révérence, le respect qui naît de l’éloignement ou, mieux, de l’être-loin, à distance respectueuse, sont sans doute les composantes les plus importantes, en raison même de leur invisibilité [...], de la symbolique du pouvoir et des effets tout à fait réels du pouvoir symbolique » (Bourdieu, « Les effets de lieu » dans La Misère du monde).
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[25]
« L’investissement social d’un espace est d’autant plus problématique que celui-ci est rigide, fortement structuré et saturé de sens ; le sujet ne pouvant guère s’autoriser à perturber ou détourner un ordre aussi prégnant » (p. 145).
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[26]
« Politique du paysage désigne la formulation par les autorités publiques compétentes des principes généraux, des stratégies et des orientations permettant l’adoption de mesures particulières en vue de la protection, la gestion et l’aménagement du paysage » (art.1.b Convention européenne du paysage, Florence, 2000)
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[27]
« [...] des lambeaux de bois couronnant une colline ou une éminence ou une zone de marais absolument indemne, ou encore un bras mort de fleuve ou de rivière, conséquence d’un méandre recoupé, non touché ou aménagé ».
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[28]
« Pour qu’il y ait lieu, la possibilité doit toujours exister de pouvoir le contrôler physiquement par la marche brève ou le déplacement rapide et/ou la vue – les lieux les plus forts ne sont-ils pas ceux, d’ailleurs, que le regard peut intégralement embrasser et où les repérages visuels des limites sont les plus aisés ? C’est-à-dire que ne doit pas s’affirmer un effet d’échelle et d’espacement suffisamment marqué qui pour le coup brise le lieu et le mue en aire » (Lussault, 2007, p. 101).
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[29]
« Le siècle n’est plus à l’extension des villes mais à l’approfondissement des territoires » (Marot, 1999).
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[30]
« Il s’agit toujours de sortir du territoire qui nous est assigné » (Corajoud, in Masboungi, 2002)
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[31]
Ces mots sont équivalents dans les discours professionnels des paysagistes qui, contrairement aux scientifiques, ne sont guère rigoureux sur l’usage de ces mots.
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[32]
« L’approche territoriale est avant tout une attitude, dont paradoxalement nous rendons compte par le détail de nos projets, puisque nous abordons les stratégies de territoire avec les outils du projet » (Pere, « Le pouvoir du projet à toutes les échelles », dans Masboungi 2002, p. 68).
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[33]
http://www.ecologie.gouv.fr/-Paysages-.html
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[34]
L’identité : « [...] l’ensemble de valeurs fixées sur un espace qui constitue une référence utilisée par un et/ou des acteurs qui le pratiquent pour se définir en se distinguant des autres acteurs » (Lussault, 2007, p. 93), « [...] n’existe pas sui generis mais est construite, inventée collectivement, par les acteurs d’une société donnée qui peuvent avoir ensuite tendance à la naturaliser dans leur usage » (idem), « [...] est un puissant instrument au sein des rhétoriques de qualification et de classification des objets de société par les acteurs sociaux, et de justification de leurs actions » (idem, p. 94), « Une représentation dotée d’attributs de position, de découpage, de métrique, d’échelle, de configuration, de substances » (idem, p. 97).
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[35]
http://parcdecambon.blogs.fr/, ou bien http://alpage.over-blog.fr/
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[36]
La médiation est un terme qui apparaît clairement dans le programme pédagogique de l’école du paysage de Bordeaux, comme dans l’intitulé du Master « Paysages et Médiations » cohabilité entre l’université et l’école du paysage d’Angers.
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[37]
« Sans craindre le paradoxe ni la contradiction, j’affirmerais volontiers que paysage urbain est un pléonasme et qu’en conséquent il n’y a de paysage qu’urbain, porteur d’urbanité et facteur essentiel de l’urbanisation des campagnes. Ce qui reviendrait à faire du paysage une modalité de l’urbain et non, comme on le croit, de l’urbain l’une des nombreuses qualités du paysage qui peut être tout et n’importe quoi » (Chenet, 1994, p. 27-38).
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[38]
« L’avion est une machine sans doute, mais quel instrument d’analyse ! Cet instrument nous a fait découvrir le vrai visage de la terre. Les routes en effet, durant des siècles, nous ont trompés. Nous ressemblions à cette souveraine qui désira visiter ses sujets et connaître s’ils se réjouissaient de son règne. Ses courtisans, afin de l’abuser, dressèrent sur son chemin quelques heureux décors et payèrent des figurants pour y danser. Hors du mince fil conducteur, elle n’entrevit rien de son royaume, et ne sut point qu’au large des campagnes ceux qui mourraient de faim la maudissaient. Ainsi cheminions-nous le long des routes sinueuses » (A. de Saint-Exupéry, Terre des Hommes, 1939, p. 54).
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[39]
Circulaire n? 96-19 du 12 décembre 1995.
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[40]
« Renforcer l’imagibilité de l’environnement urbain consiste à faciliter son identification et sa structuration visuelles. Les éléments dégagés ci-dessus – les voies, limites, points de repère, nœuds et régions, sont les cubes d’un jeu de construction servant à fabriquer à l’échelle de la ville des structures fermes et différenciées » (Lynch, 1960, p. 111)
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[41]
« Ce n’est plus dans le territoire, dont le rythme de transformation est rapide, que l’on peut chercher une base à la territorialité. Cette base, il faut la chercher dorénavant dans des territoires abstraits [...] Certes, toute société continue à vivre et à agir dans un territoire concret qui résulte d’une production, mais ses relations sont beaucoup moins conditionnées par ce territoire que par l’information qui y est diffusée [...] Dans ce type de territorialité, on ne peut plus parler d’espace vécu, d’identité régionale ou de culture locale. Tout au plus peut-on parler d’information consommée, d’identité conditionnée et de modèles culturels dominants » (Raffestin, 1986, p. 184-185).
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[42]
On objectera que les préoccupations environnementales pénètrent l’économie agricole et contribuent à redonner de nouvelles fonctionnalités aux objets déclassés (les haies). Les enquêtes de terrain (Lüginbuhl, Toublanc, op. cit.) démontrent que la mécanique financière « d’intégration des externalités positives » ne suffit pas pour assurer une bonne gestion des objets réinvestis.
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[43]
Le décret de 1994 pris pour l’application de la loi paysages de 1993 précise que les « structures du paysage » se reconnaissent « soit par leur unité et leur cohérence, soit par leur richesse particulière en matière de patrimoine ou comme témoins de modes de vie et d’habitat ou d’activités et de traditions industrielles, artisanales, agricoles et forestières ».
Introduction
1 Le paysage et l’espace sont des concepts que la discipline géographique a longtemps opposés, en particulier dans les années soixante-dix avec la nouvelle géographie qui rompt avec son héritage classique en écartant le paradigme du paysage pour adopter celui de l’espace. Avec l’émergence du courant d’une géographie sociale dans les années quatre-vingt, le concept de paysage est réinvesti sous un l’angle de l’espace vécu et perçu. Alors que les deux concepts semblent pouvoir mieux s’articuler, s’enclenche dans les années quatre-vingt-dix un renouveau théorique porté par le courant de la géographie culturelle qui, en autonomisant une théorie du paysage (Roger, 1995), restaure le clivage. Au concept froid d’espace s’oppose de nouveau le concept chaud de paysage : d’un côté l’objectivité, l’abstraction géométrique, une vision zénithale (l’espace), de l’autre la subjectivité, la sensibilité, une vision horizontale ou oblique (le paysage).
2 L’évolution des conceptions de l’urbanisme et le renouveau de la profession paysagiste participent à l’affirmation de cette distinction : l’essor et la structuration des paysagistes en France à partir du milieu des années soixante-dix est une manifestation d’une conception « culturaliste » de l’urbanisme (Choay, 1959) qui cherche à s’opposer à la pensée de l’espace des « modernes » (la tabula rasa). Le clivage paysage/espace est donc aussi une affaire de posture et de légitimité professionnelles entre paysagistes, urbanistes et architectes.
3 Nous proposons ici une contribution pour réarticuler les réflexions sur le paysage et sur l’espace. Nous ciblons les travaux récents de Lévy et Lussault (Lévy, 1994 et 1999 ; Lévy Lussault, 2000 et 2003 ; Lussault, 2007) car leurs propositions théoriques nous semblent particulièrement stimulantes. Nous y faisons référence en utilisant l’expression peut-être abusive de « théorie de l’espace social » (1) en ayant bien conscience que ces recherches ne résument évidemment pas à elles seules toute la géographie sociale. Elles en proposent une actualisation qui permet – c’est du moins l’hypothèse que nous défendons et qui justifie ce corpus – d’éclairer les politiques paysagères et les pratiques paysagistes (2).
1 La théorie de l’espace social
4 En interprétant l’histoire philosophique de la catégorie d’espace et de ses applications scientifiques comme un trajet diagonal « de l’absolu-positionnel au relatif-relationnel » (Lévy Lussault, 2003, p. 328), les auteurs de la théorie de l’espace social soulignent sa nature relative (l’espace dépend de la réalité des objets qui s’y trouvent) et relationnelle (il est défini par les liens qui s’établissent entre les réalités spatiales). Ils s’opposent à la conception absolue et positionnelle de Kant [1] et s’appuient sur les travaux de Leibniz [2] pour lequel l’espace ne caractérise pas les positions des objets sur une table abstraite et absolue mais les relations qu’ils entretiennent entre eux.
1.1 L’espace social
5 La théorie de l’espace social relève d’une géographie sociale : son objet est la société [3]. Elle en propose une lecture qui n’est pas partitionnelle (disciplinaire) mais dimensionnelle (Lévy, 1994) : l’espace est une dimension de la société car tout fait social possède une dimension spatiale. L’espace est donc un « plan de coupe » possible pour rendre intelligibles les faits de sociétés. Il faut entendre par dimension spatiale de la société « l’ensemble des manifestations du problème de la distance et du placement » (Lussault, 2007, p. 39) et bien comprendre que « la dimension spatiale contient toutes les autres, de même que l’espace s’inscrit dans toutes les autres » (idem) : dimensions économique, sociologique, politique, temporelle, individuelle et naturelle. Celles-ci s’articulent entre elles et à celle de l’espace en le chargeant d’une substance économique, politique, naturelle etc. La substance est « l’ensemble des caractéristiques non spatiales des réalités sociales » (Lévy, op. cit., p. 397). Michel Lussault illustre ces principes à travers l’exemple de la géographie des places assises entre blancs et noirs dans les bus aux États-Unis dans les années soixante : la discrimination raciale est bien une substance politique et sociale qui s’exprime dans l’espace (Lussault, op. cit., p. 87). Cette théorie de l’espace social se veut constructiviste et réaliste (Lévy, op. cit., p. 31), c’est-à-dire d’un objectivisme minimal sur une réalité qui n’est pas qu’une illusion (bien que « le réel soit plus grand que la matière »). En définitive, cette pensée exclut toute opposition entre d’un côté l’espace et de l’autre des représentations de réalités préexistantes (qui seraient, elles, objectives [4]).
6 Cette approche sociale de l’espace aborde son objet par la question de la distance [5] qui est au cœur du fonctionnement des sociétés. Par ses manifestations, elle est un problème fondamental dans toute société et pour chacun de ses membres au quotidien qui doivent sans cesse composer avec « la séparation, l’impossible confusion des réalités sociales en un même point » (Lussault, op. cit., p. 45) et trouver des « technologies sociales spécifiques » pour résoudre ce problème ou atténuer ses effets (par la mobilité, la coprésence, la télécommunication). Mais, pour penser l’espace social distinctement de l’espace physique (Lévy, 1999, p. 29), il est nécessaire de ne pas confondre la distance avec l’espacement physique de « l’étendue [6] » : la distance est spécifiquement humaine [7], elle est donc tout autant spatiale que sociale.
7 La distance a toujours été une clé de lecture fondamentale de l’analyse du géographe [8] mais c’est le courant de l’analyse spatiale qui en fait un véritable paradigme scientifique. Les modèles théoriques alors produits mettent en évidence des « lois de l’espace » pour comprendre les grands principes de la distribution des objets géographiques : par exemple, le modèle centre-périphérie, décliné de multiples façons, permet ainsi de comprendre des distributions spatiales... et indirectement les paysages qui en sont la traduction (partielle et incomplète) en surface. Les chorèmes (Brunet, 1980) sont ainsi une proposition pour illustrer ces principes d’organisation et pour tenter d’en établir une typologie à travers un vocabulaire graphique. Or, cette lecture de l’espace fait débat au sein de la communauté scientifique car « l’espace ne peut pas être conçu comme un objet-en-soi absolu, dont les principes d’organisation et les lois d’évolution ne devraient être cherchés et trouvés qu’en lui-même [...] » (Lévy, Lussault, 2003, p. 329). Le débat porte donc sur la nature de l’espace et sur les effets qui lui sont attribués. Dans la perspective de l’espace social, ces lois ne peuvent pas être autre chose que celles des hommes, elles ne peuvent pas s’appliquer en dehors de leurs actions. Autrement dit, la critique émise à l’encontre des modèles précédemment conçus est qu’ils donnent à penser l’organisation de l’espace en dehors de sa substance et en postulant l’invariance des échelles [9] (Lévy, 1999, p. 127). Ces différends établis, il n’en reste pas moins que ces modèles issus de l’analyse spatiale présentent un intérêt certain pour représenter les grands principes de l’organisation spatiale des objets géographiques et, par là, décrire le paysage-objet : de la construction des finages agraires aux logiques d’organisation des entrées de villes commerciales (Mangin, 2004), les paysages répondent à des principes de localisation et de distribution qui peuvent être modélisés.
8 En nous encourageant à penser la distance, la théorie de l’espace social offre un cadre de réflexion stimulant pour aborder le paysage comme relation particulière des sociétés à leur environnement (Berque, 1990). En effet, la relation paysagère apparaît avec la modernité comme une manifestation du « retrait du sujet hors de son milieu [10] » (Berque, 2000) et une tentative de réduction de cette mise à distance (le projet du paysagiste joue sur les sensations de l’usager des lieux : faire ressentir l’eau, la pierre, le vent etc.). La sensibilité paysagère/demande sociale de paysage, les politiques paysagères/projets paysagistes cherchent à compenser une déterritorialisation entendue comme « affranchissement progressif à l’égard de l’ensemble des contraintes territoriales » (Magnaghi, 2000, P. 16). L’action paysagère permettrait alors une reterritorialisation basée sur une proximité retrouvée, un contact avec le paysage, la nature. Le paysage oscille donc entre une mise à distance (la perspective inventée à La Renaissance) et une « intimité fusionnelle entre l’individu et son lieu de vie [11] » (Bigando, 2006, p. 117). Par conséquent, la distance au paysage est problématique dans l’action paysagère : comment concilier la relation de proximité que l’habitant entretient avec son paysage ordinaire avec le point de vue distancié de la mise en spectacle pour touristes ? Ces rapports complexes entre intériorisation et esthétisation relèvent d’une problématique du proche et du distant qui, sur un autre plan, peut se traduire par l’opposition entre un « paysage politique » et un « paysage vernaculaire » (Jackson, 1984). La question posée étant de savoir comment mettre le paysage à bonne distance, ni trop proche ni trop distant [12].
1.2 La nature de l’espace
9 L’espace est chargé de la présence de la société, de ses différentes dimensions, et ce contenu est nommé substance (cf. supra). Mais chaque espace peut être défini aussi par son échelle (qui permet de comparer la taille des objets entre eux). Ce rapport de taille défini l’échelle géographique à ne pas confondre avec l’échelle cartographique et ses conventions (car le référentiel spatial n’est pas absolu mais dépend de la substance et de la métrique qui lui est associée). La métrique permet d’évaluer le proche et le lointain par des unités de mesure de la distance variables selon la substance de l’espace [13]. Dans cette perspective, la mesure euclidienne n’est qu’une métrique (conventionnelle) parmi d’autres [14]. Ces trois attributs (substance, échelle, métrique) suffisent à Lévy pour caractériser la nature de l’espace (1994, op. cit.) alors que Lussault ajoute la configuration comme « modalité de disposition spatiale des substances » (Lussault, 2007, p. 87), c’est-à-dire comme agencement formel de l’espace.
10 Le paysage n’est pas un attribut de l’espace (comme les 4 précédemment cités) mais un « point de vue sur les espaces agencés » (idem, p. 135). Dans le sillage des apports récents de la théorie du paysage qu’il reprend à son compte (Berque, Roger, op. cit.), Lussault ne réduit donc pas l’espace à ses configurations [15], et ne confond pas espace et paysage : le paysage est « une unité de sens identifiable » (p. 139) pour des acteurs qui dans leurs pratiques peuvent saisir l’espace sous la forme du paysage.
11 Les quatre attributs précités font nécessairement sens pour le concepteur d’espace qu’est le paysagiste. Les dispositifs spatiaux qu’il conçoit doivent composer avec les substances en présence (économique, sociologique, politique, temporelle, naturelle) au risque de proposer un espace conçu décalé par rapport à l’espace vécu (Lefebvre, 1974). Par ailleurs, l’échelle, la métrique et la configuration sont bien les leviers de la conception : le travail sur l’échelle est au cœur de la réflexion de tout concepteur (Lecourtois, 2006 [16]) et en particulier du paysagiste (Delbaere, 2006). La métrique renvoie à la maîtrise des distances, fondamentale elle aussi, comme la configuration qui, au final, est la réponse formelle aux questionnements précédents par l’aménagement de l’espace.
12 La typologie spatiale construite dans cette théorie de l’espace social n’innove guère vis-à-vis des propositions de l’analyse spatiale (le lieu, l’aire et le réseau structurent la grille des chorèmes) mais son paradigme rénove et approfondi le contenu donné à ces catégories. La première espèce d’espace [17] est le lieu dont la spécificité est d’être un espace où la distance n’apparaît pas déterminante dans la mesure où ce qui fait lieu c’est, justement, « l’affirmation de la prégnance de la logique de la coprésence » (Lussault, 2007, p. 99). Par ailleurs, « les lieux se caractérisent par la prégnance de leurs limites et par les effets de seuils, de passage qui en résultent » (idem, p. 100). Ils ne se définissent pas par leur taille mais par leur capacité à annuler la distance : ainsi, pour certains phénomènes, l’espace du phénomène est un lieu. Jacques Lévy va jusqu’à affirmer que le monde puisse être un lieu et qu’à l’inverse des petits espaces puissent comprendre un nombre important de lieux (Lévy, 1994, p. 53). De ce point de vue, la ville qui est « une configuration spatiale fondée sur le choix initial de privilégier la coprésence » (Lussault, 2007, p. 269) est un lieu par excellence. Mais, selon les substances et les phénomènes que l’on cherche à étudier, le point peut devenir une aire [18]. Celle-ci est plus grande que le lieu et, contrairement à lui, divisible. Comme le lieu et à l’inverse du réseau (3e type d’espace), elle est marquée par l’existence de limites. Dans des conditions spécifiques (idéologie territoriale du continu et de la cohérence), elle donne naissance à un « idéal-type » : le territoire (Lussault, 2007, p. 107). Dans d’autres conditions, l’aire correspond davantage à une surface, une zone ou un domaine (idem, p. 122). Contrairement à l’aire et au lieu définis par leur contiguïté, le réseau est connexe et sa métrique topologique (et non topographique). L’idéologie qu’il véhicule est celle du discontinu et de l’éclatement : ce type d’espace est donc ouvert, sans limite (contrairement au lieu et à l’aire).
13 Cette grammaire de l’espace est complexe car une maille d’un réseau peut être une aire, et un nœud un lieu (ou une aire)... il faut donc penser l’espace à travers l’articulation de ces « briques élémentaires » (p. 134) qui, comme nous l’avons dit, ne sont pas sans rappeler les figures de bases des chorèmes de Roger Brunet ou le vocabulaire spatial qu’utilise Kevin Lynch (voie, limite, nœud, quartier, point de repère) pour caractériser « l’image de la cité » (1960). Même si la filiation est indéniable entre ces pensées sur l’espace, Lévy et Lussault ont approfondi les significations de ces catégories en les intégrant dans un corpus théorique cohérent qui a l’avantage de décloisonner la typologie et de penser les liens entre ces catégories et surtout de penser l’espace dans l’action, autrement dit la « spatialité ».
1.3 L’espace dans l’action
14 L’espace n’est pas une surface de projection abstraite sur laquelle la société imprime ses marques mais « une ressource sociale hybride et complexe mobilisée et ainsi transformée dans, par et pour l’action » (Lussault, 2007, p. 181). Une des formules récurrentes de Lussault est que la société n’agit pas sur l’espace mais avec lui. Ses « prises » (pour reprendre un concept proposé par Berque pour le paysage) sont les valeurs spatiales [19] dont nous le chargeons et qui font de l’espace un « support actif » (p. 125) aussi bien par « le potentiel de l’agencement préexistant (l’espace déjà-là) » que par « le potentiel du capital spatial (espaceressource) » (p. 189). De ce point de vue, le paysage est davantage que la modalité sensible de notre rapport à l’espace, il est une valeur spatiale qui – en tant que telle – motive des actions car « lorsqu’un espace fait paysage pour un opérateur, celui-ci interagit alors avec celui-là et y trouve des embrayeurs d’action, un support à des jeux de langage et des pratiques » (p. 139). Par ailleurs, dans la typologie des opérateurs spatiaux dressée par Lussault (p. 149), l’espace – en tant qu’agencement hybride [20] – peut être considéré comme un « quasi-personnage » : c’est le cas des paysages, omniprésents dans les illustrations sur lesquelles il appuie sa démonstration (exemple du waterfront de Liverpool).
15 Chaque acteur possède une certaine « maîtrise spatiale [21] » selon sa capacité à utiliser dans une situation donnée ses « compétences spatiales élémentaires [22] ». Cette capacité de maîtriser l’espace pour en exploiter les ressources passer par des dispositifs spatiaux qui prennent forme dans (et par [23]) l’espace reconfiguré par les politiques locales (p. 217). Bien plus qu’un instrument de l’action, il devient « un instrument essentiel de construction de la légitimité des acteurs politiques » (p. 216). Le dispositif spatial peut être considéré comme un outil de légitimation lorsqu’il permet d’« arranger l’espace de façon qu’il puisse servir de cadre normatif à d’autres acteurs (p. 201) » ; alors il produit des « effets de régulation du champ social et politique » (idem). Ce pouvoir de l’espace se rapproche du concept de « violence symbolique [24] » (Bourdieu, 1993) qui présente une certaine pertinence pour caractériser l’autorité avec laquelle, parfois, les espaces conçus s’imposent aux usagers (Semmoud, 2007) [25]. Le paysage n’est pas épargné par ces rapports de force et il peut « en certaines circonstances, être pensé aussi en tant que dispositif spatial légitime [...]. En ce cas, des acteurs entendent mettre en forme un paysage pouvant faire autorité » (Lussault, 2007, p. 204).
2 Un éclairage de l’action publique paysagère
16 La théorie de l’espace social apporte un éclairage intéressant sur les différentes modalités de l’action publique paysagère, et en particulier sur le processus de territorialisation qui les affecte. Dans un premier temps, nous utiliserons cette formule pour caractériser l’évolution des politiques paysagères [26] du paysage-monument au paysage territoire (Davodeau, 2007).
2.1 Les lieux du paysage : production, diffusion, expansion
17 Le lieu et le territoire ne sont pas des concepts à opposer mais à lier car le lieu « produit une sorte de contraction de l’espace » (Di Méo, Buléon, 2005, p. 87) qui articule le proche et le lointain et peut faire territoire par les effets métonymiques qu’il déploie (Debarbieux, 1995). Parmi tous, les « haut-lieux » sont ceux qui parlent le plus fortement du territoire car ils concentrent le plus de significations (Debarbieux, 1993). Si le territoire est « l’espace informé par la sémiosphère » (Raffestin, 1986, p. 177) alors le lieu peut être pensé comme un arrangement nécessaire à « l’écogenèse territoriale » (idem). Dans cette perspective, la territorialisation ne désigne plus seulement un changement d’échelles mais la sémiotisation des espaces. Certains d’entre eux (de plus en plus rares) ont échappé à ce processus et « apparaissent comme oubliés, à l’extérieur de la frontière territoriale » (idem, p. 178) [27]. Ceux-là ne doivent pas être confondus avec les « non-lieux » de la surmodernité (Augé, 1992) qui, en définitive, n’en sont pas moins des lieux, fussent-ils « génériques ».
18 La territorialisation des politiques paysagères ne consiste donc pas nécessairement à déployer des actions de grande envergure : la production des lieux peut suffire, car la dimension spatiale du lieu ne se limite pas à sa surface au sol (ils ont une portée symbolique). Ainsi, les politiques paysagères n’ont pas nécessairement besoin de se projeter dans des aires de plus en plus grandes par un paysagement territorial total (inconcevable). Leur territorialisation passe donc par la multiplication des lieux : « Territorialiser un espace consiste pour une société, à y multiplier les lieux, à les installer en réseaux à la fois concrets et symboliques » (Di Méo, 1998, p. 41). La mise en paysage des lieux consiste alors à les faire accéder au statut de paysage à travers un processus « d’artialisation » (Roger, 1978) ou de toute autre interprétation permettant de les parer « d’écosymboles » ou de « prises » susceptibles de les trajecter en paysage (pour reprendre le concept de Berque). Paysagement et territorialisation sont alors équivalents puisqu’il s’agit ici essentiellement de donner du sens à l’espace perçu, à ceci près que cette signification est paysagère et qu’elle puise donc dans le réservoir des images et des récits de notre société paysagiste (Donadieu, 2000).
19 Par ailleurs, le paysagement des lieux ne se réduit pas à leur traitement cosmétique par suppression des « points noirs » ou « intégration paysagère ». Pour prendre véritablement sens, cette notion d’intégration doit être saisie par les deux relations d’échelles qu’elle permet : en effet, certains dispositifs paysagers ne cherchent pas à s’intégrer au contexte mais – au contraire – à intégrer celui-ci au lieu. Le rapport d’échelles n’est donc pas univoque (le petit dans le grand, le grand dans le petit) entre le territoire et le lieu, lequel joue un rôle d’articulation, « d’interlieu » (Delbaere, 2001). Concentrée sur le lieu, l’action paysagère évite les difficultés induites par l’élargissement de l’espace d’action (Davodeau, 2005). Le lieu, qui est l’espace du sensible [28] par excellence, permet d’atténuer les tensions entre « sensibilité paysagère et gestion territoriale » (idem) caractéristiques des politiques paysagères émergentes : « Agir sur tels ou tels éléments ponctuels suffit à entretenir l’illusion d’une action globale sur le paysage » (Ythier, 1995, p. 192). Parmi les facteurs limitants l’élargissement spatial des aires du paysagement, insistons sur les conflits induits par la multiplication des acteurs impliqués par la gestion paysagère (Davodeau, 2008).
20 Ces difficultés expliquent qu’à mesure que les échelles s’ouvrent, le projet de paysage est marqué par une certaine dématérialisation. Ainsi, la multiplication des études paysagères ne se traduit pas nécessairement par des réglementations avec des effets directs sur les formes paysagères : leur effet principal réside dans la production d’images (qui conforte certaines représentations) et s’exerce donc sur l’évolution des perceptions sociales des paysages (et en retour leur matérialité). L’un des aspects essentiels de cette action sur le paysage immatériel concerne la « paysageo-nymie », autrement dit la toponymie appliquée au paysage (Galliot, 1995, p. 92). Car, de la même manière que l’espace a besoin d’un nom pour devenir lieu, il en a besoin pour devenir paysage : les noms de lieux sont essentiels pour qu’un espace acquière le statut de paysage, la sémantisation est donc un aspect du travail du paysagiste (Delbaere, 2006).
21 La production des lieux est une manifestation de la territorialisation du paysage. La dispersion des lieux du paysage dans le territoire puise dans un réservoir de plus en plus grand (des patrimoines de toutes natures et de plus en plus nombreux) et, parmi les nouveaux espaces du paysage, citons en premier lieu les friches industrielles urbaines. La phase de désindustrialisation est suivie par celle de la réhabilitation d’espaces postindustriels au cœur des villes, en général situés le long des fleuves. Ils font aujourd’hui l’objet de projets (ex. la confluence à Lyon, les berges de Garonne à Bordeaux, ou l’île de Nantes) à travers lesquels – et par architectes-urbanistes-paysagistes stars interposés – se joue la compétition entre métropoles.
22 Dans ces nouveaux espaces où s’exerce les savoir-faire paysagistes contemporains, les principes fondamentaux sont d’ancrer le site du projet dans ses profondeurs historiques ou géographiques et de remettre en cause ses limites. Ainsi la réflexion par le paysage sur l’urbanisme souligne tantôt la dimension verticale du projet [29] (cf. la notion de « suburbanisme », Marot, 1999) tantôt sa dimension horizontale : « Le paysage c’est l’endroit où le ciel et la terre se touchent » (Corajoud, 1982). Par cette formule, ce maître du paysagisme français exprime la nécessité de remettre en cause les limites du lieu sur lequel porte l’intervention : car, dans le paysage « il n’y a pas de contours francs, chaque surface tremble et s’organise de telle manière qu’elle ouvre essentiellement sur le dehors » (idem). Pour ces praticiens, les limites du lieu à aménager dépassent donc le lieu lui-même, il faut par conséquent chercher par tous les moyens à s’en affranchir [30] (bien qu’elles soient souvent confortées par la commande – laquelle doit par ailleurs toujours être réinterroger). Cette posture est une façon de répondre à la question du contexte (du « site » ou « territoire » [31]), dans lequel le projet cherche à s’inscrire (et non pas nécessairement s’intégrer) : « le site respire hors de ses limites. Les parcelles sur lesquelles nous intervenons ne sont jamais entièrement contenues dans leurs limites, historiques ou géographiques [...] Bien sûr, il y a une présence du site, une résistance sous les pieds, mais aussi une respiration qui va bien au-delà » (Descombes, 2002). Cette extension du lieu à l’horizon mériterait un approfondissement car elle illustre peut-être ce que Lussault nomme les « lieux-surface » (2007, p. 102).
23 Au-delà de la plus ou moins grande pertinence de l’application de ces catégories spatiales aux pratiques paysagistes, le plus important est de comprendre que l’articulation entre le lieu et le territoire (au cœur de la théorie de l’espace social) est fondamentale dans les principes d’action des paysagistes car elle leur permet de concevoir des espaces à des échelles de plus en plus larges. Néanmoins, cette multiplication des lieux du paysage a ses limites... au-delà desquelles les « outils du projet » [32] ne suffisent plus pour prendre en charge une complexité alors trop grande, car la distinction entre le lieu et le territoire n’est pas seulement affaire d’échelle, ces espaces sont de nature différente.
2.2 Les aires paysagères : le territoire entre mythe et réalité
24 Dans les politiques publiques, l’aire endosse l’habit du territoire, son idéal-type. Ses attributs sont : une échelle supérieure à celle du lieu, des limites bien marquées, un pouvoir qui s’y exerce, et une idéologie spécifique (de la continuité et de la cohérence). Le paysage et le territoire font donc bon ménage s’ils s’alimentent mutuellement : le territoire apporte au paysage sa matérialité et le paysage apporte au territoire de quoi nourrir son idéologie spatiale (continuité et cohérence paysagère, récits fondateurs et puissance imaginaire). Cet échange de bon procédé se traduit par une correspondance entre le territoire et son paysage : à chaque territoire son paysage, le paysage étant le visage du pays (le territoire). Cette correspondance a été largement construite par la géographie classique et, d’une certaine manière, cette idéologie paysagère et territoriale est aujourd’hui relayée par la politique nationale pour les paysages [33] qui, en cherchant à préserver la diversité des paysages français au nom de l’identité territoriale et de la biodiversité (à laquelle est associée la diversité paysagère...), réactive le lien entre pays et paysages (Davodeau, 2009).
25 La mythologie territoriale puise aux sources de l’identité [34] territoriale et paysagère. C’est autour de cette référence que s’articulent les notions de paysage et territoire dans les politiques publiques, lesquelles construisent (cherchent à faire reconnaître) des « aires du paysage » (unités paysagères dans le langage des professionnels) qui, avec la production des lieux du paysage, sont une autre manifestation du processus de territorialisation des politiques paysagères. L’identité paysagère est un puissant vecteur de la construction des nouveaux territoires de l’intercommunalité. Elle est mobilisée comme ressource dans les pratiques spatiales des acteurs. Ainsi, pour des municipalités, partager une même unité paysagère ou, à défaut, une structure paysagère commune, contribue à l’émergence d’un sentiment d’appartenance à un même territoire (c’est du moins l’idée véhiculée dans le discours politique). Le paysage apporte donc une cohérence possible aux territoires institutionnels même si cette cohésion est le plus souvent recherchée a posteriori (car le paysage est moins un critère des découpages intercommunaux qu’un outil de légitimation, « un dispositif spatial légitime » pour reprendre l’expression de Michel Lussault, infra).
26 La ville et l’urbain sont le terrain d’intervention privilégié des paysagistes et, dans la commande publique qui leur est adressée, l’idéologie territoriale est extrêmement prégnante : la perte de cohésion et de continuité urbaine est un des enjeux auxquels ils ont à faire face. On reconnaît bien ici la référence à la ville comme lieu (coprésence, condensation de l’espace) ou comme aire (avec des limites nettes) en proie aux processus d’éclatement (externe et interne) caractéristique de l’urbain généralisé. La nature et le paysage apparaissent alors comme une trame capable de recoudre le « tissu urbain » (Calenge, 1995). Penser la ville par le paysage (Masboungi, op. cit.) permettrait de retrouver des continuités et des cohérences urbaines, de fixer des limites à l’étalement urbain. Le paysage est donc un véhicule de l’idéologie des territoires, qu’elles qu’en soient leurs natures et échelles (le quartier, la ville, l’urbain).
27 Une autre contribution du paysage à la construction des aires territoriales repose sur sa capacité à mobiliser une grande diversité d’acteurs. En effet, un des leitmotiv des discours est d’affirmer que le paysage est un objet transversal (ce qui permet de mettre autour de la table les professionnels agricoles, du tourisme, de l’architecture et du patrimoine, les écologistes etc.). Pour aménager le territoire, le paysage offrirait donc une entrée vertueuse dans la mesure où cet objet global et accessible favoriserait la cohérence (des politiques publiques entre elles) et la participation (du public). Un certain nombre de travaux de recherche-action cherchent à tester sur le terrain la pertinence de ce discours par différentes méthodes (Guisipeli, 2005 ; Michelin, 1998, 2000). Cette idée du paysage-outil au service des démarches participatives est également de plus en plus expérimentée par les paysagistes eux-mêmes (Pernet, 2008 ; Duprat [35]), comme en témoignent quelques initiatives locales qui font peu à peu école. La figure professionnelle du paysagiste médiateur (Donadieu, 2009) qui émerge à travers ces initiatives est progressivement construite (et théorisée) dans les formations spécialisées (écoles de paysage ou diplômes universitaires [36]). Pour autant, la médiation paysagiste, paysagère ou par le paysage reste encore largement affaire de discours (lequel n’est pas à minimiser car c’est une dimension importante de la production de l’espace) et les méthodologies encore très expérimentales. Il est donc nécessaire d’analyser ces démarches (Davodeau, 2010) tout en restant critique à l’égard des vertus accordées au paysage... qui n’est pas une entrée miracle de l’aménagement du territoire, comme en témoignent les nombreux conflits dont il est l’objet. Par ailleurs, dans la mesure où les recherches actuelles soulignent que le conflit (à travers les mobilisations) est lui-même un puissant facteur de construction territoriale (Kirat, Torre, 2008), on peut s’interroger sur la pertinence d’une action qui chercherait à les éviter. Il s’agirait plutôt d’en exploiter les potentialités et, à ce titre, le cas des basses vallées angevines bien connu des chercheurs en paysage est une très bonne illustration (Le Floch, 1993).
2.3 Les réseaux du paysage : le paysage tramé
28 Territoires et réseaux sont tout autant indissociables que lieux et territoires car le réseau est l’ossature des territoires, l’infrastructure grâce à laquelle le territoire est parcourable, accessible et maîtrisable. Le pouvoir a besoin des réseaux pour exercer son influence : la maîtrise du réseau est une manière de maîtriser l’aire sans nécessairement maîtriser sa surface entière. Le réseau est donc une figure intermédiaire entre le point et la surface. Ainsi, dans le champ des politiques paysagères, la territorialisation du projet de paysage s’appuie sur la constitution de réseaux du paysage (ex. trames vertes et bleues), objets intermédiaires entre les lieux du paysage et les aires paysagères (intermédiaires dans le sens où les lieux sont des objets facilement appréhendables par les politiques paysagères alors que les aires sont sans doute plus difficiles à manipuler).
29 La localisation des lieux du paysage illustre bien comment le réseau contribue à l’articulation du lieu au territoire. En dehors des cas particuliers des hauts-lieux du paysage, les lieux du paysage ordinaire (à travers lesquels se déploie l’action publique paysagère) ne se distribuent pas aléatoirement dans l’étendue (des espaces privilégiés sont soumis au paysagement) : à une échelle globale le gradient d’urbanité est un paramètre évident (le paysage est un indicateur d’urbanité [37]) et, localement, cette distribution s’égrène le long du réseau des circulations (routière, pédestre, cycliste). Les lieux du paysage (au sens de lieux de la mise en paysage) sont donc localisés le long des cheminements. Ainsi l’action paysagère illustre bien l’imbrication des trois types d’espaces : c’est parce qu’ils s’inscrivent dans les réseaux des mobilités quotidiennes que les lieux du paysage parlent fort du territoire. Les lieux du paysage composent les réseaux et les réseaux contribuent à l’articulation des lieux aux territoires. Les effets de synecdoque propres à l’articulation lieu-territoire peuvent – structurés en réseaux – produire des effets de masque et d’illusion sur le territoire [38]. Ainsi, les politiques paysagères offrent une illustration de l’imbrication du lieu, du réseau et du territoire. Par exemple, la politique du 1 % paysage et développement sur les autoroutes [39] consiste bien à faire jouer au réseau un rôle d’armature culturelle (Lassus, 1994) pour donner à voir, à comprendre et favoriser l’appréciation des territoires traversés. La relation du réseau au territoire traduit le rapport ambivalent entre mobilité et enracinement. Parce que l’espace est de plus en plus fluide et que s’affirment les réseaux, les lieux s’imposent comme compensation par leur fonction d’ancrage et de repère [40].
30 C’est bien ce rôle de stabilisateur que les politiques publiques assignent prioritairement au paysage : une valeur de permanence pour une identité territoriale et paysagère de référence. Tandis que sa matérialité est de moins en moins conditionnée par les facteurs locaux, le paysage devient un matériau essentiel d’une territorialité de plus en plus virtuelle [41]. Pour autant, face à une réalité hybride, l’opposition du virtuel et du réel perd sa pertinence, comme en témoignent les réseaux d’information (qui sont une composante du réseau général des infrastructures de transport) dont la matérialité peu marquée dissimule des effets bien réels sur la configuration des espaces (une commune enclavée ne l’est plus seulement au regard des grands axes de transport, elle s’isole si elle n’est pas aussi connectée aux réseaux informationnels).
31 Nos pratiques de l’espace sont réticulaires et nos modes de gestion de l’espace cherchent à s’adapter à cette organisation, et même à en tirer des bénéfices : le réseau ne devient-il pas le plus court chemin entre le lieu et l’aire, et la maîtrise des réseaux un moyen de maîtriser les surfaces ? Ainsi, les actions de replantation du bocage (Luginbuhl, Toublanc, 2007), à défaut de s’inscrire dans une économie agricole et d’en être des produits paysagers à part entière, répondent à des processus qui en sont de plus en plus déconnectés : les formes nouvelles du « néo-bocage » sont conçues, produites et gérées dans des filières économiques parallèles (tourisme, espaces verts, gestion écologique) par des acteurs et des outils qui ne sont pas ceux du monde agricole. En arrière-plan de cette déconnexion économique, c’est la déconnexion spatiale qui nous interpelle car les réseaux et les aires sont produits par des processus distincts. Or, pour les géographes, le bocage ne désigne pas strictement les haies, mais un système agraire dont elles sont seulement l’une des caractéristiques morphologiques. Tout l’apport de la géographie classique n’était-il pas de démontrer que le paysage est un tout qui fait système dans une organisation sociale spécifique ? Aujourd’hui, les politiques de replantation (d’un bocage qui ne désigne plus que les haies) sont la manifestation de la décomposition spatiale de ce système : d’un côté la mosaïque des parcelles (les aires) c’est-à-dire le système des cultures qui reste inscrit dans une économie agricole, de l’autre les chemins et les haies (les réseaux) qui sont des objets de plus en plus dissociés de l’activité agricole (et entrent dans d’autres logiques économiques [42]).
32 L’hypothèse selon laquelle les réseaux sont des objets beaucoup plus facilement maîtrisables que les aires nous semble pertinente au regard des politiques publiques paysagères : ne trouvent-elles pas plus facilement les moyens (dans tous les sens du terme) pour conduire des actions sur les haies que sur les parcelles agricoles ? N’est-il pas beaucoup plus difficile d’infléchir les pratiques agricoles pour modifier les cultures que de conserver les haies entre les parcelles ? Autrement dit, l’action sur les mailles du réseau n’est-elle pas beaucoup plus lourde et contraignante que l’action sur les réseaux résiduels qui font l’interface ? L’essor de l’écologie du paysage (scientifique et politique) ne s’explique-il pas aussi par cette facilité ?
33 « Le paysage est un niveau d’organisation des systèmes écologiques supérieur à l’écosystème... Il existe indépendamment de la perception » (Burel et Baudry, 1999). Pour les écologues, le paysage est une dimension qui permet d’aborder le fonctionnement et l’interdépendance des écosystèmes à une échelle élargie (une vallée par exemple). Leur lecture de l’organisation spatiale des milieux s’exprime par un vocabulaire qui caractérise les lieux en termes de « tâche », les réseaux en termes de « corridors », et les aires en « mosaïques ». Comme tout modèle théorique, il permet la compréhension et l’interprétation du réel mais, à la différence de la théorie de l’espace social, l’espace n’est pas l’objet premier de l’écologie du paysage (il n’est pas théorisé et construit comme concept distinct du paysage et de l’environnement) et encore moins la société (l’écologie du paysage ne relève pas des sciences sociales). Par conséquent, malgré les parallèles qui peuvent être faits avec les catégories spatiales de la théorie de l’espace social (lieu, réseau, aire), la grammaire de l’espace de l’écologie du paysage est construite sur un autre paradigme. Pour autant, ces deux théories se frottent dans l’action spatiale, car l’écologie a un réel écho dans la société et dans l’action publique. Ainsi, les principes de l’écologie du paysage sont relayés par les politiques publiques (environnement, urbanisme, transport) : les corridors biologiques, coupures vertes, ceintures vertes, pénétrantes vertes, trames vertes et bleues etc., sont omniprésents dans les documents de planification territoriale. Ces objets hybrides sont légitimés par les concepts scientifiques (et réciproquement) mais il faut s’interroger sur les déformations qu’ils subissent dans l’action : comment le prisme des politiques publiques fait-il évoluer ces concepts scientifiques ? Quelle est la réalité spatiale de ces objets ? Au-delà d’être une flèche sur un plan, quelle est la substance d’une trame verte ? À défaut de pouvoir répondre ici à cette question qui est une recherche en soit (Cormier, Carcaud, 2009), contentons-nous seulement de reconnaître que la figure spatiale des réseaux du paysage est une autre manifestation de la territorialisation des politiques paysagères.
34 En définitive, l’écologie du paysage contemporaine réactualise des concepts (trame verte, ceinture paysagère) forgés il y a plus d’un siècle par les premiers paysagistes qui cherchaient à étendre leurs actions au-delà des parcs et des jardins. En Amérique du Nord, le paysagiste Olmsted est intervenu en urbaniste dans un certain nombre de villes (Chicago, Boston en particulier) pour aménager des promenades (parkways ou boulevards paysagers) et connecter des parcs (parc system) dans une logique de réseau. Cette conception réticulaire du paysage, très tôt été traduite dans la planification urbaine (landscape planning), est une manifestation du « mythe de la ville nature américaine » (Maumi, 2009). Il y a un siècle, les paysagistes trouvaient donc dans le réseau la figure spatiale qui leur permettait d’élargir l’échelle de leurs interventions, comme les écologues du paysage aujourd’hui, ou les architectes-urbanistes du « landscape urbanism » qui voient dans le paysage la solution pour appréhender la ville à l’échelle de l’urbain (Donadieu, 2006). Dans tous les cas, le paysage est appréhendé pour ses vertus holistique et articulatoire : il est un tout qui permet de saisir les relations entre les objets, à un niveau d’organisation supérieur.
35 Des objets très divers (terrasses viticoles, haies bocagères, lignes de force du relief) sont considérés comme des composants de la structure [43] paysagère (ou « ossature ») lorsqu’ils en assurent la cohérence et la continuité. Le plus souvent ces structures sont linéaires, trament le paysage et ce sont ces réseaux du paysage que l’on cherche à pérenniser (pas forcément toutes les lignes mais les plus structurantes) dans les unités paysagères : le réseau est donc l’objet spatial privilégié de l’intervention à l’échelle de l’aire. En matière d’urbanisme, les tracés régulateurs sont une illustration de la capacité du réseau à structurer une aire (la ville planifiée). La trame foncière (Hanning, 1983) est une autre illustration dans l’interface paysage – urbanisme. Dans la conception paysagiste contemporaine, la trame est une technique fréquemment utilisée pour maîtriser l’étendue et (paradoxalement) souligner la naturalité des lieux : par exemple, les aménagements du paysagiste Michel Desvigne sont souvent structurés par une grille dont la fonction est notamment, par le jeu des contrastes entre formes naturelles et géométriques, de souligner le méandre de la rivière, la topographie (Tiberghien, Corner, 2008).
Conclusion
36 Dans cette communication, nous avons traité du processus de territorialisation en lui attribuant deux significations essentielles et une signification secondaire. Prioritairement, nous l’avons abordé comme un changement d’échelles du lieu au territoire. La territorialisation du paysage correspond alors au passage des parcs et jardins (les lieux traditionnels de l’action paysagère) au territoire (nouvel horizon des politiques publiques du paysage). La seconde façon de définir la territorialisation est la construction des territoires au sens de la construction d’espaces vécus et politiques qui font sens pour les individus. Ici, la territorialisation du paysage revient à utiliser le paysage comme matériau de cette construction. Celle-ci ne consiste pas à aménager des paysages de plus en plus étendus mais joue sur les relations qu’entretiennent entre eux les lieux, aires et réseaux de paysage. Ces espaces du paysage s’articulent moins selon un emboîtement d’échelles (les poupées russes) que selon une articulation complexe (à l’image des liens hypertextes). Une troisième signification de la territorialisation apparaît dans ce texte : plus spécifique au champ professionnel du paysagisme et de l’urbanisme, elle désigne le contact sensible à la terre, à la nature (Magnaghi, op. cit.). Ici, reconnaître le paysage comme instrument de territorialisation revient à l’aborder comme relation esthétique à l’espace (au sens étymologique du terme, c’est-à-dire par tous les sens)
37 L’opposition entre l’espace absolu et le paysage sensible doit beaucoup aux effets de posture professionnelle (Nadai, 2007). La recherche scientifique, au contraire, tend à réarticuler ces concepts. Bien que les travaux récents sur l’espace social ne renouvellent pas la théorie du paysage, ils s’y appuient et la confortent. La relation entre les deux champs théoriques est cependant asymétrique : la réflexion sur l’espace social mobilise la théorie du paysage (elle en est un des matériaux) mais la recherche en paysage mobilise peu le champ théorique de l’espace social. Qu’aurait-elle à y gagner ? De notre point de vue, une contribution intéressante pour répondre au vœu que formulait Claude Raffestin : « [...] la géographie est vraisemblablement sous-tendue par une discipline qui n’existe pas encore mais qui serait à créer, dont l’objet serait la pratique et la connaissance des arrangements spatiaux. Il s’agit d’une hypothèse que je qualifierai de forte. Les arrangements territoriaux relèvent d’une science à faire, à créer, à laquelle, pour plus de commodité, on pourrait attribuer le nom de diathétique (du mot grec qui signifie disposer, arranger) » (Raffestin in Auriac Brunet, 1986). Ainsi, à défaut d’une « métascience » du paysage pour dépasser les clivages nature/culture et sciences/arts (Chomarat et al., 2009), il est aujourd’hui utile de construire ce que Raffestin propose de nommer la « diathétique » (du grec « disposer, arranger »), autrement dit une recherche (pas nécessairement une nouvelle discipline) sur les arrangements spatiaux. Les avancées théoriques sur l’espace social synthétisées ici peuvent aider à comparer – à l’amont – les spécificités des différentes modalités du processus de la production de l’espace (le projet de paysage par rapport au projet de territoire, au projet urbain etc.). À l’aval, ces propositions offrent un cadre conceptuel utile pour penser les effets (prévus ou non) des arrangements spatiaux sur les pratiques sociales, et les décalages éventuels entre l’espace projeté (par la carte, le plan et le dessin) et l’espace vécu.
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Notes
-
[1]
« L’espace n’est pas un concept empirique qui ait été tiré d’expériences externes » (Critique de la raison pure, « Esthétique transcendantale », première section).
-
[2]
« Je tiens l’espace pour quelque chose de purement relatif, comme le temps ; pour un ordre de coexistence, comme le temps est un ordre de succession » (Troisième lettre à Clarke).
-
[3]
« Géographie : Science qui a pour objet l’espace des sociétés, la dimension spatiale du social » (Lévy Lussault, 2003, p. 399)
-
[4]
« L’image ne représente pas tant ce qui lui serait antécédent qu’elle présente ce qu’elle invente, ce qu’elle fait advenir » (Lussault, 2007, p. 73)
-
[5]
La distance désigne « l’ensemble des manifestations de la séparation des réalités sociales et de ses effets » (Lussault, 2007, p. 51).
-
[6]
« Cadre abstrait permettant de repérer et d’isoler des réalités distinctes. L’étendue est un outil de comparaison et de mesure et diffère de l’espace par son absence de substance. Ses échelles et ses métriques sont donc purement conventionnelles » (Lévy, 1999, p. 395).
-
[7]
Alors que « même sans peuplement humain, la surface terrestre posséderait une étendue » (Lussault, 2007, p. 46).
-
[8]
« Les géographes n’ont jamais prétendu expliquer à eux seuls la totalité du réel. Ils cherchent à éclairer les formes observables et les distributions cartographiques par le jeu des facteurs qui ont trait à l’espace : ils invoquent la diversité des milieux naturels, le rôle de la distance, les images que les hommes se font du monde et les symboles dont ils le peuplent » (Claval, 2003, p. 114).
-
[9]
La grille des chorèmes propose des structures spatiales qui ne préjugent pas d’une échelle particulière.
-
[10]
« Le paysage tel que nous l’entendons encore est un attribut du paradigme occidental moderne classique. Son apparition dans les mentalités européennes traduisait ou compensait, en termes sensibles, ce même retrait du sujet hors de son milieu qui par ailleurs devait engendrer le point de vue objectif de la science moderne, ainsi que l’individualisme » (Berque, 2000, p. 66)
-
[11]
« Il existe une manière non intentionnelle de « vivre » le paysage au quotidien. Fondée sur l’instauration spontanée d’une intimité fusionnelle entre l’individu et son lieu de vie ordinaire, cette manière quotidienne d’être au paysage – et de l’habiter finalement – institue l’être-habitant non plus en tant qu’acteur ou spectateur d’une scène paysagère, mais en tant qu’élément constitutif du paysage proprement dit. Cette forme de relation paysagère, préréflexive, à la fois non motivée par le sujet mais entièrement incorporée par lui, c’est ce que nous nommons « l’incorporation paysagère ». Dans ce cas, la trajection paysagère s’effectue, non pas à travers une relation d’extériorité (distanciation ou immersion), mais selon une relation d’intériorité où sont intimement mêlés être-au-monde et monde-de-l’être ».
-
[12]
À propos du paysage rural andalou « [...] trop de recul ne permet pas de construire un paysage [...] il n’y a pas, en Andalousie, de groupes sociaux susceptibles d’en construire la représentation : les grands propriétaires fonciers sont absentéistes et les ouvriers agricoles vivent dans les villes. On ne peut donc parler ici que de paysage urbain. À l’inverse, trop de proximité ne permet pas non plus la construction d’un paysage. Pour mon père agriculteur, par exemple, la notion faisait sourire. Son rapport à l’espace était d’une autre nature, moins esthétisée, plus intériorisée » (Marié, in Auriac Brunet, 1986, p. 143).
-
[13]
Il faut distinguer les métriques topographiques des métriques topologiques. Les premières valorisent la proximité topographique (à côté de, côtoiement) alors que les secondes valorisent la proximité topologique (relié à, connexité). Les premières sont pertinentes pour évaluer les distances dans les lieux et les aires, les secondes dans les réseaux (Lévy, 1994, p. 397).
-
[14]
« L’espace pur n’est que du temps » disait déjà le géographe Vallaux en 1911 pour caractériser les processus économiques (cité pat Lévy, 1999, p. 157).
-
[15]
« Si les formes spatiales, proprement dites ne sont pas sans importance [...], elles ne permettent pas seules de comprendre les espaces, elles peuvent simplement les qualifier mais sans les définir » (Lussault, 2007, p. 91).
-
[16]
« L’échelle parcellaire »/l’échelle du voisinage/l’échelle géographique » (« Échelles et enseignement de la conception », dans l’Espace de la grande échelle, p. 76)
-
[17]
Lussault ouvre l’avant-propos de l’Homme spatial avec ces fameuses phrases d’Espèces d’espaces de Pérec (1974) : « L’espace de notre vie n’est ni continu, ni infini, ni homogène, ni isotrope. Mais sait-on précisément où il se brise, où il se courbe, où il se déconnecte et où il se rassemble ? Nous cherchons rarement à en savoir davantage et le plus souvent nous passons d’un espace à l’autre sans songer à mesurer, à prendre en charge, à prendre en compte ces laps d’espace ».
-
[18]
« Une ville est à la fois un point et une surface et il vaut la peine de se demander dans quel cas, pour quels types de phénomènes, selon quelle dynamique, elle est lieu ou aire » (Lévy, 1994, p. 53)
-
[19]
« L’ensemble des qualités socialement valorisables d’un espace » (Lussault, 2007, p. 182)
-
[20]
« Un assemblage spatialisé, circonstanciel et labile, d’objets, de choses, de personnes, d’idées, de langages, configuré à l’occasion d’une activité d’un acteur » (Lussault, 2007, p. 199)
-
[21]
« Capacité à se placer de manière à ce que leurs actes soient suivis des effets désirés et que le contrôle de leur action et de son environnement soit toujours possible » (Lussault, 2007, p. 261).
-
[22]
Maîtrise des métriques (gestion des distances), compétence de placement et d’arrangement (se placer, disposer les choses), compétence scalaire (discriminer le petit du grand), compétence de découpage (en unités élémentaires pertinentes), compétence de délimitation (Lussault, 2007, p. 263).
-
[23]
« Le territoire tire profit, en quelque sorte, de l’évidence de la chose vue » (Di Méo, 2005, p. 100).
-
[24]
« [...] l’espace est un lieu où le pouvoir s’affirme et s’exerce et, sans doute sous la forme la plus subtile, celle de la violence symbolique comme violence inaperçue : les espaces architecturaux, dont les injonctions muettes s’adressent directement au corps, obtenant de lui, tout aussi sûrement que l’étiquette des sociétés de cour, la révérence, le respect qui naît de l’éloignement ou, mieux, de l’être-loin, à distance respectueuse, sont sans doute les composantes les plus importantes, en raison même de leur invisibilité [...], de la symbolique du pouvoir et des effets tout à fait réels du pouvoir symbolique » (Bourdieu, « Les effets de lieu » dans La Misère du monde).
-
[25]
« L’investissement social d’un espace est d’autant plus problématique que celui-ci est rigide, fortement structuré et saturé de sens ; le sujet ne pouvant guère s’autoriser à perturber ou détourner un ordre aussi prégnant » (p. 145).
-
[26]
« Politique du paysage désigne la formulation par les autorités publiques compétentes des principes généraux, des stratégies et des orientations permettant l’adoption de mesures particulières en vue de la protection, la gestion et l’aménagement du paysage » (art.1.b Convention européenne du paysage, Florence, 2000)
-
[27]
« [...] des lambeaux de bois couronnant une colline ou une éminence ou une zone de marais absolument indemne, ou encore un bras mort de fleuve ou de rivière, conséquence d’un méandre recoupé, non touché ou aménagé ».
-
[28]
« Pour qu’il y ait lieu, la possibilité doit toujours exister de pouvoir le contrôler physiquement par la marche brève ou le déplacement rapide et/ou la vue – les lieux les plus forts ne sont-ils pas ceux, d’ailleurs, que le regard peut intégralement embrasser et où les repérages visuels des limites sont les plus aisés ? C’est-à-dire que ne doit pas s’affirmer un effet d’échelle et d’espacement suffisamment marqué qui pour le coup brise le lieu et le mue en aire » (Lussault, 2007, p. 101).
-
[29]
« Le siècle n’est plus à l’extension des villes mais à l’approfondissement des territoires » (Marot, 1999).
-
[30]
« Il s’agit toujours de sortir du territoire qui nous est assigné » (Corajoud, in Masboungi, 2002)
-
[31]
Ces mots sont équivalents dans les discours professionnels des paysagistes qui, contrairement aux scientifiques, ne sont guère rigoureux sur l’usage de ces mots.
-
[32]
« L’approche territoriale est avant tout une attitude, dont paradoxalement nous rendons compte par le détail de nos projets, puisque nous abordons les stratégies de territoire avec les outils du projet » (Pere, « Le pouvoir du projet à toutes les échelles », dans Masboungi 2002, p. 68).
-
[33]
http://www.ecologie.gouv.fr/-Paysages-.html
-
[34]
L’identité : « [...] l’ensemble de valeurs fixées sur un espace qui constitue une référence utilisée par un et/ou des acteurs qui le pratiquent pour se définir en se distinguant des autres acteurs » (Lussault, 2007, p. 93), « [...] n’existe pas sui generis mais est construite, inventée collectivement, par les acteurs d’une société donnée qui peuvent avoir ensuite tendance à la naturaliser dans leur usage » (idem), « [...] est un puissant instrument au sein des rhétoriques de qualification et de classification des objets de société par les acteurs sociaux, et de justification de leurs actions » (idem, p. 94), « Une représentation dotée d’attributs de position, de découpage, de métrique, d’échelle, de configuration, de substances » (idem, p. 97).
-
[35]
http://parcdecambon.blogs.fr/, ou bien http://alpage.over-blog.fr/
-
[36]
La médiation est un terme qui apparaît clairement dans le programme pédagogique de l’école du paysage de Bordeaux, comme dans l’intitulé du Master « Paysages et Médiations » cohabilité entre l’université et l’école du paysage d’Angers.
-
[37]
« Sans craindre le paradoxe ni la contradiction, j’affirmerais volontiers que paysage urbain est un pléonasme et qu’en conséquent il n’y a de paysage qu’urbain, porteur d’urbanité et facteur essentiel de l’urbanisation des campagnes. Ce qui reviendrait à faire du paysage une modalité de l’urbain et non, comme on le croit, de l’urbain l’une des nombreuses qualités du paysage qui peut être tout et n’importe quoi » (Chenet, 1994, p. 27-38).
-
[38]
« L’avion est une machine sans doute, mais quel instrument d’analyse ! Cet instrument nous a fait découvrir le vrai visage de la terre. Les routes en effet, durant des siècles, nous ont trompés. Nous ressemblions à cette souveraine qui désira visiter ses sujets et connaître s’ils se réjouissaient de son règne. Ses courtisans, afin de l’abuser, dressèrent sur son chemin quelques heureux décors et payèrent des figurants pour y danser. Hors du mince fil conducteur, elle n’entrevit rien de son royaume, et ne sut point qu’au large des campagnes ceux qui mourraient de faim la maudissaient. Ainsi cheminions-nous le long des routes sinueuses » (A. de Saint-Exupéry, Terre des Hommes, 1939, p. 54).
-
[39]
Circulaire n? 96-19 du 12 décembre 1995.
-
[40]
« Renforcer l’imagibilité de l’environnement urbain consiste à faciliter son identification et sa structuration visuelles. Les éléments dégagés ci-dessus – les voies, limites, points de repère, nœuds et régions, sont les cubes d’un jeu de construction servant à fabriquer à l’échelle de la ville des structures fermes et différenciées » (Lynch, 1960, p. 111)
-
[41]
« Ce n’est plus dans le territoire, dont le rythme de transformation est rapide, que l’on peut chercher une base à la territorialité. Cette base, il faut la chercher dorénavant dans des territoires abstraits [...] Certes, toute société continue à vivre et à agir dans un territoire concret qui résulte d’une production, mais ses relations sont beaucoup moins conditionnées par ce territoire que par l’information qui y est diffusée [...] Dans ce type de territorialité, on ne peut plus parler d’espace vécu, d’identité régionale ou de culture locale. Tout au plus peut-on parler d’information consommée, d’identité conditionnée et de modèles culturels dominants » (Raffestin, 1986, p. 184-185).
-
[42]
On objectera que les préoccupations environnementales pénètrent l’économie agricole et contribuent à redonner de nouvelles fonctionnalités aux objets déclassés (les haies). Les enquêtes de terrain (Lüginbuhl, Toublanc, op. cit.) démontrent que la mécanique financière « d’intégration des externalités positives » ne suffit pas pour assurer une bonne gestion des objets réinvestis.
-
[43]
Le décret de 1994 pris pour l’application de la loi paysages de 1993 précise que les « structures du paysage » se reconnaissent « soit par leur unité et leur cohérence, soit par leur richesse particulière en matière de patrimoine ou comme témoins de modes de vie et d’habitat ou d’activités et de traditions industrielles, artisanales, agricoles et forestières ».