Couverture de AFHI_005

Article de revue

Bulletin critique

Pages 265 à 316

Notes

  • [1]
    Luise White, Stephan F. Miescher et David William Cohen (ed.), African Words, African Voices, Critical Practices in Oral History, Bloomington and Indianapolis, Indiana University Press, 2001, p. 2.
  • [2]
    R. Home suggère un recul des principes ségrégatifs dès les années 1930 au sein de l’administration coloniale anglaise. Robert Home, Of Planting and Planning : the Making of British Colonial Cities, London, E&Fn Spon, 1997.
  • [3]
    Remarquons l’absence étonnante de M. Swanson, « The sanitation syndrome : bubonic plague and urban native policy in the Cape Colony, 1900-1909 », Journal of African History, 18, 3, 1977, p. 387-410 et de Vivian Bickford-Smith, Ethnic Pride and Racial Prejudice in Victorian Cape Town, Cambridge, Cambridge University Press, 1995.
  • [4]
    Catherine Coquery-Vidrovitch, « The process of urbanization in Africa from the origins to independence : an overview paper », African Studies Review, 33 (4), 1991, p. 1-99. John D. Y. Peel, « Urbanization and urban history in West Africa », Journal of African History, 21, 1980, p. 269-277.
  • [5]
    Charles Van Onselen, Studies in the Social and Economic History of the Witwatersrand, 1886-1914. Vol. 1, New Babylon, vol. 2, New Nineveh, 1982, Longman. Voir les recensions de Frederick Cooper dans International Journal of African Historical Studies, vol. 16, 4, 1983, p. 700-704 et John Iliffe dans Journal of African History, vol. 25, 1, 1984, p. 115-117.
  • [6]
    Charles Van Onselen, The Seed is Mine. The Life of Kas Maine : a South African Sharecropper, 1894-1985, Hill and Wang, New York, 1996. Entretien avec l’auteur, 29 mai 2004, Pretoria.
  • [7]
    Georges Balandier, Sociologie des Brazzavilles noires, Paris, 1955, rééd. Presses des Sciences Politiques, 1985 ; Akin Mabogunje, Urbanisation in Nigeria, New-York, University of London Press, 1968.
  • [8]
    Catherine Coquery-Vidrovitch, Processus d’urbanisation en Afrique ; Paris, L’Harmattan, 1988, 2 vol. ; le numéro sur les villes coordonnée par Odile Goerg pour Le Mouvement social, 2003, vol. 204 ; Toyin Falola and Steve Salm (ed.), African Urban Spaces in Historical Perspective, Rochester, Rochester University Press, 2005.
  • [9]
    Catherine Coquery-Vidrovitch., « The process of urbanization », article cite ; Laurent Fourchard, « L’histoire urbaine en Afrique : une perspective ouest-africaine », Histoire Urbaine, n° 9, avril 2004, p. 129-144.
  • [10]
    C’est le thème bien connu en France de l’histoire en miettes. François Dosse, L’histoire en miettes. Des « Annales » à la « nouvelle histoire », Paris, La Découverte, 1987. Pour une analyse critique, voir Antoine Prost, Douze leçons sur l’histoire, Paris, Le Seuil, 1996. Sur le renouvellement des perspectives méthodologiques en Afrique voir, par exemple, Toyin Falola et Christian Jennings (éd.), Sources and Methods in African History : Spoken, Written, Unearthed, Rochester, University of Rochester Press, 2003.
  • [11]
    Laurent Fourchard, « L’histoire urbaine », article cité.
  • [12]
    Ayodeji Olukoju, Infrastructure Development and Urban Facilities in Lagos, 1861-2000, IFRA, Ibadan, 2003 ; Bill Freund and Vishnu Padayachee (ed.), (D)urban Vortex. South African City in Transition, Pietermaritzburg, University of Natal Press, 2002, Robin Law, Ouidah : The Social History of a West African Slaving ’Port’, 1727-1892, Oxford, James Currey, 2004 ; John Parker, Making the Town : Ga State and Society in Early Colonial Ghana, Oxford, James Currey, 2000.
  • [13]
    Bill Freund, « Contrasts in urban segregation : a tale of two African cities, Durban (South Africa) and Abidjan (Ivory Coast) », Journal of Southern African Studies, 27, 2001, p. 527-546 ; Ayodeji Olukoju, « Nigerian cities in historical perspectives » in Toyin Falola and Steven Salm (ed.), Nigerian Cities, Trenton, Africa World Press, 2003, p. 11-46. John Parker et Robin Law replacent leur ville dans l’histoire des villes côtières marquées, soit par la traite négrière, soit par la colonisation.
  • [14]
    Perspectives plutôt géographiques et typologiques pour O’Connor, sociologiques et heuristiques pour King, historiques et braudéliennes pour Catherine Coquery-Vidrovitch. Anthony O’Connor, The African City, London, Hutchinson University, Library for Africa, 1983. A. D. King, Colonial Urban development. Culture, Social power and Environment, London, Routledge & Kegan Paul, 1976. Catherine Coquery-Vidrovitch., Histoire des villes d’Afrique noire – des origines à la colonisation, Paris, Albin Michel, 1993.
  • [15]
    Cf. la liste proposée par Odile Goerg en introduction de ce numéro.
  • [16]
    Voir les revues Urban History en Grande Bretagne et Histoire Urbaine en France. Les histoires des villes par pays (Georges Duby (éd.), Histoire de la France urbaine, 4 vol., 1983 ; Peter Clarke (ed.) Cambridge Urban History of Britain, 3 vol., 2000) précèdent des entreprises encore plus vastes : Jean-Luc Pinol, Histoire de l’Europe Urbaine, 2 vol., Paris, Le Seuil, 2003 ou encore une encyclopédie historique des villes du monde : Jan Rogozinski (ed.), The City and Urban Life, New-York, Sharpe, à paraître.
  • [17]
    Il y aurait bien d’autres facteurs à étudier évidemment : les pratiques foncières et immobilières, l’école, la diffusion des religions monothéistes en ville, les nouvelles formes de loisirs citadins et le recul, lent mais certain, des formes de travail communautaire.
  • [18]
    Rappelons que sur vingt chapitres, dix-sept privilégient une entrée de type monographique.
  • [19]
    « Conservation and the Colonial Past. Urban Planning, Space and Power in Zanzibar » in D.M. Anderson and R. Rathbone, op. cit.
  • [20]
    Sur l’Afrique du Sud, outre C. Van Onselen cité plus haut, voir Clive Glaser, Bo Tsotsi : The Youth Gangs of Soweto, 1935-1976, Oxford, James Currey, 2001 et Gary Kinoch, « From the Ninevites to the Hard Livings Gang : Township Gangsters and Urban violence in the 20th Century South Africa », African Studies, 58, 1, 1999, p. 55-85. Sur l’Afrique de l’Est, voir par exemple, Andrew Burton, African Underclass : Urbanization, Crime and Colonial Order in Dar es Salaam, 1919-1961, Columbus, Ohio University Press, 2005.
  • [21]
    La trop forte compétition foncière, les déplacements trop longs, les difficultés de circulation, le manque de logement, le manque de crédit immobilier, la taille des bidonvilles, les risques sanitaires, le sous-développement des ressources humaines, la faible conscience citoyenne des « communautés » et l’absence de gouvernement métropolitain.
  • [22]
    Suite à la mission de 1962, le rapport fut rédigé pour le compte du Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies le 27/04/1964 et fut publié plus tard par les membres de la mission. Cf. C. Abrams, S. Kobe, O. Koenigsberger, M. Shapiro and M. Wheeler, « Metropolitan Lagos », Habitat International, 55, 1980, p. 55-83.
  • [23]
    J. Illife, The African Poor : A History, Cambridge, Cambridge University Press, 1987.
  • [24]
    Le permis urbain d’habiter, en principe obligatoire pour tous les résidents africains dans les villes d’AOF, faisait dans les faits l’objet de trafics incessants tandis que les achats de parcelle à des autorités coutumières étaient monnaie courante.
  • [25]
    Signalons également l’existence du volume 37, n° 2 et 3 de l’année 2003 de la Revue Canadienne des Études Africaines, lui aussi consacré exclusivement au fait urbain.
  • [26]
    Jean-Luc Piermay, « L’apprentissage de la ville en Afrique sub-saharienne » in O. Goerg, op. cit.
  • [27]
    Andrew Burton, « Urbanisation in Eastern Africa : an historical overview, c. 1750-2000 » in A. Burton, op. cit.
  • [28]
    Patrick Harries, « Histoire urbaine de l’Afrique du Sud : nouveaux axes de réflexion » in O. Goerg, op. cit.
  • [29]
    Giacomo Macola, « The history of the Eastern Lunda Royal capitals to 1900 » in A. Burton, op. cit.
  • [30]
    Richard Reid, « Warfare and urbanisation : the relationship between town and conflict in pre-colonial eastern Africa » in A. Burton, op. cit.
  • [31]
    Abdul Sheriff, « The spatial dichotomy of Swahili towns : the case of Zanzibar in the nineteenth century » in A. Burton, op. cit.
  • [32]
    Laurent Fourchard, « De la résidence lignagère à la rente immobilière : cours et compounds en Afrique Occidentale Française et au Nigeria, fin xixe siècle – 1960 » in O. Goerg, op. cit.
  • [33]
    Milcah Amolo Achola, « Colonial policy and urban health : the case of colonial Nairobi » in A. Burton, op. cit.
  • [34]
    Peter Waweru, « Frontier urbanisation : the rise and development of towns in Samburu District, Kenya, 1909-1940 » in A. Burton, op. cit.
  • [35]
    Faranirina V. Rajaonah, « Prestige et métier dans la société malgache. À Tananarive aux xixe et xxe siècles » in O. Goerg, op. cit.
  • [36]
    Andrew Burton, « Adjutants, agents, intermediaries : the native administration in Dar-es-Salaam Township, 1919-1961 » in A. Burton, op. cit.
  • [37]
    David Hyde, « The Nairobi General Strike [1950] : from protest to insurgency » in A. Burton, op. cit.
  • [38]
    Ibrahima Thioub et Ousseynou Faye, « Les marginaux et l’État à Dakar » in O. Goerg, op. cit.
  • [39]
    On trouvera un élément de comparaison est-africain avec Andrew Burton, African Underclass : Urbanization, Crime and Colonial Order in Dar es Salaam, 1919-1961, Columbus, Ohio University Press, 2005.
  • [40]
    David M. Anderson, « Corruption at City Hall : African housing and urban development in colonial Nairobi » in A. Burton, op. cit.
  • [41]
    Bodil Frederiksen, « African women and their colonisation of Nairobi : representations and realities » in A. Burton, op. cit.
  • [42]
    Jeanne-Marie Penvenne, « “A xikomo xa lomu, iku tira”. Citadines africaines à Lourenço Marques (Mozambique), 1945-1975 » in O. Goerg, op. cit.
  • [43]
    Charles Didier Gondola, « Ô, Kisasa makambo ! Métamorphoses et représentations urbaines de Kinshasa à travers le discours musical des années 1950-1960. »
  • [44]
    E.S. Atieno Odhiambo, « Kula raha : Gendered discourses and the contours of leisure in Nairobi, 1946-1963 » in A. Burton, op. cit.
  • [45]
    Voir la thèse de Laurent Fourchard ainsi que le travail d’Andreas Eckert que j’évoque ci-dessous.
  • [46]
    James L. Giblin, « History, imagination and remapping space in a small urban centre : Makambako, Iringa Region, Tanzania » in A. Burton, op. cit.
  • [47]
    John Lonsdale, « Town Life in colonial Kenya » in A. Burton, op. cit.
  • [48]
    Laurent Fourchard, De la ville coloniale à la cour africaine. Espaces, pouvoirs et sociétés à Ouagadougou et à Bobo-Dioulasso (Haute-Volta) fin xixe siècle-1960, Paris, L’Harmattan, 2002.
  • [49]
    Je précise d’emblée que s’exprime ici le point de vue d’une historienne des villes.
  • [50]
    La marginalisation de la dimension historique, notamment dans la bibliographie, peut étonner alors que l’histoire urbaine connaît un profond renouvellement.
  • [51]
    On peut mettre ceci en parallèle avec l’article de Sophie Blanchy sur les Comores, même si dans ce cas l’organisation lignagère se combine dans le passé à la royauté et actuellement à l’État moderne.
  • [52]
    J. Dresch, « Villes congolaises » p. 3-24, Revue de géographie humaine et d’ethnologie, I, 3, juillet/sept. 1948 ; « Villes d’Afrique occidentale », Les cahiers d’outre-mer, n° 11, p. 206-230, 1950, Bordeaux ; A. Mabogunje, Urbanization in Africa, Africana Publishing C°, 1968 ; A. O’Connor, The African City, Hutchinson Univ. Library for Africa, 1983, 359 p. ; voir aussi la synthèse de l’économiste P. Bairoch, De Jéricho à Mexico. Villes et économie dans l’histoire, Paris, Gallimard, 1985, 705 p.
  • [53]
    L’article d’Anne Vergati porte spécifiquement sur la trame urbaine via le « modèle hindou de ville royale ».
  • [54]
    Voir le bilan proposé par Catherine Coquery-Vidrovitch, « De la ville en Afrique », in Histoire des villes d’Afrique noire. Des origines à la colonisation, Paris, Albin Michel, 1993, p. 15 sq.
  • [55]
    L’article sur Shihr au Yemen (Sylvaine Camelin) porte également sur les liens entre quartiers et lignages.
  • [56]
    J. Gracq, La Forme d’une Ville, Paris, Corti, 1985.
  • [57]
    Hatje Cantz (réd.) 2002, Under Siege : Four African Cities : Freetown, Johannesburg, Kinshasa, Lagos, Kassel, Dokumenta 11, Platform 4.
  • [58]
    Les accusations laissées par L. Kaba contre Yves Person nous semblent injustes alors que celui-ci ne peut plus lui répondre ; il avait du reste déjà proprement répondu de son vivant sur les personnalités controversées. Le sérieux des enquêtes d’Yves Person est bien connu et la question en soi est négligeable.
  • [59]
    Ateker are also known as the “Karimojong cluster”, the term used by Tornay – see J. Lamphear, The Scattering Time, Oxford, Clarendon Press, 1992, p. 5.
  • [60]
    D. Turton, “A Journey made Them : Territorial Segmentation and Ethnic Identity Among the Mursi”, in Holy L. (ed.) Segmentary Lineage Systems Reconsidered, Belfast, Queens University Press, 1979, p. 119-43.
  • [61]
    J. Lamphear, The Traditional History of the Jie of Uganda, Oxford, Clarendon Press, 1976, 281 p. ; Lamphear J., “The People of the Grey Bull : The Origin and expansion of the Turkana”, Journal of African History, vol.29, 1988, p. 27-39. For the general history of the region, see N. Sobania, ”The Historical Tradition of the Peoples of the Peoples of the Eastern lake Turkana Basin, c.1840-1925”, Ph.D. thesis, University of London, 1980.
  • [62]
    Nyangatom widows are inherited by their husband’s full brothers but continue to raise children for the deceased.
  • [63]
    In the 1970s, members of five generations were living : Mountains, Elephants (Fathers), Ostriches (Sons), Antelopes and Buffaloes. The average age of Elephants was 50-60 and the majority of Buffaloes were still children.
  • [64]
    See generally, P. Spencer, The Pastoral Continuum, Oxford, Oxford University Press, 1997, p. 302, chap. 3. and U. Almagor, “The Dialectic of Generation Moieties in an East African Society”, in Maybury-Lewis D. and Almagor U. (ed.) The Attraction of Opposites, Ann Arbor, University of Michigan Press, 1989, p. 145-146. Nyangatom do not have, or appear to need, the “slip mechanisms” used elsewhere to “adjust” generation to age.
  • [65]
    H. Muller-Dempf, “Generation-Sets : Stability and Change with Special Reference to Toposa and Turkana Societies”, Bulletin of the School of Oriental and African Studies, vol.54, 1991, p. 554-67 ; P. Gulliver, “The Age-Set Organisation of the Jie Tribe”, Journal of the Royal Anthropological Institute, vol.83, 1953, p. 147-68 ; N. Dyson-Hudson, Karimojong Politics, Oxford, Clarendon Press, 1966, 280 p. ; P. Spencer (1998 : 99-103).
  • [66]
    P. Gulliver, “The Turkana Age Organisation”, American Anthropologist, vol.60, 1958, p. 900-22 ; Lamphear and Muller-Dempf present different explanations for this shift. See J. Lamphear, “The People of the Grey Bull : The Origin and expansion of the Turkana”, Journal of African History, vol.29, 1988 ; H. Muller-Dempf, “Generation-Sets : Stability and Change with Special Reference to Toposa and Turkana Societies”, Bulletin of the School of Oriental and African Studies, vol.54, 1991, p. 561-4.
  • [67]
    U. Almagor, Pastoral Partners, Manchester, Manchester University Press, 1978, 258 p. ; U. Algamor, “The Dialectic of Generation Moieties in an East African Society”, in Maybury-Lewis D. and Almagor U. (ed.) The Attraction of Opposites, Ann Arbor, University of Michigan Press, 1989.
  • [68]
    Gulliver, for example, implies that the blurring of the Turkana system that he observed in the 1950s was the result of “social change” and the gradual cessation of raiding. See P. Gulliver, “The Turkana Age Organisation”, American Anthropologist, vol.60, 1958, p. 919-21. See also R. Waller, “Age and Ethnography”, Azania, vol.34, 1999, p. 135-44.
  • [69]
    According to D. Turton, “ad hoc” reasons allow for flexible response while still preserving the principle of regularity. See D. Turton, “Territorial Organisation and Age Among the Mursi”, in P. Baxter and U. Almagor (ed.), Age, Generation and Time, London, Hurst & Co., 1978, p. 95-131.
  • [70]
    There is a close identification between the generations of “grandfathers” and “grandsons” in Jie and Karimojong. In Jie surviving “grandfathers” preside over the inauguration of their “grandsons” ; in Karimojong, it is the retirement of the former that “opens the way” for the latter to, in effect, replace them.
  • [71]
    Lamphear and Muller-Dempf see transformation as a creative solution to particular problems rather than as “breakdown”. See J. Lamphear, “The People of the Grey Bull : The Origin and expansion of the Turkana”, Journal of African History, vol.29, 1988, p. 249-52 ; H. Muller-Dempf, “Generation-Sets : Stability and Change with Special Reference to Toposa and Turkana Societies”, Bulletin of the School of Oriental and African Studies, vol.54, 1991, p. 562-4). Spencer, however, takes a more rigorously internal and demographic approach. See P. Spencer, The Pastoral Continuum, Oxford, Oxford University Press, 1997, p. 302, chap.3.
  • [72]
    J. Lamphear, The Scattering Time, Oxford, Clarendon Press, 1 992 ; U. Almagor, “Institutionalising a Fringe Periphery : Amhara-Dassanetch Relations”, in D. Donham and W. James (ed.), The Southern Marches of Imperial Ethiopia, Cambridge, Cambridge University Press, 1986, p. 96-115 ; P. Garretson “Vicious Cycles : Ivory, Slaves and Arms on the New Maji Frontier”, in D. Donham and W. James, (ed.), The Southern Marches of Imperial Ethiopia, Cambridge, Cambridge University Press, 1986, p. 196-218. Ethiopian frontier warlords and Swahili ivory traders operated among the Toposa until 1926 when the Sudanese administration extended its reach to the area and ejected them.
  • [73]
    Spencer argued that the chaos reported by Dyson-Hudson showed the system working to adjust itself and that it was the apparently stable Jie system that was in danger of collapse. Tornay’s work may have revealed part of a similar “paradox”. See P. Spencer, “The Jie Generational Paradox”, in P. Baxter and U. Almagor (ed.), Age, Generation and Time, London, Hurst & Co. 1978, p. 133-49.
  • [74]
    In Jie, the requirement that members of the “grandfathers” generation should still be alive to preside over the initiation of their “grandsons” puts a term to recruitment into the “fathers” generation. In Karimojong, the period of simultaneous recruitment, although used by the senior generation to prolong its own life span, is also limited.
  • [75]
    See, for example, U. Almagor, “Charisma Fatigue in an East African Generation-Set System”, American Ethnologist, vol. 10, 1983, p. 635-49.

Les villes en Afrique, histoire et sciences sociales

Anderson David M. et Rathbone Richard (ed.), Africa’s Urban Past, Oxford, James Currey, Heinemann, Portsmouth, N.H., 2000, 310 p. (ISBN : 0-85255-760-4). Simone AbdouMaliq, For the City Yet to Come : Changing African Life in Four Cities, Durham and London, Duke University Press, 2004, 297 p. Enwezor Okwui et al. (ed.), Under Siege : Four African Cities. Freetown, Johannesburg, Kinshasa, Lagos, Documenta 11, Platform 4, Ostfildern-Ruit, Hartje Cantz Publishers, 2002, 454 p. (ISBN : 3-7757-9090-X)

1Le champ de la recherche en histoire urbaine de l’Afrique est relativement nouveau et prospère, d’autant plus que les disciplines sœurs de l’histoire, principalement la géographie, la science politique, l’anthropologie et la sociologie ont contribué en partie à son renouvellement. Les trois ouvrages généraux retenus ici renvoient à des interrogations anciennes et nouvelles. Même s’ils sont fort différents dans leur contenu, leur approche méthodologique et leur ambition théorique, ils ont en commun de vouloir proposer une vision d’ensemble des villes en Afrique et de s’interroger sur leur histoire : c’est sous cet angle privilégié qu’ils seront successivement abordés.

2L’ouvrage édité par David M. Anderson et Richard Rathbone est issu d’un colloque organisé à la School of Oriental and African Studies de l’Université de Londres en juin 1996. Il regroupe 18 chapitres qui rendent partiellement compte du dynamisme actuel des travaux de recherche historique sur les villes d’Afrique puisque plus de cent contributions avaient été initialement présentées lors de la conférence. Le plan est chronologique et thématique : les deux premières parties renvoient à l’archéologie urbaine et aux villes précoloniales alors que les trois parties suivantes relèvent essentiellement de l’histoire économique, culturelle et politique des xixe et xxe siècles. L’introduction resserrée de Richard Rathbone et David M. Anderson rappelle la longue mais inégale urbanisation du continent et ses fortes variations locales et régionales. Avec la moitié des chapitres sur la période antérieure à la colonisation, cet ouvrage privilégie la longue durée et se positionne à rebours d’une tendance historiographique qui – entre les années 1960 et les années 1990 – a délaissé l’histoire précoloniale au profit d’une histoire plus récente, notamment aux États-Unis [1]. Plus généralement, l’ouvrage se veut un point de départ pour l’écriture d’une histoire comparée du passé urbain de l’Afrique.

3Les deux premiers chapitres de l’ouvrage (dus respectivement à Roderick Mcintosh et Graham Connah) proposent à cet égard une réflexion comparative particulièrement intéressante. Le premier en suggérant, à partir des villes du delta intérieur du Niger, le concept de « cité en grappe » (clustered city) ou cité segmentée en de multiples communautés de spécialistes non nécessairement concentrées en un lieu. L’auteur parvient ainsi pour Jenne-Jeno et ses satellites à des estimations hautes de 42000 habitants au premier millénaire ! Le second propose de tirer profit de la richesse documentaire des enceintes précoloniales des villes d’Afrique. La diversité des formes et des matériaux informe effectivement sur les densités urbaines, la centralisation et la symbolisation du pouvoir, les ressources financières de la ville, l’état d’insécurité des campagnes avoisinantes et les influences architecturales locales ou extérieures. Le chapitre de David W. Phillipson est, en revanche, centré sur une seule ville, Aksum, cité prospère de l’Éthiopie notamment entre le iiie et le viie siècle, à partir de fouilles archéologiques sur le logement rompant ainsi avec les études antérieures sur l’architecture monumentale éthiopienne.

4Sous la rubrique « Villes précoloniales en transition », sont rassemblés trois chapitres centrés principalement, mais non exclusivement, sur les modifications induites par les contacts européens avant la période coloniale. John K. Thornton retrace ainsi l’histoire entre xive et xxe siècle de Mbanza Kongo, principale ville du Congo à partir de sources européennes très riches notamment pour les xvie et xviie siècles. La longue durée permet en l’occurrence de réfuter une approche linéaire (en terme de déclin ou de croissance) car la fortune de la ville dépendit essentiellement d’une histoire régionale fort mouvementée, faite de mise à sac, d’occupation provisoire, d’abandon, de réoccupation, dynamiques qui ne sont pas sans rappeler l’histoire des villes sahéliennes précoloniales. Robin Law, en se centrant sur Ouidah (ville lagunaire annexée au royaume du Dahomey de 1727) parvient à un degré de précision remarquable sur l’histoire de ses différents quartiers alors que Henri Médard et Richard Reid lisent l’histoire de la capitale du Buganda au xixe siècle à travers ses palais, ses réseaux commerciaux et les différents usages des lieux de cultes locaux et chrétiens. Toutes ces contributions extrêmement bien étayées viennent donc utilement rappeler la forte mobilité des populations citadines et des villes précoloniales de l’Afrique : leur relégation ou leur promotion au cours de la période coloniale ne représente donc guère une rupture mais plutôt une continuité avec l’histoire précoloniale du continent.

5La troisième partie consacrée à l’économie urbaine permet d’entrevoir quelques-unes des conséquences de l’intégration des villes d’Afrique à l’économie coloniale puis mondiale, même si les exemples choisis relèvent davantage d’études de cas ciblées sur des questions précises. Thomas Spear démontre ainsi que la compétition foncière entre colons et Africains dans une ville secondaire comme Arusha (Tanzanie), n’était pas moins vive que dans les capitales et que les expropriations foncières visant à renforcer les pratiques ségrégatives raciales perdurèrent au moins jusque dans les années 1950. Celles-ci viennent ainsi contredire les recommandations générales des administrations centrales [2]. Dans un registre fort différent, Ayodeji Olukoju évalue l’impact du coût des produits de première nécessité sur le niveau de vie des populations de Lagos entre les deux guerres. À partir d’une lecture attentive de la presse nigériane, l’auteur parvient à relier les préoccupations quotidiennes des Lagosiens à la conjoncture mondiale : la grève de janvier 1920 suit la surchauffe inflationniste de 1918-1920, la pauvreté urbaine s’accroît avec la crise de 1929, le marché noir se développe avec l’impossible contrôle des prix pendant la Seconde Guerre mondiale. Enfin Bill Freund propose une vue d’ensemble des politiques économiques à Durban tout au long du xxe siècle en explorant les nombreuses contradictions entre les politiques sociales et les objectifs économiques dans une Afrique du Sud soumise à l’Apartheid.

6La quatrième partie sur les cultures urbaines est, à l’exception d’un chapitre sur Tunis, centrée sur la Gold Coast. En explorant quelques itinéraires individuels, Ray Kea parvient à rendre compte d’une parcelle de l’imaginaire social du xviiie siècle grâce à des sources danoises inédites. La question de savoir si ces individus sont porteurs d’une nouvelle urbanité n’est cependant pas posée tandis que les « villes d’Accra » dont il est question sont bien difficiles à saisir en raison d’une absence de données empiriques de base. Dans le même espace urbain, mais deux siècles plus tard, les pratiques funéraires et les rituels de la communauté Ga sont l’objet d’une étude minutieuse de John Parker. L’auteur, qui évite toute approche structuraliste, insiste sur les innovations permanentes de ces rituels qui s’accélèrent avec les restrictions imposées par les réglementations britanniques sur les sépultures domestiques et les rites funéraires indigènes. Enfin, pour Emmanuel Akyeampong, les villes du Ghana du premier tiers du xxe siècle redéfinissent de manière radicale les relations de genre. La période retenue par l’auteur (c. 1900-1939) est présentée comme une époque de chaos sexuel, de crise morale et de conflits entre hommes et femmes, ces dernières recourant par exemple davantage aux tribunaux coutumiers pour défendre leurs droits. Bien que les bornes chronologiques apparaissent quelque peu conventionnelles pour une histoire du genre au Ghana, cette présentation novatrice s’insère, à l’instar du chapitre de Julia Clancy-Smith sur les femmes à Tunis au xixe siècle, dans un champ de recherche émergent et prometteur sur les liens entre urbanisation et genre.

7La dernière partie se propose finalement d’analyser les « politiques d’ordre et de régulation » au xxe siècle, là encore sur des registres fort variés. À partir d’une ville secondaire d’Éthiopie (Bahir Dar), Seltene Seyoum rend compte des mutations sur la moyenne durée des nouvelles pratiques foncières introduites par les Italiens qui ont, comme ailleurs en Afrique, considérablement bouleversé le rapport à la propriété privée. William Cunningham Bissell propose une lecture comparée des plans de la ville de Zanzibar, depuis la première ébauche de 1922 jusqu’au programme de réhabilitation de l’habitat de 1988-1993. Il relève essentiellement des solutions de continuité à la différence de Rafael Marks et Marco Bezzoli qui s’attachent plutôt à analyser la diffusion des nouvelles formes architecturales et urbaines dans la ville du Cap (notamment dans le quartier de District Six) soumise à un mixte d’influences locales, nationales et internationales. Le spécialiste du Cap n’y fera guère de découvertes puisque l’ensemble du chapitre repose sur des sources de seconde main fragmentaires [3]. Enfin, Florence Bernault propose une analyse comparée audacieuse de la guerre civile à Brazzaville en 1992-1997 et des émeutes de 1959, deux périodes marquées, d’après l’auteure, par une compétition électorale limitée dans le temps et par une forte territorialisation politique de l’espace.

8La force de l’ouvrage réside vraisemblablement dans le foisonnement de ces thématiques, dans la richesse des études de cas et des sources utilisées tout en proposant une excellente couverture chronologique depuis l’émergence de Jenne-Jeno en 300 avant J.-C jusqu’à la guerre au Congo-Brazzaville des années 1990. La diversité régionale est également assumée même si les spécialistes d’Afrique du Nord ne trouveront guère d’écho des débats sur les traditions urbaines méditerranéennes ou égyptiennes. Cet ouvrage témoigne ainsi de la maturation d’un champ de recherche, même si les éditeurs scientifiques dressent en introduction un constat sans concession de l’état de la recherche urbaine en histoire : en dépit d’un boom évident de la production historiographique depuis la fin des années 1970, la monographie demeure reine alors que les approches comparatistes sont encore rares de même que les études sur la longue durée.

9Un petit rappel historiographique bien connu par ailleurs s’impose ici [4]. C’est par l’intermédiaire de l’histoire du travail que s’est imposé ce nouveau champ de recherche au début des années 1980 bien que celui-ci ne soit pas encore nommément identifié. À sa sortie, l’ouvrage de Charles de Van Onselen, considéré a posteriori comme une référence majeure de l’historiographie de la ville en Afrique, est surtout perçu comme un acquis important dans l’histoire du travail, de la pauvreté et de la pénétration capitaliste en Afrique du Sud [5]. Et pourtant, parce qu’il étudie de près des groupes qui vivent de la ville et qui jusque là n’avaient guère retenu l’attention des historiens, C. Van Onselen signe bien l’un des premiers monuments d’histoire urbaine. Signalons au passage qu’il s’agit d’un ouvrage isolé dans le parcours intellectuel de ce chercheur. En retraçant par la suite l’histoire d’un métayer d’Afrique du Sud, l’auteur s’affranchit du cadre urbain et de l’étiquette « d’historien de la ville » pour mieux rendre compte de l’histoire sociale de son pays [6].

10Cet exemple renvoie plus généralement à la définition de ce domaine d’étude. Faire de l’histoire d’un groupe simplement parce que celui-ci réside en ville suffit-il à faire de l’histoire urbaine ? Dans un Occident urbanisé à 80 % comme dans le reste du monde on conviendra aisément que cela ne suffit pas, sauf à considérer que l’histoire urbaine est aussi l’histoire des fonctionnaires, des diplomates, des ouvriers (mais seulement de la ville), des artisans, des hommes politiques. En réalité, il semble acquis aujourd’hui que l’histoire urbaine renonce à considérer la ville comme simple cadre géographique pour mieux privilégier les pratiques sociales, culturelles, économiques et politiques de ses habitants. Ainsi définie la ville demeure insaisissable dans sa totalité tant les directions de recherche sont infinies. Les premières analyses sociologiques, anthropologiques et géographiques sur les villes d’Afrique ont pu rendre compte avec succès de cette totalité urbaine [7]. Les historiens qui se sont emparés de la ville ont également dû choisir entre la tentation de parler de tout et la définition d’un objet scientifique plus restreint. C’est finalement cette seconde voie qui l’a emporté. Cette prise de possession de l’objet ville a eu pour corollaire le foisonnement extraordinaire – voire la dilution – de ce champ de recherche. À cet égard, l’ouvrage de R. Rathbone et D. Anderson ne se distingue pas nécessairement des entreprises similaires antérieures ou postérieures [8]. Si Catherine Coquery-Vidrovitch a pu identifier en 1991 cinq domaines de recherche principaux des études urbaines, il paraît aujourd’hui que le champ est largement éclaté même si l’histoire sociale et politique domine largement, que l’histoire culturelle ne fait que percer tandis que l’histoire économique marque le pas, tout du moins pour les villes d’Afrique de l’Ouest [9]. Cela n’est pas indépendant des mutations historiographiques plus générales de ces vingt dernières années. L’extension des curiosités historiennes en Afrique comme en Occident a entraîné le fractionnement des objets et des méthodes d’analyse [10]. L’émiettement du champ de la recherche historique est contemporain de l’historiographie de la ville en Afrique : celle-ci n’y a donc pas échappé.

11Mais tandis que l’objet ville se fractionnait à l’infini, le cadre monographique demeurait largement privilégié. Une recension récente des études d’histoire urbaine sur l’Afrique de l’Ouest signale la rareté des études comparées, moins marquée cependant du côté francophone [11]. Ce constat peut être vraisemblablement étendu à toute l’Afrique : dans l’ensemble des ouvrages collectifs de ces dernières années, l’immense majorité des contributions privilégient une seule ville. Significativement, quatre des auteurs de l’ouvrage édité par R. Rathbone et D. Anderson ont depuis 2000 publié des livres sur « leur » ville d’étude [12]. Ce serait cependant leur faire un mauvais procès que de ne pas signaler leurs tentatives comparatives et leur essai de synthèse [13]. De toute évidence, la comparaison demeure un exercice peu prisé des historiens même si toute cette production a permis d’écrire les premières grandes synthèses [14] et de proposer des essais régionaux ou thématiques particulièrement stimulants [15]. Mais alors que l’historiographie des villes européennes est à peine plus ancienne, cette dernière est largement dynamisée par des revues spécialisées et des synthèses collectives de grande échelle, entreprises qui n’ont pas encore d’équivalent pour le continent africain [16]. Le travail comparatif viendra peut être finalement des autres disciplines des sciences sociales.

12Dans son dernier ouvrage, For the City Yet to Come : Changing African Life in Four Cities, AbdouMaliq Simone brasse une littérature considérable tirée tant de la science politique, de l’anthropologie, de l’économie, de la géographie que de l’histoire pour mieux étudier l’émergence des formes de socialités urbaines dans les villes d’Afrique aujourd’hui. L’ouvrage est porté par une bibliographie anglophone et francophone très riche et par des exemples pris dans un grand nombre de villes d’Afrique. Le souci de généraliser est clairement énoncé dans une introduction théorique et méthodologique. La dimension comparatiste est également fortement présente puisque les quatre premiers chapitres sont quatre études de cas : Pikine au Sénégal, Winterveld, un township noir au nord-ouest de Pretoria en Afrique du Sud, Douala au Cameroun et Jeddah en Arabie Saoudite. Ces entrées singulières et particulièrement bien documentées par des sources de première main recueillies pendant quinze ans lorsque l’auteur était travailleur social, volontaire associatif ou conseiller près des municipalités ou des associations locales lui permettent d’attirer l’attention sur les interconnections possibles entre les citadins et les institutions urbaines : l’informel (chapitre 1) permet d’éclairer l’hétérogénéité des collaborations autour du projet de ville de Pikine initié en 1998 ; l’invisible (chapitre 2) désigne les mécanismes diffus de résistance collective au projet de modernisation de Winterveld ; le spectral (chapitre 3) renvoie au symbolique de la ville de Douala et à la manière dont celle-ci est imaginée par ses résidents ; le movement enfin (chapitre 4) s’intéresse à la manière dont les ressources des confréries soufi sont utilisées pour migrer et travailler à Jeddah. Les deux chapitres suivants sont beaucoup plus généraux puisqu’ils insèrent les villes du continent dans leur dimension historique (chapitre 5) et leurs contraintes économiques, institutionnelles et budgétaires actuelles (chapitre 6). Le dernier chapitre évalue la prolifération actuelle des réseaux sociaux dans un environnement urbain marqué par une forte incertitude (uncertainty).

13On se limitera ici à la lecture historique de l’auteur tout en sachant que ce livre constitue à bien des égards une synthèse étayée par des exemples toujours localisés dans le temps et dans l’espace sur les réformes municipales, les projets de décentralisation et de gouvernance urbaine, les trappes de l’économie urbaine, l’insécurité foncière et la crise du logement, les relations villes campagnes, l’économie dite informelle, les formes d’associations citadines pour se limiter à quelques exemples. AbdouMaliq Simone replace les formes de socialité dans une histoire urbaine marquée par l’affirmation des processus d’individuation. Leur émergence remonterait pour l’essentiel à la période coloniale et à ses nouveaux dispositifs : la plus forte monétarisation des rapports sociaux, l’impôt prélevé sur une base individuelle, les politiques de logement en ville, le changement des rapports de genre sont quelques exemples. À partir de la Seconde Guerre mondiale et reprenant la thèse de Frederick Cooper, l’auteur évoque les hiérarchies salariales qui individualisent des parcours professionnels, la stabilisation de la main-d’œuvre entraînant une plus forte dissociation entre le monde du travail salarié et le monde rural [17]. Si A. Simone est bien conscient que le projet colonial fut sans cesse remodelé et détourné par les citadins, il apparaît aussi que cette période a « provoqué une approche plus individualisée de l’accumulation, du statut et de projet de vie » (p. 172). Pour l’auteur, ce processus n’est pas contradictoire avec les interdépendances sociales, qu’elles soient communautaires, religieuses, professionnelles, ou de voisinage ; au contraire, les deux processus ont eu tendance à s’intensifier avec le temps. Ainsi ne paraît-il pas utile aux citadins d’avoir à choisir entre « la vie moderne » et « la vie traditionnelle » entre la famille restreinte et la communauté puisque dès la période coloniale les citadins ont appris à mixer les appartenances à des mondes divers. Les modes de socialisation urbaine ont donc émergé historiquement comme un moyen pour les citadins d’appartenir simultanément à différents mondes et de suivre différents agendas sociaux (p. 178).

14De prime abord, le lecteur pourra être déconcerté par les expressions souvent métaphoriques (particulièrement dans les chapitres introductifs et conclusifs) et une aisance à jouer du langage qui ne rendent pas la lecture toujours très facile. Le niveau de généralisation pourra parfois gêner là où des nuances spatio-temporelles seraient attendues. Mais justement, l’historien ne pourra rester insensible à ce livre tant les allers et retours sont fréquents et justifiés entre les villes d’aujourd’hui et les villes d’hier. Le mérite de A. Simone n’est pas tant de synthétiser des travaux existants sur les villes coloniales que de les relier à la littérature sur les dynamiques urbaines actuelles en mobilisant un imposant corpus bibliographique. L’auteur en couvrant aussi bien la période coloniale que les quatre décennies de l’indépendance vient assurément replacer l’histoire des villes d’Afrique dans un continuum historique déjà évoqué par certains auteurs de l’ouvrage coordonné par R. Rathbone et D. Anderson.

15À priori, l’ouvrage coordonné par Okwui Enwezor et intitulé Under Siege : Four African Cities. Freetown, Johannesburg, Kinshasa, Lagos s’inscrit dans une démarche semblable. Ce volume collectif s’inscrit dans un projet plus large : celui de la Documenta de Kassel, un des principaux lieux de rencontre de la création de l’art contemporain en Europe. Le livre présenté ici est l’un des huit ouvrages et catalogues parus dans le cadre de cette manifestation planétaire. Il est le résultat d’une collaboration étroite entre le CODESRIA à Dakar, la Documenta de Kassel et le Goethe Institüt de Lagos, lieu où fut organisée en 2002 la conférence du même nom. On ne peut que se réjouir qu’un tel évènement artistique ait retenu, entre autres thèmes, celui des villes d’Afrique. D’autant que ce livre est celui d’une réflexion pluridisciplinaire de chercheurs sur ce que constitue la ville postcoloniale en Afrique aujourd’hui. La qualité de l’impression, des photos, des cartes, habilement insérés dans le texte ajoute indéniablement une valeur esthétique à l’ouvrage.

16Celui-ci comporte trois parties. La première est une analyse théorique à partir des réflexions d’AbdouMaliq Simone (sur le visible et l’invisible), de Carole Rakodi (sur les notions d’ordre et de désordre), d’Antoine Bouillon (sur la citoyenneté à Durban), d’Achille Mbembe et de Janet Roitman (sur les subjectivités de la crise). La deuxième partie, qui est le cœur du projet, rassemble une série d’études de villes considérées comme assiégées (under siege) : Freetown (Ibrahim Abdullah, Alfred B. Zack Williams), Johannesburg (Lindsay J. Bremmer, Maxime Reitzes), Kinshasa (Thierry Ndlandu, Philippe De Boeck) et Lagos (Babatunde A. Ahonsi, Rem Koolhaas, Koku Konu, Onookome Okome). L’introduction ne dit malheureusement pas pourquoi ces quatre villes sont dites assiégées ou si il en existe d’autres sur le continent. Enfin, la troisième partie est le résultat d’une initiative soutenue par le CODESRIA à Dakar : elle regroupe des thématiques aussi diverses que le logement, les associations locales, l’environnement, ou l’informel dans plusieurs villes d’Afrique : Pikine (Mohamadou Abdoul), Jos (Victor A. O. Adetul), Marrakech (Mohammed Gheris), Zaria (Mohammed-Bello Yunusa), Kisangani (Jean Omasombo Tshonda) et Addis Abeba (Bahru Zewde).

17Il est impossible de faire ici une recension de chaque contribution. Tentons plutôt de rendre compte de l’esprit de l’ouvrage. À quelques exceptions près, l’ensemble des chapitres repose sur une littérature empirique théorique large sur une familiarité remarquable des auteurs avec « leur » ville d’étude. La plupart des chapitres dans les deuxième et troisième parties s’inscrivent dans une réalité historique dans l’ensemble satisfaisante, même si l’historien pourra regretter que celle-ci repose toujours exclusivement sur des sources de seconde main. Le très contemporain relève en revanche d’observations et d’enquêtes de terrain tout à fait inédites. De même, les catégories utilisées (la société civile, l’informel et l’informalité, la crise des villes, la ville postcoloniale) sont généralement interrogées de manière critique. De toute évidence, ces interrogations qui courent tout au long de l’ouvrage renvoient aux trois questions posées en introduction. Quelle est la distinction entre l’idée de ville globale et celle de ville postcoloniale ? Quelles sont les relations entre l’État et la société civile ? Comment analyser les paradoxes de la ville postcoloniale hantée par son ordre urbain colonial et libérée par son potentiel créatif postcolonial ? (p. 14 et 15).

18Les réponses à ces questions sont nécessairement très partielles lorsqu’elles émanent [18] d’auteurs qui ont privilégié une ville spécifique et une thématique particulière. La contribution de Janet Roitman et Achille Mbembe, beaucoup plus générale, a déjà été publiée dans Public Culture en 1995 ; elle ne répond pas logiquement aux questions posées par les éditeurs. Enfin, les chapitres stimulants de AbdouMaliq Simone et de Carole Rakodi, qui renvoient pour le premier aux pratiques de l’invisible dans les villes d’Afrique, et pour le second à l’ordre foncier légal et aux pratiques foncières informelles, apportent également des réponses bien partielles. Comme le plan n’est pas structuré sur cette argumentation de départ et que les chapitres sont succinctement présentés en introduction, c’est donc au lecteur de formuler ses réponses en naviguant d’une ville à l’autre. En définitive, c’est une image très fragmentée des villes qui se dessine, dominée par la pluralité des situations urbaines et par une formidable créativité citadine. Si l’objectif des éditeurs de faire découvrir le dynamisme de ces villes qui « défie l’image lugubre habituellement véhiculée par les médias » (p. 19) est atteint, en revanche, les questions initiales demeurent sans réponse.

19Deux interrogations centrales interpellent dès lors l’historien car elles suggèrent des ruptures importantes dans la chronologie des villes d’Afrique au xxe siècle : entre colonisation et indépendance d’une part, entre période prospère des deux premières décennies des indépendances et la crise des années 1980, d’autre part. Les oppositions entre un prétendu ordre colonial et une libération postcoloniale sont-elles pertinentes ? (p. 15). Comme le signale William Cunningham Bissell à propos de Zanzibar [19], l’ordre colonial est un ordre imaginaire et nostalgique créé a posteriori et qui ne répond guère à la réalité historique, sauf à considérer que ces villes se limitaient à leurs quartiers européens. Dans les faits, l’État colonial n’avait pas les moyens de contrôler l’ensemble de la vie quotidienne des citadins dans la plupart des villes d’Afrique, y compris en Afrique du Sud. Dans ce dernier cas, les différents partis au pouvoir depuis la fin du xixe siècle avaient bien entendu les capacités d’imposer leur propre vision de l’ordre urbain mais ils furent simultanément incapables de limiter la montée de la violence urbaine et du grand banditisme, pour se limiter à cet exemple significatif [20]. Cet ordre urbain supposé revient dans certains chapitres, notamment à propos de Lagos. D’après Koku Konu, Lagos serait passée de ville bien planifiée à ville du chaos en deux décennies (p. 240). Rem Koolaas avance que Lagos se serait émancipée de l’organisation rigoureuse des urbanistes des années 1970 (p. 183). Ces ruptures sont abusives et rejettent l’histoire de la ville dans un âge d’or bien illusoire. Au sortir de la colonisation, en 1962, une mission d’expertise des Nations Unies identifiait les dix problèmes essentiels que n’avaient pas résolus les autorités coloniales pour planifier la ville [21]. Vingt ans plus tard, en 1980, la même mission reconnaissait que les problèmes n’avaient pratiquement pas changé, ils avaient simplement empiré [22]. L’ordre urbain colonial est à la fois un discours normatif du pouvoir qui ne pouvait être appliqué dans sa totalité et une pratique de pouvoir qui fut en permanence remodelée, retravaillée ou réappropriée par les citadins en fonction de leurs intérêts propres. Cette rupture paraît bien peu pertinente car la dite créativité des citadins fut évidemment antérieure à l’indépendance tout comme les discours d’ordre survécurent largement à la colonisation.

20L’autre rupture qui paraît souvent s’imposer est celle de « la crise » des villes d’Afrique à partir des années 1980, notamment en raison de la réduction des services publics, de la faiblesse institutionnelle et budgétaire des gouvernements nationaux et locaux et de leur incapacité à faire face aux demandes démesurées dans les domaines du logement, de la santé, de l’éducation notamment. Cette affirmation repose sur une littérature tout à fait solide. Il semble néanmoins que la rupture que constitue la crise des années 1980 a largement gommé les éventuelles continuités héritées des périodes précédentes. Revenons sur un exemple récurrent dans la littérature : celui de secteur informel qui émergerait principalement dans les années 1970 et 1980 « comme une restructuration radicale des formes d’organisation de l’activité économique » (p. 19). Il ne s’agit pas ici de nier l’étendue de la crise du secteur informel dans les villes du Sud au cours des trente dernières années. Mais contrairement à ce qui est souvent suggéré, les innovations urbaines – l’économie dite informelle, les filières d’acquisition foncière, la débrouille des entrepreneurs urbains, les processus d’individuation, les associations de citadins – n’ont pas toutes surgi au cours des vingt ou trente dernières années. La marginalisation économique de l’Afrique si elle est bien réelle depuis les années 1970 entraînant avec elle une massification de la pauvreté n’a probablement fait qu’exaspérer des situations antérieures comme l’a bien montré John Iliffe [23]. Les citadins africains ont dû se prendre en charge depuis bien plus longtemps en raison de la capacité réduite de l’État colonial à mener des politiques sociales y compris durant sa période de compassion (1945-1960). Les filières informelles d’acquisition foncière sont apparues dès la période coloniale tout comme les pratiques de spéculation immobilière à large échelle [24]. Le commerce de rue fut bien souvent antérieur à la colonisation notamment dans les grandes cités sahéliennes et la chronologie de son développement pendant la période coloniale est le plus souvent ignoré.

21Dans les faits, la plupart des auteurs ont été attentifs en percevant les continuités autant que les ruptures dans l’histoire récente des villes d’Afrique. Ainsi, au-delà de l’introduction et de rares contributions qui paraissent bien schématiques, ce livre est une contribution supplémentaire importante à la connaissance des villes contemporaines de l’Afrique. Pris ensemble, ces trois ouvrages ne peuvent que solliciter davantage de chercheurs à essayer d’esquisser une première histoire comparée des villes d’Afrique au xxe siècle, toujours manquante à ce jour.

22Laurent Fourchard

Goerg Odile (dir.), Sociétés et espaces urbains en Afrique, Paris, Éditions de l’Atelier, 2003, 190 p., (Le Mouvement social, juillet-septembre 2003, vol. 204) (ISSN : 0027-2671). Burton Andrew (dir.), The Urban Experience in Eastern Africa, c. 1750-2000, Nairobi, The British Institute in Eastern Africa, 2002, 264 p. (n° spécial d’Azania, vol. 36-37) (ISSN : 0067-270X). Eckert Andreas, Grundbesitz, Landkonflikte und Kolonialer Wandel. Douala 1880 bis 1960, Stuttgart, Franz Steiner Verlag, 1999, 504 p. (ISBN : 3-515-06777-9)

23Les trois ouvrages ici recensés confirment la richesse, mais également l’aspect émietté de la recherche historique consacrée aux villes africaines que Laurent Fourchard a évoqué dans le propos précédent. Il s’agit de deux numéros spéciaux de revues [25] et de la publication d’une thèse de doctorat allemande, déjà ancienne, mais n’ayant pas encore rencontré en France l’écho qu’elle est en droit d’attendre.

24Le numéro spécial du Mouvement social s’affirme comme une contribution à une mise en perspective historique de l’urbanisation, phénomène qui est en train de modifier profondément les sociétés africaines. Trois thèmes structurent l’ouvrage (l’espace urbain ; la population et son vécu ; les cultures urbaines), qui s’ouvre sur un propos liminaire d’Odile Goerg, replaçant les huit articles à venir dans l’historiographie récente : ces quelques pages constituent probablement la meilleure des recensions possible de l’ouvrage. Si, chronologiquement, les travaux présentés se consacrent uniquement aux xixe et xxe siècles, la directrice de l’édition a eu à cœur de ne pas couvrir uniquement le seul espace francophone (Kinshasa, Dakar, Tananarive, les villes de l’ancienne AOF.) : l’ouvrage accorde également une place aux régions anglophones (Afrique du Sud, Nigeria) et même, chose plus rare, à la zone lusophone (Lourenço-Marquès, actuelle Maputo). Les contributions rendant possibles cette large couverture de l’espace sub-saharien sont sorties de la plume de chercheurs et d’universitaires venant de différents horizons et travaillant sur différents continents (Europe, Amérique du Nord et Afrique).

25Le deuxième ouvrage collectif fait preuve de la même diversité quant à l’origine des contributeurs, mais est plus ambitieux que le précédent de par son volume, le nombre de ses contributions (15), son appréhension plus large du fait urbain, des petites villes aux capitales, et sa volonté de faire une place au temps long, puisque trois articles sont consacrés à des espaces urbains précoloniaux. En revanche, il n’entend couvrir que l’Afrique orientale, une zone courant tout de même de l’Éthiopie au Zimbabwe. Si neuf articles s’intéressent à un aspect particulier de l’histoire d’une ville, en revanche six autres se placent résolument au niveau régional, tentant de mettre le fait urbain en perspective à la fois dans le temps et dans l’espace – une approche comparatiste souvent fort féconde. L’ensemble est divisé en quatre thèmes : la période précoloniale, l’ordre colonial, les relations entre villes et campagnes, Nairobi au xxe siècle. Cette division, qui possède une cohérence certaine, a tout de même du mal à cacher le poids de cette dernière ville dans l’ensemble des contributions : six sur quatorze. Enfin, on ne peut que souligner l’intérêt des illustrations et des photographies jalonnant l’ouvrage, même si elles demeurent sous-exploitées dans le propos.

26Sur l’ensemble de ces deux ouvrages, trois articles se distinguent des autres par le fait qu’ils ne constituent pas une étude de cas : il s’agit, d’une part, de deux présentations générales du fait urbain en Afrique et, d’autre part, d’un article faisant le point sur l’historiographie du sujet en Afrique du Sud. Jean-Luc Piermay [26] réussit le tour de force de présenter en une dizaine de pages la trajectoire de la ville en Afrique en tant que phénomène social de plus en plus structurant des sociétés de ce continent. Tout en cherchant malgré la brièveté de son propos à introduire de nombreuses nuances, l’auteur présente et explique les différences de niveaux d’urbanisation traversant le continent ; les racines de la diversité des paysages urbains ; les acteurs de l’évolution des villes africaines. Andrew Burton [27] effectue de manière moins concise le même travail pour la région orientale du continent, en fournissant en notes de bas de page une bibliographie fort importante. On retrouve la même richesse bibliographique dans l’article de Patrick Harries [28] concernant les évolutions de la production historique portant sur les villes sud-africaines. L’auteur démontre à cette occasion l’imbrication étroite existant entre l’écriture de l’histoire et les évolutions culturelles et politiques du moment : la chute de l’Apartheid a marqué un tournant décisif, à la fois pour le pays et l’historiographie.

27La lecture des vingt autres articles donne la possibilité de voir émerger sept problématiques parmi les plus centrales de l’histoire urbaine en Afrique. La première est l’étude des facteurs ayant permis l’émergence du fait urbain en Afrique avant l’arrivée du colonisateur. Autrement dit, il s’agit de voir les raisons pour lesquelles certaines sociétés africaines se dotèrent en dehors de tout diktat extérieur de centres urbains. Ce thème n’est illustré que dans l’ouvrage dirigé par A. Burton. Giacomo Macola [29] retrace l’histoire des capitales royales lunda du royaume du Kazembe situé dans la basse vallée de la Luapala (Zambie actuelle), entre le milieu du xviiie à la fin du xixe siècle. Il le fait grâce notamment aux écrits des voyageurs européens qui permettent de compléter des sources orales présentant le biais d’être issue de la seule élite. La grande période de ces capitales dure un siècle, du milieu du xviiie à celui du xixe siècle. Le conquérant lunda cherche à se distinguer de son nouvel environnement par un milieu de vie différent, luxueux et sûr. La capitale du roi est structurée en quartiers qui s’organisent autour de l’enclos royal. Un embryon administratif et policier gérait étroitement cet ensemble fort de quelques 10 000 habitants. La richesse de la capitale est assurée par le contrôle des activités minières et par celui du commerce à longue distance. Les commerçants étrangers ayant l’obligation de traiter uniquement avec le souverain sont accueillis par ce dernier dans un quartier qui leur est réservé à côté de l’enclos royal. Outre ses fonctions économique et fiscale, la ville avait également une dimension idéologique. La magnificence de la ville démontrait sans conteste la supériorité des Lunda sur leurs sujets. Cet aspect culturel était renforcé par la fonction religieuse de la ville royale puisqu’elle était toujours située à proximité de tombes royales recevant un culte. Enfin, le rayonnement de la ville permettait d’assurer une domination indirecte, mais efficace, sur les marches éloignées du royaume. Au cours de cérémonies annuelles, les élites locales étaient conviées à se rendre à la capitale pour y recevoir les insignes du pouvoir et participer ainsi à la splendeur lunda. Leurs liens avec la cour n’étaient pas uniquement symboliques puisque le roi ne dédaignait pas prendre épouse – il en comptait plusieurs centaines – parmi leurs filles. La destruction des bases économiques de ce système (perte du Katanga et fin du monopole sur le commerce à longue distance), suite à une usurpation en 1862, ravala la capitale royale au rang de gros village. Dans les années 1880, elle connut un renouveau grâce à sa fonction militaire. La pression des traitants arabes venus de la côte se faisant toujours plus forte, une population importante chercha refuge auprès de son roi. La ville n’était plus alors la vitrine de la splendeur de l’État lunda, mais le symbole de ses difficultés. Cet aspect de l’urbanisation est repris par Richard Reid [30] qui brosse un tableau des relations existant entre guerres et croissance urbaine en Éthiopie et Érythrée, d’une part, et au Buganda, d’autre part.

28Le thème le plus abondamment illustré dans les deux ouvrages est celui de l’impact de la colonisation sur le tissu urbain et ses habitants : pas moins de sept articles peuvent être classés sous cette rubrique. Si cette problématique n’est pas la plus récente dans l’étude de la ville africaine, en revanche les angles d’approche retenus par certains chercheurs la renouvellent. Ainsi, Abdul Sheriff [31] et Laurent Fourchard [32] s’intéressent-ils tous deux à l’impact de la période coloniale sur l’espace urbain. Le premier le fait en creux, en retraçant l’évolution du tissu urbain à Zanzibar depuis la fin du xviiie siècle jusqu’au début du protectorat britannique. Son but est de montrer que la soi-disant dichotomie des villes swahili (une ville patricienne en pierre faisant face à des quartiers populaires et/ou peuplés de migrants, en huttes) n’a rien d’une caractéristique culturelle, mais qu’elle est la résultante d’un processus historique dont le moment fort est indiscutablement la période coloniale. L. Fourchard se penche sur les évolutions ayant affecté l’entité de base de la ville en Afrique de l’ouest : la cour. Avant l’irruption du colonisateur, il s’agissait d’une unité spatiale propre à un lignage cumulant des fonctions résidentielles, économiques (artisanales et commerciales), voire politiques. Cet espace total éclata sous les coups de boutoir du processus colonial. L’application d’un droit foncier européen, la migration nourrissant la croissance urbaine, la présence de compagnies commerciales européennes… Tous ces facteurs concoururent à modifier les fonctions traditionnelles de la cour qui devint un espace locatif, privatisé, dépouillé de sa fonction économique et le plus souvent dégagé des solidarités lignagères. Milcah Amolo Achola [33] s’intéresse lui aussi à l’espace urbain, mais comme un élément parmi d’autres à l’intérieur d’une démonstration plus large. Son article montre que les différences sanitaires entre les populations africaines et européennes de Nairobi devaient beaucoup moins à un écart en matière d’hygiène ou d’une soi-disant prédisposition des Noirs à la morbidité, qu’à une série d’inégalités socio-économiques imposées par le colonisateur. À l’intérieur de cet ensemble, les inégalités de l’aménagement du tissu urbain jouait un rôle déterminant : faible densité des quartiers européens situés sur les hauteurs, d’autant mieux préservés des germes qu’ils disposaient d’infrastructures de qualité, financées par la taxation de la population africaine. Ainsi, la mortalité qui servit à justifier le rôle civilisateur de l’Occidental en Afrique était-elle largement la résultante de sa présence. Peter Waweru [34] retrace les méandres empruntés par une urbanisation balbutiante au gré des décisions contradictoires de l’administration coloniale dans le pays des Samburu, des pasteurs nomades vivant dans un milieu assez hostile, au nord de l’actuel Kenya.

29Avec Faranirina Rajaonah [35], le lecteur délaisse l’espace dans lequel se déploie le tissu urbain pour s’intéresser aux changements dans les représentations citadines. L’auteur s’intéresse plus particulièrement aux évolutions et aux permanences de la position des catégories professionnelles propres à la ville dans la hiérarchie du prestige sous le poids d’une influence occidentale croissante à partir du début du xixe siècle.

30A. Burton [36] et David Hyde [37] se penchent eux aussi sur l’impact de la colonisation dans leur ville respective (Dar-es-Salaam et Nairobi), mais pour en voir cette fois-ci les limites dans la gestion des hommes, au quotidien ou durant les crises. Le premier montre toutes les difficultés rencontrées durant quatre décennies par un pouvoir colonial traversé de multiples contradictions à mettre en place une administration urbaine satisfaisante à ses yeux, c’est-à-dire lui permettant un contrôle efficace de la population africaine. Le second fait le même constat pour Nairobi au lendemain de la Seconde Guerre mondiale alors que la ville connaissait une croissance démographique sans précédent. La quasi-absence de contrôle administratif et policier des quartiers africains entre 1947 et 1950 permit à la population de s’organiser collectivement suivant deux modes : le premier était une association regroupant les locataires du sol loué à l’État ; le second, anake forty, était une structure regroupant de jeunes hommes célibataires posant des revendications politiques, mais employant des méthodes issues du gangstérisme. D’origine urbaine, son influence s’étendit cependant rapidement à certaines zones rurales proches. Ces réseaux constituèrent la base sociologique du grand mouvement de grève qui toucha Nairobi et son arrière-pays en 1950.

31Si l’émergence d’un pouvoir colonial a profondément modifié l’espace urbain, mais aussi son appréhension et son usage par ses habitants, ces derniers surent néanmoins utiliser les failles et les carences d’une administration manquant cruellement de moyens pour être en mesure de réaliser ses ambitions. Ainsi, le thème suivant met en évidence un phénomène de continuité là où le non-spécialiste ne l’attendrait peut-être pas : celle des pratiques de l’État avant et après les Indépendances. Ibrahima Thioub et Ousseynou Faye [38] analysent les permanences des politiques mises en place par les appareils étatiques à l’égard des marginaux vivant à Dakar, que la structure détenant le pouvoir soit coloniale [39], se dise d’inspiration socialiste ou cache ses penchants néo-libéraux. Toutes trois trouvèrent de bonnes raisons pour lutter, non pas contre la marginalité, mais contre les marginaux, même si depuis quelques années le regard des O.N.G. a pu faire évoluer un peu les pratiques. David Anderson [40] s’intéresse à l’incompétence et surtout à la corruption qui régna au sein de la municipalité de Nairobi au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, principaux facteurs expliquant les retards et la mauvaise qualité des lotissements construits pour accueillir des familles africaines entre 1942 et 1955.

32Avec les trois thèmes suivants, nous revenons en partie à la ville coloniale. Il s’agit de démarches assez récentes permettant d’éclairer sous un jour nouveau la ville africaine. La première privilégie une approche sexuée dans l’analyse du développement urbain. Peu présentes dans les sources car peu désirées en ville, aussi bien par le colonisateur que par les autorités africaines traditionnelles, les femmes ont été relativement négligées en tant qu’actrices d’une urbanité naissante. Pourtant, les recherches des spécialistes du genre montrent que nombre d’entre elles comptaient parmi les premiers Africains à trouver dans la ville un cadre permanent de vie. Bodil Frederiksen [41] pour Nairobi et Jeanne-Marie Penvenne [42] pour Lourenço Marquès montrent comment des femmes, souvent maltraitées dans un monde rural dominé par les hommes, surent faire du monde urbain un milieu de vie où affirmer leur indépendance et protéger leur famille devenait enfin possible. Arrivées à Nairobi dès les années 1920 pour les premières d’entre elles, ces femmes exploitèrent toutes les niches économiques générées par la présence de migrants africains célibataires (production et vente de bières et de repas, prostitution…). L’épargne réalisée sur leurs revenus leur permit de se faire construire une maison dont elles purent ensuite louer les chambres à ces mêmes migrants. Ainsi que le montre un exemple s’étalant sur six générations, recueilli grâce à une série d’entretiens, cette base économique était suffisamment solide pour que fussent fondées des lignées « matriarcales ». Si la situation des femmes interrogées par Jeanne-Marie Penvenne à Maputo était moins enviable (dans les années 1950, elles arrivaient très souvent en ville pour travailler dans le décorticage de la noix de cajou, un travail dur, pénible et salissant), on retrouve dans leur discours la même volonté de se construire en ville une dignité qui leur était refusée ailleurs.

33L’approche suivante ne nous éloigne pas tout à fait des femmes. Il s’agit de l’analyse des pratiques culturelles propres aux urbains. Deux articles utilisent la chanson populaire de Nairobi et de Kinshasa pour explorer l’imaginaire des urbains et ses changements durant le quart de siècle suivant la Seconde Guerre mondiale. Dans un style inimitable, Charles Didier Gondola [43] dresse un hymne à une célèbre inconnue, la chanson kinoise. Célèbre car elle a fait le tour du monde (elle influence d’ailleurs alors fortement la scène de Nairobi dans les années 1950) grâce à ses artistes plein de talent. Inconnue car elle a été jusqu’à présent laissée de côté par les chercheurs. Son analyse permet notamment de mettre en lumière un type de femmes souvent passé sous silence, la bana. Femme ayant fait sienne la modernité européenne par le biais de ses bienfaiteurs blancs, mais également très à l’aise dans les soirées africaines de Kinshasa qu’elle domine en fait de sa présence, elle incarne un fantasme inatteignable pour les Africains. Atieno Odhiambo [44] voit également dans la femme indépendante et moderne, mais aussi infidèle et donc fatale, le principal thème de la chanson à Nairobi. Ce qui n’est guère étonnant lorsque l’on a lu l’article de B. Frederiksen.

34Bogumil Jewsiewicki propose l’analyse d’un autre versant de la culture urbaine, celui de la production picturale à Kinshasa. L’auteur analyse de manière fort convaincante, et pour tout dire brillante, les conditions culturelle, sociale, politique et économique de la production de tableaux dans la capitale de l’actuelle R.D.C. À l’instar du foncier urbain [45], la peinture devient ici une sorte d’objet total à travers lequel on revisite l’histoire du Congo belge et du Zaïre, de ses habitants, de la sociabilité et des représentations mentales de ces derniers. Là encore, on retrouve les femmes de la ville, mais nous prendrons deux autres exemples pour illustrer la richesse de cet article. Le premier porte sur la matérialité des tableaux. La plupart de ces derniers sont de dimensions relativement modestes, celles de la taille d’un sac de farine de 50 kg, qui, coupé en deux, fournissait à l’origine matière à deux toiles. Si par la suite, l’artiste utilisa d’autres supports, il conserva en revanche le standard initial. Pourtant la production picturale congolaise est connue chez nous pour ses grands formats. En fait, les Occidentaux vivant à Kinshasa au milieu des années 1980 furent sensibilisés à la peinture locale lorsque les ambassades belge et française se lancèrent dans l’organisation d’expositions artistiques pour lesquelles elles demandèrent des toiles de tailles plus importantes. Vivant dans des demeures aux volumes spacieux, Européens et Américains purent facilement mettre ces dernières en valeur. Et si aujourd’hui nombre de peintres choisissent d’exprimer leur talent sur des murs, c’est que la densité de la population oblige à prendre possession de la rue pour espérer une reconnaissance. L’autre exemple est celui du portrait, genre pour lequel l’auteur considère tour à tour les positions sociales du client et de l’artiste pour expliquer son traitement, sa place et son utilité sociale. Le portrait s’affirma comme un genre majeur à partir des années 1950, à un moment où le colonisateur chercha à stabiliser en ville une partie de la population africaine (les « évolués ») en lui donnant la possibilité d’accéder à la propriété immobilière. Ces hommes, déjà pris dans une logique d’individuation avec le système colonial de l’« homme adulte valide », se montrèrent sensibles à la possibilité d’acquérir une maison. Ils prirent rapidement l’habitude d’afficher dans leur salon, endroit de réception des pairs, leur portrait. Accrocher un tel tableau et le donner à voir à ses invités était tout à la fois un acte d’affirmation de soi et de son appartenance à un groupe capable de consommer. Le portrait figurait le maître de maison vêtu de manière élégante, accompagné d’objets modernes symbolisant leur aspiration ou leur réussite. Mais en revanche, le peintre ne faisait aucune concession quant à l’apparence physique du commanditaire, car cela aurait été contraire à la morale inspirée de l’Ancien Testament : le corps, don de Dieu, ne peut être retouché.

35Une dernière approche fort intéressante de l’ouvrage dirigé par A. Burton consiste à appréhender le fait urbain à l’intérieur d’un système spatio-temporel plus large, ou, comme le dit Tsuneo Yoshikuni dans le titre de son article consacré aux deux principales villes zimbabwéennes Linking urban history with precolonial and rural history. L’auteur analyse les caractéristiques de l’espace rural pré-colonial de Salisbury (actuel Harare) et de Bulawayo afin de comprendre les différences existant entre ces deux centres urbains. Salisbury est né dans un milieu de petites chefferies shona, relativement prospères grâce à l’élevage et une agriculture vivrière profitant d’un bon sol. Les paysans locaux bénéficièrent de l’apparition de la ville dans laquelle ils trouvèrent un débouché facile pour leurs surplus. Ils ne l’appréciaient pas pour autant. À leurs yeux, elle demeurait un corps étranger, symbole de l’oppression coloniale qui se manifestait périodiquement par des confiscations de terre ou des taxes. Cette vision négative les tint à l’écart du gros du mouvement migratoire africain qui peupla la ville. Cette absence de fusion entre Salisbury et son arrière-pays devint particulièrement évident au début des années 1930, lors des premiers combats syndicaux : les Shona demeurèrent imperméables à tous les efforts de mobilisation. L’environnement de Bulawayo était quasiment l’exact négatif de celui de Salisbury. Cette ville se situait au cœur d’un État centralisé, celui des Ndebele. Les sols de la région étant plutôt pauvres, l’agriculture locale ne put profiter du développement du marché urbain. Cela incita les Ndebele à venir chercher du travail en ville. L’urbanisation et la prolétarisation ne furent pas vécues comme un drame car la ville préexistait à l’arrivée du colonisateur et était de ce fait largement investit par l’identité ndebele. Il en résulta une très forte cohésion entre Bulawayo et son hinterland. James Giblin [46] utilise une méthodologie assez proche dans son article consacré à une petite ville du sud de la Tanzanie, Makambako. L’auteur explique la perception actuelle de l’espace urbain par ses habitants par leur background culturel et l’histoire de la région depuis le milieu du xixe siècle.

36Le propos de John Lonsdale [47] est à la fois plus ambitieux et plus complexe : il s’agit d’ébaucher un portrait de la vie urbaine au Kenya durant la période coloniale, grâce aux travaux déjà existants et en lançant de nouvelles pistes de réflexion. L’auteur dégage trois questions centrales, ainsi que trois problématiques permettant un meilleur éclairage de ces interrogations. La première question à approfondir est de déterminer jusqu’à quel point les habitants des villes étaient des urbains, c’est-à-dire des acteurs sociaux ayant des valeurs et des trajectoires professionnelles bien distinctes de celles des ruraux. La deuxième serait d’expliquer les différences importantes entre les villes kenyanes, non seulement entre côte et arrière-pays, mais aussi dans cet arrière-pays. Enfin, un progrès de l’écriture de l’histoire des villes coloniales au Kenya entre 1895 et 1963 passe par une périodisation fine mettant en lumière les évolutions du tissu urbain et les changements des conditions de vie de ses habitants. Pour progresser dans ces trois domaines, l’auteur propose trois axes de recherche : l’étude des relations économique, politique et culturelle entre ville et campagne ; la possibilité pour les habitants de s’inscrire et de maîtriser le tissu urbain ; la nature du travail y existant. À partir de cette grille à double entrée, John Lonsdale propose sa propre vision de l’histoire urbaine dans cette colonie britannique. Ainsi, il balaie la quasi-totalité des thèmes abordés précédemment, et d’autres encore : avertissement sur les biais présentés par les sources, qu’elles soient écrites ou orales, pour appréhender les réalités urbaines ; poids du regard de la société rurale sur la démographie urbaine (croissance, mais surtout stabilité) ; importance de la migration féminine dans la constitution d’une population urbaine stable ; contraste entre Nairobi et Mombasa ; importance du foncier et de son contrôle dans le développement d’une culture urbaine ; influence réciproque entre l’émergence de nouvelles catégories socioprofessionnelles, la ville et son arrière-pays ; analyse des mutations sociales à travers l’étude de l’évolution de la délinquance et des expressions artistiques… On l’aura compris, l’article de J. Lonsdale est celui d’un historien d’expérience cherchant à prendre quelques hauteurs par rapport à un sujet dont la tendance à l’éclatement a déjà été soulignée. Sa lecture – et celle des deux précédents – montre qu’une des approches les plus stimulantes pour reconstituer le passé des villes africaines dans toute sa complexité est une pensée systémique, délimitant un cadre temporel et spatial pertinent de réflexion (le cadre régional ou national a été ici privilégié) pour y inscrire le fait urbain ainsi que tous les éléments en interaction avec lui. À l’intérieur d’une telle démarche, la monographie urbaine retrouve une place intéressante en tant qu’élément de base permettant à terme une compréhension plus étendue du fait urbain.

37L’approche choisie par Andreas Eckert n’est pas tout à fait celle-ci, mais cela n’en rend pas moins son travail fort intéressant. Comme l’a fait L. Fourchard pour les villes de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso [48], cet historien a cherché à mêler histoire urbaine et histoire du foncier, deux domaines rarement croisés. Cette approche permet de renouveler une question classique des études africaines, déjà évoquée plus haut : quels ont été les changements induits par la domination coloniale sur les structures sociales, politiques et culturelles africaines ? En effet, l’objet d’étude retenu, le sol, possède une multitude de facettes (juridiques, culturelles, politiques et économiques) qui permettent de revisiter de fond en comble l’histoire d’une société affectée par le processus colonial.

38Le terrain de recherche choisi par l’auteur est l’un des principaux centres urbains du Cameroun : Douala et son arrière-pays, entre 1880 et 1960. Son histoire mouvementée explique le nombre de dépôts d’archives visités par A. Eckert, pas moins d’une douzaine, disséminés dans quatre pays d’Europe et au Cameroun. Les sources utilisés sont diverses : traditions orales pour le début de la période, sources cadastrales et judiciaires, une trentaine d’interviews, des archives familiales, des enquêtes à caractère ethnographique réalisées dans l’entre-deux-guerres. Ce corpus, fort bien présenté et critiqué, a donné matière à 270 pages d’analyse, servis par un allemand agréable à lire. L’auteur a le souci constant de restituer chacun des problèmes abordés dans l’historiographie concernée, si bien qu’au début de chaque chapitre le lecteur trouve une partie consacrée à l’ensemble du continent ou/et à une autre ville, avant de mieux plonger dans la spécificité douala. De même, A. Eckert facilite au lecteur le suivi de son analyse grâce à des introductions soignées, des transitions et des résumés qui ponctuent de manière convaincante chacun des moments importants du livre. Suivent 170 pages d’annexes, sous forme de 21 tableaux synthétiques portant sur les différents actes fonciers trouvés. On regrettera que ce matériel, probablement très utile aux chercheurs intéressés par la ville de Douala, n’ait pas fait l’objet d’une cartographie. En effet, l’ouvrage ne compte qu’une seule carte de la ville, ce qui est définitivement trop peu pour une étude approfondie des structures foncières et de leur évolution sur près d’un siècle. Comme il est de coutume dans les ouvrages allemands, la bibliographie est présentée par ordre alphabétique, ce qui n’en fait pas un outil à l’utilisation aisée.

39Le propos de l’auteur est de comprendre comment cette société de marchands qui avait fait de « l’eau » l’élément central de son organisation sociale, de ses activités économiques et de sa représentation du monde, en est venue durant la période coloniale à opérer un glissement en faveur de « la terre ». Son travail s’organise en quatre parties chronologiques mettant en lumière la place du foncier dans la société douala et les conflits se jouant autour. Le premier chapitre rappelle les caractéristiques économiques et politiques de cette petite ethnie de commerçants installée à l’embouchure de la Wouri. Intermédiaires incontournables, ils offraient aux marchands européens du xviiie siècle des esclaves, de l’ivoire et de l’huile de palme qu’ils n’avaient guère de mal à se procurer dans l’arrière-pays en organisant des expéditions commerciales sur de grands canots. En effet, les solides lignages patrilinéaires douala faisaient face à des groupes peu structurés auxquels ils imposèrent à la fois leur langue et des alliances matrimoniales. Par conséquent, il n’est guère étonnant que l’eau – le fleuve comme la mer – fusse considérée comme la source de richesse par excellence. C’est pourquoi les plus hauts placés dans la hiérarchie sociale résidaient le plus près possible de la Wouri.

40La première période coloniale, qui s’étend de 1890 à 1930 voit l’émergence de la ville de Douala, qui devint rapidement la capitale économique de la colonie. Si les Douala perdirent leur rôle d’intermédiaires commerciaux le long du fleuve et de l’océan, ils se reconvertirent avec succès en planteurs en faisant l’acquisition de nombreux hectares de terre dans l’arrière-pays. Les bénéfices tirés du cacao étaient réinvestis dans l’éducation de la génération suivante. La croissance de la ville de Douala entraîna l’émergence d’un petit marché foncier qui profita aux chefs de famille gérant traditionnellement l’accès à la terre. Bien que le foncier urbain ne joua qu’un rôle très secondaire dans le processus d’enrichissement et de distinction sociale, un conflit opposa les Douala à l’administration coloniale allemande, puis française. La volonté des Allemands d’imposer une stricte ségrégation spatiale entre Noirs et Blancs les amena à exproprier les chefs douala de certaines zones proches du fleuve en 1910. Les positions des deux parties dans cette affaire étaient moins dictées par des considérations de nature économique que par des éléments culturels et symboliques.

41L’important pour les Européens comme pour les Douala était d’inscrire dans l’espace leur propre vision du monde. En instaurant une stricte séparation raciale, l’administration voulait protéger la moralité et l’état sanitaire de la population blanche contre les méfaits que la population noire était supposée apporter ; il s’agissait également de réaffirmer dans l’espace la place de chacun dans la société coloniale et d’empêcher les Douala d’acquérir des traits culturels européens qui leur auraient permis de se présenter sur un pied d’égalité avec le colonisateur. Or, si les Douala avaient pu s’affirmer en tant que leader dans la région depuis au moins deux siècles, c’était en grande partie parce qu’ils assimilaient en permanence des éléments de la culture européenne qui faisaient d’eux une modernité source de pouvoir et de prestige. Les expulser du quartier européen revenait à remettre en cause ce schéma qui les avait fait prospérer. Mais après deux décennies de tensions, les choses finirent par s’apaiser à partir de 1931 car la crise avait entraîné un déplacement des enjeux autour du foncier.

42La période suivante, qui s’étend de l’arrivée de la crise mondiale dans la colonie à la fin de la Seconde Guerre mondiale, est une période de transition au cours de laquelle les intérêts économiques des Douala se recentrèrent de plus en plus rapidement sur la ville. Ne pouvant souvent plus payer leurs salariés bamiléké, les planteurs connurent des difficultés croissantes pour continuer leurs activités. Les revenus qu’ils tiraient de leurs terres n’étaient cependant pas encore devenus négligeables en 1939, mais le déclenchement du conflit mondial mit un terme définitif à cette activité. Face à ces difficultés économiques, les Douala réinvestirent les rangs de l’administration qu’ils avaient désertés au début des années 1920. Par ailleurs, l’arrivée en ville de migrants africains dans les années 1930, puis d’Européens à partir de 1941, donna une importance croissante au marché foncier. Face à cette évolution, nombre de Douala utilisèrent les possibilités offertes par la législation coloniale pour faire constater leurs droits traditionnels sur des parcelles urbaines, tout particulièrement celles situées dans le quartier européen. Cette procédure était suffisante pour protéger ses droits de propriété, vendre (une centaine de transactions furent enregistrées sur la période) ou louer sa parcelle à des Européens, la mettre en gage pour obtenir un crédit, mais aussi afficher sa compréhension des rouages coloniaux et donc affirmer une certaine modernité. Ces évolutions ne furent pas sans influence sur la cohésion des Douala. D’une part, l’arrivée en ville de nombreux migrants africains provoqua un net renforcement du sentiment ethnique, tout en gommant les différences entre clans. D’autre part, l’intérêt croissant du foncier urbain entraîna l’émergence de conflits juridiques. Les détenteurs des positions d’autorité tentant de transformer leur droit de gestion de la terre en droit de propriété, les cadets sociaux réagirent en recourant à la justice. Descendants d’esclaves, femmes et fils cadets tentèrent de faire valoir leur cause devant les tribunaux indigènes, souvent en vain car ces derniers étaient dominés par les chefs, qui se retrouvaient collectivement donc à la fois juge et partie.

43La dernière période, qui coure de 1945 à l’accession du pays à l’indépendance, vit la population de Douala plus que tripler. Elle fut marquée par une perte d’influence politique des Douala, plus marquée au niveau national que local, où les divisions de migrants laissèrent les chefs douala en partie maîtres du jeu. L’arrivée de nouveaux urbains ainsi que les prétentions du pouvoir colonial à imposer un nouveau plan d’urbanisation furent ressenties comme autant de menaces sur la possession foncière, si bien que le nombre de demandes de constatation de propriété déposé auprès de l’administration augmenta drastiquement, pour atteindre le chiffre de 2158 : en 1960, 18 % du sol de la ville était enregistré, en majorité dans le quartier dit européen. La plupart des propriétaires demandaient dans le temps une immatriculation de leur bien auprès du cadastre, une démarche plus coûteuse, mais plus sûre. La moitié était des « évolués » (fonctionnaires et employés), mais leur rang comptait également des chefs traditionnels, des planteurs, des pêcheurs et des marchands. En fait, les plus avantagés étaient ceux qui cumulaient un rôle de chef coutumier avec une position à l’intérieur de l’appareil administratif. Les conflits fonciers crurent en nombre et en intensité au fur et à mesure que les parcelles urbaines prenaient de la valeur : le prix du sol fut multiplié par cinq entre 1946 et 1958, les droits de propriété firent l’objet d’un procès pour une parcelle enregistrée sur quatre. Les acteurs étaient les mêmes que dans la période précédente, mais l’on note également l’émergence de nombreuses disputes entre les communautés d’un même clan sur les limites de leur quartier respectif.

44Voici pour l’essentiel de cette thèse, mais la linéarité de ce résumé trahit probablement la richesse du propos d’A. Eckert, qui a élaboré un ouvrage mêlant à la fois l’histoire de l’ethnie Douala, celles de la ville éponyme, de l’appareil administratif du colonisateur et de l’économie régionale, en cherchant toujours à resituer ces problèmes à l’échelle du continent.

45Franck Raimbault

Journal des Africanistes, tome 74, fasc. 1-2, 2004 « Cité-État et statut politique de la ville », numéro coordonné par Anne-Marie Peatrik et Gilles Holder

46La notion de « cité-État » évoquerait spontanément, selon les périodes, Athènes, Sparte ou encore Venise, Florence mais plus rarement des systèmes politiques centrés en Afrique sur une ville et son arrière-pays comme Kano ou les cités yoruba – pourtant couramment qualifiées comme telles par les historiens [49]. Le numéro double du Journal des Africanistes (479 pages et 18 articles dont deux introductifs) se propose de réexaminer ce concept à l’aune des expériences africaines et sous l’angle du politique. Fruit d’une série de séminaires et dédié à Jean Bazin, dont une conférence sur « L’État, avec ou sans cité » est ici retranscrite, cet ouvrage réunit essentiellement des anthropologues auxquels se joignent quelques historiens [50]. Sans grande surprise, certains auteurs jouent pleinement le jeu tandis que d’autres abordent la ville, ou tout simplement l’idée d’humains agglomérés, sous des angles fort éloignés de la problématique de la « cité-État », d’autant que les auteurs naviguent entre cité et ville sans forcément définir ces termes. Ceci ne préjuge pas de l’intérêt intrinsèque de leur contribution mais rend plus ardue la tâche de recension.

47Deux textes introductifs, d’Anne-Marie Peatrik, Gilles Holder et de Jean-Jacques Glassner, présentent la réflexion théorique encadrant la problématique. Ils remontent à la genèse du concept dans le cadre de l’histoire ancienne et des sciences sociales de la fin du xixe siècle et en déclinent ensuite les acceptions multiples. Divers critères de définition sont mis en avant, dans une volonté explicite de qualifier la « cité africaine » (p. 14) en tant que modèle qui distingue « l’enceinte, l’arrière-pays et l’outre-pays », catégories développées dans la propre contribution de G. Holder. Celui-ci s’intéresse à la conception la plus abstraite de la cité, non envisagée pour sa matérialité mais pour son statut politique : la citoyenneté, l’espace public sont au centre de sa réflexion. De même, A.-M. Peatrik sonde le fonctionnement des systèmes générationnels dans la société Meru du Kenya, notamment la place des Pères, qui fondent le mode d’organisation politique dominant jusqu’aux années 1930 : une « cité sans agglomération urbaine [51] ».

48Les historiens, reprenant et complétant les facteurs énoncés notamment par les géographes [52], semblent désormais s’accorder sur des critères larges permettant d’avoir une définition à la fois ouverte et universelle de la ville : zone de concentration humaine certes (notions relatives de densité et de taille) mais surtout lieu de pouvoir, de capacité d’attraction de produits vivriers et de diversification de la production, et par conséquent lieu de résidence d’une certaine proportion de non-agriculteurs et de différentiation sociale plus ou moins poussée ; espaces marqués aussi par l’organisation et le style de l’habitat [53] et, finalement, par des expressions culturelles spécifiques [54]. Ces éléments de définition, souples, s’adaptent à des contextes politiques, économiques et démographiques fort divers. Il ne semble donc pas étonnant que certaines régions de l’Afrique dite des Grands Lacs, avec leur habitat dispersé, présentent des modalités de centralité de pouvoir ne rimant pas forcément avec agglomération concentrée tandis que d’autres développent de vastes capitales (Jean-Pierre Chrétien).

49L’apport de l’anthropologie peut être fécond car il ouvre d’autres perspectives pour appréhender l’essence ou les fondements de la ville et approfondir les modes relationnels entre le pouvoir et la focalisation sur un espace car c’est bien autour du pouvoir, du politique, que tourne la définition de la ville. C’est aussi sur le terrain des représentations et des visions symboliques, qu’anthropologues et historiens se retrouvent le plus aisément : interroger la ville non pour ce qu’elle montre immédiatement mais pour ce qu’elle cache, ce qu’elle véhicule comme rapport au passé, ce qu’elle comporte d’organisations implicites internes ou dépassant l’espace urbain tel qu’il est localement perçu. Les fils conducteurs des contributions résident effectivement dans les notions de limite, de frontière, d’enceinte, d’influences, de réseaux. Ces notions sont abordées sous des angles variés, aussi bien matériels que sociaux ou symboliques, et permettent de cerner les relations entre lieu de pouvoir et les modalités d’influence ou de contrôle hors du centre.

50Ainsi Gérard Pescheux propose une réflexion intéressante sur le domaine akan, à partir de sources archéologiques, orales et écrites. Il étudie la symbolique de l’organisation spatiale qui procède en cercles concentriques, selon des oppositions (sale/propre ; culture/nature) qui fondent la définition de la cité-État, définie comme le croisement entre une « entité politique établie » et un « site urbain » (p. 186). De même, Antoinette Molinie analyse les formes de rayonnement du pouvoir dans le cas inca : Cuzco est au cœur d’un réseau rituel et symbolique, qui permet le contrôle effectif de vastes régions. Dans sa recherche sur les Cités-États swahili au xvii et xviiie siècles, Thomas Vernet procède également par oppositions. Rappelant les données historiographiques, il reprend la question de l’urbanité en interrogeant ce qui fonde la différence entre la ville et ses faubourgs, exprimée notamment par les matériaux et styles de construction. Il questionne également les relations qu’entretiennent les villes insulaires de l’archipel de Lamu et leur arrière-pays continental, sans lequel elles ne peuvent exister. Les villes se présentent alors comme des facteurs d’intégration de populations en mouvement.

51Les réseaux dominent aussi la contribution de Bertrand Hirsch et François-Xavier Fauvelle-Aymar. Plutôt qu’un renouvellement sur la nature des « cités oubliées » de l’Éthiopie médiévale, étudiées en fait par l’historiographie anglophone (notamment Donald Crummey), ils présentent les réseaux marchands musulmans qui en permirent l’émergence ainsi que certaines formes de la culture urbaine. Certains auteurs se situent dans l’optique des apports récents ou remaniés par les géographes en développant la notion d’agglomération multi centrée ou de villes réticulaires. Dans le premier cas, Stephan Dugast évoque le rôle des chefferies pour expliquer l’organisation sociale et politique spécifique dispersée de Bassar (Togo), dans une analyse qui frappe toutefois par son apparente intemporalité [55]. Benoît Hazard se situe au contraire dans la contemporanéité évidente, en s’attachant à décrire l’épanouissement de Béguédo (Burkina Faso) dans le cadre de l’instrumentalisation locale de la politique étatique de décentralisation, de l’appel au lotissement et de mouvements migratoires, sources de capitaux et d’innovations.

52L’approche par le politique se situe forcément dans la durée car les pouvoirs se font et se défont. Jean-Luc Martineau montre ainsi la plasticité des rapports de pouvoir et de leur expression matérialisée dans l’espace dans le cas des cités yoruba dans le contexte de la recomposition politique postérieure aux conflits du xixe siècle et contemporaine de la colonisation britannique. On assiste alors à l’affirmation des cités permettant aux populations de s’identifier à un espace et à un oba. Cet ancrage urbain est paradoxal car au même moment les villes perdent leur autonomie, étant englobées dans des stratégies politiques qui les dépassent mais dont elles jouent et profitent parfois.

53Finalement, certains articles abordent la notion de ville de manière transversale, par ses expressions identitaires culturelles. Emmanuelle Olivier analyse Djenné par les musiques produites lors d’un rituel, qui traduisent l’organisation territoriale mais aussi sociale de la ville (migrants, diverses strates d’autochtones). Par ce biais, elle met en évidence une façon de vivre la ville mais aussi la projection d’un idéal. On retrouve cette scansion entre ville réelle (Lagos) et ville idéelle (rêvée, utopique, recréée) dans le théâtre yoruba dont Bernard Müller détaille les conditions d’émergence et les sources d’inspiration, bibliques notamment.

54On aurait pu souhaiter que l’organisation des articles ait été articulée autour de certains de leurs points saillants pour mettre en valeur les convergences. Le plan géographique adopté, qui répartit les articles en « Afrique de l’Ouest » et « Afrique de l’Est et ailleurs » (Yemen, Népal, capitale inca), justifié de manière peu convaincante, nuit à l’explicitation des apports du numéro : les enseignements éventuels provenant de la confrontation des terrains dans et hors Afrique ne ressortent guère à première vue. La question de la spécificité des situations africaines, évoquée en introduction, semble d’ailleurs vaine tant les cas de figure internes au continent sont divers aussi bien dans le temps que dans l’espace. Elle doit laisser la place à la mise en évidence des modalités concrètes du déroulement urbain selon que domine tel ou tel critère de définition.

55Malgré le décalage perceptible entre les objectifs de la démarche et les contenus effectifs (travers commun à maints volumes collectifs), ce numéro contribue de manière vivante à la réflexion sur ce qu’est l’urbain, en mettant le facteur politique au centre de la définition de la ville. À travers des approches diversifiées et parfois novatrices, il éclaire les jeux constants entre passé et présent, les confrontations entre représentations et villes vécues, les nuances et particularités des modèles urbains. Par ailleurs un des attraits de ce numéro réside dans le choix d’une réflexion qui cherche à saisir ce qui fait la ville à des échelles souvent négligées, celle de centres souvent modestes. C’est peut-être en s’intéressant à des expressions du pouvoir qui ne sont pas forcément celles des grandes villes ou des centres étatiques que l’on peut faire avancer la réflexion sur le fait urbain.

56Odile Goerg (Université Paris 7)

De Boeck Filip, Kinshasa. Récits de la ville invisible, Paris, La Renaissance du Livre, 2005

57

« J’ai décrit Kinshasa comme un vaste “palais des glaces” reflétant les différentes visions de la ville, dans la diffraction de l’univers urbain en une série de mondes multiples mais coexistants, qui trouvent leurs origines à différents points de l’histoire mais se parlent les uns aux autres. J’ai aussi essayé de fonder l’analyse de ce jeu de reflets de la possibilité de simultanéité dans la compréhension et l’expérience autochtone de cette simultanéité de l’endroit et de l’envers, du visible et de l’invisible, du jour et de la nuit ou du ciel et de l’enfer. Ainsi que je l’ai souligné, c’est précisément la qualité de cette capacité locale de vivre la simultanéité qui subit aujourd’hui un changement majeur dans la sphère publique. »
(p. 256)

58Ainsi Filip de Boeck résume-t-il l’entreprise brillante dont il nous propose l’objet nécessairement provisoire. Cette citation capture à la fois la mise en place des thèmes et des options méthodologiques propres à l’anthropologue. Elle illustre une conceptualisation théorique dégagée des visions urbanistiques mais ancrée, au contraire, dans ce qui est propre au mode de vie urbain : « l’aptitude (à vivre) la multiplicité simultanée… ». L’on peut gager que le prix de la Biennale d’Architecture de Venise qui fut attribué à l’exposition qu’il y consacra au même thème, se justifie d’une vue de l’urbain échappant à nombre d’urbanistes et qu’il importait de faire passer à l’avant-plan : l’expérience de l’espace qu’illustrent les photos de Marie-Françoise Plissart, le vécu corporel et l’univers de sens dont le texte se nourrit. Cette approche n’est pas neuve : on en trouve un soupçon intuitif à propos de Paris, chez Julien Gracq [56], par exemple, ou des élaborations plus explicites chez certains sociologues urbains culturalistes. Ce n’est pas seulement en post-colonie que ruralité et urbanité sont plus des états d’esprit que des qualités objectives de l’espace (p. 41). Les subtilités théoriques de cette approche font qu’elle est souvent repoussée au profit de l’abord plus classique et essentialiste sous le paradigme d’un espace délimité de l’extérieur et défini comme ville au mépris des mouvements des personnes qui urbanisent les campagnes (et réciproquement). « Cities under Siege » comme l’intitulent les éditeurs d’un ouvrage sur quatre villes africaines présenté à la Dokumenta de 2002 : telles seraient alors ces villes assiégées par leur propre population celles-ci étant une menace à un ordre plutôt que la substance même de l’espace urbanisé [57]. L’exposition de F. de Boeck et de M.-F. Plissart rend plus évidente encore la chair de la ville : le défilé des paysages humains sur les écrans vidéos rend palpable le sens de l’ouvrage écrit. La ville, ce sont les conjonctions des projets de ses habitants : aux berges du fleuve, au flux de ses artères, au frais relatif de ses jardins, au secret de ses cours. Cette vision démocratique s’accommode peu de projets urbanistiques de prestige dans lesquels, quand ils daignent s’en préoccuper, peuvent s’affirmer les gens de pouvoir.

59À Kinshasa, point de risque : l’urbanisme se désespère d’un héritage colonial délabré, empreint d’un modernisme devenu désuet avant, peut-être, de se re-brancher « rétro ». La mégalomanie individuelle des villas luxueuses d’une minorité dont F. de Boeck ne nous parle que peu, est le signe exsangue de la post-colonialité mobutienne étalant les cadavres architecturaux habités, à demi finis, par leur propriétaires déchus. Kinshasa n’est pas, pour F. de Boeck, une ville qu’assiégerait le gonflement de sa propre population, puisqu’elle est cette population et se forme de l’humain, non de la brique. Tant aimée de celui qui la décrit, la ville est faite d’un grouillement aux structures en recomposition, produisant sa vitalité de ses liens avec un hinterland vaste et divers, de Matonge-Bruxelles à Lunda Norte en passant par tous les villages dont les produits s’acheminent vers elle, recevant en retour ses mirages. Lieu de schizophrénie normative peut-être, lieu de démembrements et de remembrements dont la représentation tombe parfois dans le réel de la violence, Kinshasa n’est pas le chaos. Le « double-bind » de la survie sordide dans la dignité fantasmée produit les rythmes complexes de son urbanité. La post-colonialité, certes, s’y inscrit dans la déglingue des héritages pour l’observateur qui n’accompagnerait pas l’auteur dans l’analyse de la matérialisation d’« un besoin constant à passer au-delà des ternissures laissées au miroir des réalités » (p.18). Les nécessités de la survie dans des situations de pénurie souvent extrême et oscillant parfois avec des gains soudains s’inscrivent dans ce besoin de « faire craquer les couches de poussière et de saleté » (ibid.) pour redonner un lustre à la ville, non en la rénovant, mais en se construisant comme citoyens urbains, creusant leur voie entre « les mythes de la modernité et ceux de la tradition » (ibid.). De rares utopistes imaginent une Kinshasa dédoublée à l’instar de Brazilia mais la plupart des Kinois tissent, au fil de leurs vies démultipliées, les réseaux enchevêtrés qui font la ville. Celle-ci en devient l’incarnation « architecturale » des mouvements des corps et de l’imaginaire qui les meut : une ville invisible.

60L’armature imaginaire qui donne sens aux effets architecturaux de la « débrouille » ne peut se produire que d’une pénétration de ces vies qui (se) font la ville. La virtualité monétaire qui aboutit, en 1993, au retrait du Fonds Monétaire et de la Banque mondiale, sont des témoins internationaux du basculement de l’économie dans l’informel et du basculement des réalités, par exemple académiques, dans le virtuel. Les bâtiments sans eau, les voitures sans essence, les bibliothèques obsolètes, évoquent un idéal d’urbanisme international dont la déchéance flirte avec l’idéal rédempteur du village restaurant une origine fondatrice, à défaut d’État ou d’autre certitude. L’histoire s’est effritée mais l’omniprésence de la mort appelle à la restauration d’une temporalité : elle se produit dans l’éternel, équivalent virtuel de l’instant sur terre. Dès lors, à ceux qui, entre vie et mort, sont sur terre dans un état intermédiaire, tentant de survivre dans des structures que la mort et la pauvreté transforment, les frontières fondent entre les certitudes de divers ordres. Les enfants recentrent une société dont les normes s’inversent : enfants promesses deviennent enfants-sorciers, parents protecteurs, parents accusateurs. En cause, l’interprétation du rapport à la Fortune et à ses avatars, connotés de chance et de rapport au spirituel en dépit des moyens terribles d’en grignoter les miettes : quête de diamants en Angola, prostitution, débrouille de la rue, engagement dans les gangs, les milices et l’armée. Les bars et les églises font le contrepoids de cette mort omniprésente dans la ville et motivent les quêtes réelles d’un numéraire investi dans l’instant, en l’absence d’alternative. Dans ce mouvement, les relations sociales se trouvent fondamentalement remodelée et les liens familiaux sont redéfinis, excluant, sur la base d’interprétations spirituelles, la parenté élargie au profit d’une famille restreinte.

61Récit de trajectoires, le livre mêle les parcours de l’auteur à ceux de ses interlocuteurs dont il se fait pour nous le traducteur. Le laisser-aller (superbement) maîtrisé de l’anthropologue de terrain se conjugue avec le recul analytique encadré de la littérature théorique la plus récente. Et l’histoire ? Elle est présente dans la prise en compte des faits, mais surtout dans l’analyse des recours actuels au passé (y compris au sein des disciplines académiques), dans la subtilité de l’analyse de la transformation des mentalités. Un grand livre, rendant compte des articulations des changements dans la durée aux côtés de Foucault plutôt que de Braudel.

62Danielle de Lame (Tervuren)

Kaba Lansiné, Cheikh Mouhammad Chérif et son temps ou Islam et société à Kankan en Guinée 1874-1955, Paris, Présence Africaine, 2004, 303 p. (ISBN : 2-7087-0761-2)

63Bien que centré sur un personnage, le Cheikh Mouhammad Chérif, appelé aussi Cheikh Fanta-Madi Chérif ou Grand Maître (Karammô Sékouba), cet ouvrage ne se limite pas seulement à son évocation. L’ambition de l’auteur est plus vaste : il envisage de rendre un hommage à sa ville natale et à la société islamique qu’elle a engendrée. C’est Kankan-Baté vue à travers ses souvenirs d’enfance, affinés par les connaissances de l’histoire d’Afrique acquises pendant une trentaine d’années d’enseignement. L’auteur, Lansiné (ou « Lanciné ») Kaba, a reçu trois sortes d’enseignements, à l’école coranique de la ville, à l’école française en Guinée et en France et dans les universités américaines où se déroulera son enseignement universitaire. En 1974, son ouvrage The Wahhabiyya : Islamic Reform and Politics in French West Africa, 1945-1960, où il traite de la confrérie ou voie mystique wahhabyyia, l’avait consacré comme un connaisseur des aspects distinctifs adoptés par l’islam dans sa propagation moderne en Afrique occidentale. L’auteur nous invite à présent à rentrer dans la saga agitée de Kankan, l’importante ville de la république de Guinée.

64La vie du « saint homme de Dieu », Mouhammad Chérif, couvre la période de 1874 à 1955 ; une période capitale, d’abord pour l’expansion de l’islam dans cette région d’échanges touchée aussi par l’attirance du fleuve Milo, un des plus importants affluents des sources du Niger, ensuite pour couvrir complètement l’expansion coloniale et enfin pour arriver jusqu’à l’indépendance du pays. À l’intérieur de ce cadre, L. Kaba retrace la formation graduelle du grand marabout, l’origine, la spiritualité, la pratique des guérisons et la place acquise dans la ville et dans ses structures sociales.

65C’est au début du xviie siècle, à l’arrivée des immigrants musulmans d’origine sarakolleh de Nioro du Sahel (rép. du Mali), nommés Maraka ou Marka, que Kankan fut construite sur la plaine fertile de la région de Baté. La ville s’enrichit du trafic régional de l’or, du cola et aussi des esclaves. L’abondant bienfait économique dérivé de ce dernier trafic accrut ses séquelles « malgré son but qui était en partie [souligné par nous] intégrateur ». Jusqu’aux années 1950, les descendants des esclaves se trouvaient relégués au statut de « citoyens un tant soit peu subalternes ». Leur situation a changé grâce aux effets du commerce, pense L. Kaba, de l’éducation et de la politique, et la mémoire collective de ce problème tend à disparaître. Mais le but de l’« intégration » des esclaves est sujet à caution si l’on tient compte de l’importance des séquelles. Le cercle de Kankan recensait en effet le plus grand nombre d’esclaves de Guinée et nous attendions que l’auteur en parle davantage, non par de petites phrases et une note.

66Kankan devient la capitale d’une confédération théocratique centrée dans la région Baté sous la direction d’un chef élu, kanda, d’où kandya « royauté élective », normalement un membre du clan fondateur, les Kaba, dont provient l’auteur. Le Baté comprenait vingt-quatre villages dont douze manninka et douze foulah. Les Manninka, ou Mandénka, constituent une partie de l’ensemble de la population de culture mande issue du vaste royaume médiéval du Mali. Les gens du Baté étaient islamisés et agissaient sous la protection de l’islam ; leur désignation « Manninka-mori » témoingne de cette islamisation ; le terme perdait le caractère ethnique d’origine pour refléter une réalité sociale. Dans la région, des centres de culture et de mystique créés par un réseau d’érudits et d’hommes pieux de renommée « faisaient figure d’îlots musulmans situés le long des axes commerciaux. […] La connexité [sic] entre le négoce, la politique et la religion y constituait un paradigme qu’allait aggraver l’intérêt et l’ambition personnels ». Un esprit nouveau d’ouverture est forgé et légalisé : l’identité nabaya. Ainsi, les étrangers devenaient des citoyens à part entière à condition d’embrasser l’islam et de s’intégrer à une famille ou un clan de la ville. Les principes de collaboration et d’intégration étaient islamiques et dérivés de la communauté dar al-islam.

67Le Cheikh Mouhammad était encore un enfant quand son père, Aboubacar Sidiki Chérif, que d’autres sources ignorées par l’auteur nomment Haïdara peut-être à tort, un initié à la confrérie ou voie mystique qadiriya, devient un personnage clé de l’évolution imposée à la ville lors de l’expansion du mouvement islamique de Samori Touré. Ce marabout mandeng-mori originaire du Diafounou (Mali) commence ses guerres de conquête et de diffusion de l’islam sous l’impulsion indirecte des djihad des Foulah arrivées en Guinée, comme celle du Futa Djalon de 1727 (Kankan soutien le rebelle Karamoko Alpha) et celle d’al-Hajj Oumar Tall (à Kankan il arrive avant ses grandes batailles, déjà vers 1830, en signe de respect pour la ville et de diffusion d’une autre confrérie ou voie mystique, la tidjaniyya). Samori prend Kankan en 1881 ; L. Kaba en tire une importante conséquence sur le plan religieux : « son régime allait réaliser ce que les gens du Baté rêvaient d’accomplir », car il trouve dans la culture de la ville la « vision islamique » qui pouvait unifier son État. Sidiki, pendant huit ans, devient le maître de Samori, un illettré, et son conseiller privilégié pour les affaires politiques et l’explication du Coran. L’auteur, qui ne parle jamais de « guerre sainte » dans l’ouvrage, reconnaît toutefois que Samori « imposait » la conversion à l’islam accompagnée du « respect de certaines pratiques qui correspondaient à son sens de la civilité musulmane [souligné par nous] et qui comprenaient le rasage de la tête et les règles alimentaires et vestimentaires ». L’armée française, arrivée dans la région, gagna la dernière bataille de Samori. Il fut capturé en 1898, un exemplaire du Coran à la main [58].

68L’éducation du jeune Mouhammad coïncide avec le déplacement momentané du père dans le sud pour s’acquitter de son service auprès de Samori. La compréhension du monde samorien (il épousa une des filles de Samori) et de l’univers mystique hautement significatif de Kankan, sa vraie ville, contribua sûrement à promouvoir l’idée d’un homme prédestiné qui très tôt circula à son sujet. Ses vastes connaissances et sa vie ascétique établiront le support de l’acquisition de cette sainteté dont les preuves évidentes étaient des miracles que les gens lui attribuent encore ; L. Kaba les rapporte soit « fidèlement » soit comme « fidèle » lui-même, étant aussi apparenté au cheikh. Celui-ci communiquait avec les morts et voyait le présent, le passé et le futur.

69Pendant près de six décennies, Cheikh Mouhammad reçut des croyants, des malades, des savants, et forma des générations de maîtres coraniques capables de lire et écrire en arabe. Pourtant, il s’insèra dans le groupe de marabouts érudits et religieux, enracinés dans leur pays, qui reconnaissaient probablement la noblesse de l’arabe mais utilisaient la langue vernaculaire pour former le peuple.

70La toubabu télé, « l’ère des Blancs », ou « le soleil des Blancs » comme il nous semble préférable, transforme la ville : les cases rondes couvertes de chaume disparaissent tandis qu’on assiste à l’essor de nouveaux quartiers avec des maisons en briques et en ciment, fruit et cause de discrimination, de ségrégation, d’oppression, de travail forcé et de famines. Les bars, la musique européenne, les véhicules motorisés, l’Église catholique etc. pénétreront dans l’ordinaire d’une ville puritaine. Une bourgeoisie locale tente de concurrencer les monopoles des Européens, des Levantins et des compagnies de commerce. Le trafic commercial augmente considérablement grâce aux routes et surtout au chemin de fer entre Kankan et Conakry à partir de 1913. Plus importants furent les changements des années 1945-1960 que l’auteur nous décrit en tant que témoin direct, souvent à l’aide d’observations circonstanciées. Outre le réaménagement de l’espace urbain et économique, le régime colonial imposa la restructuration de l’autorité traditionnelle en introduisant des chefferies de canton nommées par l’administration et en éliminant le système de la kandaya.

71Pendant la colonisation, les pouvoirs des « hommes de Dieu » subissent aussi des modifications. Selon un proverbe local, deux chefs ne peuvent pas s’asseoir sur la même peau. Mouhammad Chérif évite la confrontation avec l’administration et celle-ci évite de saper l’autorité des responsables religieux. L’attitude de Mouhammad Chérif se situa entre « l’opposition forcenée et la collaboration affichée ». Ses principes d’action dérivent du Coran et peuvent se résumer à une conception qui prône le devoir d’obéissance et de patience lorsque l’administration favorise une paix sociale et un bien-être propices à la libre diffusion des doctrines religieuses. La propagation de l’islam dans la région de Kankan est ainsi favorisée par la connexion efficace entre l’enseignement des chefs spirituels et un esprit d’initiative et de prosélytisme dont le secteur des commerçants dioula formait la principale composante. La renommée du Cheikh tint à son indépendance et à son intégrité. Dans les nombreux rapports entretenus avec les autres responsables islamistes, le Chérif recommandait la modération et la conciliation, loin d’un « islam militant » ou anti-colonial. Pourtant, l’administration et certains rapports de police le suspectent d’insubordination. Ce n’est pas que ses rencontres répétées avec Mgr Raymond-René Lerouge, vicaire apostolique de Guinée de 1920 à 1949, ne puissent être interprétées comme l’acceptation d’influences coloniales, mais d’autres témoignages indiquent que leurs contacts s’arrêtaient au respect réciproque. Autres sont les conclusions à tirer des visites réitérées à Cheikh Mouhammad de la part d’al-Hajj Seydou Nourou Tall, « grand marabout de l’AOF » et l’un des petits-enfants du conquérant al-Hajj Oumar Tall. De 1930 à 1939, Seydou Nourou Tall venait à Kankan sans doute surtout pour renouveler l’alliance établie entre son grand-père et l’élite de la ville sujet du au culte de la confrérie tidjaniyya qu’ils avaient en commun. Mais ces visites sont à distinguer des rencontres de la période 1939-1942 qui passaient outre aux anciennes relations, sauf pour les prières conjointes, et visaient à rallier le Chérif et ses fidèles à la politique de Pétain. En conclusion de ce passage, l’auteur se limite à répéter le jugement selon lequel Seydou Nourou Tall était « un soldat discipliné » ; cependant il laisse entrevoir qu’il était bien « discipliné » et plus qu’un « soldat »… Il aurait en effet été à la solde de l’administration, mais sur ce point les travaux récents sur Vichy et l’Afrique devraient nous apporter davantage de lumière. Quant au Cheikh Mouhammad, il priait en public et sacrifiait un bœuf chaque vendredi au nom de Pétain ou De Gaulle, selon l’époque. Ceci s’explique, écrit l’auteur, par le désir d’assurer à sa communauté la protection de Dieu et par l’esprit de compassion pour les humiliés et déshérités. Sa position fut réservée dans les querelles de politiques locales en 1945 mais elle fut franche dans son discours de la même année prononcé devant les autorités à Conakry. Il demandait aux musulmans d’obéir aux chefs directs, les Blancs, et aux chefs indirects, les chefs religieux ou marabouts, car ceux-ci reçoivent le pouvoir de Dieu et le représentent (ce qui revenait à laisser entendre que les chefs religieux musulmans ont un pouvoir autonome qui échappe aux Blancs et que de ce fait ce sont eux les vrais « chefs directs »).

72Les années 1950, riches d’activités politiques dans toute l’Afrique, attirent chez Cheikh Mouhammad les visites d’hommes politiques « modérés » et « radicaux » d’Afrique occidentale : N’krumah, des chefs akan, Ouezzin Coulibaly, Fily Dabo Cissoko. C’est aussi lui qui bénit le mariage d’Andrée Kourouma avec Sékou Touré en juin 1953, et il fut ainsi le parrain du futur président de la Guinée indépendante. Hors des partis politiques et de la politique active, éloigné de l’islamisme fondamentaliste au point qu’il est invité au Soudan-Mali en 1949 pour freiner son irruption, Cheikh Mouhammad est toujours honoré et recherché comme « ami de tous » pour sa modération et sagesse. La grande richesse des détails de sa vie et de sa ville (les pèlerins, le successeur, le chemin de fer avec ses trains « rapides » vers Conakry et son pont vers le Mali, les routes, les marchés etc.), nous oblige à nous arrêter.

73Ce type de grand marabout qui existait à l’ère coloniale avec son charisme et sa puissance, pense L. Kaba, ne répond plus aux exigences d’aujourd’hui. « Nul ne peut remplacer Cheikh Mouhammad ». Nos observations sont réduites et ne diminuent pas la valeur de l’histoire racontée dans cet ouvrage, qui est passionnante et enrichit de façon appréciable les travaux fragmentaires sur la ville et ses manifestations religieuses, en évitant de succomber à l’hagiographie. La narration s’efforce de concilier une exposition thématique, qui demande l’oubli du temps ou un va et vient à travers celui-ci, avec une représentation progressive des événements. Le résultat est inégal : des sujets sont convenablement expliqués, d’autres subissent des renvois ou des coupures qui peuvent désorienter et faire douter de la possibilité d’une saisie globale des informations. L’index est d’une utilité limitée car il se limite aux principaux noms propres. Partielle est aussi la bibliographie ; les ouvrages marqués par des abréviations dans les notes sont à deviner. En revanche, le glossaire et les listes de chefs religieux sont satisfaisants tout comme les magnifiques photos inédites.

74Vittorio Morabito (Catane)

Réflexions autour des classes d’age et des générations en Afrique orientale. Rethinking Generation

Tornay Serge, Les Fusils Jaunes : Générations et Politique en Pays Nyangatom (Éthiopie), Société d’Ethnologie, Nanterre, 2001, 364 p. (ISBN : 2-901161-64-2)

75Tornay’s monograph on the Nyangatom (Donyiro) of the Lower Omo region has been long awaited. It is the fruit of a continuous engagement with the Nyangatom over a period of thirty years, and it offers both meticulously analysed field data, much of it collected in the early 1970s, and important new and comparative insights into the operation of generational systems. In particular, by moving beyond generation as a “socio-political” structure to consider its cosmological significance, it integrates generational succession into the totality of the Nyangatom world.

76The Nyangatom, “the yellow (or new) guns”, are one of a group of Eastern Nilotic-speaking peoples in Northern Uganda and the adjacent areas of Kenya and the Southern Sudan, including the Jie, Karimojong, Dodoth, Turkana, Jiye and Toposa, who are often referred to as the Ateker and who share a memory of common origin in the distant past, a largely pastoral mode of subsistence and a social system structured by generation [59]. Migrations – their own and other peoples’ – have placed the Nyangatom somewhat at a distance from the rest of the Ateker. It is only with the Toposa to the west, with whom they are most closely associated historically, that they maintain strong and cooperative contemporary relations. Otherwise, the Nyangatom are now part of the mosaic of unrelated peoples who occupy the lands on both banks of the Omo River above Lake Turkana and below the Ethiopian highlands. They have rather uncertain and intermittently hostile relations with their principal neighbours, the stronger Dassanetch below them in the Omo Delta and the smaller Kara and Mursi who occupy the opposite bank of the river.

77Tornay divides his book into four themes. The first presents the bounded world of the Nyangatom, largely through the eyes of one of Tornay’s main informants, and deals with spatial division, ecology and subsistence. Territorial sections with fluid boundaries are cross-cut by non-territorial clan membership. Beyond the family, kinship is less important than settlement and generation in determining identity. However, as elsewhere, the combination of widely dispersed clan affiliations – with the historical claims that they embody – that stretch beyond the boundaries of the community itself and a more immediate sense of locality may offer the best means of survival in very uncertain times.

78Nyangatom draw on resources offered by several different ecological niches. Dominated by transhumant pastoralism centred on Nakua, the heartland on the Kibish River, and moving seasonally west and south, the subsistence economy also includes an important component of sorghum cultivation in gardens watered by the flooding of the Kibish and Omo Rivers. Spatially, the economy is articulated between the grazing lands to the west, the cattle and sorghum producing centre and the riverside gardens. All three areas currently form part of Nyangatom but there is a marked division between the permanent river villages of the “Nyangatom of the Omo”, where tsetse fly prevents cattle keeping, and hunting, gathering and fishing are important, and the grazing areas from which cattle-owning families send out seasonal cultivating parties. A gradual process of community fission and fusion, partly based on ecological difference and common in the region, is suggested by the “ethnic” antecedents of some Nyangatom clans and, more recently, by the partial incorporation of an isolated riverain Murle group and by the concern that the “people of the west” who had taken stock to Toposa would not return. Some Nyangatom may in time “become” Toposa, while the permanent Omo villages might split off as refuge communities for destitute pastoralists.

79The second theme deals with “ethnogenesis” : how the Nyangatom came to be who and where they now are. The history of the Nyangatom is the narrative of a search for security against the wiles of enemies and the uncertainties of nature. Their journey began two centuries ago in Northeastern Uganda and ended on the banks of the Omo and Kibish Rivers rather less than a hundred years later. Like the Mursi, their journey “made them”, and completed the process of separation and differentiation within the Ateker that had begun in the eighteenth century [60]. Much of Tornay’s history complements the earlier research of Lamphear on the Jie and Turkana [61]. It is presented largely through texts created in conversations between Tornay and his principal informants. Vivid and important as they are, they will probably be of more direct interest to specialists in the region than to the general reader.

80The third theme centres on household and family, and Tornay emphasises both the complementarity between male and female domains and the operation of seniority as an underlying principle. The household consists of all those under the authority of the senior male – his younger brothers, wives and children – who have shared interests in the herd that he manages. Internally, however, the household is divided into units formed around each mother/wife and her children. Her sons will eventually inherit their mother’s part of the herd when it is split up on the death of the last member of the senior generation. Full brothers jointly inherit, with the oldest in control of both the herd and the marriages of their sisters. Thus, while men derive their generational position and their membership of the household from their fathers, their position within the household and their rights over people and animals come through their mothers.

81Generation is at the core of the book. Because of its comparative importance, Tornay’s presentation is worth summarising in some detail. Men become members at birth of the generation immediately below that of their fathers. Tornay calculates the length of each generation at some two hundred and thirty years from the birth of the first son to the death of the last father. The length of the generation is prolonged by the levirate that allows fatherhood to extend beyond death [62]. Generations thus contain men of all ages, including those who have died or are as yet unborn, but they are divided internally into sets of coevals who form themselves in negotiation with those above them. The combination of generation and “age-set” tempers the principle of absolute patrilineal seniority by the recognition of biological age [63].

82Generations “rule” for fifty years in succession. As “Fathers of the Country” they have the decision-making authority in the community. In time, they will transfer that authority to their sons, the “Sons of the Country”. Given the difference between the length of the generation and its period of “rule”, it follows that many men will die without ever having been Fathers or Sons. Generation systems often face severe problems of “under- and over-ageing” caused by rigid rules of recruitment, but here the sting of being “born out of time” is drawn by the fact that a man’s ability to raid, marry, found a household, and sacrifice to ward off evil and secure blessing is not affected by his generational status [64]. Unlike the Karimojong for example, Nyangatom men in effect initiate themselves into adulthood and membership of an “age-set” without having to wait for their seniors to open recruitment for them. Moreover, the ritual significance of being a Father is qualified by the fact that, since several generations coexist, all men can expect in time both to “feed” their own fathers and to be “fed” by their sons. Participation in the upward flow of offerings and the downward flow of blessings is thus generalised throughout society and not confined to the central generations of Fathers and Sons.

83All men aspire to become heads of their own households and controllers of its herds, yet the principle of seniority may deny this to younger brothers and nephews. Tornay suggests that the generational structure helps to counteract tendencies towards autonomy and separation by balancing matrifocality and biological inequality within the household and its units with the structured unity and universality of patrilineal generations, thus giving men allies as well as rivals and a focus beyond the household.

84Yet Tornay’s analysis of generation goes significantly further. In the most densely and intriguingly argued part of the book, he shows, through a discussion of the cosmological significance of paternity, that generation constitutes not just the outer social frame of the community but its inner conceptual core. Generations do not merely structure relations between men, they also construct the principle of paternity, both in itself and as a complement to maternity. To make the argument clearer, it is helpful to distinguish between the generalised status of fathers/sons, the particular status of Fathers/Sons of the Country and the principle of paternity.

85Tornay argues that the requirement that sons “feed their fathers”, offering meat feasts to the generation above them, should be seen as an act of filial sacrifice, different in kind from the feasts given for age-mates, with “God” (Akuj) standing as witness not recipient. In sacrificing to their fathers, men initiate themselves as sons and adults, but while this recognises the fatherhood of those to whom the sacrifice is directed, it does not make them Fathers. To do this, another sacrifice is required, one that transfers power from one generation to the next and moves all generations “up” one step. Fathers “give asapan” to their Sons only once every fifty years, but the transfer of power involves all members of both generations past, present and future. The sons of the new Fathers then become Sons of the Country in their turn while the retiring generation reverts to the ordinary status of fathers. Asapan thus involves promotion from one specific status to another; it neither initiates men nor makes them fathers.

86“Giving asapan” involves a special kind of sacrifice. The normal direction is reversed with fathers sacrificing for their sons, conferring Fatherhood on them just as they had it conferred on them by their own Fathers. It involves important symbolic elements. The sacrificer, a man chosen from the retiring generation, kills an animal already stupified with poison and then wanders into the bush to die, bereft of both reason and social identity. An animal is thus substituted for a human victim and the latter’s fate prefigures that of his generation.

87The performance and meaning of asapan in Nyangatom is significantly different from elsewhere among the Ateker. In Karimojong, for example, asapan is a two-stage process through which men are first initiated into age-sets within a generation “opened” by the retirement of the alternate generation above, and then have power transferred to them as their generation succeeds the one above it. Initiation and promotion are distinct events, although both are referred to in terms of asapan, and only the first is achieved through sacrifice. The transfer of power is effected by the symbolic division of the haunches of a slaughtered ox. In Nyangatom, asapan is “compacted” into a single sacrifice, focussed on generational succession alone.

88The discontinuity of fatherhood and the separation of generations is transcended by placing fathers and sons in what Tornay calls “disjunctive conjunction”, linked by sacrifice not flesh. Asapan completes this by affirming as a universal principle of paternity the fatherhood that is recognised whenever sons “feed” their fathers. Motherhood, however, is continuous, since wives physically create the matrifocal units into which the household is divided. Together, the two principles create the Nyangatom world as both discontinuous patrilineal generation and continuous matrilineal procreation. The complementary relationship between the two is again symbolised in the asapan sacrifice. The doomed sacrificer is “bought” by his generation, but the cattle they give will support the man’s widows and allow them to raise up children for him. He himself will be lost, “sacrificed” by and for men, but he will continue to have sons through women.

89Age and generation systems often appear to be self-contained and changeless. Indeed, creating this impression is an important part of their function. Yet they are clearly neither fixed nor static. How and why they change is a vital historical question that the rest of this review addresses, drawing on Tornay’s analysis and placing it in a wider comparative context.

90As Tornay notes, the Ateker now exhibit a range of variation, both in the meaning and performance of asapan and in the structuring of generations, suggestive of adaptive change in the past. While Nyangatom have a single generational stream in which all Fathers share authority, Toposa apportion the period of “rule” between succeeding age-sets within a “ruling generation”, and have two parallel generational streams, a pattern established towards the end of the nineteenth century when one generation divided as result of conflict between senior and junior age-sets within it, the latter forming their own separate generation. Karimojong and Jie both have four generation cycles with only two generations, fathers and sons, in being at once. A new generation can only be opened when the senior generation retires and the junior (now promoted) generation has completed recruitment. Jie in particular have a strong sense of what Gulliver calls “social seniority”, determined by genealogical position not biological age, that establishes both the order of individual initiations and the ranking of age-sets within a generation, and they strictly maintain the rule that only one generation can recruit at a time. Karimojong, however, qualify this to the extent of allowing the senior (promoted) generation to remain open until all members of the retired generation above them have died while simultaneously initiating the first members of the new (junior) generation. Unlike Nyangatom, formal initiation is important, for uninitiated men are not socially adult and are excluded from participation in ritual or political matters [65].

91Turkana and Dassenetch offer other variations. Turkana have two parallel father/son “alternations”, each of which has its own age-sets arranged in order of seniority. Sons join the opposite alternation to that of their fathers. Yearly initiations are held for each stream concurrently, but there is no closure and no formally recognised “ruling generation”. At some point early in the nineteenth century, the Turkana changed from a single line of generational succession like that of the Karimojong cluster to the present parallel structure [66]. Dassanetch have three parallel pairs of alternations, arranged in order of seniority in a six-generation cycle. Fathers and sons belong to the same stream but to opposite alternations. A generation-set begins with the birth of the first eligible son, but recruitment ends after four circumcision ceremonies have been held. Men are generally circumcised as adults, and circumcision ceremonies thus mark stages in the completion rather than the establishment of a generation-set. Power is held by the senior-most generation-set, and particularly by the “bulls”, an elected group of elders from the senior generation-set who have special authority over fertility. After all six generation-sets have held power in turn, the cycle begins again [67].

92Within this broad pattern, the relevant variables appear to be the locus of power and the provision for its formal transfer; the relative importance of opening and closing recruitment; the structuring of generations in either cyclical alternation or unilinear succession and the existence or otherwise of parallel streams; and the degree to which age and generation are aligned. Placed along a notional continuum of flexibility, Jie, with strict rules of seniority, recruitment and transfer and a clear separation between generations, would appear towards one end and Turkana, with far fewer rules and distinctions of age and no clear hierarchy, at the other. Nyangatom at present lies in the middle, with continuous and lifelong recruitment and power shared between all Fathers but a strongly hierarchical and unilinear succession of generations and a formal transfer of power.

93Even when transformations can be located in the past, it is rarely possible to discern the circumstances that led up to them. Tornay’s account of the “blockage” that has delayed the transfer of power from the Elephants, the current Fathers, to their Sons, the Ostriches, for over twenty years offers important insights into processes of change and adaptation that are often concealed behind both a normative rhetoric of stability and external impressions of more recent attenuation or “breakdown [68]”.

94In the early 1970s, Tornay was told that asapan was due but was being delayed for a variety of “ad hoc” reasons [69]. Ten years later, with the ceremony still delayed indefinitely, he discovered the “real” reason for the blockage. The Ostriches had already once demanded asapan and been rebuffed by the Elephants. The former then compounded their disrespect by assaulting their Fathers; and placed a conditional curse on any subsequent Ostrich age-sets that accepted the asapan that they had been denied. Since the perpetrators were now dead, the curse could not be revoked. Until the matter was resolved, no transfer could take place.

95Nyangatom have proposed a number of solutions to the blockage, including handing the matter over to the Toposa to resolve. Intriguingly, current Ostriches have suggested breaking the deadlock by “making asapan” with one of their own generation as the sacrificer, presumably with the acquiescence of the Fathers. However, by repeating the sacrifice made to the Elephants by their Fathers, the Mountains, it would also in effect place Ostriches and Mountains on a par. This might lead in turn to the establishment of parallel generation streams or to a pairing between alternate generations with grandfathers and grandsons as structural equivalents, thus shifting the succession of generations from linear to alternating [70].

96Two different interpretations of what asapan means also seem to be emerging. The Ostriches now claim that the Elephants are only Fathers because their predecessors, the Mountains, have retired. In their view, “making asapan” would simultaneously regularise the position of the Elephants and transfer power to the Ostriches. This seems to imply that Fatherhood is in part retrospective, complete only when Fathers cede to their Sons; yet the practical relevance of a distinction between de facto and de jure Fatherhood is hard to understand within the Nyangatom system – unless it is the principle of paternity, rather than Fatherhood, that remains to be completed in the retiring generation. The Elephants, however, reject this view and assert that their Fatherhood was definitively established when the Mountains “gave them asapan”. The initiative thus lies with them, since Fatherhood is in their gift. The Ostriches’ counter-claim challenges this and gives Sons more leverage, in that their promotion completes the achievement of the retiring generation.

97Neither age organisations nor the societies that they shape exist in a vacuum. Most of the authors cited here suggest that change occurs in part in response to external circumstances [71]. However, the wider world seems to have barely impinged on the Lower Omo until very recently. The establishment of Ethiopian over-rule in the 1890s had little impact, certainly in comparison with British “pacification” of the Turkana after 1914 in which some Nyangatom were involved as Turkana allies, and with the Ethiopian and Swahili presence amongst the Toposa [72]. The Ethiopian authorities were generally content to recognise senior elders as “chiefs”, trade guns and to recruit a few Nyangatom into raiding parties. The brief period of Italian rule (1937-41) saw Nyangatom re-armed and formed into a border militia, but the resumption of Ethiopian rule after War again seems to have counted for little internally until recently when both the presence of outsiders and outside opportunities on the Lower Omo have begun to increase. Tornay’s brief comments on the regional political context since the 1970s and his more detailed discussion of the war between Nyangatom and Dassanetch in 1972-3 may, however, shed some light on the current impasse.

98The Ostriches’ first bid for power, which Tornay places in the 1930s, at a time when the Elephants had themselves only recently become Fathers, seems premature and inexplicable. If, however, the dispute occurred a little later during the Italian period, it may have been prompted by a sense among the Ostriches, who seem to have benefited most from Italian favour, that they were both more capable and better placed to deal with outsiders than the Elephants. During the early 1970s, the Nyangatom were under considerable pressure from the Dassanetch and the decade as a whole was one of hardship and tension. Crises of this sort can act as a trigger for change, especially if defensive or offensive needs are not being met under the existing system. It would seem to have been at this time that the Elephants conceded leadership in military matters to their Sons, but this did not lead to a formal transfer of power even though the matter was debated and the fortunes of the Nyangatom revived markedly in the 1980s, the time when asapan “should” have occurred. Since 1991, political developments in Ethiopia have had an impact on local affairs, largely through the creation of a local Nyangatom militia, many of whom are again Ostriches, and the gradual emergence of an educated elite. While this has not precipitated either a transfer of power or a definite move towards transformation – Tornay indicates that Sons are still “feeding” and deferring to their Fathers – it may not be coincidental that it is those on the edge of modernity who are apparently taking the conceptual initiative. However, on the basis of the information available, there seems little ground for arguing that external factors have had any major influence on the development of the present impasse, and Tornay cautiously makes no comment.

99There may be two different ways of viewing the deadlock “from inside”. One would suggest that it is indeed a sign that transformation is about to take place along the lines suggested by Tornay and discussed above. The other would borrow from Spencer’s re-analysis of the “breakdown” that Dyson-Hudson though was occurring in Karimojong during the 1950s to argue that the prolonged drama of debate, demand and deadlock is in fact both normal and normative in the Nyangatom system, though not seen as such by the actors [73]. There might be three reasons to consider this possibility.

100In many ways, the conflict between Fathers and Sons rehearses arguments familiar across a range of generation systems when seniors are reluctant to cede power to their juniors. Yet the Nyangatom situation is different in one important respect. Here, simultaneous and continuing recruitment at birth into all surviving generations not only produces considerable “over-ageing” but also extends the life of the “ruling” generation. While elsewhere the closure of recruitment means that retirement is inevitable once a generation has become too old and weak to carry out its obligations, in Nyangatom new age-sets will continue to invigorate and extend the effective [74] life of a generation long past the point where its successor is ready to take over. While the sharp separation between generation on the one hand and age and the life cycles of individuals and their households on the other lessens the stakes as far as juniors are concerned, it also makes transition more difficult to effect and perhaps more painful to experience. The decision to transfer power is thus far more of a real and difficult choice than it is elsewhere and the Nyangatom system is correspondingly more vulnerable to deadlock.

101There may also be a real problem in determining when and how transfer “normally” takes place. When handing-over ceremonies are widely spaced in time, distance provides scope for creative remembering and forgetting. Seen from the stand-point of the present, the succession of generations appears as a stable backdrop against which to evaluate current and future prospects and strategies, but few of the participants will have any direct knowledge of the circumstances under which the Elephants became Fathers fifty to seventy years ago. Giving and making asapan may always have been a contested business.

102Conflict of this kind focuses attention on essentials : it both reveals contradictions and reaffirms underlying principles [75]. What may be at issue here is the principle of paternity. While fatherhood is discontinuous, paternity is continuous in its transmission from generation to generation. The Ostriches are worried that they cannot transmit it to their Sons until they have received it from their Fathers. Deadlock thus threatens to break the link of continuity. Moreover, the power of paternity may have to be periodically regenerated, especially after a period of attrition and misfortune. Unlike societies where age and generation are more closely aligned, Nyangatom cannot make the same symbolic use of the contrast between the energy of youth and the lassitude of age, and they may, therefore, dramatise the conflict between the tenacity of seniors and the assertiveness of juniors, both of whom are defending the same principle, to the same end.

103It is clearly not yet possible to determine whether this deadlock, still apparently unresolved at the time of writing, is a sign of imminent “breakdown” or of purposive adaptation, or merely a stage in a long process through which ideas of paternity and authority and their transfer are negotiated between generations. But Les Fusils Jaunes, with its wealth of fresh material, urges us to think anew about age and generation, structure and process, to think comparatively and in the long-term. Nyangatom generations have an unusual longevity such that the processes of succession and renewal – and their potential discords – take a long time to work through. The present deadlock has lasted perhaps twenty years, but this is a mere moment when measured against the total life-span of a generation. Again, the Nyangatom system is but one manifestation of what might be thought of as an overarching idea of generation, deeply embedded in Eastern African thinking, spanning both centuries and language groups and often overlapping with ideas of age. In an important sense, generation (or age) forms the core of community identity : it is what Nyangatom are and arguments about it define the boundaries of the community. The precise form that generation takes will depend on the specifics of political ecology – patterns of settlement and subsistence – and on particular historical and contemporary experience. Change and transformation are shaped by a general awareness of options and their comparative advantages; “borrowing” should be understood in similar terms and not just as imitation. To take the idea of generation further requires more longitudinal studies like Tornay’s, partly to increase our comparative range but also to set against the more limited snapshots, frozen in a particular moment in time, that ethnography has provided in the past.

104R. Waller

Kom David, Les perspectives de la colonisation. Les trois colonisateurs du Cameroun. Allemagne, France, Grande-Bretagne, Paris, L’Harmattan, 2004, 261 p. (ISBN : 2-7475-6716-8)

105Dans son introduction, David Kom écrit souhaiter que cet essai « éclaire certains points de l’histoire du colonialisme souvent sommairement abordés dans les études existantes ». Prenant le parti de « présenter une histoire interprétée », de « faire apparaître les faits dans une certaine perspectives », il défend en conclusion une histoire de la colonisation faite par les peuples colonisés.

106L’auteur présente tout d’abord ce qu’il appelle des « généralités sur la colonisation », considérant que l’histoire coloniale peut se diviser en trois périodes distinctes : celle de l’accumulation primitive, celle du capitalisme pré-monopolistique et celle enfin de « l’impérialisme au stade suprême ». David Kom s’inscrit en effet dans une ligne d’interprétation marxiste. Concentré sur une explication économique de la colonisation, les aspects sociaux et humains sont souvent survolés.

107La suite de l’ouvrage est principalement consacrée à une explication économique de la colonisation. Ou comment quelques « grands États capitalistes » se sont partagés le monde et ont transformé les territoires colonisés, par la mise en place d’un « libre-échange à sens unique », en fournisseurs de matières premières et en marchés d’écoulement. L’auteur aborde ensuite une à une les trois colonisations du Cameroun (allemande, britannique et française) dans leur chronologie et leur spécificité. Il termine son essai par deux études historico-sociologiques, celle du pays bamiléké et celle du royaume de Bayangam (situés tous deux dans l’Ouest du Cameroun).

108Mathilde Schmitt (Université de Paris 1)

Widgren Mats et Sutton John E.G., (ed.), Islands of Intensive Agriculture in Eastern Africa, Londres, James Currey, 2004, 160 p. (ISBN : 0-8214-1561-1)

109Les auteurs de cet ouvrage collectif choisissent de porter une attention particulière aux systèmes de production agricoles intensifs en Afrique orientale, considérés par le passé comme inhabituels. Des exemples détaillés réfutent la thèse selon laquelle l’intensification est un phénomène nouveau en Afrique et d’autres thèses associées. Les auteurs passent en revue différentes théories jugées insuffisantes : 1/ sur la nature ethnique des populations qui pratiquent une agriculture intensive ; 2/ sur l’hypothèse d’une contrainte politique pour expliquer une mise en valeur difficile (théorie du « siège » et théorie d’un pouvoir fort) ; 3/ sur l’incitation liée au marché ; 4/ sur l’influence des densités de population. Ils insistent en revanche sur l’importance, pour l’intensification, des relations et des échanges, des formes d’investissement dans la terre (landesque capital) et de la mobilisation d’une main-d’œuvre.

110Dans les quatre exemples pris en Éthiopie, au Kenya et en Tanzanie, l’ancienneté de pratiques agricoles intensives est démontrée. Celles-ci ont persisté jusqu’à nos jours, si l’on excepte le cas du site abandonné d’Enguraka. Les exemples étudiés ici n’examinent pas les cas récents d’intensification agricole liés à la forte croissance de population ou à des incitations liées à l’économie de marché. L’argument de l’agriculture durable se fonde ici sur une observation dans la durée plus que sur une argumentation écologique et tient compte des cas de pratiques intensives abandonnées.

111Dans son article, « The expansion of Marakwet Hill-furrow. Irrigation in the Kerio Valley of Kenya », W. Östberg s’intéresse à la formation d’une identité marakwet associée à l’irrigation. L’auteur insiste sur la complexité des facteurs qui peuvent expliquer une spécificité marakwet. Il décrit l’ancienneté des pratiques d’irrigation en relation avec une organisation sociale clanique non hiérarchique. Il insiste sur l’importance des relations des Marakwet avec leurs voisins et en particulier des échanges grain contre bétail. Dans ce cas précis, la proximité avec un milieu aride induit une relation avec les autres communautés voisines qui connaissent également la contrainte de ce milieu aride. Il développe la thèse de la connexion, de la flexibilité et de l’adaptation : pour lui, dans le cas marakwet, l’irrigation s’explique également par l’importance des réseaux et des relations qui conduisent à des modes d’organisation qui s’y rapportent. L’intensification est à envisager comme une stratégie de « diversification », au même titre que les échanges élaborés pour se prémunir contre différents risques. L’auteur évoque rapidement la crise actuelle des relations entre les Marakwet et leurs voisins pokot et ses conséquences sur l’irrigation. En revanche, dans leur prolongement, les conflits intra-claniques plus récents ne sont pas évoqués.

112Dans un autre article, « Agricultural Intensification and social stratification. Konso in Ethiopia contrasted with Marakwet », E. Watson, insiste sur l’importance de la main-d’œuvre dans un système de production agricole intensif et sur le système social et politique associé à une mise au travail. L’agriculture en terrasses dans la région de Konso au sud de l’Éthiopie requiert un effort particulier d’entretien. L’auteur étudie les équipes de travail organisées en relation avec un système de pouvoir fondé sur des Big men qui possèdent la terre, qui sont également chefs de lignage, et qui sont censés assurer une forme de redistribution des richesses. Elle compare le cas de Konso avec l’organisation politique plus égalitaire en pays marakwet et la forme de travail requise pour l’irrigation dans ce cas-là. Le travail sur les canaux d’irrigation en pays marakwet porte sur un bien commun : le canal appartient à tous les membres du lignages qui contribuent à son entretien. Il s’agit d’une forme d’appropriation moins exclusive de la ressource. L’auteur omet d’évoquer une tendance à l’appropriation exclusive de la terre au Kenya qui éclaire les conflits intra-claniques récents en pays marakwet.

113Deux articles abordent la question de l’intensification agricole chez les Iraqw en Tanzanie sous des angles différents. L. Börjeson (« The History of Iraqw Intensive Agriculture. Tanzania ») s’appuie sur différents outils (lecture du paysage, utilisation de photographies anciennes, critique des statistiques de population) pour décrire un processus ancien d’intensification. Sa thèse prend le contre-pied de la théorie du « siège » ; il cherche à montrer que l’intensification se produit en même temps que l’expansion et ne correspond en aucun cas à un isolement, au contraire. L’approche de V.-M. Loiske (« Institutionalized exchange as a driving force in intensive agriculture. An Iraqw case study »), complète utilement le précédent article. Elle souligne l’importance des relations, des réseaux et des alliances au sein même de la société iraqw qui permettent d’obtenir des denrées agricoles, du bétail, de la main-d’œuvre, et qui sont aussi à l’origine d’échanges rituels. Le rôle unificateur de l’identité iraqw est souligné ici, à la différence de l’exemple kenyan où des identités discrètes marakwet, pokot sont rattachées à une spécialisation. Dans ces deux articles, la référence au territoire iraqw construit autour de la référence symbolique à des frontières et des potentialités d’expansion est insuffisamment développée, malgré les travaux antérieurs de Thornton qui ont permis de qualifier la société iraqw de société de frontier.

114Le dernier site exploré par l’ouvrage se trouve également en Tanzanie (« Engaruka. The success and abandonment of an integrated irrigation system in an arid part of the Rift Valley c. fifteenth to seventeeth centuries »). John E.G. Sutton étudie un site archéologique où des restes attestent d’un système d’irrigation de grande ampleur. Il entre dans des considérations techniques et rapporte le système d’irrigation à son environnement, cherchant également à expliquer son abandon. Dans son effort pour reconstituer un site ancien, il nourrit sa réflexion de comparaisons et d’observations anthropologiques actuelles.

115Qu’est ce en définitive qu’une agriculture intensive ? Il convient de souligner la diversité des cas évoqués, des systèmes sous pluie dans des régions bien arrosées où plusieurs récoltes par an sont possibles à des systèmes fortement aménagés (irrigation ou terrassement). Dans tous les cas, il s’agit d’une agriculture fortement consommatrice en main-d’œuvre, au même titre que l’agriculture biologique en Europe aujourd’hui. Est-il réellement possible de mettre sur le même plan une forme d’intensification liée à l’insertion dans un marché mondial où priment certains aspects technologiques et une forme d’intensification liée à un investissement dans la force de travail et les liens qu’elle crée localement ? L’insistance des auteurs à souligner qu’il convient de considérer l’agriculture intensive dans les liens qu’elle crée ou qui la créent est en décalage avec une agriculture insérée dans une économie de marché et fondée sur des savoirs scientifiques et techniques.

116Claire Médard (IRD, Nairobi)


Date de mise en ligne : 01/07/2006

https://doi.org/10.3917/afhi.005.0265

Notes

  • [1]
    Luise White, Stephan F. Miescher et David William Cohen (ed.), African Words, African Voices, Critical Practices in Oral History, Bloomington and Indianapolis, Indiana University Press, 2001, p. 2.
  • [2]
    R. Home suggère un recul des principes ségrégatifs dès les années 1930 au sein de l’administration coloniale anglaise. Robert Home, Of Planting and Planning : the Making of British Colonial Cities, London, E&Fn Spon, 1997.
  • [3]
    Remarquons l’absence étonnante de M. Swanson, « The sanitation syndrome : bubonic plague and urban native policy in the Cape Colony, 1900-1909 », Journal of African History, 18, 3, 1977, p. 387-410 et de Vivian Bickford-Smith, Ethnic Pride and Racial Prejudice in Victorian Cape Town, Cambridge, Cambridge University Press, 1995.
  • [4]
    Catherine Coquery-Vidrovitch, « The process of urbanization in Africa from the origins to independence : an overview paper », African Studies Review, 33 (4), 1991, p. 1-99. John D. Y. Peel, « Urbanization and urban history in West Africa », Journal of African History, 21, 1980, p. 269-277.
  • [5]
    Charles Van Onselen, Studies in the Social and Economic History of the Witwatersrand, 1886-1914. Vol. 1, New Babylon, vol. 2, New Nineveh, 1982, Longman. Voir les recensions de Frederick Cooper dans International Journal of African Historical Studies, vol. 16, 4, 1983, p. 700-704 et John Iliffe dans Journal of African History, vol. 25, 1, 1984, p. 115-117.
  • [6]
    Charles Van Onselen, The Seed is Mine. The Life of Kas Maine : a South African Sharecropper, 1894-1985, Hill and Wang, New York, 1996. Entretien avec l’auteur, 29 mai 2004, Pretoria.
  • [7]
    Georges Balandier, Sociologie des Brazzavilles noires, Paris, 1955, rééd. Presses des Sciences Politiques, 1985 ; Akin Mabogunje, Urbanisation in Nigeria, New-York, University of London Press, 1968.
  • [8]
    Catherine Coquery-Vidrovitch, Processus d’urbanisation en Afrique ; Paris, L’Harmattan, 1988, 2 vol. ; le numéro sur les villes coordonnée par Odile Goerg pour Le Mouvement social, 2003, vol. 204 ; Toyin Falola and Steve Salm (ed.), African Urban Spaces in Historical Perspective, Rochester, Rochester University Press, 2005.
  • [9]
    Catherine Coquery-Vidrovitch., « The process of urbanization », article cite ; Laurent Fourchard, « L’histoire urbaine en Afrique : une perspective ouest-africaine », Histoire Urbaine, n° 9, avril 2004, p. 129-144.
  • [10]
    C’est le thème bien connu en France de l’histoire en miettes. François Dosse, L’histoire en miettes. Des « Annales » à la « nouvelle histoire », Paris, La Découverte, 1987. Pour une analyse critique, voir Antoine Prost, Douze leçons sur l’histoire, Paris, Le Seuil, 1996. Sur le renouvellement des perspectives méthodologiques en Afrique voir, par exemple, Toyin Falola et Christian Jennings (éd.), Sources and Methods in African History : Spoken, Written, Unearthed, Rochester, University of Rochester Press, 2003.
  • [11]
    Laurent Fourchard, « L’histoire urbaine », article cité.
  • [12]
    Ayodeji Olukoju, Infrastructure Development and Urban Facilities in Lagos, 1861-2000, IFRA, Ibadan, 2003 ; Bill Freund and Vishnu Padayachee (ed.), (D)urban Vortex. South African City in Transition, Pietermaritzburg, University of Natal Press, 2002, Robin Law, Ouidah : The Social History of a West African Slaving ’Port’, 1727-1892, Oxford, James Currey, 2004 ; John Parker, Making the Town : Ga State and Society in Early Colonial Ghana, Oxford, James Currey, 2000.
  • [13]
    Bill Freund, « Contrasts in urban segregation : a tale of two African cities, Durban (South Africa) and Abidjan (Ivory Coast) », Journal of Southern African Studies, 27, 2001, p. 527-546 ; Ayodeji Olukoju, « Nigerian cities in historical perspectives » in Toyin Falola and Steven Salm (ed.), Nigerian Cities, Trenton, Africa World Press, 2003, p. 11-46. John Parker et Robin Law replacent leur ville dans l’histoire des villes côtières marquées, soit par la traite négrière, soit par la colonisation.
  • [14]
    Perspectives plutôt géographiques et typologiques pour O’Connor, sociologiques et heuristiques pour King, historiques et braudéliennes pour Catherine Coquery-Vidrovitch. Anthony O’Connor, The African City, London, Hutchinson University, Library for Africa, 1983. A. D. King, Colonial Urban development. Culture, Social power and Environment, London, Routledge & Kegan Paul, 1976. Catherine Coquery-Vidrovitch., Histoire des villes d’Afrique noire – des origines à la colonisation, Paris, Albin Michel, 1993.
  • [15]
    Cf. la liste proposée par Odile Goerg en introduction de ce numéro.
  • [16]
    Voir les revues Urban History en Grande Bretagne et Histoire Urbaine en France. Les histoires des villes par pays (Georges Duby (éd.), Histoire de la France urbaine, 4 vol., 1983 ; Peter Clarke (ed.) Cambridge Urban History of Britain, 3 vol., 2000) précèdent des entreprises encore plus vastes : Jean-Luc Pinol, Histoire de l’Europe Urbaine, 2 vol., Paris, Le Seuil, 2003 ou encore une encyclopédie historique des villes du monde : Jan Rogozinski (ed.), The City and Urban Life, New-York, Sharpe, à paraître.
  • [17]
    Il y aurait bien d’autres facteurs à étudier évidemment : les pratiques foncières et immobilières, l’école, la diffusion des religions monothéistes en ville, les nouvelles formes de loisirs citadins et le recul, lent mais certain, des formes de travail communautaire.
  • [18]
    Rappelons que sur vingt chapitres, dix-sept privilégient une entrée de type monographique.
  • [19]
    « Conservation and the Colonial Past. Urban Planning, Space and Power in Zanzibar » in D.M. Anderson and R. Rathbone, op. cit.
  • [20]
    Sur l’Afrique du Sud, outre C. Van Onselen cité plus haut, voir Clive Glaser, Bo Tsotsi : The Youth Gangs of Soweto, 1935-1976, Oxford, James Currey, 2001 et Gary Kinoch, « From the Ninevites to the Hard Livings Gang : Township Gangsters and Urban violence in the 20th Century South Africa », African Studies, 58, 1, 1999, p. 55-85. Sur l’Afrique de l’Est, voir par exemple, Andrew Burton, African Underclass : Urbanization, Crime and Colonial Order in Dar es Salaam, 1919-1961, Columbus, Ohio University Press, 2005.
  • [21]
    La trop forte compétition foncière, les déplacements trop longs, les difficultés de circulation, le manque de logement, le manque de crédit immobilier, la taille des bidonvilles, les risques sanitaires, le sous-développement des ressources humaines, la faible conscience citoyenne des « communautés » et l’absence de gouvernement métropolitain.
  • [22]
    Suite à la mission de 1962, le rapport fut rédigé pour le compte du Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies le 27/04/1964 et fut publié plus tard par les membres de la mission. Cf. C. Abrams, S. Kobe, O. Koenigsberger, M. Shapiro and M. Wheeler, « Metropolitan Lagos », Habitat International, 55, 1980, p. 55-83.
  • [23]
    J. Illife, The African Poor : A History, Cambridge, Cambridge University Press, 1987.
  • [24]
    Le permis urbain d’habiter, en principe obligatoire pour tous les résidents africains dans les villes d’AOF, faisait dans les faits l’objet de trafics incessants tandis que les achats de parcelle à des autorités coutumières étaient monnaie courante.
  • [25]
    Signalons également l’existence du volume 37, n° 2 et 3 de l’année 2003 de la Revue Canadienne des Études Africaines, lui aussi consacré exclusivement au fait urbain.
  • [26]
    Jean-Luc Piermay, « L’apprentissage de la ville en Afrique sub-saharienne » in O. Goerg, op. cit.
  • [27]
    Andrew Burton, « Urbanisation in Eastern Africa : an historical overview, c. 1750-2000 » in A. Burton, op. cit.
  • [28]
    Patrick Harries, « Histoire urbaine de l’Afrique du Sud : nouveaux axes de réflexion » in O. Goerg, op. cit.
  • [29]
    Giacomo Macola, « The history of the Eastern Lunda Royal capitals to 1900 » in A. Burton, op. cit.
  • [30]
    Richard Reid, « Warfare and urbanisation : the relationship between town and conflict in pre-colonial eastern Africa » in A. Burton, op. cit.
  • [31]
    Abdul Sheriff, « The spatial dichotomy of Swahili towns : the case of Zanzibar in the nineteenth century » in A. Burton, op. cit.
  • [32]
    Laurent Fourchard, « De la résidence lignagère à la rente immobilière : cours et compounds en Afrique Occidentale Française et au Nigeria, fin xixe siècle – 1960 » in O. Goerg, op. cit.
  • [33]
    Milcah Amolo Achola, « Colonial policy and urban health : the case of colonial Nairobi » in A. Burton, op. cit.
  • [34]
    Peter Waweru, « Frontier urbanisation : the rise and development of towns in Samburu District, Kenya, 1909-1940 » in A. Burton, op. cit.
  • [35]
    Faranirina V. Rajaonah, « Prestige et métier dans la société malgache. À Tananarive aux xixe et xxe siècles » in O. Goerg, op. cit.
  • [36]
    Andrew Burton, « Adjutants, agents, intermediaries : the native administration in Dar-es-Salaam Township, 1919-1961 » in A. Burton, op. cit.
  • [37]
    David Hyde, « The Nairobi General Strike [1950] : from protest to insurgency » in A. Burton, op. cit.
  • [38]
    Ibrahima Thioub et Ousseynou Faye, « Les marginaux et l’État à Dakar » in O. Goerg, op. cit.
  • [39]
    On trouvera un élément de comparaison est-africain avec Andrew Burton, African Underclass : Urbanization, Crime and Colonial Order in Dar es Salaam, 1919-1961, Columbus, Ohio University Press, 2005.
  • [40]
    David M. Anderson, « Corruption at City Hall : African housing and urban development in colonial Nairobi » in A. Burton, op. cit.
  • [41]
    Bodil Frederiksen, « African women and their colonisation of Nairobi : representations and realities » in A. Burton, op. cit.
  • [42]
    Jeanne-Marie Penvenne, « “A xikomo xa lomu, iku tira”. Citadines africaines à Lourenço Marques (Mozambique), 1945-1975 » in O. Goerg, op. cit.
  • [43]
    Charles Didier Gondola, « Ô, Kisasa makambo ! Métamorphoses et représentations urbaines de Kinshasa à travers le discours musical des années 1950-1960. »
  • [44]
    E.S. Atieno Odhiambo, « Kula raha : Gendered discourses and the contours of leisure in Nairobi, 1946-1963 » in A. Burton, op. cit.
  • [45]
    Voir la thèse de Laurent Fourchard ainsi que le travail d’Andreas Eckert que j’évoque ci-dessous.
  • [46]
    James L. Giblin, « History, imagination and remapping space in a small urban centre : Makambako, Iringa Region, Tanzania » in A. Burton, op. cit.
  • [47]
    John Lonsdale, « Town Life in colonial Kenya » in A. Burton, op. cit.
  • [48]
    Laurent Fourchard, De la ville coloniale à la cour africaine. Espaces, pouvoirs et sociétés à Ouagadougou et à Bobo-Dioulasso (Haute-Volta) fin xixe siècle-1960, Paris, L’Harmattan, 2002.
  • [49]
    Je précise d’emblée que s’exprime ici le point de vue d’une historienne des villes.
  • [50]
    La marginalisation de la dimension historique, notamment dans la bibliographie, peut étonner alors que l’histoire urbaine connaît un profond renouvellement.
  • [51]
    On peut mettre ceci en parallèle avec l’article de Sophie Blanchy sur les Comores, même si dans ce cas l’organisation lignagère se combine dans le passé à la royauté et actuellement à l’État moderne.
  • [52]
    J. Dresch, « Villes congolaises » p. 3-24, Revue de géographie humaine et d’ethnologie, I, 3, juillet/sept. 1948 ; « Villes d’Afrique occidentale », Les cahiers d’outre-mer, n° 11, p. 206-230, 1950, Bordeaux ; A. Mabogunje, Urbanization in Africa, Africana Publishing C°, 1968 ; A. O’Connor, The African City, Hutchinson Univ. Library for Africa, 1983, 359 p. ; voir aussi la synthèse de l’économiste P. Bairoch, De Jéricho à Mexico. Villes et économie dans l’histoire, Paris, Gallimard, 1985, 705 p.
  • [53]
    L’article d’Anne Vergati porte spécifiquement sur la trame urbaine via le « modèle hindou de ville royale ».
  • [54]
    Voir le bilan proposé par Catherine Coquery-Vidrovitch, « De la ville en Afrique », in Histoire des villes d’Afrique noire. Des origines à la colonisation, Paris, Albin Michel, 1993, p. 15 sq.
  • [55]
    L’article sur Shihr au Yemen (Sylvaine Camelin) porte également sur les liens entre quartiers et lignages.
  • [56]
    J. Gracq, La Forme d’une Ville, Paris, Corti, 1985.
  • [57]
    Hatje Cantz (réd.) 2002, Under Siege : Four African Cities : Freetown, Johannesburg, Kinshasa, Lagos, Kassel, Dokumenta 11, Platform 4.
  • [58]
    Les accusations laissées par L. Kaba contre Yves Person nous semblent injustes alors que celui-ci ne peut plus lui répondre ; il avait du reste déjà proprement répondu de son vivant sur les personnalités controversées. Le sérieux des enquêtes d’Yves Person est bien connu et la question en soi est négligeable.
  • [59]
    Ateker are also known as the “Karimojong cluster”, the term used by Tornay – see J. Lamphear, The Scattering Time, Oxford, Clarendon Press, 1992, p. 5.
  • [60]
    D. Turton, “A Journey made Them : Territorial Segmentation and Ethnic Identity Among the Mursi”, in Holy L. (ed.) Segmentary Lineage Systems Reconsidered, Belfast, Queens University Press, 1979, p. 119-43.
  • [61]
    J. Lamphear, The Traditional History of the Jie of Uganda, Oxford, Clarendon Press, 1976, 281 p. ; Lamphear J., “The People of the Grey Bull : The Origin and expansion of the Turkana”, Journal of African History, vol.29, 1988, p. 27-39. For the general history of the region, see N. Sobania, ”The Historical Tradition of the Peoples of the Peoples of the Eastern lake Turkana Basin, c.1840-1925”, Ph.D. thesis, University of London, 1980.
  • [62]
    Nyangatom widows are inherited by their husband’s full brothers but continue to raise children for the deceased.
  • [63]
    In the 1970s, members of five generations were living : Mountains, Elephants (Fathers), Ostriches (Sons), Antelopes and Buffaloes. The average age of Elephants was 50-60 and the majority of Buffaloes were still children.
  • [64]
    See generally, P. Spencer, The Pastoral Continuum, Oxford, Oxford University Press, 1997, p. 302, chap. 3. and U. Almagor, “The Dialectic of Generation Moieties in an East African Society”, in Maybury-Lewis D. and Almagor U. (ed.) The Attraction of Opposites, Ann Arbor, University of Michigan Press, 1989, p. 145-146. Nyangatom do not have, or appear to need, the “slip mechanisms” used elsewhere to “adjust” generation to age.
  • [65]
    H. Muller-Dempf, “Generation-Sets : Stability and Change with Special Reference to Toposa and Turkana Societies”, Bulletin of the School of Oriental and African Studies, vol.54, 1991, p. 554-67 ; P. Gulliver, “The Age-Set Organisation of the Jie Tribe”, Journal of the Royal Anthropological Institute, vol.83, 1953, p. 147-68 ; N. Dyson-Hudson, Karimojong Politics, Oxford, Clarendon Press, 1966, 280 p. ; P. Spencer (1998 : 99-103).
  • [66]
    P. Gulliver, “The Turkana Age Organisation”, American Anthropologist, vol.60, 1958, p. 900-22 ; Lamphear and Muller-Dempf present different explanations for this shift. See J. Lamphear, “The People of the Grey Bull : The Origin and expansion of the Turkana”, Journal of African History, vol.29, 1988 ; H. Muller-Dempf, “Generation-Sets : Stability and Change with Special Reference to Toposa and Turkana Societies”, Bulletin of the School of Oriental and African Studies, vol.54, 1991, p. 561-4.
  • [67]
    U. Almagor, Pastoral Partners, Manchester, Manchester University Press, 1978, 258 p. ; U. Algamor, “The Dialectic of Generation Moieties in an East African Society”, in Maybury-Lewis D. and Almagor U. (ed.) The Attraction of Opposites, Ann Arbor, University of Michigan Press, 1989.
  • [68]
    Gulliver, for example, implies that the blurring of the Turkana system that he observed in the 1950s was the result of “social change” and the gradual cessation of raiding. See P. Gulliver, “The Turkana Age Organisation”, American Anthropologist, vol.60, 1958, p. 919-21. See also R. Waller, “Age and Ethnography”, Azania, vol.34, 1999, p. 135-44.
  • [69]
    According to D. Turton, “ad hoc” reasons allow for flexible response while still preserving the principle of regularity. See D. Turton, “Territorial Organisation and Age Among the Mursi”, in P. Baxter and U. Almagor (ed.), Age, Generation and Time, London, Hurst & Co., 1978, p. 95-131.
  • [70]
    There is a close identification between the generations of “grandfathers” and “grandsons” in Jie and Karimojong. In Jie surviving “grandfathers” preside over the inauguration of their “grandsons” ; in Karimojong, it is the retirement of the former that “opens the way” for the latter to, in effect, replace them.
  • [71]
    Lamphear and Muller-Dempf see transformation as a creative solution to particular problems rather than as “breakdown”. See J. Lamphear, “The People of the Grey Bull : The Origin and expansion of the Turkana”, Journal of African History, vol.29, 1988, p. 249-52 ; H. Muller-Dempf, “Generation-Sets : Stability and Change with Special Reference to Toposa and Turkana Societies”, Bulletin of the School of Oriental and African Studies, vol.54, 1991, p. 562-4). Spencer, however, takes a more rigorously internal and demographic approach. See P. Spencer, The Pastoral Continuum, Oxford, Oxford University Press, 1997, p. 302, chap.3.
  • [72]
    J. Lamphear, The Scattering Time, Oxford, Clarendon Press, 1 992 ; U. Almagor, “Institutionalising a Fringe Periphery : Amhara-Dassanetch Relations”, in D. Donham and W. James (ed.), The Southern Marches of Imperial Ethiopia, Cambridge, Cambridge University Press, 1986, p. 96-115 ; P. Garretson “Vicious Cycles : Ivory, Slaves and Arms on the New Maji Frontier”, in D. Donham and W. James, (ed.), The Southern Marches of Imperial Ethiopia, Cambridge, Cambridge University Press, 1986, p. 196-218. Ethiopian frontier warlords and Swahili ivory traders operated among the Toposa until 1926 when the Sudanese administration extended its reach to the area and ejected them.
  • [73]
    Spencer argued that the chaos reported by Dyson-Hudson showed the system working to adjust itself and that it was the apparently stable Jie system that was in danger of collapse. Tornay’s work may have revealed part of a similar “paradox”. See P. Spencer, “The Jie Generational Paradox”, in P. Baxter and U. Almagor (ed.), Age, Generation and Time, London, Hurst & Co. 1978, p. 133-49.
  • [74]
    In Jie, the requirement that members of the “grandfathers” generation should still be alive to preside over the initiation of their “grandsons” puts a term to recruitment into the “fathers” generation. In Karimojong, the period of simultaneous recruitment, although used by the senior generation to prolong its own life span, is also limited.
  • [75]
    See, for example, U. Almagor, “Charisma Fatigue in an East African Generation-Set System”, American Ethnologist, vol. 10, 1983, p. 635-49.

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