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Article de revue

Le manga de sport comme récit de formation pour la jeunesse au Japon

Pages 125 à 141

Notes

  • [1]
    Le terme manga désigne la bande dessinée au Japon. Celle-ci se distingue par son système de publication (en presse puis en livre) alors qu’en France la bande dessinée paraît actuellement sous forme d’album de 48 pages en couleurs.
  • [2]
    Il s’agit de la contraction de la prononciation japonaise de l’anglais sport comics et du japonais konjo-kei « motivation, dépassement de soi ».
  • [3]
    Contrairement aux catégories éditoriales désignant un lectorat privilégié (shônen pour les garçons, shôjo pour les filles), le supokon est un genre, au sens littéraire du terme. Un même auteur peut créer en parallèle un supokon pour un magazine destiné au shônen et un autre pour un magazine de shôjo manga. C’est le cas de Mitsuru Adachi avec Slow Step (1986-1991) publié dans le magazine Ciao destiné à un lectorat féminin et Rough (1987-1989) paru dans le Shônen Sunday. Tous les sports existent en manga qu’ils soient collectifs (rugby, football) ou individuels (tennis, cyclisme), perçus comme asiatiques (judo) ou occidentaux. Nous développons l’historique de ce genre dans la suite de l’article.
  • [4]
    Marc Steinberg (2012) rappelle que ces termes anglais désignent le système d’adaptation des fictions populaires au Japon. Les mangas sont ainsi adaptés sur de multiples supports : série animée, long métrage, roman, jeu vidéo.
  • [5]
    Période correspondant au règne de l’empereur Taishô entre 1912 et 1926.
  • [6]
    Tradition martiale inventée au xixe siècle, au moment même où les samouraïs ne combattent plus, le concept de bushidô (littéralement « voie du guerrier ») met l’accent sur la discipline extrême, le contrôle du corps précédant celui de l’esprit (Guttmann, Thompson, 2001).
  • [7]
    Certains écrits pour enfants ont pour thème une guerre imminente au cours de laquelle les héros doivent défendre leur nation (Griffiths, 2007). Le magazine Shônen Club était connu pour ces histoires promouvant le sacrifice pour la nation et l’émerveillement face aux territoires coloniaux en pleine expansion (Holmberg, 2013).
  • [8]
    Le héros d’Ashita no Joe (1968-1973) est un orphelin bagarreur, modèle des nombreux voyous qui seront disciplinés par une pratique sportive dans des mangas postérieurs. Souffre-douleur à l’école, le personnage d’Eyeshield 21 (2002-2009) gagne en respectabilité en devenant un athlète.
  • [9]
    Il était également connu sous les pseudonymes Kajiwara Ikki et Takamori Asaki.
  • [10]
    Dans ses mangas comme Touch (1981-1986) ou H2 (1992-1999), la relation sentimentale progresse parallèlement à la discipline corporelle du héros.
  • [11]
    Chez Adachi, les personnages sont presque toujours représentés de la même manière, un peu comme si un acteur vedette jouait le premier rôle dans tous les films d’un même réalisateur. Cette continuité graphique accentue le retour des thématiques : jumeaux, décès dans une fratrie, affirmation de soi à travers les matchs culminant en finale.
  • [12]
    Dans Slam Dunk, l’intérêt pour une jeune fille, qui pousse initialement le héros à s’engager dans un club de basket, se transforme en passion pour ce sport. Le jeune homme un peu voyou du début devient un sportif rigoureux et prêt à se sacrifier pour son équipe.
  • [13]
    Un chapitre de manga fait en moyenne 20 pages et un tome comprend 250 planches, tandis qu’un album de BD franco-belge ne comporte généralement que 48 pages.
  • [14]
    Fabriqué en 1882 par Marey, le pistolet chronophotographique permettait de prendre 12 images consécutives par seconde, toutes les images étant enregistrées sur la même photographie. Par ce biais, il a pu étudier la locomotion des animaux et des humains.
  • [15]
    La parution de Slam Dunk a ainsi duré six ans alors qu’il ne s’est écoulé que quatre mois dans la diégèse. Autrement dit, il a fallu 31 tomes d’environ 200 pages pour relater l’histoire de la transformation du néophyte en champion de basket.
  • [16]
    La finale régionale de volleyball dans Haikyû !! (2012- en cours de publication) s’étend sur cinq tomes (du chapitre 150 [volume 17] au chapitre 189 [volume 21].
  • [17]
    C’est le cas dans le dernier volume de Slam Dunk où l’auteur n’utilise plus que des cases à bord perdu dans une forme de patchwork graphique. Entre les pages 61 et 170, il n’y a plus aucune marge ni espace où placer les folios.
  • [18]
    Le dispositif du personnage témoin permet de renforcer la tension dramatique par des commentaires et des cases entièrement dédiées aux visages de spectateurs clés. Nous en développons la description dans la suite de l’article.
  • [19]
    Dans Katsu !! (2001-2005), l’héroïne esquive les poings de son adversaire. Insérés dans des cases triangulaires, les gestes de celui-ci sont à la fois mis en valeur par des lignes de vitesse et par des onomatopées. L’éditeur Pika a choisi de redessiner les sons, le « svouf » mimant le bruit du boxeur et remplaçant les caractères japonais (Adachi, 2004, p. 93).
  • [20]
    Dans le cas de Rough, l’éditeur français a choisi de garder la graphie japonaise. Le « splash » correspondant à l’entrée dans l’eau de l’héroïne championne de plongée est écrit verticalement en caractères japonais pour indiquer la trajectoire du plongeon tandis que la transcription française est écrite à l’horizontale en haut de la case (Adachi, 2005, p. 149).
  • [21]
    Dans Slam Dunk, un joueur tente un tir à trois points. À la page suivante, une planche est consacrée aux visages anxieux des joueurs de l’équipe adverse. Ils sont représentés en gros plan dans des cases trapézoïdales (Inoue, 2001, p. 104). Le chapitre s’arrête sur cet instant suspendu, la tension de ces personnages témoins fait écho à celle du lecteur impatient de connaître la suite.
  • [22]
    Pour un exemple de récit se propageant sur de multiples supports au sein du media mix voir Suvilay (2016).
  • [23]
    Haikyû !! est un exemple de supokon issu d’un manga adapté ensuite en spectacle vivant, roman, série télévisée et pièce radiophonique.
  • [24]
    Ce nombre considérable de séries sur le baseball au Japon n’est pas véritablement visible quand on examine le paysage éditorial français. Notons aussi que tous les sports n’ont pas eu une telle couverture dans les mangas, certaines disciplines n’ayant été investies que très rarement ou récemment.
  • [25]
    Voir les deux couvertures sur la page de blog suivante : https://blogs.yahoo.co.jp/y_sirais/24721981.html
  • [26]
    Il y est fait référence entre autres à Prince of tennis (tennis), Yowamushi Pedal (vélo), Hajime no Ippo (boxe), Diamond no Ace (baseball). Voir le site officiel : http://www4.nhk.or.jp/boku-man/
  • [27]
    Notons que parmi les sponsors finançant la production de l’adaptation télévisée figurent les deux sociétés produisant les ballons de volley-ball au Japon : Molten et Mikasa.
  • [28]
    On pourrait citer Olive et Tom (Captain Tsubasa, 1983-1986), Jeanne et Serge (Attacker You !, 1984-1985).
  • [29]
    Ce fut le cas pour Naruto aussi bien que One Piece, deux séries de mangas qui ne sont devenues des bestsellers qu’après la diffusion télévisuelle de l’adaptation animée en France.
  • [30]
    Seuls quelques épisodes ont été publiés en VHS en 1999. En 2003, deux DVD ont paru en version originale sous-titrée. Mais la série n’a jamais été éditée en vidéo dans son intégralité.

1Si le sport a pu être en France le sujet de diverses bandes dessinées pour la jeunesse, les aventures de Michel Vaillant ayant bercé l’enfance d’une partie du public dans les années 1960, il est au cœur d’un genre spécifique au Japon. Dans ce pays où la bande dessinée (manga) représente un quart des livres publiés [1], le sport est le thème principal du supokon[2], genre qui constituera la base de notre analyse [3]. Dans ces mangas, le corps des jeunes athlètes est soumis à des entraînements soutenus et à des matchs intenses, épreuves épiques destinées à consolider l’esprit d’équipe et à forger la détermination mentale nécessaire à la victoire. Cette représentation de la formation du champion est similaire sur bien des points à celle d’une pratique de la performance telle que la présente la philosophe Isabelle Queval (2004), la discipline du corps correspondant à un ascétisme spirituel. Elle s’en éloigne néanmoins par son caractère excessif et fantaisiste, la symbolisation graphique permettant de valoriser les gestes et les personnages dans des formes codifiées. Ces récits se propagent à travers d’autres supports par le biais du media mix[4], pratique économique de convergence de plusieurs secteurs économiques. Déclinés en dessins animés (anime), ces supokon ont pu être diffusés en dehors du marché domestique, touchant une audience jeune à laquelle ils n’étaient pas destinés mais qui a pu ressentir le même engouement que le public japonais face aux exploits sportifs des héros de papier.

2Selon Jean-Marc Lemonnier (2010), les notions de prouesse et de compétition ont été remises en question durant les Trente Glorieuses en France. Une évolution similaire s’est produite au Japon, le pathos du supokon valorisant la persévérance et la masculinité hégémonique n’entrant plus en résonance avec le jeune public (Abe, 2011). Après la Seconde Guerre mondiale, l’image du sportif a pu jouer un rôle dans la formation des employés durant la reconstruction économique (Collins, 2012). Mais la récession que connaît le Japon depuis les années 1990 a bouleversé les stratégies de carrière, même si le sport reste un élément crucial dans le système éducatif japonais pour former les jeunes hommes (Light, 2003). Quant à la notion de konjo (« volonté »), mise en valeur à travers les récits sportifs des mangas, elle semble demeurer une notion intrinsèquement liée au sport en Asie (Sugino, Okamoto, 2016). Pour expliquer la pérennité de ce type de fiction sportive pour un public jeune au Japon, il faut remonter à la tradition romanesque reflétant l’idéologie d’avant guerre concernant les activités physiques.

3Dans cet article, nous tenterons de montrer comment le manga de sport (supokon) participe à la formation de la jeunesse japonaise. On observe que ce genre élaboré avant guerre a perduré jusqu’à aujourd’hui sous la forme de séries où le retour de motifs narratifs fait partie intégrante du plaisir de la lecture, la finalité des entraînements étant assignée à des valeurs différentes selon les époques. Au niveau graphique, une série de conventions de représentation distingue le manga des autres formes de bande dessinée et confère au supokon une large gamme d’effets iconographiques afin de valoriser la performance corporelle. Enfin, en tant qu’élément participant à la couverture médiatique d’une pratique sportive, ces fictions adaptées sous diverses formes concourent à la promotion des activités physiques auprès de la jeunesse.

Valorisation narrative du dépassement de soi

4Au Japon, les pratiques sportives ont obéi à un double mouvement : une « sportification » des anciens arts martiaux et une réappropriation des sports occidentaux (Guttmann, Thompson, 2001). Forces morale et physique sont liées dans une même vision martiale de la masculinité. Sous l’ère Taishô [5], la constitution d’une idéologie nationale s’est développée parallèlement au processus de militarisation des pratiques sportives, les valeurs liées au bushidô[6] étant réactivées au sein des différents sports afin de créer un combattant modèle. La difficulté des entraînements était perçue comme nécessaire à la performance physique, elle-même considérée comme un préalable à la maîtrise spirituelle. En outre, les organisations sportives ont également joué un rôle de préparation à la conscription, la gymnastique scolaire étant synonyme de formation militaire (Abe et al., 1992).

5Durant les années 1930, le jeune public japonais pouvait suivre des récits de formation dénommés nekketsu shôsetsu (littéralement « histoires à sang chaud ») dont le but était d’inculquer des qualités guerrières au jeune lecteur, le nekketsu faisant référence à la détermination des protagonistes [7]. Ces romans de formation reflètent des pratiques sociales dans lesquelles la discipline corporelle était perçue comme nécessaire à la formation du citoyen. Dans ces mêmes magazines pour la jeunesse, étaient régulièrement publiés des récits mettant en scène des sportifs (Koishihara, 2008). Leur finalité éducative était identique : les valeurs militaires y étaient distillées à travers une séquence narrative stéréotypée, l’intrigue se concluant sur une victoire extraordinaire après une suite d’épreuves terribles à travers lesquelles le héros manifeste un courage exemplaire. Le contrôle du corps étant une propédeutique à la maîtrise spirituelle, les fictions destinées à la jeunesse servent à prescrire l’attitude du futur bon soldat en mettant en scène la formation du champion sportif.

6Après la défaite du Japon en 1945, toutes les lois fascistes ont été abolies et, sous l’occupation américaine, les exercices militaires et le bushidô ont été interdits dans les écoles. Une fois cette restriction levée en 1952, l’engouement pour les pratiques sportives a repris, favorisé par les bandes dessinées les mettant en scène (Koishihara, 2008). Aux romans de jeunesse à thème sportif d’avant guerre succèdent alors les mangas qui réexploitent en partie la progression narrative stéréotypée et les valeurs véhiculées précédemment. La transformation des corps est conservée dans ces fictions pour la jeunesse même si les motivations diffèrent. Extrêmement populaires, ces variantes du récit de formation mettent l’accent sur le travail acharné et l’intensité des entraînements, la détermination morale affichée par les personnages correspondant à celle dont doivent faire preuve les citoyens japonais durant la phase de reconstruction (Collins, 2012). Dans le sondage établi par l’hebdomadaire Shônen Jump pour définir sa ligne éditoriale, les enfants interrogés avaient répondu qu’ils souhaitaient voir développer trois concepts : l’amitié, le courage et la victoire. Ces notions sont mises en récit dans les différentes séries du magazine, notamment les supokon. Ainsi les séquences narratives issues des romans de formation d’avant guerre ont pu perdurer, les scènes attendues prenant un sens nouveau.

7Les caractéristiques souvent similaires des héros de ces supokon sont liées à un contexte de production sérielle. Réalisés rapidement pour une parution hebdomadaire ou mensuelle en magazine à raison d’une vingtaine de pages par chapitre, ces feuilletons sportifs en bande dessinée tendent à proposer les mêmes formules narratives. Les œuvres à succès générant des succédanés, la reprise de thèmes ou de motifs narratifs est perçue comme une garantie de réussite commerciale. L’ensemble produit un genre et un horizon d’attente spécifiques au Japon. Ciblant un jeune public, ces récits mettent généralement en scène des protagonistes enfants ou adolescents et leur quotidien à l’école. Les effets de réel renforcent à la fois le vraisemblable de la fiction et l’identification du lecteur. Le héros habituel est initialement dans la même situation d’ignorance que celui-ci : il découvre le sport dans lequel il va par la suite exceller. Cette position extérieure au monde sportif est souvent renforcée par une forme de marginalité sociale [8]. Même si le héros possède des qualités athlétiques exceptionnelles, il doit passer par une série d’entraînements et d’affrontements sportifs (parfois perdus) avant de devenir un véritable champion. Rite de passage, le tournoi permet au héros de se forger une nouvelle identité.

8Destinés à ne s’achever que lorsque la baisse de lectorat est trop importante, ces feuilletons potentiellement infinis reposent sur la succession d’arcs narratifs qui suivent une structure récurrente : la phase de préparation physique et mentale intense porte ses fruits lors d’un championnat ou d’une rencontre sportive remportés grâce à la technique ou à la tactique découverte durant l’entraînement. Les premiers supokon mettent l’accent sur le pathos, le sensationnel et une certaine représentation de la masculinité traditionnelle, le personnage se surpassant lors d’efforts inhumains (Abe, 2011). Ils reposent sur trois thèmes imbriqués : le développement d’un talent exceptionnel, un entraînement intensif et un entraîneur très sévère. L’auteur le plus représentatif en est Takamori Asao [9] (1936-1987), créateur de séries comme Kyojin no Hoshi (1966-1971), Ashita no Jo (1968-1973) ou Jud Itchoku-Sen (1967-1971).

9Dans les années 1980, le supokon évolue pour s’adapter à un public moins enclin à suivre les directives autoritaires d’un entraîneur paternaliste (Abe, 2011). Désormais l’accent est mis sur le travail collectif notamment dans Slam Dunk (1990-1996). Si le konjo est conservé, la figure de l’entraîneur tortionnaire disparaît au profit d’une célébration de l’émulation entre joueurs. Les membres de l’équipe de basket sont présentés lors des matchs à travers des analepses qui éclairent les motivations de chacun. D’autre part, les récits se diversifient pour se distinguer les uns des autres. Ainsi, Mitsuru Adachi a fait fortune avec ses comédies romantiques, les relations au sein d’un triangle amoureux reléguant presque le sport en arrière-plan [10].

10La structure stéréotypée du récit est essentielle dans la création du plaisir de lecture, le public attendant le retour de motifs connus et jouissant des écarts par rapport à la formule habituelle. Cette forme de plaisir est identique à celle que décrit Umberto Eco à propos de la série policière qui répond au « besoin infantile d’entendre encore et toujours la même histoire […] sous des déguisements superficiels » (Eco, 1994, p. 15). En déjouant les attentes du lectorat sans pour autant modifier fondamentalement le genre dans lequel ils s’inscrivent, les auteurs génèrent des divergences, sources de plaisir liées à la reconnaissance de la formule détournée. L’importance des motifs narratifs fait de ces mangas des mondes où le lecteur peut s’échapper de son quotidien même s’ils reposent sur une représentation rigoureuse des règles sportives.

11Favorisé par le contexte de production (délai court, moyens limités) et de diffusion (parution en feuilletons), le fonctionnement sériel engendre un plaisir de lecture reposant sur des jeux intertextuels au sein de l’œuvre (motifs se répétant avec des variations) et dans le dialogue avec les autres mangas sportifs (reprises d’éléments stéréotypés, scènes attendues) [11]. Cette combinatoire narrative est adossée à une mise en images dramatique qui rend le récit épique et héroïse le corps du jeune sportif. À travers la mise en scène des matchs, les auteurs permettent aux lecteurs adolescents de trouver un écho à leurs problèmes et leur proposent une forme de dépassement de soi. Ces récits, aussi fantaisistes soient-ils, accompagnent le lecteur dans sa formation, en lui montrant des héros exemplaires. Les rivalités sportives en recoupent d’autres et le terrain de jeu est bien souvent le lieu de l’affirmation d’un adulte en devenir [12]. Allégorie limpide d’un passage initiatique, le manga de sport prône donc la confiance en soi et l’intégration dans une communauté.

Valorisation graphique de la performance corporelle

12Afin de renforcer la dramatisation narrative, le supokon tend à spectaculariser le sport au niveau de l’image par différents procédés graphiques mettant en valeur le corps en mouvement et la transformation du jeune héros. Certains sont liés au contexte de production et de diffusion, d’autres au style de l’artiste. En se distinguant du reste de la production disponible par le caractère inédit de ses procédés graphiques, le manga devient très attractif pour le jeune public.

13Ce format permettant à l’auteur de développer son récit sur un nombre de pages plus important que dans d’autres formes de bande dessinée [13], la dramatisation du geste sportif passe par la représentation du même mouvement sur un nombre plus élevé de cases. Issue des mangas créés par Osamu Tezuka durant l’après-guerre, cette technique de mise en images est inspirée par le montage cinématographique. En exposant la même action sous différents angles de vue et en augmentant le nombre de cases imparties, la lisibilité du geste est d’autant plus grande. Thierry Groensteen (1996) donnait l’exemple d’une planche de Touch où la course du personnage est figurée en cinq cases correspondant à des angles et plans différents. Outre cette forme de renforcement par le biais de changement de cadrage, un même geste peut être décomposé en un nombre important de dessins comme si l’auteur imitait la chronophotographie d’Étienne-Jules Marey (1830-1904) [14]. Dans la typologie de Scott McCloud (2007), il s’agit des enchaînements de moment à moment avec une ellipse temporelle réduite entre les cases (voir image 1). Opérant comme des ralentis similaires à ceux que proposent les chaînes télévisées dans les retransmissions de match, ces instants dilatés à l’extrême sur un nombre important de cases peuvent faire penser à une forme de « remédiation », c’est-à-dire de transposition des codes d’un médium dans un autre support. Cette retranscription graphique est liée au fait que beaucoup d’auteurs de mangas s’inspirent de matchs réels pour leur récit. Comparable à une hyperbole en stylistique, ces amplifications mettent l’accent sur le moment important du chapitre.

Image 1
Image 1
Mitsuru Adachi, Rough, vol. 1, p. 59.
© 1987 Mitsuru Adachi/Shogakukan

14Figuré sous des angles différents ou dans de nombreuses images détaillées avec peu d’ellipses temporelles, le mouvement subit ainsi des formes d’expansion qui sont liées à la contrainte de production d’un nombre important de pages hebdomadaires [15]. L’augmentation du nombre de cases pour figurer un même instant permet également à l’auteur de retarder la suite des événements afin de générer un suspens lui permettant de fidéliser le lecteur tout en lui accordant du temps pour élaborer la suite du récit. Ce ratio entre le nombre de cases et le nombre de gestes explique pourquoi le manga se lit vite. Frederik Schodt (2002, p. 26) avait fait le calcul qu’un manga de 320 pages était lu en 20 minutes à la vitesse de 3,75 secondes par page. De façon curieuse, la vitesse de lecture est inversement proportionnelle à celle de l’action décrite [16]. Les moments clés y sont dilatés sur plusieurs pages alors que d’autres sont représentés par des ellipses. Ce rythme particulier est typique des mangas sportifs.

15Outre leur nombre, la taille et la forme des cases influent sur la lecture et la dramatisation de l’action. Les changements de cadrage et de profondeur de champ sont soulignés par le format irrégulier des cases s’adaptant au besoin de la narration au lieu de former un gaufrier régulier de rectangles comme dans la bande dessinée franco-belge. Éric Bouchard (2016) donne l’exemple d’une planche de Ping Pong de Taiyô Matsumoto où s’accumulent les cases triangulaires. De manière générale, l’éclatement de la structure de la page spécifique au manga est renforcé par les « “sorties de page”, qui mettent à mal son cadre extérieur » (Groensteen, 1996, p. 46). Les images en pleine page, ou en double page, sont fréquemment employées pour illustrer le moment fort d’un chapitre dans les mangas sportifs. La dernière image d’Ashita no Joe (représentant en pleine page le héros souriant) a marqué toute une génération de lecteurs.

16À ces formats irréguliers s’ajoute une « esthétique du copier-coller », les cases pouvant être placées sur une image de fond sur laquelle semblent reposer les autres éléments [17]. Toutes ces techniques montrent la souplesse de la mise en pages des mangas destinée à dramatiser les moments d’un match, le geste d’un personnage étant démultiplié par les angles de vue, le nombre de cases et la forme de celles-ci (image 2, p. 133). Ces dispositifs liés à la mise en images sont renforcés par trois éléments spécifiques au manga : le mouvement subjectif, les onomatopées et ce que nous nommons le procédé du « personnage témoin [18] ».

Image 2
Image 2
Haruichi Furudate, Haikyû !!, vol. 1, p. 40-41.
© 2014, Éditions Kazé

17Si, dans la bande dessinée américaine ou européenne, le mouvement d’un objet est souvent figuré par des lignes indiquant la trajectoire, dans le cas du manga, la représentation du geste s’effectue selon une méthode différente. Celui-ci est représenté par une technique nommée « mouvement subjectif », une manière de figurer le déplacement d’un objet en remplaçant l’arrière-plan par des traits parallèles ou convergents pour simuler le décor devenu flou par la vitesse de l’action. Il s’agit d’une spécificité culturelle aujourd’hui devenue plus courante dans d’autres pays. Scott McCloud (2007, p. 114) estime qu’elle s’est développée au Japon avant de devenir populaire dans les bandes dessinées occidentales durant les années 1980. D’une part, ces lignes de vitesse permettent de mettre en valeur le personnage en faisant disparaître le décor dans une forme d’arrière-plan expressionniste. D’autre part, elles sont un gain de temps pour les dessinateurs qui peuvent appliquer une trame, une feuille de calque avec des motifs qu’il suffit de découper et de coller pour former le fond de l’image. Dans un système de production extrêmement rapide où seulement quatre ou cinq jours sont consacrés au dessin et à l’encrage, cette technique présente un avantage indéniable dans la gestion des délais.

18Contribuant également à l’emphase des actions sportives, les onomatopées sont employées de manière plus systématique que dans les autres formes de bandes dessinées. Leur graphie participe en effet à la représentation du mouvement en dynamisant l’image. Elles forment une « bande son » d’autant plus étoffée que, dans la langue japonaise, de nombreux éléments peuvent être transcrits par un son, et même le silence. Groensteen (1996) a proposé d’assimiler certaines formes de sonorisation à des signes de ponctuation. Renforçant la mise en images, les sons contribuent ainsi à amplifier l’intensité dramatique, à exacerber la spectacularisation sportive. L’aspect graphique de ces onomatopées pose d’ailleurs un problème dans les traductions. Les éditeurs peuvent soit redessiner le son avec une graphie française [19], soit transcrire le son en français à côté des caractères japonais qui épousent les lignes des mouvements [20]. Des problèmes similaires se posent dans le cas des traductions américaines comme l’a montré Casey Brienza (2016) dans son étude sur les pratiques éditoriales.

19Dernier élément spécifique au manga et particulièrement employé dans le genre sportif, ce que nous désignons comme le dispositif du personnage témoin combine à la fois une mise en images et un élément métanarratif de commentaire, ces figures correspondant à un journaliste sportif ou à des spectateurs ayant un lien fort avec les protagonistes de la rencontre (adversaires, amis). Outre les discours explicatifs ou les exclamations qu’ils peuvent prodiguer afin d’éclaircir des phases de jeu, ces personnages sont utiles à la mise en images. Leurs visages anxieux, étonnés ou admiratifs sont représentés dans des séries de cases en gros plan afin de mieux faire comprendre au lecteur l’émotion suscitée [21]. Dispositif spéculaire, le personnage témoin agit comme un relais affectif face au geste extraordinaire du héros sportif.

20Dramatisés sous forme de récits sériels, mis en valeur par des procédés d’emphase graphique, les exploits du jeune héros de manga sportif rythment donc le quotidien du public. Après avoir lu son chapitre hebdomadaire, le jeune lecteur peut prolonger l’identification avec son personnage favori à travers des pratiques corporelles, la fiction étant potentiellement prescriptrice de comportements dans la vie réelle.

Écosystème médiatique promouvant les pratiques sportives

21Au Japon, la bande dessinée participe au media mix, forme de promotion fondée sur l’adaptation des récits ou des personnages fictifs à succès sur de multiples supports [22]. Initié par Osamu Tezuka avec Tetsuwan Atom durant les années 1960, ce système lie des entreprises de secteurs économiques divers dans la création d’une série animée pour la télévision (Steinberg, 2012). Généralement financé par l’éditeur du récit original, par différentes entreprises de produits dérivés (musique, jouets, jeux vidéo), par une agence de communication et une chaîne télévisée regroupés dans un comité de production, l’anime est relativement fidèle au manga original contribuant à rendre populaires ses héros sportifs. Il sert de produit d’appel pour d’autres formats, sa popularité permettant de vendre les mangas de la version originale mais aussi les musiques et autres produits dérivés. Adapté en dessin animé pour la télévision, en long métrage avec de « vrais » acteurs pour les salles de cinéma, en représentation de type théâtrale [23], le récit sportif issu d’un manga se propage ainsi dans plusieurs médias pour toucher des publics différents. Il est donc impossible d’analyser l’impact du manga sans le replacer dans un contexte de production où l’adaptation est une pratique régulière.

22De ce fait, le supokon participe à la médiatisation d’une pratique sportive même si c’est sous une forme fantaisiste et excessive. Par sa déclinaison sur de multiples supports, la fiction contribue à la visibilité et à la promotion de pratiques sportives au même titre que les retransmissions audiovisuelles de matchs ou les articles dans la presse. Analysant le succès du baseball au Japon, William Kelly (2007) estime que celui-ci a été favorisé par sa présence médiatique aussi bien dans la presse que dans les mangas. Il dénombre ainsi près de 380 mangas sur ce sport publiés entre 1948 et 1996 [24]. De même que les mangas mettent en récit, sous une forme épique, la formation de la jeunesse à des valeurs de dépassement de soi au nom de l’équipe, les récits dans la presse et l’audiovisuel tendent à dramatiser les compétitions sportives dans une forme de storytelling où s’affrontent les lycéens japonais, le stade devenant un « théâtre sportif » (Kelly, 2011). À la couverture médiatique des événements sportifs réels s’ajoutent ainsi les fictions issues du media mix dans un vaste ensemble de récits rendant les pratiques corporelles visibles et potentiellement attirantes pour un nouveau public.

23Dans une sorte de cercle vertueux, les mangas profitent également de l’attirance du public pour les sports. Par exemple, des sportifs célèbres ont été mis à contribution lors des lancements de magazines de mangas hebdomadaires en mars 1959. Asashio Tarô III (champion de sumo) est en couverture du premier numéro de Shônen Magazine de Kôdansha et Shigeo Nagashima (star de l’équipe de baseball de Tokyo) apparaît en couverture du Shônen Sunday de Shogakukan [25]. En outre, une partie des mangas s’inspire de la biographie de sportifs célèbres contemporains comme le footballeur Musashi Mizushima, modèle du héros de Captain Tsubasa (1981-1988), ou Kaori Yamaguchi, la judokate qui a inspiré Yawara ! (1986-1993). Pour Ikuo Abe (2011), le manga constitue un « lieu de mémoire », une forme de commémoration de la victoire de l’équipe de volleyball après des entraînements peu orthodoxes et contraignants. L’équipe de volley-ball féminine a d’ailleurs fait l’objet de deux séries publiées dans des magazines féminins concurrents à partir de 1968 (Macnaughtan, 2014). Reflet des pratiques sportives, ces récits contribuent à transmettre un modèle corporel et moral malgré leur dramatisation excessive liée au médium de la bande dessinée dans la presse.

24Prolongeant la couverture médiatique des événements sportifs par la télévision et la presse, ces formes de témoignages fictionnalisés de sportifs réels permettent également de recruter de nouveaux pratiquants auprès des jeunes lecteurs. Les mangas jouent un rôle de prescription, la fiction rendant séduisante l’activité corporelle par l’identification du lecteur au héros. En 2010, la fédération de basketball japonaise a reconnu l’impact du succès de Slam Dunk sur la popularisation de ce sport. En 2017, les 31 volumes de la série se sont écoulés à 157 millions d’exemplaires en ventes cumulées depuis 1990 (Kosaka, 2017). L’auteur de ce manga est également à l’origine de la bourse d’études qui a permis à un lycéen japonais de pratiquer ce sport aux États-Unis. Cet effet sur les activités sportives est commun à d’autres supokon. L’un des épisodes de la série de documentaires intitulée Sport X Manga, présentant l’influence de la bande dessinée sur les pratiques sportives [26], montre que la publication de Haikyû !! a permis la recrudescence des inscriptions en club de volleyball [27]. La fiction peut également servir de cadre de compréhension à des événements réels : la judokate Ryôko Tani a ainsi été surnommée « Yawara-chan » car elle était perçue comme l’incarnation en chair et en os du personnage de fiction.

25Sous la forme d’anime, ces récits sportifs destinés à la jeunesse ont largement été popularisés en dehors du Japon, notamment sur les chaînes de télévision françaises (en particulier La Cinq) à la fin des années 1980 avec la privatisation de l’audiovisuel public. Parmi ces séries japonaises à thème sportif, ce sont surtout celles sur le football, les arts martiaux et le volley qui ont été diffusées (Laffage-Cosnier, Inaba, 2016) [28]. Certaines n’ont été distribuées que sous leur forme audiovisuelle, le manga original n’ayant jamais été traduit. Néanmoins, ces adaptations ont contribué à propager le supokon et sa représentation codifiée du sport en dehors du Japon.

26Dans un article analysant les différences de représentation du volley-ball entre les jeunes joueurs et les entraîneurs, Pascal Duret (1991) montre comment un même anime (Jeanne et Serge) est perçu différemment par le public adulte et les jeunes téléspectateurs qui eux y voient un culte de la performance. Cette série japonaise a contribué à populariser ce sport au point que lorsque l’éditeur Kazé publie le manga Haikyû !! à partir de 2014, la Fédération française de volley-ball est partenaire de la création de pages didactiques à la fin des volumes afin d’expliquer certains postes (libéro, pointu) ou phases de jeu (attaque, block). Le manga traduit devient ainsi à la fois un instrument de promotion de la pratique et de transmission de savoirs techniques en France.

27Remarquons qu’en France le manga possède néanmoins un effet prescripteur moindre que la télévision durant les années 1990. À cette époque, l’offre télévisuelle étant restreinte, chacune des six chaînes touchait un public potentiel plus large qu’actuellement. Les séries connaissent généralement un succès en librairie après une exposition médiatique télévisée sur des chaînes non payantes [29]. Cela explique sans doute pourquoi Slam Dunk, dont l’adaptation animée n’a jamais été diffusée sur les chaînes françaises [30], est assez peu connu en France alors que la série est le troisième manga du magazine Shônen Jump à avoir dépassé les 100 millions d’exemplaires vendus au Japon dès 2004. L’impact de la diffusion télévisée se perçoit également dans les discours critiques comme le souligne Xavier Guilbert (2012) puisque les titres de mangas dont l’adaptation animée a été diffusée en France sont mieux traités que les autres.

28Même si le public français n’est pas celui auquel se destinent les mangas de sport, grâce aux différentes adaptations de ces récits sur d’autres supports, les effets d’acculturation des disciplines sportives peuvent être similaires à ceux qui existent au Japon.

Conclusion

29La pérennité du supokon et la transmission d’un culte de la performance physique comme forme de maîtrise spirituelle (lié au bushidô) s’explique par le rattachement des mangas de sport à une tradition de la littérature de jeunesse promouvant une idéologie des pratiques corporelles. Les motifs narratifs pouvant paraître stéréotypés participent à la création d’un genre médiatique dans lequel une grande partie du plaisir repose sur la reconnaissance des motifs narratifs et de leur détournement. Liée à des contraintes de production extrêmement fortes, la mise en images valorise la performance athlétique par des formes de figuration du mouvement inédites dans d’autres formats de bandes dessinées. Dramatisée au niveau du récit, mise en spectacle au niveau du graphisme, la formation du héros sportif sert de fiction didactique permettant à la fois de refléter des activités réelles et de recruter de nouveaux pratiquants.

30Produit culturel japonais reproduisant l’évolution des pratiques sociales sous une forme altérée par la logique sérielle de la production de masse en presse, le manga de sport est diffusé au-delà de son aire domestique et il faudrait sans doute approfondir l’étude de sa réception transnationale afin de montrer les malentendus interculturels et les potentiels problèmes d’interprétation par un public ne connaissant pas le contexte original de sa création.

Bibliographie

Bibliographie

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Notes

  • [1]
    Le terme manga désigne la bande dessinée au Japon. Celle-ci se distingue par son système de publication (en presse puis en livre) alors qu’en France la bande dessinée paraît actuellement sous forme d’album de 48 pages en couleurs.
  • [2]
    Il s’agit de la contraction de la prononciation japonaise de l’anglais sport comics et du japonais konjo-kei « motivation, dépassement de soi ».
  • [3]
    Contrairement aux catégories éditoriales désignant un lectorat privilégié (shônen pour les garçons, shôjo pour les filles), le supokon est un genre, au sens littéraire du terme. Un même auteur peut créer en parallèle un supokon pour un magazine destiné au shônen et un autre pour un magazine de shôjo manga. C’est le cas de Mitsuru Adachi avec Slow Step (1986-1991) publié dans le magazine Ciao destiné à un lectorat féminin et Rough (1987-1989) paru dans le Shônen Sunday. Tous les sports existent en manga qu’ils soient collectifs (rugby, football) ou individuels (tennis, cyclisme), perçus comme asiatiques (judo) ou occidentaux. Nous développons l’historique de ce genre dans la suite de l’article.
  • [4]
    Marc Steinberg (2012) rappelle que ces termes anglais désignent le système d’adaptation des fictions populaires au Japon. Les mangas sont ainsi adaptés sur de multiples supports : série animée, long métrage, roman, jeu vidéo.
  • [5]
    Période correspondant au règne de l’empereur Taishô entre 1912 et 1926.
  • [6]
    Tradition martiale inventée au xixe siècle, au moment même où les samouraïs ne combattent plus, le concept de bushidô (littéralement « voie du guerrier ») met l’accent sur la discipline extrême, le contrôle du corps précédant celui de l’esprit (Guttmann, Thompson, 2001).
  • [7]
    Certains écrits pour enfants ont pour thème une guerre imminente au cours de laquelle les héros doivent défendre leur nation (Griffiths, 2007). Le magazine Shônen Club était connu pour ces histoires promouvant le sacrifice pour la nation et l’émerveillement face aux territoires coloniaux en pleine expansion (Holmberg, 2013).
  • [8]
    Le héros d’Ashita no Joe (1968-1973) est un orphelin bagarreur, modèle des nombreux voyous qui seront disciplinés par une pratique sportive dans des mangas postérieurs. Souffre-douleur à l’école, le personnage d’Eyeshield 21 (2002-2009) gagne en respectabilité en devenant un athlète.
  • [9]
    Il était également connu sous les pseudonymes Kajiwara Ikki et Takamori Asaki.
  • [10]
    Dans ses mangas comme Touch (1981-1986) ou H2 (1992-1999), la relation sentimentale progresse parallèlement à la discipline corporelle du héros.
  • [11]
    Chez Adachi, les personnages sont presque toujours représentés de la même manière, un peu comme si un acteur vedette jouait le premier rôle dans tous les films d’un même réalisateur. Cette continuité graphique accentue le retour des thématiques : jumeaux, décès dans une fratrie, affirmation de soi à travers les matchs culminant en finale.
  • [12]
    Dans Slam Dunk, l’intérêt pour une jeune fille, qui pousse initialement le héros à s’engager dans un club de basket, se transforme en passion pour ce sport. Le jeune homme un peu voyou du début devient un sportif rigoureux et prêt à se sacrifier pour son équipe.
  • [13]
    Un chapitre de manga fait en moyenne 20 pages et un tome comprend 250 planches, tandis qu’un album de BD franco-belge ne comporte généralement que 48 pages.
  • [14]
    Fabriqué en 1882 par Marey, le pistolet chronophotographique permettait de prendre 12 images consécutives par seconde, toutes les images étant enregistrées sur la même photographie. Par ce biais, il a pu étudier la locomotion des animaux et des humains.
  • [15]
    La parution de Slam Dunk a ainsi duré six ans alors qu’il ne s’est écoulé que quatre mois dans la diégèse. Autrement dit, il a fallu 31 tomes d’environ 200 pages pour relater l’histoire de la transformation du néophyte en champion de basket.
  • [16]
    La finale régionale de volleyball dans Haikyû !! (2012- en cours de publication) s’étend sur cinq tomes (du chapitre 150 [volume 17] au chapitre 189 [volume 21].
  • [17]
    C’est le cas dans le dernier volume de Slam Dunk où l’auteur n’utilise plus que des cases à bord perdu dans une forme de patchwork graphique. Entre les pages 61 et 170, il n’y a plus aucune marge ni espace où placer les folios.
  • [18]
    Le dispositif du personnage témoin permet de renforcer la tension dramatique par des commentaires et des cases entièrement dédiées aux visages de spectateurs clés. Nous en développons la description dans la suite de l’article.
  • [19]
    Dans Katsu !! (2001-2005), l’héroïne esquive les poings de son adversaire. Insérés dans des cases triangulaires, les gestes de celui-ci sont à la fois mis en valeur par des lignes de vitesse et par des onomatopées. L’éditeur Pika a choisi de redessiner les sons, le « svouf » mimant le bruit du boxeur et remplaçant les caractères japonais (Adachi, 2004, p. 93).
  • [20]
    Dans le cas de Rough, l’éditeur français a choisi de garder la graphie japonaise. Le « splash » correspondant à l’entrée dans l’eau de l’héroïne championne de plongée est écrit verticalement en caractères japonais pour indiquer la trajectoire du plongeon tandis que la transcription française est écrite à l’horizontale en haut de la case (Adachi, 2005, p. 149).
  • [21]
    Dans Slam Dunk, un joueur tente un tir à trois points. À la page suivante, une planche est consacrée aux visages anxieux des joueurs de l’équipe adverse. Ils sont représentés en gros plan dans des cases trapézoïdales (Inoue, 2001, p. 104). Le chapitre s’arrête sur cet instant suspendu, la tension de ces personnages témoins fait écho à celle du lecteur impatient de connaître la suite.
  • [22]
    Pour un exemple de récit se propageant sur de multiples supports au sein du media mix voir Suvilay (2016).
  • [23]
    Haikyû !! est un exemple de supokon issu d’un manga adapté ensuite en spectacle vivant, roman, série télévisée et pièce radiophonique.
  • [24]
    Ce nombre considérable de séries sur le baseball au Japon n’est pas véritablement visible quand on examine le paysage éditorial français. Notons aussi que tous les sports n’ont pas eu une telle couverture dans les mangas, certaines disciplines n’ayant été investies que très rarement ou récemment.
  • [25]
    Voir les deux couvertures sur la page de blog suivante : https://blogs.yahoo.co.jp/y_sirais/24721981.html
  • [26]
    Il y est fait référence entre autres à Prince of tennis (tennis), Yowamushi Pedal (vélo), Hajime no Ippo (boxe), Diamond no Ace (baseball). Voir le site officiel : http://www4.nhk.or.jp/boku-man/
  • [27]
    Notons que parmi les sponsors finançant la production de l’adaptation télévisée figurent les deux sociétés produisant les ballons de volley-ball au Japon : Molten et Mikasa.
  • [28]
    On pourrait citer Olive et Tom (Captain Tsubasa, 1983-1986), Jeanne et Serge (Attacker You !, 1984-1985).
  • [29]
    Ce fut le cas pour Naruto aussi bien que One Piece, deux séries de mangas qui ne sont devenues des bestsellers qu’après la diffusion télévisuelle de l’adaptation animée en France.
  • [30]
    Seuls quelques épisodes ont été publiés en VHS en 1999. En 2003, deux DVD ont paru en version originale sous-titrée. Mais la série n’a jamais été éditée en vidéo dans son intégralité.
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