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Article de revue

Les premiers voyageurs étrangers au Burundi et au Rwanda : les « compagnons obscurs » des « explorateurs »

Pages 37 à 72

Notes

  • [*]
    Jean-Pierre Chrétien est directeur de recherche émérite au CNRS, spécialiste de l’histoire de la région africaine des Grands Lacs.
  • [1]
    D. Simpson (1975).
  • [2]
    Voir N. Wachtel (1971).
  • [3]
    L’image laissée par les récits d’exploration est le plus souvent celle de bêtes de somme plus ou moins dégourdies : voir l’illustration 1.
  • [4]
    Il s’agit d’expéditions qui ont pénétré ou approché de près le Rwanda et le Burundi. Les indications chiffrées sur lesquelles nous nous appuyons peuvent se retrouver dans les publications des voyageurs, soit dans leurs préfaces, soit dans les annexes techniques, soit encore au fil de leur récit. On en trouvera la liste dans la bibliographie. Nous ne revenons pas ici sur la personnalité de ces Européens, ni sur l’itinéraire de leurs expéditions.
  • [5]
    PBR [Pères Blancs Rome, archives de la maison générale], Diaire de Muyaga, 13-25/06/1900 ; Diaire de St-Antoine, 21-22/08/1896.
  • [6]
    PBR, Diaire de St-Antoine, 24/05/1900 ; Diaire de Muyaga, 22-25/06/1900. R. Kandt (1919, II : 71-77).
  • [7]
    R. Burton (1862 : 325-333).
  • [8]
    PBR, Capus, Ushirombo, 02/08/1896, PBR, V.A. Uynyanyembe, divers, 4.
  • [9]
    PBR, Diaire de St-Antoine, 31/01/1899.
  • [10]
    O. Baumann (1894 : 38).
  • [11]
    Voir F. Renault (1971, I : 55-57).
  • [12]
    F. Bontinck (1974 : 573). En 1857, Burton et Speke louent auprès du jemadar Yaruk les services de 34 Baluchi venant de la garnison côtière de Kaole : cf. R. Burton (1862 : 23).
  • [13]
    Outre les récits des voyageurs eux-mêmes, voir R.C. Bridges (1970) et D. Simpson (1975). Le témoignage oral est celui de Baruwani, Bujumbura, 14/10/1971 (un ancien soldat des Allemands originaire d’Ujiji).
  • [14]
    Sur les caravanes nyamwezi au milieu du siècle, voir R. Burton (1862 : 294-31). On peut retrouver leur style dans celle de Speke au départ en 1861 (illustration 2).
  • [15]
    [Pères blancs], À l’assaut des pays nègres, Paris, 1884, p. 48-62 et 276-277.
  • [16]
    H.M. Stanley (1874 : 50-52). Sewa Haji y est appelé Hadji Pallou. Sur Taria Topan, cf. F. Bontinck (1974 : 207, note 132).
  • [17]
    O. Baumann (1894 : 3-4). Sur Sewa Haji, voir J.-S. Mangat (1969 : 50-52).
  • [18]
    Selon O. Schloifer (1939 : 63-65).
  • [19]
    R. Burton (1862 : 297) ; H.M. Stanley (1874 : 50-53 et 557) ; O. Baumann (1894 : 3 et 377) ;J.-P. Chrétien (1981 : 936) ; C. Ambrosi et al. (1969, I : 277).
  • [20]
    Emin Pascha (1922, II : 396).
  • [21]
    Mnyampara (pl. wanyampara), chef en second d’une caravane en kinyamwezi, passé en kiswahili, finit par désigner toute autorité subalterne. Kirongozi, du verbe kurongora, « précéder, marcher en tête », signifie le guide en kiswahili. Cf. C. Sacleux (1939-1941).
  • [22]
    O. Baumann, (1894 : 370-376).
  • [23]
    C. Sacleux (1939, I : 154).
  • [24]
    R. Burton (1862 : 440 et 45) ; H.M. Stanley (1874 : 371) ; Emin Pascha (1922 : 373-374) ; [Pères blancs] (1884 : 256) ; J. Marissal (1976, t. I : 53-54). Sungura, originaire de Zanzibar, que les Pères Blancs décrivent en 1879 comme le responsable d’une flottille de pirogues du kabaka Mutesa, lancera en 1880 un boutre sur le lac Victoria. Ce bateau est détruit lors des guerres civiles du Buganda par les troupes du chef catholique Gabriel Kintu en 1889.
  • [25]
    D. Livingstone (1876, t. II, : 18, juillet 1869, et 79-81) ; V.L. Cameron (1878 : 171) ; PBR, Diaire de Rumonge, 03 et 05/10/1879 ; 06, 09 et 14/11/1880 ; 02/02/1881. Bin Gharib fournit aux Pères Blancs un de ses fidèles nommé Yusuf pour leur servir de contremaître. SOAS, archives de la London Missionary Society., C.A., 2.2.B., lettre de Hutley, Kawele, le 29/09/1879.
  • [26]
    O. Baumann (1894 : 74).
  • [27]
    PBR, V.A. Tanganyika, Corr. Randabel, Karéma, 23/09/1885 (C.17, 167) ; G.F. Scott Elliot (1896 : 277) ; J.E.S. Moore (1901 : 154) ; A. Leue, (1903 : 262-274) ; PBR, Diaire de St-Antoine, 26/10 et 28/12/1897. Il est fréquemment appelé Sefu.
  • [28]
    H.M. Stanley (1874 : 387-389) ; D. Livingstone (1876, II : 15).
  • [29]
    AAB [Archives Africaines de Bruxelles], Aff. Etr. E.I.C., 4 : Descamps, Mtoa, 04/08/1895.
  • [30]
    H.M. Stanley (1879, I : 446-454) ; J.H. Speke (1865 : 184-185) ; J.A. Grant (1882 : 127 et 129).
  • [31]
    R. Heremans (1974 : 350-351).
  • [32]
    PBR, Diaire de St-Antoine, 22-28/06/1896, 11/08/1896, 31/01/1899 ; V.A. Unyanyembe, Courrier Muyaga, Astruc, 20/02/1898.
  • [33]
    G.A. von Götzen (1895 : 119-120).
  • [34]
    PBR, Diaire de St-Antoine, 28/01/1899.
  • [35]
    PBR, Diaire de St-Antoine, 28/11/1896.
  • [36]
    Note parue dans Ausland, 1891, 18, p. 354.
  • [37]
    O. Baumann (1894 : 77 et 209).
  • [38]
    N.R. Bennett (1970 : 312-313).
  • [39]
    PBR, Diaire de St-Antoine, 07/07/1896.
  • [40]
    Ibidem, 27/11 et 04/12/1896. Le 3 août 1896, un Muha demande à Van der Burgt d’arbitrer une affaire de sel avec le chef Rumonge.
  • [41]
    Par exemple R. Kandt (1919, I : 63) recruta à Tabora en 1898 un interprète connaissant le « kitussi », c’est-à-dire le kirundi. Voir E. Dahl (1907 : 84-89).
  • [42]
    PBR, Diaire de St-Antoine, 17/12/1896 et 07/08/1900.
  • [43]
    Ibidem, 03/08/1896 et 28/11/1896.
  • [44]
    Cf. J.-P. Chrétien (1975 : 19-25).
  • [45]
    Selon R. Burton (1862 : 292, 418-420), une shuka de cotonnade (l’unité de deux yards, soit environ 1,83 m, permettant de se faire un pagne) vaut alors 1,30 francs sur la côte, prix qui doit être multiplié par 5 dans l’intérieur, soit 6,50 francs. La rangée (kete) de perles bleues vaut à Ujiji trois fois moins et la rangée de perles rouges neuf fois moins à cette époque. Kannena avait aussi reçu de son côté l’équivalent d’un millier de francs. Ces taux étaient très fluctuants et très spéculatifs et ne peuvent donner qu’un ordre de grandeur.
  • [46]
    Ibid, p. 438.
  • [47]
    H.M. Stanley (1874 : 371) ; (1879, II : 15). Les noms des deux guides étaient sans doute Rwango et Mpara.
  • [48]
    O. Baumann (1894 : 77).
  • [49]
    R. Burton (1862 : 416) ; D. Livingstone (1876, II : 11). Voir J. Marissal (1981 : 479-494).
  • [50]
    J.H. Speke (1864 : l99). Voir aussi H.H. Johnston (1903 : 120-145).
  • [51]
    H.M. Stanley (1879, I : 52).
  • [52]
    PBR, Diaire de St-Antoine, 30/07/1896.
  • [53]
    J.-M. Van der Burgt (1902 : 106).
  • [54]
    R. Kandt (1919, I : 10 et 19).
  • [55]
    G.A. von Götzen (1895 : 3-8), O. Baumann (1894 : 5). Voir l’illustration 4 où Baumann pose avec à ses pieds ses deux chefs de caravane.
  • [56]
    H.M. Stanley (1890, I : 190-191). Sauf autres références, indiquées ici, les données sur ces « explorateurs noirs » viennent surtout de l’ouvrage de Simpson mentionné au début.
  • [57]
    G.A. von Götzen (1895 : 3-8 et 158).
  • [58]
    Emin Pascha (1922, II, 358), note de décembre 1877.
  • [59]
    H.M. Stanley (1969) : il s’agit d’une biographie romancée.
  • [60]
    R.C. Bridges (1970 : 107-108).
  • [61]
    PBR, Diaire de Rumonge, 27/06 et 10/07/1879.
  • [62]
    PBR, Diaire de St-Antoine, 22 au 28/06/1896, 28/07 et 28/11/1896.
  • [63]
    V. Roelens (1948, I : 57-66).
  • [64]
    Son nom est orthographié « Mardyani » dans une lettre du Père Bresson, Zanzibar, le 01/01/1890, Missions d’Alger, 1890, p. 684. PBR, Diaire de St-Antoine, 17/12/1896 ; 07/05, 13/09, 04/10, 13/11/1899.
  • [65]
    Ibid, 4 et 07/06/1897 ; 15/06, 28/06, 17/11/1899 ; 19-22/07, 06/10/1900 ; 24/06, 29/07 et 25/08/1905 ; 07 au 16/04/1906.
  • [66]
    Le Belge est l’ancien zouave pontifical Félix D’Hoop venu aider les missionnaires à Rumonge. Le Suisse est le Frère Gustave, de Kibanga.
  • [67]
    Voir l’illustration 5.
  • [68]
    PBR, Diaire de Rumonge, 12/08/1879.
  • [69]
    Abdallah bin Rashid (1901).
  • [70]
    R. Kandt (1919, II : 30).
  • [71]
    Voir P. Ntahombaye (1983 : 42-45 et 180-231).
  • [72]
    Ntavyibuha, Bujumbura, 17/07/1967.
  • [73]
    J.A. Grant (1882 : 56).
  • [74]
    G.A. von Götzen (1895 : 148-151).
  • [75]
    J.-P. Speke (1864 : 231). Le thème du cannibalisme semble être une extrapolation de commentateurs (Cf. Das Ausland, 19/11/1859, p. 1117).
  • [76]
    H.M. Stanley (1879, I : 435).
  • [77]
    C. Oliver (1970 : 79).
  • [78]
    SOAS, District Book de Kigoma (D.B., vol. VII, p. 1-2, « Tribal History and Legends »). R.C.H. Risley, in Tanganyika Notes and Records (1957 : 280).
  • [79]
    Abdallah bin Rashid (1901 : 200, 205, 212).
  • [80]
    Cf. G.A. Von Götzen (1895 : 89) ; H.V. Von Schweinitz (1894), d’après Das Ausland, 1894, 4, p. 63. ; F. Ratzel (1885, I : 479).
  • [81]
    F. Renault (1971, I : 41) ; J.-L. Krapf (1964 : 96).
  • [82]
    D. Livingstone (1876, II : 228).
  • [83]
    H.M. Stanley (1879, I : 431).
  • [84]
    Emin Pascha (1891 : 353).
  • [85]
    Cf. J.-P. Chrétien (1977 : 194-195).
  • [86]
    J.H. Speke (1864 : 11-13).
  • [87]
    H.M. Stanley (1879 : 435).
  • [88]
    J.H. Speke (1864 : 436-437). Nous devons cette indication sur l’importance des sermonnaires populaires au regretté J. Ducatez.
  • [89]
    Lettre de Denoit à Lavigerie, Ouganda, 20/07/1887 (Missions d’Alger, 1888, p. 254-255).
  • [90]
    Voir à ce sujet le témoignage du capitaine K. Herrmann, in Deutsch-ostafrikanische Zeitung, 02/03/1905.
  • [91]
    O. Baumann (1894 : 223).
  • [92]
    Sur la complexité des circulations et des allers-retours entre imaginaires locaux et imaginaires coloniaux et sur le rôle des différents intermédiaires culturels, on pensera aux travaux de Serge Gruzinski (1990).
  • [93]
    Voir J.-P. Chrétien (1994).

1 Les « compagnons obscurs » des explorateurs : nous reprenons ici le titre d’un ouvrage consacré à ces explorateurs noirs qu’ont été en fait les auxiliaires et les intermédiaires des voyageurs européens en Afrique orientale [1]. La période dite des « explorations » se réduit en général au récit des aventures d’une série de héros blancs venus « ouvrir à la civilisation » des « terres inconnues ». À cette occasion pourtant, le monde occidental a aussi été « exploré » dans le regard des populations qui observaient les étranges comportements de ces visiteurs non annoncés ; il y a là aussi une « vision des vaincus [2] ». Mais, ce que l’on oublie encore davantage, c’est que ces personnages qui faisaient la une des magazines de géographie européens ne voyageaient pas seuls. Mettons-nous ici dans la position des habitants du sud de la région des Grands Lacs (Rwanda et surtout Burundi) qui assistent entre les années 1850 et les années 1890 au passage d’une série d’expéditions étrangères où se distinguent des êtres bizarres à peau blanche et aux pieds sans orteils (enveloppés par les souliers), mais comprenant des centaines d’hommes venus tantôt de loin, tantôt de régions voisines déjà connues. Qu’ils aient été recrutés sur la côte de l’océan Indien, aux différentes étapes des expéditions ou au Burundi même, ces gens étaient non seulement les jambes et les épaules des Blancs dont ils transportaient les charges, mais aussi, très souvent, leur regard, sur des chemins qu’eux-mêmes connaissaient déjà, et leur voix, face à des groupes dont ils comprenaient la langue. Dès lors, les Blancs ne marchaient plus tout à fait comme des aveugles (babitabóna, disaient les Barundi), car ils étaient guidés par des voyageurs africains ou asiatiques initiés avant eux à la géographie de la région. Les interrogations et aussi les quiproquos entretenus durant les premières décennies du contact avec l’espace « interlacustre » se sont enracinés dans les informations recueillies auprès de tels intermédiaires, qui sont les précurseurs des collaborateurs de la colonisation [3]. On peut distinguer parmi eux trois catégories, d’influence inégale : les porteurs des caravanes, les réseaux régionaux de colporteurs et le petit groupe des fidèles interprètes des Européens. Un bilan de leur influence idéologique pourra ensuite être proposé.

Illustration 1
Illustration 1
Sharp traversant une rivière « à gué » au sud du lac Kivu.
E.S. Grogan et A.H. Sharp (1900 : 111).

Le personnel des caravanes : wapagazi (les « porteurs »)

2 Les effectifs des expéditions, indiqués sur le tableau qui suit, donnent une première idée de l’importance des auxiliaires africains [4].

Effectifs des caravanes « d’exploration » en région des Grands lacs

Explorateur Année du recrutement Nombre Observations
Burton 1857 132
Speke 1861 176
Stanley 1871 200 54 à partir de Tabora
Stanley 1874 230
1re Caravane des Pères Blancs 1878 460 130 à partir de Tabora
Baumann 1892 220 138 au Burundi
Von Götzen 1894 239 620 avec femmes,
362 à Ushirombo
Scott Elliot 1894 40 À partir du lac Edouard
R.P. Van der Burgt 1896 77
R.P. Van der Burgt 1898 86 À partir d’Uzumbura
Kandt 1898 175
Kandt 1898 40 À partir d’Uzumbura
R.P. Van der Burgt 1899 125
Moore 1899 100
R.P. Van der Burgt 1900 17 Au départ de Mugera
Mgr Hirth 1900 162 Et un renfort de Bashubi
Decle 1900 250 À Uzumbura, 212 à Muyaga
R.P. Van der Burgt 1904 30 À Uzumbura

Effectifs des caravanes « d’exploration » en région des Grands lacs

3 Les plus grands nombres de porteurs (wapagazi en kiswahili), de 150 à 250 environ, s’observent dans les grandes caravanes organisées sur le littoral de l’océan Indien. À l’arrivée dans la région des lacs (Victoria et Tanganyika), au moment où de nouvelles équipes doivent être recrutées et où les paquets ont diminué, les effectifs se réduisent. Les porteurs de l’Autrichien Oscar Baumann ne sont plus que 138 à son arrivée au Burundi, mais ils ont été renforcés d’un certain nombre de chasseurs d’éléphants banyamwezi et il faut ajouter les nombreuses femmes de porteurs qui les accompagnent. La suite du comte Von Götzen qui se monte, en comprenant les femmes, à 620 personnes sur la côte, n’est plus que de 362 unités au départ d’Ushirombo (en Unyamwezi). Lors de ses deux entrées au Burundi, en 1896 et en 1899, le Père Van der Burgt n’est accompagné que d’une centaine de personnes, comme le naturaliste J.H.E.S. Moore en 1899. Quant aux recrutements effectués au Burundi même, notamment au nord du lac Tanganyika, ils sont en général encore plus modestes : quelques dizaines en général. Le journaliste Lionel Decle fait scandale à Muyaga en exigeant 170 porteurs. Les Barundi étaient très réticents à se laisser enrôler par des étrangers dont ils ne connaissaient rien et pour des itinéraires lointains qui les inquiétaient. En outre, comme l’observe le Père Van der Burgt en 1896, ils n’avaient pas l’habitude de porter des fardeaux sur les épaules comme les Banyamwezi, mais seulement sur la tête, ce qui les faisait rechigner aux colis trop gros [5].

4 Devant l’absence de candidats spontanés, les recrutements devaient parfois s’effectuer sous la contrainte, avec la complicité de chefs amenés bon gré mal gré à répondre aux exigences des Européens. En mai 1900, on voit ainsi le Père Van der Burgt exploiter la bonne volonté de deux petits batware (chefs) voisins de sa mission de Mugera. En juin suivant, à Muyaga, Lionel Decle joue de la double autorité de ses fusils et de la mission où il campe pour forcer dix chefs des environs à lui fournir 162 corvéables destinés à renforcer la cinquantaine de porteurs qu’il a amenés avec lui. Le docteur Richard Kandt, bloqué à Uzumbura de septembre à décembre 1898 par ce problème de portage, nous en donne, selon son habitude, une description particulièrement colorée : la caravane qui l’avait accompagné jusqu’au lac Tanganyika depuis Tabora s’étant disloquée et presque tous ses porteurs ayant regagné Ujiji par bateau, il s’emploie à les remplacer par des recrues locales. Ses efforts restant vains malgré l’appui de la station militaire allemande, il doit finalement faire venir 17 hommes de Tabora et se contenter de 6 porteurs et de quelques domestiques recrutés sur place [6].

5 Ce genre de difficultés revient comme une antienne dans les récits d’explorations. Richard Burton par exemple nous fait part de son impatience quand à Tabora, en novembre-décembre 1857, ses porteurs le quittent ou bien cherchent à régler leurs affaires avant de repartir : revendications, criailleries, disputes et négociations n’en finissent plus, qu’il s’agisse des salaires, des rations quotidiennes de nourriture (le posho), de l’heure des départs ou des sites de campement [7]. Dans une certaine mesure, les premiers Européens qui s’aventurèrent dans les montagnes du Burundi se virent épargnés par ces difficultés pendant quelques semaines, justement parce que leurs porteurs, aussi inquiets qu’eux-mêmes durant la traversée d’un pays qui leur était également inconnu, serraient les rangs, prêts à toute éventualité, comptant sur les armes et l’esprit de décision de leur patron et de ses guides. Néanmoins, beaucoup désertaient à la veille d’y pénétrer : le Père Capus eut à s’en plaindre au Bushubi en juillet 1896 [8] ; en janvier 1899 encore, le Père Van der Burgt déplore, à son entrée à l’est du Burundi, la fuite de 55 porteurs d’origine sumbwa ou ngoni [9]. Et même Oscar Baumann, malgré toute l’autorité qu’il avait établie sur sa troupe, dut affronter une fronde de ses askari (tirailleurs mercenaires) qui lui demandaient, près de la rivière Kanyaru, de revenir en arrière [10]. Baumann se flatte de les avoir convaincus par quelques arguments « frappants » de continuer à le suivre dans son Anabase. On pourrait multiplier les exemples de tels incidents. Leur évocation doit rappeler que le personnel de ces expéditions a aussi sa part d’initiative et que la caravane, avec les soucis qu’elle apporte, représente une sorte d’écran entre le voyageur européen et les habitants des contrées visitées.

6 Trois ensembles ethniques ont fourni l’essentiel du personnel de ces caravanes : d’abord les différents groupes swahilisés du littoral de l’océan Indien, qualifiés souvent de Wamrima, et que l’on retrouve dans toutes les expéditions vers les lacs ; ensuite les Banyamwezi, forts de leurs traditions de colportage, notamment les Basukuma et les Basumbwa, venus des régions situées au sud et au sud-ouest du lac Victoria (avec Burton et Speke, Stanley, von Götzen, Van der Burgt, Mgr Hirth…) ; enfin plusieurs peuples des environs du lac Nyassa (Yao, Makua, Bangindo, par exemple chez Stanley en 1871 ou chez Richard Kandt). Dans les années 1890, d’autres populations de la région des lacs jouent un rôle croissant, tels que les Basubi (avec Van der Burgt ou Mgr Hirth) et les groupes ngoni installés au sud-ouest du lac Victoria (avec Van der Burgt et Lionel Decle). Certains personnels des caravanes, notamment les gardes armés, dénommés tantôt askari (terme swahili dérivé du persan lashkar, « soldat »), tantôt ruga-ruga (selon le modèle des guerriers-aventuriers qui s’étaient multipliés en pays nyamwezi dans les années 1860-1880) [11], se recrutaient en partie dans les ethnies déjà mentionnées, en partie dans des régions plus lointaines : des Béloutches (Baluchi) dont quelques milliers avaient été enrôlés au milieu du xixe siècle dans les troupes du sultan de Zanzibar et qui, une fois démobilisés, s’employaient au service des marchands itinérants arabes sous la conduite d’un jemadar[12] ; des Hottentots, fournis à Speke en 1862 par le gouverneur du Cap ; des Soudanais de Haute Nubie recrutés à partir des années 1890 sur les côtes de la mer Rouge à la suite de l’effondrement du mouvement mahdiste (par exemple ceux rassemblés par Baumann à Massawa ou ceux ramenés par Emin Pacha en 1891) ; des Somali (quelques serviteurs de l’expédition von Götzen). D’après certains vieux Barundi, ce panorama ethnique était encore celui des premières expéditions allemandes arrivées en Imbo à partir de 1896 : des Banyamwezi, des Baha, des Bajiji et des soldats nubiens [13]. Dans l’ensemble, il s’agissait des populations qui avaient été parmi les premières à établir des contacts avec les Européens du fait de leur situation géographique, de leurs activités commerciales ou d’évènements politico-militaires, et qui par ailleurs étaient en relation avec les côtes de l’océan Indien. Beaucoup de ces recrues des caravanes étaient plus ou moins en rupture avec leur milieu villageois et lignager d’origine : elles incarnaient donc un milieu africain contrastant très vigoureusement avec les Barundi ou les Banyarwanda enracinés sur leurs montagnes.

figure im2
Emile Mworoha (dir.), Histoire du Burundi. Des origines à la fin du xixe siècle, Paris, Hatier, 1987, p. 241.

7 Une étude fine, sociale et culturelle, du monde des caravanes est-africaines du xixe siècle serait à faire. On semble être passé de la sociabilité extra-lignagère, peu éloignée de celle des classes d’âge ou des confréries d’initiés, qui animait les expéditions annuelles des colporteurs banyamwezi jusqu’à la côte, à une organisation de type quasi militaire remodelée selon les normes du sultanat de Zanzibar ou des colonnes coloniales, comme on peut l’observer dans la discipline des caravanes menées par Oscar Baumann ou par le comte von Götzen à l’ombre des trois couleurs noir-blanc-rouge du Reich allemand. Le trait socio-économique le plus net durant toute la période qui va des années 1850 aux années 1890 est la mainmise de négociants arabes et surtout indiens sur les recrutements de porteurs au départ de Bagamoyo [14].

Illustration 2
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La caravane de Speke au départ en 1861 ; gravure tirée de J.H. Speke (1865 : 39).

8 Nos « explorateurs », une fois arrivés à Zanzibar, cherchent évidemment à bénéficier de l’appui de leurs compatriotes : Burton et Speke vont voir le consul britannique, Stanley le consul américain, les Pères Blancs le consul français, Oscar Baumann les agents de la Deutsch-ostafrikanische Gesellschaft. Des firmes commerciales européennes sont certes représentées : les négociants Rabaud ou Greffulhe de Marseille, l’Américain Masury de Salem, la maison O’swald de Hambourg sont cités ici et là. Mais on peut relever que les voyageurs sont aiguillés rapidement vers les véritables spécialistes de la constitution des caravanes : choix des cotonnades, des perles et des fils de laiton destinés à négocier les approvisionnements en cours de route et surtout enrôlement des porteurs. Ces entrepreneurs en caravanes sont des Asiatiques. Les Pères Blancs eux-mêmes, malgré l’aide que peuvent leur apporter en 1878 les Spiritains de Bagamoyo, doivent recourir à des hommes d’affaires musulmans. Une fois parvenus à Tabora, ils ne pourront continuer que grâce à l’intervention du fameux marchand arabe Said bin Habib, lui-même lié financièrement à deux négociants indiens de Zanzibar qui agissent pour le compte des missionnaires [15]. Dans certains cas, ce sont des esclaves qui sont loués, par exemple ceux que Burton et Speke se procurent auprès du Banian Ramji, un commis de la douane de Zanzibar, pour la modique somme de 30 dollars par porteur et pour une période de six mois (un prix supérieur d’au moins 30 % au tarif normal du portage !). Dans la plupart des cas, cependant, il s’agit d’hommes libres, gens de la côte ou Banyamwezi en quête d’une charge de retour chez eux, rassemblés par les soins de l’entrepreneur.

9 Les deux organisateurs les plus réputés de l’époque – une réputation souvent présentée comme exécrable par les Européens – sont les Khoja ismaëliens Taria Topan, le financier du sultan Said Bargash, et surtout Sewa Haji Paroo, protégé du précédent. Sewa Haji est décrit par Stanley en 1871 comme un jeune homme particulièrement avide de gain : « Ce garçon de vingt ans m’a donné plus de fil à retordre que tous les escrocs de New York n’en donnent à la police [16] ». Vingt ans plus tard, alors que Sewa Haji organise à Bagamoyo des caravanes pour son compte et pour des voyageurs de toutes nationalités (Anglais, Français, Belges de l’État Indépendant du Congo, Allemands), qu’il a des agents à Tabora et à Mwanza et une grande factorerie à Bukumbi, au sud du lac Victoria, Oscar Baumann explique qu’il a eu suffisamment affaire à lui en 1888 pour son expédition en Usambara, car ce trafiquant exige 15 à 20 roupies par mois [17]. Les Européens essaient donc de se passer parfois de ces intermédiaires, tel Baumann en 1892, en s’efforçant notamment de retrouver les caravanes utilisées par leurs prédécesseurs : Stanley en 1878 récupère des porteurs qui avaient déjà servi pour Speke dix ans plus tôt. Von Götzen en 1894 reprend ceux que l’officier Otto Schloifer avait utilisés deux ans auparavant au nom du Comité antiesclavagiste allemand [18].

10 Le statut socio-économique des porteurs les distinguait dans tous les cas des paysans restés à l’écart des circuits monétaires. Selon Burton, au milieu du xixe siècle, les Banyamwezi se faisaient payer l’équivalent d’une dizaine de dollars (c’est-à-dire de Thaler de Marie-Thérèse, la monnaie de compte de l’Afrique orientale) pour se rendre de la côte à la région de Tabora, soit environ 50 francs français de l’époque. En 1871, Stanley dut payer à Sewa Haji l’équivalent de 12,50 dollars pour le trajet de chaque porteur jusqu’à Tabora, soit 66 francs, un montant dont il faut déduire de 15 à 20 francs de profit pour l’Indien, ce qui laisse 45 à 50 francs par porteur. En 1892, Oscar Baumann affirme que le tarif est de 10 roupies par mois (compte non tenu des bénéfices des négociants) : comme le trajet de Tabora demandait trois mois, il devait coûter au voyageur 30 roupies, soit 48 francs. Les estimations sont étonnamment stables durant cette quarantaine d’années, puisque la fourchette n’est que de 40 à 50 francs pour l’itinéraire Bagamoyo – Tabora. Comme il fallait ajouter à ce prix les frais de nourriture, estimé par Stanley en 1871 à environ 20 % de supplément, le salaire représentait un profit net pour le porteur. Pour nous faire une idée, comparons ces rémunérations avec celles des ouvriers européens de l’époque : dans les années 1870-1880, ces salaires s’élevaient à environ 3 francs par jour en France, c’est-à-dire à peu près 90 francs par mois. Avec 15 à 16 francs par mois, les porteurs est-africains gagnaient donc six fois moins que ces travailleurs. Mais on notera deux points permettant de donner à la comparaison sa dimension réelle : à la veille de la Première Guerre mondiale, les porteurs employés par la société allemande des salines de l’Uvinza (la Central-afrikanische Seengesellschaft) gagnaient 3 à 4 roupies par mois, soit au mieux 3,70 francs, c’est-à-dire, dans ce cadre strictement colonial, moins d’un quart de la rémunération de leurs collègues de l’âge des « explorateurs » ; d’autre part, dans une situation de grande rareté de la monnaie et des denrées de commerce lointain, les porteurs pouvaient faire figure de « richards » aux yeux du milieu villageois. Ajoutons que les traitements des responsables africains de la caravane pouvaient déjà se rapprocher plus sensiblement de ceux des travailleurs européens : Bombay, chef de l’escorte armée de Stanley en 1871 (et sur lequel nous reviendrons), reçut 80 dollars pour une année, soit près de 37 francs par mois, représentant 40 % d’un salaire ouvrier français de l’époque [19].

11 Les trois gravures publiées par Stanley, ici reproduites sur l’illustration 3, visent à rappeler qu’une « exploration » n’est pas tant l’affaire du « héros » européen qui la commande, avant de la raconter outre-mer, que celle d’une chaîne de partenaires, depuis le riche marchand indien de Zanzibar jusqu’aux humbles porteurs qui pataugent dans les gués des rivières et pour lesquels l’arrivée sur les bords du Tanganyika était plus un immense soupir de soulagement qu’une émotion esthétique. Mais une caravane était un monde non dénué de hiérarchies : simples porteurs avec leur fardeau d’une trentaine de kilos, gardes équipés d’armes à feu, techniciens (tailleurs, bergers ou muletiers), cuisiniers, tambour et porte-étendard, responsables des équipes et, au sommet, le ou les chefs de caravane, héritiers du kirongozi des expéditions commerciales nyamwezi. Ce « guide » se distinguait par certains insignes, notamment une coiffure de plumes et une peau de singe, mais aussi, et de plus en plus, une étoffe écarlate qu’il porte drapée ou parfois enroulée en turban. Le choix du guide en chef, souvent différent du kirongozi chez nos voyageurs, était très important. Burton et Speke reçurent du sultan de Zanzibar un Arabe (en fait un métis) de Kilwa nommé Said bin Salim al Lamki, qui devint plus tard gouverneur de la communauté zanzibarite de Tabora [20]. En 1871, Stanley avait comme kirongozi un Mswahili nommé Hamadi, mais les vrais guides étaient Bombay et Mabruki, dont nous reparlerons. Baumann distingue deux wanyampara[21] en assimilant le premier, un certain Mzimba bin Omari, à un Feldwebel (adjudant) de l’armée allemande, tandis que le second, doté d’une belle prestance, est défini comme kirongozi.

Illustration 3
Illustration 3
Trois visages d’une exploration : le porteur noir, le « héros » anglo-saxon et le marchand indien. Gravures tirées de H.M. Stanley (1879, I : 57 ; 1874 : 109 et 32).

12 En guise de première conclusion sur ces explorateurs noirs, imaginons un moment la caravane qui se présenta au Burundi en septembre 1892 avec Baumann, le premier Européen qui ait traversé le pays. Les 138 personnes qui accompagnaient ce Blanc que les gens appelèrent ensuite Bakari se répartissaient ainsi [22] :

  • 2 wanyampara
  • 1 interprète
  • 15 askari (dont un Soudanais)
  • 25 ruga-ruga
  • 3 askari-artisans (cordonnier, tailleur, scribe)
  • 2 bergers
  • 87 porteurs (recrutés à Bagamoyo, Tanga, Pangani, Mtangata)
  • 1 tambourinaire
  • 1 clairon
  • 1 serviteur-cuisinier.
S’y ajoutait un certain nombre de chasseurs d’éléphants et de bergers massaï. À cette époque où la mainmise coloniale se précise, une caravane d’exploration ressemble très fortement à une expédition militaire (ici un tiers de l’effectif). Vingt ans plus tôt, les Burton et les Stanley devaient s’inscrire dans le réseau des trafics commerciaux et renouveler une grande partie de leur personnel à Tabora. Les nouvelles recrues étaient prises dans des populations voisines du Burundi, dont le rôle ne fut pas négligeable pour ces premiers contacts.

Les intermédiaires locaux : wacuruzi (les « colporteurs »)

13 À l’ouest de Tabora, que ce soit sur la route du Buganda (à l’ouest du lac Victoria) ou sur celle du lac Tanganyika (vers Ujiji), les voyageurs européens avaient la possibilité de rencontrer des marchands africains de la région que leurs activités de colportage avaient déjà conduits sur les frontières du Burundi ou du Rwanda Ces colporteurs étaient appelés en kingwana, le kiswahili de l’intérieur du continent, des wacuruzi (du kiswahili kucuuza, faire le petit commerce de revente) [23].

14 Il ne faut pas oublier que les premiers renseignements sur les Grands Lacs étaient venus des marchands : le Munyamwezi Lief bin Saïd dont le témoignage fut publié par les « géographes en fauteuil » de Londres Cooley et Macqueen ; Bana Kheri, le Mswahili de Mombasa que Krapf et Rebmann recrutèrent comme guide en 1847 ; l’Arabe Snay bin Amir qui accueillit Burton et Speke à Tabora en 1857-1858 et auprès de qui Burton recueillit au retour une masse d’informations sur la région ; Hamed bin Sulayman que Speke alla, en vain d’ailleurs, consulter dans l’île de Kasenge (au nord-est de l’actuelle ville de Kalémié au Zaïre) en mars 1858 à propos du cours de la rivière Rusizi ; ou encore Hamed bin Ibrahim qui fut interrogé par Stanley à Kafuro sur la géographie du Rwanda en février 1876…

15 Sur les rives du Tanganyika, nos voyageurs se trouvent en fait mêlés à la vie, aux expéditions et aux calculs des réseaux mercantiles zanzibarites centrés sur la factorerie d’Ujiji. Nous en donnerons deux exemples que nous pouvons dénommer d’après les marchands les plus importants signalés dans les récits d’exploration, à savoir le réseau de Said bin Majid al Maamri et celui de Mohammed bin Gharib. Le premier est un Arabe dont une expédition armée vers le comptoir d’Uvira en avril 1858 offrit à Burton et Speke l’occasion de se rendre au nord du lac dans une pirogue louée chez les Bajiji. À Uvira, ils rencontrèrent effectivement deux agents de cet Arabe, les jeunes Majid et Bakari, qui allaient embarquer de l’ivoire. En novembre 1871, c’est encore à lui que Stanley s’adressa pour louer une pirogue afin d’explorer le delta de la Rusizi avec Livingstone. En janvier 1878, un Mswahili nommé Sungura, devenu un marchand important sur les côtes du lac Victoria et qu’Emin Pacha rencontre à la cour royale du Buganda, se flatte d’avoir servi de guide à Burton et Speke lors de leur visite à Uvira : Burton et Speke ne le citent nulle part dans leurs ouvrages, mais lui ne les avait pas oubliés vingt ans plus tard. Sans doute faisait-il partie de l’expédition commerciale de Said bin Majid [24].

16 Le deuxième personnage, Mohammed bin Gharib, surnommé Kolokolo (« Dindon »), est un Mrima qui était devenu familier des pistes du Maniéma et du Katanga dans les années 1860 et qui, à ce titre, put servir de guide à Livingstone à l’ouest du lac, notamment en 1869. Dix ans après, nous le retrouvons, lui ainsi que son frère Mwinyi Hassani, à Ujiji au moment où les premiers missionnaires y parviennent. Le Père Deniaud les décrit comme des Waswahili déjà âgés et devenus très influents. Hassani est le secrétaire de Mwinyi Kheiri, un autre Mrima devenu le chef du comptoir zanzibarite. Les deux frères font essentiellement le commerce de l’ivoire avec les régions situées au nord-ouest du lac (chez les Barega et les Babembe, et au comptoir d’Uvira) et ils s’emploient à freiner la curiosité des missionnaires dans cette direction, en particulier celle de l’Anglais de la London Missionary Society, Edward Hore [25]. Autrement dit, les explorateurs passent, les marchands restent, au moins jusqu’à la fin du siècle, et les services rendus par les seconds aux premiers, si importants au début, se sont faits plus mesurés quand les Européens manifestèrent la tendance à se fixer dans leur aire d’influence. Ces rapports débouchèrent sur une tension nettement politique dans les années 1880-1890, à l’époque de Rumaliza : en 1887, ce nouveau leader arabe d’Ujiji décourage Hermann Wissmann de poursuivre vers le nord du lac ; en 1890, il organise pratiquement lui-même l’expédition de l’Anglais Alfred Swann dans cette direction. On peut noter, cependant, que par-delà les péripéties de la conquête coloniale certains s’installèrent dans le rôle d’auxiliaires des Européens tout en continuant leur activité commerciale. En 1892, Oscar Baumann rencontre au Rusubi un Arabe nommé Rachid, qui est devenu l’agent du commerçant irlandais Charles Stokes après avoir connu jadis Burton et Speke [26]. Mais l’exemple le plus typique d’une telle évolution est celui de Sef bin Rachid qui, après avoir été employé très jeune comme caravanier par l’Association Internationale Africaine et avoir géré la station de Karéma à la veille de sa cession aux Pères Blancs (en 1885), eut plusieurs fois l’occasion de mettre le boutre qu’il avait acquis au service des voyageurs européens et de les approvisionner : le Britannique Scott Elliot en 1894, le capitaine Leue en 1895, le capitaine Ramsay en 1896, Moore en 1899 et beaucoup d’autres se félicitent successivement de son appui [27].

17 D’une manière générale, ce que nous voulons souligner, c’est le rôle de ce milieu mobile par excellence et curieux de tout, dans la diffusion des informations. Ces dernières, mêmes fantaisistes ou réservées, sont souvent utilisées par les « explorateurs » comme plus fiables que celles des « indigènes ». On voit Stanley et Livingstone de passage chez le chef Mukamba au Burundi, prêter spécialement attention aux dires d’un mngwana qui prétend les informer sur les conflits locaux et sur la géographie de la région [28], alors qu’il raconte des sottises sur le cours de la Rusizi, que rectifient aisément les témoignages des autochtones. D’un autre côté, et on risquerait de l’oublier, des renseignements sur les explorateurs sont colportés par ce milieu swahili le long des itinéraires commerciaux et au sein des populations qu’il fréquente. En 1895, c’est à l’ancien centre ngwana de Rubenga qu’un officier belge entend parler du passage d’un Européen (Von Götzen) au Rwanda [29]. Ces intermédiaires culturels ne sont pas seulement des porteurs de nouvelles, ils véhiculent aussi des idées et nous aurons à revenir sur leur rôle idéologique.

18 Cependant, les Waswahili ou les Arabes suivaient eux-mêmes des pistes plus anciennes et s’inséraient dans les échanges régionaux. Les contacts avec les Barundi ou les Banyarwanda furent d’abord assurés par leurs voisins qui se firent les relais des gens de toutes origines venus de la côte orientale. On peut distinguer parmi eux quatre niveaux de relations, en fonction des distances non seulement géographiques ou économiques, mais aussi culturelles, ce qui fait ressortir le rôle éminent des piroguiers bajiji.

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J. P. Chrétien, L’Afrique des Grands lacs. Deux mille ans d’histoire, Paris, Aubier, 2000, p. 382.

19 On observe d’abord à l’est de la région, des groupes ou des localités qui représentent des carrefours de produits et de marchands, mais aussi de nouvelles, et qui en renvoient l’écho auprès de tous les voyageurs. Il y aurait bien sûr beaucoup à dire sur la place de Tabora de ce point de vue. Mais les récits des « explorateurs » mettent aussi en valeur, plus près de la région qui nous intéresse, le rôle du Rusubi et du Karagwe, sur l’axe commercial qui mène au Buganda. Il y a notamment ce que Stanley appelle en 1876 la « société de géographie du Karagwe » (après Speke et Grant en 1861), à la cour royale de Bweranyange, non loin de la factorerie swahili de Kafuro : des colporteurs venus d’un peu partout – Banyambo, Zanzibarites, Baganda, Banyoro, Bashubi, Baha, Banyarwanda des bords de la Kagera – leur dirent plus ou moins complaisamment tout ce qu’ils croyaient savoir sur les pays situés plus à l’Ouest et en particulier sur le Rwanda [30]. La politique de la monarchie rwandaise sous le mwami Rwabugiri donne toute leur signification à de tels centres, puisque, les étrangers se voyant interdire l’accès du pays, les échanges devaient être effectués sur des marchés extérieurs par les soins de caravanes contrôlées par des chefs de l’est du Rwanda (notamment ceux du Gisaka). Les produits exotiques (perles et cotonnades) étaient achetés au Karagwe ou au Rusubi. Il en va de même pour les rapports politiques : d’après Alexis Kagame, Rwabugiri envoya des délégués chez le roi Rumanyika du Karagwe pour s’informer sur les Européens avant de décider de l’accueil éventuel qui devrait leur être réservé [31].

20 Au Burundi, du moins sur les frontières orientales et occidentales du pays, des étrangers pouvaient pénétrer. Il était possible, à la fin du xixe siècle, de rencontrer des colporteurs ou des aventuriers susceptibles de fournir des témoignages directs sur ce pays. À l’Est, les Basumbwa contribuent largement à articuler le réseau commercial nyamwezi, auquel ils appartiennent, avec celui des colporteurs burundais. Cette population reste malheureusement très peu étudiée. Mais nous trouvons de nombreux Basumbwa dans les caravanes organisées à partir de Tabora ou surtout d’Ushirombo, où une mission catholique a été établie, dans leur pays, en 1891. En juillet 1896, c’est surtout parmi eux que les Pères Van der Burgt, Capus et Van den Biesen ont recruté leurs porteurs, y compris le responsable de la colonne, un certain Mugwanyuma. En janvier 1899, les Pères Van der Burgt, Van der Wee et Desoignies arrivent également à l’est du Burundi suivis de dizaines de Basumbwa. Et – cela est plus étonnant –, en février 1898, lorsque Van der Burgt quitte cette fois Uzumbura pour traverser le Burundi d’Ouest en Est, c’est encore des ressortissants de cette ethnie qui l’accompagnent, leur activité commerciale les ayant attirés jusque sur les bords du Tanganyika à l’ombre des Zanzibarites ou des Européens [32]. C’est aussi à Ushirombo que Von Götzen rencontre en 1894 un guide nommé Mugusagusa qui avait déjà commercé au Rwanda [33]. D’autres groupes peuvent aussi être mentionnés : les Basubi et les Bangoni déjà évoqués, et également les Barongo, un groupe clanique réputé pour ses forgerons et que l’on rencontrait, dispersé, chez les Bazinza, les Basumbwa et les Baha du Nord. L’un des guides de Van der Burgt en janvier 1899, qui était un Murongo, lui raconta qu’il avait déjà été au Rwanda dans une délégation envoyée par le roi Nkanza du Buyungu (Buha du nord) auprès du mwami Kigeri [34]. Un nombre important de Bangoni sont aussi avec Van der Burgt en 1896 et en 1899.

21 À l’Ouest, certaines populations habituées aux échanges sur les rives du Tanganyika avant d’être maltraitées, voire disloquées, par la traite esclavagiste, fournissaient également des éléments prêts à se mettre au service des expéditions arabo-swahili ou européennes. Il s’agit notamment des Bavira et des Babwari dont les pirogues étaient réputées et qui circulaient entre les deux rives du lac, soit pour la pêche, soit pour le commerce. En novembre 1896, Van der Burgt note que sept Babwari l’ont suivi depuis Ujiji jusqu’en Uzige et que deux ménages de Bavira rencontrés à Uzumbura veulent aussi s’attacher à lui [35]. Les Pères Blancs de Rumonge, entre 1879 et 1881, reçurent aussi la visite fréquente de ressortissants de la presqu’île d’Ubwari qui essayaient de commercer avec eux et qui les informaient sur la rive ouest du lac.

22 À un troisième niveau, nous trouvons des relations plus étroites encore avec le Burundi et le Rwanda, lorsque les affinités culturelles s’ajoutent à la fréquentation commerciale et en particulier quand une intercompréhension quasi immédiate existe sur le plan du langage. Il faudrait considérer la carte de la région des Grands Lacs en oubliant les frontières des royaumes pour lire en filigrane les grandes démarcations linguistiques. Les voyageurs étrangers appréciaient par exemple le fait que le runyoro, le rutoro, le ruhaya et le runyambo, c’est-à-dire toutes les langues parlées du lac Luta Nzige (futur lac Albert) à la Kagera et au sud-ouest du lac Victoria, constituaient une entité homogène : c’est ainsi qu’un interprète nommé Makjera recruté par Emin Pacha au nord du Bunyoro a pu ensuite s’entretenir même avec des Bahima (sans doute originaires du Karagwe) installés dans la région de Tabora [36]. De même, le Burundi appartient, comme on le sait, à un espace linguistique englobant aussi le Rwanda et le Buha, voire le Bushubi (malheureusement à peine étudié) qui semble être au carrefour d’influences zinza et rundi [37]. Les Baha en particulier menaient un commerce important avec les Barundi : exportations de houes et de sel, importations de bétail ; or le giha, notamment dans son lexique, apparaît comme plus proche du kirundi que ne l’est même le kinyarwanda. C’est auprès de Bashubi (gens dits du « West Usui ») et de gens du Buha du nord que Stanley recueille en 1876 le plus de renseignements dignes de foi sur le lac Kivu et la Rusizi [38]. En juillet 1896, Van der Burgt et ses collègues établissent les premiers contacts avec le chef Rumonge à l’extrême ouest du Burundi par l’intermédiaire d’une délégation composée d’un Musumbwa et de deux fidèles du mwami du Buyungu (Buha du nord) [39]. En outre, les Bamoso (de l’est du Burundi) qui pratiquaient aussi le commerce du sel et des chèvres, étaient culturellement très proches des Baha, ce qui facilitait encore les relations de ce côté-là. Cinq Bamoso suivirent même Van der Burgt jusqu’à Uzumbura, sans doute avec des arrière-pensées mercantiles. Les missionnaires se trouvèrent en effet impliqués sans toujours s’en rendre compte dans les relations et les conflits de ce milieu marchand de la frontière orientale du pays [40]. Une catégorie s’avéra très utile dans les premiers temps aux missionnaires-explorateurs : il s’agit des groupes de pasteurs batutsi installés en Unyamwezi et dont la mission d’Ushirombo avait su attirer à elle certains éléments. Beaucoup d’entre eux étaient originaires du Burundi, du Buha ou du Bushubi [41]. Le Diaire de Saint-Antoine cite par exemple un Mututsi chrétien, prénommé Herman, devenu l’un des « suivants » des Pères Blancs d’Ushirombo et qui rend visite à plusieurs reprises à leurs confrères du Burundi, en 1896 et en 1900 [42]. On peut se demander si ce n’est pas également le cas de ces trois « chrétiens warundi d’Ushirombo » qui accompagnent Van der Burgt en 1896 sur les bords de la Ruvubu, puis en Uzige (nord du lac Tanganyika), et qui fraternisent de façon particulièrement chaleureuse avec leurs compatriotes à leur arrivée [43]. Mais ces guides exceptionnels semblent avoir été rares.

23 Ceux qui ont joué un rôle de premier plan sont les Bajiji. Ils rassemblent en effet dans leur communauté les trois niveaux de relations que l’on vient d’analyser : Ujiji est un centre accueillant des marchands barundi depuis longtemps ; des Bajiji vont commercer eux-mêmes au Burundi, notamment pour y acheter de l’huile de palme en échange du sel venu de l’Uvinza ; enfin leur langue, qui n’est autre que le giha, leur permet de comprendre sans difficulté la population. Il faut y ajouter les facilités de circulation sur le lac, vu leur expérience en matière de navigation [44]. C’est à Ujiji que Stanley en 1871 et 1876, comme tous les autres voyageurs, rassemble le plus de données sur le Burundi. C’est là que Burton ou le Père Deniaud se procurent des rameurs. Burton décrit leur vivacité et leur maîtrise, tout en déplorant leur fantaisie, leurs trafics (des ballots de sel sont chargés dans les deux pirogues louées par lui-même et par Speke) et leurs tarifs prohibitifs : les deux équipages, 55 rameurs en tout, et leur « capitaine » (le nahoda) reçoivent 80 shuka de cotonnades, 170 kete de perles bleues et 40 kete de perles rouges (sans parler du prix de la location des pirogues réglé au chef Kannena). Les récriminations de l’ « explorateur » ne nous semblent d’ailleurs pas justifiées car, d’après les calculs que nous pouvons effectuer sur la base des chiffres fournis par Burton lui-même, l’ensemble de ces denrées représentait l’équivalent d’un millier de francs français (prix d’Ujiji), soit quelque 17 francs par rameur pour une expédition d’un mois : guère plus que le tarif des porteurs analysé plus haut. Burton affirme que les « Arabes » quant à eux n’ont à payer qu’une shuka de cotonnade (environ 6 à 7 francs) pour se rendre à Uvira, mais sans préciser si ce montant inclut le retour [45]. Les Européens se trouvaient simplement en présence d’une population habituée aux marchandages et dont ils pouvaient difficilement se passer. Les piroguiers bajiji prolongeaient en quelque sorte sur le lac Tanganyika l’axe caravanier tracé depuis Bagamoyo. C’est grâce à eux que les Waswahili, avant les Européens, purent s’implanter au nord du lac, à la recherche d’ivoire dans une région jusque-là réputée pour ses palmiers à huile. Ce ne sont pas seulement des rameurs (ou des porteurs entre Tabora et le Tanganyika, comme ceux recrutés par Stanley en 1871) que nos « explorateurs » cherchent parmi eux, mais aussi des guides et des interprètes, des hommes connaissant les rivages burundais et capables de s’exprimer aussi bien en giha-kirundi qu’en kiswahili. Burton et Speke s’offrent les services d’un guide local nommé Saifu au prix de 8 shuka et de 27 livres de verroterie [46]. Stanley et Livingstone recrutent deux « marchands et pêcheurs », Ruango et Para, payés environ 4 shuka chacun, pour les guider jusqu’à la Rusizi. Ce sont les mêmes qui racontent à Stanley en 1876, à son retour dans leur pays, la légende du lac Tanganyika que l’on retrouve dans son récit [47]. Même Oscar Baumann, qui pourtant ne passe pas à Ujiji, bénéficie de l’aide précieuse de plusieurs membres de sa caravane originaires de cette région (« nés à Ujiji », écrit-il), lorsqu’il s’agit d’assurer un dialogue entre son interprète Massaï qui connaît le kiswahili et les populations du Burundi ou du Bushubi [48].

24 Il est curieux, compte tenu de tous ces faits, de constater le mépris avec lequel les voyageurs européens traitent les Bajiji : insolents, cupides, moqueurs, querelleurs, insensibles, ivrognes, selon Burton. À vrai dire, seuls les Arabes « pur sang » trouvent grâce à ses yeux comme à ceux de Livingstone. Les Waswahili du lac Tanganyika sont eux-mêmes traités de « méprisables métis » par ce dernier, pourtant ami du Mrima Mohammed bin Gharib [49]. Cette agressivité envers des groupes qui pourtant servent de relais indispensables se retrouvera dans d’autres situations coloniales, reflétant les contradictions de l’attitude des Européens en Afrique. D’une manière générale, les voyageurs sont peu prolixes sur les intermédiaires locaux sans lesquels leurs expéditions ne seraient pas arrivées à terme, sinon pour s’en plaindre ou pour les railler. D’autres auxiliaires étaient plus choyés.

Les hommes de confiance : wasemyi (les « interprètes »)

25 S’il y eut de véritables « explorateurs » de métier parmi les compagnons obscurs des premiers Européens, c’est sans doute dans le milieu des « guides » africains qu’il faudrait les chercher. On les trouve en effet sur les pistes est-africaines, d’expédition en expédition, et certains auraient mérité autant d’hagiographies que le sémillant Stanley ou le bon Livingstone ! La première fonction de ces hommes de confiance des Européens était d’ordre linguistique : ils étaient par définition des interprètes, c’est-à-dire en l’occurrence des gens capables de s’exprimer couramment en kiswahili. Le terme wasemyi ou basemyi (en kirundi) qui a été appliqué, jusqu’à aujourd’hui, à ces hommes dans la région des Grands Lacs est révélateur du rôle véhiculaire pris de plus en plus par cette langue à partir de la fin du xixe siècle, puisqu’il signifie littéralement en kiswahili « ceux qui parlent » (de kusema, parler) : un peu l’équivalent de speaker en anglais. À vrai dire, leur fonction était double : les interprètes devaient pouvoir converser avec différentes populations africaines, mais aussi avec des Européens de nationalités variées. Les expéditions s’aventuraient en effet dans des régions où la masse des gens ignorait le kiswahili, la langue de la côte, et d’autre part, les premiers voyageurs blancs l’ignoraient eux-mêmes complètement ou ne faisaient que le balbutier. Les interprètes devaient donc connaître si possible une des langues pratiquées par ces Européens ou avoir au moins assez de psychologie pour se mettre à leur diapason ; ils avaient également intérêt à connaître aussi un peu l’une ou l’autre des langues de l’intérieur ou, à défaut, à savoir trouver les éléments bilingues susceptibles de les relayer, tels les Bajiji sur les rives du Tanganyika.

26 Plus on avance dans le siècle, plus les voyageurs pratiquent eux-mêmes le kiswahili. La situation est cependant différente au début. Voyons rapidement quelques cas. Bien que Burton ait eu dans ses bagages la grammaire swahili de Krapf, ni lui ni Speke ne pratiquaient cette langue. Speke le reconnaît : « Ni le capitaine Burton ni moi-même n’étions capables de converser en aucune langue africaine avant d’être presque arrivés à la côte à notre voyage de retour [50] ». Leur interprète privilégié fut le fameux Bombay : ayant été élevé en Inde, celui-ci pouvait utiliser l’hindi que comprenaient les deux Britanniques. Burton connaissait en outre l’arabe, ce qui explique ses relations préférées à Tabora ou à Ujiji. Stanley reconnaît en 1876 qu’il ne parlait quant à lui que du « mauvais kissouahili [51] ». En revanche, Livingstone semble s’être familiarisé avec cette langue, au fil des années passées sur les bords du Tanganyika. Dans les années 1890, les voyageurs venus du monde germanique, Baumann, von Götzen, Kandt, ont fait l’effort d’apprendre le kiswahili, soit sur la côte orientale, soit en Allemagne même (comme Kandt). De même les Pères Blancs, en se reconvertissant de l’Afrique du Nord à l’ « Afrique centrale », sont passés de l’arabe au kiswahili. À ce moment-là, le problème linguistique essentiel se trouve donc reporté en aval, dans la relation entre swahilophones et Barundi ou Banyarwanda : ce sont les interprètes riverains du Tanganyika, notamment les Bajiji, et non plus les Wamrima de l’océan Indien qui dès lors occupent une position stratégique. Van der Burgt avoue en 1896 que ni lui ni Van den Biesen (pourtant en train de préparer un catéchisme en langue locale) ne sont capables de s’entretenir avec les Barundi et qu’ils dépendent des interprètes [52]. Grâce à l’aide de ces derniers, lui-même publie dès 1903 un Dictionnaire français-kirundi, incluant des synonymes en kiswahili et en allemand. Il nous cite le nom de l’un d’entre eux dans sa grammaire éditée en 1902 [53] : un jeune Mututsi, dit-il, nommé Bernard Kitwe, peut-être un de ces « chrétiens barundi » amenés d’Ushirombo en 1899. L’évolution est donc allée dans le sens d’une simplification de la chaîne parlée : anglais-hindi-kiswahili-giha-kirundi avec Burton à Nyanza en 1858, français-kirundi avec les pères Blancs de Mugera au début du xxe siècle.

27 On devine les incompréhensions et les malentendus qu’a pu susciter durant ce demi-siècle la transmission des messages par le biais d’un ou deux intermédiaires. Une erreur initiale concernant le sens du cours de la Rusizi peut être en partie imputée à un contresens dans le « dialogue », mi-swahili, mi-hindi, établi entre Hamed bin Sulayman, Bombay et Speke à l’île de Kasenge. Plus tard, c’est de son interprète, sans doute aidé par quelques Banyamwezi ou Bajiji connaissant plus ou moins le kirundi, que Baumann apprend que les cris de la foule saluent en lui l’héritier des rois au « visage pâle », traduction pour le moins fantaisiste d’un terme désignant en fait le surnom du mwami Mwezi (Gisabo, « La baratte ») ! Cet interprète était un Massaï, nommé Kiburdangop, intégré à la culture swahili sous le nom de Bakari bin Mfawme ; il accompagna l’expédition au moins jusqu’à Busambo, sur les contreforts de la crête de la Kibira, où il fut tué lors d’une attaque de guerriers barundi. Le choix de ce personnage était lié à l’objectif initial de l’expédition : la traversée de la steppe massaï en direction du lac Victoria. Il n’est pas sûr qu’il ait été adapté pour la traversée du Burundi improvisée par le voyageur autrichien. La situation la plus comique est sans doute celle décrite par Richard Kandt en juin 1898 à la cour royale du Rwanda [54]. Comme il s’était aperçu au Burundi que le guide qu’on lui avait confié à Tabora ignorait le « kitussi », écrit-il (amalgamant sous cette rubrique le giha, le kirundi et le kinyarwanda), il dut recourir à la femme de son cuisinier supposée connaître « l’idiome des Watussi de l’Uganda ». Comment s’étonner ensuite que lors de son entrevue avec un représentant du mwami Musinga, il n’ait pu entretenir avec ce dernier qu’une « conversation au compte-gouttes » ! En effet, la langue dite tutsi de cette femme était probablement celle des Bahima du Nkore qui avaient migré au Buganda : or la différence entre le runyankore et le kinyarwanda est très sensible. Clichés ethniques et quiproquos linguistiques…

28 Malgré leurs faiblesses, ces intermédiaires africains, interprètes ou guides, surent se rendre indispensables en assurant le contact humain avec la caravane et avec les factoreries zanzibarites, grâce à leur expérience toujours plus grande des expéditions continentales au long cours. La plupart se retrouvent dans plusieurs voyages d’exploration. Le guide Saïd bin Salim, fourni à Burton et Speke en 1857, est repris par Speke et Grant en 1861. De même le fameux Bombay a été employé successivement par Burton en 1857, Speke en 1861, Stanley en 1870, Cameron en 1873. Mabruki, Ulimengu, Ferraji et Uledi, des anciens de Speke, sont avec Stanley lors d’une ou deux de ses expéditions africaines. Edward Gardner et Hassan bin Safeni, anciens suivants de Livingstone, sont repris par Stanley en 1874. De même, on voit von Götzen recruter Hussein Fara, un Somali, ancien guide de Carl Peters en Uganda, Hassan Duncan, un autre Somali, ancien compagnon du voyageur hongrois Teleki, le tirailleur Hamis wadi Ismaili, un ancien des expéditions de Stanley en 1874-77 et d’Emin Pacha en 1890-91, et enfin le tirailleur Hailala wadi Baruti qui avait suivi Baumann au Burundi. Ces deux derniers sont ombasha (caporaux) dans son expédition. Les deux responsables de caravanes choisis par Oscar Baumann, les jeunes Mkamba et Mzimba bin Omari, étaient, si l’on peut dire, des spécialistes, qui avaient commencé leur carrière comme porteurs à Pangani. Le premier était un esclave qui revenait alors du lac Rodolphe, le second avait prouvé son efficacité lors de la précédente expédition de Baumann lui-même en Usambara [55].

Illustration 4
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Baumann, Mkamba et Mzimba : trois « explorateurs du Burundi.
Gravure tirée de O. Baumann (1894 : 6).

29 Ainsi, de véritables carrières de « cadres » caravaniers se distinguent, tantôt au service des marchands zanzibarites, tantôt à celui des voyageurs européens, pour devenir ultérieurement, dans certains cas, des intendants de postes administratifs coloniaux ou de missions chrétiennes. Stanley rencontre en 1887 Uledi, un ancien compagnon de Speke et de Grant, devenu trafiquant d’ivoire sur l’Ituri [56]. Avant de servir Livingstone et Stanley, Hassan bin Safeni avait été un agent de Mohammed bin Gharib au Maniéma. Tofik, originaire d’Uganda, avait été réduit en esclavage par des Wangwana, puis il avait combattu avec Rumaliza jusqu’au lac Kivu et il connaissait le kirundi : von Götzen trouva en lui un guide précieux et il le recruta à Dar-es-Salaam où il était devenu cabaretier [57]. Majwara, encore un Muganda, employé par Stanley, sera plus tard auxiliaire de la mission protestante de la London Missionary Society à Urambo. D’autres eurent une existence encore plus étonnante. Le dénommé Dallington ou Miftah, un affranchi originaire de la région du Zambèze, envoyé un moment s’instruire en Angleterre, compagnon de Stanley en 1874-75, reste au Buganda comme interprète à la cour royale à l’intention des futurs visiteurs européens : Emin Pacha bénéficie de ses services en 1877 [58] ; il devient même kitongole, c’est-à-dire chef du kabaka en 1881. Plus romanesque encore, voici la courte biographie de Kalulu (« Gazelle » en kiswahili) : jeune esclave d’origine lunda racheté par Stanley en 1870 à Tabora, éduqué en Angleterre, il accompagne son protecteur en Afrique centrale quatre ans plus tard et périt noyé au Congo ; Stanley lui consacre une biographie attendrie [59]. Dans certains cas, des servants finirent par devenir de véritables adjoints, tel Ali Kiongwe, originaire de Zanzibar, qui travailla au service du consul Johnston sur le Zambèze, puis en Uganda, et qui accompagna à ce titre le missionnaire protestant Alfred Swann en 1890 jusqu’aux rivages du Burundi, où il jouera même un rôle politique non négligeable.

30 Parmi les « fidèles » des Européens, se distinguent les affranchis, anciens esclaves libérés et éduqués par des Blancs, pour lesquels le milieu caravanier représentait une nouvelle famille. On peut distinguer deux grandes périodes : celle des affranchis originaires de la région du Zambèze, du lac Nyassa et de la Rovuma dans les années 1860-1870 ; celle des esclaves rachetés de la région des Grands Lacs, soit d’Uganda, soit du sud du lac Victoria, soit encore des rives du Tanganyika, dans les années 1880-1890. Parmi les premiers, un certain nombre était issu de l’ethnie yao, dont le rôle de courtiers entre le lac Nyassa et la côte de l’océan Indien est connu : on peut citer Bombay et Mabruki (avec Burton et Speke), Cuma et Suzi (avec Livingstone) ou Hailala wadi Baruti (avec Baumann). Cuma et Suzi avaient été emmenés en 1864 en Inde et élevés dans une école missionnaire, comme beaucoup d’autres compagnons de Livingstone de toutes origines. Mais le plus célèbre de ces Yao reste Bombay : né vers 1820, il avait été réduit en esclavage à l’âge de 12 ans, puis emmené en Inde (d’où son nom) par son maître ; à la mort de ce dernier, il était revenu en Afrique et était devenu soldat au service du sultan de Zanzibar, puis il avait travaillé pour les Anglais, ce qui l’avait amené à rejoindre Burton, puis Stanley et Cameron. Il reçut une pension de la Royal Geographical Society de Londres en 1876 et il mourut en 1885. C’était la fin d’une époque [60].

31 Dans les années 1880-1890, les missions protestantes ou catholiques implantées dans l’intérieur se créent une clientèle. Parfois, il s’agit d’hommes libres ralliés au christianisme, notamment au Buganda, qui fournit les premiers catéchistes, comme ceux qui accompagnent Mgr Hirth au Rwanda en 1900. Mais le plus souvent, il s’agit d’esclaves rachetés, premier noyau de la communauté chrétienne, ceux que les religieux appellent leurs « enfants » même quand ils sont devenus adultes. Parmi eux, on trouve des gens originaires de l’Uganda actuel ou des contrées du sud du lac Victoria (Basumbwa, etc.) ou encore des victimes des razzias effectuées dans l’est du Congo (gens du Maniéma, Babembe…). Au début, les missionnaires louaient ou achetaient des esclaves, comme de simples clients des « Arabes » : le Père Deniaud et ses confrères arrivent à Ujiji en 1879 avec deux « domestiques » originaires du Maniéma ; ils en embauchent quatre autres sur place, puis un Arabe leur loue cinq esclaves, et ainsi de suite [61]. Ultérieurement, en juin 1896, les Pères Blancs entrent au Burundi, suivis de fidèles déjà baptisés : six chrétiens accompagnent Van der Burgt et Van den Biesen vers la Ruvubu, parmi lesquels quatre d’origine burundaise (dont Jean Ndobewa) et deux Babembe ; seuls trois Barundi chrétiens seront encore avec eux en Uzige [62].

32 On pourrait trouver dans ce milieu des émules de leurs prédécesseurs, de loyaux serviteurs à la manière de Bombay ou des déserteurs à la manière d’Uledi. En août 1895, Mgr Roelens, vicaire apostolique du Haut-Congo, remonte la vallée de la Rusizi sous la conduite de François Bulani, responsable africain de la mission de Baudouinville, un ancien esclave racheté, originaire de la région du lac Kivu [63]. Autre exemple : un certain « Mariani », plus exactement Maridyani (« Corail » en kiswahili), un affranchi amené de l’intérieur à Zanzibar par le Père Girault avant 1890, devient un des principaux auxiliaires de la mission d’Ushirombo dans les années 1896-1899 : on le voit rendre visite à Van der Burgt en Uzige en décembre 1896, puis passer plusieurs fois à Mugera en 1899 à la tête de caravanes qui assuraient la liaison entre la nouvelle mission du Burundi et le chef-lieu du Vicariat ; certains le surnomment « le Muzungu » (le Blanc) [64] ! À l’opposé de ce bon intendant, on voit également circuler en sa compagnie en 1879 un chrétien qui semble d’origine bembe, nommé Xaverio Makoba (« Fusil à piston », en kiswahili) : celui-ci reste à Uzumbura même après le départ de Van der Burgt en 1898, puis on le retrouve à Mugera en 1899. De conflit en conflit et de rapine en rapine, il se retrouve trafiquant à Uzumbura, puis bandit de grand chemin. Les Allemands le pendent en 1906. Fin d’une pieuse carrière [65]

33 S’il fallait récapituler l’histoire internationale des « explorateurs », au Burundi par exemple, entre 1858 et 1899, elle apparaîtrait singulièrement cosmopolite, faisant figurer neuf Britanniques, un Américain, un Belge, un Suisse [66], un Autrichien, une quinzaine de Pères Blancs, pour la plupart français ou hollandais, et une douzaine de militaires allemands ; mais il faudrait également mentionner cinq Asiatiques : les Goanais Valentino Rodrigues et Gaeteno Andrade et les deux Beloutches qui accompagnent Burton et Speke en 1858 ; le Palestinien Selim Heshmy, recruté par Stanley à Jérusalem en 1870. Il ne faudrait pas oublier non plus les cinq guides yao mentionnés plus haut, quelques Massaï et Soudanais venus avec Baumann, un grand nombre de Banyamwezi, de Basumbwa, de Basubi, de Bajiji, de Babembe, intégrés au personnel de ces premiers visiteurs européens. Tous ont été au Burundi parmi les initiateurs d’un contact extérieur, sans parler de tout le trafic habituel qui se développe à la fin du xixe siècle. Rien de l’aventure de Christophe Colomb chez les Burton, les Livingstone ou les Baumann : les Européens sont portés par le mouvement d’échanges de la région des Lacs.

Regards africains sur les washenzi des sources du Nil

34 Que l’on considère les plus fameux ou les plus obscurs de ces voyageurs africains ou asiatiques, on trouve des gens qui connaissent « le monde », fiers de leurs équipées, de leur expérience et de leurs relations, volontiers hâbleurs et arrogants avec les villageois. Les incidents sont fréquents entre les caravanes et les populations visitées : en 1858 à Nyanza, le Goanais Valentino tue un des piroguiers (mais « ce n’était qu’un esclave », se console Burton…). Les réquisitions et les heurts ne se comptent pas : on n’en parle que lorsque le conflit dégénère. Il suffit par ailleurs d’observer l’allure, la tenue vestimentaire (cotonnades cousues, turbans ou chéchias à l’orientale…) et enfin l’importance des armes à feu chez les principaux compagnons des Européens, si l’on en juge d’après les illustrations de l’époque [67], pour mesurer, à travers ces signes d’autorité, la distance matérielle et culturelle qui les séparait de la paysannerie burundaise ou rwandaise de l’époque. Ils pouvaient se remémorer selon les cas la tradition virile des porteurs banyamwezi ou les légendes des voyageurs des Mille et une nuits. Disons brutalement qu’ils se considéraient comme des hommes « civilisés », aux côtés des Européens, donc supérieurs à la masse des « sauvages » (washenzi) de l’intérieur. Ce complexe de supériorité de semi-citadins s’exprimait même à un niveau très humble : un cuisinier swahili d’Ujiji abandonna les Pères Blancs de Rumonge en 1879 car il refusait, leur dit-il, de « vivre au milieu des sauvages [68] ». Les intermédiaires africains n’étaient donc pas des guides neutres et, malgré la pauvreté des sources, on peut essayer de déceler des éléments de leur idéologie.

Illustration 5
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Explorateurs méconnus du Burundi (novembre 1871) : on reconnaît le Palestinien Selim (d’après H.M. Stanley, 1874 : 281), Suzi et Cuma (d’après D. Livingstone 1876, II : 53) et Bombay (d’après V.L. Cameron, 1878 : 8)

35 Il est exceptionnel que les guides aient laissé des souvenirs personnels de leurs voyages. Sur le Rwanda, nous disposons d’une source de cette nature grâce au linguiste allemand Carl Velten qui a publié le récit d’Abdallah bin Rashid, un « Arabe » de Tanga qui accompagna von Götzen dans sa traversée de l’Afrique [69]. Ses notations, très proches de celles du voyageur allemand, traduisent le même étonnement et parfois le même mépris pour des populations considérées comme arriérées. Mais, par ailleurs, une lecture attentive de la littérature de voyages permet, indirectement, de reconstituer au moins partiellement l’état d’esprit et les préjugés de la plupart de ces intermédiaires. Un aspect très visible est celui des revendications matérielles et des négociations qui s’ensuivent. Manifestement, avec ces interprètes, soucieux tantôt de faire plaisir au « chef » blanc, tantôt de ménager leurs intérêts, la formule rebattue selon laquelle traduction et trahison vont de pair doit se compléter du terme de tractation, venant épaissir l’écran entre les réalités du terrain et ce qu’en connaîtront le voyageur européen et ses futurs lecteurs. Mais, plus profondément, deux facteurs doivent être mis en valeur : le langage et les fantasmes véhiculés par la culture arabo-swahili de l’Afrique orientale.

36 La médiation du kiswahili, langue des caravanes et des marchands, se lit dans les dénominations diverses reprises par nos « explorateurs » comme autant de termes africains authentiques. On le voit dans la cartographie : un lieu reçoit le nom d’un chef connu des traitants d’Ujiji (par exemple Rumonge) ; le préfixe swahili u- est employé spontanément et systématiquement à la place du bu- employé en kirundi dans le mêmes cas ; la plaine de Bujumbura est longtemps appelée Uzige d’après le nom d’une haute colline (Buzige) bien visible depuis le lac ; les caps ou les promontoires sont parfois précédés du terme ras (qui a ce sens en arabe et en kiswahili), etc. Ce placage linguistique subsistera jusqu’à l’indépendance avec l’emploi du terme Urundi pour désigner le Burundi.

37 Il en va de même pour les anthroponymes, en particulier pour les surnoms attribués aux étrangers. Kanayogi, « Le Petit qui se baigne », a été appliqué à Richard Kandt : il s’agissait initialement d’une plaisanterie de porteurs née de son goût pour les baignades en rivière [70]. Or ce nom s’est diffusé au nord du Burundi et au Rwanda au début du xxe siècle, parfois interprété comme une allusion aux enquêtes hydrographiques du voyageur allemand en 1898, mais le plus souvent sans que les gens connaissent sa signification initiale exacte. Cette ignorance correspond en partie au mécanisme de la dation du nom dans la région, où seuls les parents et les voisins proches peuvent apprécier le contexte ainsi désigné [71]. Mais dans ce cas, la difficulté est aggravée par le fait, nous expliqua un notable burundais, que les gens n’osaient pas approcher les Blancs à l’époque des Allemands : ils ne pouvaient donc leur donner des noms en connaissance de cause, et se contentaient d’entendre parler de tel ou tel [72]. Or qui était apte à colporter ces surnoms sinon les auxiliaires de culture swahili ? Une telle situation se présente dès le début des contacts.

38 Plus généralement, tout un vocabulaire se diffusa auprès des Européens concernant les réalités les plus quotidiennes du pays. Les écrits coloniaux fourmilleront de termes swahili : la bière de bananes est toujours appelée pombe au lieu de urwarwa, les chefs sont définis comme wanyampara au lieu de batware, le mwami est intitulé sultani. Cette façon de draper la société burundaise dans une étoffe culturelle venue de la côte de l’océan Indien n’a pas été décidée par les « explorateurs » : ils y ont été naturellement menés par le parler de leurs auxiliaires.

39 À ces mots, déjà non innocents, s’ajoutaient des images plus ou moins stéréotypées ou fantasmatiques. Rwanda et Burundi font en effet figure de pays de monstres et de merveilles dans les milieux zanzibarites du xixe siècle. En 1891, Grant apprend à Tabora que les « Wahuma » du Karagwe avaient des bras et des jambes d’une telle longueur qu’ils ne pouvaient marcher que sur les genoux et les coudes [73] ! En 1894, von Götzen recueille auprès des milieux arabo-swahili des légendes analogues sur le Rwanda : montagnes de feu, armées d’Amazones, nains à grande barbe portant le souverain, gens dont la tête est si disproportionnée qu’ils perdent leur équilibre sans cesse et doivent porter sur eux une flûte pour appeler à l’aide [74] ! À vrai dire, ces fantasmagories ont persisté dans certains esprits, y compris en Afrique : c’est aujourd’hui l’effet de retour des stéréotypes anthropologiques européens sur la « race hamitique ». Mais les Arabes, les Indiens et les Waswahili du xixe siècle ne manquaient pas non plus d’imagination. Trois grands thèmes se détachent pour faire des populations des sources du Nil des « sauvages » à part : la terreur exercée par ces montagnards, la qualité des esclaves qu’on pouvait en tirer, enfin des affinités étranges entre fils de Cham et fils de Sem dans ces parages. Examinons ces trois imageries.

De terribles guerriers

40 Ce ne sont pas les Européens qui ont inventé l’image des farouches Barundi ou Banyarwanda. Avant même qu’ils aient mis les pieds sur les rivages du lac Tanganyika ou sur les premiers contreforts orientaux de ces pays, ils étaient mis en garde par les voisins. Hamed bin Ibrahim, depuis le Karagwe, décrit les Rwandais comme des diables méchants et fourbes. À Ujiji, Wangwana et autochtones détestent les Barundi pour leur « inhospitalité » : aussi bien Hamed bin Sulayman que le chef Kannena les décrivent devant Speke ou Burton comme de « turbulents barbares », comme des « sauvages », presque des cannibales [75]. Livingstone entendra les mêmes propos une dizaine d’années plus tard chez ses amis d’Ujiji. Et à l’est du pays, les Bashubi de Rwabigimba inquiètent la caravane de Baumann par leurs récits ; le roi Gihumbi au Buha du nord prévient les Pères Blancs en 1896 de ce qui les attend au-delà de la frontière. La rumeur semble même s’être répandue depuis le milieu du siècle jusqu’à la côte de l’océan Indien, s’il faut en croire les instructions remises à Burton avant son départ. La raison d’une telle réputation est claire. Écoutons ce que l’Arabe Ben bin Ibrahim explique lui-même à Stanley en 1876 : « Ils n’ont jamais permis à un Arabe de trafiquer dans leur pays, ce qui prouve que ce sont de mauvaises gens [76] ». Von Götzen lui fait écho en 1894 en notant que les échecs des Arabes dans la région expliquent les légendes fantastiques courant sur ces peuples. De même au Burundi les échecs des Zanzibarites sur les frontières de l’ouest et, en 1884, la déconfiture de Mirambo à l’est rendent compte de la réputation négative diffusée par des voyageurs européens, eux-mêmes « informés » par leurs intermédiaires wangwana, banyamwezi ou bajiji.

41 Un auteur récent explique que les Bajiji qui transportèrent Burton et Speke sur le lac ont évité les rivages du Burundi pour aller à Uvira, par peur des « redoutables Tussi [77] ». Ni Speke ni Burton n’attribuent aux Batutsi cette prudence de leurs piroguiers : c’est globalement l’agressivité des Barundi qui est mise en cause et, on peut le dire, à juste titre. Toute la littérature sur les « pasteurs guerriers » qui s’est développée depuis 1858 explique cette interprétation récente. Pourtant, certaines des expériences faites par les Zanzibarites sur les bords du lac Tanganyika peuvent aussi avoir aidé à cristalliser cette idée d’un monopole politico-militaire tutsi dressé contre l’étranger. Nous voulons parler de l’histoire du royaume du Bujiji au milieu du xixe siècle, et en particulier de ses districts riverains du lac (la région de la factorerie d’Ujiji). À une date située approximativement entre 1855 (date probable du raid ngoni) et 1858 (le passage de Burton), un soulèvement éclata contre le mwami Ruyama, présenté comme un usurpateur, mais surtout comme un Mututsi des montagnes du Manyovu (le cœur du royaume), hostile aux usages de la plaine (notamment la consommation de poisson). Le chef des rebelles était un muteko (chef de la terre), donc un Muhutu dans ce contexte, nommé Hebeya : il eut l’appui des gens de la plaine, mais aussi des Wamrima Mwinyi Akida et Mwinyi Hassani dont nous avons vu l’influence durant au moins deux décennies. Ruyama dut fuir et fut remplacé par son frère Mugasa. On notera aussi qu’en 1858 Kannena, le petit chef qui accueillit Burton, était semble-t-il, d’origine servile [78]. Autrement dit, aux yeux des étrangers du comptoir, les riverains du lac, essentiellement bahutu, incarnaient la collaboration et l’amitié, tandis que les chefs de la montagne, classés comme batutsi, incarnaient la résistance, donc la sauvagerie et l’inhospitalité. L’image a pu fonctionner plus au nord, au Burundi, car les rapports entre l’Imbo et l’intérieur présentaient des analogies avec ce que nous venons de voir et, dans les années 1880 en particulier, les Wangwana purent opposer l’accueil des chefs de la plaine à la résistance irréductible de la crête, c’est-à-dire les Bahutu aux Batutsi : les préjugés ne sont pas gênés par le schématisme, ils peuvent même s’en nourrir.

Des esclaves potentiels

42 Tout commence par des impressions, des visages qui en évoquent d’autres, notamment par des comparaisons avec des traits physiques de la Corne de l’Afrique, chez les Somali ou les Galla (Oromo). Les Wamrima ou les Arabes ont naturellement tendance à faire des rapprochements avec ce qu’ils connaissent sur les côtes de l’océan Indien. Abdallah bin Rashid croit retrouver au Rwanda des visages somali, comme il avait déjà comparé les Wafiome (un groupe de langue sud-kouchitique) avec les Galla et les étoffes d’écorce sukuma avec celles du Buganda, non sans la tentation de discerner chaque fois des influences et des parentés [79]. Le petit jeu des comparaisons est encouragé par la diversité des ethnies représentées dans les grandes caravanes : des Somali se comparent à des Bahima, mais Bombay discerne des usages yao dans la région [80]. Comparaison n’est pas raison et l’histoire ne peut se satisfaire des schémas diffusionnistes, mais on voit comment de tels schémas germent spontanément, de façon impressionniste : nous retrouvons ici la façon dont, à partir de types physiques dits éthiopiens ou nilotiques dans la région des Grands Lacs, notamment chez les catégories pastorales, a été élaborée l’hypothèse hamitique.

43 La comparaison d’une partie des habitants de la région des lacs avec les Galla ou les Somali n’était pas innocente. Ces deux peuples fournissaient les esclaves domestiques africains les plus appréciés au Moyen-Orient. On vantait leur amabilité, leur intelligence et surtout la beauté des filles [81]. Peut-être était-ce le prolongement d’une imagerie très ancienne dans le monde arabe, où le modèle des beaux Noirs était plus éthiopien ou nubien que centre-africain. Les observateurs européens sont frappés par la faveur accordée par les Arabes aux groupes répondant à ces critères. Ces derniers sont d’ailleurs variés au milieu du xixe siècle, avant que les stéréotypes raciaux ne se soient fixés : Livingstone note que les Arabes de Tabora admirent les « tribus de rang supérieur » qui se distinguent par un nez droit et peu aplati, telles que les Batutsi, les Balunda du Kazembe ou les gens du Maniéma [82]. La réputation des filles hima du Nkore et du Karagwe ou celle des filles tutsi du Rwanda offraient un grand sujet de conversation dans les factoreries zanzibarites. Hamed bin Ibrahim affirme à Stanley qu’il épouserait une femme du Rwanda aussi volontiers qu’une compatriote de Mascate [83]. Emin Pacha note que leur valeur était très élevée, car les traitants pouvaient les revendre au Moyen-Orient, à condition qu’elles aient le teint clair, avec autant de profit que des filles galla ou abyssines [84]. On sait que cet aspect des choses joua également un rôle non négligeable dans la séduction exercée sur Speke par la cour royale du Karagwe.

44 L’image des montagnards des Grands Lacs était donc ambivalente comme dans tous les fantasmes raciaux. Elle avait un revers détestable et redouté et une face séduisante et fascinante. Des hypothèses historiques, tendant à expliquer la contradiction à partir de la tradition anthropologique biblique circulèrent parallèlement dans les milieux monothéistes, musulmans ou chrétiens [85].

Fils de Cham et fils de Sem

45 Les Somali, islamisés et fiers de se distinguer des « païens » galla (le sens même de cet ethnonyme accolé aux Oromo), se forgèrent précocement des traditions d’origines arabes, auxquelles Speke fait écho [86]. L’hypothèse d’un mélange chamito-sémitique fit son chemin, on le sait, jusqu’à la région des Lacs. Les Arabes, les premiers, rattachaient volontiers les peuples ou les potentats qui leur plaisaient à leur propre communauté : les rois de la région ont une origine arabe, disait Hamed bin Ibrahim à Stanley en 1876 [87]. Burton avait également recueilli à Tabora l’hypothèse d’une origine somali des dynasties hinda. Les Waswahili, de leur côté, du fait de leur position de métis culturels, étaient très intéressés par toutes les généalogies susceptibles de les mettre en valeur ou simplement d’expliquer leur situation. La malédiction des enfants de Cham aurait été le fait de Mohammed sur la route de Médine à La Mecque, selon un récit que Bombay avait entendu de la bouche de son ancien maître arabe : une femme avait voulu cacher son troisième enfant au Prophète qui la punit en vouant la lignée de ce dernier à la négritude et à la servitude. On comprend l’intérêt des filiations persanes ou arabes si répandues dans les cités swahili. Des sermons populaires semblent avoir largement contribué à la diffusion de ces pieuses légendes [88]. Les néophytes du christianisme ont la même ardeur à se classer par rapport à des généalogies des Écritures saintes : des chrétiens baganda, convaincus par les missionnaires que Kintu, héros fondateur du royaume, venait du haut Nil, porteur d’éléments du message biblique, s’enthousiasment pour cette idée, note le Père Denoit en 1888 [89], parce qu’elle leur fournit « un argument contre ceux qui les accusent d’abandonner les traditions des ancêtres ». Les va-et-vient intellectuels entre les hypothèses des Européens et les suppositions de leurs alliés ou de leurs adjoints ne sont pas aisés à démêler. Von Götzen a pu se laisser abuser par deux Bahima de la région d’Ushirombo qui, en présence du Père Capus servant d’interprète, lui affirment leur parenté ancienne avec les Blancs : l’hypothèse de Speke leur avait été suggérée, mais eux-mêmes n’avaient-ils pas sauté sur l’occasion d’être privilégiés par les nouveaux maîtres de la région ?

46 L’idéologie des intermédiaires africains ou asiatiques associait donc des intérêts du moment et des traditions locales, musulmanes ou chrétiennes selon les cas. Les premiers sont assez faciles à discerner ; les secondes relèvent d’une grille culturelle est-africaine qui mériterait des études plus approfondies. C’est aussi dans cet univers imaginaire que circulaient les voyageurs européens : la source du Nil, les Monts de la Lune et les villes de cuivre des géographes antiques ou des Mille et une Nuits hantaient les Arabes et les Waswahili qui accueillaient ou qui accompagnaient les « explorateurs [90] ». Comment s’étonner dès lors que le jeune Oscar Baumann, déjà lecteur de Speke et de Stanley, ait, une fois arrivé sur le terrain, écouté avec complaisance son interprète lui parler des redoutables « barons-pillards batutsi », oppresseurs des autochtones « barundi » et lui raconter le roi Mwezi-au-visage-pâle, ancien empereur des Monts de la Lune ! Ses guides lui répétaient ce qui était déjà peu ou prou dans l’imagination des guides qui avaient accompagné ses prédécesseurs dans la région vingt ou trente ans plus tôt. La science des races put se greffer sur cet imaginaire merveilleux. Certains avaient bien dit à Baumann que Mwezi était un Murundi, donc un « souverain national », note-t-il, mais cette conception, trop banale sans doute pour être vraie, ne retint guère son attention [91]. La vérité devait être, non celle des sauvages washenzi, mais celle de ses compagnons plus civilisés : c’était les premiers pas d’une autorité fondamentale de l’époque coloniale, l’interprète. Les rêveries des intermédiaires musulmans, peuplées de harems orientaux ou de pasteurs géants, ont nourri aussi la rencontre des imaginaires qu’a représentée cette époque en Afrique [92].

47 Les premiers voyageurs européens dans cette région d’Afrique orientale ont donc mis leurs pas sur les sentiers déjà tracés par des voyageurs africains. On peut distinguer plusieurs cercles ou plusieurs réseaux de mobilité, aux horizons plus ou moins lointains, et de nature essentiellement commerciale, qui préparent, sans même le savoir, la « pénétration » étrangère. Aux aventuriers des débuts succèdent rapidement des conquérants (militaires, administratifs ou religieux), qui vont transformer les colporteurs et les guides africains en porteurs et en agents. La colonisation suscitera de nouvelles formes de mobilité (chemins de fer, etc.), mais après avoir au préalable instrumentalisé, contrôlé et parfois figé les mobilités préexistantes.

48 L’évolution des conditions de « voyage » et du profil des « voyageurs » étrangers en Afrique orientale au cours de la deuxième moitié du xixe siècle conduit à faire éclater la notion « d’explorateur ». Ce terme désigne en fait un mirage, nourri autant de l’enthousiasme romantique qui s’installe dans la tête des découvreurs de terres nouvelles (et inspire leurs récits) que des fantasmes sur les sources du Nil entretenus auprès des publics européens par les magazines spécialisés et par les sociétés de géographie. Il n’existe pas de métier « d’explorateur » : parmi les Européens, il s’agissait de militaires (ou anciens militaires), de missionnaires (catholiques ou protestants), de journalistes, de scientifiques (notamment des naturalistes), qui avaient bénéficié de financements liés à des objectifs économiques ou politiques. Leur statut d’explorateur est une construction culturelle. De même nos voyageurs africains, visiteurs du Burundi, ont une activité économique et une expérience des expéditions à moyenne distance et ils gagnent leur vie auprès de leurs patrons blancs (ou asiatiques). Ils n’en sont pas moins explorateurs à leur échelle. Ils savent aussi ouvrir les yeux et tendre les oreilles, ils savent raconter et même parfois écrire ou inspirer des écrits. Plus tard, des années 1920 aux années 1950, les jeunes migrants burundais ou rwandais qui iront à pied chercher du travail (et des shillings) dans les plantations d’Ouganda ou du Tanganyika, concevront aussi ces déplacements pénibles comme des aventures et comme une véritable initiation qui nourrira leurs récits au retour dans leurs enclos [93]. Ils allumeront l’imagination de leurs familles au même titre que celle des amateurs d’exotisme européens l’écoute des explorateurs du siècle précédent.

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Notes

  • [*]
    Jean-Pierre Chrétien est directeur de recherche émérite au CNRS, spécialiste de l’histoire de la région africaine des Grands Lacs.
  • [1]
    D. Simpson (1975).
  • [2]
    Voir N. Wachtel (1971).
  • [3]
    L’image laissée par les récits d’exploration est le plus souvent celle de bêtes de somme plus ou moins dégourdies : voir l’illustration 1.
  • [4]
    Il s’agit d’expéditions qui ont pénétré ou approché de près le Rwanda et le Burundi. Les indications chiffrées sur lesquelles nous nous appuyons peuvent se retrouver dans les publications des voyageurs, soit dans leurs préfaces, soit dans les annexes techniques, soit encore au fil de leur récit. On en trouvera la liste dans la bibliographie. Nous ne revenons pas ici sur la personnalité de ces Européens, ni sur l’itinéraire de leurs expéditions.
  • [5]
    PBR [Pères Blancs Rome, archives de la maison générale], Diaire de Muyaga, 13-25/06/1900 ; Diaire de St-Antoine, 21-22/08/1896.
  • [6]
    PBR, Diaire de St-Antoine, 24/05/1900 ; Diaire de Muyaga, 22-25/06/1900. R. Kandt (1919, II : 71-77).
  • [7]
    R. Burton (1862 : 325-333).
  • [8]
    PBR, Capus, Ushirombo, 02/08/1896, PBR, V.A. Uynyanyembe, divers, 4.
  • [9]
    PBR, Diaire de St-Antoine, 31/01/1899.
  • [10]
    O. Baumann (1894 : 38).
  • [11]
    Voir F. Renault (1971, I : 55-57).
  • [12]
    F. Bontinck (1974 : 573). En 1857, Burton et Speke louent auprès du jemadar Yaruk les services de 34 Baluchi venant de la garnison côtière de Kaole : cf. R. Burton (1862 : 23).
  • [13]
    Outre les récits des voyageurs eux-mêmes, voir R.C. Bridges (1970) et D. Simpson (1975). Le témoignage oral est celui de Baruwani, Bujumbura, 14/10/1971 (un ancien soldat des Allemands originaire d’Ujiji).
  • [14]
    Sur les caravanes nyamwezi au milieu du siècle, voir R. Burton (1862 : 294-31). On peut retrouver leur style dans celle de Speke au départ en 1861 (illustration 2).
  • [15]
    [Pères blancs], À l’assaut des pays nègres, Paris, 1884, p. 48-62 et 276-277.
  • [16]
    H.M. Stanley (1874 : 50-52). Sewa Haji y est appelé Hadji Pallou. Sur Taria Topan, cf. F. Bontinck (1974 : 207, note 132).
  • [17]
    O. Baumann (1894 : 3-4). Sur Sewa Haji, voir J.-S. Mangat (1969 : 50-52).
  • [18]
    Selon O. Schloifer (1939 : 63-65).
  • [19]
    R. Burton (1862 : 297) ; H.M. Stanley (1874 : 50-53 et 557) ; O. Baumann (1894 : 3 et 377) ;J.-P. Chrétien (1981 : 936) ; C. Ambrosi et al. (1969, I : 277).
  • [20]
    Emin Pascha (1922, II : 396).
  • [21]
    Mnyampara (pl. wanyampara), chef en second d’une caravane en kinyamwezi, passé en kiswahili, finit par désigner toute autorité subalterne. Kirongozi, du verbe kurongora, « précéder, marcher en tête », signifie le guide en kiswahili. Cf. C. Sacleux (1939-1941).
  • [22]
    O. Baumann, (1894 : 370-376).
  • [23]
    C. Sacleux (1939, I : 154).
  • [24]
    R. Burton (1862 : 440 et 45) ; H.M. Stanley (1874 : 371) ; Emin Pascha (1922 : 373-374) ; [Pères blancs] (1884 : 256) ; J. Marissal (1976, t. I : 53-54). Sungura, originaire de Zanzibar, que les Pères Blancs décrivent en 1879 comme le responsable d’une flottille de pirogues du kabaka Mutesa, lancera en 1880 un boutre sur le lac Victoria. Ce bateau est détruit lors des guerres civiles du Buganda par les troupes du chef catholique Gabriel Kintu en 1889.
  • [25]
    D. Livingstone (1876, t. II, : 18, juillet 1869, et 79-81) ; V.L. Cameron (1878 : 171) ; PBR, Diaire de Rumonge, 03 et 05/10/1879 ; 06, 09 et 14/11/1880 ; 02/02/1881. Bin Gharib fournit aux Pères Blancs un de ses fidèles nommé Yusuf pour leur servir de contremaître. SOAS, archives de la London Missionary Society., C.A., 2.2.B., lettre de Hutley, Kawele, le 29/09/1879.
  • [26]
    O. Baumann (1894 : 74).
  • [27]
    PBR, V.A. Tanganyika, Corr. Randabel, Karéma, 23/09/1885 (C.17, 167) ; G.F. Scott Elliot (1896 : 277) ; J.E.S. Moore (1901 : 154) ; A. Leue, (1903 : 262-274) ; PBR, Diaire de St-Antoine, 26/10 et 28/12/1897. Il est fréquemment appelé Sefu.
  • [28]
    H.M. Stanley (1874 : 387-389) ; D. Livingstone (1876, II : 15).
  • [29]
    AAB [Archives Africaines de Bruxelles], Aff. Etr. E.I.C., 4 : Descamps, Mtoa, 04/08/1895.
  • [30]
    H.M. Stanley (1879, I : 446-454) ; J.H. Speke (1865 : 184-185) ; J.A. Grant (1882 : 127 et 129).
  • [31]
    R. Heremans (1974 : 350-351).
  • [32]
    PBR, Diaire de St-Antoine, 22-28/06/1896, 11/08/1896, 31/01/1899 ; V.A. Unyanyembe, Courrier Muyaga, Astruc, 20/02/1898.
  • [33]
    G.A. von Götzen (1895 : 119-120).
  • [34]
    PBR, Diaire de St-Antoine, 28/01/1899.
  • [35]
    PBR, Diaire de St-Antoine, 28/11/1896.
  • [36]
    Note parue dans Ausland, 1891, 18, p. 354.
  • [37]
    O. Baumann (1894 : 77 et 209).
  • [38]
    N.R. Bennett (1970 : 312-313).
  • [39]
    PBR, Diaire de St-Antoine, 07/07/1896.
  • [40]
    Ibidem, 27/11 et 04/12/1896. Le 3 août 1896, un Muha demande à Van der Burgt d’arbitrer une affaire de sel avec le chef Rumonge.
  • [41]
    Par exemple R. Kandt (1919, I : 63) recruta à Tabora en 1898 un interprète connaissant le « kitussi », c’est-à-dire le kirundi. Voir E. Dahl (1907 : 84-89).
  • [42]
    PBR, Diaire de St-Antoine, 17/12/1896 et 07/08/1900.
  • [43]
    Ibidem, 03/08/1896 et 28/11/1896.
  • [44]
    Cf. J.-P. Chrétien (1975 : 19-25).
  • [45]
    Selon R. Burton (1862 : 292, 418-420), une shuka de cotonnade (l’unité de deux yards, soit environ 1,83 m, permettant de se faire un pagne) vaut alors 1,30 francs sur la côte, prix qui doit être multiplié par 5 dans l’intérieur, soit 6,50 francs. La rangée (kete) de perles bleues vaut à Ujiji trois fois moins et la rangée de perles rouges neuf fois moins à cette époque. Kannena avait aussi reçu de son côté l’équivalent d’un millier de francs. Ces taux étaient très fluctuants et très spéculatifs et ne peuvent donner qu’un ordre de grandeur.
  • [46]
    Ibid, p. 438.
  • [47]
    H.M. Stanley (1874 : 371) ; (1879, II : 15). Les noms des deux guides étaient sans doute Rwango et Mpara.
  • [48]
    O. Baumann (1894 : 77).
  • [49]
    R. Burton (1862 : 416) ; D. Livingstone (1876, II : 11). Voir J. Marissal (1981 : 479-494).
  • [50]
    J.H. Speke (1864 : l99). Voir aussi H.H. Johnston (1903 : 120-145).
  • [51]
    H.M. Stanley (1879, I : 52).
  • [52]
    PBR, Diaire de St-Antoine, 30/07/1896.
  • [53]
    J.-M. Van der Burgt (1902 : 106).
  • [54]
    R. Kandt (1919, I : 10 et 19).
  • [55]
    G.A. von Götzen (1895 : 3-8), O. Baumann (1894 : 5). Voir l’illustration 4 où Baumann pose avec à ses pieds ses deux chefs de caravane.
  • [56]
    H.M. Stanley (1890, I : 190-191). Sauf autres références, indiquées ici, les données sur ces « explorateurs noirs » viennent surtout de l’ouvrage de Simpson mentionné au début.
  • [57]
    G.A. von Götzen (1895 : 3-8 et 158).
  • [58]
    Emin Pascha (1922, II, 358), note de décembre 1877.
  • [59]
    H.M. Stanley (1969) : il s’agit d’une biographie romancée.
  • [60]
    R.C. Bridges (1970 : 107-108).
  • [61]
    PBR, Diaire de Rumonge, 27/06 et 10/07/1879.
  • [62]
    PBR, Diaire de St-Antoine, 22 au 28/06/1896, 28/07 et 28/11/1896.
  • [63]
    V. Roelens (1948, I : 57-66).
  • [64]
    Son nom est orthographié « Mardyani » dans une lettre du Père Bresson, Zanzibar, le 01/01/1890, Missions d’Alger, 1890, p. 684. PBR, Diaire de St-Antoine, 17/12/1896 ; 07/05, 13/09, 04/10, 13/11/1899.
  • [65]
    Ibid, 4 et 07/06/1897 ; 15/06, 28/06, 17/11/1899 ; 19-22/07, 06/10/1900 ; 24/06, 29/07 et 25/08/1905 ; 07 au 16/04/1906.
  • [66]
    Le Belge est l’ancien zouave pontifical Félix D’Hoop venu aider les missionnaires à Rumonge. Le Suisse est le Frère Gustave, de Kibanga.
  • [67]
    Voir l’illustration 5.
  • [68]
    PBR, Diaire de Rumonge, 12/08/1879.
  • [69]
    Abdallah bin Rashid (1901).
  • [70]
    R. Kandt (1919, II : 30).
  • [71]
    Voir P. Ntahombaye (1983 : 42-45 et 180-231).
  • [72]
    Ntavyibuha, Bujumbura, 17/07/1967.
  • [73]
    J.A. Grant (1882 : 56).
  • [74]
    G.A. von Götzen (1895 : 148-151).
  • [75]
    J.-P. Speke (1864 : 231). Le thème du cannibalisme semble être une extrapolation de commentateurs (Cf. Das Ausland, 19/11/1859, p. 1117).
  • [76]
    H.M. Stanley (1879, I : 435).
  • [77]
    C. Oliver (1970 : 79).
  • [78]
    SOAS, District Book de Kigoma (D.B., vol. VII, p. 1-2, « Tribal History and Legends »). R.C.H. Risley, in Tanganyika Notes and Records (1957 : 280).
  • [79]
    Abdallah bin Rashid (1901 : 200, 205, 212).
  • [80]
    Cf. G.A. Von Götzen (1895 : 89) ; H.V. Von Schweinitz (1894), d’après Das Ausland, 1894, 4, p. 63. ; F. Ratzel (1885, I : 479).
  • [81]
    F. Renault (1971, I : 41) ; J.-L. Krapf (1964 : 96).
  • [82]
    D. Livingstone (1876, II : 228).
  • [83]
    H.M. Stanley (1879, I : 431).
  • [84]
    Emin Pascha (1891 : 353).
  • [85]
    Cf. J.-P. Chrétien (1977 : 194-195).
  • [86]
    J.H. Speke (1864 : 11-13).
  • [87]
    H.M. Stanley (1879 : 435).
  • [88]
    J.H. Speke (1864 : 436-437). Nous devons cette indication sur l’importance des sermonnaires populaires au regretté J. Ducatez.
  • [89]
    Lettre de Denoit à Lavigerie, Ouganda, 20/07/1887 (Missions d’Alger, 1888, p. 254-255).
  • [90]
    Voir à ce sujet le témoignage du capitaine K. Herrmann, in Deutsch-ostafrikanische Zeitung, 02/03/1905.
  • [91]
    O. Baumann (1894 : 223).
  • [92]
    Sur la complexité des circulations et des allers-retours entre imaginaires locaux et imaginaires coloniaux et sur le rôle des différents intermédiaires culturels, on pensera aux travaux de Serge Gruzinski (1990).
  • [93]
    Voir J.-P. Chrétien (1994).

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