En 1924, date de la rédaction de « L'esprit de l'époque naturaliste » mais aussi de la sortie de Monts, mers, géants, Alfred Döblin a déjà publié une dizaine d'œuvres, dont Les Trois Bonds de Wang Lun (1915) et Wallenstein (1920).
Ce texte prend pour point de départ les profondes transformations induites par le développement de la technique au début du xx
e siècle, qui entraîne à sa suite une explosion de l'industrie, du commerce et de l'urbanisation. Dans les milieux intellectuels allemands, ces bouleversements sont alors largement déplorés : l'idée y règne qu'on serait passé de la culture (tradition, âme, intériorité) à la civilisation (technique, science, politique). Loin de célébrer le progrès, Döblin affirme qu'il a pour effets une déshumanisation des travailleurs, « transformés en bêtes », de violentes tensions sociales et un fort risque de guerres dévastatrices. Pour autant, il ne le critique pas non plus d'un point de vue réactionnaire, et rappelle incidemment que les hommes ont toujours regretté le passé, considéré comme un « énorme bloc » inévitablement plus simple et plus enviable qu'un présent dont le fait même d'y être plongé force à regarder le détail.
Tentant d'examiner l'influence que l'explosion de la technique a sur la production intellectuelle et artistique de son temps, l'écrivain commence par insister sur le fait qu'il n'existe pas un « esprit du temps » mais plusieurs, qui coexistent ; et que l'art, la création n'émergeant jamais sans une grande distance par rapport au monde, ils ne portent la trace de l'histoire qu'avec un certain retard…
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