Notes
-
[1]
M. Twaddle (1974) ; J. A. Rowe (1969 et 1970).
-
[2]
J.D. Mullins (1904).
-
[3]
A. Kagwa (1934 ; 1971).
-
[4]
Une grande partie des sociétés de l’Afrique des Grands Lacs est divisée en catégories célèbres : les Bahima ou Tutsi selon les régions, plutôt spécialisés dans l’élevage et les Bairu ou Bahutu, plutôt spécialisés dans l’agriculture.
-
[5]
Directeur de recherche au C.N.R.S, spécialiste d’archéologie islamique à l’Université de Lyon.
-
[6]
Directeur du patrimoine culturel du Sénégal. Membre du laboratoire d’archéologie-préhistoire de l’IFAN.
-
[7]
M. Brunet, « Toumaï, l’Ancêtre des humains », p. 69-87.
-
[8]
A. Bazzana et Y. Montmessin, « Les norias fluviales de Fès. Approche ethno-archéologique d’une technique médiévale », p. 331-347.
-
[9]
L. Erbati, « Deux sites urbains (ixe-xie). Casbah es Oudayas et Aghmat. Approche comparative », p. 285-293.
-
[10]
A. Ennabi, « Les récents apports de l’archéologie à la connaissance de la Carthage punique », p. 261-265.
-
[11]
J. Polet, « L’émergence de la ville en Afrique subsaharienne », p. 249-259.
-
[12]
B. Kouao-Biot, « Stratégies pour la sauvegarde de sites en danger : les cas de Fafala et de Gohitafl (Côte-d’Ivoire) », p. 383-390.
-
[13]
Konaté Doulaye, « La promotion du patrimoine culturel au Mali, enjeu de développement », p. 391-399.
-
[14]
Gado Boube, « Les systèmes des sites à statuaire en terre cuite et en pierre dans la vallée du moyen-Niger entre le Gorouol et la Mékrou », p. 155-181.
-
[15]
Idem, p. 168.
-
[16]
J.-P. Roset et M. Riahi, « Mise en route d’un programme de synthèse sur la néolithisation et les débuts du néolithique de part et d’autre du Sahara ».
-
[17]
D. Cardon, « Pour une archéologie des textiles en Afrique occidentale et au Maghreb : genèse de l’outillage textile et étude des colorants », p. 307-314.
-
[18]
C. Picard, « Navigation musulmane et chrétienne le long des côtes atlantiques de l’Afrique saharienne », p. 229-238.
-
[19]
H. Bocoum, « Entre Europe et Afrique, de l’incommunicabilité au dialogue », p. 19.
-
[20]
Le titre de Lynn Thomas pourrait être traduit par La Politique de l’utérus, à ceci près qu’en anglais, le terme womb n’est pas exactement synonyme de uterus, puisque womb a une connotation symbolique en plus du sens physiologique. Cf. Nancy Hunt, A Colonial Lexicon of Birth Ritual, Medicalization and Mobility in the Congo, Durham & London, Duke University Press, 1999, p. 33.
-
[21]
Lynn Thomas, « Ngaitana : I will circumcise myself. The gender and generational politics of the 1956 Ban on clitoridectomy in Meru, Kenya », in Nancy Hunt et al., Gendered Colonialisms in African History, Oxford, Balckwell, 1997.
Voyageurs africains
Mukasa Ham, Uganda’s Katikiro in England (trad. Ernest Millar), Manchester, Manchester University Press, 1998 (1re édition 1904), 211 p.(ISBN : 0-71905437-0).
1 Ham Mukasa (1871-1956) est l’un des auteurs ganda les plus importants [1]. C’est un auteur prolixe, écrivant en luganda, dont seulement une partie de l’œuvre est publiée. Son œuvre principale, intitulée Siduma Nyuma (« Ne retournez pas en arrière »), porte sur son histoire, celle de la conversion au christianisme et le récit des règnes dont il a été contemporain (Muteesa 1856-1885, Mwanga 1885-1897, Daudi Cwa 1897-1939). Il peut se targuer du titre de premier auteur ganda publié en anglais. Une courte autobiographie est placée en annexe de l’ouvrage de Mullins en 1904 [2]. Cette année-là également, l’ouvrage dont il est question ici est publié pour la première fois. Ni l’un ni l’autre de ces écrits ne sont parus en luganda. Dans les deux cas, les traducteurs de Ham Mukasa sont des missionnaires protestants.
2 Uganda’s Katikiro in England en est à sa troisième édition. La première est reproduite in extenso dans la dernière, accompagnée d’une introduction et de notes de Simon Gikandi. La deuxième édition est une version abrégée, publiée en 1975 par Taban Lo Liyong.
3 Ce livre retrace le voyage effectué par Ham Mukasa en 1902 en tant que secrétaire du Premier ministre du royaume du Buganda, Apolo Kagwa, qui se rend en Angleterre pour le couronnement d’Édouard VII. Apolo Kagwa (1869-1926) est l’auteur de langue luganda le plus connu. Les traductions de deux de ses livres ont été largement diffusées hors des cercles lisant le luganda [3]. Mais il n’a pas publié le récit de ce voyage. Tous deux ont été alphabétisés lors de leur conversion au protestantisme dans les années 1880 ; tous deux sont d’anciens pages des rois Muteesa et Mwanga. C’est au sein de ce groupe que se concentre à l’époque l’élite en herbe du royaume. Mais Apolo Kagwa est le personnage le plus important du Buganda de 1890 à 1925, alors que Ham Mukasa ne devient un personnage de premier plan qu’en 1905, lorsqu’il accède à la chefferie de la grande province du Kyagwe. Auparavant, sa carrière se distingue surtout par sa proximité à l’égard des missionnaires, qui fait de lui un prédicateur laïc en 1893 mais également le seul de sa génération à parler l’anglais.
4 Le récit de Ham Mukasa est écrit sous forme chronologique. Il débute avec le départ du Buganda et se termine au retour. Une grande attention est donnée aux lieux, aux personnes et aux détails techniques. En 1902, les voyages du Baganda vers l’Europe sont encore très rares ; seuls une demi-douzaine de ses compatriotes l’ont fait avant lui. Par ailleurs, il est bien rare que le Premier ministre quitte le royaume ; c’est donc un événement considérable qui fait courir beaucoup de rumeurs. L’une d’entre elles est recueillie auprès de femmes ganda à Kisumu (Kenya) : on pense que le roi d’Angleterre va juger le différend entre Apolo Kagwa et le roi Mwanga (p. 52) dont le conflit a mené à une guerre entre 1897 et 1899, à la capture, à la déposition et à l’exil du roi en Somalie puis aux Seychelles. L’usurpation du pouvoir par Apolo Kagwa devenu régent d’un roi enfant est jugée scandaleuse et l’on espère qu’Édouard VII va rétablir la justice et l’ordre des choses en inversant la condamnation.
5 Cet ouvrage est rafraîchissant par son évaluation du monde – et en particulier de la Grande-Bretagne – à travers le prisme du Buganda. La taille des constructions, par exemple, est souvent mise en parallèle avec les bâtiments qui existent en Ouganda : le British Museum correspond à vingt fois la cathédrale de Namirembe (p. 83). La fabrication de la laine et l’élevage des moutons sont comparés terme à terme avec l’élaboration des tissus d’écorce : « They shear the sheep every year [comme le tronc du ficus], because the sheep are the bark-cloth trees of the English, which they beat out [comme l’écorce], and the wool makes all the clothing they all wear » (p. 119).
6 Ham Mukasa ne se limite pas à cet effort de pédagogie destiné à rapporter de façon concrète aux Ougandais les choses qu’il admire. Il interprète également les informations qu’il collecte à travers le filtre de ses connaissances. Ainsi de la Corse : « The inhabitants of Corsica are very lawless, and are always fighting with one another, and will not obey any of their rulers, and do not like strangers » (p. 74). C’est exactement la définition que font les Baganda de leurs voisins les habitants des îles Buvuma, sur le lac Victoria.
7 La visite de Windsor et l’audience royale où sont reçus les deux hommes sont caractéristiques de ce phénomène. Windsor est qualifiée de plus belle ville d’Angleterre (comme ce doit être le cas pour la capitale royale du Buganda). Elle est en effet pourvue d’attributs royaux ganda, comme une longue route de trois miles sans le moindre tournant (« The finest road in the country, for it was three miles long and did not twist at all ; there is no such other road in all the earth like this, and though I have not been all over the world yet this is what I think », p. 155). La capitale du Buganda est structurée autour d’une très large avenue toute droite qui relie le palais royal au tombeau du père du roi régnant. Comme le palais du roi du Buganda, le palais de Windsor est au sommet d’une colline et dispose d’une superbe vue (« Windsor is the finest town in England. Because there is no noise there and it is on a hill. It is raised up like a pulpit, and there is a very good view from it in every direction », p. 155).
8 Le roi du Buganda adopte une démarche spécifique supposée évoquer celle d’un lion. Ham Mukasa voit le roi d’Angleterre de la même façon : « When he [Édouard VII] is amongst other men there is no need to ask, “which is the prince?” he can be seen at once to be of royal blood. He has a magnificent chest, which he throws out like a lion ; his voice rolls from it like that of a lion, as is the custom with princes » (p. 158).
9 Le cas de la danse (p. 72, 179) donne un résultat plus compliqué. Il est évident que Ham Mukasa trouve les danses européennes ridicules (il compare les danseurs à des vers sur un hameçon !) : « I thought it was very wrong for a man and a woman to hold on to one another and dance together ; these dances are like the bait which is on the fish-hook. However each nation has its own customs, but I do not think every one approves of this custom » (p. 179). On peut penser que l’auteur se venge également de la vision britannique des danses ougandaises, qualifiées d’obscènes (notamment à cause de certains mouvements suggestifs du bassin effectués dans certaines occasions par les femmes). Les missionnaires ont effectué un lobbying pressant pour que les danses soient interdites. À son tour, Ham Mukasa relève l’obscénité des danses européennes, où les hommes et les femmes non seulement dansent ensemble mais sont en contact physique l’un avec l’autre. On relève là une association entre un christianisme puritain de néophyte transmis par les missionnaires britanniques et le code de pudeur qui reste celui des Baganda.
10 Certains messages du récit sont destinés au public ganda de l’époque et échapperont totalement aux lecteurs contemporains. Ainsi, en route sur le lac Victoria vers Kisumu et le chemin de fer, le bateau s’arrête à l’île de Bugaya. Léon Bisigolo, chef catholique, offre un bœuf à Apolo Kagwa. Ce dernier le refuse, arguant que l’on ne peut transporter un bœuf sur le vapeur. Lors du voyage de retour, Léon Bisogolo ne se présente pas devant les voyageurs (p. 48, 199). Le lecteur ougandais de l’époque sait que Léon Bisogolo est l’un des leaders les plus extrémistes de la rébellion du roi Mwanga contre les Anglais et Apolo Kagwa en 1897-1899. Il est l’auteur de lettres d’insultes et de défis célèbres envoyés à Apolo Kagwa. Après sa reddition, les Anglais l’ont bizarrement gracié (alors que beaucoup de gens infiniment moins coupables ont été exécutés) et nommé chef sur l’île de Bugaya avec la responsabilité de collecter du bois pour la navigation en vapeur. En refusant son cadeau, Apolo Kagwa manifeste son refus de se réconcilier avec lui. Il se moque et insulte son ennemi déchu en signifiant que, bien que travaillant dans la navigation à vapeur, Léon Bisigolo ne sait même pas que le bateau n’est pas équipé pour le transport d’un bœuf. Les rivalités entre chefs ganda s’effectuent également au moyen de bons mots. Et la défaite humiliante de Léon Bisigolo au xxe siècle est destinée à être rendue publique au moyen de cette publication.
11 Le texte contient également des jugements sur les différents peuples rencontrés. Le plus intéressant est sans doute le commentaire de Ham Mukasa sur les autres peuples africains. Ainsi juge-t-il sévèrement les Zanzibarites (p. 179, 182-183) alors qu’ils sont en contact depuis plus longtemps que les Baganda et avec les Européens : leurs habitations sont misérables et similaires à celles utilisées dans son pays pour les chèvres. Cette rencontre le rassure quant à la supériorité du Buganda chrétien vis-à-vis du Zanzibar musulman.
12 Les habitants de la corne occupent une place particulière, en particulier les Somali (p. 63, 175). Le jugement du voyageur à leur égard vacille entre l’admiration de leur courage, valeur suprême au Buganda à la fin du xixe siècle, et le mépris que lui inspire leur rejet de l’autorité (le sens de l’ordre et de la hiérarchie, sont extrêmement poussés chez les Baganda). L’hostilité de Ham Mukasa à leur encontre s’explique aussi par leur religion musulmane (Ham Mukasa boitera toute sa vie en raison d’une blessure au genou reçue en combattant les musulmans en 1889).
13 Ham Mukasa n’est pas sans connaître les théories hamitiques, dont certaines font justement descendre des Somali les éléments les plus civilisés de la région des Grands Lacs. Il y fait d’ailleurs explicitement référence lorsqu’il les compare aux Bahima [4] (p. 63). Mais il n’accepte pas le préjugé européen qui fait des Bahima une race supérieure, en raison de leurs traits physiques. En bon Baganda, il les méprise pour ce qu’ils sont au Buganda, c’est dire de pauvres bougres étrangers, obligés pour survivre de se louer comme berger aux chefs comme lui (quand ils ne sont pas esclaves).
14 En revanche, un certain respect est apparent vis-à-vis des Abyssins. Ras Makonen, Premier ministre de l’Éthiopie, est également présent pour le couronnement du souverain britannique. L’ambassade ganda le rencontre avec sa suite à Windsor (p. 155). Là, exposé parmi les trésors du palais, se trouve un vieux livre éthiopien (p. 155). Lorsqu’Édouard VII montre les présents reçus pour son couronnement, les Baganda sont bien conscients que les cadeaux des Abyssins sont exposés en bonne place alors que les leurs n’y sont pas (p. 158). Les Abyssins laissent une impression profonde sur Ham Mukasa : voici une monarchie noire, indépendante, chrétienne, alphabétisée depuis plus de mille ans, un royaume plus prestigieux que celui du Buganda. Mais en outre, c’est de l’Éthiopie que viendrait, d’après les théories de l’époque, le premier roi du Buganda. Cette admiration n’est pas exempte d’une certaine envie. C’est peut-être aussi dans cette perspective qu’il faut comprendre l’agressivité de Ham Mukasa à l’égard des Somali. Quitte à devoir accepter les hypothèses migratoires, autant pouvoir choisir sa parenté.
15 La description des juifs moyen-orientaux qui voyagent dans le même bateau que Ham Mukasa d’Aden au canal de Suez est fascinante (p. 66-67). Son premier attrait pour eux est en relation avec la lecture de la Bible. Devant les mauvais traitements et l’antisémitisme dont ils sont l’objet à bord, il éprouve une véritable empathie pour eux, sans doute exacerbée par son propre statut d’homme de couleur et par la façon dont, lors du voyage retour, il est lui-même victime du racisme des marins. Mais on remarque également, comme le relève l’éditeur du texte, que Ham Mukasa accepte facilement les stéréotypes qui ont cours sur les pratiques commerciales malhonnêtes des juifs.
16 Qu’en est-il du regard porté sur les Européens ? D’un côté se trouvent les Anglais, dotés de toutes les qualités ; de l’autre sont les Allemands, des vauriens ; entre les deux, toutes sortes de jugements variés se côtoient. Les Portugais sont assimilés aux Allemands, en raison de leur attitude sur le navire et de témoignages relatifs à leur comportement au Mozambique (p. 170, 173). Les Italiens (le bateau effectue une escale à Naples à l’aller et au retour toute la péninsule est traversée afin de s’embarquer dans le même port), appelés « Romains », sont décrits comme un peuple faible, sans beaucoup d’arguments. Sur les Français presque rien n’est dit, ce qui intrigue. La France est en effet traversée (rapidement) en train à l’aller comme au retour et l’antagonisme entre Français (catholiques) et Anglais (protestants) est célèbre en Ouganda ; il a conduit à plusieurs conflits armés entre Baganda. Le seul commentaire négatif est placé au détour d’un compliment ; le Père Bulesu est très aimable bien qu’il soit français (p. 188). Peut-être Ham Mukasa cherche-t-il à éviter de blesser les membres de l’oligarchie catholique alliés aux protestants pour dominer l’Ouganda (notamment dans le conflit encore récent de 1897-1899). Une autre explication serait qu’il cherche à ménager l’ego des Baganda protestants et les missionnaires britanniques en ne faisant pas trop la louange des Français (Marseille et Paris sont les premières véritables villes modernes que les voyageurs rencontrent).
17 Pourquoi les Allemands sont-ils si durement jugés ? On trouve ici une association de plusieurs griefs, et avant tout l’expérience du racisme brutal et mesquin qu’expérimentent Ham Mukasa et Apolo Kagwa de la part de l’équipage et des autres passagers durant leur voyage de retour sur un paquebot allemand : humiliations, faim, peur de la violence et de l’ostracisme (p. 108, 168-170, 173, 178-179). À cela s’ajoute l’expérience de la brutalité des Allemands en Afrique de l’Est même (p. 196-197). Ham Mukasa mentionne ainsi deux rois tributaires du Buganda (Rwoma, roi du Buzinza, et Lukonge, roi du Bukerewe, tous deux au sud du lac Victoria) exécutés par les Allemands. Sans doute ce récit est-il aussi un message destiné à mettre en garde contre l’opposition politique ganda exilée en territoire allemand depuis la guerre civile de 1897-1899.
18 On peut mener plus loin cette comparaison entre les « bons » Anglais et les « mauvais » Allemands et Portugais. En bon courtisan formé à la cour du Buganda, Ham Mukasa excelle et se complait dans les doubles sens des messages, tel destiné aux Européens et tel destiné à ses frères ganda. Au vu de sa carrière, la flatterie est un art qu’il maîtrise sans aucun doute avec brio. Son livre est traduit et publié très rapidement, non seulement à cause de l’effet comique que crée la description de l’Europe par un étranger absolu, mais également parce que le discours de cet étranger conforte pour l’essentiel les lecteurs britanniques dans leur sentiment de supériorité. La critique de quelques aspects secondaires, comme le caractère des Allemands ou la manière de danser des Européens, rend simplement le texte plus crédible.
19 Il serait ridicule de mettre en question l’engagement de Ham Mukasa en faveur des Britanniques et plus encore son christianisme. Son admiration pour la culture européenne est évidente. Sa confiance n’est cependant pas aveugle envers les Britanniques, comme le montre la répugnance que Apolo Kagwa et lui-même ont à voir les terres au Buganda louées par des hommes d’affaires anglais : « However letting a rich man rent one’s land is the same as selling it all, unless one is very clever » (p. 149). En outre, l’admiration coexiste avec une critique virulente de la colonisation. Sans doute l’éloge des Britanniques associée aux critiques envers les Allemands et les Portugais conforte-t-elle les Britanniques dans leur image que la colonisation est bonne, que seuls existent de bons ou de mauvais colonisateurs. Mais pour beaucoup de Baganda, les exécutions et les arrestations arbitraires dénoncées par Ham Mukosa chez les Allemands (p. 196) et les Portugais (p. 170) sont également caractéristiques du comportement des Britanniques en Ouganda, notamment lors de la conquête du Bunyoro (1894-1899) ou durant la guerre de 1897-1899. Derrière la dénonciation des exactions allemandes et portugaises, les Britanniques, sans qu’ils le soupçonnent, sont également visés. De façon tout à fait conforme à la manière de faire des Baganda de cette génération, plusieurs niveaux de sens ont été sciemment inclus dans le récit.
20
Bibliographie
Kagwa Apolo,
The Kings of Buganda, Nairobi, East
African Publishing House, 1971.
Kagwa Apolo,
The Customs of the Baganda, New York,
Colombia University Press, 1934.
Mullins J.D.,
The Wonderful Story of Uganda, London,
C.M.S., 1904.
Mukasa Ham,
Uganda’s Katikiro in England (trad.
Ernest Millar), Londres, Hutchinson, 1904.
Mukasa Ham,
Sir Apolo Kagwa Discovers Britain,
Londres, Heinemann, 1975.
Rowe John A., «
Myth, memoir and moral admonition : luganda historical writing, 1893-1969 »,
Uganda Journal, 1969 et 1970, vol. 33,
n° 1, p. 17-40 ; n° 2, p. 217-219.
Twaddle Michael, «
On Ganda historiography », History in
Africa, 1974, vol. I, p. 85-100.
Henri Médard
(Université de Paris I)
Varia
Bazzana André et Bocoum Hamady (sous la direction de), Du Nord au Sud du Sahara. Cinquante ans d’archéologie française, Paris, Éditions Sépia, 2004,446 p. (ISBN : 2-84280-078-8).
21 En mai 2002, s’est tenu à Paris, sous l’égide du ministère des Affaires étrangères, un colloque intitulé : « Du Nord au Sud du Sahara : Bilan et perspectives de 50 ans d’archéologie française ». Cette rencontre, organisée sous la responsabilité scientifique de André Bazana [5] et d’Hamady Bocoum [6], a rassemblé plus de quarante chercheurs issus de quinze pays différents. Il s’agissait de réfléchir sur l’état actuel des recherches archéologiques menées de part et d’autre du Sahara par des chercheurs français et africains bénéficiant de financements français (suite à la fusion en 1998 du ministère des Affaires étrangères et de celui de la coopération, l’archéologie sub-saharienne a vu sa place redéfinie dans le cadre plus général du dispositif français d’aide à la recherche dans le monde et ce livre tente d’illustrer cette nouvelle configuration).
22 L’ouvrage présente de façon concrète la participation française à l’élaboration de la connaissance archéologique et son rôle dans le développement culturel des pays concernés. Ainsi, en 2002, vingt-et-une missions étaient en cours pour un coût total de 215 000 euros, avec sept missions au Maroc, huit en Tunisie, et une dans chacun des pays suivants : Mali, Mauritanie, Sénégal, Tchad. Le déséquilibre entre l’Afrique du Nord et l’Afrique de l’Ouest est très atténué dans l’ouvrage, avec onze communications pour le Maghreb (dont neuf pour le seul Maroc) contre dix pour toute l’Afrique de l’Ouest. Cette situation est sans doute l’héritage du long clivage entre une archéologie nord-africaine antiquisante, rattachée à une problématique méditerranéenne et romaine, et une archéologie africaniste au prestige moindre. Dans cette opposition, le Sahara joua longtemps le rôle de zone frontière mobile disputée par des institutions scientifiques rivales comme l’Institut de Recherches sahariennes au nord et l’IFAN au sud. Les études archéologiques au Maghreb, du fait d’une colonisation antérieure, sont de fait plus anciennes et donc plus largement reconnues.
23 La quarantaine de communications est classée sous des thèmes tels que : les premiers hommes, peuplement et sociétés, la ville et son territoire, les techniques ; le tout couvrant une période allant de la préhistoire [7] aux premières époques islamiques [8]. Plusieurs concepts transversaux unissent ces communications disparates qui vont de l’analyse approfondie au simple exposé des travaux en cours ou en projet. Le thème de la ville regroupe ainsi plusieurs études, celle des villes des ixe et xie siècles au Maroc [9], l’exemple de Carthage [10] ou encore la réflexion menée par Jean Polet [11] sur les critères de définition et d’identité d’une ville. Jean Polet invite les archéologues africanistes à s’affranchir des textes arabes pour aller vers une définition nouvelle de la ville prenant en compte la réalité de la ville indigène qui existe à côté du quartier arabe. L’essence de la ville africaine ne résiderait peut-être pas tant dans sa matérialité que dans un sentiment d’appartenance des populations à un ensemble religieux ou politique, sans qu’il y ait forcément continuité et densité du bâti. Cette réflexion repose la question de la validité de concepts créés pour des réalités européennes, et qui peuvent empêcher le chercheur d’appréhender d’autres réalités.
24 Si l’on met cet ouvrage en regard avec les actes du colloque de Valbonne organisé par le ministère de la coopération les 25 et 26 mai 1978 sur les recherches archéologiques au sud du Sahara, des continuités apparaissent. Déjà il y a 25 ans, la nécessité de recherches archéologiques interrégionales était soulignée, tant il est vrai que les aires culturelles anciennes ne recouvrent pas nécessairement les tracés actuels des États. Cependant, et c’est là le paradoxe, chaque État doit organiser ses propres recherches ne serait-ce que pour sauvegarder son patrimoine. La communication de Bernardine Kouao-Biot [12] sur les stratégies de sauvegarde de sites en danger en Côte-d’Ivoire ou celle de Doulaye Konaté [13] rappellent d’ailleurs opportunément le contexte économique difficile des pays étudiés, qui favorise le pillage des sites et la dispersion du patrimoine culturel africain. Dans ce cadre, le manque de moyens financiers et l’extrême dépendance des chercheurs africains accroissent leurs difficultés et remettent en cause leurs travaux. Cette situation, où la recherche archéologique doit être inscrite dans une dynamique économique de valorisation du patrimoine culturel, sous peine de destruction des sites, oblige même les scientifiques à des stratégies de travail particulières et modifie les méthodes scientifiques employées. Boube Gado [14] montre ainsi à travers l’exemple du site de Lurgu [15] que le manque de moyens financiers pour entreprendre des fouilles a laissé la possibilité et le temps aux pilleurs de détruire ce site de façon irrémédiable. « Nous sommes tous conscients de l’énormité de la tâche et de l’impossibilité apparente à lutter contre le pillage. Mais si les démarches concertées sont entreprises dans chaque pays en même temps qu’une information scientifique destinée à tous est largement diffusée, l’hémorragie peut être, sinon stoppée, tout au moins fortement réduite ». Ce constat de Jacques Tixier en 1978 semble toujours d’actualité et l’impuissance à réduire cet état de fait pourtant connu depuis longtemps souligne encore davantage la précarité de la recherche archéologique dans l’Ouest africain.
25 Une communication polémique de J. B Khiétega soulève un autre problème sur lequel il convient de s’interroger : celui des conditions de la coopération et des contraintes inhérentes à celle-ci. En exposant le déroulement de projets rendus possibles par l’engagement financier français, il dénonce aussi les réalités de la coopération. Remettant en cause la lourdeur des contraintes administratives, on appelle à une véritable coopération respectant les archéologues africains et invite les collègues français « à décoloniser l’archéologie africaine ». La volonté de certains chercheurs africains est aussi d’être associés, dès leur conception, à l’élaboration des programmes.
26 D’aucuns, à ce propos, ont pu s’interroger d’une part sur le titre de l’ouvrage, qui tend à exclure au premier abord la participation des chercheurs africains, et d’autre part sur la durée choisie pour la rétrospective. La recherche archéologique française en Afrique de l’Ouest, en effet, date du début du siècle, avec des missions comme celle du Lieutenant Desplagnes, et se poursuit dans le cadre du laboratoire d’archéologie-préhistoire de l’IFAN sous la direction de Raymond Mauny jusqu’au début des années 60. Il est d’ailleurs assez symptomatique d’avoir choisi comme illustration page 18 des photos d’articles de presse sur les fouilles menées à Tegdaoust-Aoudaghost. Ce chantier de dix ans, débutant au lendemain des indépendances, fut la vitrine de l’action de la coopération archéologique française en Afrique sub-saharienne. Présenté comme l’école de formation des chercheurs africains, ce chantier fut l’un des temps forts de l’histoire de l’archéologie africaine, à la charnière entre la science coloniale française et l’africanisme francophone dont ce livre se veut une présentation. Peu de recherches mentionnées dans les communications sont d’ailleurs antérieures aux années 70. Et, en ce qui concerne le Maroc, terrain d’action le plus ancien, la coopération n’est vieille que de vingt-cinq ans.
27 Les nombreuses illustrations (cartes de localisation, plans, dessins, photographies, graphiques) contribuent certes à la compréhension des recherches menées mais illustrent aussi, en comparaison toujours avec les actes du colloque de Valbonne, l’apport et l’utilisation croissante des technologies qui font de l’archéologue un technicien autant qu’un savant, et qui ont contribué, depuis un demi-siècle, à modifier non seulement la pratique du terrain mais aussi les analyses scientifiques.
28
Quant à la réalité mise en avant par le titre de l’ouvrage
sur les échanges scientifiques entre les deux rives du Sahara, il semblerait
que cela reste un vœu pieux. Seules trois contributions affichent des
thématiques « transsahariennes » : un programme de synthèse sur le néolithique
par Jean-Pierre Roset et Mounira Riahi [16], un projet de base de données sur les
textiles [17], un
article sur les navigations [18] le long des côtes du Sahara. Nous voilà ramenés, dès
lors, – ainsi que le développent Jean Polet, Abdelmajid Ennabli, André Bazana
ou Hamady Bocoum dans la première partie de l’ouvrage – à la discordance des
temps et surtout des espaces entre une Afrique du Nord ancrée dans la
Méditerranée et une Afrique de l’Ouest appartenant à l’Afrique… Si
l’archéologie, comme l’écrit Hamady Bocoum, « principale source de l’histoire
africaine, est l’une des productions sociales qui a le plus contribué à la mise
en place des matériaux nécessaires à la réécriture de l’histoire
africaine [19] »,
parions que les recherches futures permettront de réaccorder des Afriques
toujours perçues comme séparées par le désert.
Sophie Hennion
(Université
d’Aix-en-Provence)
Chrétien Jean-Pierre, The Great Lakes of Africa : Two Thousand Years of History (trad. Scott Strauss), New York, Zone Books, 2003, 503 p. (ISBN : 1-890951-34-X).
29 The genocide of the 1990s has posed a profound challenge to scholarship on the history of interlacustrine Africa. For those who have long worked on this region, it raises haunting questions : why did scholars not know more clearly that this was coming ? Might academe have done more to warn of impending slaughter, or to prevent it ? And most disturbingly of all, how far was scholarship complicit in a mass murder whose perpetrators looked explicitly to history for their justifications ? These questions are so troubling that they may tempt historians into a teleological revisionism, in which the history of the region is reinterpreted simply as an extended prelude to the appalling drama of the 1990s ; the past exists only as an “explanation” for slaughter.
30 Jean-Pierre Chrétien, long-established as the pre-eminent historian of Burundi, wrestles with these challenges in this work, first published in French in 2000. It is a brave attempt, inevitably tinged with both sadness and anger, to overcome the “myopia of the monograph” and draw together a substantial body of scholarship which has been divided by language and the geography of colonialism. With clear acknowledgement to the example of Vansina, Chrétien seeks to synthesise from this a regional history of Braudelian ambition, and like Vansina he is comfortable with broad comparative thoughts on Europe’s medieval history, so that the text is sprinkled with passing analogical references to Clovis and Vercingétorix. As Chrétien emphasises in the preface to this English edition, his analysis looks very much further back beyond the “poisoned colonial legacy” to which Mamdani has attributed the genocide.
31 This grand sweep embraces two thousand years, though the detail of discussion on the first thousand years is limited. Chrétien does, however, offer a quite detailed discussion of the history of the period 1000 CE to 1800 CE, which makes effective use of the archaeological and historical-linguistic research carried out – especially in Uganda – in the 1980s and 1990s. He follows the broad consensus of this work : down-playing the effects of major immigrations as an explanation of change, and arguing instead the emergence, largely in situ though drawing on many influences from beyond the region, of a distinctive mixed-farming economy in the region by around 1000 CE. A particularly successful agro-pastoral adaptation of this produced the remarkable population concentrations, and substantial land clearance, of the period from around 1000-1400 CE. Chrétien suggests that sometime in this period the belief system of the region was revolutionized by the emergence of the kubandwa spirit-possession complex with its extensive Cwezi pantheon. This offered an alternative to kinship and clan ; and when from around 1400 CE ecological and demographic change plunged the agro-pastoral system into crisis, Cwezi rituals became a fundamental pillar of the kingships which emerged across the region as societies dealt with this shock. It was only in this period that, in parts of the region, a new economic and ideological model of pastoral dominance emerged, particularly from around 1600 CE, with clientage systems based on cattle ownership underwriting the development of a societal cleavage between the Hima/Hinda/Tutsi and Iru/Hutu, which took particular forms in different parts of the region.
32 There are some uncertain passages in this synthesis : Chrétien is at pains to demonstrate that “Bunyoro-Kitara” was not really the great empire which twentieth-century historians were to make of it, but he does seem to cast that mysterious polity in a central, initiatory role in the transition to kingship and he suggests that this phenomenon was associated with a Lwo “invasion”, the only really significant such event which he is prepared to acknowledge. Is it the implication that this invasion catalysed the emergence of kingship across the region ? But overall, the succession of chapters which deal with the period up to the late nineteenth century provide a clear overall message : there was no “premise of inequality” across the region, nor was the division between pastoralist and agriculturalist consistent, or rooted in an antique past of immigrations and racial animosity. But while the overall message is clear, the discussion here may well be too detailed for the non-specialist reader while a little too concise for the specialist. Interlacustrine history is notoriously full of tantalizing hints, coincidences of names and odd overlaps of terminology which suggest patterns that, frustratingly, fade on closer examination. The evocation of this whirl of names and words here, and the attempt to make the patterns more apparent, might baffle some readers, and may leave them struggling to move between the maps (relegated to the appendices) and the text.
33 This is less of a problem in the two chapters which deal with the twentieth century, as the subject matter is so much less esoteric. The specialist reader may be irritated by minor slips of detail (Harry Johnston was not the first Commissioner of the Uganda Protectorate ; surely it is an exaggeration to say that German East Africa was “run by” the Schutztruppe) ; but these two chapters provide a very readable concise regional history – rather ironically perhaps, since this was the period in which the cultural coherence of the region was fractured by colonial boundaries. In these chapters Chrétien picks up on a theme introduced right at the beginning of the book – the reinvention of history in the colonial period – and he makes a good argument for this. These chapters also show, at times very well, the complex nature of the accommodation between European misunderstandings of local society and the ambitions of local rulers. These allowed some local elites to extend their territory and power (the discussion of the Germano-Rwandese aggrandizement is particularly interesting) and sponsored multiple inventions of tradition and a new “hardening of social relations”.
34 The climax of the discussion is, of course, the genocide ; the details still as chilling now as they were ten years ago, and the full story of international inaction even more appalling. Chrétien’s account lays special emphasis on the role in the genocide of a colonial-educated elite (laying much more stress on culture than Mamdani has done) and he suggests that what distinguished Rwanda and Burundi from the rest of the region was the “mental confinement” of this elite under Belgian role, which combined a cultural uprooting with a profound, crushing paternalism which curbed mobility, criticism and imagination in this tiny elite, and left them focussed solely on ethnicity. By contrast the educated elite of both Uganda and, even more, Tanganyika, had much larger political horizons. There is some sly humour to alleviate the gloom : the description of the IMF and World Bank as the initiators and diviners who install the rulers of the modern state made me smile ; and there is a hint of hope at the end, as Chrétien argues the importance of “civil society” institutions in creating the wider horizons which have been so lacking.
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Overall, then, this is a substantial contribution to the
general literature on the region, and this translation should be welcomed as a
step in overcoming the linguistic divide in the scholarship. As a translation,
it reads very smoothly and clearly, with only minor glitches (in a discussion
of the disintegrative effect of colonial boundaries, the phrase “connected by”
is used where surely “connected to” is meant). The task may even be a little
too well done in places : Mining Union somehow sounds much more innocuous than
Union Minière !
Justin Willis
(University of Durham)
Cisternino Mario, Passione per l’Africa. Carte missionarie ed imperiali sulla prima evangelizzazione in Uganda e Sudan 1848-1923, Rome, Urbaniana University Press, 2001, 640 p. (ISBN : 88-401-8071-0).
36 Le titre de cet ouvrage pourrait être traduit en français par Passion pour l’Afrique. Essais missionnaires et impériaux sur la première évangélisation en Ouganda et au Soudan (1848-1923). L’auteur est un missionnaire combonien (ceux-ci sont également appelés Pères de Vérone). Son ouvrage est un peu déroutant. Ce n’est pas le livre d’un historien. Il ne s’agit pas non plus d’un ouvrage d’hagiographie retraçant la sainte histoire des débuts de la mission dans le nord de l’Ouganda et le Sud Soudan. Au contraire, la plume est incisive, n’hésitant pas à critiquer l’administration coloniale et les rivaux protestants aussi bien que les rivaux catholiques et même les missionnaires comboniens de l’époque. Cet ouvrage combine des notes et des citations dignes d’un ouvrage de médiéviste, tout en prenant des raccourcis et en multipliant les petites inexactitudes. Ces dernières sont moins gênantes pour elles-mêmes que pour le travail de sape qu’elles accomplissent sur la confiance du lecteur.
37 Mario Cisternino retrace l’histoire de la mission catholique au Sud Soudan puis dans le nord de l’Ouganda, depuis son arrivée en 1848 jusqu’à ce que son organisation éclate après la Première Guerre mondiale entre mission italienne et mission germanique séparées. D’une certaine façon, il s’agit de l’histoire des Pères Autrichiens, autre nom associé à cette mission dès ses débuts et qui cesse de l’être durant la Première Guerre mondiale. Nous avons donc là une histoire de la mission au Soudan avant la Madhyia, puis de la crise qu’elle traverse durant et à la suite de cette période (missionnaires prisonniers, missions refoulés vers l’Égypte, etc.). Dans le même temps, l’auteur retrace l’histoire des missions chrétiennes en Ouganda. Il décrit ensuite le retour des missionnaires comboniens au Soudan dans les wagons de Kitchener et Wingate en 1898. Arrivé au xxe siècle, Mario Cisternino ne reprend pas toute l’histoire de la mission au Soudan. Il ne traite pas de l’extension vers le Bar el-Gazhal ou dans les monts Nuba, ne mentionne que marginalement la mission de Khartoum et celle chez les Shilluk. Le fil conducteur de cette partie est la tentative, vaine jusqu’en 1919, de retourner dans la région de Gondoroko. Ce lieu occupe une place symbolique car il est abandonné par les fondateurs après une dizaine d’années infructueuses en 1860. C’est seulement en 1919 que les Britanniques accordent officiellement le droit aux missionnaires catholiques d’ouvrir à nouveau des missions dans cette région qu’il réservait auparavant aux protestants. Le reste de l’ouvrage (à partir de la p. 337), retrace l’installation des missionnaires au nord de l’Ouganda. C’est là véritablement l’intérêt du livre, puisqu’il aborde alors un terrain sous-étudié et met à profit des archives jamais utilisées par les chercheurs.
38 Ceux qui espèrent trouver dans ces pages une anthropologie historique des conversions seront déçus. La question de l’antagonisme particulièrement virulent (même à l’échelle ougandaise) tout au long du xxe siècle entre Acholi protestants et catholiques n’est abordée que très brièvement et seulement par son aspect extérieur (celui des acteurs européens). Seules quelques indications sont données quant à l’importance du principe Cujus regio, ejus religio. L’affrontement entre, d’une part, les missionnaires catholiques et, d’autre part, l’administration britannique et les missionnaires protestants, est plus intense et agressive qu’ailleurs. Une illustration en est, par exemple l’alliance entre Arthur Bryan Fisher et le district commissionner Hannington. Le premier est un missionnaire protestant d’origine irlandaise, ce qui contribue à expliquer son antipapisme militant. Le second, employé par l’administration coloniale, est le fils de James Hannington, célèbre évêque anglican qui est exécuté en 1886 par un souverain du sud de l’Ouganda.
39 L’auteur est extrêmement efficace quand il dissèque le fonctionnement des missionnaires et des missions. Les Pères Blancs se montrent d’une rivalité féroce à l’égard des Comboniens pour l’attribution de l’Ouganda, mais ils constituent également pour ces derniers des partenaires et un modèle sur le terrain. Par ailleurs, les missionnaires comboniens sont issus de deux centres de formation distincts (Vérone et Brixen – Bressanone –). L’auteur montre comment le lieu de formation des missionnaires entraîne un comportement différent. Il fournit une petite biographie de chaque religieux, très utile pour les chercheurs s’intéressant à cette région, et accorde une grande importance à la psychologie. Cela éclaire souvent le comportement individuel des missionnaires dans ce type de contexte mais l’on peut émettre des réserves sur la fiabilité et l’intérêt des profils psychologiques issus de la graphologie.
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C’est donc un ouvrage dont l’intérêt principal réside dans
son étude du nord de l’Ouganda, son approche de l’intérieur et sans
complaisance des missions et des missionnaires. Ses défauts réels sont
compensés par un travail d’archives important (non seulement chez les
Comboniens à Rome mais également à la Church Missionary Society à Birmingham,
chez les Pères Blancs à Rome, chez les Pères de St Joseph de Mill Hill à
Londres et au Public Record Office à Kew), bien mis en valeur par des notes
nombreuses, des citations abondantes de documents inédits et de nombreuses
illustrations.
Henri Médard
(Université de Paris I)
Heuman Gad et Walvin James (ed.), The Slavery Reader, Londres, Routledge, 2003, 800 p. (ISBN : 0-415-21304-5).
41 Deux des principaux historiens britanniques de la traite et de l’esclavage nous livrent ici un ouvrage volumineux. Dans la tradition anglo-saxonne des readers, il s’agit d’un recueil d’articles soigneusement sélectionnés parmi ceux déjà publiés dans des revues ou des ouvrages collectifs ; il s’agit, dans la plupart des cas, de travaux devenus des classiques. L’ensemble est ainsi destiné à rendre d’appréciables services aux étudiants ainsi qu’aux chercheurs. L’ouvrage comprend neuf parties, composées chacune de quatre articles : la traite atlantique ; origines et essor de l’esclavage aux Amériques ; les esclaves au travail ; famille, sexe et communauté ; la culture des esclaves ; culture matérielle et rapport à l’économie chez l’esclave ; résistance des esclaves ; race et structure sociale ; les Africains et le monde atlantique. Comme on le voit, l’essentiel tourne autour du système esclavagiste (les deux premières parties, ainsi que la dernière, servant surtout à introduire et à replacer dans un contexte plus général les éléments de ce système), et notamment autour de la figure de l’esclave. Cette organisation de l’ouvrage est bienvenue, car elle correspond à une tendance historiographique générale de plus en plus marquée. La seule chose que l’on pourra regretter est la non prise en compte de la question de l’abolition. Cela se justifie aisément si l’on se focalise principalement, comme ici, sur le système esclavagiste vu de l’intérieur. Mais le titre de l’ouvrage devrait le laisser entendre, ce qui n’est pas le cas. Ce qui n’apparaît pas non plus clairement au premier abord, c’est que l’essentiel des travaux ici reproduits (à l’exception d’un petit nombre d’articles où les choses sont abordées de manière globale), concerne en fait presque uniquement l’Amérique du Nord et les Antilles britanniques. On peut donc parler d’une appréhension anglo-centrée de la question, ce qui, en matière d’histoire de la traite et l’esclavage, n’est pas une nouveauté.
42
Cette remarque étant faite, nous sommes en présence d’un
ouvrage solide. Les études sélectionnées sont échelonnées dans le temps – de
1962 à 2000 – et leurs auteurs (tous anglo-saxons) des spécialistes reconnus
dans leur domaine. Tout lecteur s’intéressant à l’esclavage dans l’Amérique
anglo-saxonne du xviie siècle à la guerre de Sécession
trouvera là un rappel de quelques-uns des travaux essentiels sur le sujet, ce
qui est fort utile, étant donné le flot croissant d’ouvrages et d’articles.
Chacune des neuf parties de l’ouvrage est introduite par quelques pages de
commentaires permettant de remettre en perspective les travaux cités. Enfin, un
bon index vient en faciliter l’analyse. Seuls bémols en la circonstance, le ton
parfois un peu trop narratif ainsi que la tendance, ici ou là, à distiller des
conclusions pouvant sembler définitives et consensuelles à propos de sujets
pourtant obscurs et très controversés. C’est ainsi le cas page 7 où la thèse
transformiste (passage de formes d’esclavage relativement bénignes à une mise
en servitude plus généralisée, en Afrique noire précoloniale), qui n’est pas
nommément citée, est présentée comme la seule hypothèse valable. De la même
manière, les transformations présentées sont décrites comme résultant
uniquement de l’introduction des marchandises de traite européennes, ce qui est
loin de faire l’unanimité. La diversité des thèses en présence aurait donc pu
être mieux soulignée, notamment pour les étudiants (qui, par définition, ne
sont pas des spécialistes avertis) auxquels ce reader est en partie destiné.
Olivier Pétré-Grenouilleau
(Université de Lorient)
Katz E., Lammel A., Goloubinoff M. (éd.), Entre ciel et terre. Climat et sociétés, Paris, Éditions Ibis Press, 2002, 509 p. (ISBN : 2-910728-24-2).
43 Les sociétés anciennes, mais à vrai dire aussi celles tout près de nous, ont intégré les manifestations climatiques dans leurs mythes fondateurs. On sait en effet que dans certaines cosmologie, les éléments climatiques constituent le pivot autour duquel s’articulent la création du monde et son évolution dans le temps. Ces imaginaires subissent les influences des conditions environnementales ; c’est en cela, par exemple, que la cosmologie des peuples de la forêt pluviale diffère de celle des populations demeurant sur les hauts plateaux semi-arides.
44 Le siècle passé a vu la naissance d’importantes écoles de pensée formées autour de la volonté de comprendre les mécanismes de représentation des phénomènes climatiques, d’évaluation et de prévention des risques, propres à chaque société. On peut ainsi évoquer l’école géographique de White, Burton et Kates centrée sur le Natural Hazard, l’analyse de Boulder, la méthode sociologique de Dynes et Quantarelli ou encore l’école anthropologique des relativistes culturels, représentée en particulier par Mary Douglas et Kristin Shrader Freccette, qui placent le concept de risque au centre de leur analyse.
45 L’ouvrage ici analysé s’inscrit dans la tradition anthropologique, selon la déclaration explicite des éditeurs scientifiques. Ceux-ci soulignent qu’ils cherchent à définir une anthropologie du climat résolument apparentée à l’ethnogéographie et rassemblant des chercheurs appartenant aussi bien aux sciences humaines qu’aux sciences de la nature.
46 Cet ouvrage est très riche, d’abord par le nombre de contributions (vingt-six), ensuite par la variété des thèmes traités. Une partie des contributions est le fruit d’un atelier, organisé au Mexique en 1993. Son contenu est divisé en sections réunissant une vaste gamme d’argumentaires : représentation du climat, confrontation entre connaissance scientifique et connaissance populaire, perception des rythmes saisonniers, rites et mythes liés aux phénomènes climatiques, en particulier à la pluie. La distribution spatiale des thèmes est également diversifiée, puisque l’ouvrage traite par exemple du Mexique, du Congo, du Cambodge, des Pyrénées, du Québec, etc. Large extension historique également, allant de la mythologie ancienne aux représentations modernes.
47 L’ouvrage montre comment chaque société élabore un code et un langage dans l’appréhension des manifestations du climat. Un code qui, « entre ciel et terre », distribue les éléments distinctifs du sacré et de l’empirique. Ainsi se forme un savoir populaire capable de domestiquer le danger beaucoup mieux que le savoir scientifique. Autour des phénomènes climatiques, une « religion » surgit, avec ses prêtres (les chamans des sociétés à faible développement technologique, les savants de nos sociétés) et ses cultes.
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L’évènement sans doute le plus catastrophique de l’histoire
de l’homme moderne, le tsunami du
sud-est asiatique, nous montre clairement que nos connaissances scientifiques
peuvent peu de chose contre le déchaînement de calamités naturelles. Nos
réactions illustrent aussi que nous ne possédons plus guère la culture qui nous
permettrait de réélaborer mentalement de tels phénomènes. L’objectif du livre
va aussi dans ce sens, aussi bien par son contenu de connaissances que comme
instrument d’identité collective.
Elisa Bianchi
(Université de Milan)
(Traduction de V. Morabito)
Thomas Lynn M., Politics of the Womb : Women, Reproduction, and the State in Kenya, Berkeley et Los Angeles, University of California Press, 2003, 300 p. (ISBN 0-520-23540-1).
49 Il nous a semblé intéressant d’illustrer l’intérêt de cet ouvrage en lui donnant deux éclairages différents, l’un par une historienne américaine spécialiste du Kenya (Katherine Luongo), l’autre par une historienne française spécialiste de la santé des femmes (Anne Hugon).
50 This book examines the politics of reproductive controversies in twentieth-century Kenya. Contributing to the growing body of literature on reproduction and health in Africa, Thomas’s book suggests fresh approaches to reproductive health generally. It also offers new ways to assess contests over reproduction within the socio-historical context of Kenya. This book argues that throughout the last century, “reproduction was such a fraught realm of state intervention in Kenya because it stood at the heart of people’s efforts to cultivate successful families, communities, empires and nations” (p. 175).
51 Though the book examines a number of issues well-known to scholars of Kenya – particularly the Female Circumcision Controversy of the late 1920s and early 1930s – it does so from novel geographic and theoretical perspectives. The majority of anthro-historical work on reproductive health in Kenya has looked at Kikuyu people and Kikuyu-populated areas, often treating them as microcosms for Kenya as a whole. In contrast, Thomas’s book focuses on Meru people and on the Meru region of Kenya to show how colonial (and post-colonial) contests and policies concerning reproduction have been strongly influenced by local histories and social situations. Literature on Kenya has also tended to subsume politicized struggles over reproduction in easy narratives of anti-colonial resistance. This book complicates such narratives, providing instead a set of subtly textured stories depicting the complex gender and generational politics behind the reproductive issues which have achieved national and even international attention.
52 The introduction lays out the book’s complex theoretical underpinnings which incorporate a gendered approach to Bayart’s “politique du ventre”, posing the womb as another sort of politicized African belly and an attention to the “critical events” surrounding reproduction in Kenya which “rework[ed] ‘traditional categories’, prompt[ed] ’new modes of action’”, and marked “a variety of institutions” (p. 6).
53 Five densely packed chapters provide a broad base of evidence derived from far-ranging archival sources and a plethora of interviews conducted during Thomas’s residence in Meru. Chapter one addresses the infamous Female Circumcision Controversy. It shows how the colonial and local politics and practice in Meru differed significantly from those in Kikuyu areas. As noted above, this chapter departs from earlier work on the controversy to suggest how the contests over circumcision might be better read as an “entanglement” of imperial politics and local affairs.
54 Chapter two examines the colonial, gender, and generational politics of the institution of hospital maternity services, while chapter three revisits the issue of female excision, this time within the broader context of the Mau Mau rebellion. Skillfully reading a wealth of oral evidence in conversation with colonial archival sources, Thomas traces the story of the members of Ngaitana, girls who “circumcised themselves” in defiance of the colonial ban on excision issued with the support of the Njuri Ncheke, the Meru men’s council which had been co-opted by the colonial administration during the 1930s (p. 79). As in chapter one, Thomas again succeeds in re-orienting this story away from nationalist resistance narratives to reveal the complex gender and generational politics which motivated the girls to circumcise themselves and their male elders attempts to stop them.
55 Focusing on customary and state-based legal approaches to premarital pregnancies, chapter four shows how local attitudes about such pregnancies influenced state policies, particularly those that aimed to give mothers increased responsibility and support under the law. Integrating legal history with poignant interview-based accounts of women’s efforts to secure support for their out of-of-wedlock children, this chapter also demonstrates how women’s reputations and reproductive capacities have been and remain key sites in which to contest gender, generational and political power in Kenya.
56 The book’s final chapter on the Affiliation Act and its repeal illustrates how reproductive struggles affected both the lives of Kenyan women and the operation of the State as Thomas carefully draws the political contests and interests in which reproductive struggles were subsumed. She is particularly skilled at linking popular discourse on the Affiliation Act and its repeal represented in the English and vernacular press with the tide of heavily politicized debates in Kenya’s Parliament.
57 At times, however, the reader is left wondering if Thomas’s history is not excessively “micro”. She argues throughout that reproductive concerns were “crucial” in 20th century Kenya, and the first chapters of the book clearly demonstrate how increasingly fraught questions of reproduction were particularly “crucial” to black Kenyan women of reproductive age and their kin. What is less clear, however, is how reproductive concerns were “crucial” to the colonial state. Thomas shows the degree to which individual actors, particularly Meru-based colonial authorities like H.E. Lambert, were concerned with reproduction and the meanings they ascribed to reproductive affairs, particularly excision and abortion. She also does a good job of linking concerns on-the-ground in Meru with broader imperial (and metropolitan) debates about reproduction. Yet, while scholars like Ann Laura Stoler have argued that it is important to note that issues were debated even if they never resulted in policy or practice, I would suggest that it is an extra step to show how imperial debates about issues like reproduction were “crucial” and what kind of “work” they did.
58
Overall, this book is of significant value and interest to
scholars working on women’s studies, medical history and anthropology, and
health in Africa. It makes important theoretical departures from other works on
reproduction in the aforementioned fields and provides a wealth of detailed,
but easily assimilated, information on the history of reproductive affairs in
Kenya.
Katherine Angela Luongo (University of Michigan)
59 Avec Politics of the Womb, Lynn Thomas fournit un exemple inspirant de ce que peut être une recherche en « histoire des femmes » qui ne limite pas son objet aux seuls éléments féminins de la société. Cet ouvrage est modeste par sa taille, avec 187 pages de texte courant, auxquelles il faut ajouter une cinquantaine de pages de notes. Son ambition est cependant grande, qui consiste à analyser l’évolution des enjeux sociaux et politiques liés à la reproduction (au sens strict de procréation), au Kenya, des années 1920 aux années 1960, avec un prolongement jusqu’à l’époque actuelle.
60 L’attention de Lynn Thomas se porte sur une région centrale du Kenya, le pays (ou district, en termes administratifs) meru. Ses sources, variées, comprennent aussi bien des archives de l’administration coloniale (centrale et régionale) que des journaux, des débats parlementaires, des minutes de procès et des entretiens qu’elle a menés sur place. Malgré un très classique plan chronologique, la démarche reste constamment analytique : l’auteure articule en effet son propos autour de ce qu’elle appelle des « événements critiques » (critical events). Il s’agit de l’irruption de faits qui obligent la société meru à adopter de nouvelles façons de penser, d’agir, de se positionner, avec toutes les tensions que cela peut générer entre les différents protagonistes : autorités coloniales et post-coloniales, conseils locaux plus ou moins indépendants de ces pouvoirs centraux, groupes sociaux variés (abordés en fonction de l’âge, du genre, des aspirations…). De la sorte, le plan croise perspective chronologique et perspective thématique, puisque chaque période considérée se caractérise par un événement critique particulier.
61 Dès l’introduction, Lynn Thomas reconnaît sa dette à l’égard de Jean-François Bayart : plus qu’une idée de titre [20], l’auteur de La Politique du ventre lui a fourni une métaphore pour analyser des évolutions sociales. Le concept de « politique de l’utérus » présente, selon l’auteure, trois avantages majeurs : 1) il permet de comprendre que les enjeux de la reproduction (quel type de femme est qualifiée pour être enceinte, pour mener une grossesse à terme, pour aider à l’accouchement ou pour élever les enfants) sont liés aussi à bien à des aspects matériels qu’à des questions morales ; 2) il replace au cœur de l’analyse les questions de hiérarchie : par qui peut ou doit s’effectuer le contrôle de la sexualité des femmes et qui doit engranger les bénéfices de leur fécondité ? Les rapports de pouvoir entre genres, classes d’âge, et classes sociales sont cruciaux pour analyser les conflits relatifs à la reproduction ; 3) enfin, il montre bien combien les aspects les plus intimes des vies individuelles ne sont qu’un niveau de réalité et que l’histoire sociale et politique africaine au xxe ne peut s’expliquer que sur plusieurs échelles : individuelle, communautaire, nationale et internationale.
62 Partant de là, la démonstration s’organise en cinq chapitres. Le premier, sur les décennies 1920-1930, montre très bien les liens étroits entre initiation (souvent tardive en pays meru), excision, avortement et infanticide : l’excision est un élément de l’initiation, dont le but est notamment de préparer les jeunes filles à leur rôle de mère, d’épouse et de bru. Une femme non excisée est considérée comme inapte à enfanter, d’où le recours fréquent à l’avortement, voire à l’infanticide, en cas de grossesse indésirable. Cette situation préoccupe à la fois les missionnaires, pour d’évidentes raisons morales, les autorités coloniales, soucieuses de voir s’accroître le réservoir de main-d’œuvre, et les femmes parlementaires britanniques, qui mènent une double campagne autour des droits des femmes et des complications médicales afférentes à ces pratiques.
63 On le voit, tout en rappelant combien s’opposent les conceptions britannique et meru sur l’excision, l’auteure prend soin de ne pas réduire le propos à un affrontement entre deux camps monolithiques. Elle montre ainsi des parlementaires de Londres ou des missionnaires bien plus préoccupés par cette question que les autorités coloniales sur place. Les officiels sont en effet mieux placés pour saisir la complexité des enjeux sur le terrain : non seulement ils ne veulent pas s’aliéner les gens de leur district et croient parfois dans les vertus de la « tradition » comme garante de l’ordre social, mais encore ils se rendent compte à l’usage que la lutte contre l’avortement et l’infanticide passe par… un soutien à l’excision précoce, puisque si les jeunes filles sont excisées avant la puberté, elles ne risquent pas de grossesse indésirable. Au lieu de faire appliquer les décrets restreignant la pratique de l’excision, des District Commissioners se retrouvent donc à organiser des campagnes coercitives, obligeant les très jeunes filles à se faire exciser…
64 Quant à la société meru, elle est également traversée de contradictions bien mises en évidence par les tensions entre les Local Native Councils, assemblées masculines à qui les autorités coloniales confient pourtant des « affaires féminines », et les femmes meru, elles-mêmes divisées selon leur classe d’âge ou leur statut social.
65 Le même sens de la nuance, combiné à la même rigueur, se retrouve dans les chapitres suivants. Le deuxième met l’accent sur la politique de protection maternelle et infantile lancée vers le milieu des années 1930, avec un encouragement à la médicalisation de la grossesse et de l’accouchement, pour lequel on tente de diriger les femmes kenyanes vers des cliniques. Mais entre le fait que le personnel hospitalier puisse être masculin et la perception de la ville comme lieu de perdition où l’on ne saurait envoyer des jeunes filles pour des études de sage-femme, le succès est loin d’être immédiat. Le thème du troisième chapitre, la réapparition de l’excision comme enjeu politique au moment de la révolte mau-mau, avait déjà fait l’objet d’un article [21] mais Lynn Thomas a approfondi la question depuis. Elle montre à quel point cette question a divisé la société meru dans les années 1950 : après son interdiction, proclamée en 1956 par des instances locales promptes à donner des gages de loyauté au gouvernement, les jeunes filles meru se sont mises à pratiquer l’excision clandestinement, les unes sur les autres. Cette résistance, à première vue surprenante, signifiait à la fois leur rejet de l’autorité du « conseil indigène » masculin et leur soutien au mouvement mau-mau. Les années 1960, qui voient l’avènement de l’indépendance (1963), sont marquées par l’apparition d’une nouvelle préoccupation, analysée dans le quatrième chapitre : celle des grossesses d’adolescentes, notamment des lycéennes qui appartiennent à des familles en pleine ascension sociale. Lynn Thomas passe au crible les procès intentés aux pères à qui l’on demande réparation et montre combien la libéralisation des mœurs et l’irruption de la modernité sous sa forme scolaire inquiètent la société meru. Enfin, le dernier chapitre est consacré aux mères célibataires, dont le nombre croissant semble poser problème à la société kenyane post-coloniale. On débat ardemment de questions morales pour savoir si la loi sur la protection des mères célibataires encourage la prostitution ou protège au contraire les femmes victimes de séducteurs. Pour autant, la controverse est autant politique qu’éthique : la loi protégeant les mères célibataires est abrogée en 1969 par une assemblée législative exclusivement masculine qui a décrété un-African (non-africaines) les coutumes telles que l’avortement. L’appel à la tradition arrive fort opportunément pour freiner toute tentative progressiste…
66
En conclusion, Lynn Thomas réaffirme ce qu’elle a bien
démontré, à savoir que tout au long du xxe siècle, « les débats sur la
reproduction ont été au cœur de la construction d’un ordre politique et moral
au Kenya ». C’est là que réside la plus grande réussite de cet ouvrage – plus
sans doute que dans l’utilisation du concept de « politique de l’utérus » qui,
pour pratique qu’il soit, n’apporte en fait rien de très nouveau. Une autre
réserve sérieuse que l’on peut émettre tient à l’emploi des termes relatifs à
l’excision. Dans son introduction, l’auteure explique qu’elle refuse d’utiliser
l’expression « mutilation génitale » en raison, dit-elle, de sa connotation
péjorative. On comprend qu’elle ne veuille pas tomber dans le procès facile de
cette pratique trop souvent exoticisée ; mais en rappelant (fort justement) que
l’excision n’était pas inconnue dans l’Angleterre victorienne ou dans d’autres
pays occidentaux, elle banalise cet usage au lieu d’en faire ressortir les
spécificités locales. Disons que les pages où Lynn Thomas se débat avec les
concepts d’excision, clitoridectomie et mutilation génitale ne sont pas les
plus convaincantes. On leur préférera ce qu’elle dit de sa démarche, consistant
à considérer l’histoire comme un processus d’intersections et d’interactions,
démarche dans laquelle elle révèle de grandes qualités d’analyse.
Anne Hugon
(Université de Grenoble)
Sunseri Thaddeus, Vilimani, Labor Migration and Rural Change in Early Colonial Tanzania, Portsmouth (NH) Heinemann, Oxford, James Currey & Cape Town, David Philip, 2002, 223 p. (ISBN : 0325-00182-0 et ISBN : 0-85255-648-9).
67 Le propos du livre de Sunseri est la construction d’un modèle historique qui rende intelligibles les modalités de développement des réseaux de travail salarié et leurs impacts sur les populations dans le Tanganyika de la période coloniale allemande. En un peu moins de deux cents pages très denses, le texte traite successivement des déterminations métropolitaines de la politique coloniale allemande, du poids des formes précoloniales d’exploitation du travail, essentiellement de la place incontournable de l’esclavage et du traitement de cette question par l’administration coloniale, puis, à partir d’exemples régionaux, du jeu complexe des interactions entre les stratégies des nombreuses catégories de protagonistes, de leurs ajustements constants et de leurs impacts sur les structures sociales et les environnements des populations concernées.
68 Le premier des points de vue dont Sunseri défend l’originalité concerne la période historique à laquelle il s’attache. Il rappelle que si la question des migrations de main-d’œuvre en Tanzanie coloniale, et plus généralement du développement d’une économie de la main-d’œuvre salariée et de son impact sur les sociétés indigènes, a déjà été traitée, les analyses ont porté sur des données concernant la période coloniale britannique. Sunseri montre de manière fort convaincante que les spécificités de la période allemande justifient les bornes temporelles qu’il a posées à son étude. Au-delà d’un discours général sur l’expansion du capitalisme, il explique comment les intérêts spécifiques de la métropole et les objectifs assignés à la colonie vont se heurter à un problème central de rareté de la main-d’œuvre. La thèse ici défendue est que la politique coloniale allemande au Tanganyika est essentiellement dictée par des préoccupations de politique intérieure et singulièrement par la crise chronique de l’industrie textile et ses prolongements sociaux. La consolidation de ce secteur, premier employeur des ouvriers salariés, est considérée comme prioritaire, non seulement pour assurer la prospérité des firmes allemandes, mais également pour contenir la mobilisation sociale, dont les ouvriers du textile sont une composante essentielle, en assurant des conditions de travail améliorées. Pour surmonter la crise, l’industrie textile considère qu’elle doit se libérer de la contrainte d’importation de la matière première qui pèse sur elle. Il s’agira donc de substituer aux importations de coton américain une production est-africaine. Cette nécessité s’imposant, l’idée des industriels est d’installer une agriculture moderne (mécanisation, irrigation, variétés améliorées, etc.) à grande échelle. Cette option dominera la politique coloniale allemande en Afrique de l’Est pendant vingt ans, jusqu’à ce qu’elle achoppe sur les conditions agro-écologiques locales et, surtout, sur l’impossibilité de fournir à ce type de structure la main-d’œuvre nécessaire à son fonctionnement. Les mesures coercitives et incitatives pour conduire la population africaine à vendre sa force de travail sur ces plantations s’avèrent en effet d’une efficacité limitée. En fait, l’option d’une agriculture de plantation est assez tôt jugée irréaliste par le gouvernement. Mais la nécessité d’attirer les investissements des industriels allemands et l’adhésion idéologique de ceux-ci au modèle de plantation explique que ces réticences tardent à s’exprimer dans la politique coloniale. C’est seulement à partir de la révolte anticoloniale de Maji-Maji (1905-1907) que le débat sur l’opportunité d’une production paysanne versus une agriculture de plantation s’anime et que l’État se tourne vers la population africaine pour assurer la production de coton (le chapitre III détaille les raisons de l’échec du modèle de la plantation moderne). Cette nouvelle politique est en conflit avec les intérêts des colons puisqu’elle relâche le cadre coercitif légal qui pousse les populations rurales à vendre leur force de travail alors même que la situation des colons vis-à-vis du marché du travail est difficile. Les populations elles-mêmes ne considèrent la production de coton que comme un pis-aller, lui préfèrent souvent d’autres opportunités de revenu et maintiennent la priorité donnée aux cultures d’autoconsommation. L’idée maîtresse est donc ici que, dans le mouvement colonial plutôt banal d’imposition aux populations indigènes d’une économie de marché orientée vers les besoins de la métropole, par la vente de travail ou celle de produits d’exportation, la situation politico-économique spécifique à la période allemande est sensiblement plus favorable que celle de la période britannique aux initiatives des populations locales en raison de la rareté relative de la main-d’œuvre qui la caractérise.
69 Cette capacité d’initiative étant reconnue, elle appelle presque « naturellement » un second point de vue, celui de la prise en compte de la diversité des acteurs et de leurs stratégies. Sunseri apporte un soin particulier à la caractérisation des groupes sociaux impliqués dans la confrontation coloniale, tant du côté de la métropole que de celui de la colonie. Il peut ainsi articuler avec finesse les situations socio-économiques et politiques allemande et tanganyikaise. Il montre, par exemple, comment l’institution du Gesindewesen (domesticité), élaborée en Allemagne pour régler les relations entre maîtres et travailleurs ruraux à la suite de l’abolition du servage et consolidée plus tard pour régler le problème de l’hémorragie de main-d’œuvre rurale que l’industrialisation du pays entraîne, sert de modèle à la politique d’abolition progressive de l’esclavage (dont l’analyse est l’objet du chapitre II). Il peut aussi et surtout identifier la diversité des stratégies mises en œuvre par les différents protagonistes, notamment les différentes stratégies de contournement des politiques coloniales et leur influence en retour sur ces dernières. Cette démarche aboutit au renouvellement des analyses de la question des migrations de travail et de leur impact sur les sociétés rurales du Tanganyika. Le chapitre IV offre une bonne illustration de la confrontation des stratégies des acteurs à partir de l’exemple de la région du Rufiji. Au tournant du siècle, considérant les difficultés rencontrées dans le nord-est du pays, les autorités coloniales se tournent vers le sud et l’intérieur. Leur intention est de promouvoir les cultures d’exportation sur des communal fields cultivés grâce à la mobilisation autoritaire de la main-d’œuvre paysanne par l’intermédiaire des majumbe (le dernier échelon de l’administration occupé en général par des « chefs de village »), de s’assurer du contrôle de l’exploitation des ressources forestières en limitant drastiquement leur utilisation par les populations rurales, et enfin de fournir la main-d’œuvre salariée nécessaire aux quelques planteurs européens du sud. Or, l’agriculture du Rufiji repose sur l’utilisation sophistiquée de milieux écologiques variés au sein de systèmes de production demandant un travail intensif et où la ressource forestière remplit des fonctions essentielles de gestion de la fertilité (par la défriche-brûlis) et d’approvisionnement en produits d’autoconsommation et de rente. C’est une agriculture essentiellement vivrière orientée à la fois vers l’autoconsommation et vers les marchés de la côte et de Zanzibar. Socialement, elle repose sur une division sexuelle du travail assez stricte qui ne permet aux hommes qu’une participation brève et ponctuelle au marché du travail salarié. Son équilibre dépend également des fonctions, assurées par les majumbe traditionnels, de contrôle du milieu écologique et d’accumulation de réserves vivrières pour faire face aux années improductives. La mise en œuvre de la politique coloniale va avoir trois conséquences interdépendantes majeures. La première est le divorce entre les majumbe et leur dépendants. Devenus des rouages de l’administration coloniale, les majumbe non seulement n’assurent plus les fonctions traditionnelles de sécurité alimentaire et de contrôle du milieu mais apparaissent également comme les premiers responsables d’une ponction de main-d’œuvre excessive et sans bénéfice pour les familles paysannes. La seconde renvoie aux foyers paysans qui, sous la double contrainte de la rareté induite de la main-d’œuvre et de la privation des ressources forestières, vont tendre à la dislocation. Pour échapper au contrôle colonial et à ses conséquences délétères, les hommes et les femmes élaborent des stratégies divergentes et incompatibles avec le maintien de la cohésion des foyers. Les hommes optent, en général, pour la vente de leur force de travail à des conditions plus avantageuses que celles imposées sur les communal fields (chantiers des voies ferrées, portage, plantations, etc.), ce qui les conduit à déserter leur foyer pour de longues périodes et à abandonner les tâches qui leur étaient dévolues dans le cadre de la division sexuelle traditionnelle du travail. Pour assurer la sécurité alimentaire de leur foyer, les femmes esseulées doivent ainsi remplir la quasi-totalité des tâches, ce qui les conduit à simplifier et à désintensifier (en travail) les systèmes de production. Elles s’éloignent aussi des villages et des zones sous contrôle administratif, s’installant dans les marges, les border regions, afin d’échapper aux différentes formes d’exploitation dont elles sont victimes (corvées, travail obligatoire, etc.). La troisième conséquence est l’augmentation dramatique du poids sur les activités humaines d’un milieu « naturel » désormais hors de tout contrôle, résultat conjoint de la suppression de la fonction de régulateurs écologiques des majumbe (du fait de leur affectation dans le dispositif colonial), de la régression technique des systèmes de production (induite par la dislocation des foyers) et de la désarticulation des zones de culture d’avec la forêt (à cause de la politique des réserves forestières).
70 L’identification des différents acteurs et des stratégies associées amène aussi à pondérer les visions classiques sur l’adhésion des populations rurales à la révolte Maji Maji. Pour Sunseri, cette adhésion n’est pas massive ; elle est essentiellement le fait des majumbe qui tentent de regagner l’autorité perdue en raison du rôle que l’administration leur a assigné. Les populations, quant à elles, persévèrent dans les stratégies de marronnage déjà décrites. Les femmes se tournent vers des rites traditionnels, locaux ou régionaux (comme Kolelo) pour se protéger d’une nature désormais hors de contrôle et ce mouvement mystique est indûment assimilé, par l’administration (et plus tard par les historiens), aux rites associés à la rébellion. La politique aveugle de la terre brûlée menée par les Allemands en réponse à la rébellion va encore exacerber ces bouleversements et conforter les conditions de l’échec de la politique post-Maji Maji de promotion incitative de la production cotonnière paysanne que Sunseri décrit au chapitre IV.
71
On pourrait insister sur certains des points forts de
l’approche développée par Sunseri, comme la prise en compte de l’environnement,
déjà suggérée plus haut, ou l’ancrage de la réflexion dans des études de cas
régionaux (nord-est du pays, Rufiji, Unyamwezi), qui s’inscrit dans la même
logique de rejet des généralisations trompeuses qui préside à l’identification
fine des acteurs sociaux. Je voudrais conclure en rappelant que ces différents
points de vue (politique, socio-anthropologique, agro-écologique, etc.)
trouvent une cohérence dans un modèle historique intelligible qui, s’il reste
évidemment perfectible, stimule indéniablement la réflexion. Un livre qui
devrait donc attirer tous ceux qui, au-delà du Tanganyika allemand,
s’intéressent à un titre ou à un autre à l’histoire coloniale de
l’Afrique.
Jean-Luc Paul
(Université des Antilles)
Notes
-
[1]
M. Twaddle (1974) ; J. A. Rowe (1969 et 1970).
-
[2]
J.D. Mullins (1904).
-
[3]
A. Kagwa (1934 ; 1971).
-
[4]
Une grande partie des sociétés de l’Afrique des Grands Lacs est divisée en catégories célèbres : les Bahima ou Tutsi selon les régions, plutôt spécialisés dans l’élevage et les Bairu ou Bahutu, plutôt spécialisés dans l’agriculture.
-
[5]
Directeur de recherche au C.N.R.S, spécialiste d’archéologie islamique à l’Université de Lyon.
-
[6]
Directeur du patrimoine culturel du Sénégal. Membre du laboratoire d’archéologie-préhistoire de l’IFAN.
-
[7]
M. Brunet, « Toumaï, l’Ancêtre des humains », p. 69-87.
-
[8]
A. Bazzana et Y. Montmessin, « Les norias fluviales de Fès. Approche ethno-archéologique d’une technique médiévale », p. 331-347.
-
[9]
L. Erbati, « Deux sites urbains (ixe-xie). Casbah es Oudayas et Aghmat. Approche comparative », p. 285-293.
-
[10]
A. Ennabi, « Les récents apports de l’archéologie à la connaissance de la Carthage punique », p. 261-265.
-
[11]
J. Polet, « L’émergence de la ville en Afrique subsaharienne », p. 249-259.
-
[12]
B. Kouao-Biot, « Stratégies pour la sauvegarde de sites en danger : les cas de Fafala et de Gohitafl (Côte-d’Ivoire) », p. 383-390.
-
[13]
Konaté Doulaye, « La promotion du patrimoine culturel au Mali, enjeu de développement », p. 391-399.
-
[14]
Gado Boube, « Les systèmes des sites à statuaire en terre cuite et en pierre dans la vallée du moyen-Niger entre le Gorouol et la Mékrou », p. 155-181.
-
[15]
Idem, p. 168.
-
[16]
J.-P. Roset et M. Riahi, « Mise en route d’un programme de synthèse sur la néolithisation et les débuts du néolithique de part et d’autre du Sahara ».
-
[17]
D. Cardon, « Pour une archéologie des textiles en Afrique occidentale et au Maghreb : genèse de l’outillage textile et étude des colorants », p. 307-314.
-
[18]
C. Picard, « Navigation musulmane et chrétienne le long des côtes atlantiques de l’Afrique saharienne », p. 229-238.
-
[19]
H. Bocoum, « Entre Europe et Afrique, de l’incommunicabilité au dialogue », p. 19.
-
[20]
Le titre de Lynn Thomas pourrait être traduit par La Politique de l’utérus, à ceci près qu’en anglais, le terme womb n’est pas exactement synonyme de uterus, puisque womb a une connotation symbolique en plus du sens physiologique. Cf. Nancy Hunt, A Colonial Lexicon of Birth Ritual, Medicalization and Mobility in the Congo, Durham & London, Duke University Press, 1999, p. 33.
-
[21]
Lynn Thomas, « Ngaitana : I will circumcise myself. The gender and generational politics of the 1956 Ban on clitoridectomy in Meru, Kenya », in Nancy Hunt et al., Gendered Colonialisms in African History, Oxford, Balckwell, 1997.