Le Nouveau Monde est le nom donné dès le xvie siècle par les Européens au continent qu’ils venaient de découvrir sur la route occidentale des Indes et qu’ils baptisèrent du nom d’un des leurs – Amerigo Vespucci – avant d’en exterminer les indigènes et d’y importer massivement des Africains réduits en esclavage pour en cultiver les terres. Le Nouveau Monde est donc d’une certaine manière une projection de l’Ancien, une terre promise au salut chrétien et à la colonisation, et délimitée comme telle dès 1493 par le pape Alexandre VI dans la célèbre bulle Inter cætera divinæ. Ainsi émancipés du poids de l’histoire et des traditions du Vieux Monde, les « États-Unis d’Amérique » ont prétendu incarner à eux seuls l’esprit de liberté du Nouveau. Ils se sont dotés de leur propre épopée fondatrice, celle de la conquête de l’Ouest qui, de Buffalo Bill aux westerns, est parvenue à métamorphoser en chanson de geste le massacre et la spoliation des Amérindiens. Mais ce n’est pas cette aptitude au massacre et à la spoliation qui distingue l’Amérique de l’Europe, qui a en ce domaine des titres aussi impressionnants à faire valoir, aussi bien sur leurs terres qu’en Afrique ou en Asie.
En revanche les États-Unis d’Amérique, émancipés du passé et tout entiers tournés vers l’avenir, semblent avoir en propre une faculté d’oubli, un penchant au refoulement du passé, qui ne cesse de se trahir de la manière la plus ingénue, lorsque s’appropriant la place de leurs anciennes victimes ils les font disparaître une seconde fois…
Cet article est en accès conditionnel
Acheter cet article
3,00 €
S'abonner à cette revue
À partir de 50,00 €
Accès immédiat à la version électronique pendant un an
2 numéros papier envoyés par la poste