Notes
-
[1]
J. Lacan, Seminario 11, Ed. Paidós, 1989, p. 14
-
[2]
Y. Stavrakakis, La Izquierda Lacaniana, Ed. Fondo de Cultura Económica, 2010, p. 17
-
[3]
Ibid., p. 92.
-
[4]
Ibid., p. 29.
-
[5]
J. Alemán, Lacan en la razón posmoderna, Ed. Miguel Gómez, 2000, p. 19.
-
[6]
S. Freud, Obras Completas, t. XVIII, Amorrortu, p. 105.
-
[7]
J. Lacan, Seminario 17, Ed. Paidós, 1992, p. 206.
-
[8]
S. Freud, Obras Completas, t. XVIII, Amorrortu, p. 74.
-
[9]
J. Lacan, Seminario 11, Ed. Paidós, 1989, p. 54.
-
[10]
J. Lacan, Radiofonía.
-
[11]
J. Alemán, op. cit., p. 36.
1 Toute validité est soutenue, en définitive, sur l’insistance, sur une répétition et donc sur une relation avec le Réel. Mais l’on pense souvent, que ce qui devient actuel ou inactuel, n’est pas ce qui est relatif à cette insistance, mais ce qui fonctionne avec le discours du Maître. Ainsi, la validité est un thème politique, et non technique.
2 La science physique et mathématique a eu un développement étonnant dans l’antiquité grecque, égyptienne, babylonienne, et indienne. Thalès de Milet au vie siècle av. J.-C. établissait déjà le concept de loi naturelle, c’est-à-dire la répétition et le passage du mythe au logos, deux siècles avant que Platon ou Aristote en parlent. Avec sa théorie atomique et en suivant les traces d’Héraclite, Démocrite place la dialectique et le changement ininterrompu de la réalité, au dessus de la prétendue permanence éternelle de la réalité du Maître.
3 Cette science a eu ensuite de grands successeurs tels que Pythagore, Eudoxe, Archimède, Euclide, et Eratosthène, entre autres. Nonobstant ce qui précède, c’est-à-dire, en dépit de l’efficacité des instruments symboliques créés par ces pères fondateurs en Europe médiévale, au Moyen-Orient et aussi en Orient confucéen, l’insistance du Réel n’est plus entendue et cette science décline, stagne, cesse d’être fonctionnelle pour le Maître et son désir.
4 C’était une science, sans aucun doute, mais elle n’était pas de son temps. Cependant, elle retrouve sa vitalité en Occident chrétien au cours de la Contre-Réforme luthérienne au début du xvie siècle. C’est le temps de Copernic. Un siècle plus tard, Galilée fonde ou refonde la méthode expérimentale et Descartes lui donne sa place dans le domaine de la philosophie. Ainsi débute une nouvelle période éminemment fructueuse pour le progrès de la science. Son nouveau Maître capitaliste déploie le commerce, la navigation et l’astronomie.
5 Keppler découvre que la forme de l’orbite des planètes coïncide avec l’ellipse qui avait été découverte deux mille années plus tôt par les Grecs. Comment est-il possible que les théorèmes des mathématiques, fondés sur un développement formel et axiomatique, dans un essor apparemment sans liens, rencontrent tôt ou tard le réel ? Quel est le lien caché qui, dès le départ, aurait déterminé cette rencontre ?
6 Nous constatons que la science cherche, mais elle trouve aussi à la manière de l’inquiétante étrangeté et c’est pourquoi nous pouvons aussi nommer et qualifier son objet de « Réel ».
7 Si nous comprenons la science comme le domaine d’une praxis et que nous considérons que celle-ci signifiait pour Lacan au moins la capacité d’opérer dans le Réel à travers le symbolique, capacité qu’il voyait aussi dans la psychanalyse [1], nous trouvons que la capacité de cette dernière n’assure pas et ne garantit pas sa validité.
8 Ainsi, la question de la validité de la psychanalyse n’est pas une question la concernant, c’est une question adressée à la politique et qui a très peu à voir avec la question de savoir si celle-ci est ou non efficace dans le domaine clinique, voire dans ceux de l’hégémonie de la médecine, la psychiatrie et la psychologie, ou bien pour l’efficacité possédée dans d’autres domaines.
9 En dépit de ce qui précède, pouvons-nous affirmer que la validité de la psychanalyse obéit aux mêmes critères que ceux de la physique mathématique ? Est-il possible de penser que la validité et de la psychanalyse, et de la science physique, dépendent du désir du Maître, dans des circonstances où la psychanalyse s’alimente de ce que le discours du Maître ne réussit pas à atteindre ?
10 Au moins aujourd’hui, alors qu’on peut penser que le discours du Maître déchoit, il est advenu l’un des moments de la plus grande splendeur de la psychanalyse dans d’autres domaines. En particulier la mise au point lacanienne « est devenue une des plus importantes ressources dans le cadre de l’actuelle réorientation de la théorie politique et de l’analyse critique contemporaine… » Ainsi selon une description publiée dans le British Journal of Politics and International Relations – l’un des magazines de l’Association d’études politiques du Royaume-Uni – intitulée « La politique du manque », on lit que « dernièrement l’abordage de la politique du point de vue de la psychanalyse lacanienne, est de plus en plus populaire chez les théoriciens… Seule l’influence du libéralisme analytique l’emporte sur cette approche de la théorie politique [2] ».
11 Parmi les théoriciens les plus renommés actuellement, s’étant distingués dans cette orientation, on peut citer les célèbres Laclau, Mouffe, Zizek et Badiou qui, en dépit de différences théoriques, tentent aujourd’hui de théoriser la science politique du point de vue de la psychanalyse lacanienne, en suivant les traces laissées à l’époque par l’École de Francfort avec la théorie de Freud.
12 La peste que Freud apportait à l’Amérique était un virus, mais celui-ci a muté. Il a muté de la clinique à la science politique.
13 Dans cette véritable guerre de position, la psychanalyse a gagné du terrain au niveau de la politique. Les psychanalystes ont-ils souhaité occuper un certain domaine ? Ni Freud, ni Lacan ne concevaient la psychanalyse comme une vision de monde, mais comme quelque chose d’inévitable, en train d’arriver maintenant. L’éthique de la psychanalyse, en son nom ou pas, a imprégné la nature des différents types d’institutions.
Le manque constitutif
14 Le thème central que les différentes variantes des sciences sociales ont préservé de la psychanalyse lacanienne, a été, sans nul doute, celui du manque, qui trace d’une manière irréductible le hiatus entre le symbolique-imaginaire et le réel. Ainsi, l’aliénation du sujet (dans le symbolique) empêche l’accès immédiat à un besoin réel, obligeant les êtres humains à aller à la recherche de la satisfaction de son désir au lieu de l’Autre, qui est la réalité socialement construite. Il s’agirait donc de cacher ce manque constitutif ou la tentative de satisfaire le désir qui l’accompagne, par la voie d’actes permanents d’identification avec des objets qui sont socialement construits, des tissages de signifiants investis d’une cohérence et d’une unité imaginaire-fantasmatique, telles que les idéologies, les valeurs symboliques, les modèles de consommation, des rôles sociaux, des leaders, etc.
15 D’autre part, alors que le Réel est irréductible au domaine de la construction sociale, il s’exprime au travers d’irruptions et d’inconsistances, semblables à des altérations du symbolique/imaginaire, comme faisant rupture dans les processus de signification et de subversion du sens [3].
16 Cependant, selon Zizek, « Lacan est loin de transformer le réel en “tabou”, de lui octroyer le statut d’entité intouchable dépourvue d’analyse historique ; au contraire, pour lui, la seule position éthique véritable consiste à assumer pleinement la tâche impossible de symboliser le réel, y compris son échec nécessaire [4] ».
17 Jorge Alemán caractérise ainsi ce moment : « Freud construit un bord, une “charnière” entre le champ du sens et celui de la pulsion [5]. »
18 Chez Lacan, le Réel n n’est pas la chose en soi kantienne car on peut le toucher – Descartes l’a touché quand il a atteint le niveau maximum de son doute – lorsque le Moi disparaît ; la science physique et d’autres sciences l’ont touché souvent ; il est touché par la clinique psychanalytique lorsque celle-ci joue son rôle. On peut le toucher car le Réel est un bord avec le symbolique-imaginaire par lequel la topologie a pu lui donner une place dans la théorie. Cependant, la limite est la « charnière » d’Alemán. Le Réel est irréductible, non pas déconstructible ; il présente la matérialité du substantiel, ce qui effraie tant la philosophie idéaliste. Le Réel, c’est l’affect chez Freud, et la jouissance chez Lacan, c’est le corps et la pulsion.
19 La catégorie de la jouissance explique la force que les identifications peuvent obtenir dans le registre de la réalité sociale, elles qui peuvent avoir leur origine dans quelqu’une des trois formes d’identification que Freud a élaborées. Ainsi, l’autorité et la puissance symbolique se fondent non seulement sur une construction fantasmatique ou sur le savoir, mais surtout sur l’investissement libidinal (y compris les pulsions sexuelles dans leur inhibition quant au but, comme le dit Freud) [6] et sur la jouissance partielle qui lui est consubstantielle. De cette façon, la jouissance partielle produite par l’acquisition de l’objet technique dans la société de consommation serait l’un des principaux appuis de son hégémonie, ainsi que ceux de la jouissance obtenue dans la soumission au Maître.
20 Cette argumentation explique bien le mécanisme des identifications par lequel le sujet essaie de cacher sa béance constitutive et la fugacité de l’objet du désir. Elle explique pourquoi nous considérons la politique comme un ensemble de tentatives destinées à combler ce manque dans l’Autre. Elle explique également les différences de discours et de tissages symboliques produits par la différence de mouvement et de lieu, où la charge libidinale investit les différents objets. Cependant, cette argumentation n’explique pas le plus important de ce qui se passe au niveau social.
Les intérêts
21 Ce qui reste inexpliqué, c’est pourquoi ces investissements libidinaux se produisent de telle manière que les identifications créent des discours politiques antagonistes.
22 Lacan soutient que la dialectique de la lutte des classes « ne se produit pas du tout en termes de véritable dialectique du discours du Maître, elle est située dans le plan de l’identification [7] ». Alors pour Lacan, cet antagonisme se situerait seulement dans le registre symbolique-imaginaire, mais cela n’explique pas pourquoi il y aurait, par exemple, quelque chose comme la lutte des classes qui se base seulement sur les contenus des identifications. Ceci expliquerait pourquoi il y a des discours différents, mais n’explique pas pourquoi ces discours sont antagonistes et persistants dans le domaine de la politique. Un Hitler a pu surgir, non seulement parce qu’il rassemblait des foules par le biais de mécanismes d’identification ou d’investissement libidinal, mais surtout parce que son discours était fonctionnel face à une certaine structure d’intérêts dans le réel. C’est-à-dire que pour devenir Maître, il faut disposer de tous les moyens matériels, et ces moyens réels doivent être disponibles dans la structure. Autrement, il arrivera ce que Freud décrit comme suit : « … Alors même qu’elle (la masse), désire une chose passionnément, elle ne la désire jamais longtemps, elle est incapable d’une volonté persévérante [8]. »
23 Freud et Lacan ont souligné la manière dont la dérive signifiante n’est ni occasionnelle, ni libre et est toujours guidée par une structure [9]. Ainsi, l’investissement libidinal des discours peut être antagoniste, car celui-ci reflète la structure des intérêts et l’« accumulation » de cette énergie pulsionnelle n’est pas étrangère à cette structure. En l’absence de cette structure d’intérêts dans le Réel, des leaders et des symboles médiatiques occasionnels pourraient émerger par la voie de mécanismes d’identification et d’investissements, mais ils ne parviendront jamais à un statut politique car ils ne sont pas intégrés à la structure et ne sont donc pas soutenus par elle.
24 De cette façon, les objets socialement disponibles pour l’identification ne sont pas aléatoires, ni casuels, ils trouvent leur soutien dans une structure qui ne peut pas être déconstruite au travers du discours, mais seulement par une intervention dans le Réel. Il n’est donc pas ici nécessaire, de se demander si cette structure a un caractère économique ou autre.
25 Pour Lacan, l’obligation du renoncement à la jouissance totale, mythique, est limitée par une jouissance partielle, le plus-de-jouir, fourni par des objets interminablement disponibles sur le marché du capitalisme. Lacan trouve une corrélation entre le plus-de-jouir et la plus-value découverte par Marx, et il s’efforce de démêler ce qui, dans la plus-value, implique le plus-de-jouir comme cause du désir. Il affirme que « la plus-value, c’est la cause du désir dont une économie fait son principe [10] ».
26 Alemán en déduit que « le plus-de-jouir, élaboré par Lacan tant dans le cadre de la pulsion freudienne que dans celui de l’économie marxiste, permet de formuler une nouvelle connexion matérielle entre l’objet techniquement produit et la satisfaction de la pulsion, qui ne peut être transformée par aucune prise de conscience ni par aucune mise en jeu du sens. Seule une praxis – et tel est le défi de la psychanalyse – peut en permettre le déploiement en dehors des significations socialement adminises, et peut influer sur cette sorte de satisfaction qui fixe le sujet dans une inertie qui s’oppose à tout projet bouleversant l’ordre établi [11] ».
27 Bien que généralement d’accord avec cette approche, notre avis est qu’elle se heurte à quelques problèmes. Il y a effectivement une cause matérielle qui agit là (Alemán l’a considéré comme un rapport matériel), mais cette cause matérielle n’est pas dans la relation entre la production de l’objet technique et la satisfaction de la pulsion. L’objet technique n’est pas produit afin de satisfaire la pulsion ni de cacher le manque en général. L’objet technique, la marchandise selon Marx, est produit pour générer la plus-value, pour générer le profit du capitaliste et, en tous cas, satisfaire le désir ou la pulsion du propriétaire du capital, et non pas le désir ou la pulsion du monde entier. S’il n’y avait pas de profit capitaliste, la plupart des objets n’auraient pas été produits et la satisfaction de la pulsion aurait dû s’appliquer à d’autres objets socialement disponibles.
28 D’autre part, le texte d’Alemán pose à la psychanalyse le défi de changer cette sorte de satisfaction au travers du déploiement d’une praxis située en dehors des significations admises socialement. Nous pensons que cet objectif dépasse largement ce que la psychanalyse peut faire. Celle-ci, avec sa clinique particulière, peut opérer sur le Réel et peut produire ruptures et dislocations mais pour changer une structure, on a besoin d’une praxis interne à la politique.
Qu’est-ce qu’une structure ?
29 À partir du moment où le travailleur commence à vendre sa force de travail plutôt que le produit de son travail, une structure de conflit est instituée dans le Réel, une structure qui produit la plus-value pour quelqu’un qui n’est pas exactement le travailleur. Il n’est pas nécessaire que les sujets qui interviennent dans cette opération soient conscients de ce processus, le plus souvent ils ne le sont pas, et en fait, la théorie de la plus-value a été produite trois siècles après qu’elle soit apparue dans le Réel. Cependant, cette structure de conflit s’exprime tôt ou tard dans le conflit social, dans des insurrections, des révolutions et des guerres.
30 Il est évident que ces discours antagoniques appartiennent au registre symbolique-imaginaire, comme tous les discours, sans exception, mais l’antagonisme qu’ils présentent n’est pas contingent, il est structurel.
31 Il n’est pas possible de comprendre les ruptures et les dislocations sociales, ni la construction d’hégémonies politiques, sans considérer que les intérêts sous-jacents soient réels et, qu’en tant que tels, ils aient lieu dans la répétition et dans l’insistance. La structure d’intérêts ne fait pas partie de quelque chose de discursif. Elle domine plutôt les corps réels par la nourriture, la santé, le logement, le déplacement et l’environnement. Ceux-ci sont seulement transformés au moyen de la lutte entre les corps, par une praxis extra-discursive, et non pas uniquement par une praxis qui se déploie « en dehors des significations socialement admises ». C’est pourquoi on ne peut symboliser les intérêts que de manière partielle, de manière imprévisible ou bien souvent de manière indéfinissable, et la plupart du temps on ne peut pas les imaginariser de manière fantaisiste.
32 La politique n’est pas l’art de gouverner, ni l’art des consensus, ni même l’art de la construction du bien commun. La politique n’est pas un verbe. Au contraire, la politique est un lieu, elle est le domaine où les intérêts antagoniques sont résolus dans le Réel.
33 Nous avons constaté que la validité de la science physique-mathématique, ou encore des sciences naturelles, dépend du désir du Maître et non pas de son efficacité pour opérer avec le Réel. Dans le cas de la psychanalyse, bien que sa validité ne dépende probablement pas du désir du Maître, elle dépendra de la structure des intérêts dans le Réel, du lieu à partir duquel le sujet (de la jouissance) peut apparaître et détermine le caractère des investissements libidinaux.
34 L’éthique de la psychanalyse connaît actuellement une période de sécularisation et est en harmonie avec des discours de différents types et origines. Le sujet humain est de plus en plus considéré en termes d’émergence de son désir : droits de l’homme, droits des patients, droits de la femme, droits des minorités, droit à la diversité. Le sujet s’est fait voir, et les explosions de démocratisation ont atteint un point culminant dans le monde entier, au cours des trois ou quatre dernières années, avec une simultanéité étonnante.
35 Cela n’est pas fortuit. La structure d’intérêts a atteint une situation d’extrême tension, en changeant le caractère des investissements libidinaux. Nous nous sommes exprimé sur la nature des intérêts car le fait que le sujet peut émerger là, implique qu’ils peuvent être débloqués dans le réel. Quand les hommes sont prêts à mourir pour une cause, dans l’extase de la jouissance absolue, ce qui arrive alors, n’est pas l’effet d’un discours, c’est l’affect qui déborde la structure de conflit dans le réel, et qui émerge de manière irrépressible.
36 Des signifiants tels que la démocratie, la diversité, l’environnement, les minorités sexuelles, les peuples autochtones, comme celui du manque constitutif, sont pleins d’un investissement libidinal visant à affaiblir le discours du Maître. La déstructuration de ce discours et son découplage des points de capiton, font naître ces nouveaux signifiants. Peut-être les révolutionnaires désiraient-ils aussi un Maître, selon Lacan. Mais il est indéniable que l’émergence du sujet actuel comporte un profil différent de celui d’il y a cinquante ans. La transversalité des réseaux sociaux et leur pouvoir rendent de plus en plus difficile un modèle de Maître, de grand seigneur, pourrait-on dire. Même si le manque, non seulement affectait le sujet humain, et divisait le grand Autre, la réalité socio-symbolique du grand Autre social, servait aussi à quelque chose, en tant qu’oasis occasionnelle. Mais à présent, il s’est « gâté ». Encore récemment, et quoique provisoirement, le manque a été remplacé par les objets des vitrines, et la consommation est la bouée de sauvetage qui lance le grand Autre vers le sujet. Nous ne disons pas qu’il n’y a pas de consommation aujourd’hui, il y en a encore plus qu’hier, mais maintenant, la consommation semble suspecte. Ceci a été nettement perceptible dans l’émergence des mouvements sociaux en 2011, et même la brochure de Hessel est devenue, cette année-là, La Marseillaise mondiale.
37 Si l’on peut résumer en une phrase cette réaction sociale, ce pourrait être : « Autrefois, nous consommions et ceci nous faisait nous sentir appréciés, par conséquent ceci nous aidait à nous tenir comme des personnes respectées dans la société. » Aujourd’hui, nous disons : « Nous continuerons à consommer et tant mieux si nous le faisons plus qu’avant, mais nous savons déjà que ceci ne résoudra pas notre problème, ceci ne pourra pas suturer notre béance constitutive. » L’affaiblissement des mandats du Surmoi, qui est subsidiaire de ce grand Autre affaibli, a peut-être réduit la culpabilité et dès lors, le malaise que Freud invoquait, ce qui ouvre la voie pour une société plus saine. Cependant, tant que le Réel existe, quel qu’il soit, cette ex-istence-l’autre, ne manquera pas d’insister et ne manquera pas d’articuler un sujet de la jouissance.
38 Nous pourrions dire alors en conclusion, que, bien que la validité des sciences naturelles dépende du désir du Maître et non de son efficacité pour opérer dans le Réel au moyen du symbolique, la validité de la psychanalyse dépend du désir de l’esclave et de son efficacité pour opérer dans le Réel au moyen du symbolique, pour détrôner le savoir du Maître.
Notes
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[1]
J. Lacan, Seminario 11, Ed. Paidós, 1989, p. 14
-
[2]
Y. Stavrakakis, La Izquierda Lacaniana, Ed. Fondo de Cultura Económica, 2010, p. 17
-
[3]
Ibid., p. 92.
-
[4]
Ibid., p. 29.
-
[5]
J. Alemán, Lacan en la razón posmoderna, Ed. Miguel Gómez, 2000, p. 19.
-
[6]
S. Freud, Obras Completas, t. XVIII, Amorrortu, p. 105.
-
[7]
J. Lacan, Seminario 17, Ed. Paidós, 1992, p. 206.
-
[8]
S. Freud, Obras Completas, t. XVIII, Amorrortu, p. 74.
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[9]
J. Lacan, Seminario 11, Ed. Paidós, 1989, p. 54.
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[10]
J. Lacan, Radiofonía.
-
[11]
J. Alemán, op. cit., p. 36.