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Article de revue

La confiance, le diplôme et l'employabilité

Un triptyque sociologique des étudiants

Pages 35 à 50

Notes

  • [1]
    Voir à ce propos l’ouvrage de Claude Grignon et Louis Gruel La vie étudiante, Presses universitaires de France, coll. « Politique d’aujourd’hui », Paris, 1999.
  • [2]
    La confiance n’est pas un nouvel objet sociologique. Georg Simmel y voyait déjà le ferment des interactions sociales tandis qu’Émile Durkheim en fait une condition pédagogique. Depuis peu, les travaux de Putnam ont remis la confiance dans le débat sociologique par le rôle qu’elle joue sur le capital social ou sur le rapport aux institutions. Mais si un consensus existe autour de son importance dans la construction des interactions et plus généralement dans la participation sociale, il s’avère qu’aucune définition conceptuelle n’est parvenue à s’imposer véritablement. Notre objectif n’est pas de prendre part au débat sur les possibilités d’une conceptualisation sociologique définitive de la confiance. Il s’agit plutôt, à partir de quelques dimensions de la confiance, d’analyser les effets du système de formation sur la confiance des étudiants dans leur avenir.
  • [3]
    À cet égard, les étudiants de notre enquête sont nombreux (76 %) à considérer les études comme une condition nécessaire à leur insertion professionnelle : plus de la moitié déclare que les études sont indispensables pour trouver un emploi.
  • [4]
    La confiance évolue en outre dans le temps au gré des informations collectées par l’étudiant et des rétroactions continues auxquelles il procède.
  • [5]
    Voir les caractéristiques de l’échantillon présentées dans l’annexe 1, p. 47.
  • [6]
    La MDS est privilégiée lorsque le nombre de variables est réduit (8 en l’occurrence). Plus le stress de Kruskal est proche de 0, meilleure est la représentation. Ici, le stress est de 0.12.
  • [7]
    L’alpha de Cronbach est un indice statistique permettant d’évaluer la consistance interne d’un ensemble composé de plusieurs items dont on suppose qu’ils contribuent à révéler une même entité. L’indice varie de 0 à 1. Plus l’indice est proche de 1, plus l’homogénéité est satisfaisante.
  • [8]
    Un résultat notable est l’effet de l’origine sociale sur le score de confiance. On voit dans le premier modèle que la PCS du père influe négativement sur le score de confiance des enfants d’employés et d’ouvriers (-0.30) et pas les autres. On voit ensuite que cet effet disparaît dans le second modèle. Si nous ne disposons pas d’éléments empiriques ad hoc pour expliquer ce résultat, on peut néanmoins l’interpréter à partir d’une aspiration généralisée à l’ensemble des milieux sociaux aux études supérieures d’une part, à l’accès à l’université selon les catégories sociales d’autre part. Selon les données ministérielles, les étudiants des catégories sociales les plus favorisées continuent à être fortement surreprésentés au détriment des jeunes de catégories sociales défavorisées. Il s’avère que toutes formations confondues, 29,8 % des étudiants ont des parents cadres supérieurs ou exerçant une profession libérale tandis que 10,3 % sont enfants d’ouvriers (voir Repères et références statistiques, 2010, ministère de l’Éducation nationale et ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, p. 188). Sous-représentés à l’université, les étudiants d’origine défavorisée seraient convaincus que le diplôme supérieur est « l’arme du faible ». Ce rapport aux études supérieures, bien mis en évidence par Tristan Poullaouec (2010), donnerait plus de relief à la confiance des plus « faibles » dans le diplôme, les enseignants et l’université.
  • [9]
    Ce qui rejoint les résultats mis au jour par Christian Baudelot et Roger Establet dans Allez les filles ! (Le Seuil, Paris, 1992).
  • [10]
    C’est aussi cela qui différencie le lycéen de l’étudiant : le premier peut avoir confiance dans la capacité du lycée de lui faire obtenir un baccalauréat (que décrochent d’ailleurs environ 86 % d’élèves toutes filières confondues) mais douter, une fois le sésame en poche, de la capacité du diplôme universitaire à lui procurer un emploi stable.
  • [11]
    Ce qui rejoint la remarque sur l’effet de la PCS du père en note 8.
  • [12]
    Étude réalisée du 2 au 9 février 2010 par Opinionway pour le compte du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, auprès de 300 recruteurs et de 500 étudiants en lettres, langues, sciences humaines et sociales.
  • [13]
  • [14]
    Si l’incertitude plus marquée pour certaines filières est vue comme l’illustration du décalage entre spécialité de formation et emploi à venir, la question se pose quant aux raisons qui conduisent les étudiants à poursuivre des études dans des filières « dévalorisées ». La tendance des parents, y compris dans les familles ouvrières, à privilégier le désir de l’enfant est une réponse possible. Elle renvoie à l’individualisation des choix et par conséquent à la substitution du principe de respect des choix de l’enfant au principe d’élaboration du projet scolaire sur la base d’une évaluation à la baisse des ambitions scolaires (voir Poullaouec, 2010).
  • [15]
    Si les anticipations de la valeur du titre universitaire préparé sur le marché du travail ont des incidences sur la confiance des étudiants, on suppose par ailleurs que d’autres variables sociales (le sexe, le parcours scolaire, l’origine sociale notamment) ont des effets sur le problème considéré.
  • [16]
    Rapport téléchargeable à l’adresse : http://media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/Rapport_CDHSS/33/8/CDHSS-version14janvier2010remiserapport_133338.pdf. Parmi les préconisations du Conseil pour le développement des humanités et des science sociales (CDHSS), on note la prise de conscience chez les étudiants des filières littéraires et sciences sociales que les débouchés peuvent être ailleurs que dans les métiers de l’enseignement. Les étudiants peuvent miser par conséquent sur le secteur de la fonction publique au sens large, voire sur les entreprises à la recherche d’un personnel autonome et doté d’un esprit de synthèse.

1Pour atteindre l’objectif de « faire leur vie d’adulte », les jeunes s’exposent tous à des difficultés de plusieurs ordres (familial, pécuniaire, voire existentiel [1]) et, parmi ces difficultés, deux ont une importance capitale puisqu’elles conditionnent en grande partie la résolution des autres : les études et le travail. Les études ont des effets sur l’insertion professionnelle, le travail sur l’entrée dans l’âge adulte. Cependant, l’allongement des études des jeunes et les freins qui retardent aujourd’hui l’insertion sur le marché du travail sont des entraves à leur indépendance. Les jeunes âgés de 16 à 25 ans sont les plus touchés par la crise économique et leur difficile entrée sur le marché du travail ne s’accompagne pas nécessairement en France d’une mobilité intergénérationnelle des revenus et des salaires (Arrighi, Gasquet, Joseph, 2009). Celle-ci s’avère en effet relativement faible en France (comme dans les pays d’Europe méridionale et au Royaume-Uni) alors qu’elle tend à être plus élevée dans les pays nordiques (OCDE, 2010). Adossée à ces dimensions objectives, la représentation que les jeunes Français se font de l’avenir n’en sera que plus noire, ce que confirme l’enquête internationale coordonnée par Anne Stellinger (2008) : en France, seul un jeune sur quatre croit dans son propre avenir et 27 % pensent avoir un bon travail dans le futur. L’enquête indique par ailleurs que 4 % à peine considèrent que l’avenir de la société dans laquelle ils vivent est prometteur.

2Cette nette incertitude des jeunes sur l’avenir n’est pas spécifique à la jeunesse française puisque les jeunesses allemande et anglaise sont prises elles aussi dans ce courant de pessimisme. La différence entre la jeunesse française et la jeunesse des autres pays tient cependant dans le taux de pessimisme nettement supérieur de la première par rapport à celle des autres pays d’Europe. Fort de ces constats, François de Singly se demande si le pessimisme général et le pessimisme des jeunes en particulier ne sont pas une même et unique expression d’une crise de confiance. Et le sociologue de la famille d’avancer que « cette enquête internationale et comparative appelle une suite, d’urgence, afin de mieux approcher les conditions nécessaires – politiques, économiques, culturelles – qui pourraient recréer la confiance dans l’avenir » (de Singly, 2008, p. 13 [2]).

Les étudiants dans des univers contrastés

3Ces considérations d’ordre général ne doivent pas masquer les différences selon le statut social des jeunes. On sait déjà que les étudiants sont mieux lotis que les jeunes actifs du même âge dans la mesure où la condition étudiante va de pair avec une gamme de ressources plus variée : bourse, aide au logement, soutien des parents (Galland, 2004). Mais si des différences existent entre jeunes actifs et étudiants, on s’attend à trouver également des différences entre les étudiants eux-mêmes. Cette présupposition se fonde sur le constat d’une indexation de l’accès aux formations supérieures sur d’autres critères que la méritocratie, en particulier sur une approche malthusienne des effectifs : alors que la démocratisation de l’enseignement supérieur alliée à la raréfaction des emplois induit une dévalorisation des titres les plus délivrés, la valeur du diplôme sera toujours garantie si un établissement pratique un recrutement limité (Duru-Bellat, 2006).

4La segmentation du système de formation opère donc une distinction entre les jeunes qui entrent sur le marché universitaire. Celui-ci s’organise autour de diplômes et de filières par la voie desquels les élites se recrutent et la majorité se forme. Le système de formation présente par conséquent un risque pour les étudiants qui ne s’engagent pas dans les filières pourvoyeuses de diplômes à forte valeur. En cela, le manque de confiance des jeunes dans leur avenir est à trouver dans les conséquences de cette segmentation universitaire sur l’insertion professionnelle. Sans doute cette discontinuité études-travail est-elle un cas parmi d’autres du principe plus général de « discontinuité de la modernité ». On retient du reste qu’elle génère du risque sur le plan de l’engagement de soi et qu’elle fait de la méfiance un équivalent fonctionnel de la confiance. Car l’individu, méfiant ou confiant, doit être capable d’agir dans des institutions que la modernité rend « incertaines » (Luhmann, 2006).

5Emboîtant le pas au sociologue de la famille François de Singly, le sociologue de la jeunesse Olivier Galland souligne que « les causes de la crise de l’intégration française ne doivent donc pas être recherchées dans la seule absence, maintenant presque totale, de socialisation religieuse ou dans l’affaiblissement de la socialisation politique. Il s’agirait aussi d’une crise de confiance plus générale dans la société, ses élites et ses structures » (Galland, 2008, p. 32). À propos des structures, il s’avère que le doute sur l’utilité des diplômes compte parmi les raisons pour lesquelles la jeunesse française est celle qui, en Europe, a le moins confiance en son avenir (Galland, 2009). L’importance accordée aux études va de pair avec des difficultés auxquelles les étudiants font face aujourd’hui. Dès lors que le système social ne parvient plus à assurer le dynamisme économique propice aux mobilités sociales ascendantes (Chauvel, 2006), le diplôme est vu comme un filet de protection contre la chute sociale. Ce faisant, le souci de « se placer » à tout prix, pour reprendre l’expression qu’utilise Cécile Van de Velde (2008), est la hantise des jeunes Français. Aspirant à un statut socioprofessionnel perçu comme un sésame de leur émancipation, ces derniers misent tout sur les études. Celles-ci sont vécues comme l’étape de leur parcours de vie qui conditionne leur orientation professionnelle à venir et subséquemment le franchissement des autres seuils d’accès à la vie adulte. L’orientation scolaire et le choix du diplôme s’apparentent alors à des cases sur lesquelles les jeunes jouent leur avenir à quitte ou double. Ce faisant, les pièges de la démocratisation universitaire se logent aussi dans la nature du sentiment des jeunes d’arriver à faire leur vie grâce aux études supérieures [3].

6Dès lors que les biens délivrés sur le marché universitaire ne sont pas équivalents, l’engagement dans une filière d’études délivrant un diplôme « dévalorisé » induit de facto un sentiment d’insécurité en raison de l’incertitude sur le devenir professionnel de son titulaire. Le risque devient ainsi le caractère principal d’une situation marquée par une forte incertitude ressentie par l’étudiant dans le déroulement de ses études et dans son dénouement. Selon la filière suivie et sa réputation sur le marché universitaire, l’étudiant sait qu’il se place de lui-même dans une position vulnérable. Le risque découlant par conséquent du sentiment d’insécurité, le clivage entre les établissements universitaires auquel s’ajoute l’hétérogénéité des conditions d’insertion professionnelle due notamment au partage entre les filières de formation généralistes et les filières de formation professionnelles (Erlich, Verley, 2010) donnent plus d’acuité à la confiance ou à la méfiance des étudiants dans le diplôme préparé. En conséquence, deux questions sont au départ de cet article : les étudiants ont-ils confiance dans le diplôme préparé et dans leur avenir ? Sont-ils dans un rapport de méfiance à l’égard de l’université et des diplômes qu’elle délivre ? En prolongement à ces interrogations, notre hypothèse est que la filière universitaire est déterminante dans la mesure où la confiance/méfiance dans le diplôme et dans l’avenir ne peut être dissociée de l’espérance du jeune diplômé à la recherche d’un emploi d’en trouver un [4].

La filière et la confiance

7Pour vérifier cela, on se sert d’une enquête par questionnaires réalisée auprès de 670 étudiants inscrits dans un établissement d’enseignement supérieur de l’agglomération bordelaise [5]. On tire de cette enquête une première analyse par la méthode Multidimensional Scaling (MDS) des réponses à une série de questions sur la confiance en soi, envers les autres, en l’avenir, dans le système de formation et dans l’avenir professionnel, auxquelles s’ajoute la moyenne générale déclarée par le répondant [6].

8La répartition des registres de confiance sur le graphique (p. 39) permet de repérer les oppositions sur l’axe 1 (horizontal) et l’axe 2 (vertical). Le premier axe oppose l’évaluation scolaire et l’évaluation personnelle (en particulier la confiance en soi), tandis que le second axe oppose les anticipations fondées sur le titre scolaire et sur l’avenir (en particulier l’avenir professionnel). La lecture conjointe des deux axes distingue deux groupes de réponses : un premier groupe situé dans le quadrant sud-est et un second groupe repérable dans le quadrant nord-ouest. On voit par ailleurs que deux questions (la moyenne déclarée par l’étudiant et sa réponse sur son degré de confiance envers les autres), dont on pensait qu’elles s’agrègeraient à un ou plusieurs des registres de la confiance, occupent chacune une position singulière dans le graphique. En conséquence de quoi on élabore deux analyses toutes choses égales par ailleurs (voir annexe 2, p. 48) menées à partir du croisement de la filière d’études avec une première variable score qui rassemble les trois questions du premier ensemble regroupant la confiance en soi, la confiance dans l’avenir et la confiance dans l’avenir professionnel (modèle 1 ; alpha de Cronbach : 0.71 [7]). Une procédure identique de construction d’une variable score a été réalisée pour les trois questions du second groupe relatives à la confiance dans le système scolaire, dans les enseignants et dans le diplôme préparé (modèle 2 ; alpha de Cronbach : 0.85). Trois points sont à souligner après une lecture conjointe des deux modèles [8] :

  • Premièrement, l’influence du sexe dans le modèle 1 pour une part non négligeable (0.21) alors que l’effet sexe disparaît dans le modèle 2, laissant supposer que les garçons voient leur avenir de manière plus optimiste que les filles. Cette différence peut s’expliquer (cela reste néanmoins à vérifier) par les anticipations de ces dernières d’une coordination plus difficile des études et de la vie familiale due à la prégnance des rôles traditionnels et aux inégalités de genre dans le partage des tâches domestiques [9]. Ce qui expliquerait que l’effet de l’âge est significatif dans le premier modèle et non significatif dans le second.
  • Deuxièmement, l’effet de l’âge : dans le premier modèle, plus les étudiants avancent en âge, plus ils prennent confiance en eux et ont foi en l’avenir. Ce résultat, différent dans le second modèle, peut s’expliquer par le nombre de seuils universitaires franchis par l’étudiant : chaque seuil franchi le rapproche de la figure de « l’étudiant véritable » (Dubet, 1994). Mais, à y regarder de près, on voit que l’âge est corrélé au revenu mensuel que les étudiants retirent des aides et de l’activité professionnelle qu’ils exercent conjointement à leurs études (R = 0.28, avec une corrélation significative au seuil .01). L’autonomie financière donne de l’assurance pour l’avenir ; sans doute peut-on ajouter à cela la possibilité, pour les étudiants qui adjoignent le travail aux études, de s’engager sur la voie d’une professionnalisation, et d’avoir ainsi une expérience de la vie active que l’université (hormis pour des filières spécifiques) n’offre pas.
  • Troisièmement, l’écart sur l’échelle des deux variables scores des filières lettres et sciences humaines, d’IUT et de sciences et techniques par rapport aux classes préparatoires ou aux filières médicales et commerciales. Les étudiants inscrits dans l’une des trois premières filières ont un moindre niveau de confiance en soi, dans l’avenir et dans l’avenir professionnel que les autres. Du reste, parmi ces trois filières, la première affiche la valeur la plus forte (-0.73) et un niveau de significativité remarquablement élevé. Cet « effet filière » se retrouve dans le modèle 2 qui prend en compte le degré de confiance dans les diplômes, dans les enseignants et dans l’université. Les étudiants de lettres et de sciences humaines (à l’instar du reste des étudiants en IUT) se démarquent à nouveau des autres étudiants.

Graphique 1

Les registres de la confiance

Graphique 1

Les registres de la confiance

Représentation graphique par MDS de la réponse aux échelles de confiance et de la moyenne générale déclarée

9De ces trois points, le dernier est le plus décisif car il prolonge notre problématique dans le sens d’une distinction des systèmes de formation universitaire. En effet, ces deux modèles considérés conjointement permettent de répartir les filières d’études entre deux types d’institution mis au jour par Georges Felouzis (2001) : une « institution forte » (Sciences Po et classes préparatoires, médecine, commerce, droit) et une « institution faible » (lettres et sciences humaines, sciences et techniques). Celle-ci est un système qui n’impose pas de buts collectifs clairs et dans lequel les moyens pour les atteindre restent indéterminés. Celle-là, a contrario, est un système où règne une forte interdépendance entre les membres et où les zones d’incertitude sont nettement diminuées par une définition claire des objectifs et des moyens de les atteindre. Ici, le statut d’étudiant est à trouver par l’étudiant lui-même ; là, le statut est donné par le regard que les enseignants portent sur lui, ainsi que par l’inscription dans une communauté scolaire où les liens d’interdépendance sont forts et les coopérations multiples.

10Il y a une difficulté inévitable à lier directement le niveau de confiance et la filière de formation, et l’on aura toujours du mal à savoir dans quelle mesure l’école renforce ou détériore la confiance des élèves. Les grandes écoles par exemple attirent des étudiants qui possèdent généralement un bon niveau de confiance en eux puisque la confiance est un sentiment qui se construit par les multiples évaluations scolaires scandant le parcours de l’élève. Les « bons » choisissent ces filières, et la confiance en soi trouve des points d’appui dans l’enseignement supérieur dès lors que la formation s’organise sur une pédagogie participative, qu’elle favorise l’engagement dans des projets individuels, qu’elle défend le principe d’intégration à une communauté par le biais d’associations d’étudiants chargées d’organiser et de mettre en œuvre des projets d’action collective. En outre, les associations d’anciens étudiants (qui sont une caractéristique parmi d’autres d’une institution forte) renforcent le sentiment d’appartenance à un établissement dès lors que la renommée dont il jouit n’est plus à bâtir. L’affiliation à l’université est facilitée par le partage, grâce aux étudiants avancés et aux « anciens », de codes identificatoires. Un esprit de corps facilite toujours l’intégration dans un collectif par le partage d’une culture commune ainsi que par l’entraide des étudiants (Becker, 1961). À l’inverse, la scolarité est mal vécue lorsque les études sont jugées peu rentables.

11L’impact négatif de la filière lettres et sciences sociales sur le niveau de confiance s’explique aussi par l’obligation pour l’étudiant qui suit des études généralistes de construire par lui-même le sens de son action dans un monde où l’incertitude des règles se conjugue à l’incertitude dans l’avenir. Dans ces filières, l’université prend des allures « fantasmagoriques » dues à l’anonymat qui règne dans les amphithéâtres, aux rapports distants avec les enseignants, ainsi qu’aux règles nettement moins bien définies qu’au lycée [10] (Coulon, 1997). La faible interdépendance entre les acteurs adjointe à la fragilité du pouvoir hiérarchique contribue à faire de l’université une organisation où règne une « anarchie organisée », et la socialisation universitaire qui se déroule à l’intérieur de ses murs se fonde en grande partie sur un engagement impersonnel des agents du système (Felouzis, 2001). Le sentiment d’appartenance à une collectivité n’est pas aussi développé que dans l’institution forte où la vigueur du sentiment de sécurité puise dans le partage généralisé de codes communs. À ce jeu, ce sont les étudiants enfants d’employés et d’ouvriers qui ont le plus à perdre puisque ce sont les plus nombreux à s’orienter (ou à être orientés) vers cette filière [11].

Gagner la confiance des étudiants : l’enjeu de l’université

12L’espérance d’être recruté par un employeur se fonde sur le lien plus ou moins fort entre le diplôme préparé et la place occupée dans la hiérarchie des formations universitaires. De sorte que la confiance dans les études est davantage assurée lorsque la probabilité qu’un jeune diplômé à la recherche d’un emploi en trouve un est forte, et en tout cas lorsque l’anticipation subjective sur l’accès au marché du travail (c’est-à-dire son employabilité) est positive (Verley, Zilloniz, 2010). Cette attente se justifie d’autant plus qu’un sondage réalisé auprès de 300 recruteurs et 500 étudiants en lettres, langues, sciences humaines et sociales [12] montre que les premiers et les seconds considèrent que les sciences économiques (respectivement 78 % et 57 %), le droit (61 % et 45 %) et les langues (48 % et 42 %) sont les matières les plus adaptées au monde de l’entreprise. À ces trois filières succèdent les langues étrangères appliquées, l’administration économique et sociale, la psychologie et la sociologie. Par ailleurs, 11 % des recruteurs et 15 % des étudiants seulement pensent que la filière lettres est adaptée à l’entreprise. Enfin, 21 % des étudiants en sciences humaines et sociales jugent que l’accès à un emploi est une démarche très difficile.

13La première enquête nationale de 2005 sur la santé des étudiants donne des résultats éloquents eux aussi. Seulement 5 % des étudiants ont tout à fait confiance dans l’avenir contre 50 % qui ont peu ou pas du tout confiance dans l’avenir [13]. Les étudiants qui bénéficient des meilleures conditions d’études sont les plus optimistes : 72 % des étudiants en grandes écoles et 62 % des étudiants de classes préparatoires ont tout à fait ou assez confiance dans l’avenir contre 41 % en sciences humaines et 36 % en langues. Dans notre échantillon, les étudiants de médecine se distinguent assez nettement des étudiants en lettres et sciences humaines puisque les premiers sont significativement plus nombreux à déclarer que les études suivies correspondent à leur projet professionnel. Ce dernier résultat atteste la nécessité de prendre en compte les projets individuels puisqu’ils conditionnement le sens que l’étudiant attribue au diplôme et à la structure qui le délivre.

14Mais si la « crise de confiance » a partie liée avec le sentiment des étudiants de pouvoir maîtriser et concrétiser leur choix d’orientation universitaire, elle est liée de même au sentiment de vulnérabilité qu’ils éprouvent et dont l’intensité dépend nécessairement de leur position sur le marché de la formation universitaire. La « cote » du diplôme, supposée ou réelle, sur le marché du travail nourrit le sentiment de sécurité, lequel préside à l’engagement dans les études [14]. À titre d’exemple, préparer un diplôme de médecine conduit nécessairement à exercer un métier dans le secteur médical. Inversement, une orientation en filière littéraire ou en sciences sociales, en laissant une part plus importante à l’incertitude dans son avenir professionnel, augmentera le risque perçu par l’étudiant. Par voie de conséquence, un jugement négatif est porté sur la formation suivie et le diplôme qui la sanctionne. En la matière, les étudiants des filières lettres et sciences humaines pensent significativement moins que les étudiants des autres filières que les gens obtiennent généralement un travail qui correspond à leur diplôme (Duru, Tenret, 2009, p. 240). Ce qui ne laisse pas d’interroger la valeur du diplôme qui s’évalue ici moins à partir de sa correspondance objective avec le marché du travail que sur la réduction de l’incertitude qu’il permet [15]. Moins il y a d’incertitude dans l’employabilité, plus la confiance de l’étudiant dans son avenir est assurée : ici, le système universitaire nourrit la confiance. Plus l’incertitude est grande, plus la méfiance s’installe.

15Outre les perspectives d’avenir, la confiance que les étudiants ont à l’égard du diplôme dépend aussi de la force ou de la faiblesse de l’institution qui le délivre. Alors que les étudiants de sciences politiques, de médecine, de droit ou en classes préparatoires font leurs études dans un cadre marqué par la clarté des règles qui l’organisent, les étudiants des autres filières doivent construire leur parcours dans une institution affaiblie par le flou des objectifs à atteindre. Tandis que les premiers se plongent dans les études avec la confiance de ceux qui savent de quoi demain sera fait, les seconds sont poussés à la défiance envers un système de formation dont ils pensent qu’il est incapable de leur garantir une entrée satisfaisante dans la vie adulte. Et si, comme le note Eloi Laurent (2009), la dimension politique va de pair avec la confiance, en particulier la confiance dans la puissance publique, une institution faible peut être à la source des risques sociaux objectifs et ressentis par les étudiants qui se mobilisent et s’engagent dans l’action collective. Le propre d’une institution faible est de renvoyer l’acteur à lui-même, l’obligeant ainsi à s’engager dans un monde où les agents ne se conforment pas aux mêmes règles de conduite parce que ces règles manquent soit de clarté soit d’univocité. Ce qui pose en dernière instance deux problèmes que les politiques publiques doivent résoudre : celui de l’amplification de la professionnalisation de l’université ; celui du risque inévitable de la mise en œuvre de réformes auxquelles les étudiants de lettres et de sciences humaines ne croient plus. Tant qu’ils jugeront aussi mal les diplômes universitaires et l’établissement qui les délivre, ils resteront parmi les étudiants les plus en manque de confiance dans le système de formation.

16Les enquêtes nationales et internationales conduisent toutes à ce constat : les jeunes Français sont ceux qui croient le plus fortement que leurs projets sont voués à l’échec. Bien que parfaitement généralisée, cette croyance conduit à interroger analytiquement le niveau de confiance des jeunes selon leur statut social, et en particulier la confiance que les étudiants accordent à leur diplôme et qui se transforme fonctionnellement en méfiance selon l’évaluation des risques attachés au diplôme. En considérant que la vision de l’avenir dépend de la manière dont est perçu le présent, on trouve des étudiants qui présupposent que leur formation offre un risque pour leur insertion professionnelle tandis que d’autres ont une représentation plus assurée de leur avenir. On l’a vu, la raison de cette différence est que le sentiment de dévaluation des biens universitaires détermine la méfiance des étudiants vis-à-vis du diplôme qu’ils s’apprêtent à recevoir. La formation universitaire, du fait de sa segmentation, se présente comme un champ des possibles mais dans lequel des balises établissent des différences selon le caractère sélectif ou professionnalisant des filières et selon la capacité du diplôme à un accès assuré sinon aux emplois les plus qualifiés (Verley, Zilloniz, 2010) du moins aux emplois durables. Ainsi, la confiance dans l’avenir dépend, entre autres choses, de facteurs qui tiennent à l’organisation même du système universitaire.

17Outre le diplôme, le manque de confiance des jeunes Français en général est renforcé par la densité de la responsabilité individuelle dans notre société où l’appel à l’individu est constant et où chacun doit donner la preuve qu’il est capable de devenir l’entrepreneur de sa propre vie. Les étudiants bien entendu n’échappent pas à ce principe. Pour eux, la réussite dépend en premier lieu de la motivation et du sérieux du travail personnels. Or, comme le souligne Marie Duru-Bellat (2009), l’explication de la réussite par les qualités personnelles découle de la croyance dans une compétition ouverte au terme de laquelle les positions de chacun sont dues au talent ainsi qu’aux aptitudes personnelles et non aux propriétés sociales ou familiales « héritées ». Quant à l’échec, son explication procède d’une logique identique puisque la condition de la responsabilité reste, là encore, le pouvoir causal. Mais qu’il réussisse ou qu’il échoue, la primauté accordée à l’égalité des chances (qui vise à réduire les inégalités par un accès méritocratique aux positions sociales) aux dépens de l’égalité des places (qui vise à réduire les inégalités entre les positions) désignera toujours en dernière instance l’étudiant comme le responsable de son parcours de formation (Dubet, 2010).

18En cela, la formation supérieure est un stade olympique où se déroule une course forcenée entre des participants qui, en ayant anticipé le rendement des diplômes moyens, se lancent corps et âme dans les études les plus sélectives. Ceux qui, souvent à leur corps défendant, courent sur une autre piste éprouvent un désenchantement dont l’intensité augmente au fur et à mesure qu’ils approchent de la ligne d’arrivée. Il y a de ce fait un enjeu majeur à repenser le lien entre la compétition universitaire et l’équité dans la donne politique qui s’élabore actuellement en matière de jeunesse et de formation supérieure. Car si une compétition ne peut éviter le classement des participants, elle peut demeurer équitable. Pour cela, elle doit nourrir en chacun le sentiment d’une employabilité qui, pour ne pas se muer en ressentiment à la fin des études, doit être confortée par la garantie d’une insertion professionnelle durable. Faute de quoi, les étudiants de lettres et de sciences humaines seront toujours les plus méfiants à l’égard des réformes universitaires qui ne prennent pas cette attente à bras le corps.

19Nonobstant, entre autres, les nouvelles procédures d’accueil et d’orientation contenues dans la loi du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie ou les préconisations du Conseil pour le développement des humanités et des sciences sociales [16], les enjeux d’une politique universitaire tiennent aussi, voire surtout, dans la capacité d’une réforme à ne pas laisser la méfiance s’installer chez les étudiants les plus exposés déjà aux difficultés propres à la jeunesse.


Annexe 1

Caractéristiques de l’enquête et de l’échantillon

20L’enquête par questionnaires a été menée durant l’année 2009-2010. Les questionnaires ont été passés en face à face auprès de 670 étudiants choisis de manière aléatoire à la sortie d’un cours ou dans l’enceinte du campus de Talence ou de Bordeaux. Les caractéristiques de l’échantillon sont les suivantes :

tableau im2
Sexe En % Garçon 51 Fille 49 Âge moyen 21,5 ans Écart-type 2,04 PCS du père En % Agriculteur 1,6 Artisan/commerçant 10,8 Profession médicale 10,0 Profession libérale 8,3 Ingénieur 6,8 Entrepreneur 3,5 Commercial 3,1 Direction 3,1 Cadre/enseignement supérieur 11,9 Haut fonctionnaire Enseignement 9,4 Profession intermédiaire 12,9 Employé/ouvrier 14,0 Inactif 4,6 Filière En % Sciences et techniques 21,4 Lettres et sciences humaines 19,6 Commerce et finance 16,9 Filière médicale 16,4 IUT 8,1 Droit 8,6 Sciences Po et classes prépas 6,2 Revenu mensuel moyen en euros 586,4 Écart-type 326,5
Annexe 2

L’effet de la filière sur les scores de confiance. Analyse de covariance

tableau im3
Modèle 1 Modèle 2 R² ajusté : 0,12 R² ajusté : 0,11 Source Valeur Pr > |t| Valeur Pr > |t| Constante 1,16 0,004 2,42 <0,0001 Âge 0,08 <0,0001 0,02 ns* PCS du père Agriculteur -0,19 ns -0,15 ns Employé ouvrier -0,30 0,008 -0,05 ns Profession intermédiaire -0,06 ns 0,13 ns Artisan commerçant -0,10 ns 0,06 ns Inactif -0,09 ns -0,11 ns Cadre et profession supérieure ref. ref. Filière Sciences Po et classes prépas -0,17 ns -0,16 ns Médicale -0,19 ns -0,11 ns Commerce et finance -0,14 ns -0,15 ns Lettres et sciences humaines -0,73 <0,0001 -0,45 0,005 IUT -0,39 0,024 -0,54 0,002 Sciences et techniques -0,49 0,001 -0,26 ns Droit ref. 0,000 Sexe Garçon 0,21 0,004 -0,13 ns Fille ref. ref.Lire ainsi : dans le modèle 1, la filière lettres et sciences humaines fait varier de -0.73 la constante dont le score est de 1.16. La probabilité critique est très inférieure à .01, soit un seuil très significatif. * ns : non significatif.
NB : dans les deux modèles, les valeurs de tolérance (soit 1-R2) et de variance inflation factor (VIF soit 1/(1-R2)) sont largement dans les limites prescrites pour les variables explicatives. Cela signifie qu’elles sont peu corrélées entre elles, ce qui est l’indice de la bonne qualité des deux modèles.

Bibliographie

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Date de mise en ligne : 16/02/2012.

https://doi.org/10.3917/agora.060.0035

Notes

  • [1]
    Voir à ce propos l’ouvrage de Claude Grignon et Louis Gruel La vie étudiante, Presses universitaires de France, coll. « Politique d’aujourd’hui », Paris, 1999.
  • [2]
    La confiance n’est pas un nouvel objet sociologique. Georg Simmel y voyait déjà le ferment des interactions sociales tandis qu’Émile Durkheim en fait une condition pédagogique. Depuis peu, les travaux de Putnam ont remis la confiance dans le débat sociologique par le rôle qu’elle joue sur le capital social ou sur le rapport aux institutions. Mais si un consensus existe autour de son importance dans la construction des interactions et plus généralement dans la participation sociale, il s’avère qu’aucune définition conceptuelle n’est parvenue à s’imposer véritablement. Notre objectif n’est pas de prendre part au débat sur les possibilités d’une conceptualisation sociologique définitive de la confiance. Il s’agit plutôt, à partir de quelques dimensions de la confiance, d’analyser les effets du système de formation sur la confiance des étudiants dans leur avenir.
  • [3]
    À cet égard, les étudiants de notre enquête sont nombreux (76 %) à considérer les études comme une condition nécessaire à leur insertion professionnelle : plus de la moitié déclare que les études sont indispensables pour trouver un emploi.
  • [4]
    La confiance évolue en outre dans le temps au gré des informations collectées par l’étudiant et des rétroactions continues auxquelles il procède.
  • [5]
    Voir les caractéristiques de l’échantillon présentées dans l’annexe 1, p. 47.
  • [6]
    La MDS est privilégiée lorsque le nombre de variables est réduit (8 en l’occurrence). Plus le stress de Kruskal est proche de 0, meilleure est la représentation. Ici, le stress est de 0.12.
  • [7]
    L’alpha de Cronbach est un indice statistique permettant d’évaluer la consistance interne d’un ensemble composé de plusieurs items dont on suppose qu’ils contribuent à révéler une même entité. L’indice varie de 0 à 1. Plus l’indice est proche de 1, plus l’homogénéité est satisfaisante.
  • [8]
    Un résultat notable est l’effet de l’origine sociale sur le score de confiance. On voit dans le premier modèle que la PCS du père influe négativement sur le score de confiance des enfants d’employés et d’ouvriers (-0.30) et pas les autres. On voit ensuite que cet effet disparaît dans le second modèle. Si nous ne disposons pas d’éléments empiriques ad hoc pour expliquer ce résultat, on peut néanmoins l’interpréter à partir d’une aspiration généralisée à l’ensemble des milieux sociaux aux études supérieures d’une part, à l’accès à l’université selon les catégories sociales d’autre part. Selon les données ministérielles, les étudiants des catégories sociales les plus favorisées continuent à être fortement surreprésentés au détriment des jeunes de catégories sociales défavorisées. Il s’avère que toutes formations confondues, 29,8 % des étudiants ont des parents cadres supérieurs ou exerçant une profession libérale tandis que 10,3 % sont enfants d’ouvriers (voir Repères et références statistiques, 2010, ministère de l’Éducation nationale et ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, p. 188). Sous-représentés à l’université, les étudiants d’origine défavorisée seraient convaincus que le diplôme supérieur est « l’arme du faible ». Ce rapport aux études supérieures, bien mis en évidence par Tristan Poullaouec (2010), donnerait plus de relief à la confiance des plus « faibles » dans le diplôme, les enseignants et l’université.
  • [9]
    Ce qui rejoint les résultats mis au jour par Christian Baudelot et Roger Establet dans Allez les filles ! (Le Seuil, Paris, 1992).
  • [10]
    C’est aussi cela qui différencie le lycéen de l’étudiant : le premier peut avoir confiance dans la capacité du lycée de lui faire obtenir un baccalauréat (que décrochent d’ailleurs environ 86 % d’élèves toutes filières confondues) mais douter, une fois le sésame en poche, de la capacité du diplôme universitaire à lui procurer un emploi stable.
  • [11]
    Ce qui rejoint la remarque sur l’effet de la PCS du père en note 8.
  • [12]
    Étude réalisée du 2 au 9 février 2010 par Opinionway pour le compte du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, auprès de 300 recruteurs et de 500 étudiants en lettres, langues, sciences humaines et sociales.
  • [13]
  • [14]
    Si l’incertitude plus marquée pour certaines filières est vue comme l’illustration du décalage entre spécialité de formation et emploi à venir, la question se pose quant aux raisons qui conduisent les étudiants à poursuivre des études dans des filières « dévalorisées ». La tendance des parents, y compris dans les familles ouvrières, à privilégier le désir de l’enfant est une réponse possible. Elle renvoie à l’individualisation des choix et par conséquent à la substitution du principe de respect des choix de l’enfant au principe d’élaboration du projet scolaire sur la base d’une évaluation à la baisse des ambitions scolaires (voir Poullaouec, 2010).
  • [15]
    Si les anticipations de la valeur du titre universitaire préparé sur le marché du travail ont des incidences sur la confiance des étudiants, on suppose par ailleurs que d’autres variables sociales (le sexe, le parcours scolaire, l’origine sociale notamment) ont des effets sur le problème considéré.
  • [16]
    Rapport téléchargeable à l’adresse : http://media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/Rapport_CDHSS/33/8/CDHSS-version14janvier2010remiserapport_133338.pdf. Parmi les préconisations du Conseil pour le développement des humanités et des science sociales (CDHSS), on note la prise de conscience chez les étudiants des filières littéraires et sciences sociales que les débouchés peuvent être ailleurs que dans les métiers de l’enseignement. Les étudiants peuvent miser par conséquent sur le secteur de la fonction publique au sens large, voire sur les entreprises à la recherche d’un personnel autonome et doté d’un esprit de synthèse.
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