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Article de revue

Les Archives nationales du Gabon

Déliquescence d'une institution documentaire

Pages 157 à 164

Notes

  • [*]
    Clotaire Messi Me Nang est doctorant à l’université Paris I Panthéon - Sorbonne.
  • [1]
    H. Deschamps, Traditions orales et archives au Gabon : contribution à l’ethnohistoire, Paris, Berger-Levrault, 1962, p. 143-146.
  • [2]
    J.-P. Mifouna, « La Direction Générale des Archives Nationales, de la Bibliothèque Nationale et de la Documentation Gabonaise », L’Écluse, Bulletin d’Information et de Liaison de la Banque Internationale d’Information sur les États francophones, vol. 4, n° 1, janvier-mars 1992, p. 16.
  • [3]
    J.-P. Mifouna, op. cit., p. 16.
  • [4]
    Décret n° 00866/PR du 11/11/1969 portant création des Archives nationales et de la Bibliothèque nationale, Journal Officiel de la République gabonaise du 15/12/1969, p. 879.
  • [5]
    G. Pansini, Réorganisation des archives nationales. Paris, UNESCO, 1973, p. 5.
  • [6]
    Entretien avec M. Jérôme Angoune Nzoghe, directeur des Archives nationales du Gabon. Libreville, le 16/01/2004.
  • [7]
    G. Pansini, op. cit., p. 3.
  • [8]
    Art. 3 du décret du 11/11/1969 déjà cité.
  • [9]
    Entretien avec M. Jérôme Angoune Nzoghe déjà cité.
  • [10]
    Décret n° 791/PR du 30/06/1980 portant création, organisation et attributions de la Direction générale des Archives nationales, de la Bibliothèque nationale et de la documentation gabonaise, Journal Officiel de la République gabonaise du 15/07/1980, p. 2-9.
  • [11]
    Entretien avec Jérôme Angoune Nzoghe déjà cité.
  • [12]
    Entretien avec M. Nicolas Metegue N’Nah, professeur d’histoire contemporaine de l’Afrique à l’université Omar Bongo, Libreville, le 23/01/2004.
  • [13]
    Entretien avec M. Nicolas Metegue N’Nah déjà cité.

1 Les Archives nationales du Gabon, dont la raison d’être est de constituer et de conserver la mémoire de la nation, présentent aujourd’hui une image lamentable. Ce qui frappe l’utilisateur, notamment le chercheur étranger nouveau venu, est que le désintérêt dont est victime cette institution documentaire est quasi général. Le public en ignore l’importance et même l’existence ; les décideurs politiques ne la rangent pas dans les priorités du pays parce qu’elle est considérée comme secteur non productif ; le personnel est résigné, démotivé et fait preuve d’une extrême négligence dans son travail ; enfin, les utilisateurs constatent impuissants la léthargie de l’institution. Ainsi, de plus en plus, les Archives nationales peinent à couvrir l’ensemble des missions qui leur sont assignées : collecte, traitement, conservation et diffusion des documents primaires sur le territoire national.

2 Les problèmes documentaires au Gabon sont complexes et une étude approfondie serait nécessaire pour trouver des solutions viables. Telle n’est pas l’ambition de cet article. Le diagnostic étant connu au Gabon, il s’agit plus simplement ici d’attirer l’attention des partenaires extérieurs sur les insuffisances qui minent le principal centre d’archives du pays, à travers les trois éléments suivants : la genèse, le cadre législatif, le fonctionnement.

Une genèse difficile

3 Comme beaucoup d’autres institutions du pays, les Archives nationales ont connu une naissance difficile, faite d’impréparation et d’improvisation. À l’accession du Gabon à l’indépendance en 1960, une partie des archives de l’ancienne administration coloniale, dites archives de souveraineté et constituant le fonds « Lieutenant-Gouverneur », avait été rapatriée en France ; elle est aujourd’hui conservée au Centre des Archives d’Outre-Mer d’Aix-en-Provence. L’autre partie dut rester sur place et échut aux nouvelles autorités de la jeune république gabonaise. Mais le pays ne disposait pas de structure chargée de la collecte, du traitement et de la conservation des archives. En fait, les colonisateurs partis, ces archives furent laissées à la merci des termites. Hubert Deschamps, qui les a analysées et classées en 1962, décrit fort bien l’état dans lequel elles se trouvaient à cette époque [1]. Visiblement, personne ne semblait s’en soucier, sauf peut-être un coopérant français, conseiller au ministère de l’Éducation nationale, qui se plaignait de l’état piteux dans lequel étaient conservés les documents dans les administrations. Pour ce coopérant, il s’agissait de rassembler ces documents afin de mettre en place une structure documentaire de dimension nationale [2]. De ce fait, il fallut trouver une administration d’attache : ce fut le ministère de la Défense nationale. L’annexion des archives à ce ministère se justifiait par le contexte politique de l’époque, extrêmement agité du fait du paysage multipartisan. De fait, le régime du président Léon Mba voulait avoir le monopole de l’information dans le pays. Cela apparaît nettement au cours d’un remaniement gouvernemental puisque, à cette occasion, les archives furent rattachées à la présidence de la République. Mais celle-ci ne prit pas l’initiative de créer ni un dépôt d’archives, ni une bibliothèque, ni un quelconque centre de documentation, pas plus que celle de former les cadres compétents en la matière. Il fut plutôt institué, le 31 mai 1961, un service dénommé « régie dépôt légal », véritable organe de censure contre la subversion politique. En effet, « ce dépôt légal n’aura pas pour but de permettre l’enrichissement des bibliothèques, mais aura pour mission de combattre la subversion politique de cette époque [3] ».

4 Il en alla ainsi jusqu’en 1969, année où débarqua Gaston Rapontchombo, docteur ès sciences frais émoulu. Le jeune biologiste voulait créer au Gabon un centre d’information sur les ressources forestières, pédologiques, géologiques, océanographiques, topographiques et fluviales. Il rencontra alors le président Bongo pour lui proposer la création du CEIRNAG (Centre d’études et d’informations sur les ressources naturelles du Gabon). Mais son coût exorbitant amena le président à ne pas donner suite au projet. Gaston Rapontchombo ne se découragea pas pour autant. La même année, il présente au président de la République un autre projet, moins coûteux cette fois. Il s’agissait de la création d’une Direction des Archives nationales à laquelle devait être rattachée une Bibliothèque nationale. Gaston Rapontchombo eut cette fois gain de cause : par un décret présidentiel du 11 novembre 1969 furent créées les Archives nationales et la Bibliothèque nationale du Gabon [4]. Naturellement, l’institution fut rattachée à la Présidence de la République et sa direction échut à Gaston Rapontchombo.

5 En prenant ce décret, les décideurs avaient pourtant mis la charrue avant les bœufs. En effet, le gouvernement n’avait pas pensé à doter la nouvelle institution d’un local approprié. Dans l’urgence on dut, pour accueillir les fonds documentaires, installer les Archives nationales dans un vieux bâtiment inapproprié ayant servi tour à tour de cercle des métis sous la coloniale, de cercle des ministres au lendemain de l’indépendance, d’école nationale de police et d’hôpital pour accueillir les enfants biafrais que le Gabon avait reçu par milliers lors de la guerre du Biafra en 1968-1969. Aujourd’hui encore, 35 ans après, le même vieux bâtiment abrite toujours la mémoire de la nation. De même, le gouvernement n’avait pas prévu le personnel qualifié nécessaire pour le bon fonctionnement de la maison. En 1972, Giuseppe Pansini, expert de l’UNESCO envoyé en mission au Gabon, faisait le constat suivant :

« Le service d’archives du Gabon n’a pas de cadres. Le décret présidentiel du 11 novembre 1969 a prévu seulement un directeur du service d’archives et de la bibliothèque nationale, qui à présent est M. Gaston Rapontchombo, docteur ès sciences, sans établir le nombre et les fonctions des employés aux différents niveaux. Par conséquent, il n’est pas possible d’avoir de personnel spécialisé ou qui puisse se spécialiser parce que ceux qui sont à présent affectés aux archives nationales, provenant des bureaux administratifs, n’ont pas de préparation archivistique [5] ».
Il faut attendre les années 80 pour voir arriver les premiers cadres, mais aujourd’hui encore le problème des spécialistes reste entier.

6 Comme on le voit, il s’agit là d’un accouchement difficile. De notre point de vue, cela explique en partie la situation de déliquescence dans laquelle se trouve les Archives nationales, d’autant que les difficultés matérielles et humaines auxquelles faisait face l’institution documentaire à l’époque sont sensiblement demeurées les mêmes jusqu’à ce jour.

Un cadre législatif inadapté

7 De l’avis même du directeur actuel des Archives nationales, il faut « un projet en fait qui doit réorganiser ce service en tenant compte de l’évolution du temps et en tenant compte des réalités sur le terrain [6] ». Autrement dit, les textes régissant les Archives nationales du Gabon sont caducs car ne répondant plus aux préoccupations du moment. Pourtant rien n’est fait. Le directeur parle d’un projet de loi sur les archives qui aurait été adopté au cours d’un conseil des ministres de février 2000 mais qui, jusqu’à ce jour, n’a pas été transmis au parlement gabonais. Preuve, s’il en était besoin, du désintérêt dont est victime l’institution documentaire centrale du pays.

8 En attendant l’arrivée de cette fameuse loi sur les archives, la mémoire de la nation continue donc de fonctionner essentiellement à partir de deux textes sans grands reliefs : celui du 11 novembre 1969 et celui du 30 juin 1980. En effet, le décret du 11 novembre 1969, portant création des Archives nationales et de la Bibliothèque nationale, est un texte fort sommaire et aux contours imprécis. Il crée seulement une Direction des Archives nationales et de la Bibliothèque nationale sans fixer l’armature organisationnelle des deux services. C’est ce qui, du reste, amène Giuseppe Pansini à écrire en 1972 : « Actuellement il n’y a pas de services d’archives au Gabon [7] ». Le décret établit de façon très générale la fonction de la Direction des archives. Celle-ci est chargée :

  • d’organiser et d’administrer la totalité des archives provenant des administrations, des collectivités et des établissements publics de la République gabonaise ;
  • d’effectuer l’inspection technique des archives des préfectures, sous-préfectures et des archives municipales ;
  • de remplir toute autre mission qui pourra lui être confiée par le gouvernement.
Le texte stipule en outre que « Tous les documents dont les services, les collectivités et établissements publics estimeront ne plus avoir besoin, soit pour l’expédition de leurs affaires courantes, soit pour le fonctionnement permanent du service, devront être versés aux Archives nationales [8] ». Afin de mettre ses dispositions en application, un arrêté du 21 août 1970 oblige les administrations, les collectivités et les établissements publics à remettre au directeur des Archives nationales, sur sa demande, les dossiers et documents antérieurs à 1960. Cet arrêté permit ainsi au directeur Gaston Rapontchombo d’entreprendre un périple à travers le pays afin de récupérer les archives laissées dans les départements par l’administration coloniale. Mais, souligne M. Jérôme Angoune Nzoghe, « l’opération ne s’est effectuée qu’une seule fois depuis la création [9] » et n’a concerné que les archives antérieures à 1960. Quant au reste des archives, postérieures à 1960, elles sont restées sur place et sont conservées dans des conditions déplorables. Quand on sait l’intérêt que l’on porte au Gabon aux archives, on peut craindre qu’une grande partie de ces documents soit à jamais perdue pour les chercheurs. Ainsi donc, pendant onze ans, la direction des Archives nationales et de la Bibliothèque nationale a fonctionné sans un texte l’organisant.

9 Il faut attendre 1980 et le décret du 30 juin pour voir l’institution être dotée d’un texte fixant son organisation et ses attributions [10]. Ce décret érige la Direction des Archives nationales et de la Bibliothèque nationale en une Direction générale et prend le nom de Direction générale des Archives nationales, de la Bibliothèque nationale et de la Documentation gabonaise, en abrégé la DGABG. Rattachée à la Présidence de la République, la DGABG comprend trois directions : une direction des Archives nationales, une de la Bibliothèque nationale et une autre de la Documentation gabonaise. Le chapitre iii, consacré aux Archives nationales, montre bien le caractère désuet du texte. En effet, nulle part il ne définit l’organisation de la Direction, l’obligeant de ce fait à un fonctionnement informel. Selon M. Jérôme Angoune Nzoghe, quatre services ont été mis en place pour parer au plus pressé :

  • un service des archives publiques et para-publiques qui conserve toutes les sources documentaires provenant des services centraux, établissements et organismes para-publics et sociétés d’État ;
  • un service des archives provinciales qui conserve et diffuse les archives de toute nature et de tout support provenant des provinces et déposées aux Archives nationales en vertu de l’arrêté du 21 août 1970 concernant les archives antérieures à 1960 ;
  • un service des archives privées qui traite, conserve et diffuse les archives de toute nature et de tout support d’origine privée devenue propriété publique à la suite d’un transfert de propriété, notamment par convention, achat, don, legs ou reproduction autorisée d’originaux ;
  • enfin un service accueil et orientation qui s’occupe de la réception des chercheurs et de la communication des documents.
Une autre incohérence est que le texte crée des Archives provinciales dans les chefs-lieux des provinces. Or, jusqu’à ce jour, aucune structure de ce type n’existe dans le pays. « Les choses tardent à se mettre en place à cause des difficultés de tout genre », lance, pessimiste, le directeur des Archives nationales [11]. En outre, bien que faisant de la direction des Archives nationales une institution autonome sur le plan de l’organisation et du traitement des documents, il reste que le décret du 30 juin 1980 n’en fait pas une entité unique sur le plan budgétaire. Car seul le directeur général de la DGABG est l’administrateur des crédits délégués au titre du budget de l’État pour l’ensemble des services placés sous son autorité. Ce qui évidemment ne laisse aucune marge budgétaire au directeur des Archives, soumis qu’il est à son supérieur hiérarchique pour tout engagement des dépenses.

10 Tout cela montre que le dispositif législatif et administratif ne répond pas – ou plutôt n’a jamais répondu – à la nécessité de doter les Archives nationales d’une armature juridique digne de ce nom. Ce cadre ne présente pas les conditions d’une institution qui se veut la mémoire de la nation. Au contraire, il l’expose à différentes difficultés de fonctionnement.

Des difficultés de fonctionnement

11 La Direction des Archives nationales du Gabon connaît des difficultés de plusieurs ordres. À en croire le professeur Nicolas Metegue N’Nah, « depuis un certain nombre d’années ça va de mal en pis [12] ». Sur le plan financier, le budget alloué aux Archives nationales ne permet pas de couvrir les énormes besoins de l’institution. Des projets, notamment la création des archives provinciales ou la construction d’un nouveau bâtiment pour les Archives nationales, sont jusqu’à ce jour bloqués faute de crédits suffisants. La fourniture en matériel de travail se fait difficilement. Des services entiers ne fonctionnent plus ou fonctionnent à peine par manque de matériel : cartons, chemises, matériel de reliure, produits pour restaurer les documents épuisés ou périmés, machines obsolètes…

12 La Direction des Archives nationales souffre aussi d’une insuffisance d’effectif. On y compte six agents : deux conservateurs dont le directeur, deux archivistes (dont un est actuellement en stage), une secrétaire et un manutentionnaire. Sur cet effectif, deux agents seulement sont affectés au service accueil et orientation du public, mais seul un est qualifié. Se pose là le problème de la qualification des agents qui, le plus souvent, sont formés sur le tas, compte tenu de l’absence de politique de formation de cadres. Évidemment, avec un tel effectif, les Archives nationales remplissent difficilement leurs missions : les fonds sont partiellement traités (cas du fonds Présidence de la République) ou n’ont pas encore été refondus (cas du fonds Eaux et Forêts). Ce problème de personnel est loin d’être résolu car les recrutements sont subordonnés à l’octroi de postes budgétaires par le ministère des Finances. Mais cela est hypothétique, surtout pour un secteur considéré comme non productif.

13 Les instruments de recherche des Archives nationales sont rudimentaires. Le fichier est encore manuel alors qu’un système d’une grande importance au niveau national comme celui-ci devrait être informatisé. Cela aurait le double avantage de faciliter la tâche des agents et de faire gagner du temps aux utilisateurs. Un projet d’informatisation a pourtant été monté, mais là aussi les crédits n’ont pas suivi.

14 En outre, la Direction des Archives nationales est installée dans un bâtiment inapproprié, vétuste et saturé. La vétusté des locaux se fait sentir notamment pendant la saison des pluies : les magasins sont inondés, les compartiments connaissent un affaissement de terrain et l’on remarque des fissures sur les murs, ce qui constitue un danger permanent aussi bien pour le personnel que pour les chercheurs. D’autre part, l’exiguïté des lieux fait qu’il est impossible aujourd’hui d’accueillir et de conserver de nouveaux documents ; les agents sont même obligés d’en éliminer certains.

15 Il faut dire que la position géographique de la Direction des Archives nationales y est aussi pour quelque chose. Située sur le boulevard du bord de mer, elle est constamment frappée par un vent marin salé qui provoque et accélère le phénomène de rouille. Le problème touche particulièrement la climatisation qui tombe régulièrement en panne. Les derniers climatiseurs, tombés en panne il y a deux ans, n’ont pas été remplacés. Et lorsqu’on sait que la chaleur est le pire ennemi du papier, il va sans dire qu’une partie des fonds est détruite par le jaunissement et l’installation des champignons. En outre se trouvant en bordure d’une voie de grand trafic, les salles sont envahies par le bruit des voitures qui gêne les chercheurs dans leur travail.

16 Évidemment, dans un tel climat, le service n’est pas assuré correctement. Les conditions d’accueil sont des plus déplorables : les agents sont fréquemment en retard ou absents. Je me suis amusé à relever, sur un mois, les heures d’arrivées des agents. Les résultats sont catastrophiques : pas une fois les Archives nationales n’ont ouvert à l’heure et les samedis il vaut mieux ne pas s’y rendre car une fois sur quatre elles sont fermées, alors qu’en principe elles ouvrent de 8 heures à 13 heures. En fait, les horaires d’ouverture au public sont très gênants : de 8 h 15 à 12 heures et de 15 heures à 17 h 45 du mardi au vendredi, de 8 heures à 13 heures le samedi. Il n’y a donc pas de permanence entre les deux temps et à midi le chercheur est prié de libérer la salle. En tenant compte des retards, le chercheur n’a en réalité que deux heures de travail dans la matinée et à peine une heure et demi dans l’après-midi. Ce qui constitue quand même une très grosse perte de temps notamment pour celui qui ne dispose que de quelques semaines pour son séjour. Quant aux conditions de conservation, elles sont tout aussi lamentables : dégradation des documents, fiches poussiéreuses, empilement des dossiers, disparition de nombreux documents, titres des fiches ne correspondant pas à ceux des dossiers… Un usager de longue date témoigne de cette mauvaise conservation des archives :

« Je crois que les conditions de conservation sont mauvaises parce que je me souviens à plusieurs reprises, j’ai constaté là-bas que les archives se sont retrouvées dans l’eau (…). En outre, les archives se perdent énormément. Moi j’ai commencé à travailler aux Archives nationales du Gabon en 1975-1976, et bien il m’est pratiquement impossible de retrouver des documents que j’avais eus à cette époque-là [13] ».
En somme, l’institution documentaire centrale du pays est en pleine décrépitude. Elle connaît des disfonctionnements à plusieurs niveaux et, surtout, elle est victime d’un très grand désintérêt dans le paysage social gabonais. Cela tient peut-être à deux facteurs. D’abord à la culture. La société gabonaise est de tradition orale et les gens ne perçoivent pas toujours bien l’importance des archives dans le pays. Du reste, pour ces derniers, ce ne sont que de « vieux papiers ». Ainsi voit-on souvent dans les postes de l’intérieur et même à Libreville dans certaines administrations, les gens sortir des lots de papiers et les brûler comme si cela n’avait aucune importance. J’ai été abasourdi en apprenant qu’à la SNBG (Société Nationale des Bois du Gabon), on brûlait systématiquement tous les documents vieux de dix ans. L’autre élément tient au fait que dans notre pays on accorde peu d’intérêt aux choses de l’esprit. Tout ce qui touche à la culture, à la chose intellectuelle, est négligé. Le pays ne compte ni maison culturelle ni musée.

17 Les archives d’un pays sont sa mémoire. Ce sont elles qui témoignent de l’activité et de la vitalité d’une nation. Ne pas prendre en compte sa mémoire, c’est quelque part s’ignorer soi-même. Mais le gouvernement a des priorités et, malheureusement, les archives n’en sont pas une.

Références

Il existe très peu d’écrits traitant des Archives nationales du Gabon. L’essentiel de la documentation est composée de guides et de brochures à l’usage des utilisateurs.
  • Deschamps H., Traditions orales et archives au Gabon : contribution à l’ethnohistoire, Paris, Berger-Levrault, 1962, 172 p.
  • Maroga Maganga P.-M., La Direction Générale des Archives Nationales, de la Bibliothèque Nationale et de la Documentation Gabonaise : réalités et perspectives, Libreville, CUSPOD, 1986, 61 p.
  • Mifouna J.-.P., « La Direction Générale des Archives Nationales, de la Bibliothèque Nationale et de la Documentation Gabonaise », L’Écluse, Bulletin d’Information et de Liaison de la Banque Internationale d’Information sur les États francophones, vol. 4, n° 1, janvier-mars 1992, p. 15-20.
  • Pansini G., Réorganiser les Archives Nationales, Paris, UNESCO, 1973, 19 p.
  • Sonnet Azize R.-G., Guide des lecteurs et chercheurs des Archives Nationales du Gabon, Libreville, DGABD, 1997 (3ème édition), 31 p.

Notes

  • [*]
    Clotaire Messi Me Nang est doctorant à l’université Paris I Panthéon - Sorbonne.
  • [1]
    H. Deschamps, Traditions orales et archives au Gabon : contribution à l’ethnohistoire, Paris, Berger-Levrault, 1962, p. 143-146.
  • [2]
    J.-P. Mifouna, « La Direction Générale des Archives Nationales, de la Bibliothèque Nationale et de la Documentation Gabonaise », L’Écluse, Bulletin d’Information et de Liaison de la Banque Internationale d’Information sur les États francophones, vol. 4, n° 1, janvier-mars 1992, p. 16.
  • [3]
    J.-P. Mifouna, op. cit., p. 16.
  • [4]
    Décret n° 00866/PR du 11/11/1969 portant création des Archives nationales et de la Bibliothèque nationale, Journal Officiel de la République gabonaise du 15/12/1969, p. 879.
  • [5]
    G. Pansini, Réorganisation des archives nationales. Paris, UNESCO, 1973, p. 5.
  • [6]
    Entretien avec M. Jérôme Angoune Nzoghe, directeur des Archives nationales du Gabon. Libreville, le 16/01/2004.
  • [7]
    G. Pansini, op. cit., p. 3.
  • [8]
    Art. 3 du décret du 11/11/1969 déjà cité.
  • [9]
    Entretien avec M. Jérôme Angoune Nzoghe déjà cité.
  • [10]
    Décret n° 791/PR du 30/06/1980 portant création, organisation et attributions de la Direction générale des Archives nationales, de la Bibliothèque nationale et de la documentation gabonaise, Journal Officiel de la République gabonaise du 15/07/1980, p. 2-9.
  • [11]
    Entretien avec Jérôme Angoune Nzoghe déjà cité.
  • [12]
    Entretien avec M. Nicolas Metegue N’Nah, professeur d’histoire contemporaine de l’Afrique à l’université Omar Bongo, Libreville, le 23/01/2004.
  • [13]
    Entretien avec M. Nicolas Metegue N’Nah déjà cité.

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