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Article de revue

Des enseignant∙e∙s face à des enfants et des parents jugés « non conformes »

Pages 25 à 38

Notes

  • [1]
    En association avec la racisation, qui renvoie à la nature (là où l’ethnicisation se réfère plutôt à la culture).
  • [2]
    Professeure SEGPA, collège REP+, entretien réalisé le 5 juillet 2017.
  • [3]
    Enseignante, école privée, entretien réalisé le 4 juillet 2017 dans la salle informatique de l’école.
  • [4]
    Professeure, collège REP+, entretien réalisé le 4 juillet 2017 dans sa salle de classe. Les prénoms et patronymes ont été modifiés pour respecter l’anonymat des professionnel∙le∙s, dans le respect des consonnances originelles. Dans l’écriture, le recours au prénom ou au nom de famille est le reflet de la relation qui s’est nouée avec les enquêté∙e∙s.
  • [5]
    Le recours à l’image de la digestion est ici très évocateur de l’apprentissage « par corps » décrit par Pierre Bourdieu dans les Méditations pascaliennes (2003, p. 197).
  • [6]
    Entretien réalisé le 19 juin 2017 dans sa salle de classe (collège REP).
  • [7]
    Directrice, école REP, entretien réalisé le 6 avril 2017, dans son bureau. Elle souligne d’ailleurs que leurs parents font de même. Dans l’école privée enquêtée, un atelier sur la communication non violente est proposé aux parents d’élèves en mars 2017, reposant sur le même constat : ils s’exprimeraient de manière très (trop ?) « spontanée » à l’école. L’atelier est toutefois présenté sous l’angle du soutien à la parentalité. Trois parents seulement y participent, évoquant des situations professionnelles ou des problèmes de voisinage, évitant ainsi les problématiques plus intimes.
  • [8]
    Principal adjoint, collège REP, entretien réalisé le 12 mai 2017 dans son bureau.
  • [9]
    Enseignant, école REP, entretien réalisé le 27 juin 2017 dans sa salle de classe.
  • [10]
    Enseignant, école REP, entretien réalisé le 20 juin 2017 dans sa salle de classe.
  • [11]
    Il cite également, en première intention, le « respect fille-garçon », dont on sait qu’il s’agit d’un marqueur ethnique prégnant (Fassin 2009, p. 299).
  • [12]
    Directrice, école privée, entretien réalisé le 3 février 2017 dans son bureau.
  • [13]
    Professeur, collège REP+, entretien réalisé le 22 juin 2017 dans sa salle de classe.
  • [14]
    C’est nous qui soulignons, dans l’ensemble de l’article.
  • [15]
    Entretiens avec la coordinatrice du REP réalisés les 28 avril, 2 mai et 1er juin 2017, dans son bureau et dans une salle de classe, complétés par de nombreux échanges informels sur les temps de classe ouverte en activité notamment.
  • [16]
    Enseignante école privée, entretiens réalisés les 16 et 19 juin 2017, dans une salle de classe, complétés par des échanges informels réguliers.
  • [17]
    Enseignante retraitée en charge du café des parents (école privée), entretien réalisé le 2 juin 2017 dans la salle de pause de l’école.
  • [18]
    Hésitant sur l’interprétation des comportements, voire s’opposant ouvertement à une lecture ethnicisante : c’est ainsi le cas d’une enseignante lors d’un entretien collectif dans l’école REP, qui se dit gênée alors que ses collègues associent les traits de caractère des petites filles qu’ils ont en classe à leur origine ethnique ; mais sa remarque n’est pas véritablement entendue, une collègue lui répondant : « Moi aussi [ça me gêne], mais en même temps… c’est vrai. »
  • [19]
    Entretien collectif, école REP.
  • [20]
    Les représentant∙e∙s de parents d’élèves sont, dans les écoles primaires enquêtées, assez représentatif∙ve·s des familles, ce qui n’est pas le cas dans les collèges. Dans l’école privée, les parents de l’association de parents d’élèves fréquentent assidûment le café des parents et jouent parfois un rôle d’interface entre l’équipe et d’autres parents. Dans l’école REP, les représentant∙e∙s sont également des mères très présentes dans la vie quotidienne de l’école (il y a aussi un père, que l’on voit moins souvent au café des parents) ; elles déplorent souvent que les autres familles ne participent pas davantage à la vie de l’école.
  • [21]
    C’est ce que permet de constater le travail ethnographique, corroboré par d’autres recherches : « Si les deux parents sont en principe concernés par [le rôle parental, les tâches de soin et d’alimentation des enfants] […], malgré une implication croissante des pères au cours des dernières décennies du xxe siècle et une revendication croissante d’égalité entre les deux parents, les mères restent les principales responsables des soins aux enfants. » (Gojard, 2010, p. 10-11.)
  • [22]
    Généralement parce qu’ils travaillent, mais aussi parce que certains refusent de participer à des temps où il y a uniquement des femmes. Lors des cafés des parents, les pères sont donc quasiment absents. Ils sont légèrement plus présents pour les classes ouvertes en activité. Dans l’école REP, l’un des représentants des parents d’élèves, un père, et quelques autres sont également membres de l’association de parents d’élèves de l’école privée. Toutefois, leur présence est beaucoup moins régulière lors des cafés des parents notamment.
  • [23]
    En matière de transmission de « préconisations », les écoles privées et publiques se rejoignent, tout en différant légèrement. Dans l’école privée, cela a essentiellement lieu lors des cafés des parents, qui permettent de présenter des acteurs du quartier, de proposer des discussions, etc. L’école privée montre, à cet égard, des formes d’« adaptation » aux classes populaires qui la fréquentent. Dans les écoles REP et REP+, les cafés des parents sont moins prescriptifs, en revanche, les temps de classe ouverte en activité (moins régulières toutefois) sont mobilisés comme des espaces où peuvent circuler des formes de recommandations.
  • [24]
    Extrait du carnet de terrain, cours de français dans une école REP+, 07 février 2018).
  • [25]
    Mère de trois enfants, école privée, en France depuis l’âge de 3 mois, femme au foyer, niveau scolaire troisième ; mari entrepreneur dans le bâtiment, arrivé en France à l’âge adulte. Le couple est d’origine turque. Entretien réalisé le 13 février 2018 avec une des amies de la mère, au domicile de cette dernière.

Introduction

1Dans les réseaux d’éducation prioritaire (REP), les projets visant à faire venir les parents à l’école pour renforcer le « partenariat » sont l’objet d’une attention soutenue. Portant notamment sur les objectifs et les représentations sous-jacentes à ces projets (cafés des parents, etc.), notre enquête menée auprès d’équipes éducatives et de familles a permis de recueillir des discours d’enseignant∙e∙s sur les parents des élèves et d’interroger des parents sur ces sollicitations institutionnelles. Nous proposons ici de détailler les discours des enseignant∙e∙s et de montrer comment leur perception se fonde sur les « tensions » traversant ces configurations (Elias, 1997), sous l’angle de l’ethnicité, de la classe et du genre. Les travaux sur les relations entre familles et écoles populaires démontrent en effet, d’une part, l’existence d’un « différend » (Périer, 2005), se traduisant entre autres par une conviction, répandue dans les équipes éducatives, que le milieu familial est « la cause principale des difficultés scolaires des élèves » (Deshayes et al., 2019). D’autre part, des analyses révèlent que si la classe sociale a longtemps été l’explication de ces difficultés, aujourd’hui « l’opposition entre des Nous et des Eux à travers laquelle les dominés et les dominants du système pensent leur position est dite en termes ethniques » (Lorcerie, 2003, p. 154 ; Payet, 2016). L’ethnicité désigne alors le processus relationnel par lequel des groupes qui cohabitent réaffirment leurs frontières, la population majoritaire et les groupes minoritaires se distinguant et se catégorisant mutuellement (Barth, 1995). À travers ces processus, s’instaure un « rapport de domination-subordination qui fonctionne par référence aux origines », l’ethnicisation permettant [1] de nouer « l’idée de différence et celle d’hérédité » (Belkacem et al., 2019). Dans ce contexte, la culture « fonctionne de plus en plus comme un euphémisme du mot ‘“race’” » (Cuche, 2001, p. 112) – le culturalisme postulant que l’individu s’identifie nécessairement à l’héritage culturel de son groupe d’origine (ibid., p. 85).

2Face au constat que la notion de culture est présente dans 30 des entretiens menés avec des professionnel∙le∙s sur 34, il nous semble pertinent de détailler ce à quoi renvoie cette notion dans leurs discours en nous focalisant sur cette partie du corpus. Dans quelles situations est-elle invoquée ? Quand le « nous » des majoritaires, ici incarné par les enseignant∙e∙s, issu∙e∙s des classes moyennes (Périer, 2005), s’oppose-t-il au « eux » désignant les familles ? À quelles dimensions du comportement la culture renvoie-t-elle ? Nous verrons dans un premier temps qu’elle permet dans certains cas d’appréhender des attitudes d’enfants jugées non conformes, en lien avec des formes d’éducation familiale perçues comme sources de difficultés, dans une intrication des registres renvoyant à la classe et à l’origine. Nous montrerons ensuite que les projets visant à faire venir les parents à l’école reposent en partie sur une volonté d’acculturation des parents ethnicisés, notamment des mères, dans un contexte de normalisation des rôles parentaux (Bastard, 2006 ; Neyrand, 2014) cohabitant avec des tentatives de valorisation de ces femmes.

Terrain et méthode d’enquête

L’enquête ethnographique s’est déroulée entre 2016 et 2018 au sein de trois écoles primaires (deux écoles publiques REP/REP+ et une privée sous contrat d’association avec l’État [*]) et deux collèges (REP/REP+) d’une ville moyenne de l’Ouest de la France, où les enfants issus de groupes minoritaires sont les plus nombreux. L’entrée sur le terrain s’est effectuée à travers la participation bénévole à des activités d’accompagnement à la scolarité, au sein de structures associatives du quartier, permettant une prise de contact avec des parents fréquentant le centre social et avec d’autres, plus en retrait, grâce à l’Association de la fondation étudiante pour la ville (AFEV). Des contacts directs avec les écoles et les établissements ont été établis dans le cadre de demandes d’entretiens et d’observations, ouvrant sur de nouvelles rencontres.
Les indicateurs sociodémographiques du quartier en font le territoire le plus pauvre de la commune. La population (15-64 ans) comporte 18,5 % de chômeurs (2014) et les personnes ayant un diplôme inférieur au certificat d’aptitude professionnel (CAP) ou brevet d’études professionnelles (BEP) constituent 43,3 % de la population – contre 23,7 % pour l’ensemble de la commune. En conséquence, sur le terrain enquêté, le revenu médian varie entre 993 et 1 246 euros selon les îlots – il est de 1 691 euros en 2015 pour la France tandis que le seuil de pauvreté monétaire s’établit à 1 015 euros mensuels (données de l’Institut national de la statistique et des données économiques [INSEE]). Les personnes immigrées représentent 22,4 % de la population en 2014 et la part de personnes de nationalité étrangère s’élève à 19,9 % – il s’agit de la concentration la plus forte sur la commune, qui compte 7,7 % d’étrangers.
L’enquête repose sur des observations (participantes lors des temps de convivialité) : j’ai assisté à 31 cafés des parents dans l’école privée entre les mois de mars 2017 et octobre 2018, à 18 cafés des parents dans l’école REP, ainsi qu’à trois sessions de classe ouverte en activité [**], deux conseils des maîtres, trois conseils d’école, etc., entre les mois de mai 2017 et septembre 2018. Dans l’école REP+, j’ai observé deux sessions de classe ouverte en activité, deux cafés des parents, deux matinées sur le sommeil, et, dans les collèges, à l’accueil des parents de CM2 (REP+) et des parents dont les enfants entrent en sixième (REP). 34 entretiens enregistrés avec des parents, essentiellement des mères, ont été réalisés à la suite d’une rencontre aux cafés des parents ou par le biais de l’accompagnement à la scolarité, sur le thème « les enfants, l’organisation de la famille et le lien avec l’école ». Ces parents appartiennent aux franges les plus précaires des classes populaires (cinq exceptions avec des pères entrepreneurs) : seules une dizaine de mères et une vingtaine de pères ont un emploi (parfois en intérim). Le lien avec certaines de ces femmes s’est établi sur un temps long, au cours de rencontres régulières et d’échanges informels. Enfin, 34 entretiens avec des professionnel∙le∙s ont été enregistrés – enseignant∙e∙s, directrices d’école, assistantes sociales scolaires… – majoritairement issu∙e∙s des classes moyennes (cinq sont d’origine étrangère, dont trois extra-européenne, parmi ceux-ci, aucun∙e n’est enseignant∙e). Ils/elles ont été sollicité∙e∙s parce qu’ils/elles enseignaient à l’un des enfants des parents enquêté∙e∙s ou en raison de leur rôle central dans le lien aux parents. Le thème de l’entretien était « la relation avec les familles ».

Des enfants jugés « non conformes » : l’invocation de la « culture » des familles en cas de difficultés à l’école

3Vingt-cinq enquêté∙e∙s parmi les professionnel∙le∙s dessinent le visage d’enfants insuffisamment adaptés au monde scolaire. L’éducation familiale apparaît comme une explication possible aux yeux de certain∙e∙s professionnel∙le∙s, mettant en cause la culture dans des acceptions ambivalentes.

Des enfants non « normés » en raison de pratiques familiales dissonantes

4Les comportements non régulés des enfants s’appréhendent en premier lieu à travers le prisme de leurs attitudes corporelles qui ne correspondent pas toujours à ce qui est attendu. Une professeure note ainsi l’absence de « progrès niveau habillement » d’une élève, vêtue de manière traditionnelle, pessimiste quant à son intégration car « on voit bien que vraiment culturellement, on pourra rien faire [2] ». Un goûter lors d’une sortie est décrit comme paradigmatique : les enfants « prenaient tout par poignées », au milieu de « cris [3] ». L’enseignante relie ces conduites dérégulées à une incompétence plus large pour la vie en société, que madame Loire [4] pointe également : « Certaines règles communes sont pas évidentes […] à digérer pour certains élèves [5]. »

5Aussi monsieur Lesage explique-t-il :

6

« Il y a des élèves qui arrivent ici, […] alors sans juger les familles, mais qui sont absolument pas éduqués, normés. L’idée c’est pas de les normer, c’est simplement leur donner des clés […] donc ça passe par le respect des règles, le droit, les devoirs et ça c’est des choses qui sont en majorité pas acquises en arrivant en sixième. »
(Directeur de la section d’enseignement général et professionnel adapté [SEGPA] du collège REP+, entretien réalisé le 11 juillet 2017 dans son bureau.)

7Ces conduites s’inscrivent dans des appartenances de classe en tant que « techniques du corps » (Mauss, 1934) et révèlent la conformation ou non à l’attitude attendue, dans un mélange entre le défaut de maîtrise des « codes », qui renvoie plutôt à l’appartenance de classe, et la « différence », qui semble renvoyer à l’ethnicité. Une professeure souligne ainsi que certains élèves ne « s’intègrent pas », prenant pour exemple le fait qu’ils ne mangent pas à la cantine – ne se conformant pas – pour des « raisons culturelles », invoquant « un très fort communautarisme, surtout turc […] avec tous les côtés négatifs que ça peut avoir [6] ».

8Ces propos centrés sur l’absence de règles « incorporées » se déploient à propos des interactions entre enfants et avec les adultes. Christine justifie le travail sur les émotions, mené en classe, par le fait que les « élèves ont tendance à partir au quart de tour [7] ». Monsieur Thomas déplore aussi qu’ils « parlent aux adultes comme s’ils étaient sur le même plan », constatant que beaucoup sont « parentalisés [8] », car ils servent d’interprètes pour leurs parents, ce qui les empêcherait d’adopter un rôle d’élève. Toni relève que les élèves ont de la peine « à rester assis sur leur chaise » en classe parce qu’ils ne « s’assoient jamais sur une chaise à la maison [9] » – rappelant « la distinction entre les espaces familial et scolaire » (Darmon, 2001, p. 536). Il avance des raisons « culturelles » à l’acquisition de certains comportements, faisant un lien entre l’agitation des enfants et les familles dans lesquelles les repas se prennent sur « des grandes banquettes par terre » ou « devant la télé sur le canapé », loin de l’hexis attendue par l’institution scolaire (Serre, 1998, p. 108-109).

9Par ailleurs, plusieurs enseignant∙e∙s pointent la responsabilité parentale dans l’acquisition de la langue française et d’une culture générale nécessaires aux apprentissages. Christine insiste auprès des parents pour l’inscription des enfants en centre de loisirs pendant les vacances, afin d’assurer une « continuité » avec l’école en créant un « bain linguistique », mais aussi une « ouverture culturelle », pour de ne « pas retrouver des enfants complètement passifs au retour des vacances ». L’idée que les enfants sont insuffisamment stimulés est présente chez plus de la moitié des enquêté∙e∙s, un professeur invoquant le manque de vocabulaire de ceux « qui ne parlent pas avec leurs parents » et qui seraient donc privés de « la richesse des échanges, la richesse culturelle [10] », tandis qu’une de ses collègues associe explicitement la « communauté » d’appartenance et l’ignorance de l’actualité française de certains élèves :

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« Il y a un gamin en troisième, il savait pas qu’il y avait eu des élections [présidentielles] en France, parce qu’il ne regarde que la télé turque, encore un petit souci avec… je pense que la communauté turque, pas tous évidemment, mais est plus renfermée sur ses certitudes. ».
(Entretien réalisé le 27 juin 2017 dans sa salle de classe [collège REP+].)

11Bien que les professionnel∙le∙s invoquent fréquemment la richesse de la diversité culturelle du quartier, ils/elles « activent pourtant des catégorisations qui disqualifient la culture d’origine » de certains enfants (Payet, 2016, p. 73). Ces derniers, malhabiles dans l’exercice du « métier d’élève » (Sirota, 1993) – consistant à « se prescrire à [soi]-même les normes du comportement et du travail scolaires » (Rayou, 2015, p. 241) – suscitent la redéfinition des priorités pédagogiques : monsieur Thomas juge nécessaire de leur redonner « les bons codes de posture d’élève [11] » qui représentent un « manque, mais des fois c’est aussi culturel ». L’acquisition d’un habitus d’élève conforme, qui doit s’effectuer dans la famille – elle doit livrer un enfant « scolarisable » (Glasman, 1992, p. 23) – afin que l’institution scolaire puisse fonctionner sur la base de normes partagées, serait donc parfois manquée.

Des parents « défavorisés » à travers le prisme de leur « culture »

12Interrogés sur leurs attentes concernant le suivi de la scolarité au domicile, les enseignant∙e∙s pointent généralement trois niveaux d’insatisfaction, qui se cumulent éventuellement. En premier lieu, certains besoins de base des élèves ne seraient pas toujours pris en compte. Une enseignante explique :

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« Nous, on espère qu’ils vont être à l’heure le matin, qu’ils vont se coucher avant 23 heures, qu’ils aient bien mangé, enfin c’est vraiment le rôle des parents. »
(Entretien collectif réalisé le 23 juin 2017 dans la salle de réunion de l’école REP, lors d’un conseil des maîtres.)

14Valérie constate en effet que négligés, ces besoins fondamentaux empêchent les enfants d’« être en position d’élève en classe [12] », sans que « les parents ne mesurent les dégâts que ça peut faire ». Dans un deuxième temps, les enseignant∙e∙s évoquent la vérification des devoirs, la signature du carnet de liaison, etc., traduisant « une forte demande […] d’investissement parental dans le travail de l’enfant » (Payet, Giuliani, 2014, p. 13). Or, un professeur constate, à l’instar de ses collègues, l’absence de soutien pour les devoirs et le « petit côté dépassé des parents [13] ». Leur « culture » est mobilisée pour interpréter des refus d’orientation – en SEGPA ou unités localisées pour l’inclusion scolaire – par des familles qui seraient, selon monsieur Lesage, certes « dans leurs droits mais […] ne répondent pas aux besoins de leur enfant ». Enfin, les professionnel∙le∙s espèrent que les parents tiennent le même « discours » que le leur, valorisant le travail scolaire : Valérie évoque la nécessité qu’« ils s’intéressent à ce que l’enfant fait en classe, même s’ils le comprennent pas complètement ».

15Pour Toni, cela permettrait « que les enfants se sentent importants dans la vie de leurs parents » car, selon lui, « ils rentrent […], ils leur donnent à manger devant la télé et puis le gamin après il fait ce qu’il veut ». Cette idée selon laquelle les enfants « poussent tout seuls » transparaît dans la moitié des entretiens (Lorcerie, 2003, p. 149), à plusieurs reprises en association avec la culture. Des enseignant∙e∙s se disent parfois gêné∙e∙s par la responsabilisation des aîné∙e∙s et l’autonomisation des enfants, comme l’explique monsieur Thomas :

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« Ils laissent beaucoup les mômes en autonomie, très jeunes. […] ça interpelle quand même […] mais voilà c’est culturel […]. Nous, on le ferait pas. […] Enfin, quand je dis “nous”… c’est dans notre culture [14]. »

17Monsieur Thomas associe de fait des pratiques éducatives qu’il désapprouve à une culture différente, laquelle éclipse les inégalités sociales (et euphémise quelque peu le jugement sur les familles). La difficulté que les parents éprouvent à répondre aux attentes scolaires apparaît ainsi comme l’expression de « formes culturelles […] indifférentes » à la culture scolaire (Barrère, Jacquet-Francillon, 2008, p. 6).

18De plus, selon une dizaine d’enquêté∙e∙s, certains enfants font figure d’« enfant roi » (Serre, 1998). La difficulté des parents à assumer « un pouvoir de décision par rapport aux enfants » semble ainsi prégnante et la coordinatrice du REP note que les discours parentaux expriment cette difficulté à imposer des règles – « Je ne sais pas dire non, parce que je peux pas l’entendre pleurer […] et je ne veux pas dire non [15] » – soulignant combien « ils sont dans l’affect » avec leurs enfants. Ce laxisme questionne le niveau d’« exigence » à l’égard des enfants, Isabelle fait ainsi allusion aux « choses qui, nous, nous semblent bizarres [16] », rappelant que les pratiques alimentaires (repas déséquilibrés, etc.), les habitudes de sommeil (enfants dormant avec leur maman), le temps passé devant la télévision sont autant de marqueurs d’un modèle éducatif qui n’est pas celui valorisé par les professionnel∙le∙s. Elle échoue à identifier si cela est « culturel ou socioculturel », c’est-à-dire si la culture d’origine est seule en cause ou si la position dans l’espace social est modélisante, tandis que Josiane affirme que dans « les familles musulmanes […] on ne dit rien à un enfant avant 3 ans, […] il a le droit de faire tout ce qu’il veut [17] », marquant l’association d’ordinaire plus euphémisée entre éducation familiale et religion. L’ethnicisation est notamment à l’œuvre dans le discours sur les mères, qui manqueraient d’autorité en raison de leur position subalterne dans la famille (tandis que ce sont elles qui s’occupent des enfants au quotidien). Comme l’explique Isabelle :

19

« Leur rôle, c’est de faire des enfants et puis les élever, bien souvent avec les grands-parents, alors ça, c’est culturel par contre. Et je pense que ça, c’est un souci pour les mamans, pour instaurer leur autorité à elles […], l’autorité de la maman par rapport à l’autorité du papa, ça a l’air un petit peu compliqué. »

20Si certain∙e∙s refusent de « généraliser » – Isabelle affirme que certaines pratiques n’ont « rien à voir avec la culture » –, des « facteurs culturels » sont donc avancés pour expliquer les difficultés (Deshayes et al., 2019, p. 7). Ceux-ci, non définis, sont associés dans plus de la moitié des entretiens avec les difficultés économiques et sociales. Pour le reste des discours, soit la culture est invoquée sans lien avec d’autres facteurs explicatifs de difficultés scolaires et comportementales, soit elle renvoie à des dimensions « psychologiques » – notamment à la question du « conflit de loyauté ». Enfin, elle est absente des discours de quatre enquêté∙e∙s, certain∙e∙s se montrant gêné∙e∙s à l’évocation des appartenances ethniques par leurs collègues [18]. L’entremêlement récurrent de la culture avec la question socioéconomique traduit, de fait, « un problème de marginalisation économique et d’intégration sociale en un problème d’intégration d’ordre culturel » (Serre, 1998, p. 121). Les représentations sur les familles, que tout semble opposer à un « nous » incarnant la norme, intriquent effectivement les registres discursifs :

21

« Ici, on a une population défavorisée, ça veut dire défavorisée financièrement, […] mais aussi défavorisée parce qu’ils sont issus de plein de cultures différentes […], le côté défavorisé financier est peut-être le plus simple. Après, il y a… le fait d’être issu d’une autre culture, le fait d’être défavorisé, de n’avoir soi-même pas un long temps d’école par exemple, donc de pas avoir les codes de l’école, les codes du travail, les codes de la relation sociale de… on va dire d’une grande majorité d’entre nous. »
(Madame Loire.)

22Or, le regard culturaliste conduit à considérer « l’origine là où il y a de la domination » (Lorcerie, 2003, p. 131), les problématiques socioéconomiques, loin d’être ignorées sur notre terrain, semblant nuancées par cette lecture ethnicisante. Ce tissage entre culture et « défavorisation » semble expliquer que les équipes cherchent par ailleurs à suggérer l’adoption de pratiques éducatives plus conformes, la culture paraissant, davantage que l’appartenance de classe, sujette à adaptation. Cette volonté d’agir sur les pratiques familiales, sous-jacente aux projets qui visent à faire venir les parents à l’école – Josiane soulignant sans ambages la nécessité d’« éduquer » les « mamans d’origine » – conduit implicitement à responsabiliser les familles.

La coéducation comme réponse des professionnel∙le∙s : une tentative d’harmonisation des postures maternelles ?

23Alors que les parents de milieux populaires semblent plutôt perçus par l’institution de manière figée, dans leur distance et leur dissonance (Darmon, 2001 ; Glasman, 1992 ; Périer, 2005), les mères ethnicisées font l’objet d’une attention particulière en ce qu’elles seraient susceptibles de s’acculturer en prenant la mesure des attentes de l’école en France. Ces femmes, dont la couleur de peau peut laisser supposer une origine « étrangère », qui ne parlent pas toujours bien le français (ou avec un accent), dont beaucoup sont voilées, semblent ainsi perçues comme vectrices d’un éventuel changement et susceptibles d’être « équipées par les enseignantes » pour pallier leurs méconnaissances, dans le cadre d’incitations cherchant dans le même temps à éviter leur stigmatisation (Deshayes et al., 2019, p. 2).

Faire venir les parents : le dévoilement des attentes scolaires

24Si les enseignant∙e∙s ne sont en effet pas toujours à l’aise avec l’idée d’intervenir sur le cadre familial – affirmant pour plus de la moitié d’entre eux/elles qu’ils/elles ne veulent pas « juger » les pratiques éducatives des parents –, ils/elles tentent de promouvoir leur participation et essaient de les faire venir à travers des projets tels que les cafés des parents ou la classe ouverte en activité. L’objectif est de les mettre « à l’aise » grâce à ces temps plus informels, pour faciliter le « dialogue », créer un lien de « confiance » et obtenir une participation adaptée aux demandes scolaires [19]. Les professionnel∙le∙s considèrent effectivement que plus les parents voient ce qui se passe à l’école, plus ils peuvent aller « dans la même direction » : ils seront mieux à même de faire office d’« auxiliaires pédagogiques » (Thin, 2009, p. 71) et de « collaborer » avec les équipes éducatives (Durler, 2015, p. 148) [20]. Ces temps de coéducation apparaissent comme des espaces d’acculturation dont témoigne Maryse (coordinatrice du REP) :

« On suppose qu’on a des parents qui ne connaissent pas du tout ce que c’est que l’école en France […]. L’idée, c’est de les associer du fait qu’ils ne connaissent pas l’école en France, qui a ses règles, qui a ses exigences, qui a son cadre et qui a prédéterminé une place des parents. On essaie d’aider les parents à comprendre quels sont nous, nos attendus, pour pouvoir faire ensemble. »
Ces dispositifs visent ainsi à ce que les mères, très majoritairement présentes à l’école [21], prennent la mesure des attentes scolaires. Les pères semblent plus épargnés par ces discours, perçus comme moins présents dans l’éducation des enfants pour des raisons culturelles et étant, dans les faits, très peu visibles dans les dispositifs évoqués [22]. Ils sont toutefois mobilisés par les équipes éducatives en cas de difficulté comportementale de l’élève, faisant alors figure d’autorité, ou encore pour les décisions relatives à l’orientation. Les projets auxquels les mères prennent part, bien plus réguliers, constituent des occasions de diffusion de préconisations et de normes traduisant une volonté d’« harmonisation » des pratiques éducatives, afin qu’elles soient « ajustées aux pratiques scolaires » (Durler, 2015, p. 149).

Favoriser un repositionnement des mères

25Les enseignantes à l’origine de ces projets semblent vouloir guider ces mères de familles populaires ethnicisées, souvent femmes au foyer, qui fréquentent ces dispositifs ou qui en sont la cible vers des postures éducatives jugées plus favorables aux apprentissages des enfants, leur imputant indirectement la responsabilité de leur différence et de ses conséquences éventuelles et/ou supposées sur le plan scolaire. Ces temps d’échanges permettent de diffuser auprès d’elles des recommandations foisonnantes – invitation à questionner les enfants sur ce qu’ils font à l’école, partage de réflexions sur les limites à imposer aux enfants, etc. :

« 03 mai 2017, café des parents, école REP : monsieur Thomas, venu pour présenter le collège, enjoint les mères à surveiller la page Facebook de leurs enfants, pointant les dangers des réseaux sociaux ; il les encourage également à ne pas transmettre leur “stress” à leur enfant pour la rentrée en sixième. […]
22 septembre 2017, café des parents, école privée : les bibliothécaires du quartier ont été invitées pour présenter les modalités du prêt, Josiane et Isabelle incitent les mères à fréquenter la bibliothèque avec leurs enfants. Un mois plus tard, une visite est organisée sur le temps du café, les incitations sont très fortes pour qu’elles reviennent régulièrement avec leurs enfants. […]
10 novembre 2017, café des parents, école privée : l’infirmière scolaire présente les dangers des écrans, elle promeut la négociation avec l’enfant sur le temps de jeu et l’imposition de limites claires, elle invite également à un usage accompagné par les parents (verbalisation de ce qui a lieu à l’écran, etc.). […]
16 avril 2018, classe ouverte, école REP : Maryse souligne, lors du temps d’échanges, l’importance du travail éducatif à la maison pour favoriser l’attitude scolaire des enfants. Elle souligne la nécessité du dialogue avec les enseignant∙e∙s [23]. »
(Extraits du carnet de terrain.)
Cela doit permettre aux mères de « se repositionner » vis-à-vis de leurs enfants, de sorte que « les cadres [soient] posés à la maison et à l’école » (Maryse). À travers ce qui s’apparente à une « formation des parents concernant des compétences pédagogiques, psychosociales » (Monceau, Larivée, 2019, p. 2), s’exerce une forme de responsabilisation des femmes ayant un parcours migratoire, lesquelles semblent avoir « tout à apprendre de et par leur nouvelle société » (Vatz Laaroussi, 2001, p. 49). Ces projets posent finalement les femmes d’origine étrangère ou perçues à travers le prisme de leur culture différente comme « outil de l’émancipation d’autrui » (Fraisse, 2010, p. 401), en l’occurrence de leurs enfants, dont la réussite scolaire dépendrait de leur faculté à moduler leurs pratiques éducatives pour entrer en congruence avec les prescrits scolaires. Certaines d’entre elles, tenues à l’écart de l’école en raison d’un quotidien particulièrement pesant, apparaissent d’autant plus éloignées qu’elles ne participent pas aux projets qui leur sont destinés. Parmi celles qui y prennent part, plusieurs trouvent des formes de reconnaissance provenant d’enseignant∙e∙s valorisant leur collaboration. Elles bénéficient ainsi également d’espaces de convivialité féminine importants, dans un quotidien souvent synonyme d’enfermement dans un rôle domestique – dont elles témoignent parfois lorsqu’elles déplorent de ne connaître « que les marmites, le ménage, les enfants [24] ». Elles effectuent cependant un tri discret dans les préconisations émises à ces occasions, au gré de ce qui fait poids ou ne fait pas sens pour elles, dans des formes de contournement des préconisations qui leur sont faites. Elles oscillent ainsi entre proximité et mise à distance du regard institutionnel, mais veillent à maintenir un lien avec l’école, gage de leur « respectabilité » (Skeggs, 2015). Selma [25], qui contribue activement à la vente de repas pour l’association de parents d’élèves, justifie d’ailleurs son engagement avec des mots qui sonnent comme une revendication : « Si on est à l’école, c’est pour suivre nos enfants [….], montrer qu’on est présentes, nous, mamans turques, mamans musulmanes. »

Conclusion

26Le regard posé par certain∙e∙s enseignant∙e∙s sur les enfants et les parents ethnicisés de milieux populaires montre que leur « culture » est régulièrement interprétée comme une source de difficulté, l’ethnicité s’entremêlant à la difficulté socioéconomique pour appréhender les modèles éducatifs familiaux. Les projets visant à faire venir les parents se présentent alors comme supports à l’acculturation de mères dont l’origine étrangère justifie des tentatives d’harmonisation de leurs pratiques avec celles de l’école. La gêne exprimée par certain∙e∙s enseignant∙e∙s sur ces questions révèle toutefois la difficulté des équipes à s’accorder sur une vision commune des projets qui pourraient être proposés aux familles et de leurs objectifs.

Bibliographie

Bibliographie

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  • Vatz Laaroussi M., 2001, Le familial au cœur de l’immigration. Les stratégies de citoyenneté des familles immigrantes au Québec et en France, Paris, L’Harmattan.

Notes

  • [1]
    En association avec la racisation, qui renvoie à la nature (là où l’ethnicisation se réfère plutôt à la culture).
  • [2]
    Professeure SEGPA, collège REP+, entretien réalisé le 5 juillet 2017.
  • [3]
    Enseignante, école privée, entretien réalisé le 4 juillet 2017 dans la salle informatique de l’école.
  • [4]
    Professeure, collège REP+, entretien réalisé le 4 juillet 2017 dans sa salle de classe. Les prénoms et patronymes ont été modifiés pour respecter l’anonymat des professionnel∙le∙s, dans le respect des consonnances originelles. Dans l’écriture, le recours au prénom ou au nom de famille est le reflet de la relation qui s’est nouée avec les enquêté∙e∙s.
  • [5]
    Le recours à l’image de la digestion est ici très évocateur de l’apprentissage « par corps » décrit par Pierre Bourdieu dans les Méditations pascaliennes (2003, p. 197).
  • [6]
    Entretien réalisé le 19 juin 2017 dans sa salle de classe (collège REP).
  • [7]
    Directrice, école REP, entretien réalisé le 6 avril 2017, dans son bureau. Elle souligne d’ailleurs que leurs parents font de même. Dans l’école privée enquêtée, un atelier sur la communication non violente est proposé aux parents d’élèves en mars 2017, reposant sur le même constat : ils s’exprimeraient de manière très (trop ?) « spontanée » à l’école. L’atelier est toutefois présenté sous l’angle du soutien à la parentalité. Trois parents seulement y participent, évoquant des situations professionnelles ou des problèmes de voisinage, évitant ainsi les problématiques plus intimes.
  • [8]
    Principal adjoint, collège REP, entretien réalisé le 12 mai 2017 dans son bureau.
  • [9]
    Enseignant, école REP, entretien réalisé le 27 juin 2017 dans sa salle de classe.
  • [10]
    Enseignant, école REP, entretien réalisé le 20 juin 2017 dans sa salle de classe.
  • [11]
    Il cite également, en première intention, le « respect fille-garçon », dont on sait qu’il s’agit d’un marqueur ethnique prégnant (Fassin 2009, p. 299).
  • [12]
    Directrice, école privée, entretien réalisé le 3 février 2017 dans son bureau.
  • [13]
    Professeur, collège REP+, entretien réalisé le 22 juin 2017 dans sa salle de classe.
  • [14]
    C’est nous qui soulignons, dans l’ensemble de l’article.
  • [15]
    Entretiens avec la coordinatrice du REP réalisés les 28 avril, 2 mai et 1er juin 2017, dans son bureau et dans une salle de classe, complétés par de nombreux échanges informels sur les temps de classe ouverte en activité notamment.
  • [16]
    Enseignante école privée, entretiens réalisés les 16 et 19 juin 2017, dans une salle de classe, complétés par des échanges informels réguliers.
  • [17]
    Enseignante retraitée en charge du café des parents (école privée), entretien réalisé le 2 juin 2017 dans la salle de pause de l’école.
  • [18]
    Hésitant sur l’interprétation des comportements, voire s’opposant ouvertement à une lecture ethnicisante : c’est ainsi le cas d’une enseignante lors d’un entretien collectif dans l’école REP, qui se dit gênée alors que ses collègues associent les traits de caractère des petites filles qu’ils ont en classe à leur origine ethnique ; mais sa remarque n’est pas véritablement entendue, une collègue lui répondant : « Moi aussi [ça me gêne], mais en même temps… c’est vrai. »
  • [19]
    Entretien collectif, école REP.
  • [20]
    Les représentant∙e∙s de parents d’élèves sont, dans les écoles primaires enquêtées, assez représentatif∙ve·s des familles, ce qui n’est pas le cas dans les collèges. Dans l’école privée, les parents de l’association de parents d’élèves fréquentent assidûment le café des parents et jouent parfois un rôle d’interface entre l’équipe et d’autres parents. Dans l’école REP, les représentant∙e∙s sont également des mères très présentes dans la vie quotidienne de l’école (il y a aussi un père, que l’on voit moins souvent au café des parents) ; elles déplorent souvent que les autres familles ne participent pas davantage à la vie de l’école.
  • [21]
    C’est ce que permet de constater le travail ethnographique, corroboré par d’autres recherches : « Si les deux parents sont en principe concernés par [le rôle parental, les tâches de soin et d’alimentation des enfants] […], malgré une implication croissante des pères au cours des dernières décennies du xxe siècle et une revendication croissante d’égalité entre les deux parents, les mères restent les principales responsables des soins aux enfants. » (Gojard, 2010, p. 10-11.)
  • [22]
    Généralement parce qu’ils travaillent, mais aussi parce que certains refusent de participer à des temps où il y a uniquement des femmes. Lors des cafés des parents, les pères sont donc quasiment absents. Ils sont légèrement plus présents pour les classes ouvertes en activité. Dans l’école REP, l’un des représentants des parents d’élèves, un père, et quelques autres sont également membres de l’association de parents d’élèves de l’école privée. Toutefois, leur présence est beaucoup moins régulière lors des cafés des parents notamment.
  • [23]
    En matière de transmission de « préconisations », les écoles privées et publiques se rejoignent, tout en différant légèrement. Dans l’école privée, cela a essentiellement lieu lors des cafés des parents, qui permettent de présenter des acteurs du quartier, de proposer des discussions, etc. L’école privée montre, à cet égard, des formes d’« adaptation » aux classes populaires qui la fréquentent. Dans les écoles REP et REP+, les cafés des parents sont moins prescriptifs, en revanche, les temps de classe ouverte en activité (moins régulières toutefois) sont mobilisés comme des espaces où peuvent circuler des formes de recommandations.
  • [24]
    Extrait du carnet de terrain, cours de français dans une école REP+, 07 février 2018).
  • [25]
    Mère de trois enfants, école privée, en France depuis l’âge de 3 mois, femme au foyer, niveau scolaire troisième ; mari entrepreneur dans le bâtiment, arrivé en France à l’âge adulte. Le couple est d’origine turque. Entretien réalisé le 13 février 2018 avec une des amies de la mère, au domicile de cette dernière.
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