Notes
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[1]
Nous tenons particulièrement à remercier Christophe Niewiadomski, professeur des universités (CIREL, Lille-III), pour la guidance et la relecture critique de cet article.
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[2]
Nous entendons par « santé sociale » le sentiment de bien-être et d’aisance interactionnelle d’un individu ou d’un groupe d’individus dans une société donnée. Cette notion est basée sur l’indicateur de santé sociale (ISS) qui rassemble 14 indicateurs, en tenant notamment compte de différents aspects relatifs au travail, au revenu, à l’éducation, à la santé, au logement, à la sécurité ou encore au lien social et interindividuel. Cet indicateur a été expérimenté par Florence Jany-Catrice et Rabih Zotti (2010) dans l’article « Les régions françaises face à leur santé sociale », publié le 28 mai 2010 sur le site de l’Institut pour le développement de l’information économique (IDIES).
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[3]
Nous mobilisons le terme de « ghetto » dans son acception française qui le définit davantage dans une dimension intériorisée que territorialisée. C’est-à-dire que le ghetto n’est pas simplement un territoire dégradé et abandonné, mais peut se vivre dans la « peau des jeunes » (au sens de Lapeyronnie, 2008) en prenant la forme d’un sentiment de sous-hiérarchisation sociale.
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[4]
Le modèle allostérique se fonde sur la non-linéarité de l’acquisition des savoirs et intègre quatre éléments essentiels pour apprendre : l’influence de l’environnement, les structures de pensée préexistantes, la dimension dynamique et systémique de l’élaboration des savoirs et les nivellements d’apprentissages).
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[5]
Nous avons anonymisé le prénom de la personne citée.
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[6]
Le quartier de l’étude comprend des résidences étudiantes situées près du centre hospitalier universitaire régional (CHRU). Ces résidences sont largement investies par des jeunes inscrits dans les universités de la métropole lilloise. Les jeunes dont il est question ici se servent de cette situation pour camoufler leur lieu de domiciliation.
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[7]
Les 25 jeunes ciblés par notre article correspondent globalement à un public qui ne rencontre pas ou peu de difficultés scolaires ou de primo-insertion professionnelle, et qui n’est pas déviant.
1Nous proposons de montrer de quelle façon le fait d’être stigmatisé en tant que jeune issu des « quartiers » peut devenir une source de savoirs, voire constituer un tuteur d’apprentissage positif [1]. L’appellation « jeunes des quartiers » renvoie à une catégorisation socialement dévalorisée qui véhicule une imagerie négative stéréotypée (Marlière, 2014). Ces représentations sont majoritairement axées sur la déviance, le désordre, la vulnérabilité sociale et comportementale, l’oisiveté et sur l’origine ethnique associée à la carence d’intégration dans la société française. Elles tendent à montrer de manière homogénéisante « ces » jeunes, comme si tous ressentaient les mêmes besoins, avaient des caractéristiques identiques et étaient universellement assignés à subir le stigmate sans en apprendre quelque chose ; le stigmate étant en effet très souvent associé à l’absence de savoirs, voire à la notion de non-apprentissage.
2Il est certes acquis que les mécanismes de stigmatisation ont des effets néfastes sur la santé sociale [2] des populations et qu’ils contribuent à favoriser des phénomènes de mésestime notamment chez les jeunes vivant dans les quartiers périphériques des villes (Bailleul, 2013). Pourtant, vivre au jour le jour avec ce stigmate peut paradoxalement être source de négociation active. Ce contrebalancement développé par certains jeunes induit des situations d’apprentissage qui produisent des savoirs de résistance permettant de « vivre avec » ou d’aboutir à l’inversion d’une prétendue faiblesse en ressources.
3Ainsi, « l’image de mauvaise réputation » (Avenel, 2010) est souvent conscientisée par les « jeunes des quartiers », et renverser cette « réalité virtuelle » imposée par le stigmate (Goffman, 1975) peut être un cheminement vers la construction de nouveaux savoirs basés sur une expérience négative que l’individu a réussi à sublimer. De là naît l’idée que la notion d’apprentissage vers l’émergence de savoirs se nourrit d’une expérimentation pratique de l’environnement de vie, des interactions sociales et de « soi-même ». Identifier les obstacles et les réussites, « ce qui va » et « ce qui ne va pas », leur permet de développer des tactiques (Baeza, 2010) qui peuvent leur être utiles pour décrypter leur vie quotidienne. Cela implique aussi une certaine autonomie des jeunes face à la figure ankylosée du « subissant » véhiculée par la stigmatisation.
4C’est donc à travers un prisme original que nous avons choisi de présenter la population des « jeunes des quartiers » en mettant en lumière les différentes formes de savoirs dont ils font preuve pour non seulement lutter contre la dynamique d’assignation sociale mais aussi pour la magnifier. Comment, en effet, à leur manière, certains jeunes confrontés au stigmate peuvent-ils adopter des stratégies d’« autoformation » et comment ces savoirs peuvent-ils être porteurs de sens à valeur pratique et existentielle ? Plus précisément, comment ces jeunes prennent-ils conscience des savoirs qu’ils acquièrent en modelant le stigmate ? Et comment peuvent-ils, paradoxalement, en tirer profit afin d’acquérir de nouveaux savoirs stables et durables, inscrits dans des stratégies innovantes d’adaptation qui les rendent plus forts ?
5Alors que la plupart des études les présentent comme des victimes « dépassées », nous proposons ici de questionner cette idée en montrant comment et en quoi « ces » jeunes perçoivent l’émergence de nouveaux savoirs à partir d’expériences vécues ou observées dans « leur réserve de connaissances » face au stigmate (Delory-Monberger, Hess, 2001), et à travers la violence ressentie dans leur être et partagée dans les interactions entre pairs. Nous ferons l’hypothèse que certains « jeunes des quartiers », tout en vivant au quotidien avec le stigmate, dépassent le sentiment de soumission et parviennent à construire de nouvelles aptitudes qui leur sont profitables individuellement mais aussi collectivement. Nous verrons que l’hétérogénéité des « jeunes des quartiers » s’illustre aussi par une graduation de leur réflexivité quant à l’émergence de nouveaux savoirs.
6En convoquant les quatre étapes du processus d’apprentissage expérientiel de David A. Kolb (1984), nous proposons de montrer dans une première partie que le stigmate est d’abord une situation désagréable, vécue et conscientisée en tant que telle. Dans une seconde partie, nous verrons que les jeunes étudiés dans notre enquête ne restent pas passifs et développent une réflexivité qui donne sens au stigmate. Enfin, dans une troisième partie, nous montrerons que ces jeunes négocient et contournent les effets de la stigmatisation.
Méthodologie
Une première enquête qualitative, que nous avons réalisée entre 2006 et 2011 dans un « quartier sensible » de la commune de Lille, a principalement mis en évidence que l’intériorisation du stigmate par les jeunes avait des influences sur les mécanismes d’appropriation et de revendication territoriales (Bailleul, 2011) et que le stigmate demeurait un lourd fardeau pour la majorité des interrogés, qui l’appréhendent majoritairement comme un fait non profitable.
Pour affiner cette analyse, dans le cadre de l’objet de cet article, nous avons dégagé une portion de 25 jeunes parmi un échantillon initial de 64 individus âgés de 13 à 25 ans, à partir de deux critères d’inclusion : avoir conscience que leur territoire de vie véhicule une image négative et exprimer le sentiment d’avoir tiré profit de l’expérience du stigmate. Il s’agit de 15 filles et de 10 garçons âgés de 16 à 23 ans fréquentant de près ou de loin une structure socio-éducative implantée dans le territoire d’étude [*].
Nous avons conduit des entretiens semi-directifs d’une trentaine de minutes chacun. En filigrane, un travail ethnographique a été mis en œuvre comprenant l’observation participante et l’observation flottante (Peretz, 2004), toutes deux permises par notre ancrage pendant plus de dix ans dans le quartier, en tant que cadre socio-éducatif. Nous participions ainsi, autant que possible, aux différents temps d’accueil proposés par la structure de proximité : accueil de loisirs, séances d’accompagnement à la scolarité, accueil périscolaire, accueil de type foyer et sorties. Cela nous a permis d’obtenir un matériau fidèle et précis de l’expérience de vie des adolescents ou des jeunes adultes.
Construire des savoirs par l’expérience du stigmate
7Le processus d’apprentissage (Kolb, in Landry, 1989) positionne l’expérience comme une épreuve, un passage formateur à condition que celle-ci soit pensée, conscientisée. Ce processus se construit dans une optique organisationnelle permettant à l’individu d’apprendre de son environnement grâce au contact direct ancré dans une démarche réflexive. Tout savoir provient des expériences vécues et se valide en étant confronté à d’autres situations plus ou moins identiques. Pour être en mesure d’apprendre de l’expérience, David A. Kolb a identifié quatre phases. Il s’agit tout d’abord de vivre une situation concrète dans laquelle la personne est directement impliquée. La deuxième étape consiste à retenir de cette situation des choses utiles au regard de ce qui se vit pour extraire, dans un troisième temps, des logiques explicatives qui seront utiles ultérieurement (des règles et des principes stables par exemple). La quatrième phase est celle de l’expérimentation active ; c’est-à-dire que l’individu va procéder à une vérification de ses acquis soit en les mobilisant de nouveau, soit en les modifiant au test du réel et dans d’autres contextes. Il s’agit en fait d’immersions pratiques qui vont à la fois valider des hypothèses personnelles et amener à en déduire d’autres. Le savoir est ici mouvant. Parfois, il se caractérise plus du côté de l’idée que les jeunes ont du stigmate ; à d’autres occasions, les savoirs sont à dominante pratique. Ceux-ci s’exercent en situation lorsque les jeunes apprennent à avoir confiance en eux, seuls ou en groupe, dans des contextes déstabilisateurs, pour enfin pouvoir se transformer en valeurs et devenir ce que nous nommons dans cette enquête des « savoirs existentiels ». Autrement dit, avoir conscience d’être né·e dans un quartier « sensible » et savoir où sont ses racines.
8L’ensemble de ces savoirs s’inscrit dans une unité de logique qui se conserve et se consolide au fur et à mesure de ses répétitions. Les jeunes apprennent par essais, erreurs et tâtonnements. Construire des savoirs face au stigmate renverrait à apprendre habilement dans un contexte défavorable.
9Vivre avec le stigmate, c’est être confronté quotidiennement à un ensemble de présupposé(s) d’attribut(s) négatif(s) , l’attribut pouvant être défini comme constituant « un écart par rapport aux attentes normatives des autres » à propos de l’identité de la cible du stigmate » (Nizet, Rigaux, 2005, p. 26). De ce point de vue et au prisme de notre sujet, cet attribut apparaît ici associé à la délinquance et/ou à la déviance, en ce sens qu’il évoque pour les « non-déviants » des conduites amorales qu’il ne faudrait absolument pas suivre. Plus précisément, cette vision contribue à discréditer socialement le jeune et nuit à son acceptation dans la société. La question du stigmate sous-entend le rapport dissymétrique entre les stigmatisés et ceux qui stigmatisent, notamment par le biais de la construction médiatique qui considère « cette jeunesse » comme singulière. Si le stigmate peut être caractérisé comme une construction extérieure, il entre aussi dans un mécanisme d’intériorisation. Ainsi, il affecte le rapport avec soi-même et accentue la distance avec les autres. Ce qui peut renvoyer à un sentiment de marginalisation.
10Ces processus d’assignation négative se croisent avec la théorie de l’étiquetage (labelling theory, Becker, 1985), qui place en effet les normes comme définissant des situations et des modes du comportement appropriés à ces dernières ou déviantes. Être étiqueté·e comme « jeune des quartiers » renvoie à une certaine rupture de confiance de la part de la société, ce qui favorise le développement d’une suspicion continue qui tend à entretenir l’image de la mauvaise réputation. C’est ainsi que l’individu étiqueté aura tendance à être constamment observé selon un parti pris négatif. Le postulat ainsi dégagé contribue donc à la confirmation par les autres d’une identité déviante, en l’occurrence celle de « jeune des quartiers ».
11Le sentiment de disqualification sociale est ainsi souvent exprimé (Paugam, 2000). En ce sens, certains jeunes ont l’impression de ne pas être considérés, voire se sentent ghettoïsés [3], notamment par le biais de la discrimination ethnique. Un jeune garçon de 20 ans déclare ainsi : « On est vus que comme des Arabes. […] On est pas des jeunes, on est des Arabes. »
12Pourtant, dans un tel contexte parfois dominé par le racisme, les jeunes de l’enquête construisent des savoirs dans une optique organisationnelle induite par des besoins d’adaptation tant comportementaux, affectifs que cognitifs. Ce modèle allostérique [4] (Giordan, Vecchi, 1987) avancé ici permet d’interroger le fait que, dans le contexte de cette étude, conscientiser son vécu offre aux jeunes la possibilité d’enrichir et de modifier leurs systèmes de croyance et d’interprétation dans un environnement qui n’est pas particulièrement favorable. Les jeunes de notre étude évoquent et prennent en compte le fait d’être majoritairement stigmatisés lorsqu’ils sortent du quartier seuls ou en groupe, à l’occasion d’interactions avec l’administration, pour l’accès aux loisirs, au moment d’un achat ou lors d’un soin médical. Si les formes d’apprentissage et d’adaptation sont inscrites dans l’individualité, la socialisation de l’épreuve entre pairs constitue également une source de savoirs qui vient conforter ou relativiser les tactiques des jeunes. En étant quotidiennement confrontés au stigmate, les jeunes de cette enquête sont en situation d’adaptation perpétuelle, voire de résistance, puisqu’ils ont incorporé la « carrière d’un stigmatisé ».
13Ainsi, les jeunes développent des tactiques conscientisées qui démontrent la formation de savoirs réfléchis, nourris de leurs expériences. Ils parviennent en partie à ne pas être influencés par l’image négative à laquelle ils sont confrontés :
« Je sais quoi dire maintenant. Je sais que quand on se défend, ils insistent pas, ça marche toujours, je prends ma distance maintenant, sinon je vis plus. »
15Les jeunes sont concrètement exposés aux effets du stigmate :
« J’ai quand même mis pas mal de temps, c’est con je sais, mais, comment dire ? Avant, je le ressentais moins, mais, maintenant, je le sens plus, de me sentir arabe, étrangère. En fait, c’est les gens qui me rappellent ça ! J’ai l’impression qu’il y a un panneau sur mon dos que je ne vois pas et qui dit aux autres “Attention, elle est pas comme nous”. »
17Cette jeune fille est confrontée au stigmate au quotidien lorsqu’elle ressent la différence et le rejet. Les jeunes identifient et racontent très facilement une ou plusieurs situation(s) qui les ont particulièrement marqués.
« J’ai un exemple de l’autre fois. L’autre fois, j’étais à la police pour demander une autorisation de sortie de territoire avec le collège. Il m’a demandé si j’étais français. J’ai dit “ben oui !” Il m’a dit que ça ne se voyait pas ! […] Je vois que si t’es pas blanc et ben les gens ils pensent que t’es pas français. J’ai donc montré ma carte [d’identité] et il m’a regardé et il a dit “En plus t’es de là-bas”. J’avais trop l’impression d’être de l’espace ! Franchement, je comprenais pas trop ce qui m’arrivait, mais j’ai bien compris maintenant. »
19Ce genre de souvenir désagréable est souvent partagé avec le groupe de pairs, qui identifie aussi des expériences comparables vécues à plusieurs :
« On était à trois copines, l’autre fois, et on s’est fait traiter de soumises par d’autres filles. […] On en a reparlé entre nous et honnêtement ça nous a dégoutées alors qu’on les avait même pas provoquées. […] Ça nous a marquées d’être traitées comme ça ! »
21L’expérience du stigmate renvoie essentiellement à une expérience pénible, déstabilisante, voire humiliante, ancrée ici dans une discrimination ethnique. Cette pratique du stigmate entraîne une focalisation sur une problématique plus ou moins partagée, une question à laquelle les jeunes de l’étude sont confrontés individuellement ou de façon plus collective. Mais ils ne sont pas pour autant passifs face à ces difficultés. Ils expérimentent activement au lieu de se placer en situation de récepteurs de l’expérience des autres. Ils développent ainsi une réflexion critique qui engage une analyse plus ou moins fine de la situation ou du moins des types de situations rencontrées.
Expérience et réflexivité vis-à-vis du stigmate
22À partir de ces expériences négatives du stigmate, les jeunes développent une réflexion, analysent, discutent et critiquent certains éléments de la situation qui leur posent question :
« Tout le monde parle d’ici [le quartier]. Il est trop mal vu. Ils disent que c’est pourri. Quand tu sors d’ici, les gens ils te regardent chelou ou ils te parlent comme un chien. C’est pas que des discours que j’ai entendus ! »
24À cette image négative s’ajoute la relégation de la personne :
« L’autre fois, à la boulangerie [extérieure au quartier], la vendeuse, elle a dit à l’autre vendeuse, je l’ai entendue : “Elles parlent arabe celles-là, on est en France !” C’est vrai, je disais quelques mots du bled mais bon c’est pas facile à entendre. […] Avant, j’aurais été vraiment mal, j’aurais pas réussi à entendre ça, soit je me serais barrée, soit… Je sais pas mais en tout cas, j’aurais été vraiment mal. Maintenant, j’ose affronter, on va dire, et je passe au-dessus. »
26Parfois, ces jeunes décortiquent les conditions de l’expérience concrète et en ciblent certains aspects qu’ils jugent positifs ou négatifs, intéressants ou non dans la séquence donnée. Ces réflexions sont discutées entre copines et/ou copains. Ils en dégagent des pistes communes d’explications et/ou d’analyses ou bien confrontent leurs points de vue.
« J’en ai parlé aux gars [ses amis] et ils me disent que pour eux c’est pareil ; qu’il ne fallait pas être étonné de ça, surtout quand t’es chez la police. […] Un pote m’a dit plutôt que c’est parce que j’ai le look “banlieue”, même si j’étais français [il veut dire “blanc”], il m’aurait regardé de travers et pris pour un chien. […] Moi, je dis que c’est les deux. »
28À partir de ce constat, ils donnent du sens au stigmate en l’observant activement et l’orientent dans une volonté d’éclaircissement de l’expérience vécue. Une jeune fille de 18 ans évoque ainsi une situation dans laquelle elle s’est sentie montrée du doigt lors d’un séjour touristique.
« J’ai capté en fait ce qui s’est passé. La dame de l’accueil, elle nous a vus arriver et elle a changé de tête. […] Elle a capté qu’on parlait à la mode cité, qu’on était pas blanches et que des copines, elles avaient le voile. Je crois que c’est ça qui coinçait. […] Moi, maintenant, je sais ce que c’est d’être vue comme une fille des cités. »
30Ces points de vue sont parfois croisés et débattus entre pairs pour mieux comprendre la situation.
« On commence à savoir ce qui ne va pas. […] J’en ai bien parlé avec deux amies. On a fait une sorte d’expérience de laboratoire [rires]. Moi, je ne mets pas toujours le voile quand je sors du quartier et j’ai remarqué avec X [5] que quand je l’avais on me tutoyait et, même, j’exagère pas, on me parlait mal. […] Et dans le même magasin, quand je ne mets pas mon voile et ben on est plus aimable. C’est X, elle me l’a dit, mais moi, j’ai pas fait attention que la serveuse elle m’avait dit “vous”. »
32La transition entre l’observation réflexive et la conceptualisation abstraite amène les jeunes isolément ou collectivement (plutôt en duo ou trio) à identifier plus précisément un agglomérat de causes pouvant expliquer le déroulé de la situation. Les jeunes de l’enquête élaborent ainsi une théorie personnelle qu’ils s’efforcent d’appliquer à d’autres contextes plus ou moins identiques. Cette généralisation leur permet d’enrichir leur laboratoire personnel pour tester différentes hypothèses ou raisons leur permettant d’éviter ou de reproduire certains comportements. Ils adoptent en quelque sorte des conduites de description, d’analyse, d’évaluation et d’interprétation de l’expérience vécue, à l’instar de cette jeune fille citée précédemment.
33Ainsi, ils ont tendance à favoriser l’occurrence de situations dans lesquelles ils sont à l’aise en développant des comportements distanciés et affirmés par rapport au stéréotype du « jeune des quartiers ». L’apprentissage dont il est question peut, par certains aspects, renvoyer à la notion du « conditionnement opérant » (Skinner, 1938). Il s’agit surtout ici de rationnaliser son ressenti et de tirer une leçon plus globale de l’expérience. Les jeunes essaient d’élargir leur compréhension depuis une situation ciblée jusqu’à la conceptualisation d’un phénomène plus général, ce qui leur demande de franchir l’étape qui va de la réflexion concrète sur un événement particulier à une projection plus abstraite. L’enjeu est ici de se sentir relativement « à l’aise » avec le stigmate en y apportant des éléments de définition :
« J’ai appris qu’il ne fallait pas par exemple s’habiller comme dans ce qu’ils [les médias] montrent à la télé, pas parler à la mode quartier, insister sur les « e » à la fin des mots, par exemple pour un entretien ou un autre truc important. […] En gros, il faut faire plaisir au mec qui est devant toi, il faut, euh, oui, il faut lui plaire et comment dire… euh, marquer des points pour faire oublier que tu viens d’un quartier, sinon t’es tout de suite out, tu te nourris de tes erreurs que t’as pu faire avant. »
Contournement et renversement du stigmate
35Apprendre du stigmate en l’expérimentant activement, c’est en connaître finement les attributs pour mieux planifier ses comportements et être plus « efficace » dans une situation inédite.
36Les jeunes concernés par notre analyse apprennent à tirer avantage des portées du stigmate et en reconnaissent les conséquences négatives sur leur vie.
« J’ai compris que tu peux faire tout ce que tu veux, si tu fais pas le mytho, t’es foutu par exemple pour un stage. Je donne, moi, l’adresse de mon père qui vit pas ici, comme ça, c’est déjà une balle en moins. […] Et puis, pareil pour ton nom, si ton nom il est arabe, tu dis dans la conversation, même tu inventes, on s’en fout ! Que par exemple, du genre “ma copine Stéphanie m’a montré le chemin, elle est venue me conduire”. En gros, il faut un nom bien français qui les rassure ! [Rires.] »
38Ils s’ajustent aux exigences attendues d’une réalité discriminante, notamment pour les questions d’insertion professionnelle. En tenant une position rusée, ces jeunes montrent que, seuls ou en groupe, ils décodent et s’approprient pragmatiquement les bons et les mauvais comportements que la société normative attend d’eux.
« On a dû aller déposer des lettres [des CV] pour un petit boulot. […] On est passés par la piscine pour se changer moi et un pote. On avait pris des pantalons chics dans nos sacs à dos et des shoes classes. C’était tout chiffonné, la honte ! Les gars [ses copains du quartier] au moins ils nous ont pas vus ! […] On a bien plaqué nos cheveux et j’ai mis une montre pour la première fois ! Elle ne marche pas mais ça faisait bien ! […] Quand on a donné nos lettres, on s’est présenté à l’américaine ! X m’a dit qu’il fallait dire qu’on était logés dans une résidence étudiante s’ils faisaient une drôle de tête en voyant l’adresse du quartier [6]. »
40En d’autres termes, ces jeunes recherchent la résolution d’une carence identifiée, d’un déficit d’image. Ces nouveaux savoirs pratiques renvoient à un ensemble de mécanismes cognitifs inconscients dont font preuve les jeunes pour réduire ou supprimer tout élément nuisible à leur bien-être physique et psychologique. Ces apprentissages démontrent une appropriation de leur environnement puisqu’ils manipulent l’interaction sociale dans une quête d’efficacité.
« Moi, je dis tout de suite qu’il ne faut pas me juger comme ça mais qu’il faut me donner ma chance, que je suis, vif, démerdard et que je me débrouille vite. Je fais mon rusé et souvent le gars ou la meuf devant moi, elle se met à ma place et elle a, comment dire, pitié ! Car elle aimerait pas être à ma place je crois ! »
42Ces multiples situations décrites témoignent de la capacité de ces jeunes à construire des savoirs en transférant ce qu’ils ont compris et ce qu’ils jugent efficaces lorsqu’ils sont confrontés à l’imagerie négative du stigmate.
43En filigrane, ces mises en réflexivité attestent une connaissance fine des principaux attributs du stigmate. Certains jeunes revendiquent cette imagerie négative et ce, souvent, avec humour et dérision. Cette attitude combative leur permet, dans l’action, de mobiliser le ou les signe(s) victimaire(s) le(s) plus efficient(s)à dans un contexte donné, pour le(s) décrédibiliser ou du moins le(s) minorer.
« Souvent, ils nous prennent pour des voleurs, le gros cliché, des fainéants qui n’arrivent pas à se lever le matin, du genre que tu te lèves à 12 h tous les jours, que tu voles les scooters et que tu agresses les vieux dans la rue ! [Rires.] […] Je sais maintenant qu’il faut en jouer de tout ça et que… je vais donner un exemple. […] Par exemple, j’ai eu mon job, mon premier, on va dire grâce à ça ! La responsable, direct, elle m’a vu rentrer, elle a changé de tête, sérieux ! J’avais exprès mal photocopié mon CV, comme ça on arrive pas bien à lire mon nom. […] J’ai dit en rigolant qu’elle ne devait pas avoir peur et qu’aujourd’hui, c’était un vendredi, que le vendredi, je suis pas méchant [rires] et que j’avais volé seulement dix mobylettes dans ma vie ! [Rires.] J’ai jamais fait la moindre connerie en fait ! Elle a compris mon humour, mais ça passe ou ça casse ! […] Je lui ai dit franchement que je galérais à trouver un emploi et qu’il faut me laisser une chance, que j’ai la niaque ! Ça a marché ! »
45Ces propos marquent les tensions entre l’identité sociale virtuelle du jeune (la déviance) et ses habilités ici développées, qui esquissent une identité sociale réelle bien différente, et notamment qu’il peut être digne de confiance.
46En dépit des processus de disqualification sociale à l’œuvre, certains jeunes avancent l’idée qu’ils se sentent plus forts :
« Je me sens plus forte en vivant ici. Je sais d’où je viens, je sais que j’ai des valeurs et que je dois vivre avec. […] C’est un truc en plus, ça m’a forgé plein de choses, c’est un mal pour un bien, on va dire comme ça ! »
48Le vécu du stigmate leur apporte, dans certaines circonstances, une stabilité émotionnelle orientée vers l’avenir :
« Je sais que je serai sûrement plus costaud, plus battante que d’autres. Ça se voit dans ma vie, je suis plus résistante, j’ai connu des choses, je sais d’où je suis née. Je m’en suis pris quand même et j’ai réussi, on va dire, à ne plus être emmerdée avec cette image ! »
50Cette victoire contribue à adopter une philosophie de vie ancrée dans la connaissance de soi. Les jeunes réfléchissent non seulement à leur façon d’agir, d’apprendre et d’entreprendre, mais aussi orientent et donnent du sens à leur projet de vie.
« C’est bizarre mais, vivre ici, ça m’a donné une certaine chance, un autre rapport dans la vie. J’ai appris beaucoup de choses et je sais maintenant que ça m’a apporté quelque chose. […] Par exemple, j’aimerais travailler dans les luttes contre les discriminations, entrer dans des assos de lutte contre le racisme, etc. Me donner à fond ! […] Je sais ce que je vais faire dans ma vie ! L’injustice que je vis et que j’ai vécue, et ben, je veux défendre les autres qui n’arrivent pas à se défendre tout seuls. »
52Finalement, les jeunes de l’enquête construisent leurs savoirs dans une dualité interne/externe, obéissant aux contraintes de leur environnement et du stigmate. La distance qu’ils prennent avec le terrain et le quotidien leur permet d’identifier certains facteurs déclencheurs ou amplificateurs d’une stigmatisation tels que l’origine ethnique, le lieu de domiciliation, le type de verbalisation, la tenue vestimentaire ou l’échec scolaire. Précisons en outre que ces opérations cognitives de négociation du stigmate sont fonction de la santé sociale du jeune en termes de stabilité dans la sphère familiale et de son itinéraire personnel et scolaire [7]. La réflexion de ces jeunes s’articule autour du cycle subir-observer-généraliser-transférer-projeter dans un continuum non linéaire. Cela n’empêche pas des allers-retours au moment des transitions d’une phase à l’autre.
53Ils savent qu’ils savent, notamment en expérimentant les effets du stigmate en dehors du quartier. C’est en ce sens que nous avançons l’idée que l’apprentissage expérientiel est particulièrement saillant et opérationnel lorsque les jeunes sont « décontextualisés » de leur lieu d’expérimentation habituel :
« C’est surtout quand tu sors d’ici [le quartier] que tu comprends que t’es montré du doigt ! Que tu vois que c’est un truc très fort qui te plaque à terre, qui te fait comprendre dans ton corps, jusqu’aux cheveux [rires] que t’es vu comme t’es pas ! »
55Ainsi, dans des espaces différents, les jeunes vérifient si tel vécu local ou telle projection sont vrais. En somme, en étant confrontés à ces ressentis, ils parviennent à se représenter une forme de réalité contrainte pour mieux s’en affranchir.
Éléments de conclusion
56Interroger la question de la réflexivité des jeunes des quartiers renvoie tout autant au processus expérientiel d’apprentissage qu’à la compréhension des attributs véhiculés par le stigmate. Connaître les origines de ce dernier peut être source de contrebalancement positif et être utilisé dans le cadre de stratégies d’interactions élaborées. Cela nous amènerait à convoquer l’hypothèse selon laquelle le stigmate est tellement intériorisé qu’il s’incorpore dans un registre existentiel. Actionner le démantèlement du processus de stigmatisation permettrait aux jeunes de prendre conscience du chemin parcouru et par conséquent de renforcer leur confiance en eux.
57Même si expérimenter personnellement ou collectivement le stigmate permet à certains jeunes (et particulièrement aux moins vulnérables socialement et scolairement) de le comprendre pour mieux le négocier et s’en protéger, ils ne peuvent modeler isolément les représentations sociales dont ils sont victimes. La capacité des jeunes à construire et à maintenir une valeur de soi demeure basée sur un triptyque : la relation à soi, la relation aux autres à l’intérieur et à l’extérieur du quartier et la relation à l’institution au sens large.
58C’est pourquoi, mettre en exergue les processus identitaires et de socialisation à l’œuvre chez certains jeunes ne doit ni écarter les différents échecs expérientiels passés et à venir de ces derniers, ni réfuter la gradation des multiples cheminements d’autres jeunes qui subissent le stigmate sans avoir conscience d’apprendre dans une perspective de progrès. « Qu’est ce que tu veux qu’on foute de savoir qu’on est réputé ? ! » (Garçon, 19 ans.)
59Les jeunes avec lesquels nous avons travaillé dans le cadre de cette recherche ont une attitude résiliente face aux effets négatifs du stigmate puisque, dans une certaine mesure, ils réussissent à en dégager une profitabilité, une impression de pouvoir changer leur vie par eux-mêmes (Hanus, 2001). Ces savoirs mis en évidence renvoient à la fois à des aptitudes de réflexivité (se poser des questions sur son comportement par exemple), à des stratégies sociales (comment faire pour arriver à un objectif) ou encore à une identité personnelle plus construite (ce que je suis, mes valeurs, mes objectifs dans la vie…). Ces postures sont largement favorisées par des situations individuelles satisfaisantes et stables qui offrent un « champ des possibles » conscientisé par les jeunes. En effet, la quasi-totalité des jeunes de l’échantillon interrogés ne présente pas ou peu de difficultés sociales et scolaires particulières. Ces aspects offrent des ressources indispensables pour contrebalancer le stigmate. Ce processus semblerait les immuniser et maintiendrait ce « ressort invisible » qui les soutient et les aide à se dépasser individuellement et collectivement (Fischer, 1994).
« Je savoure quand je suis en ville, dans le centre. Je sais ce que les gens en général pensent des jeunes des quartiers sensibles mais, moi, je suis au-dessus de tout ça maintenant. Quand je vais me promener avec des copines dans le centre, ou toute seule, j’ai conscience de la chance que j’ai, je savoure et je profite de tout, des immeubles, des magasins, que la vie est belle, dure mais belle. […] Je relativise à fond et j’ai une copine que je vois pas souvent qui n’a pas vécu dans un quartier et qui me dit “comment tu fais pour ne pas te prendre la tête pour des conneries comme nous ! ?” et entendre ça, ça me fait du bien. C’est ce que j’ai vécu, je crois, en étant toujours vue comme une moins que rien par les journaux et la télé qui nous montrent comme des sans-éducation. […] Alors maintenant, j’arrive sans problème à mettre tout ça de côté et je sais que cette putain d’image, bah, c’est tout simplement pas moi. »
61Ces jeunes ont compris que le stigmate est bien moins une entité physique qu’un élément interactionnel transposable. Ce mécanisme d’émancipation que nous avons fait émerger partiellement dans cette enquête témoigne d’une certaine capacité à dé-stigmatiser leur existence en s’affranchissant à l’intérieur mais surtout à l’extérieur du quartier.
Bibliographie
BIbliographie
- Avenel C., Sociologie des quartiers sensibles, Armand Colin, coll. « 128 », Paris, 2010.
- Baeza C., Carnets de route d’alcooliques abstinents. Découvrir les tactiques et des stratégies pour se maintenir en santé, Éditions Mare & Martin, coll. « Sciences humaines », Paris, 2010.
- Bailleul M., Lille-Sud, un quartier mosaïque. De l’image stigmatisée d’un quartier à la construction de micro territoires par ses jeunes habitants, thèse de doctorat de sociologie, sous la direction de Maryse Bresson, université de Lille-III, octobre 2011.
- Bailleul M., « Les jeunes des quartiers, entre vulnérabilité au stigmate et attachement au territoire », in Bresson M., Géronimi V., Pottier N. (dir.), Vulnérabilités. Questions de recherche en sciences sociales, Academic Press Fribourg, coll. « Res socialis », Fribourg (Suisse), 2013, p. 55-71.
- Becker H. S., Outsiders. Étude de sociologie de la déviance, Métailié, Paris, 1985.
- Delory-Momberger C., Hess R., Le Sens de l’histoire. Moments d’une biographie, Anthropos, coll. « Anthropologie », Paris, 2001.
- Fischer G.-N., Le ressort invisible. Vivre l’extrême, Le Seuil, Paris, 1994.
- Giordan A., Vecchi G. de, Les origines du savoir. Des conceptions des apprenants aux concepts, Delachaux et Niestlé, coll. « Actualités pédagogiques et psychologiques », Paris, 1987.
- Goffman E., Stigmate. Les usages sociaux des handicaps, Minuit, coll. « Le sens commun », Paris, 1975.
- Hanus M., La résilience à quel prix ? Survivre et rebondir, Maloine, Paris, 2001.
- Kolb D. A., Experiential Learning : Experience as the Source of Learning and Development, Prentice Hall, Englewood Cliffs (États-Unis), 1984.
- Landry F., « La formation expérientielle : origines, définitions et tendances », Éducation permanente, no 100-101, 1989, p. 13-21.
- Lapeyronnie D., Ghetto Urbain. Ségrégation, violence, pauvreté en France aujourd’hui, Robert Laffont, coll. « Le monde comme il va », Paris, 2008.
- Marlière É., Des « métallos » aux « jeunes de cités ». Sociohistoire d’une banlieue ouvrière en mutation, Éditions du Cygne, coll. « Essais », Paris, 2014.
- Nizet J., Rigaux N., La sociologie de Erving Goffman, La Découverte, coll. « Repères », Paris, 2005.
- Paugam S., La disqualification sociale. Essai sur la nouvelle pauvreté, Presses universitaires de France, Paris, 2000.
- Peretz H., Les méthodes en sociologie. L’observation, La Découverte, coll. « Repères », Paris, 2004.
- Skinner B. F., The Behavior of Organisms. An Experimental Analysis, Appleton-Century, New York (États-Unis), 1938.
- Woods P., Inside Schools : Ethnography, in Educational Research, Routledge & Kegan Paul, Londres (Royaume-Uni), 1986.
Notes
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[1]
Nous tenons particulièrement à remercier Christophe Niewiadomski, professeur des universités (CIREL, Lille-III), pour la guidance et la relecture critique de cet article.
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[2]
Nous entendons par « santé sociale » le sentiment de bien-être et d’aisance interactionnelle d’un individu ou d’un groupe d’individus dans une société donnée. Cette notion est basée sur l’indicateur de santé sociale (ISS) qui rassemble 14 indicateurs, en tenant notamment compte de différents aspects relatifs au travail, au revenu, à l’éducation, à la santé, au logement, à la sécurité ou encore au lien social et interindividuel. Cet indicateur a été expérimenté par Florence Jany-Catrice et Rabih Zotti (2010) dans l’article « Les régions françaises face à leur santé sociale », publié le 28 mai 2010 sur le site de l’Institut pour le développement de l’information économique (IDIES).
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[3]
Nous mobilisons le terme de « ghetto » dans son acception française qui le définit davantage dans une dimension intériorisée que territorialisée. C’est-à-dire que le ghetto n’est pas simplement un territoire dégradé et abandonné, mais peut se vivre dans la « peau des jeunes » (au sens de Lapeyronnie, 2008) en prenant la forme d’un sentiment de sous-hiérarchisation sociale.
-
[4]
Le modèle allostérique se fonde sur la non-linéarité de l’acquisition des savoirs et intègre quatre éléments essentiels pour apprendre : l’influence de l’environnement, les structures de pensée préexistantes, la dimension dynamique et systémique de l’élaboration des savoirs et les nivellements d’apprentissages).
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[5]
Nous avons anonymisé le prénom de la personne citée.
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[6]
Le quartier de l’étude comprend des résidences étudiantes situées près du centre hospitalier universitaire régional (CHRU). Ces résidences sont largement investies par des jeunes inscrits dans les universités de la métropole lilloise. Les jeunes dont il est question ici se servent de cette situation pour camoufler leur lieu de domiciliation.
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[7]
Les 25 jeunes ciblés par notre article correspondent globalement à un public qui ne rencontre pas ou peu de difficultés scolaires ou de primo-insertion professionnelle, et qui n’est pas déviant.