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Article de revue

Archives et centres documentaires au Niger

Pages 175 à 183

Notes

  • [*]
    Camille Lefèbvre est doctorante de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (laboratoire Cémaf). Elle réalise une thèse sur les frontières du Niger.
  • [1]
    Je n’ai pu, par exemple, consulter les archives du ministère de l’Intérieur que jusqu’à l’année 1964, bien que ces documents ne soient pas concernés par les restrictions fixées par le décret concernant l’accessibilité des archives.

Naissance des archives

1Comme beaucoup d’institutions nigériennes, les archives et les centres documentaires sont pour la plupart issus d’institutions coloniales. Le service des archives fut créé par l’arrêté général n? 56065 de l’IFAN du 9 juillet 1953. Le centre de documentation de l’IRSH coïncide avec l’ancien fonds de l’Institut Français d’Afrique Noire (IFAN). Les différents centres d’archives provinciaux correspondent, quant à eux, aux anciennes archives des commandements de cercle. Le premier directeur des archives du nouvel État indépendant du Niger, en 1960, était un administrateur de la France d’outre-mer nommé Lucien Loubet qui resta en place jusqu’en 1963. Sur quatre de ses successeurs, un seul était Africain ; les trois autres étaient Français et administrateurs des affaires d’outre-mer ou conseillers techniques. Ce n’est qu’à partir de 1969 que l’institution fut gérée entièrement par des Nigériens. La continuité entre administration coloniale et administration de l’État indépendant semble donc être une des caractéristiques principales de la formation des archives nationales aux Niger. Ce qui se caractérise dans la documentation par une imbrication entre les différents fonds. Si les archives coloniales constituent un fonds clos et ne contiennent que quelques documents dépassant l’indépendance, certains fonds du Niger indépendants contiennent majoritairement des documents se rapportant à la période coloniale. C’est le cas par exemple du fonds DAPA (Direction des Affaires Politiques et Administratives) qui est issu du ministère de l’Intérieur. Il contient des archives qui courent des années 20 jusqu’en 1974, sans marquer aucune rupture.

2Les archives relevant d’un secrétariat général du gouvernement, elles furent d’abord régies par la loi n° 60-24 et le décret n° 6-099, du 25 et du 31 mai 1960. Le service des archives nationales fut érigé en direction par le décret n° 88-190/PCMS/SGG du 19 mai 1988. La direction des archives fut alors placée sous l’autorité du secrétaire général du gouvernement. L’arrêté n° 18/PM/SGG du 25 mai 1992 porte sur l’organisation des directions du secrétariat général du gouvernement et détermine les attributions des directeurs. Le rôle de la direction des Archives nationales est ainsi de répertorier, classer et conserver les documents de toute nature appartenant à l’État et aux collectivités territoriales ; de communiquer des documents conformément à la législation archivistique en vigueur ; de gérer un centre de documentation ouvert au public ; de recevoir sous forme de dons ou de dépôts des archives des institutions ou personnes privées ; et d’appliquer des règles de gestion et de conservation des archives des services publics sur l’ensemble du territoire national.

Description des différents fonds et centres

3La direction des Archives nationales est logée depuis 1974 dans un bâtiment construit à cet effet dans le centre de Niamey. Elle conserve un fonds documentaire d’environ 7000 mètres linéaires de documents répartis entre le fonds des archives coloniales (1897-1960) et le fonds du Niger indépendant (1960 à nos jours). Les divisions chronologiques restent théoriques, car en réalité les fonds se chevauchent.

4Le fonds du Niger colonial provient de la cave et du grenier de la présidence et correspond au reste du fonds du gouverneur du Niger. Ces documents résultant du fonctionnement des institutions coloniales occupent 175 m linéaires et sont composés de 21 séries thématiques. La série A rassemble les actes officiels, recueils de lois, décrets, arrêtés, décisions, circulaires et ordres de services ; série B : correspondance générale, registres d’enregistrement au départ et à l’arrivée, classeurs des correspondances au départ et à l’arrivée, et collection des télégrammes au départ et à l’arrivée ; série C (1907-1958) : les documents concernant les personnels. La série D (1901-1958) concerne l’administration générale et réunit huit sous-séries : études générales, affaires administratives, conseils et assemblées, état civil et curatelle, recensement, impôts et taxes, élections, cartographie ; la série E (1887-1958) se rapporte aux affaires politiques et réunit cinq sous-séries : politique générale, politique indigène, cultes, politique musulmane, relations extérieures ; série F (1901-1958) : police et prisons ; série G (1914-1958) : enseignement, sciences et arts ; série H (1902-1958) : services sanitaires et assistance publique ; série J (1907-1955) : services postaux, services télégraphiques, construction et entretien des lignes de téléphones et des câbles, caisse d’épargne ; série K (1906-1958) : travaux publics (routes, ponts, voies fluviales, bacs, ports, bâtiment, urbanisme, voirie, chemin de fer, électricité, adduction d’eau, génie rural, hydraulique pastorale) ; la série L (1911-1957) intéresse la navigation maritime et aérienne ; elle associe quatre sous-séries : marine de guerre, de commerce, météorologie, aviation ; série M (1910-1958) : la justice (organisation judiciaire, codes, généralités, justice civile et commerciale, justice pénale, police judiciaire, personnels) ; série N (1889-1954) : affaires militaires, comportant cinq sous-séries : opérations militaires, organisation militaire, personnel militaire, gendarmerie et gardes de cercles, périodes de guerre ; la série O (1910-1958) concerne les domaines, régime de la propriété foncière, domaine public, domaine privé, enregistrement, timbre, registre des obligations ; série P (1916-1957) : douanes, organisation générale, réglementation, répression des fraudes, transaction douanière, surveillance des frontières, droit de sortie, poids et mesures. La série Q (1903-1958), relatives aux affaires économiques, se divise en cinq sous-séries : commerce, industrie, mines, transports et communications et sociétés de prévoyance ; la série R (1907-1958) se rapporte aux affaires agricoles et comporte quatre sous-séries : agriculture, élevage, forêts, pêche ; série S (1918-1957) : travail et main-d’œuvre, inspection du travail, législation, contrat, condition de travail, contrôle de la main-d’œuvre, règlement, esclavage et traite ; la série T concerne les finances et contient quatre-sous séries : budget, trésor, agences spéciales, comptabilité ; la série U rassemble des documents ne rentrant pas dans les séries précédentes ; la série Z réunis différents fonds privés de particuliers, d’associations et d’entreprises. Deux répertoires ont été publiés pour la série E et la et la série Q. Toutes les séries se terminent en 1958 ; les documents concernant l’année 1958, année très troublée sur le plan politique, sont extrêmement rares. Certains documents provenant de ces séries sont en très mauvais état, en particulier ceux qui concernent les premières années de la colonisation.

5Le fonds du Niger indépendant rassemble les documents produits depuis la proclamation de la république en 1959. Ces documents sont classés en série continue dans l’ordre de leurs versements. Ces documents sont actuellement en pré-archivage, dans la mesure où ils sont pour la plupart non communicables au public, puisque soumis à la règle du temps de latence. Ces archives occupent 6225 mètres linéaires et se divisent en 37 fonds différents. Elles sont classées en fonction de leur administration d’origine, dans l’ordre chronologique. Le fonds 1W correspond aux archives des secrétariats généraux du gouvernement et du conseil des ministres de 1958 à 1993. Le fonds 2W provient du fonctionnement de la présidence, le 3W de l’inspection d’État, le 4W du premier versement du ministère de la fonction publique, le 5W du premier versement du ministère de l’Intérieur, le 6W de la Direction des affaires politiques et administratives (DAPA) du ministère de l’Intérieur, le fonds 7W de la sous-préfecture de Niamey, le fonds 8W du ministère du Plan, le fonds 9W de la télévision scolaire du Niger, le fonds 10W de l’Office de Radiodiffusion Télévision du Niger (ORTN), le fonds 11W du ministère des Finances, le fonds 12W de la première législature de l’Assemblée, le fonds 13W du premier versement du ministère de l’Éducation nationale, le fonds 14W du ministère des Affaires étrangères et de la coopération, le fonds 15W du ministère du Commerce, le fonds 18W du ministère du Développement durable, le fonds 19W du ministère de l’Information, le fonds 20W de la tombola nationale, le fonds 21W de la haute cour de justice, le fonds 22W de la société Air Niger, le fonds 23W de la préfecture de Tillabéry, le fonds 24W de la sous-préfecture de Say, le fonds 26W de l’Agence nationale pour la promotion de l’emploi, le fonds 27W de l’ONPPC, le fonds 28W du cabinet du premier ministre, le fonds 29W du deuxième versement des secrétariats généraux du gouvernement, le fonds 30W de la conférence nationale, le 31W du versement d’août 2001 du cabinet du premier ministre, le fonds 32W du deuxième versement du ministère de l’Intérieur, le fonds 33W du bureau central de recensement, le fonds 34W de l’office du lait du Niger-OLANI, le fonds 35W du troisième versement du ministère de l’Intérieur, le fonds 36W du deuxième versement du ministère de l’Enseignement de base 1 et de l’alphabétisation, le fonds 37W du ministère de la fonction publique.

6Ces deux fonds sont complétés par une documentation administrative et juridique : une importante collection de journaux officiels de la France, de l’AOF et de nombreux pays africains d’après l’indépendance, ainsi que des bulletins de loi et des juris-classeurs administratifs. La direction des archives conserve aussi une importante collection de périodiques, environ 1030 titres, dont un certain nombre de quotidiens nationaux tels que le Bulletin quotidien du Niger devenu en avril 1960 Le Temps du Niger puis Le Sahel en mai 1974 ; le Niger devenu Sahel dimanche, Talaka, Nigérama, Cahiers Nigériens, Niger Informations, Sawaba, Gaskya… Et aussi des titres plus récents tels que : le Républicain, Sahel-hebdo, La Roue de l’Histoire, La Hache… Il est possible de consulter en libre accès dans la salle de lecture tous les hebdomadaires nigériens de la semaine en cours. La direction des archives possède aussi une bibliothèque rassemblant un nombre important de documents sur le Niger.

7La direction des archives possède plusieurs divisions régionales. Seuls trois de ces centres sont ouverts au public, à Tahoua, Dosso et Agadez. Les autres centres de Diffa, Maradi, Tillabéry et Zinder n’ont pas de personnel professionnel et ne sont donc pas en état de fonctionner. Leurs archives sont néanmoins consultables sur demande. La situation de ces archives régionales est assez mauvaise et les documents y sont conservés entassés en vrac dans des armoires, faute de personnel qualifié pour les traiter.

8D’autres centres documentaires sont particulièrement intéressants à Niamey. La bibliothèque de la faculté des lettres et la salle de lecture de l’IRSH possèdent un grand nombre de documents. On peut y consulter les travaux de maîtrise des étudiants nigériens, ainsi que des publications concernant le Niger qui ne sont pas accessibles ailleurs, tels que les ouvrages des chercheurs nigériens qui ont été publiés au Niger. Enfin, on y trouve un grand nombre de documents anciens, relativement rares et parfois difficiles à trouver par ailleurs tels que les originaux de récits de voyage concernant le Niger, des ouvrages épuisés depuis de nombreuses années ou encore des travaux universitaires anciens concernant le Niger.

Réglementation et accessibilité des archives

9Le délai général de communication des archives est fixé par le décret n° 98-091 du 6 avril 1998. L’accès aux documents d’archives est réglementé par l’article 8 et l’article 9 de ce décret, qui indiquent que les documents d’archives sont communicables en principe au bout de trente ans, exception faite des documents pouvant porter atteinte à la sûreté de l’État ou à la vie privée des individus. Ceux-ci ne sont communiqués qu’après cent ans à compter de la clôture du dossier ou de la date de l’acte pour les documents relatifs aux affaires portées devant les juridictions, pour les minutes et répertoires des notaires ainsi que pour les registres de l’état-civil et de l’enregistrement ; cent ans à compter de la date de naissance de l’individu pour les documents comportant des renseignements à caractère médicaux ; cent ans à compter de la date de naissance de l’individu pour les dossiers personnels ; enfin cinquante ans à compter de la date de l’acte pour les documents qui contiennent des informations mettant en cause la vie privée ou intéressant la sûreté de l’État, la défense nationale et la conduite de la politique étrangère. Le décret précise aussi que le secrétaire général de gouvernement, sur proposition du directeur des archives, peut interdire, après avis du conseil national des archives, la communication aux particuliers de tous documents quelle que soit leur ancienneté, lorsque cette communication paraîtrait de nature à entraver le bon fonctionnement de l’administration ou à porter atteinte à l’honneur des familles ou des individus. Il est néanmoins précisé que ce délai de non-communication ne peut excéder cent ans.

10Ce cadre juridique relativement vague permet certaines commodités dans l’application de cette réglementation. Certains documents, théoriquement consultables, restent pratiquement inaccessibles. Tous les documents datant d’avant 1974 qui ne sont pas concernés par les restrictions sus-citées, devraient normalement être consultables. Dans la réalité, au-delà du début des années 1960, les documents restent en grande majorité non-consultables [1]. Certains sujets posent particulièrement problème. C’est le cas des frontières, des relations extérieures, notamment avec la Libye et le Bénin, de la diplomatie, de l’armée, et de la défense. Sur tous ces sujets, la communication des documents est surveillée et restreinte. Le problème principal est qu’il n’existe pas de recours possible en cas de refus de communication. En effet, il n’existe pas de système de communication sous condition, ou de commission chargé de traiter les demandes de dérogation. Les dispositions de l’article 11 du décret n°98-091 résument bien le caractère extrêmement limité des possibilités de recours : « Pour des motifs de gestions administratives ou de recherches historiques, le directeur des archives peut accorder des dérogations aux délais prévu par l’article 8 et l’article 9. » Le directeur des archives est donc le seul référent pour toute demande, mais en cas de refus il est aussi le seul recours.

11Il est néanmoins très agréable de faire des recherches au Niger. Les archives et les centres de documentation sont très fournis et les chercheurs sont les bienvenus, même si certains sujets restent problématiques.

Informations pratiques

Adresses

12Archives nationales

13La salle de lecture se trouve entre la façade postérieure du Ministère de l’éducation et la façade principale de la présidence de la République, dans le quartier administratif du Plateau.

14Secrétariat général du gouvernement

15B.P. 550 Niamey

16Tel : (227) 72 26 82

17(227) 72 36 00 poste : 33 99

18Fax : (227) 72 36 54

19L’IRSH

20La salle de consultation de l’IRSH se trouve aux alentours du petit marché.

21La bibliothèque de la faculté de lettre.

Information et contacts

22Les archives sont accessibles aux chercheurs étrangers sur présentation d’une autorisation de recherche, qui s’obtient auprès du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche. Sachant que les délais d’obtention sont relativement longs, au minimum deux semaines, il est préférable de s’organiser à l’avance pour ne pas perdre de temps. Pour obtenir une autorisation de recherche depuis l’étranger, il est possible de faire sa demande par fax auprès du ministère au (227) 72 42 21, ou par courrier.

23Si les archives ne possèdent pas de service de photocopie dans leur murs, il est néanmoins possible d’effectuer des photocopies, en quantité mesurée, à l’extérieur. Il est possible de contacter la direction des archives par téléphone ou par courrier.

24La bibliothèque de l’université consacrée aux sciences humaines est accessible aux étudiants nigériens ayant une carte de lecteur. Les chercheurs et étudiants étrangers munis d’une autorisation de recherche peuvent y accéder en faisant une demande auprès de l’université.

25La salle de lecture de l’IRSH est en libre accès. Pour les lecteurs étrangers munis d’une autorisation de recherche, une demande préalable auprès du directeur étant néanmoins souhaitable.

Bibliographie

  • Entretien avec Idrissa Yansambou, directeur des Archives nationales, à la direction des archives, le 10/03/2004
  • Yansambou I., Guide du lecteur, direction des Archives nationales, Niamey, 1998, 24 p.
  • Yansambou I., Nouveaux textes relatifs aux archives nigériennes, direction des Archives nationales, Niamey, 1999, 37 p.
  • Yansambou I., Rapport sur le fonctionnement des archives au cours de l’année budgétaire 2003, direction des archives, Niamey, 2003, 24 p.

Date de mise en ligne : 01/07/2006

https://doi.org/10.3917/afhi.005.0175

Notes

  • [*]
    Camille Lefèbvre est doctorante de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (laboratoire Cémaf). Elle réalise une thèse sur les frontières du Niger.
  • [1]
    Je n’ai pu, par exemple, consulter les archives du ministère de l’Intérieur que jusqu’à l’année 1964, bien que ces documents ne soient pas concernés par les restrictions fixées par le décret concernant l’accessibilité des archives.

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