Couverture de AG_650

Article de revue

« La rue » dans la ville africaine (Yaoundé, Cameroun et Antananarivo, Madagascar)

Pages 339 à 360

Notes

  • [1]
    Antananarivo et Yaoundé ont constitué nos terrains de recherche dans le cadre d’une thèse de doctorat : Morelle M. (décembre 2004), « La rue des enfants, les enfants des rues. L’exemple de Yaoundé (Cameroun) et d’Antananarivo (Madagascar). », Université Paris I Panthéon Sorbonne, 496 p.
  • [2]
    Voir J. Dresch (1950) « la ville africaine, création de Blancs peuplée de Noirs », cité par X. Durang, 2003, op. cit., p. 12.
  • [3]
    Lefebvre H. (1961), « Ce qui se cache, elle l’arrache à l’obscurité. Elle le rend public. Lui ôtant son caractère privé, elle le traîne sur la scène d’un théâtre spontané, où d’ailleurs les acteurs ne jouent qu’une pièce informe. La rue publie ce qui se passe ailleurs, dans le secret. » Critique de la vie quotidienne, tome 2, L’Arche éditeur, 1961, p. 310, cité par Joseph I. (1998), La ville sans qualités, Paris, L’Aube, p. 52.
  • [4]
    À Yaoundé, les enfants parlent de leurs espaces en terme de secteurs. Nous conservons cette dénomination qui implique une perte de neutralité de l’espace public occupé sans conclure trop rapidement à l’existence de territoires. Nous l’appliquons également à la situation tananarivienne.
  • [5]
    À Yaoundé, il n’existe pas de filles qui vivent en permanence dans la rue.
  • [6]
    Au Cameroun, « le taux de séroprévalence au VIH/sida dans la population des 15-49 ans est passé de 0,5 % en 1987 à 7,2 % en 1999 puis 11 % en 2000 », in F. Eboko, 2002, p. 227. Selon les statistiques d’ONUSIDA, 5,5 % des adultes de 15 à 49 ans vivent avec le VIH/SIDA fin 2005.
  • [7]
    Voir la mob justice à Nairobi (Kenya) sur les jeunes de la rue (entre autres cibles), D. Rodriguez-Torres (2003).
  • [8]
    « Le voleur aura beau supplier et demander pitié, il sera rapidement lapidé. Parfois même, on l’arrosera d’essence et on le brûlera vif. Des scènes atroces, mais malheureusement fréquentes aujourd’hui, surtout dans la capitale. Dans le meilleur cas, il sera estropié à vie avec les mains coupées ou les yeux crevés. », Revue de l’Océan Indien, Madagascar, n° 144, juillet 1995, « Peur sur la ville », pp. 32-34.
  • [9]
    Au Cameroun, le langage populaire parle de « manger » quand un fonctionnaire détourne des fonds ou incite à la corruption pour obtenir de l’argent.
  • [10]
    « Ce qui avait sous-tendu » jusque-là cette pratique des supplices, ce n’était pas une économie de l’exemple, au sens où on l’entendra à l’époque des idéologues (que la représentation de la peine l’emporte sur l’intérêt du crime), mais une politique de l’effroi : rendre sensible à tous, sur le corps du criminel, la présence déchaînée du souverain. Le supplice ne rétablissait pas la justice ; il réactivait le pouvoir. », in Foucault M. (1975), Surveiller et punir, Paris, Gallimard, p. 60.

Introduction

1 Les enfants des rues vivent en permanence dans la rue, devenue leur source de revenus et leur principal lieu de sociabilité (Y. Marguerat, D. Poitou, 1994 ; D. Rodriquez Torres, 2003 ; F. de Boeck, 2000). L’entrée géographique va permettre de toucher à leur univers par le biais de ce qui les définit immédiatement : la rue, élément urbain primordial, espace de circulation et de sociabilité ; à replacer à la plus petite échelle de la ville.

2 La rue, espace public, se transforme en espace de vie d’une minorité. Les enfants quittent leur domicile, leur village, leur quartier. Les violences familiales, plus ou moins directement liées à la dégradation des conditions de vie, les poussent à fuguer. Les enfants vivent et survivent alors dans un espace public devenu scène où ils dévoilent, malgré eux, leur intimité.

3 À Antananarivo  [1], capitale de Madagascar, l’espace urbain est fortement hiérarchisé. La Ville-haute s’oppose à la plaine (carte 1). Le relief confère un effet de naturalité à un ordre social vieux de plusieurs siècles. La Ville-haute est le noyau originel d’Antananarivo. La plaine avait vocation à la nourrir avant d’être progressivement rattachée à la ville et d’être urbanisée, souvent de manière anarchique. La première abrite les Tananariviens de vieille souche urbaine, souvent les Andriana et les Hova, nobles et hommes libres. La plaine constitue l’espace d’accueil principal des populations descendantes d’esclaves, les Mainty (C. Fournet-Guerin, 2002). Tout écart à cette règle des positions est vécu comme une attaque à une représentation urbaine de ville-refuge et de ville-repère. Ainsi, traversant des espaces publics envahis par des dizaines de petits commerces informels, dans un contexte de crise socio-économique, les habitants ont peur et polarisent leurs discours sur les enfants « pickpockets » qu’ils croisent chaque jour. Grossissant leur nombre et exagérant la menace, ils les font devenir les symboles de la dégradation de leur ville.

4 Yaoundé, capitale du Cameroun (carte 2), est une ville d’origine coloniale. À sa création, la tentation fut grande de séparer une « ville blanche », réservée aux colonisateurs, d’une « ville noire ». Mais Yaoundé est une ville « africaine »  [2], faiblement marquée par la ségrégation socio-spatiale. Au fil des années, la capitale s’est construite et s’est étendue, notamment avec l’arrivée des migrants. La ville représente l’espace des possibles : violence, pauvreté, dur labeur et parfois accession à la propriété. Chacun « se cherche » et peut y tenter sa chance, qu’il vienne de la campagne ou non, et quelles que soient ses origines sociales. L’espace urbain paraît alors un espace sans frontières sociales et géographiques définitives. Avec la crise économique des années quatre-vingt, les espaces publics sont devenus des espaces de survie pour bien des habitants, tels les vendeurs « informels » déambulant sur les routes et occupant les trottoirs. Dans cette perspective historique d’une ville faiblement ségrégée et toujours à construire, la place des enfants des rues dans la capitale heurte moins les habitants de Yaoundé que les Tananariviens dans leur propre ville. Lors de nos entretiens dans la capitale camerounaise, certains habitants ont même estimé que le phénomène des enfants des rues était concomitant à la naissance de Yaoundé. Il n’en est, bien sûr, pas moins dénoncé.

Carte 1

Les secteurs des enfants des rues à Antananarivo. Street children sectors in Antananarivo.

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Canal Voie ferrée
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Colline Route circulaire
Parc Marché fréquenté
par les enfants
Décharge Gare routière vers Tanjombato
d’Andralanitra N
Gare ferroviaire
ANALAKELY Secteur des enfants 0 500 m
47° 32’

Les secteurs des enfants des rues à Antananarivo. Street children sectors in Antananarivo.




À partir du fonds de carte de F. Bonnaud. Thèse Vivre à Tanananrive, 2002, C. Guerin FournetLCA-IRD. M. Morelle, 2004
Carte 2

Les secteurs des enfants des rues à Yaoundé. Street children sectors in Yaounde.

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Courbe de niveau vers Bafoussam
Rivière Présidence vers Soa
Voie ferrée
ETOUDI
Route nationale
Limite de quartier
ETOUDI Nom de secteur
Marché
Gare routière
Gare ferroviaire N
0 2 km
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vers Douala

Les secteurs des enfants des rues à Yaoundé. Street children sectors in Yaounde.




Atlas régional du Sud Cameroun, 1995LCA - IRD. M. Morelle, 2004

5 Néanmoins, nous cherchons à savoir dans quelle mesure les enfants possèdent la capacité à faire de l’espace public autre chose qu’un espace théoriquement neutre, espace de rencontre comme d’évitement. Nous nous demandons s’il est légitime de parler d’une simple occupation de la rue, d’appropriation ou si nous pouvons conclure à la privatisation d’espaces publics et à la construction de territoires de rue. Nous proposons de mesurer l’emprise des enfants sur les espaces publics, réelle ou fantasmée, faible ou profonde. Nous analysons la possibilité d’habiter la rue et « d’être » par la rue. Nous interrogeons la capacité de ces enfants à habiter sans habitat (H. Lefebvre, 1972) et à se construire dans la rue sans construire.

6 Nous allons également étudier leur territorialité sous l’angle de la géographie du pouvoir (C. Raffestin, 1980). En effet, les enfants fournissent un effort constant pour conserver un accès à des espaces à fort potentiel (pour dormir, gagner de l’argent et pour s’amuser). Ici, le territoire est considéré dans sa dimension politique. Il nous permet de nous interroger sur la dualité espace public - espace privé en Afrique subsaharienne. La ville devait être l’espace d’interaction et de composition avec l’Autre. Or, le pouvoir comme les habitants nient aux enfants la capacité d’organiser la ville à leur manière et d’y déployer des pratiques spécifiques, en bref, de participer à la vie urbaine. Les habitants ne leur reconnaissent pas un « droit à la ville » qui leur soit propre (à juste titre ou non). Ils les rejettent en priorité des quartiers, lieux fondamentaux dans le processus d’ancrage à la ville. À leur tour, les autorités entrent en jeu pour chasser les enfants des espaces publics. La question est de savoir si elles défendent la neutralité des espaces qu’elle souhaitent conserver « publics » ou si elles mettent en scène leur pouvoir sur la ville. Enfin, l’action des ONG sur la production de l’espace urbain ne saurait être ignorée.

1 L’espace public comme scène

7 Comment accomplir les gestes les plus intimes du quotidien dans des espaces publics, devenus espaces de vie ?

8 Aucun acte du ressort de l’intime n’échappe à la publicité intrinsèque à l’espace public  [3]. Aucun enfant ne peut défendre en permanence un espace délimité, réservé à son sommeil, à sa toilette, à ses relations sexuelles. Aucun secteur  [4] ne peut se prévaloir d’opposer collectivement aux passants une relative opacité. Pas un n’est clairement matérialisé au sein de l’espace public.

9 Les enfants possèdent avant tout et en dernier ressort leur corps, devenu leur unique patrimoine. Malgré eux, ils l’exposent aux plaisirs et à la souffrance dans l’espace public, resserrant tant qu’ils peuvent leur intimité autour de leur être. Leur corps devient le centre à partir duquel ils composent leurs espaces.

1.1 L’impossible matérialité de la rue

10 De jour comme de nuit, les enfants des rues sont exposés. Ils sont visibles au coucher du soleil, quand ils se rassemblent pour veiller et pour dormir. Les espaces dédiés au sommeil restent néanmoins discrets et se résument souvent à un simple carton, glissé dans un coin. Les secteurs sont faiblement matérialisés dans la rue. C’est à peine si leur existence peut être vérifiée. Peu d’éléments concrets marquent la réalité de ces espaces de la rue. Parfois, au mieux, un terrain en friche peut abriter quelques « maisons » en cartons et en sacs plastiques que la municipalité finira par détruire, par souci de communication ou simplement parce qu’une construction est finalement prévue sur l’espace en question.

11 De la joie à la peur, de l’excitation aux blessures, la nuit porte en elle tout le paradoxe dont « la rue » est porteuse. Ces heures noires représentent une occasion pour les enfants de gagner de l’argent (garder les voitures devant un cinéma ou une boîte de nuit, faire office de rabatteur vers une prostituée, mendier et voler en ciblant les personnes saoules). Elles constituent aussi un temps idéal pour se divertir : les plus grands dansent dans les boîtes de nuit, les petits regardent le spectacle de l’extérieur.

12 Mais dans les faits, le froid d’Antananarivo (située à plus de 1 000 mètres d’altitude) et les pluies de Yaoundé empêchent les enfants de dormir. Aucun abri ne peut protéger les enfants des coups de poing des grands de la rue et du fouet des forces de l’ordre. C’est pourquoi, la nuit, ils préfèrent souvent déambuler, se cachant au moindre danger et trompant leur peur et leur solitude dans « l’ambiance » nocturne, quand musique, sexe et alcool changent le visage des capitales. Les enfants préfèrent dormir sous la lumière des néons des magasins du centre-ville que de s’abandonner à la pénombre inquiétante de la nuit. Ainsi, les enfants ne sont pas libres dans la rue. Libérés de contraintes communautaires, rescapés des violences familiales, ils s’étourdissent au cœur de l’agitation urbaine. En même temps, ils subissent leur individualisation soudaine, brutalement acquise.

13 Cette absence de réel espace privé dans l’univers de la rue doit être contextualisé. En effet, la définition des espaces privés et publics varie d’un continent à l’autre. L’intimité ne revêt pas la même valeur en Afrique sub-saharienne. Les obligations communautaires vont à l’encontre de la notion d’intimité ou de privacy telle qu’elle a pu être définie dans nos sociétés occidentales. Nombreuses sont les activités se déroulant dans des cours communes ou à même les routes des quartiers résidentiels. Ainsi, entre des espaces privés parfois dévolus à plusieurs personnes et l’espace public, comme espace neutre et ouvert, non appropriable dans le long terme, existent des espaces intermédiaires dévolus à une communauté restreinte d’individus dont la publicité des actes est un fait acquis. Les débordements sur la rue dans les quartiers résidentiels sont nombreux. Il peut s’agir d’occupations très peu matérialisées ou au contraire, dont l’existence est concrétisée par l’édification de petites boutiques ou d’abris. Cela peut également être le cas d’occupations permanentes, régulières (ventes de vivres) ou éphémères (cérémonies de deuil). L’ensemble de ces activités contribue à faire de ces rues des espaces semi-publics (ou semi-privés) et à y développer une sociabilité forte.

14 En outre, il existe des lieux dévolus à la famille aussi élargie soit-elle à l’intérieur des habitations, des espaces cachés pour la toilette, des espaces aménagés pour le sommeil… des espaces où chacun se met en recul des relations sociales, quelle que puisse être la multifonctionnalité des pièces au fil d’une même journée. Si ces espaces subissent l’entassement, ils ne permettent pas moins une dialectique dedans-dehors, préservant un tant soit peu la vie de chaque personne, son corps et son être, loin de l’image publique.

15 Ces espaces-là sont inexistants dans la rue. Il n’y a pas un bâti solide où s’abriter, se cacher et ranger ses affaires. Dormir dans la rue, c’est dormir dehors sans que les limites (idéelles plus que matérielles) des secteurs ne prétendent jouer un rôle protecteur.

1.2 L’intimité en public

16 La question de l’hygiène interroge davantage cette mise en scène du corps. La « débrouille » consiste à se laver moins (dans le cas du recours aux bornes-fontaines, payantes à Yaoundé) ou dans des eaux très sales mais gratuites (caniveaux et rivières dans les deux villes). Des ONG ont construit des centres d’écoute de jour équipés de douches. Cela a permis aux enfants d’être plus propres. Mais certains enfants ne s’y rendent jamais et les difficultés pour se laver persistent le week-end, lorsque les foyers sont fermés. Parfois, certains improvisent une « salle de bains » à même la rue, se cachant derrière un vieux morceau de tôle et utilisant l’eau d’un vieux seau puisée on ne sait trop où.

17 La sexualité et l’amour dans la rue posent aussi question. Les enfants ont des relations sexuelles très précoces, parfois entre eux (désirées ou forcées), souvent avec des prostituées (éventuellement filles des rues à Antananarivo  [5]). Leurs secteurs se trouvent à proximité des hauts lieux de la prostitution, à proximité des gares et au centre de la ville. À l’aube, des préservatifs jonchent le sol. Un vieux carton traîne, fragile protection de rapports où se mêlent brutalité et plaisir.

18 La violence quotidiennement subie aboutit au déni du corps, révélé par celui de la maladie. Les enfants souffrent très souvent d’infections sexuellement transmissibles. Si quelques-unes sont facilement décelées et soignées, le VIH/SIDA nécessite un test que les enfants ne passent pas, refusant parfois même l’existence du virus. À Yaoundé, où la progression de la maladie est très forte  [6], les enfants se nomment les « S’en Fout », sous-entendu les « s’en fout la mort ». Au moindre signe de fatigue (grippe, paludisme), en définitive, ils se contentent d’acheter des comprimés aux vendeurs de rue (comme une majorité des habitants, à Yaoundé tout au moins), pratique dangereuse, parfois mortelle.

19 Leur entreprise d’autodestruction s’accélère avec l’âge. Les grands multiplient les braquages. Ils se heurtent à la vindicte populaire, aux armes des policiers et des militaires. Ils risquent plusieurs années d’emprisonnement.

20 Pour se donner du courage, les enfants des rues consomment toutes sortes de substances illicites. La drogue crée l’illusion d’une barrière entre le reste du monde et soi-même. Les enfants disent soudain flotter, revoir leurs parents en rêve, ne plus rien ressentir : ni le froid, ni la faim. « Ils marchent à l’envers ». À Yaoundé, les petits inhalent de la colle ou avalent des anxiolytiques, à défaut de pouvoir s’acheter du cannabis dont le prix, plus élevé, en fait la drogue de prédilection des grands. Tous multiplient les cachettes au sein de l’espace urbain pour s’adonner à ce qui va les détruire. À Antananarivo, les rizières urbaines sont leur lieu de prédilection. À Yaoundé, tout terrain en friches le long d’une voie ferrée ou d’une rivière constituera un texas idéal. La drogue impulse une géographie cachée de la ville, une relecture de l’espace urbain, issue de nouvelles pratiques, créatrices de toponymes (texas, bunker pour une maison abandonnée où se droguer). Ainsi, dans l’urgence à survivre, d’autres espaces se créent, envers de la scène né de la « débrouille » et du « bricolage ». Les enfants apprennent à occuper les interstices urbains, les espaces abandonnés, « en creux ».

1.3 Habiter la rue ?

21 Être dépourvu de tout espace privé, c’est être sans emprise sur le sol urbain. Le rêve de bien des habitants des villes est d’y faire construire un logement afin de passer du statut précaire de locataire à celui de propriétaire, tel les Loméens et leur « chez » (E. Le Bris, A. Osmont, A. Marie, A. Sinou : 1987, p. 21) et, très nettement, les gens de Yaoundé (A. Bopda, 2003, p. 240 et X. Durang, 2003, p. 440). L’enracinement urbain est fortement matérialisé. De simple usager de la ville, on accède au statut de citadin. Être propriétaire est vécu dans beaucoup de villes comme l’aboutissement d’un processus de citadinisation, une preuve intangible de son accession au sol urbain et surtout à la ville. Ici, il est question d’habiter plus que d’acquérir un simple habitat.

22 Posséder (pas dans le seul sens juridique) un espace privé permettrait de revendiquer une place dans l’espace public, en se définissant par sa position dans l’espace, au sein de la société (H. Arendt, 1981, p. 104 et p. 113). Les enfants occupent une place à la marge de la société urbaine. Comment se définir en ville sans aucun statut, sauf celui dévolu par la rue ? S’approprier un espace public, c’est être dans l’éphémère, à la merci des rafles de la police et de la municipalité. C’est vivre dans l’illégalité et s’épuiser à contourner les règles. En perdant leur premier habitat en ville, les enfants natifs de Yaoundé et d’Antananarivo ont perdu la dimension sociale de l’habiter, ce qui les reliait à la société urbaine, sans parvenir à ce que la rue ne produise sa propre société.

23 D’une certaine manière, être propriétaire à Antananarivo s’avère tellement difficile que les enfants des rues paraissent moins en rupture avec une majorité des habitants de la capitale. Il y est beaucoup plus délicat de rêver d’une chambre et d’une villa. De nombreux enfants sont issus de petites cabanes de tôles et de bois des bas-quartiers de la plaine dont la présence n’est guère appréciée des Tananariviens de vieille souche urbaine, « accrochés » au mythe de la Ville-haute.

24 Mais alors que les habitants des quartiers d’habitat spontané, le plus souvent illégaux, incarnent un type d’habitat devenu majoritaire et tentent par conséquent et par leur nombre, de se faire accepter dans l’espace urbain en mimant les plans d’urbanisme officiels, les enfants des rues ne sont qu’une poignée, insuffisante pour faire légitimer leur occupation de la rue. Les deux capitales abritent environ un million et demi d’habitants en 2003. Or, à Antananarivo, les enfants ne sont pas plus d’un millier, le nombre changeant d’une évaluation à une autre (en général commandée par diverses ONG) mais dépassant rarement le plafond des mille. À Yaoundé, les statistiques sur cette population fuyante et flottante s’avèrent également peu fiables. En 2004, ils étaient cinq cent à avoir déposé des affaires à la gare ferroviaire, dans un centre d’écoute central et très fréquenté. Par conséquent, nous pouvons conclure qu’ils ne doivent guère être plus d’un millier dans la capitale camerounaise.

25 L’espace de vie des enfants tient de l’empirisme, découlant du contexte, du moment de la journée et des nécessités liées au climat. Il n’est pas le fruit de mise en mouvement d’associations (d’originaires, de quartiers), moins encore d’une organisation familiale, où chacun accueille le nouvel arrivant avant de le lancer sur le chemin de l’accès à la propriété et au statut de citadin. Pour tout dire, le passage et le maintien à la rue naissent du délitement des liens communautaires et familiaux. De la même manière, l’entrée ethnique n’éclaire par l’organisation de « la rue », univers où chacun joue sur plusieurs registres d’identité par tactique et non par stratégie. L’ethnie n’aide pas à la constitution des secteurs, pas plus que l’origine géographique. Seule la force et l’expérience permettent aux enfants de vivre dans un secteur et de s’y imposer. Les nouveaux arrivants, souvent les plus petits, subissent le racket (non structuré) des plus grands jusqu’à ce qu’ils apprennent à se défendre. À défaut, ils fuient et partent à la recherche d’un autre secteur dans l’espoir (vain) d’y être mieux accueilli.

26 Ainsi, la majorité des enfants des rues choisissent les espaces les moins appropriés, les moins traversés par les habitants : les rues du centre-ville. L’anonymat y est de mise. Les enfants n’interfèrent pas dans les espaces des habitants, privés, semi-privés ou communautaires.

27 En outre, les processus de territorialisation comptent davantage pour les enfants que la forme spatiale qui pourrait en découler. Les enfants ne se définissent pas en ville en fonction d’un territoire précis et circonscrit. Ils s’alignent davantage sur les potentiels de l’espace urbain en épousant ses rythmes : quotidiens et hebdomadaires, le jour et la nuit. Leurs territoires sont à considérer sous le biais de formes temporelles plus que spatiales. Les enfants s’attachent à « la rue » (à distinguer donc, néanmoins, de l’espace public) dans sa globalité. Leur logique est celle du défilement et non de l’enracinement.

28 Le patrimoine des enfants, c’est avant tout leur corps. Ils tentent de le nourrir, de le soigner et de le protéger bien plus qu’ils ne le font pour des secteurs forcément changeants et adaptables suivant les intérêts et les dangers potentiels (et encore…). Mais les enfants peinent à créer un semblant d’intimité sur la scène où se déroule leur vie : la rue.

29 La place qui leur est accordée trace les contours d’une définition de la citadinité par la négative, énonçant qui ne peut pas ou qui ne doit pas être de la ville. Ainsi, dans un second temps, nous proposons d’analyser le rapport des habitants aux enfants, dans les espaces publics centraux et dans les quartiers. Les premiers devraient être ceux qui permettent l’échange et la sociabilité. Les secondes sont le point d’ancrage majeur des citadins.

2 Les rues des enfants, les quartiers des habitants

30 L’espace public se définit par son caractère d’accessibilité. S’il est remis en cause, il devient difficile de le qualifier de public. En dépit de la faible territorialisation de la rue par les enfants, leur présence incite les passants à s’adapter et à mettre en place des stratégies d’évitement, notamment dans le centre-ville. Les possibilités d’échange social et la pluri-fonctionnalité des espaces publics disparaissent-elles alors ?

31 L’espace public paraît davantage l’espace de tensions que celui de conflits, tenant davantage à des appropriations divergentes qu’à des privatisations antinomiques.

32 Néanmoins, les négociations se substituent à la rencontre. La société perd le sentiment de confiance et de sécurité. Le constat est flagrant à Yaoundé à laquelle les lignes suivantes se réfèrent tout particulièrement. La géographie de la rue mène à une géographie de la peur. Très souvent, les espaces réputés dangereux chez les habitants recoupent en partie ceux où vivent les enfants des rues. Ces derniers ne sont pas les seuls en cause dans ces représentations. Néanmoins, leur existence contribue à la carte de l’insécurité urbaine et du sentiment d’insécurité, particulièrement fort à Yaoundé où les braquages se multiplient de manière cyclique jusque dans les transports collectifs. En effet, de nombreux enfants de la rue n’hésitent pas à « arracher » un téléphone portable de l’oreille d’un piéton en pleine rue, avant de s’enfuir en empruntant les venelles d’un sous-quartier. Discrètement, d’autres « soutirent » un porte-monnaie ou des pièces d’identité de la poche d’un passant. Enfin, lorsqu’ils sont drogués, leur allure peut être un peu effrayante.

2.1 Le centre-ville, espace des frottements

33 À Antananarivo, beaucoup d’enfants passent aux yeux des habitants pour n’être que des mendiants. À défaut, « les enfants malgaches sont des voleurs ». À Yaoundé, dans les réponses des habitants, la délinquance l’emporte largement sur la mendicité. Dans les deux cas, les petits travaux effectués par les enfants sont négligés. Seules les activités les plus répréhensibles sont mises en avant. Ce sont aussi celles qui menacent le plus les usagers des espaces publics.

34 Ils sont nombreux à estimer que la présence des enfants a influencé leurs pratiques. Certains flattent les enfants par la parole et avec quelques pièces, pour passer tranquillement ou pour tenir un petit commerce à même la rue sans désagrément. Ceux qui veulent garer leur voiture devant les cinémas de Yaoundé et d’Antananarivo ressentent la même inquiétude et s’obligent à laisser un peu de monnaie pour retrouver leur véhicule intact.

35 Cependant, d’autres habitants veulent à tout prix éviter les contacts avec les enfants. Ils refusent de les embaucher pour de petits jobs : nettoyer les bars, porter des marchandises. Ils les insultent parfois, les repoussent et les chassent. L’emprise spatiale des enfants dans le centre-ville et, plus largement, dans la ville est donc très relative. Le rapport d’opposition n’est pas certain. Lorsque les enfants recourent au vol, ils ne s’imposent pas dans un espace. Leur geste ne correspond qu’à une tactique de survie sans visée territoriale.

36 Si le centre-ville demeure un espace de frottement et « d’encombrement », le quartier peut se transformer en un espace d’affrontement.

2.2 Le quartier : espace des affrontements

37 Les enfants des rues restent souvent cantonnés aux rues du centre-ville (Analakely à Antananarivo et le quartier du Centre Commercial à Yaoundé). Nous l’avons suggéré, ils travaillent et dorment devant les cinémas et les boites de nuit où ils gardent les voitures des clients. Ils improvisent des « laveries » de voitures. À Yaoundé, une quarantaine d’entre eux vivent à proximité d’une boulangerie très réputée dont ils se nourrissent des poubelles. Les marchés, centraux et périphériques, constituent également des pôles majeurs. Les enfants y portent les sacs des ménagères, aident les commerçants à installer ou à ranger leurs étals. La nuit, ils peuvent dormir sous les grandes halles.

38 Ils se réfugient également dans les gares (routières et ferroviaires). Espaces de passage, elles permettent aux enfants de se fondre dans la foule, de trouver toutes sortes de petits travaux à effectuer, tel porter les bagages. Surtout, la majorité des habitants ne font que les traverser. Les gares sont les portes d’entrée et de sortie de la ville, la présence de l’étranger n’y est pas stigmatisée.

39 Par contre, les habitants sont très méfiants face à la moindre incursion des enfants à l’intérieur de leur quartier. Il est vrai, souvent, ces derniers quittent les rues pour les quartiers dans le but de voler. Les rues des centres-villes ne correspondent pas aux rues des quartiers. Il ne s’y exerce pas le même contrôle social. À Yaoundé, les enfants sont vite rattrapés et frappés avec un bâton, une machette, parfois brûlés  [7]. À Antananarivo, les lynchages existent  [8] mais sont moins fréquents : lors de nos entretiens, aucune ONG ni aucun enfant n’ont mentionné de tels faits.

40 Comment une foule peut-elle en arriver à battre à mort un voleur ? Il suffit d’un cri, ce trop fameux cri de « au voleur ! », pour que des personnes accourent et s’assemblent jusqu’à créer cette masse compacte qui tape ou encourage à frapper. Puis, les uns spectateurs, les autres acteurs, abandonnent un ou plusieurs corps dans leur sang au milieu de l’arène.

41 Aucun quartier à Yaoundé ne semble échapper à cette dynamique. Les articles de presse et les articles scientifiques se sont emparés du sujet à maintes reprises (G. Seraphin, 2000).

42 Deux justices coexistent : celle de l’État et celle du peuple. La première alterne entre l’arbitraire et le clientélisme. L’État ne convainc plus dans son entreprise d’exercer la violence légitime. La seconde se joue dans les quartiers et les sous-quartiers, là où les forces de l’ordre ne passent pas. Il existerait une justice des espaces publics, des espaces centraux modernes, signes de la présence d’un pouvoir fort mais souvent abandonné à la prédation et au racket des policiers et des militaires. Parallèlement, une justice « populaire » se construirait, une justice du peuple pour le peuple dans ses espaces propres (où la présence de la police ne serait pas nécessairement acceptée, mais plutôt vécue comme une intrusion pour surveiller et « manger  [9] » et non comme une intervention pour faire respecter un semblant d’ordre public). À la gradation entre espaces publics et privés s’ajouterait un chevauchement des ordres et des désordres. Le développement des « Comités de défense » et le recours croissant aux sociétés de gardiennage dans les quartiers résidentiels et les zones commerciales achèvent de brouiller les cartes.

Carte 3

La marge dans le centre-ville de Yaoundé en 2002. Dowtown margins in Yaounde, 2002.

figure im3
SINTRA
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hôtel de Ville
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LE SECTEUR DE CAMPERO
Lieu de la rue
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l’intendance
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central
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Tribunes
de l’avenue du 20 mai
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Cathédrale
CityspSocrotre 0 500 m
Immeuble de la mort
Poste centrale
Camtel
Principaux points de rupture
de charge des taxis
Commissariat
Cinéma Marché CALAFATAS
B Boulangerie Espace vert
Immeuble
AMACAM ABBIA MFOUNDI
L’ESPACE DES ENFANTS DES RUES
CAMPERO
MFOUNDI Les secteurs des enfants
0 500 m

La marge dans le centre-ville de Yaoundé en 2002. Dowtown margins in Yaounde, 2002.




À partir du fond de la Communauté Urbaine de YaoundéLCA - IRD. M. Morelle, 2004
Carte 4

La marge dans le centre-ville d’Antananarivo en 2003. Dowtown margins in Antananarivo, 2003.

figure im4
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Centre culturel Albert Camus
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(espace culturel, commerces)
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de clientèle internationale P Escarpement
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Zone privilégiée d’installation
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des commerces chinois
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Les pavillons
AMBOHIJATOVO Les secteurs des enfants (quartiers,
Esplanande d’Analakely hôtels, etc.)
Salon de thé
L’ESPACE DE CULTURE
L’ESPACE ACCESSIBLE ET DE LOISIRS
L’ESPACE DES ENFANTS
L’ESPACE COMMERCIAL DES RUES

La marge dans le centre-ville d’Antananarivo en 2003. Dowtown margins in Antananarivo, 2003.




À partir d’un fond de carte de F. Bonnaud. Thèse Vivre à Tananarive, 2002, C. Fournet Guerin.LCA -IRD. M. Morelle, 2004

43 Aujourd’hui, avec le lynchage des enfants, c’est une domination sur le corps, devenu spectacle, qui se met en scène. Il ne s’agit plus de condamner pour transformer ou, à défaut, tenir à l’écart. On frappe et on crie. On se déchaîne et on laisse le corps à l’abandon. On le montre et on l’expose. En fait, il s’agit de faire de ce corps la preuve d’un quartier inaccessible aux voleurs, de marquer son territoire par la force. La prise sur le corps et son abandon en pleine lumière, des jours durant, doit être la preuve de l’inaccessibilité d’un espace et doit dissuader le voleur potentiel  [10].

44 Jérôme Tadié (2002, p. 319) souligne que le lynchage revêt une forme très anonyme : on parle de foule, de masse, d’attroupement. Il n’est donc pas certain que la justice populaire soit un acte délibéré et réfléchi tenant à déclarer et à marquer un pouvoir collectif sur un espace donné. Il y a quelque chose de la fureur et de la transe qui paraît dépasser tous les raisonnements dans ces manifestations. Pourtant, chacun y retrouve ses voisins quitte à déclarer par la suite que tout en observant la personne, il ne la reconnaissait plus. Impossible paradoxe d’une violence illégale qui aboutit pourtant à une tuerie légitimée où le voleur, « l’autre », est nié dans son existence et dans son humanité.

45 La justice populaire s’inscrit donc dans la violence pure plus que dans une relation de pouvoir dans la mesure où celui-ci existe dans la relation de domination d’un groupe (ou d’une personne) sur un autre. Quant « l’autre » disparaît, de quelle relation parlons-nous (F. Héritier, 1996) ? La justice populaire est aiguillonnée par la peur et par l’absence de sentiment de sécurité.

46 Pour survivre, il existe une gradation dans les relations des enfants avec les « gens du quartier ». Dans certains cas, les enfants passent une sorte de contrat avec certains habitants. Notamment, les premiers ne volent pas les commerçants. Cependant, ce pacte découle de l’absence d’une autre garantie de sécurité. Lorsqu’un enfant est pris par la police, les bouches se délient, la parole est délivrée. On accuse. L’équilibre reste précaire. Ceux qui se sont aventurés dans des espaces privés ou « communautaires » en ont payé le prix. Rien ne permet au voleur d’obtenir le pardon : ni son origine géographique, ni son ethnie.

47 Plus que jamais l’approche géographique de l’espace urbain est marquée par les lignes et frontières nées des représentations et des pratiques des habitants et de ceux que la société laisse « dehors ». La violence éclate pour défendre le « dedans », l’espace-refuge, ultime repère des habitants victimes d’une « crise » qui ne finit pas. Cela se fait contre des enfants captifs du « dehors », les plus vulnérables.

3 L’espace public, espace des pouvoirs

48 Les enfants des rues sont repoussés à l’extérieur des quartiers. Nous l’avons vu, ils survivent principalement au centre des villes. Or, ces rues centrales sont souvent dédiées à l’affirmation de l’État. Elles jouent un rôle spécifique dans le modèle urbain et les normes que définissent les autorités. L’espace public devient aussi l’espace de représentation, entre communication et affirmation d’un pouvoir (des pouvoirs ?).

3.1 Le centre-ville, entre ordre et désordres urbains

49 À Yaoundé et à Antananarivo, les centres-villes actuels sont l’aboutissement d’un projet urbain colonial. Dans la première, le centre commercial correspond à l’ancienne « ville blanche ». Le quartier du Centre commercial, actuel centre-ville, fut le fondement de la capitale camerounaise, création originelle des Allemands puis des Français, néanmoins très vite appropriée par les populations camerounaises. À Antananarivo, Analakely fut également le fait des colonisateurs. Dans les pratiques des Tananariviens, le centre-ville se substitua à la Ville-haute, géosymbole d’Antananarivo intimement liée à la puissance de la monarchie merina, progressivement évincée de la scène politique par les Français. Analakely devint un des repères majeurs des habitants (C. Fournet-Guérin, 2002).

50 Aux Indépendances, les États s’appuient sur ces espaces centraux, vitrines de leurs capitales, témoins de leur existence nouvelle. L’urbanisme rigide, les grandes avenues dédiées aux défilés militaires et aux grandes fêtes nationales, les constructions en hauteur, les hôtels internationaux constituent les signes de ce désir de modernité urbaine. Les noms des boulevards font référence aux grands événements et acteurs de l’Indépendance. La dimension politique est indéniable, la volonté d’instruire les esprits aussi.

51 Ainsi les centres-villes constituent un repère essentiel des nouveaux États et non plus la marque des colonisateurs. La volonté de stopper tout particularisme culturel au profit d’images mondialisées, et en cela, neutres (architecture verticale par exemple) est également très nette.

52 Cependant, avec les années de crise, l’appropriation des centres-villes heurte ce projet urbain. Les enfants des rues deviennent les figures de la « défaite » des capitales, marginaux au centre de l’espace urbain, découvrant leurs visages hagards au pied de luxueuses constructions, images favorites de la presse nationale et internationale pour constater l’échec des gouvernements et des États.

3.2 Le centre-ville, espace de représentation

53 « L’encombrement » des centres-villes embarrassent les autorités en place. Les corps des enfants s’offrent au regard sur une scène où se montre et souhaite s’affirmer l’État et les hommes censés l’incarner. Ceux-ci cherchent alors à se l’approprier pleinement.

54 Les nombreuses opérations de « déguerpissements » en attestent. À Yaoundé, l’organisation du sommet France-Afrique en janvier 2001, marqué par la visite du président français Jacques Chirac à son homologue camerounais déclenche une série de rafles à l’encontre des enfants des rues.

55 Quelques mois auparavant, en 2000, le Ministère des Affaires sociales recense une majorité d’entre eux en vue de les « renvoyer » par le train dans les régions septentrionales du pays, qui, par un raccourci facile, seraient les régions d’origine des enfants. Ces dernières, dont la croissance économique est plus faible, correspondraient à des pôles répulsifs que les enfants fuiraient pour gagner la capitale. Dans les faits, les enfants sont nés dans toutes les régions du pays, parfois à Yaoundé même. Cependant, les natifs de la capitale et/ou leurs descendants (quels que soient leurs lieux de naissance) se disent avant tout autochtones d’un territoire, d’un clan restreint à l’intérieur « de Yaoundé » (appartenance clanique au sein du groupe ewondo, l’ethnie autochtone de Yaoundé et de ses environs). En fait, les habitants de Yaoundé de longue date se disent « de Yaoundé » dès lors qu’ils doivent se définir par rapport à une autre personne vivant ou venant d’une autre localité. Mais les allogènes « de Yaoundé » se réfèrent avant tout à une origine géographique couplée à leur origine ethnique respective. Chacun est « de quelque part » et avant tout « de quelqu’un », lui-même originaire d’un lieu donné (A. Bopda, 2003, p. 180). Le lieu de naissance n’intervient pas. Ainsi, un enfant de la rue vient du Nord si ses propres parents en sont issus, quel que soit son propre lieu de naissance, Yaoundé éventuellement. Dans les deux cas – Yaoundé comme Antananarivo avec le système des castes – la construction historique des identités urbaines prend largement le pas sur le fait d’habiter la ville, et même d’y être né. Pourtant, nous l’avons écrit, les enfants ne prêtent pas attention à l’ethnie ou le groupe social des uns et des autres.

56 Si certains ont échappé à l’opération du Ministère des Affaires sociales et ne sont pas partis vers le Nord, l’action des forces de l’ordre, les coups et les blessures les ont encouragés à se cacher dans les interstices du centre-ville ou à gagner les gares routières des périphéries de Yaoundé.

57 De petits secteurs du centre-ville semblent disparaître. Par exemple, un groupe d’enfants avait pris pour habitude de dormir dans les tribunes officiels du boulevard du 20 mai, boulevard dédié aux défilés et aux grandes commémorations. Avec le sommet France-Afrique, les enfants sont brutalement chassés de ces tribunes, rénovées pour l’occasion. Le secteur est rayé de la carte de la géographie de la rue. Plus aucun enfant ne s’y installe, de jour comme de nuit.

58 De même, à Antananarivo, en 1997, avec l’organisation des Jeux de la Francophonie, le personnel municipal se met à rafler les enfants. Ceux-ci « déménagent ». À l’image de leurs homologues camerounais, ils apprennent à se glisser dans n’importe quel interstice du centre-ville, à plier leurs affaires (un drap, un sac) au lever du jour, les cacher dans un arbre ou derrière un mur avant de les faire réapparaître au coucher du soleil. Petites formes éphémères et immobiles le long d’un trottoir, le temps d’une nuit. La réhabilitation du marché hebdomadaire, le Zoma, constituera l’avènement de cette politique publique, au détriment des enfants qui trouvaient de quoi manger, un petit job et des poches à fouiller dans l’agitation de ce grand marché.

59 Raflés, les enfants continuent à occuper les « creux » de l’espace public. Plus que jamais, leur appropriation de l’espace urbain se plie aux pratiques des autorités et de leurs représentants, les forces de l’ordre. « La rue » semble alors relativement placée sous le contrôle du pouvoir qui impose aux enfants leurs localisations, suivant le critère essentiel de l’invisibilité.

60 Ainsi, à Yaoundé, les dernières opérations de « nettoyage » et de « ratissage » (pour reprendre les expressions en vigueur dans la presse et dans les ministères) ont conduit à détruire d’autres secteurs des enfants des rues. Mais, à chaque fois et en définitive, il s’agit moins pour le pouvoir en place de rendre conforme le centre-ville à un projet urbain que d’asseoir sa puissance sur un espace. Il installe une annexe d’un commissariat. Quelques troupes patrouillent. Chasser les enfants permet de rassurer les passants. Implicitement, l’action permet aussi de quadriller l’espace, d’y classer ses acteurs et de les contrôler. Les forces de l’ordre rackettent. L’espace public, multifonctionnel, tend à devenir l’espace de prédation d’une minorité.

61 Pourtant, n’oublions pas les tactiques de survie des enfants. Petit à petit, un à un, ils reviennent dans leurs anciens secteurs. S’ils ne se montrent plus, s’ils ne se regroupent qu’à peine, ils n’existent pas moins, se jouant des normes pour atteindre les espaces les plus rentables.

62 Des logiques de l’ordre à celles des désordres, de la norme à la marge, la ville représente un espace anachronique, sans cesse débordée par les pratiques et les représentations de ses habitants, à peine gouvernée par les désirs des autorités. En cela, l’espace public n’est pas neutre.

63 La violence politique de l’État comme les violences anomiques des habitants et des enfants révèlent les différents territoires urbains et facilitent la lecture des enjeux liés à leur contrôle. Les enfants forment une marge au cœur de l’espace urbain. L’État instrumentalise leur présence qui fonde l’existence puis la défense d’un centre, ici un centre-ville moderne, signe de la force du pouvoir (en fait de sa faiblesse). Quand les autorités tiennent un discours sur la rue des enfants, elles participent en définitive à la production de celle-ci.

64 Certes, l’État positionne les uns et les autres dans l’espace urbain. Il renvoie les enfants en périphérie, à la marge spatiale des villes. Pourtant, la personnalisation de l’État et l’arbitraire qui en découle, spécialement au Cameroun, empêche d’établir un système de codes et de normes qui règlerait le fonctionnement de la société, y compris dans sa dimension spatiale. Un inextricable fouillis d’intérêts privés encombre la sphère publique. Les espaces privés et publics se chevauchent également. À l’identique, la toponymie orale populaire fait fi des noms officiels, à l’image des enfants qui inventent parfois leurs propres noms de lieux, lieux qu’ils créent dans le même mouvement : « le ghetto », « la Cité à part », « la Cité perdue » (M. Morelle, 2005).

65 À Antananarivo, la dichotomie Ville-basse et Ville-haute empêche de trop forts débordements. La lecture d’une discipline par l’espace est plus facile.

66 Enfin, face à l’inaction ou à la colère des autorités, un autre groupe d’acteurs voit le jour : les ONG. Leurs logiques spatiales et sociales interfèrent dans la production de l’espace urbain et de la société. Il est alors nécessaire de se demander au nom de quel projet, en vertu de quels normes et droits et en définitive pour quelle ville, elles agissent.

3.3 Les ONG, nouveaux acteurs urbains

67 Il existe toutes sortes d’ONG intervenant dans la sphère publique comme sur l’espace public, et plus précisément dans la rue. Certaines travaillent en collaboration avec les autorités locales et centrales. D’autres sont indépendantes. Au Cameroun, de nombreuses associations et organisations s’avèrent tout simplement fictives.

68 Lorsqu’elles agissent concrètement dans la rue, elles proposent soit un centre d’écoute de jour, soit un hébergement. Dans les deux cas, les animateurs proposent des remises à niveau scolaire, des formations professionnelles, parfois, plus simplement des petits soins et un lieu où se laver.

69 Elles sont implantées à proximité des secteurs des enfants, dans les gares ou près des marchés. Leur présence permet aux États de se défaire d’une partie de leurs responsabilités. Les tournées nocturnes ou la création de dispensaires évitent de doter en budget les Ministères des Affaires sociales. Les ONG se chargent de répondre à l’urgence urbaine.

70 Cependant, leur présence au cœur de l’espace urbain n’est pas toujours bien acceptée, spécialement des autorités. Bien que soulagées, elles accusent parfois les ONG « d’institutionnaliser » la rue. Tel a été parfois le cas à Antananarivo. Apporter écoute, soins, aides dans diverses démarches administratives peut être perçu comme une manière de rendre la rue supportable et de légitimer cette appropriation des espaces publics. Or, toute la difficulté pour l’État, la municipalité (et les habitants) est de reconnaître que par leurs pratiques, les enfants acquièrent une connaissance de l’espace urbain qui pourrait tendre à faire d’eux des enfants autant de la ville que de la rue.

71 Pour beaucoup de Tananariviens, notamment de vieille souche urbaine, les enfants et familles de rue ne sont que des paysans migrants. Ils ont échoué en ville. Ils doivent la quitter et rentrer. Au-delà, ces discours témoignent de cette vision particulière de l’espace urbain, déjà évoquée, dont le périmètre devrait se restreindre à la colline originelle sans intégrer la plaine rizicole voisine, pourtant largement urbanisée aujourd’hui et intégrée aux limites administratives.

72 Dans les faits, la réalité est plus complexe. Les enfants ont souvent vu le jour dans les périphéries de la ville, parfois au sein des limites mêmes de l’agglomération. Ils ne connaissent rien à la campagne et leur expérience de la rue les inscrit davantage dans la ville. Ils évoluent dans le centre-ville, mendient devant les cinémas, regardent la télévision dans les bars. Ils aiment cet univers de lumière artificielle, les vitrines des arcades commerciales et les derniers produits importés. Leur origine sociale en termes de caste leur est soit inconnue, à moins qu’elle ne reste taboue.

73 Mais si les habitants font preuve de compassion à l’égard de la souffrance d’autrui, ils n’accordent pas facilement le statut de Tananarivien. Ainsi, certaines actions des ONG sont-elles fortement remises en cause.

74 D’autres ONG n’hésitent plus à s’installer hors de la ville et à créer des villages pour les sans-abri (adultes et enfants, parfois en famille). Ils les éloignent de la stigmatisation des habitants de la capitale malgache, répondent à leurs besoins élémentaires (nourriture, soins, toit) et plus encore (scolarisation et formation). Simplement, par cette distance, ils évitent tout débat sur « le droit à la ville » (M. Morelle, 2006).

75 Tant à Antananarivo qu’à Yaoundé, les enfants des rues refusent de quitter la ville. Certains, soutenus par des ONG, parviennent à mener de petites activités régulières et à louer une chambre. D’autres s’enfoncent dans la délinquance, mettant en réseau leurs secteurs à l’espace carcéral, faisant de ce dernier un facteur constitutif essentiel de « la rue ».

Conclusion

76 L’analyse géographique des enfants des rues revient à opposer un dedans à un dehors : le quartier à la rue. Le premier représente le territoire des habitants dans la ville, celui où se construisent les premiers réseaux de sociabilité urbaine et où démarre l’appropriation de la ville avec, comme ultime point d’ancrage, l’accession à la propriété (à défaut, il constitue un espace communautaire, de repli mais néanmoins de refuge). Se couper du quartier, c’est alors partir dans le dehors, la rue, l’espace public libéré de tout contrôle d’ordre familial et communautaire. C’est s’exclure d’un collectif d’où peuvent partir des revendications et un sentiment de vivre-ensemble. « Être » de la rue, à la différence du quartier, ne permet pas « d’habiter ». L’individualité marquée des enfants des rues les marginalise au sein d’une société et d’un espace. Ils demeurent captifs de « la rue » (pensée comme espace des marges, du quartier à l’espace public et jusqu’à la prison et les cellules des commissariats).

77 Par ailleurs, la géographie de la rue dévie vers une géographie du corps ouvert à toutes les violences, « invisibles » à Antananarivo, physiques à Yaoundé. Le temps passe avec comme dernier repère, soi-même, pris entre de multiples étaux que les autres enfants des rues, les habitants ou le pouvoir resserrent autour du corps et de l’être. Les enfants deviennent leur propre centre avec un modèle d’espace à composer dans l’esprit plus qu’un réel projet de territoire matérialisé. Ils ne se recentrent pas de la même manière au sein de la ville. Ils n’augurent jamais de la durée. Leur énergie vitale ne marque pas les espaces. Pourtant, elle traverse la ville. À vivre dans la rue, plus que leur individualité, c’est une part de leur intimité qui s’offre aux regards. Plus que tout autre, les enfants des rues y déploient leur être et font leurs (leurre ?) l’espace de la ville. Ils ne disposent pas de territoires en tant que formes spatiales abouties mais de leur simple corps comme ultime repère. Par le lynchage, il se produit une dernière prise du corps et son exposition pour marquer un pouvoir et faire peur (M. Foucault, 1975, p. 66).

78 L’espace est un enjeu, entre public et privé, dehors et dedans et entre marge et périphérie. Pour les habitants, pour les enfants et pour le pouvoir donnant ici un fondement à une véritable géographie politique de la ville. Une gradation des espaces se lit au fil des pratiques des enfants. Si les rues des quartiers leur sont refusés, ils parviennent à se faufiler dans celles des centres-villes. Mais avec la mainmise de l’État sur ce dernier (et dans une certaine mesure, celle des habitants), de quel espace public est-il encore question ? S’il incite à la méfiance et suscite la peur (des habitants vis-à-vis des enfants, des enfants face aux autorités), nous pouvons nous demander qui le pratique encore. Quels échanges mais aussi quelles distances restent autorisés ? Dénué de neutralité, l’espace public paraît condamné à disparaître.

Bibliographie

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Mots-clés éditeurs : Enfants des rues, violence, territoire, espace public, Antananarivo, Yaoundé, espace privé

Date de mise en ligne : 01/01/2010.

https://doi.org/10.3917/ag.650.0339

Notes

  • [1]
    Antananarivo et Yaoundé ont constitué nos terrains de recherche dans le cadre d’une thèse de doctorat : Morelle M. (décembre 2004), « La rue des enfants, les enfants des rues. L’exemple de Yaoundé (Cameroun) et d’Antananarivo (Madagascar). », Université Paris I Panthéon Sorbonne, 496 p.
  • [2]
    Voir J. Dresch (1950) « la ville africaine, création de Blancs peuplée de Noirs », cité par X. Durang, 2003, op. cit., p. 12.
  • [3]
    Lefebvre H. (1961), « Ce qui se cache, elle l’arrache à l’obscurité. Elle le rend public. Lui ôtant son caractère privé, elle le traîne sur la scène d’un théâtre spontané, où d’ailleurs les acteurs ne jouent qu’une pièce informe. La rue publie ce qui se passe ailleurs, dans le secret. » Critique de la vie quotidienne, tome 2, L’Arche éditeur, 1961, p. 310, cité par Joseph I. (1998), La ville sans qualités, Paris, L’Aube, p. 52.
  • [4]
    À Yaoundé, les enfants parlent de leurs espaces en terme de secteurs. Nous conservons cette dénomination qui implique une perte de neutralité de l’espace public occupé sans conclure trop rapidement à l’existence de territoires. Nous l’appliquons également à la situation tananarivienne.
  • [5]
    À Yaoundé, il n’existe pas de filles qui vivent en permanence dans la rue.
  • [6]
    Au Cameroun, « le taux de séroprévalence au VIH/sida dans la population des 15-49 ans est passé de 0,5 % en 1987 à 7,2 % en 1999 puis 11 % en 2000 », in F. Eboko, 2002, p. 227. Selon les statistiques d’ONUSIDA, 5,5 % des adultes de 15 à 49 ans vivent avec le VIH/SIDA fin 2005.
  • [7]
    Voir la mob justice à Nairobi (Kenya) sur les jeunes de la rue (entre autres cibles), D. Rodriguez-Torres (2003).
  • [8]
    « Le voleur aura beau supplier et demander pitié, il sera rapidement lapidé. Parfois même, on l’arrosera d’essence et on le brûlera vif. Des scènes atroces, mais malheureusement fréquentes aujourd’hui, surtout dans la capitale. Dans le meilleur cas, il sera estropié à vie avec les mains coupées ou les yeux crevés. », Revue de l’Océan Indien, Madagascar, n° 144, juillet 1995, « Peur sur la ville », pp. 32-34.
  • [9]
    Au Cameroun, le langage populaire parle de « manger » quand un fonctionnaire détourne des fonds ou incite à la corruption pour obtenir de l’argent.
  • [10]
    « Ce qui avait sous-tendu » jusque-là cette pratique des supplices, ce n’était pas une économie de l’exemple, au sens où on l’entendra à l’époque des idéologues (que la représentation de la peine l’emporte sur l’intérêt du crime), mais une politique de l’effroi : rendre sensible à tous, sur le corps du criminel, la présence déchaînée du souverain. Le supplice ne rétablissait pas la justice ; il réactivait le pouvoir. », in Foucault M. (1975), Surveiller et punir, Paris, Gallimard, p. 60.
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