1 La recomposition de la pensée économique
1 Le fonctionnement de l’économie se déroule dans l’espace. La production combine terre (ou énergie et matières premières), travail et capital. Elle est à l’origine de flux de biens de consommation et d’investissements qui sont respectivement destinés aux ménages et aux entreprise. Elle génère des revenus qui reviennent aux ménages. Ceux-ci les dépensent ou les épargnent. Aux mouvements de produits et d’argent s’ajoutent la circulation d’informations sans lesquelles personne ne pourrait prendre de décision.
2 L’économie politique naît, à l’époque d’Adam Smith, du souci d’assurer la richesse des nations. Le triomphe de la microéconomie, qui s’affirme avec les approches marginalistes à partir des années 1860, restreint son objet : l’épanouissement de l’activité globale doit résulter automatiquement des choix judicieux des individus et plus particulièrement de ceux des chefs d’entreprise. Il devient inutile de se pencher sur les réalités de grande dimension.
3 La mutation que connaît l’économie dans les années 1930 fait naître un nouveau champ, la macroéconomie, pour lequel la nation est la réalité pertinente (Keynes, 1936) ; à quelles conditions celle-ci peut elle croître régulièrement ? Cela ne va pas sans difficulté, puisque l’équilibre entre le pouvoir d’achat créé par l’investissement autonome et les productions additionnelles dues à l’investissement global, n’est jamais automatique : il demande, de la part des gouvernements et des banques centrales, un réglage minutieux. Cela explique l’attention avec laquelle les problèmes financiers et monétaires sont examinés.
4 Dans les années 1950 et 1960, l’analyse économique constitue le cœur d’une discipline, qui se décline sous deux formes, celle de la microéconomie, axée sur l’analyse des décisions prises au sein des firmes dans des économies de marché, et celle de la macroéconomie, qui s’attache aux effets globaux de la circulation des revenus. Il y a, du micro au macro, un changement d’échelle — de l’individu et de la firme à la nation — et un changement d’objet — des décisions aux effets collectifs de la circulation des biens et des espèces.
5 La macroéconomie attire l’attention sur la croissance. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, cela conduit à la découverte de l’inégal développement. Dans les années 1950 et 1960, celui-ci devient un des domaines essentiels de la recherche (Austruy, 1965 ; Higgins, 1959). Comme les inégalités de croissance s’observent au sein des nations tout autant que sur la scène internationale, les travaux relatifs à la région économique se multiplient. Beaucoup cherchent à transposer à cette échelle les résultats obtenus dans le cadre des nations (Isard, 1951, 1956 ; Boudeville, 1961, 1963).
6 L’inégal dynamisme des économies explique aussi l’attention nouvelle accordée aux relations internationales — à propos desquelles on n’a guère enregistré de progrès depuis l’époque de Ricardo.
7 Tels sont les champs couverts par la recherche dans les années 1950 et 1960. Ces sujets sont toujours présents dans la discipline, mais ce qui est neuf l’emporte. La part faite à l’entreprise s’autonomise. La curiosité pour la technologie et l’innovation s’affirme. Les régulations auxquelles l’entreprise doit se soumettre au niveau national comme au niveau international font l’objet d’études systématiques. Le poids des dimensions culturelles de la vie économique est analysé. Une attention accrue est accordée aux transports, à la communication, au sport, à la culture, aux loisirs.
8 La recherche fondamentale passe par un retour aux sources. Elle met l’accent sur le jeu des institutions et du changement. Elle fait une place aux démarches hétérodoxes.
9 Quelle importance cette économie recomposée accorde-t-elle à la dimension spatiale des réalités auxquelles elle s’attache ? Pour répondre à cette question, il est bon de partir de la place qui était faite à l’espace il y a un demi-siècle.
2 Les espaces de l’économie du début du XIXe siècle aux années 1930
2.1 Prédominance de la microéconomie et minoration du rôle de l’espace
10 La microéconomie qui domine les travaux des économistes des alentours de 1850 aux années 1930 n’attache guère de prix aux questions géographiques. Ce qui compte pour elle, c’est l’aptitude des décideurs à effectuer un classement rationnel de leurs préférences. Le problème se situe dans la tête des acteurs : ils se montrent capables de faire des choix cohérents, ou n’y parviennent pas. L’environnement ne joue aucun rôle : la microéconomie repose sur une hypothèse implicite, mais forte : le coût d’accès à l’information est nul.
11 La seconde condition que suppose la microéconomie, c’est la perfection des mécanismes de marché, conséquence elle-même de l’accès gratuit aux nouvelles dont les décideurs ont besoin au moment de leurs choix. La friction de la distance induit des charges matérielles de transport, mais qui ne peuvent modifier le sens de la théorie générale.
12 L’économie classique n’ignore cependant pas totalement l’espace. Au début du XIXe siècle, celui-ci s’y introduit de trois façons.
2.1.1 L’espace tout de même : David Ricardo et la prise en compte du facteur terre
13 La théorie classique qui domine au début du XIXe siècle a le souci des quantités globales : la rémunération du capital, celle du facteur terre et celle du travail se conditionnent mutuellement. Dans un monde où la pression démographique croît, la terre devient rare : les rentes qui reviennent à ceux qui la détiennent laminent les profits des entrepreneurs et réduisent le salaire des travailleurs au niveau minimum de l’autosubsistance. Les perspectives sont sombres dans une société où l’on n’a pas encore pris conscience de la signification du progrès.
14 La question que pose le commerce international est simple : contribue-t-il à l’amélioration des conditions de vie chez ceux qui y participent ? Le raisonnement de Ricardo est lumineux (Ricardo, 1817) : chaque pays se spécialise dans les fabrications pour lesquelles il dispose du plus grand avantage comparatif — le vin pour le Portugal, le drap pour la Grande-Bretagne dans l’exemple qu’il retient. Vendre du vin revient, pour le Portugal, à exporter une partie du facteur terre qu’il possède en surabondance, contre du facteur travail qui lui manque. À l’inverse, la Grande-Bretagne vend le travail dont elle regorge contre les produits de la terre dont elle est dépourvue. Le commerce international permet donc aux pays riches en terres de se défaire de celles dont ils n’ont guère l’emploi, et de bénéficier d’un travail qui vient de l’extérieur. En exportant sous forme de produits manufacturés la main-d’œuvre dont la Grande-Bretagne ne manque pas et qui ferait sans cela monter les rentes foncières, l’échange permet à ce pays d’échapper à la baisse des taux de profit qui sans cela le menacerait !
15 C’est la théorie du commerce international qui permet à l’économie classique d’échapper au pessimisme absolu. Elle ne fait cependant aucune place aux économies d’échelle et aux économies externes, c’est-à-dire au progrès.
2.1.2 L’espace tout de même : économie spatiale et frais de transport
16 On sait depuis Adam Smith que la spécialisation du travail est limitée par l’étendue du marché — par les frais de transport que supportent, en fait, les produits fabriqués. L’économie classique n’ignore pas cet héritage, que Johann-Heinrich von Thünen systématise pour les activités agricoles en 1826. On connaît ses résultats : lorsque le milieu géographique est uniforme et que la circulation se fait également bien dans toutes les directions, les cultures dessinent un système de couronnes emboîtées autour du marché où elles sont vendues.
17 La vogue du marginalisme et le triomphe de la microéconomie expliquent sans doute la lenteur avec laquelle l’économie spatiale se développe : il faut attendre Lauhnardt (1882) et Alfred Weber (1909) pour que les coûts de transport de l’énergie, des matières premières et des composants intégrés par l’usine dans le produit qu’elle élabore, d’une part, et ceux que supportent les articles fabriqués jusqu’au marché, de l’autre, soient pris en compte.
2.1.3 L’espace toute de même : Alfred Marhall et les économies externes
18 Alfred Marshall est un des grands économistes de la fin du XIXe siècle. Il a l’esprit plus géographique que la plupart de ses contemporains. Dans le domaine industriel, il connaît trop bien le tissu économique de la Grande-Bretagne de son temps pour croire que la spécialisation du Lancashire dans les cotonnades, celle de la Clyde et du Northumberland dans la construction navale, celle de Birmingham dans la serrurerie puis dans la construction mécanique, soient dues au hasard. Les coûts de transport et les dépenses d’énergie qui sont à la charge des industriels du coton installés dans la région de Manchester et de Liverpool ne sont pas très différents de ceux qu’ils devraient payer en Écosse centrale, dans le Northumberland ou dans le Yorkshire. L’agglomération résulte d’un autre phénomène, qui ne s’exprime pas dans les prix de marché communément retenus par l’analyse économique. C’est pour cela qu’Alfred Marshall parle d’économies externes (Marshall, 1890). L’expression correspond à la réalité qu’il observe, mais elle ne dit pas que le phénomène dont il s’agit est fondamentalement lié à l’organisation géographique des noyaux spécialisés.
19 Alfred Weber aborde le problème des économies externes, mais sans réussir à exprimer sa signification géographique profonde.
3 La révision des hypothèses de l’économie dans le courant des années 1930
20 Toute l’économie commence à être repensée dans le courant des années 1930 : le retour aux quantités globales auquel procède la macroéconomie n’est qu’une des facettes d’une remise en cause plus systématique. Ce qui est désormais examiné d’un œil critique, c’est le fonctionnement des marchés.
3.1 Espace et imperfections des marchés
21 Peut-on supposer, comme on le faisait depuis trois-quarts de siècle, que les conditions de la concurrence pure et parfaite sont normalement réunies dans la vie économique ? L’offre et la demande sont-elles atomistiques ? Les produits sont-ils parfaitement fongibles ? Les transactions se déroulent-elles dans des conditions de transparence totale ?
22 À l’évidence, non : la concentration ne cesse de s’accentuer ; l’ère de la petite entreprise familiale est close ; on en est à l’époque des entreprises géantes ; dans des marchés où les intervenants sont de taille aussi inégale, les informations dont ils disposent le sont aussi.
23 Un certain nombre d’économistes s’attache alors à l’analyse de ces formes de marché. La concurrence n’en est pas absente, mais elle prend de nouveaux visages : elle est monopolistique pour Edward H. Chamberlin (1933) ou imparfaite pour Joan Robinson (1940). Cela ne veut pas dire que la compétition disparaît des marchés, mais elle ne s’y exerce pas de la même façon. Cela pèse sans aucun doute sur leur organisation spatiale.
24 Des études empiriques comme celle où Achille Dauphin-Meunier analyse la Cité de Londres et les grands marchés internationaux qu’elle abrite décrivent la formation des grandes places modernes (Dauphin-Meunier, 1940/1954). Les jeux de la concurrence et du monopole y sont intimement liés aux technologies de la communication.
3.2 La théorie des lieux centraux
25 Au début des années 1930, Walter Christaller s’attache à l’économie des services en termes de distances et de portées-limites : il analyse les coûts des déplacement des clients et du transport des marchandises (Christaller, 1933). Il ne sort pas du cadre défini un siècle plus tôt par von Thünen.
26 Un élément est cependant totalement nouveau : l’idée de lieu central. L’idée force de Walter Christaller, c’est que les services qu’il étudie supposent le rassemblement des partenaires qu’ils impliquent en un même point. Pour lui comme pour August Lösch (1938, 1940), l’espace économique se structure autour de certains points. Telle qu’elle est formulée dans les années 1930 la réflexion sur les lieux centraux n’est pas encore tout à fair une théorie.
3.3 Coase et les coûts de transaction
27 H. R. Coase formule le concept de coût de transaction en 1937. Le domaine qu’il explore est celui de l’entreprise. Une des questions que pose l’évolution de l’économie depuis les années 1880, c’est celui de la grande firme. La mise au point de machines qui repoussent toujours plus loin la limite au-delà de laquelle cessent les économies d’échelle en est, bien entendu, une des causes essentielles. Mais l’aspect technique du gigantisme ne doit pas faire oublier les coûts qu’il entraîne : une entreprise plus grande doit prêter plus d’attention à la circulation des pièces détachées inclues dans le produit final, à la structure de son organigramme, à la diffusion des ordres et des instructions mis au point par l’État-major, à la remontée des informations qui permettent de s’assurer de la qualité des fabrications et des difficultés qu’elles entraînent, et à la commercialisation de ce qui est mis sur le marché.
28 La microéconomie n’avait jusqu’alors pris en compte que ce qui se passait à l’extérieur de la firme. La circulation des informations et des ordres n’offrait selon elle aucune difficulté. C’est contre cela que Coase réagit : il faut prendre en compte le coût des flux de nouvelles internes à l’entreprise tout autant que celui des échanges qu’elle entretient avec l’extérieur par l’entremise des marchés (qui sont aussi des lieux de transaction, dont le fonctionnement a un coût). L’équilibre de la firme dépend de l’ensemble des charges de transaction qu’elle a à supporter. Celles-ci ne sont pas seulement liées au transport des biens : elles résultent tout autant de la circulation des informations, ou des mouvements de ceux qui en sont porteurs. L’espace des économistes cesse d’être purement matériel.
4 La période 1950-1980 : de nouveaux modes d’appréhension économique de l’espace
4.1 La prise en compte de la nation et de la région par la macroéconomie
29 Les mécanismes que la macroéconomie décrit prennent place dans le cadre des nations. Celles-ci sont conçues comme des réalités globales : ce que l’on y étudie, ce sont les niveaux atteints par le revenu, l’épargne et l’investissement ; l’investissement autonome accroît les capacités de production ; il génère les revenus qui permettent d’acquérir les nouveaux produits.
30 Le monde est constitué d’un certain nombre de boîtes, les nations, dont il faut étudier la comptabilité globale pour comprendre la dynamique. Les tableaux d’entrées et sorties, que complètent les comptes sociaux, permettent ainsi de suivre les effets sur tous les secteurs de production, sur le revenu des ménages et sur le montant de leur épargne, d’un investissement effectué dans telle ou telle branche d’activité.
31 Le développement est inégal, si bien que l’échelle nationale n’est pas la seule qu’il convienne de prendre en compte. Les boîtes que constituent les nations sont prises dans un réseau de relations économiques internationales. L’industrialisation est déjà acquise en Europe, en Amérique du Nord ou au Japon ; elle s’accompagne, dans ces pays, de taux de croissance relativement élevés, cependant que le reste du monde reste cantonné aux activités primaires, qui servent à nourrir les populations locales ou permettent d’exporter vers le monde industrialisé denrées alimentaires, énergie ou matières premières dont il a besoin. Pourquoi cet inégal dynamisme (Austruy, 1965 ; Higgins, 1959) ?
32 À l’intérieur des pays industrialisés, certaines régions restent en dehors du mouvement. Leurs activités ont de la peine à se diversifier. Là comme dans le Tiers Monde, le secteur primaire est sur-représenté. Comment comprendre ces retards ? Pourquoi ne pas appliquer aux régions qui composent une nation les méthodes d’analyse qui éclairent les dynamismes nationaux (Isard, 1956 ; Boudeville, 1968 ; Claval, 1968) ?
33 Les résultats obtenus sont appréciables : ils font comprendre comment un investissement effectué dans une région y crée à la fois des emplois directs et des emplois induits, ceux qui sont indispensables pour satisfaire la nouvelle demande : d’où la notion de multiplicateur de l’emploi C’est sur son évaluation que s’appuient les aménageurs pour mettre en place les équipements indispensables aux nouveaux arrivés.
34 La région (ou la ville) est conçue comme une boîte, où l’on mesure des effets globaux, mais dont on ne détaille pas les structures spatiales. Celles-ci ne sont prises en compte que par les modèles gravitaires.
35 Les travaux macroéconomiques sur la région font apparaître un fait essentiel : c’est autour des villes que se structure l’espace, car c’est là que prennent place une bonne partie des effets multiplicateurs.
36 La mise en œuvre des méthodes d’analyse macroéconomique est cependant assez décevante : les effets multiplicateurs sont prévisibles lorsque les espaces sont clos et que les dépenses des ménages et des entreprises y ont toujours lieu aux mêmes endroits. Ils cessent d’être modélisables lorsqu’une entreprise achète l’acier qu’elle emploie une année à un producteur national, et l’année suivante à un de ses compétiteurs étrangers.
4.2 La critique des modèles de l’économie internationale classique et les théories de la croissance inégale
37 Malgré les travaux de E. Heckscher (1919-1949), Bertil Ohlin (1933) et de Paul Samuelson (1948, 1949), la théorie des relations internationales avait peu évolué depuis l’époque de Ricardo. Les démonstrations qu’elle mettait en œuvre étaient devenues plus rigoureuses, leur portée était plus générale. Elle concluait toujours à l’utilité du commerce entre les nations.
38 Ce que l’on observait était différent : l’opposition entre les régions riches et les zones médiocres ou pauvres se creusait au sein des pays industrialisés. L’écart devenait tous les jours plus dramatique entre les revenus des États déjà modernisés et ceux des pays en voie de développement. Économistes, géographes et hommes politiques remettent en cause de trois manières une théorie qui leur paraît aller contre l’évidence.
39 (i) En 1955, François Perroux propose une théorie de la croissance polarisée pour rendre compte d’une réalité qui échappe à la théorie classique. Telle qu’il la présente alors, il s’agit plus d’une idée que d’une théorie solidement étayée. Pour donner du corps à la théorie de la polarisation, Jacques-R. Boudeville tire parti de la macro-économie et se tourne vers les effets multiplicateurs (Boudeville, 1961, 1968).
40 La position de Perroux est simple : la polarisation naît, dans le domaine industriel, de la présence de firmes motrices. Les responsables des politiques industrielles doivent se garder d’éparpiller les crédits dont ils disposent, car ils ne serviraient à rien. Il leur faut choisir un secteur stratégique, un lieu qui lui convienne et attirer là (ou créer) une firme puissante qui « tirera » alors l’économie de tout le secteur. Cela générera des revenus qui permettront d’étoffer le secteur domestique.
41 Perroux justifie ses propositions à partir d’exemples historiques, mais Goetz-Girey en montre les limites en analysant le cas du pays de Montbéliard (Goetz-Girey, 1960).
42 On comprend donc le succès mitigé des pôles de croissance à la Perroux : la sidérurgie de Tarente n’a pas plus suscité l’apparition d’un tissu industriel dense que celle de Fos-sur-Mer. La construction des hauts fourneaux et aciéries d’Annaba n’a pas hâté l’accès de l’Algérie à la civilisation industrielle.
43 (ii) C’est en Amérique latine, autour de Raul Prebisch, qu’est formulée la seconde théorie du développement inégal : cet économiste prend conscience de la détérioration des termes de l’échange entre les nations en voie de développement de cette partie du monde et les pays avancés (Prebisch, 1964). Les denrées primaires qu’elles offrent voient leurs cours se déprécier, alors que le prix des produits industriels dont elles ont besoin ne cesse d’augmenter : il leur faut travailler de plus en plus pour acquérir les équipements dont elles ont besoin. Les pays riches exploitent les pays émergents en ne payant pas à un juste prix les produits qu’ils leur achètent.
44 La thèse de Raul Prebisch repose sur des données exactes durant la période 1953-1968. Mais il y a eu avant 1953 et après 1968 des périodes plus fastes pour l’Amérique latine, qui n’en a pas tiré un grand bénéfice.
45 À la fin des années 1960, les théories de l’inégal développement cessent de s’appuyer sur l’analyse des fluctuations des termes de l’échange. Elles deviennent des théories de la domination : les phénomènes économiques sont liés à des effets de pouvoir. Les passages que Marx a consacrés à l’accumulation primitive et l’idée que l’impérialisme est le stade suprême du capitalisme sont mis à contribution. Ces travaux ignorent curieusement le démarrage économique foudroyant des futures « dragons » de l’Asie du Sud-Est, Corée du Sud, Taiwan, Hong Kong ou Singapour (par exemple, Frank, 1970).
46 (iii) La troisième famille de théories de la croissance inégale est en large partie développée par des géographes. L’organisation de l’espace américain est caractérisée par l’opposition de deux grands types de régions (Ullman, 1958) : un noyau central, l’Industrial Belt, à l’économie complexe, agriculture intensive, industries de transformation et services groupés dans de grandes métropoles ; tout autour, dans le Sud et dans l’Ouest, des zones dont l’économie est beaucoup moins diversifiée : les activités agricoles et minières y dominent.
47 Les cartes des potentiels de population et de revenu aux États-Unis mesurent l’accessibilité de chaque point à l’ensemble du marché américain (Warntz, 1964). La zone où les potentiels sont maxima coïncide avec l’Industrial Belt : ce qui y attire les industries, c’est la possibilité de fabriquer à plus grande échelle, puisque la clientèle qu’elles peuvent toucher est plus large.
48 L’Industrial Belt est aussi une zone de très grandes villes. Les activités s’agglomèrent dans Megalopolis par suite des avantages qu’elles se créent mutuellement (Gottmann, 1961).
49 L’inégal développement est le résultat normal de l’existence d’économies d’échelle et d’économies externes (Claval, 1968). La faiblesse essentielle de la théorie classique des relations internationales vient de ce qu’elle ne prend pas en compte le progrès technique (Claval, 1970) : à partir du moment où celui-ci entre en jeu, des économies d’échelle (Young, 1928) et des économies externes apparaissent et les inégalités tendent à s’accroître.
50 L’intérêt pour les économies externes, longtemps oubliées après Alfred Marshall, se développe dans les années 1950 (Scitovsky, 1954). Leur origine est diverse :
- Des externalités existent dans le domaine des utilités et de la consommation (Davies, Whinston, 1962, 1964) : les résidents d’un quartier tirent avantage de la qualité de l’environnement ; les prix fonciers reflètent ses transformations : ils chutent dès que des nuisances se précisent.
- Du côté des producteurs, les économies externes résultent souvent de la décision, pour les fabricants, d’acheter les pièces dont ils ont besoin à un sous-traitant : celui-ci exploite un créneau étroit, mais il vend à plusieurs clients, ce qui lui permet de s’équiper de machines efficaces et de bénéficier d’économies d’échelles qu’aucun de ceux auxquels il livre ne pourrait réaliser.
- La troisième interprétation met l’accent sur les coûts d’accès à l’information et sur les coûts de transaction, si l’on préfère la formulation de Coase : la firme qui s’installe dans une ville importante bénéficie d’externalités positives parce qu’elle trouve plus facile d’y recruter des personnels qualifiés, d’y traiter avec des conseils juridiques, des consultants, des cabinets comptables ou d’y obtenir des conditions intéressantes de crédit auprès de banques bien informées des conditions de marché.
52 Toutes les externalités ne sont pas positives. Des nuisances résultent de l’accumulation des hommes et des activités. Il arrive un moment où les externalités négatives contrebalancent les externalités positives : la ville cesse d’être attractive.
4.3 Forme des villes et lieux centraux
53 La ville joue un rôle essentiel dans les dynamiques économiques auxquelles la recherche s’attache dans les années 1950 et 1960. C’est la présence d’un lieu central qui fait la ville : tous les auteurs l’admettent, mais ne parviennent pas à expliquer sa genèse.
54 Les économistes ont, depuis les débuts du XXe siècle, la conviction que les structures concentriques que l’on y observe répond à une logique semblable à celle analysée par von Thünen. La difficulté vient de ce qu’en ville, l’espace est occupé à la fois par des entreprises, qui sont guidées par la recherche du profit, et par des ménages, qui essaient de maximiser l’utilité qu’ils retirent de leur présence en ville. Une élégante solution au problème est proposée par William Alonso : ménages et entrepreneurs formulent, en fonction des objectifs de profit ou d’utilité qu’ils se fixent, des courbes d’enchères, exprimées en termes monétaires, et donc comparables (Alonso, 1964). Cela génère un cône régulier des prix fonciers, sur lequel chaque acteur se situe en fonction de ses objectifs et de ses disponibilités monétaires. De petits cônes adventices de localisations avantageuses se greffent sur le cône principal là où se fixent des centres commerciaux secondaires (Berry, 1964).
55 Les villes subissent dans les années 1960 la double mutation de l’automobile et des hypermarchés (James, 1964 ; Leven, 1977). Les agglomérations urbaines cessent d’être monocentrées : les fonctions qui étaient jusque-là regroupées dans le noyau majeur de l’agglomération, se répartissent entre une pluralité de foyers qui profitent de la mise en place d’autoroutes urbaines pour échapper aux embouteillages et bénéficier d’une centralité avantageuse.
4.4 Le rôle de l’information
56 L’attention qu’économistes et géographes accordent à l’information ne cesse de croître. Les circuits dont l’analyse est au cœur de la macroéconomie impliquent à la fois des biens, des moyens de paiement, des déplacements de personnes et des flux d’information (que ceux-ci soient véhiculés par ceux qui se déplacent, ou qu’ils soient acheminés par la presse, par la poste, par le téléphone, etc).
57 Qu’acquérir les informations indispensables à la prise des décisions économiques ait un coût, personne n’en doute plus à une époque où les sommes que les entreprises consacrent à la publicité croissent à une vitesse exponentielle. Que ces activités aient surtout lieu dans les villes, on en est de plus en plus conscient. Les chercheurs présentent alors volontiers la ville comme un carrefour où les routes de chacun se croisent parce que c’est là que se trouvent les informations dont ils ont besoin (Lopez, 1963 Tsuru, 1963 ; Remy, 1966 ; Meier, 1966). Le lieu central, dont on essaie de bâtir la théorie depuis Walter Christaller, sert à diffuser, à acquérir et à évaluer des informations.
58 La genèse des lieux centraux qui sont à l’origine des villes et structurent les réseaux urbains trouve enfin une explication satisfaisante au cours des années 1970. C’est en se penchant sur l’analyse des coûts de transaction qu’on y parvient. C’est que ce Williamson montre en renouvelant l’étude des rapports des entreprises aux marchés (Williamson, 1975). C’est que ce Colin Renfrew propose en s’attachant aux fonctions de confrontation des centres urbains (Renfrew, 1975). C’est ce qui ressort surtout de l’analyse des coûts de commutation qu’implique les échanges d’information dès que ceux-ci impliquent une pluralité de partenaires (Claval, 1977a). La logique des villes est enfin analysable en termes d’économie (Claval, 1981).
59 Le progrès technique est responsable de la diversification des circuits qu’empruntent les informations : elles peuvent s’échanger directement, dans un face-à-face où chacun peut s’exprimer et observer les réactions de ses partenaires ; elles peuvent cheminer par lettre, prendre la forme de messages télégraphiques, être téléphonées, ou utiliser comme supports la presse, le cinéma, la radio ou la télévision. Que tous ces chenaux soient utiles à la vie économique, c’est évident : les entreprises accepteraient-elles sans cela de payer autant pour se faire connaître grâce à la presse ou aux médias ? Cela veut-il dire que tous les moyens mobilisés par la communication aient des rôles équivalents ? Non, comme le montre Gunnar Törnqvist (Törnqvist, 1968, 1970). Certaines décisions ne peuvent être prises que lorsque les partenaires se rencontrent effectivement. Les échanges de courrier, les coups de téléphone préparent et facilitent les contacts en tête-à-tête. Ils ne les remplacent pas.
60 Un tri s’opère donc dans les informations dont les acteurs économiques ont besoin. Un grand nombre peut être confié aux supports que constituent les médias modernes. Dans ce cas, la ville devient inutile. Les moyens modernes de communication à distance font bénéficier émetteurs et destinataires, même installés à la campagne, d’avantages qui demeuraient jusqu’il y a peu l’apanage de la vie urbaine : la révolution du téléphone et de la télévision fait disparaître l’opposition qui existait depuis toujours entre les villes et les campagnes. L’urbanisation sociologique des campagnes se généralise.
61 Les fonctions propres de la ville demeurent pour tous les échanges qui impliquent des relations face-à-face, ou comme Törnqvist le dit, des contacts. C’est grâce à ceux-ci que la scène urbaine d’aujourd’hui s’inscrit dans la continuité de celles du passé.
62 La prise en compte des dimensions spatiales de la vie économique a considérablement progressé au cours des trente ou trente-cinq années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale. Les géographes ont joué, pour la première fois, un rôle important en ce domaine.
63 La macroéconomie a redonné aux territoires le rôle qu’on leur refusait depuis le milieu du XIXe siècle. Les théories de l’inégal développement mettent en évidence la faiblesse essentielle de l’analyse classique des relations internationales ou interterritoriales, qui ne prend pas en compte le rôle du progrès technique. C’est en montrant le rôle des économies d’échelle et des économies externes que les géographes préparent, dès les années 1950 et 1960, la révolution théorique à laquelle Paul Krugman donne sa forme canonique à partir de 1980 (Krugman, 1980, 1991 ; Fujita, Krugman, Venables, 1999).
64 La réflexion sur les marchés et sur la ville conduit à accorder une attention de plus en plus grande au rôle de la communication dans la vie économique.
65 Les économistes se demandent, depuis les années 1950, s’ils disposent de cadres théoriques qui leur permettent vraiment de comprendre les problèmes spatiaux. François Perroux ouvre la voie en ce domaine (Perroux, 1950). Pour lui, la réalité est feuilletée : il y a, à la base, l’étendue concrète, celle du monde matériel de tous les jours, l’espace géographique selon ses termes ; voilà pour le sous-sol. Le rez-de-chaussée est constitué par l’espace économique, celui des usines, des voies de transport, des structures commerciales et des consommateurs ; il s’agit encore d’un espace matériel, mais qui est de création humaine et résulte de l’activité des agents économiques. Le premier étage est d’une autre nature ; c’est celui de la région-plan : on entre dans le monde des idées. L’économie est rêvée et projetée dans l’esprit des hommes avant de devenir une réalité matérielle.
5 Intermède marxien
66 La situation change au début des années 1970. Les marxistes prennent alors conscience de la pauvreté des conceptions spatiales présentes dans les textes fondateurs de Marx et de Engels (Lefebvre, 1972). Pour donner au marxisme les bases spatiales qui lui ont toujours manqué, Lefebvre utilise les catégories de Perroux et fait sienne la trilogie espace matériel, espace des réalités sociales et économiques, espace imaginé. C’est ce qui le conduit à parler de la construction de l’espace (Lefebvre, 1974).
67 L’essor rapide de l’économie des « dragons » de l’Asie du Sud-Est montre l’inanité des théories du développement du sous-développement. L’urgence de repenser le marxisme sous un angle géographique s’impose de plus en plus (Claval, 1977b). Pour David Harvey, le capital déjà investi et les savoir-faire de ceux qui le mettent en œuvre limitent les possibilités d’implantation de nouvelles entreprises, car l’existence de niveaux élevés de pollution et la présence de syndicats qui exigent des rémunérations élevées découragent les nouveaux venus ; ceux-ci ont tôt fait de s’installer ailleurs. L’histoire du capitalisme s’inscrit ainsi dans l’espace (Harvey, 1982).
68 Ce n’est cependant pas du côté du marxisme orthodoxe que les efforts pour mieux prendre en compte les dimensions spatiales de l’économie sont les plus nombreux. Deux directions s’imposent dans la seconde moitié des années 1970 et au début des années 1980.
69 (i) Pour certains, la théorie marxiste est une métathéorie qui éclaire les tendances à long terme de l’évolution du monde économique et social. À l’échelle moyenne de temps où se situent la plupart des analyses, les théories économiques classiques rendent compte de manière satisfaisante des activités et de leurs implantations. Il y a donc des phases où l’analyse économique suffit à expliquer la réalité. À d’autres moments, des difficultés apparaissent. Pour y faire face, il faut modifier le régime de régulation qui s’imposait jusqu’alors. C’est pour expliquer ces phases de réajustement que la métathéorie marxiste se révèle féconde.
70 La phase fordiste du développement économique se caractérisait par le rôle central des grandes entreprises (Aglietta, 1976 ; Boyer, 1986). Les transactions internes qui y prenaient place ne conduisaient pas toujours à la compression maximale des coûts. La compétition qui caractérise le monde actuel a initié une nouvelle phase de l’histoire du capitalisme, celle des régimes post-fordistes d’accumulation. Ce qui compte désormais, c’est la flexibilité.
71 (ii) Une autre manière marxienne de prendre en compte la dimension spatiale de l’économie tire parti des travaux de Torsten Hägerstrand sur la géographie du temps (Hägerstrand, 1970) : les acteurs économiques n’existent pas dans un espace abstrait. Leurs vies décrivent des trajectoires complexes dans le volume à trois dimensions qui permet de noter à la fois les lieux où se trouvent les gens, ceux par lesquels ils passent, et le temps qui s’écoule. Chacun n’a accès qu’à un volume limité d’informations.
72 Ces résultats sont interprétés dans le cadre des théories structurationnistes que la critique des structuralismes des années 1950 et 1960 conduit alors à formuler. On en a assez d’explications de la réalité sociale qui ignorent les hommes. Les structurationnistes cherchent à rompre avec deux aspects du structuralisme : le refus de voir l’individu comme acteur de son destin ; l’incapacité — qui en résulte — de prendre en compte l’histoire.
73 Les structurationnistes proposent une théorie à deux niveaux : au plan supérieur, on voit jouer les effets de l’initiative des individus, qui donnent au devenir une dimension historique ; au dessous se trouvent des instances qui créent des structures, mais dont la vocation n’est pas universelle et permanente. Ce qui varie d’une version du structurationnisme à l’autre, c’est la nature de ce niveau intermédiaire. L’habitus de Pierre Bourdieu est une façon de le conceptualiser : l’ensemble des pratiques dans lesquelles les gens évoluent, et qu’ils acquièrent, structure leurs comportements et leurs aspirations (Bourdieu, 1980).
74 Le structurationnisme qui voit le jour au même moment dans le monde anglo-saxon est différent (Thrift, 1983 ; Pred, 1983 ; Giddens, 1984), l’instance qui conditionne les hommes et les inscrit dans des structures, c’est le cadre régional dans lequel ils vivent. La géographie du temps de Torsten Hägerstrand permet de l’appréhender d’une manière originale et souligne le rôle des réalités d’échelle régionale.
75 L’école de la régulation et les approches structurationnistes ont en commun de combiner une métathéorie, qui permet de sauvegarder l’essentiel des enseignements marxistes, et des méso-théories, qui rendent compte des situations normales et des évolutions au jour le jour. La métathéorie n’intervient que pour expliquer les crises, les changements importants et les mouvements de restructuration.
6 Changements d’échelle : le global et le local
76 Depuis trente ans, la rapidité des déplacements et les moyens nouveaux de télécommunication sont responsables de la globalisation, avec ce qu’elle entraîne : l’érosion du rôle des États, la signification de plus en plus limitée du cadre national dans la vie économique, une compétition accrue, la puissance toujours plus affirmée des entreprises multinationales ou plurinationales — mais aussi des organisations non gouvernementales ; le recours systématique aux délocalisations d’activités à la recherche de législations moins contraignantes et de main-d’œuvre meilleur marché ; l’accélération des migrations internationales ; des flux touristiques de plus en plus importants, etc.
77 Dans cet univers de la mobilité, les conditions locales pèsent considérablement : faute de pouvoir s’accrocher aux États ou aux régions en perte de vitesse, c’est à des lieux précis et aux structures particulières qui les caractérisent, que certaines activités doivent de rester stables ou de prospérer.
6.1 Globalisation et métropolisation
78 La décolonisation a fait de l’Etat-nation la forme universelle d’organisation politique. Tous les pays ont fait un effort de promotion de l’enseignement. Les connaissances et les habitudes propagées par l’école se sont partout répandues. Toutes les civilisations se sont de la sorte glissées dans une même moule. Cette transformation a facilité la diffusion des mêmes habitudes de consommation et des mêmes attentes. Elle a provoqué, en retour, de violentes réactions de rejet, comme le montre l’essor des fondamentalismes.
79 La globalisation tient évidemment aussi à la transformation des transports de masse. Grâce à eux, il est possible de disposer partout de formes d’énergie concentrée à des prix accessibles. Le conteneur assure de son côté la distribution à des prix relativement modiques des produits fabriqués (Claval, 2003).
80 Deux autres séries de mutations techniques sont responsables des formes prises par la mondialisation : la révolution des transports rapides et celle des télécommunications. Elles ont en commun de s’appuyer sur des réseaux dont la structure a changé : pour assurer la ventilation des personnes ou des messages vers leur destination, il n’est plus nécessaire de disposer de toute une série de pôles hiérarchisés. L’évolution urbaine des trente dernières années en porte la marque.
81 Les structures régionales solidement hiérarchisées ont vécu. L’automobile prive les niveaux inférieurs de la hiérarchie des lieux centraux de leur rôle traditionnel. Pour les relations rapides ou les échanges d’information à longue distance, on saute directement jusqu’aux grands commutateurs centraux régionaux et aux hubs aériens qui y sont aussi installés. De là, les relations s’établissent directement vers d’autres centres équivalents sans nécessiter le transit par l’échelon national.
82 L’écart entre les conditions de vie des zones rurales et des zones urbaines se réduit et facilite une suburbanisation ou une rurbanisation assez lâches. C’est la contre-urbanisation.
83 Le terme de métropolisation a été introduit en 1987 (Claval, 1987 ; Lacour, Puissant, 1999). Au sens le plus fort, il caractérise les villes qui disposent, grâce aux nouveaux moyens de transport rapide et de télécommunications, de conditions qui étaient jusque-là l’apanage des régions centrales des espaces économiques, celles où s’accumulaient économies externes et économies d’échelle. Un pays comme les États-Unis a cessé d’être propulsé par le moteur ultra-puissant que constituait l’Industrial Belt. Il l’est aujourd’hui par une vingtaine de grandes agglomérations qui sont assez bien équipées pour fixer les sièges de puissantes entreprises dont le rayonnement est souvent international.
84 La révolution des transports rapides et des télécommunications a interrompu le processus d’accumulation des activités dans les régions centrales des espaces économiques ; lorsqu’il s’agit d’organiser des flux économiques à longue distance, les contacts prennent généralement place dans les grandes métropoles.
6.2 L’économie de proximité
85 L’organisation régionale de l’Angleterre du XIXe siècle était celle d’un pays industriel voué au libre échange : les industries n’y étaient pas spécialement tournées vers le marché intérieur, ce qui explique qu’il n’y ait pas eu, jusqu’aux lendemains de la Première Guerre mondiale, accumulation des activités dans une aire centrale.
86 Dans une telle configuration, tous les bassins houillers proches du littoral auraient dû convenir aussi bien aux activités productives. Or la spécialisation de chacun d’eux dans une activité, ou un très petit nombre d’activités, ne cesse de s’accentuer au long du XIXe siècle. Elle frappe Alfred Marshall, qui l’explique par le jeu des économies externes.
87 Durant trois-quarts de siècles, l’étude de ces complexes régionaux de forces productives n’attire guère que les géographes (Gibert, 1930 ; Perrin, 1937 ; Houssel, 1978). Dans les années 1980, la primauté revient aux économistes (Becattini, 1987 ; Porter, 1990). Les géographes exploitent rapidement leurs conclusions.
88 Ce que l’on découvre en analysant les petits complexes industriels de la Troisième Italie, c’est un tissu de petites et de moyennes entreprises spécialisées dans la même branche ou dans des branches voisines. Elles sont concurrentes, mais complémentaires. Lorsque l’une reçoit une grosse commande, elle sous-traite avec les autres. Toutes puisent dans le même pool de compétences. À la proximité physique (proximité géographique) s’ajoute la proximité dans les réseaux (proximité de seconde nature) dont l’analyse est au cœur de l’économie de proximité promue par Pecqueur et Zimmermann (Pecqueur, Zimmermann, 2004). La théorie de la commutation offre une autre formulation à ces résultats (Guillaume, 1997 ; Crague, 2004).
89 La géographie économique sort vivifiée de ces divers nouveaux courants (Benko, 1996 ; Benko, Lipietz, 1992, 2000 ; Geneau de Lamarlière, Staszak, 2000 ; Boschma, Kloosterman, 2005 ; Combes, Meyer, Thisse, 2006).
6.3 Espace et connaissances
90 Ce qu’ont en commun les réseaux qui s’articulent autour des métropoles modernes, et ceux qui sont focalisés sur les districts industriels, c’est le rôle que tient, comme facteur de localisation, la géographie de la connaissance. Sur ce point, il faut bien s’entendre, et distinguer des niveaux :
91 (i) Jusqu’au milieu du XXe siècle, bon nombre d’activités mettaient en œuvre des techniques imparfaitement maîtrisées du point de vue scientifique. Elles ne pouvaient s’acquérir qu’au prix d’un apprentissage souvent long. C’est parce que l’Europe, l’Amérique du Nord et le Japon disposaient du monopole du travail industriel de ce type que la révolution industrielle cessa d’essaimer hors de ses foyers initiaux (les pays de peuplement blanc et le Japon) de la Première Guerre mondiale aux années 1950.
92 La mutation que connaît alors le monde industriel est liée à la base de plus en plus scientifique des fabrications. Pour faire tourner les nouvelles usines, il suffit de disposer de gens issus d’un système scolaire moderne : celui-ci leur a inculqué une certaine discipline du travail ; il leur permet de suivre des instructions écrites ou de surveiller la marche d’une machine sur un écran.
93 La globalisation a ainsi été facilitée par la banalisation des savoirs exigés de la plupart des ouvriers et des employés des industries modernes.
94 (ii) Le second type de connaissances est très différent : il s’agit de l’ensemble des tours de main, des attitudes, des savoir-faire que l’on acquiert en pratiquant un métier surtout là où il est exercé avec le plus d’exigences.
95 À ce type de savoirs appartiennent d’abord les qualifications des cadres supérieurs dans le domaine technique ou dans le management. Il ne suffit pas de sortir d’une école de commerce pour bien diriger un service des ventes : il faut connaître les habitudes de la clientèle, savoir comment aborder les intermédiaires, approcher les étrangers sans les blesser, etc.
96 Ce sont aussi des savoir-faire techniques spécialisés qui font la force des districts industriels. L’aptitude à bien gérer se cultive surtout dans les grandes métropoles, celles en particulier où les multinationales les plus puissantes se rencontrent et se confrontent, les villes globales, pour employer l’expression de Saskia Sassen (1990).
97 (iii) Le troisième niveau enfin de l’économie des connaissances concerne les conditions de l’innovation. Ce qui compte ici, ce ne sont plus les milieux professionnels et leur expérience, mais les laboratoires de recherche, leur aptitude à collaborer avec des entreprises lorsqu’ils sont publics, ou la manière de les gérer sans décourager les initiatives, lorsqu’ils appartiennent à l’entreprise. Dans ce domaine, il convient de se montrer très attentif aux exigences des chercheurs et à la qualité de vie qu’ils s’attendent à trouver lorsqu’ils sortent de leurs bureaux.
Conclusion
98 Jusqu’aux années 1930, l’espace qu’invoquait la pensée économique était essentiellement matériel — géographique, au sens de François Perroux : c’était celui de la répartition des ressources naturelles et des hommes, et celui des difficultés de transport.
99 La macroéconomie s’attache alors aux flux qui sont indispensables à la production, à l’échange et à la distribution des biens. L’espace dont s’occupent les économistes est désormais fait de réseaux. Ceux-ci ne pourraient pas fonctionner sans échanges d’informations.
100 L’après-guerre s’emploie à tirer parti des intuitions des années 1930. L’étude du développement et ses ratées multiplie les échelles d’analyse : de la ville et de la région à la nation, aux grands espaces et à la scène mondiale. La prise en compte du progrès technique devient effective à partir du moment où le jeu des économies d’échelle et des économies externes est pris en compte par l’analyse spatiale. Les coûts de commutation expliquent la nature des villes et la polarisation. Il faut attendre les années 1980 pour que Paul Krugman formalise l’ensemble de ces résultats.
101 Au cours des trente dernières années, l’attention s’est focalisée sur les effets de la globalisation : dans un espace culturel que la scolarisation généralisée a standardisé, les possibilités nouvelles qu’offrent les transports rapides et les télécommunications ont bouleversé la structure des réseaux économiques. Cela s’est traduit par la poussée simultanée de la contre-urbanisation et de la métropolisation et par la perte progressive des avantages que les aires centrales avaient jusqu’alors cumulés.
102 Dans le même temps que les circuits dans lesquels s’insère la vie économique ne cessaient de s’élargir, et que les espaces nationaux perdaient, en ce domaine, une partie de leurs fonctions traditionnelles, le poids des lieux est devenu plus évident dans certains domaines. Les économistes étaient déjà sensibles à la spécificité des aires industrielles à l’époque d’Alfred Marshall. Les travaux sur « la poussée régionale », pour reprendre l’expression d’Alan Scott, se sont multipliés depuis une génération (Scott, 2004). Ils montrent combien la genèse des savoirs indispensables à l’économie moderne, et qui s’élaborent grâce à des relations de proximité, pèsent sur l’économie globale.
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Mots-clés éditeurs : Espace, polarisation, économie spatiale, microéconomie, économie classique, lieux centraux, économie, macroéconomie, marginalisme
Date de mise en ligne : 01/01/2010.
https://doi.org/10.3917/ag.664.0003