Couverture de AG_668

Article de revue

La complexité du risque d'insécurité alimentaire en milieu sahélien

Pages 430 à 448

Notes

  • [1]
    Pénurie saisonnière liée à l’épuisement des ressources alimentaires et monétaires.
  • [2]
    On retrouve aussi cette juxtaposition dans la présentation des facteurs de risque appliqués au champ de la sécurité alimentaire (Lovendal, Knowles, 2005).
  • [3]
    La technique du zaï permet de remettre en culture des sols très fortement dégradés. Elle consiste à créer, à intervalle régulier, des cavités peu profondes dans lesquelles un sol cultivable sera peu à peu reconstituée par des apports organiques. Le cordon enherbé est une variante évoluée du cordon pierreux. Elle consiste à délimiter une parcelle de culture par une ligne de cailloux et de terre, progressivement complantée en plantes herbacées ou arbustives. Cette démarcation a plusieurs fonctions : freiner l’érosion éolienne, retenir les eaux d’écoulement et favoriser l’amélioration de la biodiversité.
  • [4]
    La résilience, terme emprunté à la science des matériaux, désigne un élément qui a la capacité à retrouver son état initial. Transposé dans le champ social, la résilience désigne la capacité d’un individu à faire face à des stress extérieurs déstabilisants sans compromettre son devenir à plus long terme. En ce sens, elle s’oppose à la vulnérabilité.
  • [5]
    La notion de dérégulation marchande renvoie au changement décisif des politiques économiques depuis la décennie 1980 : repli et désengagement étatique dans de nombreux domaines et place croissante accordée aux initiatives privées (réseaux marchands et, plus récemment, initiatives associatives).
  • [6]
    Établie sur la base de rendements céréaliers extrapolés dans certaines parcelles de culture test, après récolte, ramené à une unité de surface (l’are ou l’hectare).
  • [7]
    Global Monitoring System for Food Security (Heimo, 2004), Système Mondial d’Information et d’Alerte Rapide sur l’Alimentation et l’Agriculture et Système d’Information et de Cartographie sur la sécurité Alimentaire et la Vulnérabilité de la FAO, Vulnerability Assessment Mapping du Programme Alimentaire Mondial (PAM, 2002b).
  • [8]
    Greniers localisés à l’intérieur des cases d’habitation, à l’intérieur des concessions, en bordure des champs cultivés ou plus éloignés du village.
  • [9]
    Les questions binaires déclaratives (oui/non), utilisées pour établir une échelle de vulnérabilité du ménage, mises au point par le Projet FANTA, sont particulièrement illustratives en la matière (Frongillo et alii, 2004 ; Coates, 2004 ; Coates et alii, 2006).
  • [10]
    Se réappropriant ainsi tardivement les analyses scientifiques su les niveaux spatiaux d’analyse de l’insécurité alimentaire (Staatz et alii, 1990).

1 Le cadre d’analyse des crises alimentaires en Afrique sahélo-soudanienne a changé : les cycles de pénurie et les « cercles » de famine (Chastanet, 1991 ; Copans, 1975 ; Gado, 1993 ; Lofchie, 1975 ; Shipton, 1990) ont laissé la place aux systèmes d’information et de gestion du risque. Ce glissement va de pair avec une réévaluation progressive de la science géographique, au moins par les outils qu’elle propose à défaut d’imposer sa grille d’analyse spatio-temporelle (Buléon, 2002).

2 Parallèlement, la définition même du risque d’insécurité alimentaire a évolué depuis les années 1970 : la difficulté à s’approvisionner en denrées de base, en temps opportun, à moindre coût et tout lieu, selon des critères de quantité et de qualité nutritionnelle et sanitaire établis, dans le respect des habitudes locales tout en garantissant une bonne santé. En milieu rural, elle renvoie fortement aux situations caractérisées par la récurrence du phénomène de soudure alimentaire [1]. Cette insécurité y est à la fois liée à la variabilité des récoltes céréalières autoconsommées, à la précarité des moyens d’existence, au caractère aléatoire des recours ainsi qu’à la nature des régulations marchandes et politiques en place défavorables aux plus vulnérables (Courade, 1989, 1998 ; Janin, 2004, 2006). En milieu urbain, ce risque d’insécurité est plus aléatoire économiquement, plus diffus temporellement et plus inégalitaire socialement dans la mesure où la consommation dépend essentiellement des achats réalisés sur le marché.

3 La faible prégnance de la « matrice spatio-temporelle » proposée par le géographe tient d’abord à la nature protéiforme du risque (Cambrézy, Janin, 2003 ; Kermel-Torres, Roca, 1995) : il se décline ainsi à chaque séquence d’une sécurité alimentaire élargie, qui s’étend de la question de durabilité environnementale et de productivité agricole, à celle des transferts géographiques, sociaux et générationnels en passant par la dimension économique et sociale de l’accès au marché, jusqu’aux aspects de mobilisation des denrées pour la consommation et la sécurité nutritionnelle (PAM, 2006 ; Klennert, 2006). Et cette dernière n’en finit pas d’évoluer au gré des enrichissements conceptuels et des réorientations conjoncturelles des politiques de lutte (Ghersi et alii, 1996 ; Maxwell, 1996). Il n’est pas rare, en outre, d’entretenir l’amalgame entre cause de risque et effets induits (Dilley, Boudreau, 2001).

4 Une autre difficulté réside dans la combinaison des facteurs proches et des déterminants lointains, temps immédiat et temporalités plus longues, mesure conjoncturelle des états et prise en compte des dynamiques. Elle conduit fondamentalement à n’exclure aucun postulat, aucun déterminant, aucune causalité (Misselhorn, 2005). À la nécessité de quantifier des états en fonction des normes de satisfaction souvent fluctuantes s’ajoute de plus en plus une demande experte pour l’analyse empirique des processus en cours et pour l’établissement de scenarii prospectifs de sortie de crise.

5 Enfin, cette ouverture géographique se heurte aussi à la diversité des choix méthodologiques et techniques : doit-on privilégier la spatialisation des facteurs de risque objectivés (les aléas plus ou moins probabilisables), favoriser la cartographie de la variabilité territoriale de leurs effets (mais selon quel pasde temps et quels seuils de mesure ?) ou représenter la perception qu’en ont les acteurs ? La géographie de l’insécurité alimentaire doit-elle viser à délimiter des unités spatiales homogènes de risque ou s’efforcer de prendre en compte l’hétérogénéité du vécu du risque ?

6 Autant d’options, en termes d’identification et de représentation des « espaces à risques » ou des « catégories vulnérables », dont les attendus politiques se révèlent essentiels en termes de gestion et de prévention (Club du Sahel-CILSS-CEDEAO, 2005). C’est pourquoi, une véritable géographie du risque d’insécurité alimentaire reste encore un « territoire à conquérir ».

1 Les approches du risque d’insécurité

7 Au demeurant, quels contours attribuer au risque d’insécurité alimentaire ? Est-il même envisageable de parler de définition commune ? Pour le géographe, il est compris comme un phénomène extérieur déstabilisant, objectivement probabilisable, avec lequel les acteurs doivent composer, faute de pouvoir durablement et efficacement s’y soustraire et qui peut se superposer spatialement et se recombiner temporellement, quelles que soient les échelles considérées (Ferras, 1992).

8 Depuis les années 1980, plusieurs courants de la géographie rurale ont abordé la question de l’identification, de la représentation et de la gestion de ce risque : dans la vulnérabilité de la production vivrière aux risques bio-climatiques d’abord (Eldin, Milleville, 1990), puis dans les incertitudes économiques né de la dérégulation des filières agricoles et de la mondialisation (Mazurek, 2004). À l’heure actuelle, les géographes s’essaient aussi à des développements théoriques et heuristiques (Veyret, 2003).

9 D’une manière générale, la géographie propose surtout des typologies classificatoires des facteurs de risque [2] (calamités naturelles, aridité, enclavement, potentialités des sols) même si elle ne s’interdit pas les synthèses ou les exercices modélisateurs proches de la chorématique. La démarche consiste à s’interroger sur l’imminence d’une crise alimentaire, avant d’en évaluer son intensité, de la graduer et de lui donner une expression spatialisée (localisation, étendue). Ainsi, ses déterminants et ses manifestations sont généralement mieux identifiés et analysés que les différentes interactions entre perceptions et décisions (Smith et alii, 2000). On se situe donc plutôt encore dans une approche normative, positiviste et quantitative, d’analyse du risque.

10 On reproche aussi aux géographes de mal pondérer et hiérarchiser les différents facteurs de risque et de sous-estimer la part de risque comportemental (Heitzmann et alii, 2001). Ce dernier est, en effet, difficile à intégrer dans la cartographie du risque : il doit à la fois considérer la prise de risque née des décisions de chaque acteur et la rationalité incertaine de certaines logiques d’action. De même, on insiste également souvent trop sur les ruptures (les épisodes de crise pluviométrique ou acridienne au Sahel par exemple), mesurés par des indicateurs conjoncturels, en lieu et place des processus aux temporalités plus longues (la dégradation progressive des écosystèmes), plus difficiles à appréhender et à expliquer aux décideurs et aux médias.

11 Le risque d’insécurité alimentaire est, ainsi, encore trop souvent considéré dans les sociétés agropastorales d’Afrique de l’Ouest comme un phénomène conjoncturel exogène et non comme le résultat d’un processus socialement construit. Toutefois, l’endogénéisation du risque gagne progressivement dans les analyses institutionnelles comme le montre le succès du concept de vulnérabilité, appliqué au fait alimentaire en Afrique : si l’insécurité est essentiellement un marqueur ex-post d’un déficit alimentaire mesuré, la vulnérabilité est plutôt à considérer comme un analyseur ex-ante d’une exposition et d’une sensibilité à un risque, difficile à délimiter (en termes de durée, d’intensité et de récurrence), qu’il est difficile d’anticiper, de minimiser ou d’éviter (étant la faible capacité de réponse des individus et des familles en milieu sahélien).

12 Dans les études portant sur l’insécurité alimentaire en milieu rural soudano-sahélien, trois types d’approche géographique ont tour à tour été proposées :

13 La première s’appuie sur un postulat « fixiste et déterministe » : elle définit essentiellement le risque comme un phénomène extérieur au territoire, exogène aux sociétés en place, même s’il contribue à les façonner, à l’interface environnement-société. Le risque est alors à considérer comme l’expression spatialisée d’un aléa, temporaire et ponctuel, auquel il est possible de s’attendre, par expérience, mais dont il est difficile de se prémunir, compte tenu du faible niveau d’information prévisionnelle et de faibles capacités à mettre en place des contre-mesures. Ces facteurs de risque, d’intensité et de durée variables, diffus ou localisés, constituent donc le substrat causal qui fonde les fragilités et les vulnérabilités des systèmes de production à l’origine du risque d’insécurité alimentaire précédemment défini (Adger, 2006). Ils sont, par essence, divers mais l’irrégularité pluviométrique (et les adaptations qu’elle rend nécessaire) en constitue sans doute l’élément le plus patent en milieu sahélien. Certains médias et certains bailleurs de fonds ont encore tendance à considérer la sécheresse et les criquets comme des éléments probants d’explication de la crise alimentaire de 2005 au Niger et au Mali (Janin, 2008a). Ceci permet à la fois d’externaliser le phénomène de risque et de minimiser fortement la responsabilité politique de son imparfaite gestion.

14 Toute la difficulté consiste alors à faire la part entre une géographie prospective des menaces potentielles ou avérées comme des handicaps et des contraintes, puis d’en cartographier éventuellement les effets sur les territoires. On se situe donc ici plutôt dans une géographie descriptive et compilatoire, s’appuyant sur des diagnostics macro-environnementaux ou économiques et sur l’étude diachronique des rapports de type « nature-culture » au sens large. Les monographies villageoises et régionales approfondies (de type atlas) ou rapides (de type Rapid Rural Appraisal ou MARP) ont longtemps constitué les outils privilégiés de ce type d’analyse. Si une telle géographie de l’insécurité n’exclut pas le facteur humain, elle tend souvent à l’externaliser ou à lui assigner une fonction réparatrice en fin de crise. Ceci conduit à figer et simplifier les situations au risque de renforcer les visions déterministes (Gallais, 1994) ? Par ailleurs, en s’appuyant sur une batterie d’indicateurs instantanés et agrégés (prix céréaliers ou du bétail, niveau des récoltes estimées), parfois hâtivement collectés, il est possible de masquer certaines vulnérabilités micro-géographiques ou micro-temporelles (Janin, Martin-Prével, 2006 ; Janin, 2006).

15 La deuxième approche est d’essence « possibiliste ». Le risque d’insécurité se situe alors plus dans le décalage entre des potentialités mobilisables (au sein du complexe eau-sol-plante) — susceptibles d’être transformées en ressources par un ensemble de techniques agricoles — et les besoins réels des individus. Cet écart entre ressources alimentaires théoriques et denrées produites a de multiples causes, tantôt « édictées par la nature » (pauvreté des sols par exemple), tantôt « liées aux pratiques » (insuffisante restitution de la fertilité). En milieu soudano-sahélien, si des gains de productivité sont possibles (technique du zaï, paillage, fumure organique, cordons enherbés [3]), ils restent toutefois difficiles à mettre en œuvre : la main-d’œuvre familiale est déjà fortement mobilisée, les intrants sont rares et chers. Ils sont ainsi circonscrits à certaines « enclaves », bénéficiant d’encadrement et d’appui dans le cadre de rapports de travail contractualisés (périmètres hydro-rizicoles ou cotonniers). Ce hiatus potentialités/ressources a parfois donné naissance à des discours normatifs et moralisateurs sur l’archaïsme des systèmes de production et l’irrationalité paysanne (Courade, 2006). L’imparfaite maîtrise de l’eau, la difficile sécurisation foncière et la faiblesse des investissements productifs (comparés à l’importance des dépenses sociales réalisées) reviennent parfois, à cet effet, comme des « jugements » définitifs dans les discours et les écrits des décideurs. C’est un peu vite passer sous silence que la variabilité spatio-temporelle des potentialités (eau, arbre, terre arable) dans ces « milieux » soudano-sahéliens n’aurait pas permis le maintien d’activités agricoles durables et de présence humaine denses sans l’efficacité des savoirs-faire locaux (Ouedraogo, 2006).

16 Enfin, une dernière conception, plus récente, donne au risque d’insécurité alimentaire une dimension « quasi-systémique ». Il est certes l’expression d’un manque — entre une demande de consommation croissante et une offre parfois inaccessible physiquement ou économiquement — mais plus encore le résultat d’une action humaine inadéquate ou inefficiente. Ainsi considéré, le risque renvoie à la manière dont un individu ou un groupe gère, dans le temps et dans l’espace, certains déséquilibres alimentaires en fonction du champ de contraintes et de ressources, locales, nationales comme internationales dans lequel il s’insère (Corbett, 1988 ; Lovendal, Knowles, 2005). Ce qui revient à étudier, par un suivi d’indicateurs, la manière dont chaque « acteur », individuel ou collectif, prépare et affronte des situations de déficit alimentaire, conjoncturel ou plus pérenne, avéré ou ressenti comme tel (Adams et alii, 1998 ; Courade et alii, 1987) en jouant sur un stock de bétail et de céréales, de l’argent épargné, des activités complémentaires, en opérant des ajustements alimentaires ou démographiques. Une telle approche implique nécessairement un élargissement du contenu sémantique des « ressources », tant matérielles, sociales que symboliques, dont la re-formulation la plus aboutie semble être désormais le concept de « capacités » (Courade, 2001). Ceci explique sans doute l’engouement des ONG pour tout ce qui touche à la « gestion des ressources », aux « stratégies de recours » (alimentaires et monétaires) fournissant des typologies classificatoires un peu réductrices (Capron et alii, 2006). Car ces approches peinent à mettre en relation les anticipations éventuelles du manque comme les modes de transfert du risque dans le temps et dans l’espace et le rôle des régulations marchandes et politiques plus lointaines ainsi que des solidarités socio-géographiques (Adams, 1993).

17 Si la première approche attribue un poids sans doute excessif aux chocs exogènes tandis que les autres s’attardent plus sur leur fragile maîtrise, toutes s’intéressent in fine à la vulnérabilité alimentaire des ménages ruraux. Cette dernière est fonction de la durée et de la récurrence du déficit alimentaire comme de leur capacité à y faire face qui dépend de plusieurs éléments : niveau des disponibilités alimentaires (cultivées sur l’exploitation), ressources monétaires mobilisables (par décapitalisation d’avoirs ou quête de numéraire), qualité des liens d’entraide. Une réflexion géo-politique plus aboutie montre aussi que la régulation de l’accès aux facteurs de production (eau, terre, bois) comme aux ressources (bétail, céréales, épargne, commerce) joue un rôle fondamental dans l’émergence de l’insécurité alimentaire à plus long terme (Janin, 2008b). En ce sens, celui qui a la capacité effective de gérer la ressource (la consommer, la transmettre ou la redistribuer) et qui peut participer à la définition des normes sociales de son usage, accède à une forme de résilience [4] d’autant plus durable qu’elle s’inscrit dans l’ordre socio-politique en place (Molnar, 1999 ; Carr, 2006). Ce dernier dévoile par-là même la reproduction inégalitaire, imposée et/ou acceptée, du risque d’insécurité alimentaire dans des espaces sociaux encore fortement communautaires.

2 Les échelles spatiales et temporelles du risque

18 La diversité des approches conceptuelles de l’insécurité alimentaire en milieu rural soudano-sahélien africain se traduit fort logiquement par les choix méthodologiques et techniques d’observation et de représentation. Quels que soient les postulats qui les sous-tendent et qui orientent les politiques publiques et les interventions privées — primat de l’inaccessibilité économique, des inégalités géographiques d’accès, poids de la dérégulation marchande [5] ou des contraintes bio-climatiques — toutes ont, à un moment ou un autre, abordé la question des échelles, des niveaux et des temporalités. Or, une certaine indifférenciation, pour ne pas dire confusion règne en la matière. Par échelle, on considère souvent indistinctement l’échelle-fraction, l’échelle-étendue et l’échelle-analyse (Marston, 2000). La première désigne le rapport métrique entre la distance réelle et la distance représentée avec un risque patent de confusion pour les non-géographes ( « petite » et « grande » échelles) ; la seconde renvoie plutôt à la délimitation d’une entité territoriale établie ou recréée (zone homogène de risque, unité administrative). Enfin, pour ne rien simplifier, on utilise aussi parfois le terme « échelle » pour rendre compte du niveau d’analyse retenu (micro-, méso-, macro- ) dont les limites peuvent fluctuer selon les disciplines. Si la géographie colonise donc en sous-main les discours et les cadres de référence du risque d’insécurité alimentaire, elle est loin de fournir un cadre simplifié et unifié d’analyse. Autant de choix et d’interrogations qui s’expriment dans les différentes mesures du risque d’insécurité (Staatz et alii, 1990).

19 Les approches d’inspiration malthusienne ont longtemps eu la faveur des décideurs tels que la FAO (même si cette dernière a, depuis le début de la décennie, quelque peu renouvelé son approche globale). Ainsi, le volume des disponibilités céréalières, appelé « bilan alimentaire » ou « Taux Virtuel de Couverture des Besoins Céréaliers », a pendant longtemps été le principal indicateur de déficit. Il reste aujourd’hui encore utile mais n’est pas exempt de biais. En effet, il s’agit d’une information de type probabiliste qui dérive d’une analyse des bilans annuels sur une décennie (Cilss-Aghrymet, 2000). Ces derniers proviennent eux-mêmes d’estimations extrapolées de production agricole [6], à partir d’un échantillon d’exploitations agricoles-types, imparfaitement réactualisé. Ce dispositif statistique fournit donc des informations parcellaires un peu théoriques, même après correction. Car, même si des coefficients de perte (au transport, au stockage et lors de la préparation alimentaire) sont pris en compte (ils peuvent aller jusqu’à 40 % de la récolte), le niveau des ressources produites n’est pas établi avec une précision suffisante. Aucune donnée sur les déstockages de céréales sous forme de don ou d’entraide, au cours de l’année dans le cadre d’une économie morale redistributive, n’est accessible (Molnar, 1999). De même, la contribution effective du marché à la sécurité alimentaire des producteurs-consommateurs ruraux est mal appréhendée même si l’on reconnaît son importance structurelle (Janin, 2006a). Qui plus est, ce bilan ne prend généralement en compte que les seules productions céréalières (mil et sorgho), plus rarement la valeur d’échange du bétail et la consommation de riz importé ou local (ibid., 2000). Le tonnage estimé est ensuite multiplié par le nombre global d’habitants, rapporté à une « norme » moyenne théorique individuelle de consommation, toujours fluctuante, au gré des enjeux politiques et économiques, rendue désuète par la diversification progressive des régimes alimentaires et les écarts individuels de consommation. Il serait d’ailleurs plus pertinent de calculer ce ratio charge/disponibilités à l’équivalent-adulte. À cette échelle spatiale d’analyse, une délimitation grossière des zones globalement déficitaires ou excédentaires est possible, par extrapolation spatiale des données d’enquête (cf. cartes ci-dessous, d’après PAM, 2005), mais la mesure de l’hétérogénéité spatio-temporelle des disponibilités réelles à « grande échelle » se révèle extrêmement aléatoire et incertaine.

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20 On touche là une des limites essentielles des projets de gestion intégrée de l’information spatiale [7], développés au cours des années 1990, destinés à fournir une aide à la décision. Certes, chacun d’entre eux propose une lecture multiniveaux de l’insécurité alimentaire, allant du global au local. Certes, chacun s’efforce de modéliser statistiquement et de représenter cartographiquement la réalité multi-dimensionnelle de l’insécurité à l’aide de relevés satellitaires et de données secondaires (tant agronomiques, sanitaires que nutritionnelles). Mais, la spatialisation des indicateurs reste dépendante des limites administratives de leur collecte : on affecte ainsi à chaque unité administrative cartographiée une valeur « moyenne » toute théorique. On cherche donc plutôt à délimiter des catégories et des niveaux de vulnérabilité qu’à analyser sa dynamique vécue (République du Niger, 2005 ; Janin, Martin-Prével, 2006).

21 Moins médiatiques mais au moins aussi féconds sont les travaux menés par la Coopération Italienne en collaboration par le CILSS et AGHRYMET (2000) en terme de diagnostic systémique agro-sylvo-pastoral à des échelles géographiques méso- ou macro-. Différents indicateurs de potentialités, de contraintes et de ressources en fonction d’une charge démographique toujours croissante (Raynaut et alii, 1997) sont utilisés. Ils mettent ainsi en évidence les lieux critiques de la durabilité environnementale et de la reproduction sociétale à moyen terme, compte tenu de la fragilisation des systèmes de production. Ces phénomènes font l’objet d’une spatialisation et d’une valorisation cartographique multi-niveaux intéressante qui cherche à s’affranchir des découpages administratifs. Si cette approche permet de mieux identifier les espaces à risque potentiels, elle apporte, là aussi, peu d’éléments d’appréciation sur l’insécurité alimentaire réelle, vécue et perçue par les individus ou les problèmes d’accessibilité géographique et économique.

22 Autre point clé imparfaitement pris en compte par l’ensemble des dispositifs institutionnels, l’imparfaite adéquation entre le ménage, unité statistique de référence, retenue et validée pour les enquêtes démographique ou agricole, et l’unité fonctionnelle de vie, aux ramifications géographiques et sociales multiples. De fait, dans les sociétés sahéliennes soumises à des incertitudes multiples, l’enchevêtrement des liens sociaux permet de lutter avec une certaine efficacité contre l’insécurité alimentaire (Janin, 2004). La prise en charge des « dépendants alimentaires », l’accueil de personnes déshéritées ou migrantes, la délocalisation géographique de certains individus, la consommation partagée des récoltes stockées dans les greniers comme les dons en nature constituent autant de formes de recours possibles en situation de risque qui ne sont malheureusement pas toujours pris en considération dans les enquêtes basées sur les déclarations rapides de fréquence et d’intensité de la consommation alimentaire (Maxwell, 1999 ; Frongillo, Nanama, 2006). Toutefois, la collecte de données à l’échelle du ménage, a au moins le mérite de permettre un suivi désagrégé de l’insécurité alimentaire. Il est également de nature à permettre une meilleure prise en compte de la vulnérabilité alimentaire et de ses conséquences nutritionnelles.

23 En adoptant la vulnérabilité comme nouveau cadre conceptuel d’analyse du risque (capacité des acteurs à faire face à des menaces adverses), les développeurs ne font, à certains égards, que redécouvrir la géographie un peu délaissée des genres et des modes de vie, chère à Max Sorre (Devereux et alii, 2004 ; Hesselberg, Yaro, 2006 ; PAM, 2006). C’est donc l’évaluation de la réactivité des individus en situation de stress alimentaire (Davies, 1996 ; Maxwell, 1999) autant que leur capacité à les endurer et ses manifestations nutritionnelles qui préoccupent les décideurs (Adams, 1998 ; Eriksen, 2005). Indices et indicateurs collectés, dans le cadre d’enquêtes micro- à passage répétés, peuvent faire l’objet de statistiques plus poussées si besoin, l’essentiel étant de fournir une appréciation instantanée de niveaux de vulnérabilité réelle et perçue et de calculer des scores de résilience (Pittaluga, 2004). En revanche, ces mêmes phénomènes observés à l’échelle de l’individu ou du ménage restent difficiles à représenter spatialement dans la mesure où il existe d’importantes inégalités d’accès aux ressources, en termes de droits comme de capacités.

24 Une autre démarche consiste à établir un bilan exhaustif et contradictoire annualisé des disponibilités alimentaires produites ou acquises pour chaque unité familiale (Janin, 2001, 2008b). Qu’il s’agisse de l’ensemble des ressources mobilisées par le groupe familial pour assurer sa sécurité alimentaire — issues d’une activité agricole, d’une aide institutionnelle ou communautaire ou provenant d’achats sur le marché — et de celles cédées de manière transitoire (prêt) ou définitives (dons et ventes). Cette comptabilité « entrées-sorties » n’est pas facile à établir pour autant. Ceci est lié d’abord à la dispersion spatiale des greniers familiaux ou individuels [8] ; cela s’explique aussi par le fractionnement temporel et monétaire des achats et des aides alimentaires au cours de l’année, réalisés par les différents actifs agricoles qui composent l’unité familiale de résidence. Cette difficulté encore renforcée par le fait que certains actifs ne contrôlent pas véritablement l’usage réel de leur bien (pour la consommation, le partage ou la vente). On touche ici à la question politique de la régulation d’accès inégalitaire aux ressources et de l’insécurité alimentaire qu’elle peut renforcer (Carr, 2006).

25 Une approche de géographie sociale, pour sa part, cherche plutôt à explorer la dimension spatio-temporelle du risque d’insécurité alimentaire. Elle vise à identifier et à délimiter les périodes de « manque » objectif ou ressenti. L’imminence de la disparition des réserves céréalières au sein de l’exploitation agricole (Adjamagbo et alii, 2006 ; Bilinsky, Swindale, 2005) en constitue le principal indicateur simple anticipé. Ces périodes de déficit coïncident souvent avec le renchérissement des prix céréaliers sur les marchés physiques. Communément appelée « soudure », ce phénomène saisonnier de déficit, qui réapparaît chaque année, est bien décrit et connu depuis la période coloniale (Chastanet, 1989). Il est tantôt mesuré en nombre de mois ou de jours, tantôt évalué en kilos en fonction de ses deux principales dimensions (durée et intensité). Par ailleurs, la délimitation temporelle généralement proposée reste souvent sommaire et approximative même si le déficit saisonnier se situe le plus fréquemment pendant « l’hivernage » consacré aux travaux agricoles (de juin à août). Car elle tend à écarter toutes les procédures sociétales de gestion des greniers, faite d’ouvertures, de fermetures et de reports multiples dans l’utilisation des réserves, comme les épisodes d’achats fractionnés ou anticipés, les emprunts ou les dons qui délimitent le niveau des ressources réelles mobilisables pour la consommation. La détermination temporelle des situations de surplus ou de manque, à l’échelle des familles, est donc plus aléatoire tant ses manifestations restent pernicieuses ou escamotées. Le terme de « soudure » est d’un emploi extrêmement commun dans les principaux pays sahélo-soudaniens d’Afrique de l’Ouest mais le contenu sémantique varie fortement selon les catégories d’acteurs. Ainsi, la « soudure » d’un agriculteur veuf ayant cédé à vil prix sa charrue, son petit bétail et son vélo, sans argent, ni « personne-ressource » a peu à voir avec la soudure vécue par un commerçant de bétail, propriétaire de plusieurs dizaines de têtes, possédant plusieurs logements en location et faisant « travailler » un taxi de surcroît. La « soudure » apparaît donc comme une catégorie hétérogène à déconstruire selon les types d’acteurs (pasteurs, agro-pasteurs, agriculteurs) et les stratifications économiques et sociales. Elle varie en durée et en intensité selon les années, les lieux considérés et les méthodes de mesure. Elle n’a ni la même signification, ni le même contenu pour chaque acteur et ne véhicule pas les mêmes perceptions et les mêmes vécus.

26 Pour leur part, les géographes ont plutôt prospecté sa dimension spatiotemporelle (Janin, 2004) distinguant, sur des « petits pas de temps » (par quinzaines de jours), l’ensemble des opérations réalisées par un chef de ménage, pour se nourrir : achats alimentaires d’urgence, achats pour stocker, vente de biens, emprunts d’argent ou de céréales, etc. Ceci permet de distinguer les périodes de « soudure nette » (sans aucune ressource propre complémentaire) et les intervalles de « soudure partielle » (avec mobilisation de nouvelles ressources) tout en enregistrant minutieusement les réponses apportées en situation de manque. Ces marqueurs temporels se révèlent riches d’enseignements heuristiques sur le contenu multi-dimensionnel de l’insécurité.

3 Les temporalités décisionnelles au cœur de l’insécurité

27 La question du temps, la question des temps, est au cœur des préoccupations de la géographie qui s’intéresse à l’inscription spatiale des rapports sociaux, à leurs dynamiques respectives et aux constructions territoriales qui en découlent (territorialités et identités). En allant jusqu’à parler d’ « insécabilité [fondamentale] entre spatialités et temporalités », la géographie insiste sur la complexité et l’hétérogénéité des systèmes socio-spatiaux, où s’enchevêtrent héritages des temps plus ou moins long, logiques d’acteurs individuels ou collectifs et temporalités d’action (Kermel-Torres, Roca, 1995 ; Buléon, 2002). A une vision neutre et arithmétique qui envisage un temps linéaire, uniforme et des interactions homothétiques entre facteurs de risque et décisions humaines, permettant de définir des états moyens (de sécurité ou d’insécurité alimentaire), il paraît plus pertinent d’opposer le caractère hétérogène et aléatoire de la théorie des systèmes dynamiques non linéaires : les décisions humaines n’ont pas la même incidence selon les configurations spatio-temporelles (période critique ou phase normale du système) dans lesquelles elles s’insèrent. Car le temps n’est pas un marqueur neutre pour des individus et des ménages qui évoluent dans un environnement faiblement sécurisé en milieu rural sahélo-soudanien. Il se stratifie avec des rythmes et des scansions particulières qui se complètent et interagissent. Il convient de jouer sur les différentes unités temporelles de mesure (quotidienne, hebdomadaire, saisonnière et annuelle) mais également de bien repérer les moments-clés ayant une incidence forte sur la construction de l’insécurité alimentaire, parfois noyés dans des épisodes temporels plus longs et peu stratégiques. Car si le risque d’insécurité alimentaire est durablement présent, ces oscillations spatio-temporelles (précocité, durée, réapparition) interdisent toute organisation routinière de sa gestion.

28 À cet égard, la soudure alimentaire constitue un bon analyseur de la manière dont les sociétés villageoises perçoivent et gèrent ce risque. Les « temporalités décisionnelles » apparaissent donc comme des périodes-clés où se décident et se redessinent certaines fragilités et vulnérabilités à plus long terme (Reardon, Matlon, 1989). C’est à l’aune de cette grille qu’il convient peut être d’analyser les ajustements alimentaires drastiques opérés dans l’urgence (diminution de la ration et espacement des repas ou décapitalisation patrimoniale progressive). En situation de crise, il n’est pas sûr en fin de compte que les arbitrages réalisés ne renversent pas la perspective du court terme, les responsables familiaux pouvant donner la préférence aux temporalités plus longues afin de ne pas obérer l’avenir de toute la communauté (Moseley, 2000). Un chef de ménage pourra ainsi accorder une priorité financière à l’alimentation d’un bœuf embouché dont dépendra fortement la survie alimentaire du ménage en cas de pénurie plutôt que de maintenir le volume de la ration journalière de mil ou de sorgho. Mais le temps se déroule aussi avec d’autres scansions lié à l’effet de la saisonnalité (Dostie et alii, 2002) : les coûts d’approvisionnement céréalier sur le marché peuvent varier du simple au triple, tandis que la valeur d’échange entre bétail et céréales évolue de manière inversement proportionnelle entre la période post-récolte et la fin de la saison sèche. C’est pourquoi, toute prise de décision anticipée, intégrant le caractère instable et aléatoire des événements économiques, est de nature à limiter la dégradation d’une situation donnée. Et ses effets potentiels cumulatifs induits à plus long terme (couple précarité/vulnérabilité versus capacité/sécurité) ne sont pas négligeables également même si l’évolution reste difficilement prévisible. Elle doit aussi s’efforcer de respecter certaines normes sociales partagées (tryptique accumulation/exclusion/redistribution) afin d’éviter d’accroître les interactions négatives et de générer de nouvelles sources de conflit déstabilisateur. À certains égards, l’élargissement de l’horizon temporel d’observation et la définition d’une grille fine d’analyse, prenant en compte les « signaux faibles ou jugés peu signifiants » par l’expert (le vécu intériorisé des différents membres du ménage par exemple), peuvent se révéler bien plus féconds que la spatialisation systématique d’indicateurs conjoncturels ou de moyennes. Il permet de rendre compte du poids des décisions humaines, en dépit de la faiblesse des moyens d’information prévisionnelle et des ressources mobilisables dans des sociétés agropastorales où la frugalité, le silence, l’endurance sont érigés en règles fondamentales de vie.

29 De fait, toutes les approches de l’insécurité alimentaire rurale, précédemment décrites, butent fondamentalement sur plusieurs difficultés :

30

  • la prise en compte du caractère processuel et aléatoire d’une situation — qui possède des ramifications lointaines —, tout en restant sujette à des micro-retournements conjoncturels potentiels (couple péjoration-amélioration). Cet aspect est pourtant fondamental pour comprendre la nature des « crises » alimentaires complexes comme au Niger et au Mali en 2005.
  • la mesure de l’insécurité alimentaire réelle qui s’exprime autant dans les réalités tangibles du déficit (alimentaire ou monétaire), dans les perceptions du manque que dans l’incapacité à se prémunir d’un futur immédiat toujours plus incertain. Certaines recherches de terrain insistent désormais sur le décalage entre le vécu de l’insécurité (parfois masquée) et ses mesures socio-économiques objectives.
  • les effets de seuils que les changements d’échelles statistiques, géographiques ou temporelles peuvent renforcer pour un même indicateur et la dégradation progressive de la qualité de l’information à chaque niveau d’agrégation. Ce point très technique, à forte charge politique pourtant, reçoit rarement l’attention dont il serait en droit de faire l’objet.

31 Car, si ces différentes constatations sont effectivement partagées par les membres de la communauté scientifique travaillant sur la vulnérabilité à l’insécurité alimentaire, il n’en va pas nécessairement de même pour les experts et les professionnels de l’aide. En effet, ces points semblent plus difficilement « opérationnalisables », sous forme d’indicateurs avancés, à la fois fiables et faciles à collecter, dans les systèmes experts de diagnostic du risque (Système d’Information Géographique et Système d’Alerte Précoce), à des échelles géographiques et cartographiques au maillage de plus en plus fin (allant de l’unité administrative villageoise à celle de l’individu).

32 De fait, la préférence des décideurs politiques va aussi souvent à l’acquisition d’informations rapides, sur la base d’observations ou de déclarations [9] (questions oui/non), susceptibles de faire l’objet d’un suivi statistique, sous forme d’indicateurs instantanés, et d’une valorisation cartographique périodiquement actualisée. Tout l’enjeu est alors de fournir des réponses claires et simples à une problématique complexe. Quitte à financer de nouveaux protocoles d’enquête, à intégrer de nouveaux indicateurs dans les systèmes d’alerte et à produire de nouvelles cartes. C’est pourquoi, les conditions mêmes de la collecte de l’information font rarement l’objet de débats. A-t-on procédé par observation, par déclaration ou par mesure directe ? A-t-on répété cette collecte, dans le temps et l’espace en procédant par comparaison, par confrontation et par recoupements d’information ? A-t-on identifié, pour telle ou telle question précise, la personne la plus directement concernée et responsable de la prise de décision ? Quelle était la nature de la relation établie avec le fournisseur d’information (rapport de proximité ou d’autorité par exemple) ? Autant de questions que la confrontation avec des situations de manque alimentaire conduit à considérer comme centrales même si elles font rarement l’objet d’un traitement poussé dans les approches institutionnelles d’enquête. Et pourtant, à la fiabilité statistique et technique des dispositifs de collecte, il est souvent judicieux d’opposer la qualité de l’intuition scientifique et du rapport de connivence et de proximité noué avec l’interlocuteur. De fait, on se trouve en permanence confronté à l’impossible adéquation entre une démarche scientifique, faite de doutes et d’épreuves, et la nécessité politique d’une réponse ciblée et rapide en situation de crise alimentaire aiguë.

33 Se pose aussi la question du choix déterminant, en milieu rural africain, de la période de collecte des informations et de l’horizon temporel d’observation pour tout ce qui touche par exemple aux ressources (qui déclinent au fil des saisons) et aux statuts nutritionnels (qui se dégradent parallèlement). Si les situations d’insécurité tendent à devenir récurrentes, si la vulnérabilité comme la pauvreté tendent à se reproduire d’une génération à l’autre, est-on encore fondé à parler de « crise » dont le caractère conjoncturel est établi ? Cette imprécision sémantique peut ainsi conduire à distinguer de manière un peu arbitraire, temps long et temps court, avec une nette préférence pour les interventions conjoncturelles à forte charge médiatique ou politique, susceptibles de faire l’objet d’un dispositif simplifié de suivi transitoire. C’est pourquoi, les bulletins d’alerte précoce et les documents de suivi prévisionnel (cellule VAM du PAM, FEWS) font la distinction entre une insécurité et vulnérabilité alimentaires chroniques et une insécurité et vulnérabilité alimentaire transitoires (PAM, 2003 ; Destombes, 2004).

34 Une des originalités de l’approche géographique réside, pour sa part, dans la déclinaison et la combinaison d’échelles spatiales et temporelles, quand elle est faite de manière approfondie en prenant son temps. Car, si la question des échelles spatiales de collecte et d’analyse est désormais intégrée dans les dispositifs d’enquête du PAM (méthode VAM) ou de la FAO (SMIAR)  [10], depuis la région administrative jusqu’au ménage en passant par le « village » (Smith et alii, 2000 ; Lovendal, Knowles, 2005), les temporalités le sont moins systématiquement. Or, les perceptions du temps et sa gestion, semblent bien au cœur des dispositifs sociétaux de réponse aux situations d’insécurité alimentaire en milieu rural soudano-sahélien. Elles constituent, à l’heure actuelle, une des « entrées » privilégiées pour améliorer l’identification spatiale et la désignation sociale des vulnérabilités de toute nature. Celle-ci se fonde sur le constat empirique de l’hétérogénéité spatiale des situations alimentaires, même à petite échelle, et de leur variabilité temporelle.

35 Temporalités et décisions vont de pair et illustrent donc parfaitement la part du risque asymptotique né de leurs interactions permanentes. Par exemple, de légers déficits céréaliers, accumulés sur plusieurs saisons agricoles, par les coûts marchands supplémentaires d’approvisionnement qu’ils impliquent et, éventuellement, les formes de mise en gage de récolte (vente sur pied), de décapitalisation patrimoniale (vente de bétail ou de biens) et d’endettement, auront un impact parfois plus grand qu’une seule crise alimentaire marquée, susceptible de faire l’objet d’une réponse politique et médiatique d’ampleur.

36 De même, des réponses tardives et précipitées à une situation de manque engendreront des surcoûts économiques et sociaux importants. La vulnérabilité réelle des ménages et des populations est un processus qui s’inscrit, de manière durable et pernicieuse, dans un ensemble d’éléments associés : dégradation progressive des ressources alimentaires, matérielles, financières et sociales mobilisables ; difficulté à prendre des décisions efficientes en temps opportun sans compromettre la survie du groupe à moyen terme ; dysfonctionnement des « filets sociaux de sécurité » au-delà d’un certain seuil alimentaire ou démographique face à une demande croissante des personnes en situation d’extrême précarité.

37 Par ailleurs, le décalage fréquent entre les signes apparents de vulnérabilité recueillis (à partir d’observation éco-géographique du milieu de vie ou d’enquêtes rapides par déclaration), les indicateurs patents de vulnérabilité (issus d’une collecte individualisée d’indicateurs patrimoniaux de gestion des ressources) et l’insécurité vécue et ressentie (qui dépend à la fois du niveau d’acceptabilité du risque et du sentiment de soi) constitue sans doute un des paradigmes les plus difficiles à dépasser pour l’élaboration de politiques de lutte contre l’insécurité alimentaire efficientes et durables (République du Niger, 2005). Mais il n’est pas le seul. Les temporalités discontinues, les espaces hétérogènes, les changements d’échelles sont autant de défis que la recherche géographique se doit de relever pour tenter de répondre aux questions concrètes des décideurs et aux attentes muettes des plus vulnérables.

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Notes

  • [1]
    Pénurie saisonnière liée à l’épuisement des ressources alimentaires et monétaires.
  • [2]
    On retrouve aussi cette juxtaposition dans la présentation des facteurs de risque appliqués au champ de la sécurité alimentaire (Lovendal, Knowles, 2005).
  • [3]
    La technique du zaï permet de remettre en culture des sols très fortement dégradés. Elle consiste à créer, à intervalle régulier, des cavités peu profondes dans lesquelles un sol cultivable sera peu à peu reconstituée par des apports organiques. Le cordon enherbé est une variante évoluée du cordon pierreux. Elle consiste à délimiter une parcelle de culture par une ligne de cailloux et de terre, progressivement complantée en plantes herbacées ou arbustives. Cette démarcation a plusieurs fonctions : freiner l’érosion éolienne, retenir les eaux d’écoulement et favoriser l’amélioration de la biodiversité.
  • [4]
    La résilience, terme emprunté à la science des matériaux, désigne un élément qui a la capacité à retrouver son état initial. Transposé dans le champ social, la résilience désigne la capacité d’un individu à faire face à des stress extérieurs déstabilisants sans compromettre son devenir à plus long terme. En ce sens, elle s’oppose à la vulnérabilité.
  • [5]
    La notion de dérégulation marchande renvoie au changement décisif des politiques économiques depuis la décennie 1980 : repli et désengagement étatique dans de nombreux domaines et place croissante accordée aux initiatives privées (réseaux marchands et, plus récemment, initiatives associatives).
  • [6]
    Établie sur la base de rendements céréaliers extrapolés dans certaines parcelles de culture test, après récolte, ramené à une unité de surface (l’are ou l’hectare).
  • [7]
    Global Monitoring System for Food Security (Heimo, 2004), Système Mondial d’Information et d’Alerte Rapide sur l’Alimentation et l’Agriculture et Système d’Information et de Cartographie sur la sécurité Alimentaire et la Vulnérabilité de la FAO, Vulnerability Assessment Mapping du Programme Alimentaire Mondial (PAM, 2002b).
  • [8]
    Greniers localisés à l’intérieur des cases d’habitation, à l’intérieur des concessions, en bordure des champs cultivés ou plus éloignés du village.
  • [9]
    Les questions binaires déclaratives (oui/non), utilisées pour établir une échelle de vulnérabilité du ménage, mises au point par le Projet FANTA, sont particulièrement illustratives en la matière (Frongillo et alii, 2004 ; Coates, 2004 ; Coates et alii, 2006).
  • [10]
    Se réappropriant ainsi tardivement les analyses scientifiques su les niveaux spatiaux d’analyse de l’insécurité alimentaire (Staatz et alii, 1990).
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