Dans une série d’articles consacrés au progrès technologique, l’historien Christopher Lasch note qu’il y a peut-être quelque chose de profondément irrationnel au cœur de ce qu’on tient pour l’entreprise rationnelle par excellence. « La base intellectuelle […] du culte moderne pour la technologie, remarque-t-il, est la célébration de l’intelligence désincarnée, […] une incorrigible fuite de la réalité, un fantasme de maîtrise totale, de transcendance absolue des limites imposées à l’humanité. » Lasch émet ainsi l’idée que l’avancée technologique sur laquelle nous parions actuellement pour préserver et enrichir la vie trahit en fait une impatience, voire un mépris pour la vie, une haine et une révolte face à notre existence terrestre incarnée, c’est-à-dire mortelle. Sous ses apparences pratiques, la poursuite de l’utilité ne serait autre qu’une quête de transcendance. Fait surprenant (et inquiétant), nos finalités séculaires semblent devenues tributaires de moyens qui, eux, visent l’au-delà.
D’autres auteurs ont émis des observations semblables et décrit cette mentalité technologique comme un phénomène essentiellement religieux. Lewis Mumford a relié notre malaise moderne à la « foi en la religion de la machine » qui imprègne depuis longtemps la culture occidentale. Wendell Berry s’est désespéré de ce que, malgré ses conséquences destructrices, nous conservions cette « étrange foi religieuse dans le progrès technologique ». Le texte qui suit retrace brièvement le cheminement historique de cette religion de la technologie, qui a acquis une telle emprise sur notre imagination et, par-là, sur notre avenir…
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