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Article de revue

« Compter les nuages… »

Pages 55 à 65

Notes

  • [1]
    « Compter les nuages », expression typique de la langue irlandaise.
  • [2]
    « A cure » mot anglais au sens ambigu : cure et traitement médical.
  • [3]
    J. Lacan, Le Séminaire, Livre XI, Les quatre concepts fondamentaux de psychanalyse. [The four fundamental concepts of Psychoanalysis] Séminaire II, Ed. J.A. Miller, Londres, Karnac, 2004, Trad. A. Sheridan, p. 22.
  • [4]
    Ibid.
  • [5]
    S. Freud, Malaise dans la civilisation [Civilization and its discontents], Penguin, UK. Ed., 1964, trad. J. Strachey, p. 263-264.
  • [6]
    Ibid., p. 257-258.
  • [7]
    J. Lacan, Le Séminaire, Livre XXIII, Le Sinthome. [The Sinthome], Seminaire XXIII, 1975, traduction inédite C. Gallagher, p. 10.
  • [8]
    Ibid., p. 11.
  • [9]
    J. Lacan, Les quatre concepts fondamentaux de psychanalyse, op. cit.
  • [10]
    Ibid., p. 10.
  • [11]
    J. Lacan, Le Séminaire, Livre XXII, rsi, 1974, trad. inédite C. Gallagher, p. 6.
  • [12]
    J. Breuer, S. Freud, Studies on Hysteria, Londres, Penguin, 1974, Trad. J. Strachey, p. 73.
  • [13]
    J. Lacan, Les quatre concepts fondamentaux de psychanalyse, op. cit.
  • [14]
    J. Adams et R. Martin, Surface and Symbol: The Consistency of James Joyce’s Ulysses, Oxford University Press, 1967.
  • [15]
    J. Joyce, Ulysses, Londres, Penguin, 2001.
  • [16]
    J. Lacan, Le Séminaire, Livre XX, Encore, Séance du 20 février 1973, trad. inédite C. Gallagher, p. 6.
  • [17]
    Ibid.
  • [18]
    J. Lacan, Le Séminaire, Livre XXIII, Le Sinthome, op. cit., p. 47.

1 Pour introduire notre exposé, interrogerons la psychanalyse face aux concepts de « cure [2] » et de guérison ?

2 « Cure » ou guérison, est-ce le cas ou pas ? Est-ce vraiment la question, une question qui reste ouverte. Cela revient à s’interroger sur ce qu’est la psychanalyse, quelle est sa fonction, quels sont ses effets, les résultats attendus ? Son but n’est pas de guérir et pourtant quelque chose arrive. Qu’est-ce que ce : quelque chose ? Ce sont des questions très importantes dont les réponses détermineront la direction de la cure, du traitement.

3 En français, le mot traitement est proche du vocable traité (accord). Il est donc possible de penser le résultat de la psychanalyse comme un traité avec la dualité du sujet, une forme d’accord pour une certaine paix au sein du sujet.

4 Il s’agit pour le patient de trouver un certain équilibre, associé à une restructuration et peut être une forme de dé-morcellement. La guérison laisse une cicatrice et Lacan parle de « cicatrice sur l’inconscient [3] ». Son recours au nœud borroméen nous conduit à entendre la guérison comme un nouage, peut-être une suture au bon endroit. Un proverbe anglais dit à ce sujet que, « un point de suture à temps en épargne neuf ».

5 Les concepts de guérison ou de « cure » questionnent sur : pour qui, ou pour quoi ? La réponse est ici fondamentale pour la direction du traitement. Éliminer ou guérir la mal-adie n’est pas nécessairement une solution, car c’est le mal-aise ou la mal-adie qui font de nous des êtres humains. Si mal-aise est le contraire d’aise, alors la psychanalyse n’élimine pas le mal-aise, et d’une certaine manière, de fait, le processus de l’analyse le provoque. Malgré tout, la société moderne croit non seulement qu’il faut éradiquer les symptômes, mais aussi qu’il faut agir d’un point de vue génétique.

6 Guérir vient du mot guarir en ancien français, qui signifiait garantir, protéger, donner la santé et cacher. Cependant, la psychanalyse ne garantit rien. On peut aussi entendre cacher comme couvrir ou recouvrir, proche de recouvrer, ce qui est parlant en matière de santé. Il y a là une résonance intéressante pour la psychanalyse, parce que recouvrer ou récupérer peut signifier s’améliorer, restaurer, ramener ou recouvrir, alors que quelque chose reste caché. Pour nous-même, le mot est aussi proche de guerre, une guerre au sein du sujet divisé ? Enfin, guérison nous a aussi fait penser à garnison, lié à la guerre et à la défense.

7 Si nous cherchons à définir la « cure », nous trouvons une notion d’universalité : ainsi, en anglais, il est parlé de la « cure » du cancer ou de celle du diabète. Mais la psychanalyse n’a rien d’universel. Nous faisons du cas par cas et pouvons trouver une « cure », un traitement, qui peut en passer par un mot ou par une phrase, mais qui n’est applicable qu’à un-e et non à tous. C’est dans ce sens qu’une psychanalyse n’est pas une « cure », laquelle implique une prescription et doit être mesurable à l’échelle de nombreux cas. Pour beaucoup de raisons, une telle mesure est impossible en psychanalyse. Ce serait comme « compter les nuages [4] ». Ce qui n’a aucun intérêt et s’avère très difficile. Ils échappent à notre appréhension, car en mouvement perpétuel et ne permettent pas de mesure. Mais dire que la psychanalyse n’est pas une « cure » en soi, cela ne revient pas à dire qu’elle n’est pas satisfaisante ou qu’il en existe ailleurs une autre ou une meilleure « cure ».

8 Pour que ce soit une « cure » intéressant quoi que ce soit, il faut que ce « quoi que ce soit » puisse être défini. Voilà le nœud du problème. Or ce n’est pas possible, chaque individu étant singulier. Le problème de l’un, n’en est pas un pour l’autre. Que l’on cherche à prendre du plaisir ou à éviter la douleur, nos problèmes sont divers. Que nous recherchions notre satisfaction en dedans ou au-dehors, que nous soyons religieux ou non, nos problèmes ne sont pas les mêmes.

9 Freud souligne cette singularité dans Malaise dans la civilisation [5]. Chacun est différent, malgré certaines similitudes. Nous pourrions donc créer des catégories, comme le dicterait la science. Seulement, ces classifications réductrices, limitées par notre conception des dimensions impliquées, ne nous donneront jamais de vision globale parce que les différences- même, vont se loger dans les structures. Il convient de faire attention à ne pas réduire la psychanalyse à ce que nous pouvons comprendre, observer ou mesurer. Cependant, le fait que nous ne puissions pas saisir tous les détails simultanément ne signifie en rien leur inexistence.

10 En anglais, le verbe to cure, signifie aussi fixer ou figer, comme avec de la colle et concerne aussi une poterie qui sèche en durcissant. On l’applique également par exemple à un morceau de poterie que l’on ne pourrait plus remanier car il n’est plus malléable ou modifiable, après qu’il ait été « cured ». Ce n’est qu’en rejetant la différence individuelle que l’on peut parler de « cure ».

11 Nous nous proposons d’examiner maintenant l’objet de la « cure », quel est-il ?

12 La psychanalyse ne vise pas à guérir les symptômes, ils servent bien leur maître et ce n’est que lorsqu’ils échouent que la personne recherche une thérapie, non pas pour guérir son symptôme mais pour le reconstruire.

13 La condition humaine peut être considérée comme une affection, une maladie ou un mal-aise. Selon certains partisans de l’approche scientifique, Guérir/ to cure serait donc enlever l’humanité (voir la culture moderne, la génétique et la robotique).

14 Un génome désigne un ensemble complet de gènes portés par les chromosomes ; ils comportent toutes les caractéristiques d’un organisme. On cherche aujourd’hui à modifier les génomes, c’est-à-dire les éléments génétiques et héréditaires. Mais nous, êtres humains, héritons de nos aïeux. Et supprimer cet héritage en altérant les génomes viserait à éliminer les défauts pour nous rendre parfaits. La « cure » suprême !

15 Où se termine cette quête de la perfection ? Les machines vont plus vite et sont plus efficaces que les humains, elles sont sans émotion, elles ne tombent pas malades et n’ont pas besoin de vacances. Pas de pause. Nous voyons, avec les avancées de la science, cette fusion entre l’homme et la machine. Quelque chose d’aussi élémentaire que la technologie sans fil appelée ccp (comme Bluetooth), qui permet de payer sans contact avec sa carte bleue, l’illustre bien. D’ailleurs, saviez-vous qu’il est possible d’acheter sur Amazon un kit permettant de s’implanter une puce ccp dans la main : il suffit ensuite, de poser sa main sur un terminal de paiement pour régler son addition ! C’est à cela que cette idée de guérir pourrait nous mener : à la robotisation de l’homme.

16 Nous partons toujours du principe, selon lequel, dans le domaine de l’intelligence artificielle, les programmeurs tireront des leçons de la psychologie, des émotions, des sciences sociales ou humaines. Dans le même temps, certaines innovations technologiques récentes nous éclairent sur le fonctionnement de l’esprit – Ex : la technologie dite blockchain ou chaîne de blocs.

17 Petit exemple simple pour préciser notre raisonnement : l’un des éléments de ce système de stockage concerne le mode de conservation des données. Chaque entrée contient non seulement la donnée ou l’événement concerné mais tout son historique. On a donc consigné de manière complète et incorruptible un événement. Ces données sont ensuite introduites dans des blocs hermétiques sur une chaîne. Dans « Malaise dans la civilisation » [6], Freud se demande à quoi pourrait ressembler une représentation graphique de la mémoire. Il donne l’exemple de Rome et souligne la difficulté d’imaginer chaque édifice aujourd’hui et dans le passé, toutes les ruines et même celles qui ont disparu, tout cela coexistant au même moment et occupant le même espace. Il explique que cette représentation de la mémoire n’est pas valable, car nos souvenirs sont liés à des périodes temporelles, une année, puis une autre... Impossible donc de représenter cela sur des images.

18 La technologie de la chaîne de blocs tend à résoudre ce problème. Chaque nouvelle entrée pouvant être considérée comme un nouveau souvenir qui existe et qui coexiste avec tous les souvenirs antérieurs : pas d’effacement, tous les nouveaux souvenirs restent actifs. Pour autant, cela ne règle pas le problème des interactions complexes qui se jouent entre les souvenirs et les expériences, qui sont totalement subjectives, et par conséquent non mesurables globalement.

19 Interrogeons-nous à propos de qui se produit au cours d’une analyse ? Il n’y a pas de réponse facile ou toute-faite, et pourtant, il y en a une qui est possible. C’est énigmatique et compliqué et, en même temps, ça ne l’est pas. Tout comme les nuages, vous les voyez et lorsque vous distinguez leur forme, ils changent et deviennent insaisissables, ils ne sont plus là, ils ont changé, se sont éloignés, c’est comme pour notre compréhension de l’inconscient.

20 Pour que l’analyse ait lieu, nous le savons tous, cela nécessite la présence de deux personnes, l’analyste et le patient, tous deux sujets humains, sujets divisés.

21 Lacan dit « c’est par une restitution du sujet divisé par les opérations de la langue, que l’analyse circule » [7]. Il distingue ainsi l’analyse, d’une science et dit que la science fait du sujet, un objet, alors que le sujet est divisé.

22 En entrant dans le monde de la langue, le sujet se divise et c’est ce sujet divisé que nous voyons dans la clinique. Selon Lacan, « l’analyse fait circuler la restitution de ce sujet divisé. La restitution implique de revenir à un état antérieur, mais l’analyse ne restitue pas, elle la fait circuler dans l’intention de la modifier [8] ». Le réel est en dehors du langage et la psychanalyse permet la symbolisation d’une partie du réel, mettant des mots sur ce qui est indicible.

23 Lacan explique que « la seule arme contre le symptôme est l’équivoque [9]. » Cela signifie que dans l’analyse, nous utilisons le langage, la signification des mots et leurs homophones. L’équivoque est l’un des outils utilisés par l’analyste pour libérer le patient de son symptôme. Les signifiants qui résonnent pour un patient ne sont pas les mêmes pour un autre ; ils sont particuliers, et donc encore une fois interprétés de façon individuelle.

24 Essayer de manier ces concepts peut être déroutant et difficile. Certains pourraient dire impossible, car nous utilisons un système linguistique pour expliquer ce qui se cache en dehors du langage. S’agissant des obstacles rencontrés par le désir de connaissance, Lacan dit « avoir inventé le noeud comme incarnation de ces obstacles [10]. »

25 Le noeud borroméen composé de trois ronds de ficelle, a été inventé par Lacan en se tournant vers la topologie : il utilise le noeud pour représenter les trois registres : Réel, Symbolique et Imaginaire [11]. Chaque rond est noué de telle manière que le découpage de l’un d’entre eux coupe tout contact. Chaque rond est à la fois à l’intérieur d’un rond et en même temps en dehors d’un autre. Chaque registre n’existe et n’est limité que par l’existence des deux autres. Il résiste à l’imagination, n’a pas d’image en miroir, c’est pourquoi il est difficile à saisir.

26 Dans la configuration initiale, Lacan situe le sens dans l’intersection entre l’Imaginaire et le Symbolique ; après avoir précisé que le noeud borroméen est un noeud, il nous dit qu’il s’agit d’un faux noeud et que c’est en fait une chaîne.

27 Lorsque les trois ronds ne sont pas reliés de manière borroméenne, Lacan indique que « l’invention d’un sinthome consiste à guérir un noeud défaillant » ce qui replace la psychanalyse dans le domaine de la guérison. Le sinthome est le quatrième élément du noeud noué. Chaque rond de ficelle est noué sous et sur l’autre chaîne par alternance. On parle aussi d’entrelacs brunnien. Lacan utilise le noeud pour refléter ce qui échappe à la langue. Il parle également de la différence entre deux et trois dimensions et même quatre avec le quatrième rond et au-delà, ce qui dépasse notre capacité d’imagination. Le noeud nous aide à comprendre les interactions complexes entre les trois registres, la façon dont ils se chevauchent et sont entre-tissés. Le nouage des trois registres est comme une tresse, que l’on peut distinguer visuellement uniquement par la couleur.

28 La psychanalyse, en tant que « cure par la parole » nous permet de sortir de l’hypothèse d’une existence prédéterminée où chaque mouvement et événement précis seraient déjà décidés. Cela nous permet de poser la responsabilité individuelle, les choix faits par chaque sujet, dans l’interprétation de sa propre réalité, au-delà de toute prédétermination, réelle ou autre. Ainsi, la psychanalyse est une « cure » contre la limitation d’insignifiance. Ce qui est également très intéressant, car cela passe par le signifiant. En revenant à ses origines, et à la découverte que la parole menait à la guérison (cure en anglais) d’un symptôme « avec Anna O [12] », la psychanalyse apparaît comme une « cure », c’est d’une restitution du sujet divisé par les opérations de la langue , que l’analyse opère, mais la question demeure : une cure pour quoi ? Dans certains cas, éventuellement pour traiter le symptôme si nécessaire ; dans d’autres cas, pas du tout.

29 Donc, c’est parfois une « cure », (au sens anglais du terme), parfois une guérison, parfois les deux et parfois même rien de tout cela. D’où mon titre : la science veut classer afin de mesurer et traiter. Le postulat est que si on peut identifier A, on sait comment le traiter, mais A n’est pas universel, il ne s’agit pas de traiter une infection bactérienne avec un antibiotique. Il n’y a pas une seule solution prédéfinie qui peut être appliquée à tous. « La psychanalyse n’est pas la pratique d’une théorie, mais la théorisation d’une pratique [13]. »

30 Il ne s’agit pas d’écouter pour confirmer ce que nous pensons savoir ; il s’agit d’écouter ce qui émerge… Les lapsus, par ex. Dans le séminaire « rsi », Lacan parle de la différence entre la surface et le symbole et se réfère au livre d’Adams [14]. Adams étudie « Ulysses  » [15] de James Joyce, et pour connaître la signification des mots de Joyce, il distingue la surface, c’est-à-dire les descriptions réelles de Dublin, et des symboles qui ne cadrent pas. La psychanalyse, c’est aussi un peu comme cela : l’analyste écoute ce qui ne correspond pas, ce qui est « remarquable » au sens premier du terme.

31 Lorsque nous avons catégorisé une chose, nous pouvons la mesurer, mais nous devons savoir ce que nous mesurons. Une personne pourrait être « cured » une autre guérie, une autre les deux à la fois, et une fois encore, ni l’un ni l’autre. Mais quelque chose s’est produit, a changé. Le patient s’est peut-être réveillé, peut voir le monde autrement, il peut avoir encore son symptôme ou un nouveau sinthome. Comment le mesurer, sinon au cas par cas ?

32 Pour revenir à la question initiale : la psychanalyse, est-elle une « cure » ou permet-elle une guérison ? On peut dire que c’est un traitement, un réveil, une intervention dans le réel et, dans une certaine mesure, elle existe en dehors du langage ; bien qu’elle opère dans le langage. Comme dans la bande de Moebius, il y a un intérieur et un extérieur qui ne font qu’un. Dans le séminaire « Encore » Lacan parle ainsi de ce : « Un, il n’y a que lui. Il existe une unité, un continuum, une connexion [16]. » La psychanalyse permet au sujet de modifier son symptôme quand il est devenu un obstacle, et de le modifier en sinthome si cela lui convient.

33 La psychanalyse serait-elle un traitement, qui, en tant que tel, ne fonctionne pas, à partir de là où se situe le symptôme ; elle fonctionne à partir du lieu de la subjectivité. La psychanalyse est un traitement semblable à une intervention chirurgicale psychique ; une procédure est le mot parfait, cela implique que quelque chose soit fait, mais on ne précise pas ce que c’est. Mais cette opération est réalisée avec des mots, dans le domaine de la langue. C’est une opération sur l’inconscient, à l’aide de mots. C’est la seule « thérapie » qui reconnaisse les mots comme définissants, changeants et finalement marquants pour le sujet.

34 En Irlande, nous avons le dicton « mark my words », littéralement « marque mes mots », qui sonne comme une prédiction. « Crois-moi, cela se produira », les parents le disent souvent à leurs enfants lorsque ceux-ci se comportent mal. Mais le fait est que tous les enfants sont marqués par les mots de leurs parents.

35 La plupart des psychothérapies, en particulier la thérapie comportementale cognitive (cbt), visent à faire des patients de meilleurs membres de la société. Il s’agit qu’ils puissent entrer dans le cadre attendu, être conformes aux impératifs du surmoi. On pourrait dire que la psychanalyse est l’opposé de cela, et qu’en même temps, elle existe à cause de cela. Le traitement est fait pour les sujets individuels divisés, au cas par cas, et peut permettre à chacun de suivre son propre désir, et non celui imposé par le grand Autre.

En conclusion

36 La psychanalyse comme « cure » ou conduisant à une guérison, il n’y a pas là, finalement, de véritable débat. Ce dernier se porte plutôt sur l’objet de cette « cure » ou guérison : qu’est-ce qu’elle guérit ? Nous pouvons nous cacher derrière le jargon, mais finalement l’analyse fonctionne dans le Réel et bien que ses effets puissent être observés dans la réalité, une description exacte du mécanisme est complexe ; et la langue est un instrument maladroit quand il s’agit de son explication. Tout le monde est différent et chaque sujet construit son propre sinthome.

37 « Un point de suture à temps en épargne neuf [17] ». Lacan suggère que pour le psychotique, une coupure dans n’importe quel registre suffit pour que tout se délie. Cependant, pour d’autres, il se peut qu’il faille deux coupures dans le noeud pour qu’il se défasse, c’est lié à sa formation. De sorte que la formation d’un sinthome, voire d’une suture au bon endroit, c’est ce qui pourrait empêcher le sujet de se morceler. Lacan parle aussi « du trognon du Réel autour duquel s’articulent des broderies de l’esprit, et de sa cicatrice, qui est une blessure guérie ». Donc, encore une fois, c’est une « référence à la guérison et à la cicatrice laissée dans l’inconscient [18]. »

Notes

  • [1]
    « Compter les nuages », expression typique de la langue irlandaise.
  • [2]
    « A cure » mot anglais au sens ambigu : cure et traitement médical.
  • [3]
    J. Lacan, Le Séminaire, Livre XI, Les quatre concepts fondamentaux de psychanalyse. [The four fundamental concepts of Psychoanalysis] Séminaire II, Ed. J.A. Miller, Londres, Karnac, 2004, Trad. A. Sheridan, p. 22.
  • [4]
    Ibid.
  • [5]
    S. Freud, Malaise dans la civilisation [Civilization and its discontents], Penguin, UK. Ed., 1964, trad. J. Strachey, p. 263-264.
  • [6]
    Ibid., p. 257-258.
  • [7]
    J. Lacan, Le Séminaire, Livre XXIII, Le Sinthome. [The Sinthome], Seminaire XXIII, 1975, traduction inédite C. Gallagher, p. 10.
  • [8]
    Ibid., p. 11.
  • [9]
    J. Lacan, Les quatre concepts fondamentaux de psychanalyse, op. cit.
  • [10]
    Ibid., p. 10.
  • [11]
    J. Lacan, Le Séminaire, Livre XXII, rsi, 1974, trad. inédite C. Gallagher, p. 6.
  • [12]
    J. Breuer, S. Freud, Studies on Hysteria, Londres, Penguin, 1974, Trad. J. Strachey, p. 73.
  • [13]
    J. Lacan, Les quatre concepts fondamentaux de psychanalyse, op. cit.
  • [14]
    J. Adams et R. Martin, Surface and Symbol: The Consistency of James Joyce’s Ulysses, Oxford University Press, 1967.
  • [15]
    J. Joyce, Ulysses, Londres, Penguin, 2001.
  • [16]
    J. Lacan, Le Séminaire, Livre XX, Encore, Séance du 20 février 1973, trad. inédite C. Gallagher, p. 6.
  • [17]
    Ibid.
  • [18]
    J. Lacan, Le Séminaire, Livre XXIII, Le Sinthome, op. cit., p. 47.
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