Couverture de AFHI_005

Article de revue

Les Archives nationales du Mali en transition

Pages 185 à 188

Notes

  • [*]
    Jan Jansen est anthropologue et maître de conférences à l’université de Leiden (Pays-Bas).
  • [1]
    Je remercie Abdoulaye Traoré (Archives nationales) pour m’avoir fourni des photocopies des documents gouvernementaux relatifs à la création des Archives nationales comme Direction nationale. Je remercie Gregory Mann (Columbia University) pour ses commentaires sur une première version de cet article.
  • [2]
    Je me base sur l’information d’Abdoulaye Traoré. Cependant, Greg Mann m’a écrit en décembre 2004 : ”I saw in 2002 that lots of new documents were arriving from unknown ministries, but they were entirely uncatalogued and were simply stacked ! It would be interesting to know which ministry bears the cost of having archives moved – in other words, how can it be made to be in the interests of the other ministries to share their documents ?”
  • [3]
    Abdoulaye Traoré, communication personnelle, 17 novembre 2004. Le dictateur Moussa Traoré fut déposé le 26 mars 1991.
  • [4]
    On voit dans le Mali actuel beaucoup d’exemples de création des Directions nationales, phénomène qui peut être lié à la politique de décentralisation.
  • [5]
    Pendant la Première Guerre mondiale, le gouvernement français a réorganisé les cantons pour faciliter et intensifier le recrutement des soldats (voir aussi J. Jansen 2001 : 85).
  • [6]
    Pierre Boilley, visitant les archives en janvier 2005, rend compte que les fonds récents ont été déménagés à cette date vers le nouveau bâtiment des archives (note de l’éditeur).

1L’état des documents aux Archives nationales du Mali m’a toujours attristé. Cependant, la comparaison des anciens rapports de David Conrad (1976) et Stephen Harmon (1992) avec mes propres impressions est, en quelque sorte, réconfortante. S’il reste beaucoup à améliorer, les archives ne se sont, en tout cas, pas dégradées, au contraire.

2Le plus grand changement est le déménagement d’une partie des Archives nationales de Koulouba, la colline de Bamako où se trouve le palais présidentiel, vers un nouveau et majestueux bâtiment sur l’avenue de l’Union Africaine, face au cimetière d’Hamadallaye. Dans le futur, toutes les archives des ministères maliens y seront conservées. Le bâtiment est encore presque vide : les étagères sont absentes dans la plupart des salles et aucun ministère n’a (encore) déposé ses documents aux Archives nationales [2]. Les conditions de conservations y sont bonnes : les fenêtres ferment correctement, le bâtiment est équipé de climatiseurs et de protection contre l’incendie (sprinklers).

3Historiquement, la construction de ce bâtiment s’insère dans le projet plus vaste de la construction d’une cité administrative au nord-est de l’ancien aéroport militaire et de Djikoroni-Para, témoin des grands changements architecturaux et infrastructuraux de Bamako pendant le régime d’Alpha Oumar Konaré (1992-2002), qui fit doter la capitale du statut et des apparences d’une métropole. Konaré, lui-même archéologue/historien d’origine, avait l’intention d’améliorer la conservation de tout document historique, et veilla à ce que les nouvelles Archives nationales soient inaugurées quelques mois avant la fin de son deuxième mandat à la présidence de la République du Mali.

4La construction d’un bâtiment pour les Archives nationales coïncide avec une réorganisation administrative. La création d’une Direction nationale des Archives du Mali par décret (n°02-262/P-RM du 24 mai 2002) fixe le cadre organique des archives et a été confirmée par l’Assemblée nationale la même année. Depuis 1992, les Archives nationales, jusqu’à cette date sous l’autorité du ministre de la Culture [3], ont été placées sous l’autorité de la Primature, c’est-à-dire du secrétariat général du gouvernement. La création d’une Direction nationale [4] donne les moyens administratifs nécessaires à la réalisation de l’objectif visant à faire des Archives nationales un lieu de conservation des archives de tous les ministères. Au niveau du personnel et du service, peu de choses ont changé. Monsieur Aly Ongoïba est resté directeur des Archives et son personnel compétent est toujours aussi aimable et serviable.

5Le contenu des Archives nationales à Koulouba a été décrit par d’autres. David Conrad a donné une liste des catégories des documents (1976 : 178-180 ; voir aussi les premiers numéros de la revue Études Maliennes). De ma propre expérience je souligne que les catégories D (géographie, ethnographie, histoire) et surtout E (politique) offrent des sources fascinantes pour l’histoire locale et régionale (Jansen 2001). Jim Jones, professeur d’histoire de l’Afrique à l’université de West Chester (Pennsylvania) donne sur son site un aperçu du contenu des archives maliennes en ces matières :

6http:// courses. wcupa. edu/ jones/ his311/ archives/ arcindex. htm

7L’accès à ces documents est facile, car ils sont classifiés au niveau du cercle. Il convient de noter que les Archives ont reçu des documents de tous les cercles ayant eu Bamako comme capitale, c’est-à-dire le Haut-Sénégal, le Soudan français, le Haut-Sénégal et Moyen-Niger, Haut-Sénégal et Niger et, en 1920, à nouveau, le Soudan Français : “(…) the archives at Koulouba therefore contain documents from eight modern nations” (Harmon 1992 : 441).

8En ce qui concerne le contenu des Archives nationales, cependant, je vois une différence entre l’époque de Harmon (et Conrad) et moi-même. Alors que Harmon (1992 : 444) mentionne encore une grande quantité de documents non classés, il ne mentionne pas les catégories numériques I, II et III. Cependant, lors de ma première visite aux Archives nationales, en 1996, ces catégories étaient déjà présentes. Selon Greg Mann (communication personnelle), les numériques sont des documents qui n’étaient pas conservés quand les FA et les FR (fonds anciens et fonds récents) ont été établis. Ils sont cependant classés selon le même système de classement. Il semble donc que, au début des années 1990, une partie des documents non-classés auraient été classés comme Numériques I, II et III. Selon Greg Mann, d’autres documents attendraient encore leur classement. Les documents classés dans les Numériques varient beaucoup (Jones parle de « fonds nouveaux » sur son site). Il arrive qu’un titre ne couvre pas le contenu et il est possible que deux documents très différents soient groupés sous un seul titre. L’accès à cette catégorie de documents pourrait être malaisé.

9Au niveau du contenu des documents, je constate, avec Conrad et Harmon, que les termites ne sont pas en repos : de temps en temps, un document a été l’objet de leur convoitise. Il arrive qu’un dossier ne contienne ni fiche ni feuille.

10Le déménagement des Archives du Koulouba vers le nouveau bâtiment n’est pas terminé. À Koulouba, restent encore les « fonds anciens » (documents de la période antérieure à la grande réorganisation des cantons de 1915 [5]) et les « fonds récents » (période 1915-1958 couvrant la Fédération du Mali qui groupait le Mali et le Sénégal actuels [6]). La plupart des journaux se trouve également à Koulouba. En ville ne se trouvent que les Numériques I, II et III. Les documents postérieurs à l’indépendance sont encore dans les ministères. Il faut espérer que ces ministères déposeront leurs documents aux Archives nationales dans un futur proche car les conditions de conservation y seront bien meilleures, même si, dans les ministères, les conditions sont déjà meilleures que celles des archives des « cercles » et des « régions » décrites par Mann (1999). La question est de savoir qui paiera ce déménagement…

11L’accès aux Archives nationales est facile si l’on suit la procédure officielle. Première étape : obtenir une autorisation de recherche au Centre national des recherches scientifiques et technologiques, actuellement situé au nord-est de l’ancien hôtel Amitié (le Sofitel actuel). Cette autorisation peut être obtenue en vingt-quatre heures, si l’on se présente avec deux photos d’identité et un document officiel de l’Institut des Sciences Humaines, auquel les historiens, anthropologues et sociologues prennent attache, depuis longtemps, pour la durée de leur recherches au Mali (cf. Conrad 1976 : 175). Les frais de ce permis sont « symboliques » (500 F CFA en 1997). Les horaires des Archives nationales suivent ceux des ministères, ouverts du lundi au vendredi, de 8.30 h. à 17 h. Le service des photocopies (100 F CFA par page) est en général rapide, sauf lorsqu’un document de Koulouba doit être photocopié en ville, ce qui est fait dans les vingt-quatre heures.

12En 1992, Harmon (1992 : 442) voyait dans la réalisation de microfilms une solution à la conservation des documents. Aujourd’hui, l’informatique a rendu cette technologie obsolète. Lors de mes visites aux Archives, je n’ai cependant jamais entendu parler d’une conservation de ce type. Dans l’immédiat, l’ouverture et l’utilisation du nouveau bâtiment peuvent marquer un grand pas vers une conservation sûre des documents physiques. Espérons que les ministères joueront leur rôle dans le progrès des Archives nationales en y déposant généreusement leurs documents anciens et en en finançant la conservation.

Bibliographie

  • Conrad D.C., “Archival Sources in Mali”, History in Africa 3, 1976, p. 175-180.
  • Harmon S.A., “The Malian National Archives at Kuluba : Access and Applicability”, History in Africa 19, 1992, p. 441-444.
  • Jansen J. (dir.), Trois perspectives sur la vie de Nambala Keita (Naréna, 1895-1969), (Maastricht, Shaker Publishers), 2001.
  • Mann G., “Dust to Dust : a User’s Guide to Local Archives in Mali”, History in Africa 26, 1999, p. 453-456.

Date de mise en ligne : 01/07/2006

https://doi.org/10.3917/afhi.005.0185

Notes

  • [*]
    Jan Jansen est anthropologue et maître de conférences à l’université de Leiden (Pays-Bas).
  • [1]
    Je remercie Abdoulaye Traoré (Archives nationales) pour m’avoir fourni des photocopies des documents gouvernementaux relatifs à la création des Archives nationales comme Direction nationale. Je remercie Gregory Mann (Columbia University) pour ses commentaires sur une première version de cet article.
  • [2]
    Je me base sur l’information d’Abdoulaye Traoré. Cependant, Greg Mann m’a écrit en décembre 2004 : ”I saw in 2002 that lots of new documents were arriving from unknown ministries, but they were entirely uncatalogued and were simply stacked ! It would be interesting to know which ministry bears the cost of having archives moved – in other words, how can it be made to be in the interests of the other ministries to share their documents ?”
  • [3]
    Abdoulaye Traoré, communication personnelle, 17 novembre 2004. Le dictateur Moussa Traoré fut déposé le 26 mars 1991.
  • [4]
    On voit dans le Mali actuel beaucoup d’exemples de création des Directions nationales, phénomène qui peut être lié à la politique de décentralisation.
  • [5]
    Pendant la Première Guerre mondiale, le gouvernement français a réorganisé les cantons pour faciliter et intensifier le recrutement des soldats (voir aussi J. Jansen 2001 : 85).
  • [6]
    Pierre Boilley, visitant les archives en janvier 2005, rend compte que les fonds récents ont été déménagés à cette date vers le nouveau bâtiment des archives (note de l’éditeur).

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